N° 637

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 mai 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur « Renseignement et prospective : garder un temps d'avance, conserver une industrie de défense solide et innovante »,

Par MM. Pascal ALLIZARD et Yannick VAUGRENARD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

L'ESSENTIEL

Dans le cadre de la préparation de l'examen de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, le groupe de travail sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » a examiné les priorités qui devront figurer dans ce texte en matière d'innovation de défense et de renseignement et les difficultés d'accès aux financements privés rencontrées par les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD).

Sur la base de ces travaux, Pascal Allizard et Yannick Vaugrenard, rapporteurs, estiment, en premier lieu, que pour conserver une autonomie de décision, les moyens consacrés au renseignement devront croître dans les années à venir. Ils prennent ainsi acte de l'augmentation des crédits inscrite dans le projet de LPM (60 % par rapport à la programmation précédente, lesquels devraient atteindre 5,4 milliards d'euros sur la période 2024-2030). La hausse prévue des effectifs, bien que nécessaire, ne permettra en revanche pas d'atteindre les niveaux de nos voisins allemand et britannique et reste inférieure aux ambitions exprimées par les services.

Par ailleurs, des points de vigilance demeurent, qu'il s'agisse de l'opération de déménagement de la DGSE qui, outre sa dimension immobilière, se traduira par une réforme profonde de ses services, du développement des programmes techniques mutualisés, de la diversification des sources techniques et humaines de renseignement, ou encore du renouvellement des moyens aériens de surveillance et de renseignement, et des télécommunications spatiales.

En deuxième lieu, les rapporteurs considèrent que l'innovation de défense doit demeurer une priorité de la future programmation. Elle joue un rôle déterminant pour garantir la supériorité opérationnelle et l'autonomie stratégique de la France. À cet égard, l'augmentation de plus de 10 % des crédits consacrés aux études amont va dans le bon sens. L'innovation devra en outre passer par une transformation des organisations visant à trouver un juste équilibre entre sophistication technologique et masse, et à favoriser le « passage à l'échelle » (développement du recours aux démonstrateurs, recours à l'ensemble des possibilités offertes par le code de la commande publique et évolution de celui-ci).

Enfin, en troisième lieu, les rapporteurs constatent une persistance des difficultés de financement rencontrées par les entreprises de la BITD, même si la guerre en Ukraine a pu atténuer ce phénomène. Pour lever ces freins, ils formulent 18 recommandations articulées autour de 4 axes :

- établir un diagnostic partagé et objectif des difficultés de financement rencontrées par les entreprises de la BITD,

- encourager les banques à s'engager davantage aux côtés des entreprises du secteur de la défense,

- adopter une attitude plus volontariste au niveau européen,

- renforcer l'accompagnement public des entreprises de la BITD.

I. RENSEIGNEMENT : UNE CROISSANCE NÉCESSAIRE POUR CONSERVER UNE AUTONOMIE DE DÉCISION

Le rapport annexé à la LPM consacre 5 milliards d'euros au domaine du renseignement en application de l'annonce présidentielle d'une augmentation de 60 % des crédits de renseignement au total, dont un doublement des budgets de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). C'est donc plus que la précédente LPM qui prévoyait 3,5 milliards d'euros.

Les rapporteurs émettent plusieurs constats et formulent une recommandation sur la politique des ressources humaines spécifique au renseignement :

· les métiers du renseignement ne devraient plus être en tension dans les 3 à 5 ans à venir, les filières les plus tendues devant rester le cyber et le nucléaire ;

· pour pallier la fuite des contractuels, la direction des ressources humaines des armées propose d'instituer des parcours croisés entre services du premier cercle tout en évitant la concurrence interservices de l'État.

· Il faut ériger en priorité du coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) la mise en application du décret du 4 juillet 2022 lui confiant la coordination interministérielle des politiques de ressources humaines des services de renseignement. Sans empiéter sur les politiques de gestion des ressources humaines propres à chaque service, le CNRLT serait pleinement légitime pour élaborer une politique de ressources humaines interministérielle, en appui de la politique publique du renseignement, afin d'homogénéiser les rémunérations, de construire des parcours professionnels et de mutualiser les formations.

Les thèmes associés à ce dossier