II. UN EFFORT IMPORTANT MAIS AUSSI DES INCERTITUDES ET QUELQUES PARIS POUR L'AVENIR

A. UN EFFORT IMPORTANT CONSTRUIT AUTOUR DU RENOUVELLEMENT DE LA DISSUASION NUCLÉAIRE

1. Un effort important poursuivant celui de la LPM précédente

Les crédits d'équipement ont connu une accélération significative dans le cadre de la LPM actuelle. Entre 2019 et 2023, les crédits du P146 sont passés de 10,9 Md€ à 15,4 Md€ annuels.

Évolution des crédits du P 146 en Md € courants

La LPM 2024-2030 poursuit cette dynamique, pour continuer les grands projets de renouvellement et de modernisation en cours, qui concernent les trois armées.

Les rapporteurs ne sous-estiment pas l'ampleur de l'effort financier proposé, qui permettra le renouvellement de capacités essentielles, telles que les deux composantes de la dissuasion nucléaire, le porte-avions et l'ensemble des flottes de la marine, les capacités de combat de l'armée de terre (SCORPION) etc. Mais le bon séquencement du renouvellement des capacités n'a-t-il pas été perdu, à force de reports et d'étirements des programmes ? Même en consentant un effort significatif, celui-ci reste insuffisant pour non seulement renouveler l'existant en le modernisant, pour conserver notre avance technologique, mais aussi accroître la masse dans le domaine conventionnel après trois décennies de réduction des formats.

LPM 24-30 : une augmentation de 56 % de l'agrégat Équipement
(P146 et autres programmes)

LPM 19-25

LPM 24-30

 
     
2. La dissuasion nucléaire au coeur de la construction de la LPM

Au coeur de cette LPM se trouve la question du renouvellement des deux composantes des capacités de la dissuasion nucléaire, qui sont l'assurance-vie de la nation.

Les besoins financiers à cette fin ne sont pas précisés dans le texte. la LPM 2019-2025 indiquait pour sa part, dans son rapport annexé, que l'effort au profit de la dissuasion s'élèverait à environ 25 Md€ courants sur la période 2019-2023, au sein d'une enveloppe LPM totale de 197,8 Md€ (soit 12,6 %), « afin d'engager le renouvellement des deux composantes tout en garantissant la tenue de la posture permanente de dissuasion ».

En 2023, la dissuasion représente 5,6 Md€, soit 12,8 % du montant de la mission défense (hors pensions). Sur ce montant, les crédits inscrits au P146 représentent 4,65 Md€.

Les crédits de la dissuasion en 2023

Si le rapport annexé au projet de LPM ne précise pas l'enveloppe financière de la dissuasion, il est néanmoins établi que « le pourcentage du budget de la future LPM consacré à la dissuasion devrait probablement rester aux alentours de 12 %.»2(*), ce qui représenterait donc près de 50 Md€ sur la période 2024-2030 soit, en moyenne, 7 Md€/an environ.

Il s'agit, concrètement :

Ø Pour la composante océanique (force océanique stratégique), de préparer la prochaine génération de sous-marins (SNLE 3G à horizon 2035) et de poursuivre les évolutions du missile M51 ;

Ø Pour la composante aéroportée (force aérienne stratégique, force aéronavale nucléaire), qui nécessite de poursuivre l'évolution du Rafale (standard F5) et les travaux sur le Scaf, de mettre en place les missiles ASMP-A rénovés et de préparer la génération suivante de missiles hypervéloces (ASN4G).

Ø De poursuivre aussi la modernisation des transmissions nucléaires, autre volet capital (qui passe par exemple par un travail sur la cryptographie quantique).

La dissuasion est vitale mais son existence ne doit pas conduire à sous-estimer l'importance de la question de la masse dans le domaine conventionnel. Les rapporteurs soulignent la complémentarité des deux approches : les forces conventionnelles épaulent les forces nucléaires dans leur fonction stratégique. Elles permettent de ne pas être confronté trop rapidement au choix du nucléaire, face à une menace de faible ampleur (c'est-à-dire à un « contournement par le bas » de la dissuasion). Les volumes limités de forces induisent, par ailleurs des effets de mutualisation, des capacités telles que le porte-avions et son groupe aéronaval, le Rafale ou encore le MRTT étant par nature polyvalentes. Mais la dissuasion est prioritaire - c'est l'une des conditions de sa crédibilité - ce qui peut gêner la mise en oeuvre des autres fonctions si les moyens sont globalement insuffisants. C'est l'une des questions posées par la réduction à 137 du nombre de Rafale de l'armée de l'air en 2030 (au lieu de 185), alors qu'un certain nombre d'entre eux doivent être consacrés à la tenue, à tout instant, de la posture permanente de dissuasion nucléaire.

Répartition des crédits de l'agrégat équipement
(P146 uniquement) en 2023 (Md€)

 

PEM : programmes à effet majeur (56 %)

DIS : Dissuasion (30%)

AOA : autres opérations d'armement (9 %)

INFRA : infrastructures de défense (4%)

EPA : environnement des programmes d'armement (1%)

Total équipement (P146) 15,4 Mds€


* 2 Audition de M. Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires au CEA, Assemblée nationale, 18 janvier 2023. M. Salvetti ajoutait que « la part de la DAM oscille, d'une année à l'autre, entre 30 % et 40 % ». 

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