C. UN AXE PRIORITAIRE : CRÉER UN SUIVI INDIVIDUALISÉ DES ÉTUDIANTS

Le rapporteur spécial souligne la pertinence de la notion de parcours étudiant et de la volonté de flexibilisation des cursus en licence. Mais il regrette que celle-ci ait été finalement partiellement perdue de vue au cours des premières années d'application de la loi ORE. Comme développé plus haut, les moyens ont été très largement concentrés sur les créations de places de sorte que l'amélioration qualitative voulue par la loi ORE est restée pour l'essentiel secondaire par rapport à la vision quantitative.

Si les réorientations sont de plus en plus nombreuses, elles ne sont pas toujours plus faciles, notamment sur le plan administratif. Quant à la modulation en licence, elle a le plus souvent pris la forme d'un prolongement de la licence en quatre ans, qui ne peut être considéré comme suffisant. France universités a notamment reconnu devant le rapporteur spécial la possibilité « d'aller beaucoup plus loin » sur la personnalisation du parcours d'études, indiquant que « le processus de maturation de la loi ORE est loin d'être achevé »42(*).

En d'autres termes, la loi ORE a partiellement échoué à résoudre son objectif initial oxymorique : accompagner individuellement le plus grand nombre. Elle aura cependant permis d'absorber avec le moins de dommages possible le choc démographique, faisant du premier cycle un bassin de décantation d'un nombre toujours plus grand d'élèves aux profils très divers.

À l'heure actuelle, les effets de la loi ORE n'ont été mesurés qu'au niveau du passage en 2e année de licence. Or, afin d'aller plus loin à l'avenir, la mesure de la réussite étudiante ne peut plus se concentrer sur le seul passage de la L1 à la L2, ou même sur l'obtention de la licence. Elle doit intégrer la modulation croissante des études et les réorientations de plus en plus fréquentes. Elle doit également intégrer la massification de l'accès au master.

Pour ce faire, il est indispensable de faire évoluer le suivi statistique de la loi vers un suivi de cohorte, qui permette d'avoir une vision fine du devenir de l'étudiant tout au long de son parcours dans l'enseignement supérieur. Alors que les premiers étudiants bénéficiant des mesures de la loi ORE viennent d'obtenir leur master, il est regrettable que ce suivi de long terme n'ait pas encore été mis en place.

En conséquence, le rapporteur spécial plaide pour le développement des systèmes d'information afin d'être en mesure de suivre le parcours d'un étudiant au cours de ses études depuis le secondaire, y compris en cas de changement d'établissement.

En particulier, alors que le continuum bac -3 / bac +3 est au coeur de la loi ORE, il n'existe aucune forme de portabilité du dossier de l'élève dans sa transition du secondaire vers le supérieur. Le rapporteur spécial se félicite de la création en cours du dispositif Insersup, qui permet de mesurer l'insertion professionnelle par diplôme, grâce à la mise en corrélation de la déclaration sociale nominative (DSN) avec le numéro de l'identifiant national étudiant (INE) qui permettra également de disposer de suivis de cohorte. Alors que le numéro INE s'étend enfin entre le secondaire et le supérieur, le rapporteur spécial considère qu'il serait souhaitable de mettre en place un système identique à Insersup pour assurer une continuité des données entre le lycée et l'enseignement supérieur.

Le rapporteur spécial est conscient que la mise en place de cette recommandation nécessite une évolution législative, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'opposant, en l'état actuel du droit, à l'interopérabilité des données concernant partiellement des mineurs. Le rapporteur spécial appelle donc à une telle évolution.

Recommandation n° 9 : Créer un véritable suivi de cohorte statistique, par exemple sur la base du numéro INE, du secondaire jusqu'à la fin de l'enseignement supérieur (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - SIES).


* 42 Réponses de France universités au questionnaire du rapporteur spécial.

Les thèmes associés à ce dossier