C. LA SITUATION DANS LE NORD DU KOSOVO À LA SUITE DE L'ATTAQUE RÉCENTE ET LA NÉCESSITÉ D'UNE DÉSESCALALDE
L'intervention de Mme Liliana Tanguy
Monsieur le Président.
Les tensions sont montées de plusieurs crans ces derniers jours entre la Serbie et le Kosovo, notamment autour de la frontière entre les deux pays. Le déclencheur de cette nouvelle détérioration des relations entre la Serbie et le Kosovo est une attaque dans le village de Banjska, au nord du Kosovo. Vous le savez tous, à l'issue de cette fusillade qui s'est produite le 24 septembre, un policier albanais et trois assaillants ont été tués ; il y a aussi eu plusieurs blessés.
Nous, Européens, avons la responsabilité d'apporter notre soutien pour procéder au plus vite à une désescalade de la violence dans cette région de l'Europe. Aujourd'hui, nous le voyons bien, c'est l'accession à l'Union européenne de Belgrade et de Pristina qui est en jeu à cause de ces regains de violence.
Nous, Européens, avons la responsabilité d'accompagner la Serbie et le Kosovo à reprendre le chemin du dialogue et de la paix, pour garantir la stabilité et la sécurité de la région et de l'Europe. Le retour à la normale du niveau des troupes serbes près de la frontière est un signe de bonne volonté de la part de Belgrade de reprendre de manière constructive et responsable le processus de normalisation des relations avec Pristina. Les deux parties doivent au plus vite revenir à la table des négociations pour réengager des discussions sur la base des propositions élaborées par l'Union européenne.
Il faudra du courage politique pour trouver un compromis indispensable à la mise en oeuvre de l'association des municipalités serbes, qui est un engagement pris par le Kosovo dans l'Accord de Bruxelles initié sur proposition de la France et de l'Allemagne. Le renforcement de la présence de la KFOR au Kosovo est aussi une garantie de sécurité et de paix tout au long de la frontière. C'est pourquoi il faut saluer le déploiement récent de la mission de l'OTAN dans le nord du Kosovo, étape indispensable pour obtenir à court terme une accalmie et assurer la protection des habitants, lesquels sont pris en otage par ces tensions nationalistes délétères qui menacent la stabilité dans les Balkans occidentaux, mais également l'unité de l'Europe.
Je vous remercie.
D. L'IDÉOLOGIE D'EXTRÊME DROITE : UN DÉFI POUR LA DÉMOCRATIE ET LES DROITS HUMAINS EN EUROPE
1. L'intervention de M. Bertrand Bouyx
Monsieur le rapporteur,
Mes chers collègues,
« L'idéologie d'extrême droite : un défi pour la démocratie et les droits humains » est un vaste débat qui nous concerne tous. Quand nous entendons « idéologie d'extrême droite », nous avons tendance à nous focaliser sur le mot « extrême droite » et nous avons raison.
Le rapport en donne un début de définition : la croyance en une forme d'inégalité naturelle ou de hiérarchie entre les peuples premièrement, des manifestations de racisme, d'antisémitisme et d'homophobie deuxièmement, et enfin, troisièmement, une croyance en l'autoritarisme, un culte du chef incarnant à lui seul les valeurs dites traditionnelles, croyance écartant toute idée démocratique.
Évidemment, au sein de notre groupe ADLE, nous ne partageons aucune de ces valeurs et nous les combattons. Cela va sans dire, et c'est donc sur le mot « idéologie » que je voudrais revenir.
En effet, partout l'extrême-droite se présente comme la meilleure défenseure de la nation, de son identité, de ses intérêts ; mais partout, à chaque fois qu'il est question de défendre la nation, elle trahit, elle capitule, elle choisit le parti des ennemis.
Pourquoi ce paradoxe, me direz-vous ? Parce que pour elle, face à l'idéologie, la nation, le peuple ne font pas le poids tant elle est fascinée par le culte de l'homme fort, du chef, gardien des traditions. Ce chef qu'elle met systématiquement en balance défavorable avec la démocratie et ses procédures délibératives complexes, elle le vénère quelle que soit sa nationalité.
Les exemples ne manquent pas. Sans remonter à la seconde guerre mondiale, il n'y a qu'à voir quels sont les plus grands soutiens de Vladimir Poutine aujourd'hui ; quels partis bénéficient des largesses ou simplement de la sympathie du pouvoir russe ? Je suis sûr que vous en avez dans chacun de vos pays.
Les élections en Slovaquie nous ont donné le dernier exemple en date : ce sont les partis d'extrême droite, c'est même à cela que l'on peut reconnaître ce type de partis. Pourquoi ? Parce que ces défenseurs autoproclamés de la patrie favorisent en fait ce qui correspond le mieux à leur fantasme : l'homme fort, et cela même si cet homme fort est un ennemi de leur patrie.
J'invite donc nos pays à ne pas se focaliser sur ces partis qui se trompent à chaque fois que l'histoire leur en donne l'occasion, mais plus efficacement à leur retirer le terreau sur lequel ils prospèrent comme la gangrène sur une jambe malade. La lutte n'a rien de spécifique : elle s'appelle bonne gouvernance, inclusivité, démocratie, progrès économiques et sociaux, prise en charge des vraies questions qui se posent à nos sociétés, loin de la pensée magique des tenants de ces idéologies.
Je ne voudrais pas terminer mon allocution sans revenir sur le sort des Arméniens du Haut-Karabakh. Le rapport rappelle à juste titre, je cite, que « les idéologies d'extrême droite englobent et promeuvent des visions xénophobes, racistes et nativistes, incluant d'autres formes d'intolérance ou se revendiquant d'une conviction religieuse ou autre croyance ». Cent-vingt-mille Arméniens ont dû quitter leur terre parce qu'ils n'avaient pas la bonne ethnie, une fois encore en Europe.
À la faveur de ces remarques, je voterai pour la résolution qui nous est soumise.
Merci.
2. L'intervention de M. Didier Marie
Je salue le travail réalisé par M. Samad Seyidov pour traiter de l'idéologie d'extrême droite, menace pour la démocratie mais aussi pour la paix et la stabilité internationale.
Le rapporteur a souhaité se concentrer spécifiquement sur l'idéologie d'extrême droite. Je salue son choix. Sans nier les dangers des mouvements d'ultra gauche, il est indéniable que l'extrême droite est la menace qui connaît l'expansion la plus rapide dans de nombreux pays européens, souvent soutenue par la Russie qui utilise massivement la désinformation et finance des mouvements.
La définition de cette idéologie est importante. Il est essentiel de mettre en avant ses caractéristiques principales : le rejet des valeurs sous-jacentes des démocraties et de l'État de droit, la xénophobie et le rejet des minorités, qu'elles soient ethniques ou de genre.
L'extrême droite progresse. Nous le constatons malheureusement en France, avec la montée d'un parti qui n'a pas renié ses racines et ses discours de haine malgré ses tentatives de dédiabolisation, mais aussi avec l'émergence dans certaines villes de véritables groupes violents, qui ont « surfé » sur la succession de crises que nous avons connues ces dernières années et organisent de véritables « ratonnades ».
Le bilan de cette « idéologie » est terrible sur la dernière décennie. N'oublions pas les fusillades de masse (Utøya, Charlottesville, Christchurch), les assassinats politiques (Jo Cox et Walter Lübcke) et les récents actes d'insurrection qui ont eu lieu dans des démocraties pourtant solidement installées (États-Unis, Brésil...).
Comment répondre à cette expansion ? Il faut combattre l'idéologie d'extrême droite sans relâche :
- dès le plus jeune âge, à l'école en instaurant une sensibilisation à la bienveillance, en enseignant l'histoire, en développant l'esprit critique, en sensibilisant au respect des droits humains, en encourageant la compréhension et la tolérance ;
- en renforçant la coopération et la vigilance transnationale sur ces organisations d'extrême droite. Cette menace doit être prise au sérieux par les services de renseignements et les forces de l'ordre, qui doivent la classer dans la catégorie du terrorisme ;
- en chassant et en sanctionnant les propos factieux, les propos de haine, les propos racistes sur les réseaux sociaux ;
- en prônant des politiques publiques ambitieuses, pour véritablement changer la vie de nos concitoyens, pour ne pas les laisser sombrer dans le pessimisme ambiant et céder aux sirènes de ces mouvements extrémistes : développons des politiques sociales permettant de lutter efficacement contre la précarité !
3. L'intervention de M. Frédéric Mathieu
Ce rapport sur l'extrême-droite pointe dans son paragraphe 11 le risque de l'infiltration d'éléments violents d'extrême-droite dans les rangs des forces de police.
Ce sujet touche particulièrement la France, où très récemment des syndicats de police ont pu déclarer dans un communiqué de presse être « en guerre » contre une partie de la population (qu'ils qualifiaient de « nuisibles »). Ces mêmes syndicats, ont également fortement remis en cause la séparation des pouvoirs et l'état de droit en appelant à « abattre les digues de la Constitution » et scander que « le problème de la Police c'est la Justice » au pied même de l'Assemblée nationale.
Ces agents de Police font la démonstration régulière du danger de l'infiltration de l'extrême-droite.
Je tiens par ailleurs à condamner les propos du Directeur Général de la Police Nationale et du Préfet de Police de Paris, qui ont contesté le placement en détention provisoire de 4 policiers accusés d'avoir passé à tabac un jeune homme. Ces déclarations, qui mettent à mal la séparation des pouvoirs et le travail des magistrats, n'ont malheureusement pas été condamnées par le Ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, certainement commandé par la peur qu'il a des policiers qu'il est censé commander. J'estime qu'il est parfaitement inacceptable que la hiérarchie policière donne un si déplorable exemple à ses agents. Aucun fonctionnaire n'est au-dessus de la loi, chacun doit rendre compte devant les magistrats de ses actes s'ils sont suspectés d'avoir enfreint la loi.
Il faut désormais penser à des dispositifs de contrôle et de sauvegarde. Notre Assemblée devrait se pencher sur la nécessité d'inscrire les principes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales dans les textes déontologiques des forces de sécurité de l'ensemble des États membres. Sur la base de cette inscription, nous pourrions réfléchir à un dispositif de contrôle régulier et aléatoire de l'ensemble des membres des forces de sécurité et de leur adhésion à la défense des droits de l'homme et des libertés fondamentales.