N° 704

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif au métier et aux fonctions des collaborateurs de cabinet en collectivités territoriales,

Par MM. Cédric VIAL et Jérôme DURAIN,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; M. Rémy Pointereau, premier vice-président ; Mme Agnès Canayer, MM. Cédric Vial, Fabien Genet, Mme Corinne Féret, MM. Éric Kerrouche, Gérard Lahellec, Mme Guylène Pantel, MM. Didier Rambaud, Pierre Jean Rochette, Grégory Blanc, vice-présidents ; MM. Jean Pierre Vogel, Laurent Burgoa, Bernard Delcros, Hervé Gillé, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Max Brisson, Mme Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Cédric Chevalier, Thierry Cozic, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Daniel Gueret, Mme Pascale Gruny, MM. Joshua Hochart, Patrice Joly, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Jacques Lozach, Pascal Martin, Jean-Marie Mizzon, Franck Montaugé, Mme Sylviane Noël, MM. Olivier Paccaud, Hervé Reynaud, Jean Yves Roux, Mmes Patricia Schillinger, Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Lucien Stanzione, Jean Marie Vanlerenberghe.

SYNTHÈSE

Les collaborateurs de cabinet 
en collectivités territoriales :

Un rôle essentiel, des missions à clarifier

de M. Cédric VIAL, sénateur de la Savoie (rattaché au groupe Les Républicains)

et M. Jérôme DURAIN, sénateur de la Saône-et-Loire (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain)

Le métier des collaborateurs de cabinet, véritables « travailleurs de l'ombre » et « bras droits » des élus, est relativement méconnu. Pourtant, quel que soit l'engagement politique des élus qui les emploient, ils exercent, aujourd'hui, des fonctions décisives dans la bonne marche des collectivités territoriales et des établissements publics intercommunaux. En effet, ils facilitent l'exercice du mandat de l'autorité politique territoriale, dans le respect des fonctions, elles-aussi essentielles, du Directeur général des services.

Pourtant, les missions du collaborateur de cabinet ne sont précisément définies par aucun texte. Or des questions importantes se posent : quel est le champ d'action d'un collaborateur de cabinet ? Comment qualifier les liens qu'il entretient avec l'autorité territoriale ? Quelle est la portée de l'autorité fonctionnelle que le directeur de cabinet exerce, en pratique, sur certains services de la collectivité ? Quel est l'intérêt pour la collectivité d'une telle autorité et quelle articulation avec les fonctions du Directeur général des services ? Enfin, existe-t-il des critères clairs et précis permettant de distinguer les emplois de cabinet des emplois administratifs permanents ?

D'autres interrogations concernent les effectifs des cabinets. En effet, si le rôle des collaborateurs de cabinet en collectivité est peu défini par les textes, les règles sont, en revanche, précises en matière d'effectif autorisé au sein des cabinets des exécutifs territoriaux. Ainsi, en application du décret du 16 décembre 1987, le nombre des collaborateurs est plafonné, en fonction de la taille de la collectivité. Ce plafond est-il adapté ? Soulève-t-il des difficultés théoriques et pratiques ?

Adopté le 25 juin 2024, le rapport formule 5 recommandations visant à clarifier et sécuriser le rôle et les missions essentielles des collaborateurs de cabinet.

1. LE MÉTIER DE COLLABORATEURS DE CABINET EN COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN RÔLE ESSENTIEL DONT LES MISSIONS NE SONT DÉFINIES PAR AUCUN TEXTE

A. Un lien très étroit avec l'autorité territoriale

Ø Les collaborateurs de cabinet jouent un rôle méconnu mais essentiel auprès des exécutifs locaux. Ils assistent, accompagnent, conseillent, relaient et représentent l'autorité politique territoriale.

Par ailleurs, ils :

-   participent à l'élaboration de la stratégie de la collectivité ;

-   veillent à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie ;

-   concourent à la promotion de la collectivité et de son action.

B. Une distinction avec les emplois permanents de la collectivité


Un collaborateur de cabinet se distingue par le caractère temporaire de son emploi. Recruté pour accompagner la mandature d'un élu, il voit ses fonctions s'achever en même temps que le mandat de son autorité politique territoriale.

Un collaborateur de cabinet ne peut donc pas être affecté à un emploi permanent.

2. LES CONSÉQUENCES D'UNE REQUALIFICATION D'EMPLOIS ADMINISTRATIFS EN EMPLOIS DE CABINET OU RÉCIPROQUEMENT

A. L'office du juge administratif

Le juge administratif peut annuler une délibération d'une collectivité soumettant certains emplois au statut des emplois du cabinet, s'il s'avère que ces emplois relèvent d'un poste administratif permanent.

B. Les contrôles des chambres régionales et territoriales des comptes (CRC)

ð de nombreux acteurs locaux ressentent, depuis un certain temps, une attention croissante des CRC sur ces questions, certains évoquant même un « changement de doctrine » des CRC, quoique non objectivable.

C. Le risque de qualification pénale de « détournement de fonds publics »

Le code pénal ne prévoit pas d'infraction spécifique sanctionnant le non-respect du nombre maximum d'emplois de cabinet. Le 29 mars 2023, le tribunal correctionnel de Paris a condamné un élu et un directeur de cabinet pour détournement de fonds publics.

D. Un faisceau d'indices pour distinguer les emplois administratifs des emplois de cabinet

La juridiction répressive a retenu trois critères cumulatifs pour tracer la frontière entre emplois administratifs permanents et emplois de cabinet :

- Qui recrute ces agents ?

- Quelle est la nature (politique ou administrative) des travaux qu'ils exécutent et, en cas de nature hybride, quels sont les temps qu'ils consacrent à ces deux types de travaux ?

- Qui contrôle leur travail et qui les évalue ?

Le rapport rassemble, dans un souci d'intelligibilité et d'accessibilité, les dix caractéristiques principales du métier de collaborateur de cabinet, telles qu'elles ressortent des textes et de la jurisprudence. Étonnamment, ce travail « pédagogique » de recensement n'avait jamais été réalisé.

3. LES 5 RECOMMANDATIONS

RECOMMANDATION n°1 : Consacrer dans la loi les missions essentielles du collaborateur de cabinet

La mission recommande de clarifier dans la loi les missions générales dévolues au collaborateur de cabinet et son lien étroit avec le chef de l'exécutif : le collaborateur de cabinet assiste, accompagne, conseille, relaie et représente l'autorité politique territoriale. Par ailleurs, il participe à l'élaboration de la stratégie de la collectivité, veille à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie et concourt à la promotion de la collectivité et de son action.

RECOMMANDATION n°2 : Consacrer la possibilité d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur certains services

Ø Les directeurs de cabinet peuvent être amenés à exercer une autorité fonctionnelle sur les services, comme c'est déjà fréquemment le cas pour la communication et le protocole. Le ministère de l'Intérieur a reconnu cette pratique dans une réponse à un sénateur le 24 janvier 2024.

Ø Cette pratique se justifie par la nécessité de garantir une plus grande réactivité et davantage d'efficacité et de fluidité dans la chaîne de décision.

Cette pratique n'est toutefois pas dénuée d'ambiguïté. C'est pourquoi la mission recommande de :

· reconnaître dans la loi que les directeurs de cabinet peuvent exercer une autorité fonctionnelle directe sur certains services, dans le respect de l'autorité hiérarchique du DGS sur les agents. Il ne paraît pas opportun d'exclure, a priori, tel ou tel service de l'exercice de cette autorité fonctionnelle ponctuelle, dans la mesure où elle résulte des choix politiques et des circonstances locales ;

· renvoyer à l'autorité politique territoriale le soin de définir le périmètre et l'objectif de l'autorité fonctionnelle, propre à l'organisation interne de chaque collectivité. Cette consécration législative permettrait de conférer une base légale solide à cette pratique.

RECOMMANDATION n°3 : Repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités

Les membres de l'exécutif des grandes collectivités (régions, départements et communes d'une certaine taille) ainsi que ceux des grandes intercommunalités jouent un rôle politique important. Il paraît donc légitime qu'ils soient accompagnés dans l'exercice de leurs fonctions.

La question se pose notamment pour les vice-présidents de régions, compte tenu de la taille des grandes régions, de l'envergure des délégations que certains vice-présidents reçoivent du président, des montants financiers en cause et de leur niveau de responsabilité. En pratique, certains vice-présidents de région sont épaulés par des chargés de mission issus des services ou par des collaborateurs de groupes d'élu.

Toutefois, aucun texte ne semble permettre expressément de doter les vice-présidents ou adjoints des plus grandes collectivités de collaborateurs de cabinet dédiés, alors que le décret précité de 1987 prévoit, lui, que le président du conseil régional peut mettre à la disposition du président du conseil économique, social et environnemental régional un ou plusieurs collaborateurs de son cabinet.

La mission recommande donc de clarifier la situation afin de repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités.

RECOMMANDATION n°4 : Remédier à l'impossibilité actuelle de pourvoir au remplacement d'un collaborateur durablement absent

Ø Les plafonds du décret précité de 1987 ne permettent pas l'ouverture d'un poste supplémentaire pour réaliser la mission en lieu et place du collaborateur absent pour cause de congé (maternité, parental, maladie...).

Ø Ainsi, en cas de plafond atteint, la collectivité n'a pas la possibilité de recruter un collaborateur de cabinet supplémentaire pendant la durée d'indisponibilité de l'agent concerné, alors qu'elle peut procéder à un tel remplacement pour un emploi permanent. Pourtant, cette indisponibilité peut durer parfois des années, dans le cas, par exemple, d'un congé maternité suivi d'un congé parental pour plusieurs enfants.

Ainsi, la délégation recommande d'assouplir sur ce point le plafond des collaborateurs de cabinet.

RECOMMANDATION n°5 : Sécuriser l'organisation et la gestion des cabinets mutualisés

Dans sa rédaction actuelle, le décret précité de 1987 ne prévoit pas le cas d'un cabinet mutualisé entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Cette mutualisation peut pourtant, dans certaines circonstances et selon les volontés politiques locales, présenter un intérêt certain et contribuer à l'efficacité de l'action publique locale.

La mission invite ainsi le pouvoir réglementaire à assouplir le décret précité de 1987 en permettant un cumul des deux plafonds d'emplois, étant précisé qu'il appartiendrait naturellement à la commune et à son EPCI de définir, par convention, les règles de fonctionnement ainsi que la répartition des postes de cabinet entre la commune et son EPCI.

LES 5 RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support/action

1

Consacrer dans la loi les missions essentielles du collaborateur de cabinet

Parlement et Gouvernement

6 mois

Code général de la fonction publique

2

Consacrer dans la loi la possibilité d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur certains services

Parlement et Gouvernement

6 mois

Code général de la fonction publique

3

Repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités

Parlement et Gouvernement

12 mois

Code général de la fonction publique et décret du 16 décembre 1987

4

Remédier à l'impossibilité actuelle de pourvoir au remplacement d'un collaborateur durablement absent

Gouvernement (ministère en charge des collectivités territoriales)

6 mois

Code général de la fonction publique et décret du 16 décembre 1987

5

Sécuriser l'organisation et la gestion des cabinets mutualisés

Gouvernement (ministère en charge des collectivités territoriales)

6 mois

Décret du 16 décembre 1987

AVANT-PROPOS

Après ses travaux sur les secrétaires de mairie et sur le statut de l'élu local, la délégation aux collectivités territoriales a souhaité porter son attention sur les collaborateurs de cabinet en collectivités territoriales.

Elle ne s'est pas donné pour objectif de traiter les questions statutaires de ces agents (retraite, protection sociale, rémunération, contrat...), ces questions n'étant pas, à ce stade, consensuelles.

Les travaux de la mission flash se sont articulés autour de deux grands axes :

- le premier concerne les enjeux et contours du métier de collaborateur de cabinet en collectivités territoriales. Les missions de ce métier, essentiel quoique relativement méconnu, ne sont précisément définies par aucun texte. Or des questions importantes se posent : quel est le champ d'action d'un collaborateur de cabinet ? Comment qualifier les liens qu'il entretient avec l'autorité territoriale ? Quelle est la portée de l'autorité fonctionnelle que le directeur de cabinet exerce, en pratique, sur certains services de la collectivité ? Quel est l'intérêt pour la collectivité d'une telle autorité et quelle articulation avec les fonctions du Directeur général des services ? Enfin, existe-t-il des critères clairs et précis permettant de distinguer les emplois de cabinet des emplois administratifs ? Cette distinction apparaît en effet essentielle dans la mesure où la requalification d'emplois administratifs en emplois de cabinet est susceptible d'avoir des conséquences pénales et financières, comme l'illustre la décision du tribunal correctionnel de Paris en date du 29 mars 2023, faisant suite à un contrôle d'une chambre régionale des comptes ;

- le second axe de la mission concerne la question des effectifs autorisés. En effet, si le rôle des collaborateurs de cabinet en collectivité est peu défini par les textes, les règles sont, en revanche, précises en matière d'effectif autorisé au sein des cabinets des exécutifs territoriaux. Ainsi, en application du décret du 16 décembre 19871(*), le nombre des collaborateurs est plafonné, en fonction de la taille de la collectivité. Ce plafond est-il adapté ? Soulève-t-il des difficultés théoriques et pratiques ?

I. LE MÉTIER DE COLLABORATEURS DE CABINET EN COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN RÔLE ESSENTIEL DONT LES MISSIONS NE SONT DÉFINIES PAR AUCUN TEXTE

1. Un lien très étroit avec l'autorité territoriale

Les collaborateurs de cabinet jouent un rôle méconnu mais essentiel auprès des exécutifs locaux.

En effet, ils assistent, accompagnent, conseillent, relaient et représentent l'autorité territoriale.

Ces agents :

- participent à l'élaboration de la stratégie de la collectivité ;

- veillent à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie ;

- concourent à la promotion de la collectivité et de son action.

Véritables « bras droits » des élus, les collaborateurs de cabinet doivent faire preuve d'une très grande polyvalence tant leurs tâches peuvent être variées : rédaction de notes et de projets de discours, suivi politique de certains secteurs, représentation des élus à des réunions...

Toutefois, les fonctions précises des emplois de cabinet ne sont, à l'heure actuelle, définies par aucun texte. En effet, le législateur a fait le choix, jusqu'à présent, de mentionner uniquement les liens de subordination unissant le collaborateur de cabinet à l'autorité territoriale. Ainsi, le code général de la fonction publique (CGFP)2(*) dispose que :

- « pour former son cabinet, l'autorité territoriale d'une collectivité peut librement recruter3(*) un ou plusieurs collaborateurs et mettre librement fin à leurs fonctions » (art L333-1)4(*) ;

- « les collaborateurs de cabinet ne rendent compte qu'à l'autorité territoriale auprès de laquelle ils sont placés laquelle décide des conditions et des modalités d'exécution du service accompli auprès d'elle » (art L333-10).

Suivant cette logique, le pouvoir réglementaire a apporté une double précision :

- c'est la décision par laquelle un collaborateur de cabinet est recruté qui détermine, les fonctions exercées par l'intéressé5(*), (article 5 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987). Recruté intuitu personae par un choix discrétionnaire, le collaborateur voit donc ses missions définies dans son contrat de travail ;

- c'est cette même décision qui détermine le montant de sa rémunération ainsi que les éléments qui servent à la déterminer, étant précisé qu'un collaborateur de cabinet peut percevoir « une rémunération bien supérieure à celle à laquelle qu'aurait pu prétendre un agent titulaire » pour les mêmes fonctions (CE 26 mai 2008 n°288104) ; toutefois, un collaborateur de cabinet est soumis à un plafond précisé par l'article 7 du décret précité de 1987 : le montant de sa rémunération ne peut être supérieur à 90 % du montant maximum de la rémunération instituée par l'assemblée délibérante et servi au fonctionnaire de l'emploi fonctionnel de direction le plus élevé ou du grade administratif le plus élevé de la collectivité ;

- les fonctions de collaborateur de cabinet prennent fin pour rupture du lien de confiance, et au plus tard en même temps que le mandat de l'autorité territoriale qui l'a recruté (article 6 du même décret).

La jurisprudence est allée dans le même sens en mettant en avant la relation étroite entre le collaborateur et l'autorité territoriale ; le Conseil d'Etat a ainsi établi que les fonctions de collaborateurs de cabinet requièrent nécessairement :

- un engagement personnel et déclaré au service des principes et objectifs guidant l'action politique de l'autorité territoriale, auquel le principe de neutralité des agents publics dans l'exercice de leurs fonctions fait normalement obstacle ;

- une participation directe ou indirecte à l'activité politique de l'élu ;

- un rapport de confiance particulièrement étroit avec ce dernier, relation « d'une nature différente de celle résultant de la subordination hiérarchique de l'agent à l'égard de son supérieur »6(*).

Il ressort de ce qui précède que ni les textes ni la jurisprudence n'ont fixé une liste de travaux qui seraient, par nature, ceux d'un collaborateur de cabinet. En revanche, le droit positif et les juges ont défini ces agents par leur lien et leur proximité avec l'autorité territoriale.

2. Une distinction avec les emplois permanents de la collectivité

Si le choix a été fait de ne pas définir, par la loi ou le règlement, le périmètre des missions du collaborateur, le pouvoir réglementaire a lui, précisé, que la qualité de collaborateur de cabinet est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent au sein de la collectivité territoriale (article 2 du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987). Autrement dit, à défaut de préciser ce que fait le collaborateur, les textes disent, en creux, ce qu'il ne fait pas : ainsi, les emplois de collaborateurs de cabinet, précaire et révocables ad nutum, se distinguent des fonctions purement administratives, qui reposent, eux, sur des emplois permanents répondant à des besoins permanents de la collectivité, dans le cadre des missions de service public.

Il résulte de cette distinction qu'il n'est pas possible de cumuler les fonctions de directeur de cabinet et de directeur général des services. Il n'est pas davantage possible d'exercer à la fois les fonctions de directeur de cabinet et de directeur de la communication. En revanche, un cabinet peut naturellement comprendre un conseiller communication mais il est alors comptabilisé dans le plafond des collaborateurs (cf infra).

3. Le plafonnement du nombre d'emplois de cabinet

Si le métier de collaborateur de cabinet en collectivité est peu défini par les textes, comme indiqué supra, les règles sont, en revanche, précises en matière d'effectif autorisé au sein des cabinets des exécutifs territoriaux. Ainsi, en application du décret précité du 16 décembre 19877(*), le nombre des collaborateurs est plafonné, en fonction de la taille de la collectivité, étant précisé que toutes les collectivités peuvent créer au moins un emploi de cabinet, quelle que soit leur importance.

À titre d'exemples :

- pour une commune de 100 000 habitants, l'effectif maximum des collaborateurs du cabinet d'un maire est fixé à quatre personnes ;

- pour un département de 800 000 habitants, l'effectif maximum des collaborateurs du cabinet d'un président de conseil départemental est fixé à huit personnes ;

- pour une région de 3 millions d'habitants, l'effectif maximum des collaborateurs du cabinet d'un président de conseil régional est fixé à dix personnes8(*).

Les agents chargés de fonctions d'exécution ou fonctions support, tels que les assistants, chauffeurs et huissiers ne sont pas, sauf recrutement spécifique, des emplois de cabinet. Ils n'entrent donc pas dans le plafond réglementaire. En effet, la jurisprudence considère qu'ils correspondent à un besoin permanent de la collectivité (CE, 26 mai 2008, n° 288104 et CE, 26 janvier 2011). Les chambres régionales des comptes appliquent cette jurisprudence, ainsi que l'illustre le rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) d'Île-de-France en 2017 : « la jurisprudence considère de façon constante qu'à défaut d'éléments concourant à les qualifier comme tels, les agents chargés de fonction de secrétariat ne devaient pas être considérés comme des collaborateurs de cabinet. À ce titre, et à l'exception de l'assistante particulière de la maire, recrutée explicitement sur contrat de l'article 110 et déjà comptabilisée par la chambre à ce titre, les assistants et secrétaires ne doivent pas être considérés comme des collaborateurs de cabinet. »9(*).

À l'inverse, les chargés de mission remplissent des tâches qualifiées d'aide à la décision politique. La CRC d'Île-de-France les considère donc comme des emplois de cabinet devant intégrer le plafond, lorsque le faisceau d'indices, mentionné infra, est concluant10(*).

II. LES CONSÉQUENCES D'UNE REQUALIFICATION D'EMPLOIS ADMINISTRATIFS EN EMPLOIS DE CABINET OU RÉCIPROQUEMENT

1. L'office du juge administratif

En premier lieu, l'analyse de la jurisprudence administrative renseigne sur quelques conséquences possibles d'une requalification d'emplois administratifs en emplois de cabinets ou réciproquement.

Ainsi, on peut souligner le risque d'une annulation par le juge administratif d'une délibération d'une collectivité soumettant certains emplois au statut des emplois du cabinet, s'il s'avère que ces emplois relèvent d'un poste administratif permanent ( Conseil d'État, 26 janvier 2011, n° 329237).

À l'inverse, si le juge administratif requalifie un emploi de cabinet en emploi administratif, la collectivité s'expose, en cas de licenciement, à une injonction du juge adressée à la collectivité de réintégrer l'agent dans ses anciennes fonctions ainsi qu'à une condamnation à verser une indemnité en réparation du préjudice subi par le licenciement (voir par exemple TA Cergy-Pontoise, 17 nov. 2016, n° 1409184).

2. Les contrôles des chambres régionales et territoriales des comptes

Sur le fondement de l'article L. 211-3 du code des juridictions financières qui prévoit un contrôle de la régularité de la gestion des collectivités territoriales, les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) vérifient que les modalités de recrutement et le nombre de collaborateurs de cabinet respectent à la fois la réglementation et les autorisations délivrées par les assemblées délibérantes.

Selon l'association des présidents et vice-présidents des CRTC, les diligences des chambres relatives aux emplois de cabinet portent régulièrement sur :

- le respect du nombre d'emplois de cabinet en fonction de la catégorie et de la strate de collectivité ;

- la distinction entre emplois de cabinet et emplois administratifs permanents et la requalification éventuelle des seconds en premiers ;

- le respect du rattachement de tous les services administratifs au directeur général des services.

Selon l'association précitée, les chambres sont « appelées à constater que certains emplois, bien que présentés comme des emplois permanents occupés par des fonctionnaires ou des contractuels, même situés au sein de la hiérarchie administrative de la collectivité, sont en réalité des emplois de collaborateurs de cabinet ». Pour retenir la nature politique d'un emploi, quel que soit son rattachement « apparent » dans l'organigramme officiel, les CRTC se déterminent en fonction des tâches suivantes : organisation de l'agenda des élus avec lesquels les agents collaborent ; obtention d'éléments auprès des services relatifs aux dispositifs et aux politiques publiques afin de suivre leur mise en oeuvre, d'en référer à l'élu ou de préparer la décision politique ; sollicitation de services au nom de l'élu à la suite de la saisine d'un usager ou d'un partenaire, fonctions d'interlocuteurs du cabinet de la présidence concernant les dossiers pilotés par leur élu de référence, production de notes préparatoires à des réunions comportant des analyses politiques des enjeux et de fiches de presse avec orientation politique marquée, rédaction de discours pour les élus...

Si la CRTC estime qu'une collectivité ne respecte pas ces règles relatives aux emplois de cabinet, elle peut :

- formuler des observations publiques ;

- adresser un signalement au procureur de la République11(*).

Ainsi, par une note datée du 26 juillet 2017, la Chambre régionale des comptes d'Île-de-France informait le procureur de la République de Créteil que « lors de l'examen de la gestion du département du Val-de-Marne au titre des exercices 2011 à 2015, la CRTC d'Île-de-France a constaté des faits susceptibles d'être qualifiés de détournement de fonds publics »12(*). Une enquête a ensuite été ouverte par le parquet national financier (PNF).  

Lors des auditions, vos rapporteurs ont souhaité savoir s'il existait des statistiques sur l'évolution, depuis une dizaine d'années, du nombre de contrôles de CRC portant sur le respect du plafond des collaborateurs de cabinet. Ni la DGCL ni l'Association des présidents et vice-présidents de CRC n'ont été en mesure de fournir de tels éléments chiffrés. Vos rapporteurs soulignent toutefois que de nombreux acteurs locaux (élus, collaborateurs de cabinet, fonctionnaires...) ressentent, depuis un certain temps, une attention croissante de quelques CRC sur ces questions, certains évoquant même un « changement de doctrine » des CRC, quoique non objectivable. Toujours est-il que les relevés d'observations provisoires des CRC semblent conduire très souvent à des changements d'organisation au sein des collectivités contrôlées.

3. Le risque de qualification pénale de « détournement de fonds publics »

Il n'existe pas à l'heure actuelle, dans le code pénal, d'infraction spécifique sanctionnant le non-respect du nombre maximum d'emplois de cabinet, fixé par le décret précité de 1987.

La CRC d'Île-de-France a estimé que les faits constatés dans le département du pouvaient recevoir la qualification de détournement de fonds publics. Cette infraction est ainsi définie à l'article 432-15 du code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit de l'infraction ».

Sur ce fondement pénal, le 29 mars 2023, le tribunal correctionnel de Paris a condamné l'ancien président du conseil départemental du Val-de-Marne ainsi que son directeur de cabinet à une peine d'amende respectivement de 10 000 € et 8 000 €. Le tribunal a estimé qu'ils avaient « détourné, à des fins politiques, vingt-neuf emplois administratifs » du département, ce qui leur avait permis « d'employer davantage d'emplois de cabinet que ce que la loi13(*) permet ». Les juges ont ainsi estimé que cette situation avait « faussé partiellement le fonctionnement du système démocratique local, en donnant des moyens supplémentaires, non prévus par la loi, à cet élu pour l'exercice de son mandat ».

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation14(*), le tribunal correctionnel a considéré que l'élément intentionnel se limitait à la seule conscience de méconnaître les règles en matière de plafonnement d'emplois de cabinet. En d'autres termes, les juges considèrent que l'élément intentionnel du délit est constitué lorsque c'est sciemment que les prévenus ont enfreint la loi. Selon la juridiction, ils ont « par leur participation même aux faits qui leur sont reprochés, ont eu pleine connaissance des conditions de recrutement, d'emploi et d'évaluation des 29 agents administratifs mentionnés dans la prévention ». Le tribunal ajoute qu'au surplus les prévenus étaient « des personnes ayant une longue expérience des choses politiques et administratives propres à ce département ».

Ce jugement a suscité un certain émoi parmi les élus et les collaborateurs de cabinet même si le jugement était isolé et rendu par une juridiction de première instance15(*) et qu'en outre, la situation du Val-de-Marne était atypique. Cette réaction résulte de quatre facteurs principaux :

- il semble que cette condamnation n'ait pas de précédent pour des faits similaires ;

- de nombreuses personnes, lors des auditions, ont estimé « infamante » la qualification, retenue par la juridiction pénale, de « détournement de fonds publics », car attentatoire à l'honneur et à la réputation des personnes condamnées : en effet, cette qualification pourrait laisser accroire que ces dernières se sont vu reprocher par les juges un enrichissement personnel ou des emplois fictifs, ce qui n'est pas le cas16(*) ;

- si le tribunal estime « qu'il n'y a pas lieu de prononcer une peine d'emprisonnement contre [le président du département et le directeur de cabinet], même assorti totalement du sursis simple, ni une peine d'inéligibilité, et qu'une peine d'amende est la sanction la plus adaptée », c'est notamment lié au fait que le président « âgé de 72 ans, n'exerce plus aucun mandat politique depuis 2021 » et qu'ainsi « le risque de récidive, pour des faits similaires, apparaît très faible » ; quant au directeur de cabinet, le jugement précise qu'il a été placé « en congé spécial depuis le 1er septembre 2022 pour une durée maximale de cinq ans ; il sera admis d'office à la retraite au plus tard au terme de ce congé, en application des dispositions du code général de la fonction publique ». On peut donc en déduire que si, au moment du jugement, l'élu avait continué à exercer un mandat politique ou si le directeur de cabinet avait encore été en activité, les sanctions pénales auraient pu être plus lourdes : en particulier, l'élu aurait pu être frappé d'une peine d'inéligibilité ;

- enfin, les inquiétudes résultent de ce qu'il est établi que les emplois litigieux servaient, au moins dans une certaine mesure, l'intérêt général de la collectivité. En effet, comme le note le jugement, les emplois litigieux étaient « pour partie utiles au département dans la mesure où ces agents étaient parfois, pour le compte de leur élu, les correspondants de l'administration départementale. Ils permettaient ainsi à cette administration de mieux comprendre l'enjeu politique sous-jacent de la demande d'informations que l'élu leur adressait sur un sujet relevant de sa délégation de fonctions. En sens inverse, les collaborateurs d'élu simplifiaient et, le cas échéant, reformulaient au regard du besoin politique de leur élu, la réponse de l'administration, surtout lorsqu'elle revêtait un caractère technique ».

4. Un faisceau d'indices pour distinguer les emplois administratifs des emplois de cabinet

Dans sa décision précitée du 29 mars 2023, le tribunal correctionnel de Paris s'est fondé sur un faisceau d'indices pour déterminer la qualification des emplois litigieux. Reprenant la jurisprudence administrative, la juridiction répressive a ainsi retenu trois critères cumulatifs :

- le processus du recrutement des agents concernés ;

- la nature (politique ou administrative) des travaux qu'ils exécutent et, en cas de nature hybride, les temps qu'ils consacrent à ces deux types de travaux ;

- l'identité de l'autorité en charge du contrôle effectif de leur travail et de leur évaluation annuelle.

Le tribunal a considéré que les « emplois administratifs sont créés exclusivement pour l'exercice par le département de ses compétences, dans l'intérêt général, notamment de ses missions de service public. Dès lors, des emplois administratifs doivent être regardés comme détournés de cette finalité lorsque, hors des cas prévus par la loi, le recrutement, les missions et l'évaluation des agents les occupant, soustraits à la hiérarchie administrative, relèvent exclusivement de l'autorité politique, de ses collaborateurs de cabinet ou des élus départementaux disposant d'une délégation de fonctions de cette autorité ».

La juridiction ajoute que « ces agents étaient rémunérés par cette collectivité territoriale pour un temps de travail plein alors qu'ils étaient au service exclusif d'élus départementaux pour l'exercice de leurs fonctions ».

5. Le maintien de l'autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur certains services

Le directeur de cabinet exerce, par définition, une autorité pleine et entière sur l'ensemble des collaborateurs du cabinet qu'il dirige.

Exerce-t-il également, en pratique, une autorité fonctionnelle sur tout ou partie des services de la collectivité ?

Interrogé par un Sénateur sur la portée de la condamnation pénale mentionnée supra, le ministère en charge des collectivités17(*) a indiqué : « en l'état du droit, rien n'interdit par principe la mise en place d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur les services de la collectivité qui concourent, malgré leur caractère de services administratifs, à l'exercice des missions de l'élu. Il en va ainsi des services de communication, en tant qu'ils peuvent concourir à la fois à la communication institutionnelle de la collectivité ainsi qu'à celle, de nature plus politique, propre à l'action de l'autorité territoriale, ou encore du secrétariat de l'autorité territoriale ou des services du protocole, en tant qu'ils concourent à satisfaire la double nature, administrative et politique, des missions d'une autorité territoriale ».

Le ministère ajoute que la décision précitée « ne semble pas devoir être lue comme excluant en principe l'exercice d'une autorité fonctionnelle [du cabinet] sur certains services de la collectivité ».

Le schéma ci-dessous illustre la « coexistence » de ces deux autorités, hiérarchique et fonctionnelle, au sein d'une collectivité, telle qu'elle semble résulter de la position du gouvernement.

Dans certains cas et en fonction des relations entre le directeur de cabinet et le DGS, cette coexistence peut s'avérer délicate, voire source de tensions, d'autant que cette autorité fonctionnelle n'est explicitée par aucun texte et que la réponse ministérielle précitée ne la définit pas davantage.

Schéma de l'autorité fonctionnelle
(position du gouvernement)

Source : délégation du Sénat aux collectivités territoriales

* * *

Comme indiqué plus haut, ni le législateur ni le pouvoir réglementaire n'ont, jusqu'à présent, fixé une liste de travaux qui seraient, par nature, ceux d'un collaborateur de cabinet. La définition des tâches relève actuellement de l'acte de nomination du collaborateur de cabinet car le contenu des missions dépend de la taille de la collectivité, des priorités politiques des élus et des circonstances locales.

Il est toutefois essentiel - et c'était l'un des objectifs de la présente mission - de rassembler, dans un souci d'intelligibilité et d'accessibilité, les caractéristiques principales du métier de collaborateur de cabinet, telles qu'elles ressortent des textes et de la jurisprudence. Étonnamment, ce travail « pédagogique » de recensement n'a jamais été réalisé.

Il s'avère pourtant que ces caractéristiques sont largement méconnues des acteurs locaux et que nombre d'entre eux ont une appréciation erronée du rôle et des fonctions du cabinet. En outre, le faisceau d'indices, évoqué précédemment, ne paraît pas suffisamment précis et discriminant, en ce sens qu'il ne permet pas de tracer une frontière claire entre l'emploi de cabinet et l'emploi administratif permanent.

Vos rapporteurs ont donc souhaité regrouper ces caractéristiques dans l'encadré ci-dessous ; ils invitent le gouvernement et toutes les associations concernées à les diffuser largement, dans l'objectif de mieux faire connaître la « grandeur et les servitudes » du métier de collaborateur de cabinet.

Les 10 caractéristiques actuelles du métier de collaborateur de cabinet
en collectivité territoriale
(synthèse des textes et de la jurisprudence)

1. le collaborateur de cabinet assiste, accompagne, conseille, relaie et représente l'autorité territoriale. Par ailleurs, il participe à l'élaboration de la stratégie de la collectivité, veille à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie et concourt à la promotion de la collectivité et de son action ;

2. il n'occupe pas, en principe, des fonctions d'exécution ou des fonctions support : ainsi, les assistants, chauffeurs et huissiers ne sont pas, sauf recrutement spécifique, des emplois de cabinet ;

3. il occupe un emploi, non permanent, hors de la hiérarchie administrative de la collectivité ;

4. il est recruté intuitu personae, sur contrat, selon un choix discrétionnaire de l'autorité territoriale ; ainsi, le recrutement d'un collaborateur de cabinet ne suit pas les procédures règlementaires applicables au recrutement d'un agent contractuel de la fonction publique territoriale. Par ailleurs, ce recrutement n'ouvre aucun droit à être titularisé dans un grade de la fonction publique territoriale ;

5. il se trouve dans une relation de confiance personnelle et de loyauté à l'égard de l'autorité territoriale ;

6. il n'est pas soumis au principe de neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions ;

7. il voit ses missions et sa rémunération définies librement, dans la limite d'un plafond réglementaire, uniquement par l'autorité territoriale, en fonction des choix et priorités politiques fixés par celle-ci ainsi que de son budget et des circonstances locales ;

8. il est évalué uniquement par l'autorité territoriale ;

9. il reçoit ses instructions uniquement de l'autorité territoriale et ne rend compte qu'à cette dernière, laquelle décide des conditions et des modalités d'exécution du service accompli auprès d'elle ;

10. il voit ainsi ses fonctions s'achever en même temps que le mandat de son autorité territoriale.

III. LES 5 RECOMMANDATIONS DE VOTRE DÉLÉGATION

1. Consacrer dans la loi les missions essentielles du collaborateur de cabinet

Comme indiqué précédemment, inscrire dans le droit positif une définition précise des missions des emplois de cabinet risquerait de restreindre la liberté laissée à l'autorité territoriale.

Vos rapporteurs recommandent toutefois de clarifier dans la loi les missions générales dévolues au collaborateur de cabinet et son lien étroit avec le chef de l'exécutif. Le code général de la fonction publique pourrait ainsi prévoir que le collaborateur de cabinet assiste, accompagne, conseille, relaie et représente l'autorité territoriale. En outre, il participe à l'élaboration de la stratégie de la collectivité, veille à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie et concourt à la promotion de la collectivité et de son action.

2. Consacrer dans la loi la possibilité d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur certains services

Deux points fondamentaux ont été régulièrement soulignés lors des auditions :

- le DGS, placé « sous l'autorité » de l'élu, « dirige l'ensemble des services de la collectivité » aux termes de l'article 2 du décret n°87-1101 du 30 décembre 1987. À ce titre, le DGS, autorité hiérarchique, est seul habilité, par exemple, à recruter, évaluer, promouvoir ou sanctionner les agents18(*) ;

- le directeur de cabinet peut avoir vocation, dans le cadre de la préparation et de la mise en oeuvre des décisions politiques, à exercer, sur certains services, une autorité fonctionnelle directe19(*). Cette autorité peut elle-même être déléguée par le directeur de cabinet à certains collaborateurs, tels que le chef de cabinet, par exemple pour les questions de protocole. Cette pratique constante se justifie par la nécessité de garantir une plus grande réactivité et davantage d'efficacité et de fluidité dans la chaîne de décision.

Vos rapporteurs ont acquis la conviction, au fil des auditions, qu'il est nécessaire de clarifier l'intérêt et les contours de cette autorité fonctionnelle.

En effet, comme indiqué plus haut, le gouvernement a estimé, dans une récente réponse ministérielle, que le jugement précité du tribunal correctionnel de Paris, rendu en 2023 « ne semble pas devoir être lue comme excluant en principe l'exercice d'une autorité fonctionnelle [du cabinet] sur certains services de la collectivité ».

Pour autant, cette réponse ministérielle n'a évidemment pas la force juridique d'une norme législative : l'autorité fonctionnelle demeure aujourd'hui une pratique dépourvue de base légale solide. En outre, le ministère semble indiquer que l'autorité fonctionnelle du cabinet ne peut concerner que certains services, aux premiers rangs desquels la communication et le protocole. En effet, ces services « concourent ponctuellement à l'exercice de missions à caractère politique de l'autorité territoriale ».

Toutefois, vos rapporteurs observent que :

- en premier lieu, l'expression « missions à caractère politique » s'avère particulièrement floue. Tout service administratif ne concourt-il pas, directement ou indirectement, à l'action politique, fût-ce de manière ponctuelle ? La frontière entre une mission politique et une mission purement administrative n'est donc guère aisée à tracer ;

- en deuxième lieu, pour remplir ces missions avec succès, dans l'intérêt de la collectivité, le directeur de cabinet peut exercer une autorité fonctionnelle sur certains services, tout en garantissant l'autorité hiérarchique que le DGS exerce sur les agents. Afin d'éviter une concurrence avec le DGS, cette autorité fonctionnelle, si elle existe, appartient en propre au directeur de cabinet : elle échappe donc au DGS ;

- enfin, l'instauration d'une autorité fonctionnelle sur certains services clairement identifiés n'exclut nullement la possibilité pour le directeur de cabinet, au nom de l'autorité politique qu'il représente, de relayer des instructions ponctuelles auprès des autres services de la collectivité. Ces instructions, qui peuvent être données au DGS ou, sous son couvert, aux services concernés, ne s'inscrivent dans le cadre ni d'une autorité fonctionnelle ni hiérarchique.

Vos rapporteurs recommandent donc l'intervention du législateur pour consacrer et sécuriser la pratique ancienne de l'autorité fonctionnelle. Ils estiment toutefois, conformément à la position constante de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, qu'il n'appartient pas au législateur de s'immiscer dans la libre-administration des collectivités territoriales. C'est pourquoi ils considèrent que la loi devrait fixer un cadre général et renvoyer à une décision de l'autorité territoriale le soin :

- de définir le rôle du cabinet, en reprenant, le cas échéant, les dix caractéristiques du collaborateur figurant dans le présent rapport ;

- de préciser le périmètre, la nature et l'objectif de l'autorité fonctionnelle, dans le respect de l'autorité hiérarchique du DGS sur les agents. Précisons que les services concernés par l'autorité fonctionnelle du directeur de cabinet dépendent des choix politiques et des circonstances locales. En pratique, cette autorité concerne souvent la communication et le protocole. Elle concerne également les services supports (secrétariat, intendance...), de la même façon qu'un cabinet ministériel exerce une autorité fonctionnelle sur l'organe dénommé « bureau du cabinet » chargé du soutien administratif et logistique du cabinet (prise en charge de l'ensemble du courrier adressé au ministre, organisation des réceptions et manifestations au cabinet du ministre...).

La décision précitée de l'autorité territoriale, qui pourrait prendre la forme d'un arrêté, devrait être communiquée à l'organe délibérant dans un souci de transparence. Elle pourrait utilement se traduire dans l'organigramme de la collectivité (avec, par exemple, des flèches en pointillés pour représenter l'autorité fonctionnelle du cabinet sur les services).

Il est important de noter que cette autorité fonctionnelle n'inclut pas de « pouvoir RH »20(*) sur les agents (recrutement, évaluation, promotion, sanction et cessation de fonctions), pouvoir dévolu au seul DGS. Néanmoins, le directeur de cabinet pourrait participer à cette fonction RH pour les agents des services placés sous son autorité fonctionnelle. Par exemple, il pourrait, s'il le souhaite, participer à leur recrutement et à leur évaluation, sans être in fine décisionnaire.

L'intervention du législateur permettrait donc de sécuriser l'action des cabinets, sans fixer des règles inutilement rigides et uniformisatrices. Elle s'inscrirait dans la continuité de précédents travaux parlementaires. En effet, à deux reprises, en 2021 et 2022, le législateur a inscrit dans les textes la notion d'autorité fonctionnelle afin de clarifier le rôle de chacun et d'améliorer le fonctionnement de certaines missions de service public :

- loi n° 2021-1716 du 21 décembre 2021 créant la fonction de directrice ou de directeur d'école21(*). Si le directeur d'école n'exerce pas d'autorité hiérarchique sur les enseignants de son école, la loi a précisé, à l'initiative de notre collègue Max Brisson22(*), que le directeur d'école dispose d'une autorité fonctionnelle dans le cadre des missions qui lui sont confiées. Cette autorité permet le bon fonctionnement de l'école et la mise en oeuvre des compétences administratives et organisationnelles que le directeur assume ;

- loi n° 2022-217 dite « 3DS » du 21 février 2022. Elle a doté les Présidents de région et de département d'une autorité fonctionnelle sur l'adjoint des chefs d'établissement (respectivement lycée et collège), chargé des fonctions de gestion matérielle, financière et administrative23(*). L'objectif du législateur était, d'une part, de renforcer la capacité de la collectivité à s'adresser directement à l'adjoint gestionnaire, d'autre part, de faciliter la mise en oeuvre, par les personnels administratifs, des politiques décidées par la collectivité.

Insistons sur le fait que cette autorité fonctionnelle, même si elle était consacrée par la loi et une décision locale, n'écarterait pas le contrôle du juge financier ou du juge pénal, qui pourrait requalifier tout ou partie des emplois administratifs concernés, si ceux-ci correspondent matériellement aux dix caractéristiques, rappelées plus haut, des collaborateurs de cabinet. Vos rapporteurs appellent donc les collectivités à une grande vigilance. À titre d'exemple, si l'autorité territoriale décide de confier au directeur de cabinet une autorité fonctionnelle sur le service de la communication, les agents de ce service devront être recrutés et évalués exclusivement par le DGS, autorité hiérarchique, et non par le directeur de cabinet, lequel pourrait simplement être associé au recrutement et à l'évaluation des agents concernés. Ces derniers concourent donc à l'action de l'autorité territoriale sans nécessairement partager les orientations politiques et sans dépendre, pour leur carrière, de cette autorité. Dans le cas contraire, ces postes pourraient, en cas de contrôle, être requalifiés en emplois de cabinet, soumis au plafond réglementaire.

Schéma résumant la recommandation n° 2 de la mission

3. Repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités

Les membres de l'exécutif des grandes collectivités (régions, départements et communes d'une certaine taille) ainsi que ceux des grandes intercommunalités jouent un rôle politique important. En effet, les vice-présidents et les adjoints agissent pour le compte respectivement du président et du maire. Il paraît donc légitime qu'ils soient accompagnés dans l'exercice de leurs fonctions.

La question se pose notamment, mais pas seulement, pour les vice-présidents de régions, compte tenu de la taille des grandes régions, de l'envergure des délégations que certains vice-présidents reçoivent du président, des montants financiers en cause et de leur niveau de responsabilité.

En pratique, certains vice-présidents de région sont épaulés soit par des chargés de mission ou des agents issus des services, soit par des collaborateurs du cabinet du président. Ces deux options sont couramment pratiquées à l'heure actuelle.

Certains souhaitent toutefois donner une base juridique solide à ces pratiques.

Une solution consisterait ainsi à prévoir dans la loi que le président du conseil régional peut affecter « un collaborateur exerçant des fonctions administratives » à un ou plusieurs vice-présidents ayant reçu délégation. Tel est le sens de l'amendement que le gouvernement et plusieurs de nos collègues ont déposé, lors de l'examen, en mars 2024, de la proposition de loi sur le statut de l'élu local24(*). L'amendement était ainsi motivé : « il apparaît aujourd'hui indispensable de renforcer les conditions d'exercice de leur mandat, en prévoyant qu'ils puissent être épaulés par un collaborateur, de type chargé de mission issu de l'administration. Il s'agit avant tout d'apporter un appui à caractère technique, dans des dossiers à forte complexité et à enjeux budgétaires importants ». Lors de son audition, l'association Régions de France a indiqué soutenir pleinement cette démarche.

Une autre solution pourrait consister à prévoir le vote d'un dispositif législatif permettant au président du conseil régional de mettre à la disposition des vice-présidents ayant reçu délégation un ou plusieurs collaborateurs de son cabinet, de la même façon que le président du conseil régional peut mettre à la disposition du président du conseil économique, social et environnemental régional un ou plusieurs collaborateurs de son cabinet25(*).

Quelle que soit l'option retenue, elle doit être mise en perspective avec la situation du maire de Paris qui dispose d'un régime dérogatoire très favorable. En effet, la Ville de Paris est l'unique collectivité française26(*) pouvant déroger aux dispositions du décret n° 87-1004 du 16 décembre 1987, qui plafonnent les effectifs et la rémunération des collaborateurs de cabinet. Ainsi, la délibération de la ville de Paris 15 décembre 1998 (« 1998 DRH 80 ») autorise un plafond de 145 collaborateurs au cabinet du maire.

Or, si on appliquait les plafonds de droit commun issus du décret de 1987 au cabinet du maire de Paris, considéré, de façon cumulative, comme maire et président de département, le plafond de collaborateurs s'élèverait à 45 agents :

- 34 agents au titre de la fonction de maire ;

- 11 agents au titre de la fonction de président du département.

Le plafond, tel qu'il a été fixé par délibération, de 145 collaborateurs, représente donc un effectif potentiel de collaborateurs équivalent à trois fois le plafond de droit commun. Ce plafond permet à chaque adjoint parisien de disposer d'un cabinet qui lui est propre, comportant, en moyenne 3 collaborateurs dédiés.

De même, les maires de Paris, Lyon et Marseille peuvent, sur proposition du maire d'arrondissement, nommer un ou plusieurs collaborateurs de cabinet auprès de ce dernier ( article L333-11 du CGFP). Depuis 202127(*), le nombre de ces collaborateurs ne relève plus du plafond du droit commun. Ainsi, la ville de Paris compte, au total, entre 220 et 225 collaborateurs28(*), répartis dans les 20 mairies d'arrondissement, soit, là encore, environ 3 fois le plafond de droit commun, étant précisé que le plafond fixé par la délibération de la ville de Paris est de 280.

Si l'amendement précité était adopté, le président de la région devrait naturellement veiller à éviter tout risque de divergences voire de tensions entre, d'une part, les collaborateurs de son cabinet, d'autre part, ceux des vice-présidents.

Faut-il ouvrir cette possibilité de désignation de collaborateurs aux présidents des autres grandes collectivités (départements et communes) ainsi qu'à certaines intercommunalités ? Cette question mérite également d'être débattue, étant précisé que les associations concernées (AMF, Intercommunalités de France et ADF) ne semblent pas, à ce stade, solliciter une telle évolution.

En tout état de cause, le vote de cette disposition législative devrait entraîner une modification du décret précité de 198729(*) qui fixe le plafond du nombre des collaborateurs de cabinet. En effet, la proposition ci-dessus, si elle était retenue par le législateur, ne devrait sans doute pas être mise en oeuvre à moyens constants, par simple transfert de postes du cabinet du président aux vice-présidents.

Vos rapporteurs ont souhaité examiner les conséquences d'une telle option, notamment pour en mesurer l'impact financier sur l'échelon régional.

Combien de collaborateurs faudrait-il prévoir pour les vice-présidents de région ? Selon la Direction générale des collectivités locales (DGCL), interrogée par vos rapporteurs, les régions comptent, en moyenne, une quinzaine de vice-présidences. Attribuer un collaborateur par vice-président conduirait donc à doubler ou tripler le nombre de collaborateurs de cabinet, ce qui ne serait guère raisonnable au plan financier.

Effectif maximum des collaborateurs de cabinet du président du conseil régional

Population de la région

Nombre maximum de collaborateurs de cabinet

Moins de 500 000 hab

5

Entre 500.000 hab et 1 million d'hab

6

Entre 1 million d'hab et 1,5 million d'hab

7

Entre 1,5 million d'hab et 2 millions d'hab

8

Entre 2 millions d'hab et 2,5 millions d'hab

9

Entre 2,5 millions d'hab et 3 millions d'hab

10

Entre 3 millions d'hab et 3,5 millions d'hab

11

Entre 3,5 millions d'hab et 4 millions d'hab

12

Entre 4 millions d'hab et 4,5 millions d'hab

13

Entre 4,5 millions d'hab et 5 millions d'hab

14

Entre 5 millions d'hab et 5,5 millions d'hab

15

Plus de 5,5 millions d'hab

+ 1 par tranche de 500 000 hab

Certains envisagent donc de fixer le nombre de collaborateurs des vice-présidents par référence au nombre actuel de collaborateurs de cabinets (colonne de droite dans le tableau ci-dessus). Pourrait ainsi être appliqué un coefficient d'augmentation, par exemple de 25 %, en arrondissant à l'entier supérieur. Lors des auditions, certains ont proposé que ces nouveaux postes de collaborateurs soient « fléchés » vers les vice-présidents afin d'éviter que l'augmentation au plafond ne bénéficie qu'au cabinet du président de la région.

Par ailleurs, vos rapporteurs invitent le gouvernement à réfléchir à une modification du décret précité de 1987 afin de prendre également en compte le cas particulier des collectivités uniques de Martinique, Guyane, Corse et Mayotte. En effet, ces collectivités exercent à la fois des compétences départementales et régionales. Or, en retenant le seul critère démographique pour fixer le plafond de collaborateurs autorisé, le décret de 1987 prévoit que les présidents de collectivité unique disposent d'un nombre de conseillers en décalage par rapport à l'importance des compétences exercées par ces collectivités uniques. Concrètement, le président de ces quatre collectivités ne dispose que de cinq collaborateurs au maximum dans la mesure où ces territoires comptent tous moins de 500 000 habitants. Ce nombre pourrait, par exemple, être porté à 7 ou 8.

4. Remédier à l'impossibilité actuelle de pourvoir au remplacement d'un collaborateur durablement absent

Une difficulté a été relevée lors des auditions : dans sa rédaction en vigueur, le décret précité de 1987 fixant l'effectif maximal des collaborateurs de cabinet ne permet pas l'ouverture d'un poste supplémentaire pour réaliser la mission en lieu et place de l'agent absent pour cause de congé (maternité, parental, maladie...)30(*).

Ainsi, en cas de plafond atteint, la collectivité n'a pas la possibilité de recruter un collaborateur de cabinet supplémentaire pendant la durée d'indisponibilité de l'agent concerné, alors qu'elle peut procéder à un tel remplacement pour un emploi permanent. Pourtant, cette indisponibilité peut durer parfois des années, dans le cas, par exemple, d'un congé maternité suivi d'un congé parental pour plusieurs enfants.

Cette situation n'est pas sans poser des difficultés à certaines collectivités, susceptibles de faire l'objet d'une observation de la chambre régionale des comptes (CRC). À titre d'exemple, dans le cadre d'un contrôle de la CRC d'Auvergne-Rhône-Alpes en date du 18 décembre 2023, la communauté de communes de St-Genis-Pouilly (Ain), qui avait recruté une collaboratrice de cabinet afin de remplacer un départ en congé maternité, s'est vu reprocher un dépassement du plafond réglementaire : « le contrôle a montré qu'une chargée de mission a été recrutée sur un poste d'attaché et rattachée au cabinet. Bien que la commune indique que cette situation ait cessé depuis, la chambre lui rappelle qu'elle doit respecter l'effectif maximal de collaborateurs de cabinet »31(*).

Pour remédier à cette difficulté, il conviendrait, comme l'a souligné la DGCL lors de son audition, de prévoir une nouvelle disposition législative entraînant une modification du décret précité.

5. Sécuriser l'organisation et la gestion des cabinets mutualisés

Une autre difficulté a été soulignée lors des auditions : dans sa rédaction actuelle, le décret précité de 1987 ne prévoit pas le cas d'un cabinet mutualisé entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Cette mutualisation peut pourtant, dans certaines circonstances et selon les volontés politiques locales, présenter un intérêt certain et contribuer à l'efficacité de l'action publique locale.

Prenons le cas d'une commune qui a droit à 5 collaborateurs et d'un EPCI à 10. Si la commune et son EPCI décident de mutualiser le cabinet de ce dernier, c'est-à-dire de lui confier la gestion des affaires de la commune et de l'EPCI, il ne pourra pas cumuler les deux plafonds. En d'autres termes, le cabinet mutualisé sera, dans cet exemple, limité à 10 collaborateurs, et non à 15.

Vos rapporteurs invitent ainsi le pouvoir réglementaire à assouplir le décret précité de 1987 en permettant un cumul des deux plafonds d'emplois, étant précisé qu'il appartiendrait naturellement à la commune et à son EPCI de définir, par convention, les règles de fonctionnement ainsi que la répartition des postes de cabinet entre la commune et son EPCI. À titre d'exemple, 10 collaborateurs de ce cabinet pourraient se consacrer, à mi-temps, à la commune, ce qui représente 5 équivalents temps plein.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le métier des collaborateurs de cabinet, véritables « travailleurs de l'ombre », est relativement méconnu. Pourtant, quel que soit l'engagement politique des élus qui les emploient, ils exercent, aujourd'hui, des fonctions décisives dans la bonne marche des collectivités territoriales et des établissements publics intercommunaux. En effet, ils facilitent l'exercice du mandat de l'autorité territoriale, avec une triple mission : participer à la définition de la stratégie de la collectivité, l'aider à conduire et mettre en oeuvre les politiques publiques locales et promouvoir l'action de la collectivité.

 Ces objectifs peuvent parfaitement être remplis dans le respect des fonctions, elles-aussi essentielles, du Directeur général des services.

Gageons que le présent rapport fera oeuvre utile en faisant mieux connaitre la « grandeur et les servitudes » de cette fonction, alors que les règles applicables sont aujourd'hui disséminées dans des textes épars et certaines décisions du Conseil d'État.

Au-delà, la mission vise à clarifier et sécuriser le rôle essentiel des collaborateurs de cabinet, avec un objectif constant : garantir l'efficacité de l'action publique locale.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 25 juin 2024, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous allons à présent entendre nos collègues Cédric Vial et Jérôme Durain sur leur rapport consacré aux collaborateurs de cabinet en collectivités territoriales.

Cette mission flash s'inscrit dans la continuité de nos précédents travaux ; je pense en particulier au rapport sur les secrétaires de mairie. Elle s'inscrit aussi dans le droit-fil de nos propositions sur le statut de l'élu local. En effet, le collaborateur de cabinet facilite l'exercice du mandat des élus locaux, en particulier du chef de l'exécutif, avec lequel il entretient des relations de grande confiance.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Je commencerai par faire mon coming out, car je n'ai pas toujours été sénateur : j'ai été collaborateur de cabinet dans le département de l'Isère, à la mairie de Grenoble ; j'ai aussi occupé des fonctions de directeur de cabinet au sein d'une agglomération dans le Nord-Isère ; j'ai été employé à la région Rhône-Alpes ; j'ai également travaillé au sein d'un cabinet ministériel. C'est dire si j'ai occupé à peu près toutes les strates de ces fonctions de collaborateur ! Cela m'a conduit à être membre actif, puis associé, de l'association Dextera, qui regroupe les collaborateurs de cabinet de la droite et du centre et que nous avons auditionnée.

Avec Jérôme Durain, nous avons proposé de lancer une mission flash sur le métier de collaborateur de cabinet en collectivités territoriales. Notre objectif était non pas de traiter de questions statutaires, mais d'articuler nos travaux autour de deux grands axes.

Le premier axe concerne les enjeux et contours de ce métier. En effet, alors que ces collaborateurs exercent des missions essentielles, ils sont relativement méconnus et leurs missions ne sont définies précisément par aucun texte.

Nous avons débuté nos auditions avec de nombreuses questions à l'esprit. Comment définir le champ d'action d'un collaborateur de cabinet ? Comment qualifier les liens qu'il entretient avec l'autorité territoriale ? Quelle est la portée de son autorité fonctionnelle sur certains services de la collectivité ? Quel est l'intérêt pour la collectivité d'une telle autorité ? Quelle est l'articulation avec les fonctions de directeur général des services ? Enfin, existe-t-il des critères clairs permettant de distinguer les emplois de cabinet des emplois administratifs ? Cette distinction est essentielle, car elle est susceptible d'entraîner des conséquences pénales et financières.

Le second axe de cette mission concerne les effectifs autorisés, pour lesquels les règles sont au contraire précises. Ainsi, en application du décret du 16 décembre 1987, le nombre de collaborateurs est plafonné en fonction de la taille de la collectivité. Mais ce plafond est-il adapté ? Soulève-t-il des difficultés théoriques ou pratiques ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Nous avons examiné les textes et la jurisprudence relatifs au métier de collaborateur de cabinet en collectivités territoriales. Celui-ci joue effectivement un rôle méconnu, mais essentiel, auprès des exécutifs locaux. Il assiste, accompagne, conseille, relaie et représente l'autorité territoriale. Par ailleurs, il participe à l'élaboration de la stratégie de la collectivité ; il veille à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie, et il concourt à la promotion de la collectivité et de son action. Véritable bras droit des élus, il doit faire preuve d'une très grande polyvalence tant ses tâches peuvent être variées.

Toutefois, les fonctions précises des emplois de cabinet ne sont, à l'heure actuelle, définies par aucun texte. En effet, le législateur et le pouvoir réglementaire ont fait le choix de mentionner uniquement les liens de subordination unissant le collaborateur de cabinet à l'autorité territoriale. Quant à la jurisprudence, elle a fourni quelques critères généraux d'identification d'un emploi de cabinet.

En revanche, les règles sont précises en matière d'effectifs autorisés au sein des cabinets des exécutifs territoriaux. Ainsi, en application du décret précité, le nombre des collaborateurs est plafonné en fonction de la taille de la collectivité, étant précisé que toutes les collectivités peuvent créer au moins un emploi de cabinet, quelle que soit leur importance.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Ni le législateur ni le pouvoir réglementaire n'ont fixé de liste de travaux qui seraient par nature ceux d'un collaborateur de cabinet. La définition des tâches relève actuellement de l'acte de nomination de ces personnels, car le contenu des missions dépend de la taille de la collectivité, des priorités politiques des élus et des circonstances locales.

Toutefois, il est essentiel de rassembler les caractéristiques principales du métier de collaborateur de cabinet telles qu'elles ressortent des textes et de la jurisprudence. Ce travail pédagogique n'avait jamais été réalisé. Or nombre d'acteurs locaux ont une appréciation erronée des fonctions du cabinet ; c'est le moins que l'on puisse dire si l'on en juge par certaines auditions, notamment celle de l'association des présidents et vice-présidents de chambres régionales et territoriales des comptes (CRC)...

Nous avons identifié dix caractéristiques importantes concernant le métier de collaborateur de cabinet. Nous invitons le gouvernement et tous les acteurs concernés à les diffuser largement.

Le collaborateur est recruté selon un choix discrétionnaire de l'autorité territoriale. Ses fonctions s'achèvent en même temps que le mandat de son autorité politique territoriale. Il exerce un emploi non permanent, en dehors de la hiérarchie administrative de la collectivité. Sa rémunération et ses missions sont donc définies librement. Il n'est pas soumis au principe de neutralité politique. Il est placé dans une relation de confiance personnelle et de loyauté à l'égard de l'autorité politique territoriale, ce qui peut conduire à une rupture de contrat.

L'une des avancées importantes de cette mission est de définir précisément le rôle d'un collaborateur de cabinet : il assiste, il accompagne, il conseille, il relaie et il représente l'autorité politique territoriale. Il participe à la définition de la stratégie de la collectivité. Il aide à mettre en oeuvre les politiques publiques locales. Il concourt à la promotion de la collectivité et de son action. Il reçoit ses instructions de l'autorité politique, est évalué par elle et n'a de comptes à rendre qu'à celle-ci.

Nous avons ensuite examiné les conséquences d'une requalification d'emploi administratif en emploi de cabinet, et réciproquement. Les CRC vérifient les modalités de recrutement et le plafond des effectifs, et constatent régulièrement que certains emplois devraient être requalifiés en postes de collaborateur de cabinet. Un signalement est possible auprès du procureur de la République, comme ce fut le cas le 26 juillet 2017 pour détournement de fonds publics dans le Val-de-Marne ; une enquête a ensuite été ouverte par le parquet national financier (PNF).

Lors des auditions, nous avons souhaité savoir s'il existait des statistiques sur l'évolution, depuis une dizaine d'années, du nombre de contrôles des CRC portant sur le respect du plafond des effectifs de collaborateurs de cabinet. Ni la Direction générale des collectivités locales (DGCL) ni l'association des présidents et vice-présidents de CRC n'ont été en mesure de fournir de tels éléments chiffrés.

Toutefois, de nombreux acteurs locaux ressentent une attention croissante de quelques CRC sur ces questions. Certains évoquent même un changement de doctrine, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes, région qui semble concentrer la plupart des grandes difficultés rencontrées.

Toujours est-il que les relevés d'observations provisoires des CRC semblent conduire très souvent à des changements d'organisation au sein des collectivités contrôlées. La mission politique exercée par les collaborateurs dans les collectivités territoriales est parfois vécue comme illégitime. Pourtant, cet appui politique à l'élu est précieux.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Le code pénal ne prévoit pas d'infraction spécifique sanctionnant le non-respect du nombre maximum d'emplois de cabinet. Le 29 mars 2023, le tribunal correctionnel de Paris a condamné un élu et un directeur de cabinet pour détournement de fonds publics. Cette condamnation faisait suite à un signalement de la CRC d'Île-de-France, que Cédric Vial vient d'évoquer. Sur ce fondement pénal, le tribunal a condamné l'ancien président du conseil départemental du Val-de-Marne ainsi que son directeur de cabinet à une peine d'amende respectivement de 10 000 et 8 000 euros. Le tribunal a estimé qu'ils avaient « détourné, à des fins politiques, 29 emplois administratifs » du département, ce qui leur avait permis « d'employer davantage d'emplois de cabinet que ce que la loi permet ». Les juges ont estimé que cette situation avait « faussé partiellement le fonctionnement du système démocratique local, en donnant des moyens supplémentaires, non prévus par la loi, à cet élu pour l'exercice de son mandat ».

Ce jugement a suscité un certain émoi parmi les élus et les collaborateurs de cabinet, même s'il était isolé et rendu par une juridiction de première instance et qu'en outre, la situation du Val-de-Marne était atypique. Cette réaction résulte de deux facteurs principaux. D'abord, il semble que cette condamnation n'ait pas de précédent pour des faits similaires. Ensuite, de nombreuses personnes, lors des auditions, ont jugé « infamante » la qualification retenue par la juridiction pénale de « détournement de fonds publics », car attentatoire à l'honneur et à la réputation des personnes condamnées. En effet, cette qualification pourrait laisser penser que ces dernières se sont vu reprocher par les juges un enrichissement personnel ou des emplois fictifs, ce qui n'est pas le cas.

Ce jugement a en outre suscité des inquiétudes sur la question de l'autorité fonctionnelle du cabinet sur les services, sujet dont nous avons longuement débattu lors des auditions. Interrogé sur la portée de la condamnation pénale, le ministère en charge des collectivités a indiqué que la décision précitée « ne semble pas devoir être lue comme excluant en principe l'exercice d'une autorité fonctionnelle [du cabinet] sur certains services de la collectivité ». La réponse ministérielle cite spécifiquement la communication et le protocole, parce que ces services correspondent à « la double nature, administrative et politique, des missions d'une autorité territoriale ».

J'en viens aux cinq recommandations de la mission. Je vais présenter les deux premières, Cédric Vial les trois suivantes.

Notre première recommandation est de consacrer dans la loi les missions essentielles du collaborateur de cabinet. La mission recommande de clarifier dans la loi les missions générales dévolues au collaborateur de cabinet et son lien étroit avec le chef de l'exécutif. Le législateur pourrait ainsi préciser que le collaborateur de cabinet assiste, accompagne, conseille, relaie et représente l'autorité territoriale. Par ailleurs, il participe à l'élaboration de la stratégie de la collectivité, veille à la déclinaison et à la mise en oeuvre de cette stratégie et concourt à la promotion de la collectivité et de son action.

La deuxième recommandation est de consacrer dans la loi la possibilité d'une autorité fonctionnelle du directeur de cabinet sur certains services. L'autorité fonctionnelle se justifie par la nécessité de garantir une plus grande réactivité et davantage d'efficacité et de fluidité dans la chaîne de décision. Cette pratique ancienne et légitime n'est toutefois pas explicitement prévue par les textes. C'est pourquoi la mission recommande de reconnaître dans la loi que les directeurs de cabinet peuvent exercer une autorité fonctionnelle directe sur certains services, dans le respect de l'autorité hiérarchique du directeur général des services (DGS) sur les agents. Il ne paraît pas opportun d'exclure a priori tel ou tel service de l'exercice de cette autorité fonctionnelle, dans la mesure où elle résulte des choix politiques et des circonstances locales. On peut imaginer qu'un grand projet important pour la collectivité, mobilisant de gros moyens, puisse justifier ce type d'autorité fonctionnelle sur les services de voirie ou d'urbanisme, par exemple.

La mission recommande aussi de renvoyer à l'autorité politique territoriale le soin de définir le périmètre et l'objectif de l'autorité fonctionnelle, propre à l'organisation interne de chaque collectivité. Cette consécration législative permettrait de conférer une base légale solide à cette pratique, sans porter atteinte à la libre administration.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Cette deuxième recommandation est sans doute la plus importante.

La troisième recommandation est de repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités - régions, départements et communes d'une certaine taille -, ainsi que ceux des grandes intercommunalités. Dans la mesure où ceux-ci jouent un rôle politique important, il paraît légitime qu'ils soient accompagnés dans l'exercice de leurs fonctions. La question se pose notamment pour les vice-présidents de région, compte tenu de la taille des grandes régions, de l'envergure des délégations que certains vice-présidents reçoivent du président, des montants financiers en cause et de leur niveau de responsabilité. En pratique, certains vice-présidents de région sont épaulés par des collaborateurs issus des services ou de groupes d'élus.

Toutefois, aucun texte ne semble permettre expressément de doter les vice-présidents ou adjoints des plus grandes collectivités de collaborateurs de cabinet dédiés, alors que le décret de 1987 prévoit, lui, que le président du conseil régional peut mettre à la disposition du président du conseil économique, social et environnemental régional un ou plusieurs collaborateurs de son cabinet.

La mission recommande donc de clarifier la situation afin de repenser l'accompagnement, technique ou politique, des membres de l'exécutif des plus grandes collectivités. Comme certaines collectivités territoriales ne sont pas arrivées au terme de leurs propres concertations sur le sujet, nous ne formulons pas de propositions plus précises en la matière. La mairie de Paris fait exception, puisqu'elle fixe elle-même le nombre des collaborateurs du maire, et les maires de Lyon et de Marseille ont droit chacun respectivement à 12 et 15 collaborateurs de cabinet. À Paris, le plafond d'emplois pour les collaborateurs de cabinet est fixé à 425 (145 pour la mairie centrale et 280 pour l'ensemble des 20 mairies d'arrondissement). Ces collaborateurs peuvent exercer une autorité sur de nombreux services support.

La quatrième recommandation est de remédier à l'impossibilité actuelle de pourvoir au remplacement d'un collaborateur durablement absent. Les plafonds du décret de 1987 ne permettent pas l'ouverture d'un poste supplémentaire pour réaliser la mission en lieu et place de l'agent absent pour cause de congé - maternité, parental, maladie, etc. Si le plafond est atteint, la collectivité n'a pas la possibilité de recruter un collaborateur de cabinet supplémentaire pendant la durée d'indisponibilité de l'agent concerné. La délégation recommande d'assouplir sur ce point le plafond des collaborateurs de cabinet. Pour remédier à cette difficulté, l'intervention du législateur est nécessaire. À titre d'exemple, dans le cadre d'un contrôle de la CRC d'Auvergne-Rhône-Alpes en date du 18 décembre 2023, la communauté de communes de St-Genis-Pouilly (Ain), qui avait recruté une collaboratrice de cabinet afin de remplacer un départ en congé maternité, s'est vu reprocher un dépassement du plafond réglementaire. Et, en Bretagne, nous avons été avisés du fait qu'accoucher de triplés donne droit, en cumulant le congé maternité et le congé parental, à un congé de six ans au total, soit la durée entière d'un mandat...

La cinquième recommandation est de sécuriser l'organisation et la gestion des cabinets mutualisés. Dans sa rédaction actuelle, le décret de 1987 ne prévoit pas le cas d'un cabinet mutualisé entre une commune et un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Cette mutualisation peut pourtant, dans certaines circonstances et selon les volontés politiques locales, présenter un intérêt certain et contribuer à l'efficacité de l'action publique locale. La mission invite donc le pouvoir réglementaire à assouplir le décret de 1987, en permettant notamment un cumul des deux plafonds d'emplois, étant précisé qu'il appartiendrait naturellement à la commune et à son EPCI de définir, par convention, les règles de fonctionnement ainsi que la répartition des postes de cabinet entre ladite commune et cet EPCI.

Pour conclure, nous espérons que le présent rapport fera mieux connaître « la grandeur et les servitudes » du métier de collaborateur de cabinet, alors que les règles applicables sont aujourd'hui disséminées dans des textes épars et certaines décisions du Conseil d'État. Nous avons souhaité, par nos recommandations, clarifier et sécuriser le rôle, essentiel, des collaborateurs de cabinet, avec un objectif constant, cher à la délégation et à sa présidente : garantir l'efficacité de l'action publique locale.

Mme Ghislaine Senée. - Tout a été dit ! C'est un vrai sujet. Élue dans la région Île-de-France, j'ai vu combien il était difficile, pour les vice-présidents, d'exercer leurs missions sans collaborateurs de cabinet, quelle que soit la couleur de la majorité dirigeant la région. Il faut absolument redéfinir de manière très claire ce qu'est un collaborateur de cabinet et apporter des précisions sur les liens fonctionnels.

M. Grégory Blanc. - Oui, ce travail est salutaire, et la presse s'en fait déjà l'écho. Les collaborateurs de cabinet seront très attentifs à vos conclusions. La question qui fait débat aujourd'hui, c'est la collaboration politique de ces personnels, mais pas seulement dans les collectivités territoriales. C'est aussi un sujet pour les parlementaires, malgré quelques avancées récentes. Pour les collaborateurs de groupe et les collaborateurs d'élus dans les collectivités territoriales, des questions demeurent. J'y ai été confronté et cela a donné lieu à des échanges parfois homériques - tout dépend aussi de la personnalité du chef de l'exécutif, qui peut avoir une pratique assez souple vis-à-vis de ses propres collaborateurs de cabinet, et plus rigide avec ceux de son opposition.

Le rapport des collaborateurs au statut, l'autorité du DGS ou de la direction des ressources humaines (DRH), la question des horaires, celle de l'organisation, sont autant de questions sur lesquelles nous pouvons nous retrouver, quelles que soient nos sensibilités politiques, comme nous l'avons fait lors des débats sur le statut de l'élu. Nous devons clarifier ce qui relève de la rémunération, des missions : les élus aussi ont besoin d'être accompagnés, qu'ils soient dans la majorité ou dans l'opposition, et il est important de le faire reconnaître. Dans l'organisation globale des pouvoirs, il est normal qu'il y ait des collaborateurs pour la majorité, pour l'exécutif - c'est tout à fait légitime et nécessaire -, mais il en faut aussi pour les autres groupes politiques, afin qu'ils puissent mener à bien leur mission.

Mme Agnès Canayer. - Bravo pour cet excellent rapport, qui était attendu, car il y a aujourd'hui une véritable crainte dans les cabinets des collectivités territoriales, notamment dans les grandes villes. Le rôle de ces collaborateurs est souvent méconnu ; on les prend pour les hommes de main des élus, parce qu'on ne sait pas forcément ce qu'ils font. Ce n'est pas très valorisant pour ces fonctions, qui sont pourtant essentielles, car elles font le lien avec l'administration. Le cabinet est au coeur du système, ce qui garantit que l'administration reste, elle, indépendante.

Il est important de sécuriser les choses, notamment vis-à-vis de la justice. Les juridictions administratives, et même les magistrats de l'ordre judiciaire, n'ont pas vraiment connaissance de ce qu'est un cabinet, ni même de ce que font les élus. Dans mon département, un magistrat a demandé à une maire quel était son métier, ce qui prouve bien sa méconnaissance de ce rôle ! Il n'en est que plus important de clarifier la situation et d'éviter la porosité entre ces fonctions de cabinet et celles, administratives, des fonctionnaires des collectivités territoriales.

Vous ne proposez pas de changer le nombre des collaborateurs du cabinet, mais plutôt de définir clairement quelles sont leurs fonctions, tout en laissant la main aux collectivités territoriales. Je pense que c'est une bonne solution, et que ce rapport soit la bonne voie.

Mme Muriel Jourda. - Merci pour ce travail intéressant de mise au clair. Membre de la commission des lois, j'ai réfléchi au rôle des délégations et des commissions, qui est toujours très discuté. Dans les recommandations que vous formulez, on trouve des termes familiers, qui nous plaisent à tous, comme « remédier » ou « sécuriser ». Mais vous allez jusqu'à écrire : « consacrer dans la loi ». La délégation est-elle bien dans son rôle ?

Sur le fond, j'avoue que je n'avais pas idée des difficultés que vous rapportez, parce que j'ai toujours considéré les collaborateurs du cabinet comme des hologrammes de l'autorité politique, plus ou moins marqués selon la volonté de celle-ci.

Peut-être y a-t-il une méconnaissance par certaines CRC d'un certain nombre de réalités, mais il me semble que tout le monde sait parfaitement ce qu'est un collaborateur du cabinet : la définition que vous en donnez est assez claire, et ne paraît pas poser beaucoup de difficultés. Je ne suis pas sûre qu'il faille aller beaucoup plus loin dans le rôle à donner au collaborateur du cabinet, qui doit, me semble-t-il, rester cet hologramme. Je n'ai jamais entendu de discussion au sein de l'autorité administrative sur le fait que le collaborateur du cabinet exprime la volonté politique. D'ailleurs, la législation n'aurait strictement rien changé quand nous avons une autorité administrative rétive à l'autorité politique elle-même...

Alors, faut-il aller très loin dans la façon dont on va donner du pouvoir formellement, ou faut-il en rester à cette vision partagée des choses, selon laquelle le collaborateur du cabinet est l'hologramme auquel l'autorité politique donnera une coloration plus ou moins forte, mais auquel la puissance administrative devra de toute façon répondre, quoi qu'il arrive ? Ce caractère informel ne me paraît pas choquant ; il me paraît revêtir une certaine souplesse qui est inhérente à la fonction politique.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Pierre Mendès France a dit : « Toute politique n'est pas sale, toute action n'est pas vaine ». Or il existe une tendance à associer la fonction de collaborateur à quelque chose d'un peu ambigu, douteux, susceptible d'être regardé à la loupe, de peur qu'il s'y rencontre des choses que la logique purement administrative réprouve. Les CRC deviennent tatillonnes, ce qui vient perturber cet « informel » dont Muriel Jourda dit qu'il ne fonctionne pas si mal. Nous sommes dans de l'imparfait, du clair-obscur, et c'est pour cela justement qu'il faut améliorer le dispositif ; on sent en effet que cela commence à coincer...

En ce qui concerne les collaborateurs de groupe et l'intégralité de la fonction politique, on constate une sorte de darwinisme. Si le statut des collaborateurs de cabinet est compliqué, on comprend que c'est encore une fonction noble ; mais si l'on regarde du côté des groupes, on est vraiment dans les arrière-bureaux, c'est presque sulfureux, et pourtant un véritable travail y est effectué. Nous devons faire reconnaître l'utilité de cette chaîne d'aide à la décision et de mise en oeuvre politique voulue par les élus.

En ce qui concerne la deuxième recommandation, il me paraît extrêmement important de préciser comment doit s'organiser concrètement l'autorité fonctionnelle, en la visibilisant et en explicitant ce qu'elle est. La loi permettrait de consacrer le principe d'une autorité fonctionnelle du cabinet mais c'est un arrêté, pris localement, qui organiserait l'exercice de l'autorité fonctionnelle. Cela permettrait de clarifier les choses, et d'informer l'organe délibérant.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Les contours de la mission n'ont pas été aussi larges que ce que je souhaitais initialement. Certes, nous ne voulions pas aborder la question du statut, faute de consensus pour le moment. Nous souhaitions être pragmatiques et régler des problèmes qui nous semblaient urgents.

Ce qui fait l'urgence et l'utilité de cette mission n'est pas uniquement lié au jugement relatif au conseil départemental du Val-de-Marne. En effet, même si elle fait peur à tout le monde, cette décision est quelque peu atypique puisqu'elle ne reflète pas un fonctionnement classique.

Ce qui nous inquiète davantage, ce sont les remontées multiples des CRC, que ce soit via des rapports définitifs, des signalements en application de l'article 40 du code de procédure pénale ou des rapports provisoires. Indépendamment des CRC, nous voyons que nombre de collectivités territoriales réorganisent l'ensemble de leurs services par principe de précaution : quand le cabinet avait une autorité fonctionnelle sur la communication et le protocole, par exemple, elles restituent cette autorité au DGS. La tendance est de supprimer l'autorité exercée par le cabinet sur un certain nombre de fonctions internes de la collectivité, au profit de la fonction administrative. En somme, on est en train de faire disparaître la fonction politique de la collectivité territoriale. Or, derrière la fonction politique du collaborateur de cabinet, il y a celle de l'élu. Se répand l'idée que la politique n'a pas à se mêler d'un certain nombre de sujets...

L'important est donc de convenir d'une définition, sans pour autant entrer dans les détails de la mission, ce qui risquerait de créer du flou. Nous énumérons donc les fonctions exercées autour de l'élu - assister, accompagner, conseiller, représenter, relayer -, et nous y ajoutons les missions menées pour le compte de la collectivité elle-même. Enfin certains estiment que le collaborateur de cabinet est uniquement un collaborateur de l'élu mais pas de la collectivité, laquelle dépendrait uniquement des services. Quand on leur pose la question, ils répondent qu'il est un collaborateur « politique ». Mais, dans une collectivité, qu'est-ce qui n'est pas politique ? La gestion d'une commune, d'un cimetière, d'une école ne serait pas politique ?... Nous savons tous, pour notre part, que l'on ne peut pas être collaborateur de l'élu et se désintéresser de la politique que mène la collectivité, au sens large du terme.

Certains pensent que le rôle du collaborateur est uniquement de faire le lien avec le parti politique, ou lié aux campagnes électorales. Or l'interdiction du cumul des mandats réduit le nombre des campagnes ; d'ailleurs, c'est interdit.

Les CRC comme les juges semblent différencier la communication politique de la communication institutionnelle. Mais quelle communication institutionnelle n'est pas politique ? Ils répondent que l'éditorial du maire dans le journal municipal est politique, car c'est l'expression de l'élu, et que le reste relève de la communication institutionnelle, laquelle doit être produite par l'administration ; si le cabinet s'en mêle, il sort de son rôle. Mais si l'on interdit au cabinet d'intervenir sur ce qui paraît institutionnel, cela signifie que l'on interdit au maire d'intervenir sur ce qui doit relever des services... C'est bien le fond du dossier.

Ce qui différencie une collectivité d'une administration, c'est le politique, c'est la démocratie. Une collectivité n'est pas une administration ! Et le politique, ce n'est pas sale... Nous devons réhabiliter ce rôle politique, ce qui implique de le définir. Même dans l'administration, le rôle du cabinet n'est quelquefois pas clair. Il fallait clarifier les choses.

Nous n'avions pas l'ambition, au départ, de changer la loi. Mais nous avons compris que, pour être efficaces, nos propositions devaient être de niveau législatif. Il faudra donc sans doute déposer une proposition de loi ; nous laisserons naturellement le soin à la commission des lois de l'examiner.

J'aime beaucoup l'image de l'hologramme. Certains parlent de collaborateurs de l'ombre, voire « dans l'ombre » - c'est d'ailleurs le titre d'une mini-série sur le sujet qui sortira bientôt sur France Télévisions. En fait, c'est du « en même temps » ! Depuis 1987, le rôle du cabinet n'est pas clair. Le collaborateur de cabinet est censé relayer la volonté de l'élu, parfois même avant que celui-ci ne prenne une décision... Le collaborateur n'existait pas dans l'organigramme parce qu'il n'était que le reflet, l'hologramme, de la volonté de l'autorité territoriale.

Cela reste vrai, mais l'action des collaborateurs va parfois au-delà. Certains sont chargés de la communication de la collectivité, et dirigent à ce titre des agents. D'autres ont autorité sur le service du protocole ou sur les relations internationales. D'autres encore peuvent transmettre des directives sur la sécurité publique ou la voirie.

Lorsqu'il dirige le service de la communication, le directeur de cabinet devrait avoir une autorité fonctionnelle sur le service. Mais les CRC considéraient que, si un service est dirigé par le cabinet, tous ses postes doivent être requalifiés en postes de cabinet, ce qui « fait sauter » le plafond réglementaire. Elles examinent précisément qui donne les ordres ou assigne les missions, et qui participe au recrutement et à l'évaluation ; avec un tel faisceau d'indices, on ne peut qu'aboutir à un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale pour dépassement du plafond....

Nous avons voulu opérer une distinction en reproduisant ce qui existe dans la fonction publique d'État, où les services support emploient des fonctionnaires, et non des collaborateurs politiques, mais concourent à l'action politique du cabinet. Dans un cabinet ministériel, cela concerne les chauffeurs, les services d'intendance, les cuisines, les secrétaires et bien sûr le bureau du cabinet qui rédige les réponses à toutes les personnes qui écrivent au ministre.

Certains redoutent, depuis le jugement « Val-de-Marne », que toutes les secrétaires doivent désormais être considérées comme des collaboratrices de cabinet ! Or ce sont des fonctions support, qui doivent pouvoir être exercées par des agents qui sont des fonctionnaires : ceux-ci peuvent ne pas avoir la même sensibilité politique que l'autorité territoriale, mais ils font ce qu'une autorité fonctionnelle leur demande de faire. Il nous semble normal que le directeur de cabinet puisse donner des consignes à sa secrétaire ou à la secrétaire du maire sans que cela transforme ces dernières en collaboratrices de cabinet... Mais il s'agit bien d'autorité fonctionnelle : elle consiste à diriger les missions du service, mais pas les agents, lesquels relèvent de l'autorité hiérarchique du DGS. Cette clarification et cette séparation nous permettent de sécuriser les fonctionnements actuels.

Selon les textes en vigueur, il n'est pas possible de cumuler un emploi de collaborateur de cabinet et un emploi permanent de la collectivité. Un collaborateur ne peut donc pas être directeur de cabinet et directeur de la communication. Pour notre part, nous disons que l'on peut être directeur de cabinet et avoir une autorité fonctionnelle sur le service de la communication - sur le directeur de la communication ou sur le service -, mais que l'on ne peut pas alors être directeur de la communication. En effet, ce directeur est sous l'autorité du DGS, alors que le collaborateur de cabinet est sous l'autorité de l'autorité politique. Il faut donc une séparation entre les emplois permanents et les emplois de cabinet.

Nous précisons donc la définition, pour que ceux qui devront juger la pertinence de telle ou telle situation puissent s'y référer, et afin de sécuriser les fonctionnements actuels. Ce qui fonctionne bien depuis quarante ans doit continuer à fonctionner. Actuellement, un certain nombre de services du protocole et de secrétaires ont été rapatriés auprès des DGS, et les cabinets perdent de l'attractivité.

Mme Muriel Jourda. - Les décisions prises par les collectivités sont mises en musique par l'administration, mais certaines d'entre elles sont purement politiques. Je ne suis pas choquée par le fait de requalifier intégralement un service de communication en cabinet, car la communication est purement politique et n'est suivie d'aucune mise en oeuvre.

M. Cédric Vial, rapporteur. - Comment serait-il possible de requalifier trente personnes ?

Mme Muriel Jourda. - Le service communication de ma collectivité ne compte pas trente agents, monsieur le rapporteur. En l'occurrence, ces derniers font tous partie du cabinet, y compris les secrétaires.

J'y insiste, il est des fonctions qui sont purement politiques. Or vous attribuez une autorité fonctionnelle sur des agents qui ne devraient pas faire partie de l'administration.

Mme Agnès Canayer. - Ma ville possède un service de communication interne, purement administratif et institutionnel, et un service de communication externe : on peut donc ne pas placer tous ces agents sous l'autorité du cabinet. D'où la nécessité d'adapter les choses en fonction de l'organisation de chaque collectivité.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Comme toujours, il faut de la souplesse et de la différenciation !

M. Cédric Vial, rapporteur. - En application du décret de 1987, le nombre de collaborateurs de cabinet est très faible dans les collectivités : une région de 8 millions d'habitants que je connais bien n'en compte que quinze. Requalifier les agents en collaborateurs ferait exploser les seuils, sauf à supprimer ces derniers, comme c'est le cas à la mairie de Paris. À Paris, justement, les 425 agents que je mentionnais tout à l'heure sont uniquement des collaborateurs politiques ; les membres du service communication sont à part.

Le fait de conférer une autorité fonctionnelle sur le service communication n'est pas obligatoire, c'est un simple choix. Quant aux agents du service, ils sont seulement fonctionnaires et doivent concourir à mettre en oeuvre l'action définie par la collectivité, que cela leur plaise ou non. Il en va de même des secrétaires. Ainsi, ces individus n'ont pas vocation à devenir des collaborateurs.

Une jurisprudence du Conseil d'État appliquée en Polynésie française précise que les secrétaires n'ont pas à être requalifiés en collaborateurs de cabinet. Toutefois, elle ne s'appuie sur rien. Dès lors que le maire ou le directeur de cabinet recrutent et évaluent directement le secrétaire, et que les consignes ne sont pas émises par le DGS, nous considérons que le secrétaire peut être requalifié en collaborateur.

Le code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que l'autorité fonctionnelle ne vaut que pour deux types d'agents locaux : d'une part, les directeurs d'école, dont la fonction a été créée il y a trois ans ; d'autre part, les adjoints des directeurs des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), depuis l'adoption de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS ».

L'autorité fonctionnelle existe aussi au sein de la fonction publique d'État et de la fonction publique hospitalière. Par exemple, le directeur d'un service de cardiologie exerce une autorité fonctionnelle sur ses agents, tandis que le directeur de l'hôpital exerce une autorité hiérarchique. Autre précision : au ministère de l'éducation nationale, les réponses aux questions écrites sont rédigées par des collaborateurs qui relèvent du chef de cabinet et exercent de simples fonctions de support aux décisions politiques.

La présente mission d'information a pour objet de définir ce qu'est un collaborateur de cabinet en fonction de son statut et de ses missions, sans remettre en cause le principe de libre administration des collectivités locales.

L'autorité fonctionnelle doit-elle être exclue pour certains services, tels que la police municipale, les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les services d'urbanisme ? Une telle décision relève du maire, lequel en rend compte devant le conseil municipal. Le cabinet ne doit pas se substituer au DGS, mais certains services peuvent lui être rattachés, sans le mettre en danger juridiquement ou politiquement.

En outre, nous souhaitons permettre aux directeurs de cabinet, en plus de leur rôle d'hologramme ou de courroie de transmission entre les services et les collectivités territoriales, de donner des consignes. Voilà pourquoi nous recourons au concept d'autorité fonctionnelle, dans des cas bien déterminés. L'autorité fonctionnelle est largement attendue par tous ceux que nous avons entendus dans le cadre de nos travaux, à l'exception du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT).

M. Jérôme Durain, rapporteur. - La suggestion de notre collègue Muriel Jourda de requalifier les membres du service communication en collaborateurs se heurte à un problème de plafond.

Je veux insister sur le principe de neutralité politique. Un chauffeur placé sous l'autorité du chef de cabinet exerce une fonction purement administrative. Il n'y a donc aucun intérêt à le requalifier en membre du cabinet, contrairement aux secrétaires, qui ont des fonctions plus ambiguës.

Enfin, est-il nécessaire de légiférer sur ce sujet ? Les associations d'élus locaux nous demandent cette clarification. Il nous reste donc à fixer le cap politique et à préparer un texte, qu'il appartiendra ensuite à la commission des lois de préciser.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Mes chers collègues, je vous propose d'adopter ce rapport et d'en autoriser la publication.

Les recommandations sont adoptées.

La délégation adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

AUDITIONS RAPPORTEURS


Mardi 21 mai 2024

Assemblée des départements de France (ADF) :

- M. Jean-Louis MASSON, président du Département du Var accompagné de son directeur de Cabinet Richard Bill.

Régions de France (RF) :

- M. Laurent DEJOIE, vice-président de la Région des Pays de la Loire.

École Nationale des Directeurs de Cabinet :

- Mme Bruno GOSSELIN, directeur.

Mardi 28 mai 2024

Association des présidents et vice-présidents de chambres régionales et territoriales des comptes (CRC) :

- M. Bertrand LEJEUNE, président de la CRC Auvergne, Rhône-Alpes ;

- Mme Perrine TOURNADE, vice-président de la CRC Île-de-France ;

- M. Patrick CAIANI, vice-président de la CRC Auvergne, Rhône-Alpes ;

- M. Thierry VUGHT, président de la CRC Île-de-France.

Cabinet Seban Avocats :

- M. Didier SEBAN, fondateur du cabinet ;

- M. Matthieu HENON, avocat associé.

Mardi 4 juin 2024 

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) :

- M. Éric VERLHAC, directeur général ;

- Mme Murielle FABRE, secrétaire générale ;

- Mme Charlotte DE FONTAINES, responsable des relations avec le Parlement.

France urbaine :

- M. Bastien TALOC, conseiller de la fonction publique territoriale et institutions ;

- Mme Sarah BOU SADER, conseillère des relations parlementaires.

Syndicat national des Directeurs généraux des Collectivités territoriales (SNDGCT) :

- M. Emmanuel GROS, directeur général des services de la Ville de Vannes et premier vice-président du SNDGCT ;

- M. Myrian SENECAL, directeur général adjoint de la commune d'Échirolles.

Mardi 11 juin 2024

Association DEXTERA :

- M. Aurélien MALLET, directeur de cabinet du maire de Rueil-Malmaison, président de DEXTERA.

Association DIRCAB :

- M. Jean-Michel BERNABOTTO, directeur de cabinet, co-président de l'association DIRCAB ;

- Mme Lina JALI, directrice de cabinet, co-présidente de l'association DIRCAB.

Direction générale des collectivités territoriales :

- M. Pascal MATHIEU, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale ;

- M. Lionel LAGARDE, chef de bureau des statuts et de la réglementation des personnels territoriaux.

Mardi 12 juin 2024

- M. Bertrand SERGUES, directeur de cabinet du maire de Caussade, Docteur en droit.


Mardi 19 juin 2024

Mairie de Toulouse :

- M. Paul BOUSCATEL, directeur de cabinet.

Eurométropole de Strasbourg :

- M. Jérôme MARCHAL, directeur de cabinet.


Mardi 24 juin 2024

Ville de Paris :

- M. Frédéric LENICA, directeur de cabinet ;

- M. Etienne MARCHAND, conseiller de la maire de Paris en charge des ressources humaines, des relations sociales, de l'adaptation et transformation de l'administration et suivi de l'Inspection générale, du Conseil de Paris et de la transformation numérique de l'administration.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité ;

- France urbaine ;

- Assemblée des Départements de France ;

- Direction générale des collectivités locales ;

- Association des présidents et vice-présidents de chambres régionales et territoriales des comptes ;

- École nationale des directeurs de cabinet ;

- Association DEXTERA ;

- Association DIRCAB ;

- Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales ;

- Transparency International France ;

- M. Bertrand SERGUES, directeur de cabinet du maire de Caussade, Docteur en droit.


* 1 Articles 10 à 13-1.

* 2 Ces dispositions, qui figuraient à l'article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, sont désormais codifiées dans le code général de la fonction publique (ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021).

* 3 Toutefois, un arrêt de cour d'appel, rendu en 2019, considère que la mission doit être en lien avec une compétence exercée par la collectivité : « l'autorité politique ne peut, contrairement à ce que soutient la prévenue, librement déterminer la mission du collaborateur sans être tenue par la moindre contrainte. Admettre une telle latitude reviendrait à autoriser l'élu à confier des missions relevant de ses seuls intérêts personnels, voire de sa sphère privée et donc totalement étrangères à l'exercice de son ou ses mandats. En l'occurrence, la protection animale ne relève pas de compétence communautaire » (CA Montpellier, 28 mai 2019, n° 19/00798).

* 4 L'autorité territoriale n'est donc pas tenue de suivre la procédure prévue par le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, procédure qui garantit l'égal accès des candidats aux emplois de la fonction publique.

* 5 Le juge administratif peut annuler les décisions du président d'une collectivité de recruter des collaborateurs de cabinet, au motif que les contrats ou les arrêtés de recrutement de ces agents ne précisent pas les fonctions confiées aux intéressés et méconnaissent ainsi les dispositions relatives au recrutement des collaborateurs de cabinet (cour administrative d'appel de Lyon 29 Juin 2004, n° 98LY01726).

* 6 Voir par exemple cette décision : Conseil d'État, 26 janvier 2011, n° 329237, à propos d'une délibération prise par la Polynésie française.

* 7 Articles 10 à 13-1.

* 8 À noter que ce plafond est exprimé en nombre réel de personnes, quelle que soit la durée hebdomadaire de leur service, et non en équivalent temps plein ( https://www.senat.fr/questions/base/2007/qSEQ070226124.html).

* 9 Page 48 du rapport du 19 octobre 2017 « Ville de Paris ; les agents non-titulaires » https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-11/IDR2017-49.pdf

* 10 Page 50 du rapport précité du 19 octobre 2017.

* 11 Transmission sur le fondement de l'article L211-1 du code des juridictions financières (« Lorsque la chambre régionale des comptes découvre, à l'occasion de ses contrôles, des faits de nature à motiver l'ouverture d'une procédure judiciaire, le ministère public près la chambre régionale des comptes en informe le procureur de la République territorialement compétent ainsi que le procureur général près la Cour des comptes qui en avise le garde des Sceaux, ministre de la justice »).

* 12 Tribunal correctionnel de Paris, 29 mars 2023, n° 17241000816, p2 et 3.

* 13 En réalité le décret précité de 1987.

* 14 Cette jurisprudence s'applique à d'autres manquements au devoir de probité, tels que le délit d'octroi d'avantage injustifié et la prise illégale d'intérêt.

* 15 Les prévenus ont choisi de ne pas faire appel, de sorte que le jugement est devenu définitif.

* 16 Le jugement rappelle que les dispositions de l'article 432-15 du code pénal tel qu'interprété par la Cour de cassation, « n'exigent pas que [l'auteur des faits] ait cherché ce faisant un résultat déterminé, en particulier qu'elle ait eu l'intention de s'approprier les fonds détournés ou d'en tirer un profit personnel (Cass. Crim. 20 avril 2005, 04-84.917, publié au bulletin) ».

* 17 Réponse publiée le 4 janvier 2024 : https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230707918.html

* 18 Le maire, le président du conseil départemental et le président du conseil régional sont « seuls chargés de l'administration » (en application respectivement des articles L2122-18, L3221-3 et L4231-3 du CGCT). Par ailleurs, les articles L3221-3 et L4231-3 précisent que le président des conseils départemental et régional sont les « chefs des services » respectivement du département et de la région. En pratique et en application du décret n°87-1101 du 30 décembre 1987, ces fonctions de direction de l'administration sont confiées au DGS lorsqu'il existe.

* 19 Le travail demandé aux agents dans le cadre de ces instructions ne doit pas les occuper à temps plein, sous peine d'une possible de requalification des emplois administratifs en emplois de cabinet (cf supra).

* 20 Par « pouvoir RH », il faut entendre l'ensemble des prérogatives confiées à l'autorité hiérarchique en matière de gestion des ressources humaines.

* 21 Article 1er de la loi, codifié à l'article L411-1 du code de l'éducation.

* 22 Voir l'amendement adopté au Sénat : https://www.senat.fr/amendements/2020-2021/406/Amdt_1.html

* 23 Article 145 de la loi.

* 24 Voir l'amendement du gouvernement : https://www.senat.fr/amendements/2023-2024/367/Amdt_386.html.

* 25 Article 1er du décret n°87-1004 du 16 décembre 1987.

* 26 Le décret n° 94-415 prévoit, au titre des dérogations à la loi du 26 janvier 1984 prévues par son article 6, que la Ville de Paris n'est pas soumise aux dispositions du troisième alinéa de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984, qui vise la définition réglementaire des modalités de rémunérations et d'effectifs des collaborateurs de cabinet au sein des collectivités territoriales.

* 27 Ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021.

* 28 Le plafond fixé par la délibération de la ville de Paris est de 280.

* 29 Articles 10 à 13-1.

* 30 Dans une réponse ministérielle publiée le 31 août 2021, le gouvernement souligne, d'une manière générale, qu'« aucune disposition législative ou règlementaire ne fixe les modalités de remplacement des agents affectés à des emplois non permanents, absents du fait d'un congé » https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-39516QE.htm

* 31 Rapport disponible sur https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-03/ARA202406.pdf

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page