C. REVOIR LA GOUVERNANCE ET LE STATUT : NÉCESSITÉ D'UNE STRUCTURE PLUS ADAPTÉE MAIS ÉGALEMENT D'UN CADRE RÈGLEMENTAIRE FLEXIBLE

1. Mettre en place un mode de gouvernance et/ou un statut adapté pour le développement des alliances...

Comme indiqué précédemment, les rapporteurs sont convaincus de la nécessité de trouver un mode de gouvernance adapté pour les alliances, si elles souhaitent développer leurs activités.

Ce mode de gouvernance - qui peut être « souple » ou « plus rigide » via la mise en place d'un véritable statut juridique - semble nécessaire aux alliances pour pérenniser leurs activités.

Il faut, à tout le moins, arrêter un mode de gouvernance, permettant une collaboration et une communication entre les partenaires pour l'établissement d'une relation de confiance et d'activités communes.

Néanmoins, pour leur permettre d'aller plus loin dans leurs missions conjointes, la mise en place d'un véritable statut juridique des alliances semble indispensable. Seul un tel statut sera à même de lever les obstacles liés au partage des ressources, d'infrastructures, de services financiers, humains et numériques, en permettant aux alliances de pouvoir recruter, récolter des fonds, générer des revenus etc., en leur nom propre.

Cette question du statut et plus généralement de la gouvernance semble un préalable pour ce changement d'échelle, souhaité par les établissements - et le passage souhaité de la logique projet à une coopération de long terme.

2. ...qui soit adapté aux objectifs et spécificités de chaque alliance

Ce mode de gouvernance doit être néanmoins adapté aux stratégies et objectifs de chaque alliance. Chaque alliance doit ainsi trouver un mode de gouvernance approprié, qu'il ne faut pas chercher à uniformiser. Comme indiqué par un établissement auditionné, le but est que chaque alliance « définisse un socle de gouvernance nécessaire et suffisant pour assurer à la fois sa gouvernance et son fonctionnement en supprimant le plus possible les barrières juridiques et administratives qui entravent la coopération transnationale ».

Il faut un mode de gouvernance ou un statut qui soient les plus « agiles possibles » et ne complexifient pas la gestion administrative des alliances. (cf. encadré infra).

Paroles des établissements français...

« Nous nous trouvons face à un double enjeu. Celui de définir des modes de gouvernance les plus agiles possibles dans nos alliances européennes, pour qu'elles ne se transforment pas en lourdes machines administratives rapidement freinées par une forme d'inertie et de surcharge bureaucratique souvent caractéristiques des universités traditionnelles. Selon nous, et en s'inspirant du mode de fonctionnement et de gouvernance de notre établissement lui-même, un fonctionnement en réseau, fondé sur une autorité centrale collégiale et un principe de distribution des responsabilités, serait tout à fait adapté. Celui d'intégrer et/ou d'articuler durablement les acteurs en responsabilité du pilotage et de l'animation des alliances au sein de nos établissements dans les organigrammes et la gouvernance existants. La création de fonctions idoines comme des vice-présidences, des conseils, voire des services centraux dédiés, peut elle aussi être disruptive et ne va pas de soi, surtout lorsque la question du financement durable des alliances européennes reste ouverte ».

« Il sera nécessaire de veiller à ce que l'acquisition de ce statut juridique ne complexifie pas la gestion administrative des établissements concernés et qu'elle s'intègre avec fluidité dans l'organisation opérationnelle de l'alliance ».

Source : Réponses au questionnaire adressé par les rapporteurs aux établissements français, membres des alliances.

La question du statut juridique est un sujet de réflexion au sein de nombreux établissements souhaitant aller plus loin avec leurs partenaires, ce que les rapporteurs ne peuvent qu'encourager. Il faut néanmoins prendre le temps d'évaluer les avantages et inconvénients des différents statut existants.

Les rapporteurs et les établissements seront donc attentifs aux résultats des projets pilotes de la Commission européenne en cours (qui permettront d'analyser les possibilités de statuts nationaux et européens). En attendant ces résultats, différents établissements ont déjà adopté un statut juridique, qui diffère en fonction de leurs spécificités, sans que leur réflexion soit aboutie sur le sujet (cf. encadré infra).

Retours d'expérience des alliances sur la question du statut

« Notre alliance dispose d'une entité légale propre sous forme d'association internationale sans but lucratif (AISBL). Elle a été créée dès 2021 afin de pérenniser les activités de l'alliance et envisager son développement à long terme. Aujourd'hui, l'AISBL est un des partenaires du projet CU2030, ce qui a permis de lui allouer des fonds pour constituer une équipe de 3 personnes à Bruxelles (secrétaire général + chargée de communication + assistant administratif). De plus des frais d'adhésion d'un montant de 30 000 euros par an ont été introduits en janvier 2024 afin de permettre au bureau de fonctionner et de prendre en charge certaines activités et appels à projets (comme les appels pour des fonds d'amorçage ou seed-funding) ».

« CIVIS-Association sera bientôt créée pour donner un statut juridique à l'alliance sous forme AISBL de droit belge. Elle permet de figurer comme une personne morale dans les appels à projet, bénéficier de financements propres mais sans compétences en matière de formation »

« Notre établissement participe à une alliance transfrontalière et a bénéficié du projet pilote « statut légal » LEG-UNIGR. Le statut de type GECT (Groupement européen de coopération territoriale), avec quelques aménagements, semble approprié, même si, à ce stade, il ne permet pas de bénéficier d'une charte Erasmus. Néanmoins, ce statut juridique est également exploré dans l'alliance Eureca-Pro. L'objectif est de réduire la charge administrative liée à l'intégration des processus de l'alliance dans les universités, de pouvoir recruter du personnel propre, d'être en mesure de participer en tant qu'alliance à des projets européens et de pouvoir délivrer des diplômes européens ».

« L'entité légale créée pour le compte d'UNITA est un Groupement Européen d'Intérêt Économique (GEIE). Lors de la création de cette entité légale, l'intention initiale était de créer, en coopération avec l'UE, un groupement européen d'intérêt académique (GEIA). Le groupe de travail s'est heurté à l'antagonisme des différentes réglementations nationales. Malgré les efforts déployés, il n'a pas encore été possible de surmonter ces obstacles. Cependant, nous sommes convaincus que l'évolution du GEIE en un GEIA reste la perspective la plus adaptée pour la création d'une entité juridique pour une véritable alliance européenne de type confédéral. Ces travaux et réflexions se poursuivent dans le cadre du projet EGAI ».

« Le réseau Aurora a été fondé en 2016 en tant qu'association de droit néerlandais. Cette unité existe toujours. La contribution annuelle des membres, huit à ce jour, est de 25 000 euros pour chaque membre. Celle-ci sert surtout à co-financer des personnels de l'office central d'Aurora situé dans les locaux de l'Université libre d'Amsterdam. Tous les huit établissements du réseau d'Aurora sont également membres bénéficiaires du contrat EUI en cours. À noter que les financements EUI eux-mêmes (obtenus au 2e et 4e appel à projets) ne sont pas gérés par cette association, mais par l'université libre d'Amsterdam elle-même (1er contrat EUI, 2020-2023) et l'université d'Islande (contrat EUI en cours 2023-2027). Le souhait d'Aurora est d'établir un nouveau statut juridique capable de gérer également des financements européen (UPEC) »

« En matière de gouvernance, nous privilégions un statut d'université européenne, de nature confédérale, dans lequel les établissements membres garderaient leur personnalité juridique. Cette entité supranationale gèrerait les communs, qu'il s'agisse de diplômes ou d'unités de recherche. Cela implique que le nouvel établissement européen soit en capacité de délivrer des diplômes conjoints, sous la forme de diplômes européens, reconnus partout dans l'UE, et que des processus d'évaluation et d'accréditation, également reconnus partout dans l'UE, soient mis en oeuvre. Cette perspective appelle une convergence a minima des stratégies des établissements membres d'une alliance. Les caractéristiques communes des membres d'UNITA et les liens étroits qu'ils entretiennent avec leurs territoires respectifs rendent cette convergence aisée ».

Source : Réponses au questionnaire adressé par les rapporteurs aux établissements français, membres des alliances.

Certains établissements mettent en gardent sur l'adoption d'un statut européen qui pourrait poser des difficultés aux États non membres de l'UE, membres des alliances, qui pourraient ne plus avoir accès à certains financements européens ou à la gouvernance. Ces craintes doivent être prises en compte attentivement.

Les rapporteurs seront attentifs aux résultats des projets pilotes, dont les premiers retours d'expérience indiquent qu'il n'y a pas de « statut parfait ». (cf. partie suivante). L'essentiel, pour les rapporteurs, est de ne pas imposer de statut aux établissements et de leur laisser le choix du statut, afin qu'il convienne à leurs objectifs.

Les premiers résultats des projets pilote confirment qu'il n'y a pas de « statut parfait »

Selon les premiers résultats des projets pilotes, aucun des instruments juridiques existants - nationaux et européens - « ne correspond pleinement aux besoins exprimés par les alliances d'établissements d'enseignement supérieur. Les solutions disponibles n'offrent que des réponses partielles à certains des défis identifiés », selon la Commission européenne dans son document de travail.

Concernant un statut juridique européen, la Commission affirme « que le règlement sur le groupement européen de coopération territoriale au niveau européen pourrait avoir le potentiel de répondre aux besoins spécifiques des établissements d'enseignement supérieur à l'avenir, si d'autres changements sont apportés à la législation européenne. Ses principaux avantages sont les suivants : un règlement commun inscrit dans la législation de l'UE ; la création d'un groupement à partir de différents États membres de l'UE sans qu'il soit nécessaire de signer et de ratifier un accord international préalable par les parlements nationaux ; une organisation souple ; un engagement fort de la part des membres ; une base juridique pour la gestion conjointe des ressources ; et la visibilité accrue de l'alliance ».

Nonobstant le fait qu'un groupement européen de coopération territoriale peut approfondir la coopération interinstitutionnelle entre les universités, il existe encore des lacunes qui empêchent la pleine réalisation des objectifs des alliances d'établissements d'enseignement supérieur, telles que : une procédure d'établissement complexe qui inclut la nécessité d'un soutien national ; une mise en oeuvre hétérogène du règlement relatif au groupement européen de coopération territoriale ; des problèmes liés à la participation privée (y compris les universités privées) ; une orientation et une pratique limitées dans le secteur de l'enseignement supérieur, étant donné que le groupement européen de coopération territoriale ne facilite pas l'offre d'activités éducatives conjointes.

Source : Document de travail des services de la Commission européenne accompagnant la communication sur le diplôme européen, ainsi que les propositions de recommandation sur l'assurance qualité et les carrières attrayantes dans l'enseignement supérieur, COM (2024) 144 final, p62

Par ailleurs, les rapporteurs estiment indispensable la représentation étudiante, au sein de ces instances gouvernantes des alliances, alors qu'elle semble faire défaut dans beaucoup d'entre elles.

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