B. AU DANEMARK, UNE SPÉCIALISATION DE LA PLACE DE L'HÔPITAL ET UNE RATIONALISATION DE L'OFFRE CONFIRMÉES EN 2024

1. En 2007, une décentralisation et réorganisation de l'offre hospitalière
a) Une vaste réforme territoriale accompagnant des évolutions structurelles de la gestion du système de santé

Le système de santé danois est essentiellement public et financé par l'impôt.

Le Danemark a mené en 2007 une profonde réforme de l'organisation du système de santé, conjointement avec une réforme territoriale. Au bénéfice de la réforme, l'État a conservé au niveau central un rôle d'encadrement réglementaire et de lignes directrices de planification des activités autorisées, quand la gestion de l'offre de soins a été transférée, devenant de la compétence des collectivités locales.

· Les cinq régions nouvellement créées se sont vu confier le financement des soins primaires et secondaires, et la responsabilité de la gestion des hôpitaux. La région peut parfois recourir à contractualisation avec les médecins généralistes ou spécialistes.

· Les 98 municipalités ont, elles, la responsabilité de la prévention ou encore des soins de suite, des soins infirmiers et à domicile.

Le financement du système est défini sur la base d'un accord de financement négocié chaque année entre le gouvernement, les régions et les municipalités, suivant les objectifs fixés en matière de niveau d'activité et de dépenses de santé pour l'année à venir.

Les hôpitaux danois sont principalement financés par des dotations globales assises notamment sur le profil démographique, social et sanitaire de la population du territoire, complétées par des financements liés à l'activité.

b) Une forte rationalisation de l'offre hospitalière

La décentralisation de la gestion des hôpitaux a été accompagnée d'une très forte concentration de l'offre hospitalière avec une rationalisation du nombre d'établissements. Le nombre d'hôpitaux de soins aigus a été réduit de 40 à 21 entre 2007 et 2020, chaque établissant desservant chacun une population de 200 000 à 400 000 personnes.

L'un des points clés du projet était la création de seize « super hôpitaux », nouveaux ou issus de la reconfiguration et de l'agrandissement d'établissements existants. Ceux-ci avaient vocation à accroître la qualité des soins par le biais d'une concentration des actes techniques sur des structures modernisées et des traitements harmonisés.

Des programmes de construction de nouveaux hôpitaux sont encore en cours, comprenant des « super-hôpitaux » pour les soins aigus comme des hôpitaux de plus petite taille.

c) Une redéfinition des missions de l'hôpital et un accès particulièrement régulé

La réforme de 2007 a surtout assumé la redéfinition de la place de l'hôpital au Danemark, avec le choix fait d'un recours à l'hôpital réservé aux actes techniques qui le nécessitent et pour la seule durée requise.

Lits pour
1 000 habitants au Danemark

 

· Le nombre de lits par habitant a suivi une même trajectoire de rationalisation, atteignant 2,6 pour 1 000 habitants en 2019 - contre 5,8 en France à la même date. Dans le même temps, la durée moyenne de séjour a poursuivi sa baisse, à 5,4 jours en 2016 et 3,5 en 2024.

Corollaire immédiat de cette doctrine, l'accès aux services hospitaliers est strictement régulé. Le rôle du médecin généraliste a ainsi été renforcé comme point d'entrée, mais aussi comme « garde-barrière » d'orientation vers les soins secondaires. En outre, dans la plupart des régions, un patient ne peut se présenter - sauf cas définis - dans un service d'urgence sans un avis médical préalable.

Cette stratégie semble avoir montré des résultats et ne pas être remise en cause. La concentration et l'éloignement des structures, y compris d'urgences ou de maternités, n'a pas provoqué de dégradation des indicateurs de santé publique. Cependant, tant l'agence nationale de santé que des responsables locaux soulignent l'impression de fragmentation que donne parfois le « triangle » de responsables de la prise en charge des patients.

À noter que le bon fonctionnement du système de santé repose sur une forte coordination des acteurs. Au niveau des établissements et des structures, les échanges sont favorisés par un recours important au numérique et au partage des données de santé des patients. Au niveau du pilotage du système lui-même, des mécanismes financiers incitatifs existent : les municipalités participent au financement des hôpitaux et payent une contribution supplémentaire en cas de réhospitalisation de patients à la suite d'une intervention, considérant une lacune dans les soins de suite.

2. En 2023 et 2024, des réponses d'urgence et de long terme aux fragilités identifiées
a) Des difficultés nouvelles...

Le Danemark est aujourd'hui confronté aux difficultés constatées globalement en Europe de l'ouest. D'une part, le Danemark connaît les mêmes nouveaux défis de santé publique liés au vieillissement de la population et à la plus forte prévalence des maladies chroniques.

D'autre part, le royaume subit également une pénurie de professionnels de santé, face à laquelle il développe notamment des programmes de recrutements de soignants en Inde et aux Philippes. Comme la France, le Danemark se heurte ces dernières années à des fermetures de lits subies faute de personnels en nombre suffisant, et à une saturation de services d'urgence ou des reports d'interventions.

Alors que le Danemark a, comme la Suède2(*), une garantie de prise en charge dans un délai fixé par la loi, les listes d'attente se sont fortement allongées à la suite de la pandémie de covid-19. Les délais de prise en charge pour certaines pathologies ont été considérés comme préoccupants, et particulièrement mis en lumière, concernant le traitement des cancers3(*).

b) ... avec de premières réponses immédiates

Face à cette situation particulièrement sensible le gouvernement danois a conclu en 2023 un accord avec les régions pour un « plan d'urgence ». Celui-ci était présenté comme ayant une vocation uniquement transitoire, avec le lancement de commissions spécifiques chargées de réfléchir aux évolutions du système de santé.

En 2023, un accord entre le gouvernement et les régions
sur un plan d'urgence pour le système de santé

Face à l'allongement des listes d'attente et aux tensions sur les gardes et astreintes, la nouvelle coalition gouvernementale a présenté en février 2023 un plan d'urgence avec comme principales mesures :

- une plus forte participation du secteur privé à la résorption des interventions en attente ;

- des efforts de recrutements en personnels étrangers ;

- une priorisation accrue des patients à prendre en charge, au moyen d'un allongement du délai de garantie de traitement ;

- une responsabilité renforcée des hôpitaux sur les 72 heures post-opérations en vue de réduire les réadmissions.

Ce plan a été assorti d'une enveloppe de 2 milliards de couronnes, soit 270 millions d'euros sur deux ans.

c) Une anticipation des évolutions nécessaires pour s'adapter aux nouveaux besoins

En vue d'anticiper les besoins en matière de politique de santé, une commission sur la résilience du système de santé (Robusthedskommissionen) créée a été 2022.

La commission a ainsi rendu ses travaux en septembre 2023, avec des recommandations concernant notamment la priorisation des tâches, la formation des professionnels ou l'attractivité des métiers.

Parallèlement, une commission relative à la structure du système (Sundhedsstrukturkommissionen) a été missionnée en 2023 afin de tirer le bilan de la mise en oeuvre de la réforme de 2007 et d'évaluer les besoins de réforme structurelle au regard des changements démographiques et du contexte de pénurie de ressources médicales. La commission a remis son rapport à la mi-2024, formulant six recommandations et proposant trois modèles d'évolution de l'organisation et du pilotage de la politique de santé, comprenant une hypothèse de recentralisation.

Sur cette base, le gouvernement danois a présenté en septembre 2024 un projet de réforme articulé autour de quelques mesures phares :

- Le renforcement de l'échelon régional par rapport aux municipalités et le regroupement de deux régions, passant leur nombre à 4, avec la fusion des régions de Sjælland et Hovedstaden (Copenhague), afin de favoriser une meilleure répartition des ressources médicales sur le territoire ;

- La création de 17 conseils de santé afin de disposer d'un échelon de pilotage du système plus en proximité réunissant les représentants régionaux et municipaux ;

- Sur le fond, le développement de nouveaux programmes de soins pour les malades chroniques, l'amélioration des soins à domicile ou encore un recours plus important encore au numérique.

L'accord politique conclu à l'initiative du gouvernement danois confirme la structure issue de la réforme de 2007 et renforce encore le rôle des régions dans l'organisation des soins pour une meilleure répartition des ressources.

Le 15 novembre 2024, le gouvernement danois a annoncé être arrivé à un accord sur la réforme de santé, réunissant quatre partis en plus des trois composant la coalition au pouvoir, lui assurant une large majorité au parlement, le Folketing.


* 2 Voir le rapport d'information n° 216 (2022-2023), déposé le 19 décembre 2022, « Accès aux soins en Suède : un point d'entrée unique, des réponses focalisées sur les délais de prise en charge ».

* 3 À noter que dans ce contexte de difficultés de prise en charge, le secteur hospitalier privé gagne depuis quelques années du terrain. Pour rappel, les patients peuvent être pris en charge dans des établissements privés, à la charge de la collectivité, lorsque le délai garanti par la loi n'a pas pu être satisfait dans le public.

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