B. LA PRÉSENCE HUMAINE DANS L'ESPACE, CATALYSEUR D'INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
Les contraintes particulières de sécurité, d'isolement ou encore de réentrée atmosphérique, liées au vol spatial habité, posent de très nombreux défis techniques. Ceux-ci stimulent l'innovation et amènent au développement de nouvelles technologies ou à l'adaptation de technologies existantes, qui ont des applications potentielles sur Terre.
Claudie Haigneré a évoqué le nécessaire recyclage de l'eau à bord de l'ISS, assuré à 99 %. La vie dans cette station, et plus encore dans une éventuelle base lunaire, conduit aussi à imaginer des techniques intéressantes pour le recyclage des déchets, la production d'énergie, la construction efficace d'habitats, etc. Dans l'ISS, on recycle même les plastiques pour imprimer des pièces de rechange pour les équipements ! Toutes ces compétences d'origine terrestre sont donc mobilisées et susceptibles d'être améliorées par l'industrie spatiale. Hélène Huby a souligné par exemple que les missions Apollo ont donné un coup de fouet à la miniaturisation de l'avionique, pour en diminuer la masse, ce qui a ouvert la voie au développement de l'ordinateur individuel.
Elle a aussi indiqué que des entreprises intervenant hors du domaine spatial peuvent être directement intéressées par les technologies spatiales. Par exemple, Schlumberger est entré au capital de The Exploration Company, car l'expertise de celle-ci lui permettra d'améliorer ses technologies d'exploration et de forage.
L'espace est un milieu qui permet de créer ou de faire mûrir des technologies duales, c'est-à-dire combinant des applications civiles et militaires. Par exemple, MBDA s'intéresse fortement aux protections thermiques mises au point par The Exploration Company pour la réentrée dans l'atmosphère, probablement pour étudier l'extension de leur usage aux missiles hypersoniques. Les capacités de guidage très précises nécessaires à l'amarrage des vaisseaux cargos aux stations spatiales sont aussi un sujet d'attention pour les militaires. Ils peuvent en effet les appliquer à des satellites devant s'approcher de cibles non coopératives, afin de les espionner ou de les désorbiter. The Exploration Company a d'ailleurs signé un contrat avec l'Agence de l'innovation de défense (AID) dans ce domaine.
Lionel Suchet a rappelé que le développement de l'Automated Transfer Vehicle (ATV), le plus gros véhicule à s'être jamais amarré à une station orbitale, a fait progresser les capacités techniques européennes.
Le vol spatial habité en orbite basse et la préparation à l'exploration de destinations lointaines stimulent donc les technologies spatiales en général. Il est très vraisemblable que les technologies d'automatisation nécessaires à l'envoi d'êtres humains sur Mars bénéficieront largement aux opérations des satellites en orbite terrestre. Certes, le vol spatial habité n'est pas à la source de toutes ces technologies, rappelle Philippe Lugherini, puisqu'il réutilise beaucoup d'outils déjà développés pour des applications terrestres. Il contribue néanmoins à leur amélioration en raison de la nécessité de surmonter des contraintes spécifiques.