II. LA PRÉSENCE HUMAINE DANS L'ESPACE PERMET DES RETOMBÉES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES IMPORTANTES

A. FAIRE DE LA SCIENCE EN ORBITE, UNE SOURCE DE RÉELLES AVANCÉES

L'homme dans l'espace n'est pas seulement une histoire d'exploration lointaine - à commencer par celle de la Lune - qui, pour l'instant, prend la forme de missions ponctuelles. Il est en effet présent depuis environ 25 ans, de manière continue, dans des stations placées en orbite terrestre basse, dont l'une des vocations est d'être des installations scientifiques. Comme l'a souligné Lionel Suchet, on peut faire dans l'espace de la science de qualité et une station spatiale peut être un bon laboratoire de recherche.

1. La micropesanteur, un contexte physique unique

Le premier intérêt d'une station spatiale est de s'arracher aux effets de la gravité terrestre. En orbite, la station est en situation de micropesanteur car la force de gravité terrestre à laquelle elle reste soumise est compensée par la vitesse de révolution de la station. Ceci permet d'étudier des phénomènes physiques qui seraient masqués par la pesanteur sur Terre. Lionel Suchet mentionne ainsi des études de l'interface liquide/solide dans la formation de certains alliages : cette interface serait brouillée sur Terre par le bouillonnement lié à la convection, qui disparaît en apesanteur. La micropesanteur permet donc d'observer des situations invisibles dans les conditions terrestres habituelles.

Une autre famille d'expériences évoquée par Lionel Suchet consiste à simplifier un problème complexe en écartant l'effet d'un de ses paramètres, en l'occurrence la pesanteur. L'absence de pesanteur change le contexte expérimental et peut produire des résultats étonnants qui améliorent la compréhension du phénomène étudié. Un exemple typique est celui de l'embryogénèse : en apesanteur, les premières divisions cellulaires d'un embryon peuvent donner un nombre de cellules impair, ce qui n'est jamais le cas sur Terre. Ceci a été montré par une expérience fameuse sur des salamandres, conduite dans la Station spatiale internationale (ISS) par Claudie Haigneré.

2. L'astronaute expérimentateur, ou comment passer outre les limites de l'automatisation

Même si beaucoup d'expériences peuvent être automatisées, l'être humain reste un expérimentateur indispensable : il montre en effet une capacité d'adaptation qui lui permet de faire face aux imprévus inhérents au processus expérimental. L'histoire de l'ISS montre de nombreux exemples de cette capacité.

Dans un autre ordre d'idées, le vol habité impliquant le retour sur Terre des astronautes, il est possible à cette occasion de faire revenir avec eux des objets ayant séjourné en orbite, témoins d'expériences dans l'espace dont l'analyse au sol permet de tirer des résultats plus complets.

En France, c'est le CADMOS (Centre d'aide au développement des activités en micro-pesanteur et des opérations spatiales), un centre opérationnel du CNES installé à Toulouse, qui est chargé de préparer, réaliser et exploiter les résultats des expérimentations.

3. L'espace, laboratoire de progrès médicaux

En plus d'être des expérimentateurs, les astronautes sont aussi des cobayes. S'ils ont toujours été surveillés de très près pendant les vols, on peut aujourd'hui, avec les technologies du XXIe siècle, disposer d'informations de santé très détaillées en continu pour mesurer l'effet de l'apesanteur et des autres contraintes du vol spatial. Les astronautes sont ainsi à la pointe de l'approche centrée sur le patient qui est l'une des voies dans lesquelles s'engage la médecine. Celle-ci bénéficie ainsi pleinement des apports du vol spatial habité. Situé à Toulouse, le Medes (Institut de médecine et de physiologie spatiales) est l'une des deux « cliniques spatiales » européennes. Il prépare les astronautes et effectue leur suivi médical au cours des vols habités.

Les méthodes visant à maintenir les astronautes en bonne condition pendant le vol et à leur permettre une récupération correcte au terme d'un long séjour en micropesanteur font avancer les connaissances en physiologie. Les conditions difficiles liées à l'isolement dans une station participent aussi à l'avancée des connaissances en psychologie, utiles pour de futures missions lunaires voire un hypothétique voyage vers Mars, encore plus contraignant. Une capsule spatiale est un environnement extrême qui force à l'innovation et à la recherche pour assurer la sécurité des humains embarqués.

Par ailleurs, l'isolement des astronautes, en particulier l'impossibilité d'avoir rapidement accès à la médecine usuelle sur Terre, nécessite d'innover pour se suffire des « moyens du bord ». Certains pays, comme le Canada, ont compris que ce type de situation peut être efficacement transposé aux problématiques terrestres des déserts médicaux, notamment dans le domaine de la médecine à distance, et, en conséquence, s'investissent dans ce secteur.

Le laboratoire médical unique et d'une qualité très élevée installé à bord de la station spatiale internationale, comparable à ce qui pourrait se faire au sol, intéresse à la fois les industriels et les scientifiques, comme l'a indiqué Claudie Haigneré. Celle-ci est d'ailleurs souvent invitée à échanger avec ces différents acteurs à propos de pathologies vestibulaires ou musculaires, de cardiologie, d'ostéoporose, etc.

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