B. FAUTE DE SYSTÈME D'INFORMATION, UN PROCESSUS DE SUIVI ARTISANAL, LOURD ET CHRONOPHAGE
Le rapporteur spécial l'a déjà indiqué dans nombre de ses travaux : le fait d'avoir confié l'autonomie aux universités en l'absence de système d'information consolidé entre l'État et les établissements d'enseignement constitue le « péché originel » de la loi LRU21(*). À défaut d'avoir anticipé cet aspect, cela fait bientôt vingt ans que les établissements et le ministère sont réduits à échanger sur la plupart des sujets par le biais d'enquêtes et de transmission par e-mails de documents dactylographiés.
L'élaboration et le suivi des COMP ne font à cet égard pas exception. La DGESIP n'a pas déployé d'outil informatique dédié à la gestion du COMP. De ce fait, les établissements et les services des rectorats multiplient les transferts de documents, sans qu'il n'existe d'ailleurs de plate-forme permettant de transmettre des documents de façon centralisée. Ce travail est excessivement chronophage et consommateur d'énergie, pour les équipes des établissements comme celles des rectorats et de l'administration centrale. Alors que nombre de projets des COMP ont trait à l'intelligence artificielle ou au déploiement de systèmes d'information, il est paradoxal que le suivi de ces contrats repose encore sur un système artisanal qui peut être qualifié d'archaïque.
Recommandation : développer un outil informatique spécifique à la négociation et au suivi des COMP, permettant des échanges entre la DGESIP, le rectorat et les établissements à tous les stades du processus (DGESIP, SIES)
C. UNE DURÉE TROP COURTE DU CONTRAT, DÉSYNCHRONISÉE AVEC LES AUTRES TEMPORALITÉS DE L'ÉTABLISSEMENT
1. Une difficile articulation avec les autres temporalités de l'établissement
La circulaire de la vague 1 indiquait que « les COMP s'articuleront avec le contrat pluriannuel en permettant de démontrer une vision globale et cohérente de l'utilisation des différents financements [...] La durée des COMP sera cohérente avec les actions portées et financées ainsi qu'avec la vie de l'établissement (gouvernance et évolution interne) et l'évolution des politiques publiques ». Là encore, la réalité n'est pas à la hauteur des intentions louables exprimées lors du lancement des contrats.
Dans son audit flash, la Cour des comptes note que le calendrier des COMP, sur une durée cible de trois ans, aggrave la désynchronisation existante entre les différents cadres de dialogue entre l'État et les établissements : le dialogue budgétaire se décline à un rythme annuel, les contrats d'établissement et les évaluations du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) ont lieu tous les cinq ans, l'élection de la gouvernance des établissements est organisée tous les quatre ans.
La Cour recommande donc de parvenir à un contrat unique liant les établissements au ministère, aligné sur les mandats des présidents et les campagnes d'évaluation du Hcéres. La fusion des contrats quinquennaux et des COMP avait d'ailleurs été présentée comme un objectif dès 2023 par la ministre Sylvie Retailleau.
Ces recommandations semblent avoir été entendues du fait de l'annonce de la nouvelle génération de COMP (cf. infra). Il faut cependant noter que ces nouveaux contrats ne pourront pas davantage être contraignants que les précédents sur le plan budgétaire, les moyens restant attribués annuellement.
2. Une temporalité trop contrainte pour une réelle mesure des réalisations
Les objectifs des COMP sont d'autant plus ambitieux que les contrats ne s'étalent que sur trois ans. La mise en place des actions a en outre été retardée par le délai de contractualisation, ce qui a conduit les établissements à considérer que les objectifs des contrats étaient « irréalisables » dans le temps du COMP (cf supra).
Par ailleurs, si certaines actions peuvent être réalisées dans les trois ans, les projets les plus structurants pour les universités nécessitent fréquemment de se déployer sur un temps plus long : rénovation énergétique des bâtiments, évaluation de l'impact d'une modification de la maquette d'une formation sur l'insertion professionnelle des étudiants...
Certains établissements intègrent ainsi dans leurs COMP des hypothèses de financement qui s'étendent bien au-delà des trois ans du contrat. Par exemple, le COMP de l'Université de Montpellier (vague 1) prévoit que seront versés 100 000 euros au titre du COMP pour le « projet de création d'une filière d'ingénieurs répondant à la stratégie nationale portée par France 2030 pour la réindustrialisation, le développement de l'hydrogène vert et la décarbonation de l'industrie ». Le COMP mentionne pourtant d'ores et déjà que seront versés ensuite 300 000 euros par an à partir de 2026, intégrés dans la SCSP au titre des actions spécifiques, puis, qu'après 2028, la somme sera ensuite intégrée à partir de 2028 dans la dotation globale de l'établissement.
Dans ces conditions, il est difficile de réellement évaluer la performance des établissements sur les temporalités initialement prévues dans les contrats. Les prochains contrats devront donc être plus longs. À cet égard, l'annonce du ministre des prochains COMP en cinq ans paraît davantage adaptée au rythme des établissements.
La circulaire de la première vague des COMP justifiait la durée de 3 ans en indiquant qu'elle permettrait « un suivi plus fin des actions de remédiations demandées et qui n'étaient pas questionnées réellement entre les deux points d'évaluation distants de 5 ans ».
Pour autant, une durée de cinq ans pour les contrats ne doit pas impliquer une réduction des échanges entre le ministère et les établissements au cours de cette période. En conséquence, il serait pertinent d'intégrer un ou plusieurs points d'étape avant l'échéance du contrat. Une revoyure à 3 ans, permettant au ministère de s'assurer de la bonne exécution des projets, permettrait de concilier la nécessité d'un suivi continu avec un rythme de déploiement des contrats davantage adapté aux établissements.
Recommandation : prévoir au sein des prochains contrats sur 5 ans une revoyure à 3 ans, complétant le suivi réalisé par le ministère tout au long du contrat (DGESIP, établissements)
* 21 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.