N° 735

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juin 2025

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1)
sur l'
encadrement des modalités de vente des chiens et chats,

Par Mme Anne CHAIN-LARCHÉ,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon,
Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay,
Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot,
Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla,
Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione,
Jean-Claude Tissot.

L'ESSENTIEL

Depuis le 1er janvier 2024 et l'entrée en vigueur de l'article 15 de la loi dite « maltraitance animale1(*) », il est interdit de vendre des chiens et chats - mais pas les autres espèces d'animaux - dans les animaleries. Pour autant, aux termes de l'article 18 de cette même loi, la vente en ligne d'animaux, y compris de chiens et chats, interdite par principe, est autorisée par dérogation en cas de respect de certaines conditions, pour certains établissements au nombre desquels figurent les animaleries de façon explicite - il ne s'agit donc ni d'une erreur, ni d'un oubli. Il en résulte que la vente de chiens et chats par les animaleries, pour autant qu'elle ait lieu en ligne, demeure autorisée, ce qui implique, du reste, que ces établissements continuent de détenir des animaux2(*).

Tel est l'équilibre, complexe, issu de la commission mixte paritaire, aujourd'hui pointé du doigt par les associations de protection animale au motif notamment que la pratique du click and collect par les animaleries constituerait un contournement de la loi du 30 novembre 2021, contraire sinon à sa lettre, du moins à son esprit.

Il est vrai que l'interdiction était motivée par des motifs pratiques - les achats impulsifs de chiots et chatons dans les animaleries conduiraient, quelques mois ou années plus tard, à des abandons - et philosophiques - les animaux ne seraient pas des « biens » comme les autres, et à ce titre ne devraient être commercialisés comme un quelconque article de commerce - qui, prima facie, ne semblent pas compatibles avec la poursuite de cette modalité de vente.

Pour autant la rapporteure de cette loi pour la commission, Anne Chain-Larché, ne juge pas le commerce des animaux immoral et a toujours contesté l'accusation faite aux animaleries d'être le premier vecteur de l'abandon. Ainsi continue-t-elle de regretter l'interdiction de la vente en magasin et estime-t-elle, suivant une éthique de responsabilité, qu'adosser la vente en ligne à ce réseau connu et contrôlé par les services vétérinaires reste un moindre mal, comparé à la vente sur un site de petites annonces ou un réseau social.

Consciente cependant que l'encadrement actuel de la vente de chiens et chats n'empêche pas le maintien voire le développement de certaines dérives, la rapporteure propose :

Ø de réellement qualifier et quantifier le phénomène de l'abandon afin de mieux lutter contre ;

Ø d'encadrer, contrôler et si besoin sanctionner les animaleries continuant la vente en ligne ;

Ø de réguler d'autres modes de vente (salon, petite annonce) échappant encore aux contrôles.

 
 
 
 
 

nombre estimé de chiens et chats en France

estimation haute des abandons d'animaux de compagnie par an, dont une majorité de chats

nombre d'animaleries pratiquant le click and collect sur le total de ces établissements

ventes en click and collect de chiens et de chats par des animaleries sur le total des ventes en France

nombre de petites annonces de chiens et chats sur Leboncoin

I. L'INTERDICTION DE LA VENTE DE CHIENS ET DE CHATS DANS LES ANIMALERIES : UNE MESURE DONT L'IMPACT SUR LE NOMBRE D'ABANDONS RESTE DIFFICILEMENT MESURABLE

Quatre ans après le vote de la loi « maltraitance animale », aucun élément statistique ne vient étayer de façon formelle une baisse du nombre d'abandons en lien avec la supposée diminution des achats d'impulsion qui serait liée à l'interdiction de la vente en animalerie, entrée en vigueur le 1er janvier 20243(*).

Lors de l'examen de la proposition de loi, les associations de protection animale communiquaient sur le nombre de 300 000 abandons par an, un nombre qui inclurait semble-t-il l'ensemble des animaux de compagnie et non les seuls chiens et chats. Mis en place en parallèle de l'adoption de la loi, l'observatoire de la protection des carnivores domestiques (Ocad), ne confirme ni n'infirme cela, et rappelle que 200 000 animaux par an sont pris en charge par les refuges et fourrières.

Pour autant, certains spécialistes vétérinaires entendus par la rapporteure ont pointé une communication intellectuellement « embarrassante » de la part d'associations, qui ferait fi de la diversité des motifs pouvant conduire à se séparer d'un animal de compagnie. En l'absence de définition légale et même de définition consensuelle selon I-Cad, la notion d'« abandon » ne recouvre que partiellement l'abandon à l'heure des vacances à la suite d'un achat d'impulsion mais inclut également des abandons liés à des circonstances de la vie (décès ou départ en maison de retraite d'un propriétaire, divorce, chatons issus d'une portée non désirée, problèmes comportementaux de chiens de type staff ou berger belge/malinois, à la mode).

84 % des animaux abandonnés ne sont pas identifiés (Ocad)

Alors qu'environ 50 % des chats et 90 % des chiens sont aujourd'hui identifiés, les flux entrée-sortie des animaux d'un foyer devraient pourtant pouvoir être fidèlement retracés par l'observatoire de la protection des carnivores domestiques (Ocad), ce qui permettrait au passage d'asseoir la décision politique sur des preuves.

Recommandation n° 1 : demander à l'Ocad d'affiner les statistiques pour mieux cerner le nombre réel d'abandons en France et pouvoir relier avec plus de rigueur chaque abandon à son mode d'acquisition.

Comme les associations de protection animale l'ont reconnu, s'il est une mesure qui fait l'unanimité contre l'achat d'impulsion et donc l'abandon, c'est bien le délai de sept jours avant l'acquisition d'un animal de compagnie adossé au certificat d'engagement et de connaissance (CEC), introduit par la rapporteure Anne Chain-Larché au Sénat. En introduisant une prise de distance avec l'immédiateté et en forçant la réflexion, ce délai vise à responsabiliser les acheteurs et à leur faire prendre conscience des charges induites, sur plusieurs années, par la détention d'un animal.

Pour autant, il semblerait que ce certificat soit régulièrement antidaté, pour certaines modalités de vente, à l'exception des élevages, dans lesquels, compte tenu notamment des prix, l'usage consiste à réserver l'animal plusieurs jours avant de le récupérer. En outre, un recours formé devant le Conseil d'État par le Synapses (un syndicat d'animaleries) a abouti, en mars 2025, à ce que le délai de sept jours soit décompté depuis la délivrance du CEC et non sa signature.

La société centrale canine propose pour améliorer l'application de la loi de revoir les modalités de délivrance du certificat d'engagement et de connaissance (instruction technique - DGAL) pour qu'il ne puisse l'être que par voie informatique sur une plateforme centralisée empêchant de l'antidater.

Recommandation n° 2 : mettre en place une procédure informatique incontournable pour s'assurer du respect du délai de réflexion de 7 jours avant l'acquisition d'un animal, sur l'interface d'I-CAD.

II. LA VENTE EN « CLICK AND COLLECT » PAR LES ANIMALERIES : UNE PRATIQUE LÉGALE, QU'IL CONVIENT CEPENDANT D'ENCADRER TANT ELLE SE PRÊTE À D'ÉVENTUELLES DÉRIVES

Il est explicitement permis aux animaleries et aux éleveurs (« les personnes exerçant les activités mentionnées aux articles L. 214-6-2 et L. 214-6-3 du code rural ») de procéder à des cessions en ligne, pour autant qu'elles respectent les formalités prévues pour ce mode de vente (cf.  partie 3 ci-dessous). Si cette règle est issue des débats en commission mixte paritaire, elle n'a pas été prise en catimini, mais de façon consciente par les parlementaires, en lien avec le Gouvernement. Aujourd'hui, « une cinquantaine » d'animaleries procèdent de la sorte (Prodaf), sans qu'il soit permis en toute rigueur de parler de contournement de la loi car elles le font en toute légalité.

L'acte de vente étant constitué en droit civil de l'accord sur la chose et le prix (art. 1583 du code civil), il est juridiquement exact de dire, dans le cas du click and collect, que la vente a lieu en ligne, quand bien même le paiement aurait lieu dans l'animalerie. Se pose dès lors la question de la détention de ces animaux, avant la vente puis pendant le délai de sept jours. S'il est déjà prévu dans la loi que les animaux ne puissent être visibles depuis la voie publique (art. 16), l' arrêté du 3 avril 2014 fixant les règles sanitaires et de protection animale dans les refuges, fourrières, élevages et animaleries, prévoit des conditions d'hébergement et, par exemple, d'éclairage ou de surface par animal, bien plus souples pour les animaleries que pour les élevages.

La rapporteure juge que le cadre prévu pour les animaleries devrait être renforcé afin de rétablir plus d'équité par rapport aux éleveurs, dans un délai de six mois leur laissant le temps de procéder aux investissements nécessaires pour mettre aux normes leurs locaux.

Recommandation n° 3 : par la voie réglementaire, rapprocher - sans les aligner - les conditions d'hébergement des animaux vendus en ligne par les animaleries de celles prévues pour en élevage, dans un délai de six mois.

La rapporteure a bien conscience qu'il sera extrêmement difficile en pratique de distinguer des chiens et chats présents dans une animalerie, selon qu'ils soient destinés à la vente en ligne, légale, ou à la vente sur place en arrière-boutique, en toute illégalité. Seul un flagrant délit pourrait l'attester, la vente étant une opération abstraite (accord sur la chose et le prix) à la différence du paiement, ce qui impose des contrôles d'une grande efficacité pour mettre en demeure les contrevenants. Or, les directions départementales de la protection des populations (DDPP) manquent de moyens - il n'y a par exemple que deux agents dédiés dans tout le département de l'Allier - et de compétences spécifiques sur ces enjeux. Plus de coordination avec les associations et de formation ad hoc permettraient de mener des enquêtes plus poussées.

Recommandation n° 4 : dans les plans de contrôle des directions départementales de la protection des populations (DDPP), prioriser les animaleries et renforcer la formation des agents sur ces enjeux.

Si le décret n° 2022-1354 du 24 octobre 2022 relatif à la protection des animaux de compagnie prévoit des sanctions pour la plupart des dispositions de la loi relatives aux animaux de compagnie, il n'en prévoit pas pour les animaleries qui continueraient de vendre des chiens et chats en dépit de la loi. Les associations pointent la responsabilité du législateur, qui a posé le principe sans prévoir de sanction par décret, mais c'est en réalité au Gouvernement qu'il revenait de prendre une telle mesure, en vertu de son pouvoir réglementaire autonome. Aux yeux de la rapporteure, il conviendra de corriger cet oubli dès lors que le cadre réglementaire sur les conditions d'hébergement des animaux sera paru - pas avant. Ainsi, le « décret-sanctions » de 2022 devrait être étendu à la violation de l'interdiction de vente en animalerie - les associations de protection animale suggèrent une sanction pécuniaire par animal vendu, ce qui serait rapidement dissuasif - et au non-respect des nouvelles conditions d'hébergement sur site.

Recommandation n° 5 : prévoir des sanctions pour les animaleries ne se conformant pas aux nouvelles règles d'hébergement et des sanctions plus fortes encore pour celles continuant de vendre des animaux sur place (modification du décret n° 2022-1354).

III. PETITES ANNONCES, FOIRES ET SALON : DES MODALITÉS DE VENTE QUI ÉCHAPPENT ENCORE LARGEMENT À LA LOI ET AUX CONTRÔLES

Aussi étonnant que cela puisse paraître pour tout citoyen ayant récemment consulté un site de petites annonces comme Leboncoin, la cession en ligne d'animaux de compagnie « est interdite » en France depuis l'adoption de la loi « maltraitance animale » (art. L. 214-8 du code rural). Il ne peut y être dérogé - pour les seuls professionnels, non pour les particuliers - qu'à deux conditions cumulatives : l'offre doit être « présentée dans une rubrique spécifique aux animaux de compagnie » sur un site mettant « en oeuvre un système de contrôle préalable » de l'identification ; la rubrique spécifique doit comporter des messages de sensibilisation et d'information du détenteur relatif à l'acquisition d'un animal. Or, le contrôle de l'identification fait encore largement défaut, notamment pour les réseaux sociaux, qui ne se sentent pas tenus de le respecter, et les sanctions sont dérisoires (750 €). La rapporteure avait alerté dès le début de l'examen de la loi que celle-ci se traduirait par un report vers la vente en ligne, moins centralisée, moins professionnelle et, pour ces raisons, moins facile à contrôler.

Recommandation n° 6 : rehausser les sanctions pour non-respect du système de vérification-labellisation des ventes en ligne pour les sites de petites annonces (Leboncoin) et les réseaux sociaux (Meta), et les appliquer.

Les foires et autres salons sont une autre modalité de vente de chiens et chats aujourd'hui autorisée, alors qu'aux dires de nombre de personnes entendues elle favoriserait les achats d'impulsion. Une plus grande effectivité du délai de réflexion de sept jours, excluant la possibilité d'antidater le CEC, éliminerait la plupart des dérives, ces événements étant éphémères et les inscriptions ayant souvent lieu dans un délai plus court. La rapporteure invite cependant le ministère de l'agriculture à se pencher plus avant sur cette modalité de vente, afin de déterminer si des contrôles plus fréquents voire un encadrement plus strict s'avèrent nécessaires.

Recommandation n° 7 : en sus de l'application effective du délai de sept jours, lancer une inspection sur la vente d'animaux dans les foires et salons pour étudier l'opportunité de mesures complémentaires.

EXAMEN EN COMMISSION

(Mercredi 11 juin 2025)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport d'information de notre collègue Anne Chain-Larché sur les contournements de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 en matière de vente de chiens et de chats, présenté au terme d'une mission « flash ».

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure. - Revenons, si vous le voulez bien, trois ans en arrière. La loi dite « maltraitance animale » a été adoptée fin 2021, au terme de débats disputés avec les députés en commission mixte paritaire. Les raisons de ces désaccords relevaient autant de la philosophie que de la méthode. Fondamentalement, en tant que rapporteure, je ne partageais pas - et ne partage toujours pas - la croyance qu'en retirant les animaux de nos vies, ou du moins en mettant toujours plus de distance entre eux et nous par des barrières réglementaires, on améliorerait automatiquement leur bien-être. Je rappelle au passage que, lors de l'examen du texte au Sénat, nous en avions complété le titre pour y ajouter « le lien entre les animaux et les hommes ».

La plupart des objectifs pratiques étaient cependant partagés : augmenter les sanctions pénales en cas de sévices graves, dont font partie les abandons ; mieux encadrer certaines pratiques et ainsi créer la base légale pour davantage de contrôles - ces contrôles étant véritablement la clé pour améliorer le bien-être animal ; et, enfin, responsabiliser nos concitoyens par un certificat d'engagement et de connaissance pour réduire les « achats d'impulsion » de chiots et de chatons, réputés sources d'abandons.

Comme je vous l'indiquais lors de la présentation du bilan de l'application des lois de notre commission, le ministère de l'agriculture a pris le sujet au sérieux, en publiant rapidement les décrets d'application sur le volet « animaux de compagnie ». À l'inverse, ce n'est pas le cas du ministère de la transition écologique sur le volet « animaux sauvages ». Celui-ci a trop tardé à fixer le cadre pour les cirques itinérants et, surtout, pour les parcs aquatiques accueillant des mammifères marins - dauphins et orques -, ce qui plonge aujourd'hui ces professionnels passionnés dans de graves difficultés.

Mais ce n'est pas le sujet du jour. La question de cette mission « flash » lancée il y a moins d'un mois, dont je vous présente les conclusions et les sept recommandations, est l'encadrement des modalités de vente des chiens et chats. Les associations de protection animale ont interpellé à ce sujet la ministre de l'agriculture, Annie Genevard, qui a souhaité que j'investigue cette question dans la mesure où j'avais été rapporteure de cette loi.

Pour rappel, l'article 15 de la loi dite « maltraitance animale », entrée en vigueur le 1?? janvier 2024, interdit la vente de chiens et de chats - et d'eux seuls - dans les animaleries. L'article 18 autorise les professionnels, dont ces mêmes animaleries, à poursuivre la vente en ligne d'animaux de compagnie, pour autant qu'elles respectent un certain nombre de conditions : rubrique spécifique aux animaux pour éviter de les banaliser comme n'importe quel article de commerce, identification des animaux obligatoire, messages de sensibilisation.

Par conséquent, la vente dans les animaleries est impossible, mais la vente par les animaleries est possible en ligne, quand bien même les clients viendraient ensuite récupérer l'animal en magasin - la vente, en droit civil, étant une opération abstraite : l'accord sur la chose et le prix. C'est le fameux « click and collect », que les associations de protection animale dénoncent comme un contournement de la loi.

Il est vrai que le régime résultant de la loi est bancal et que nous sommes un peu au milieu du gué. Faut-il pour autant se précipiter vers l'autre rive, en interdisant le « click and collect », qui concerne « une cinquantaine » d'animaleries, soit 0,5 % des ventes de chats et 0,05 % des ventes de chiens en France ?

Pour vous donner de but en blanc mon analyse de la situation, je vois plutôt dans la vente en ligne par les animaleries un moindre mal par rapport à la vente en ligne non adossée à un réseau physique, car au moins les animaleries sont un point de vente déclaré, identifié et contrôlable par les services vétérinaires. C'est d'ailleurs pourquoi je continue de regretter l'interdiction de la vente physique en animalerie qui s'est traduite, évidemment, par un report vers la vente en ligne, souvent en dehors de tout contrôle.

Je la regrette d'autant plus que, deux ans après son entrée en vigueur, j'attends toujours un indicateur fiable démontrant une diminution du nombre d'abandons en lien avec la fin de la vente en rayons. Nous avons légiféré sans étude d'impact et continuons de discuter sur des supputations. C'est pourquoi une première recommandation consiste, tout simplement, à ce que l'observatoire de la protection des carnivores domestiques, l'Ocad, mis en place en parallèle de la loi, établisse des statistiques précises sur le nombre d'abandons - on parle de 200 à 300 000 par an, toutes espèces confondues -, permettant de relier ces abandons aux différents canaux d'acquisition. Cela permettrait de mettre un peu de nuance et de rationalité dans le débat sur l'abandon, notion fourre-tout qu'il conviendrait de définir, dans laquelle on range aussi des séparations liées à des circonstances malheureuses de la vie - décès, départ en maison de retraite, divorce.

Les achats coups de coeur, réalisés sans que soient bien mesurées les implications financières et obligations de soins pour une quinzaine d'années, sont certes une réalité, que j'ai voulu prendre à bras-le-corps. La solution évidente que j'ai proposée avait été d'introduire un délai de sept jours avant l'acquisition d'un animal, pour forcer les acheteurs potentiels à réfléchir à deux fois avant d'acheter.

Or, faute d'outil d'un formalisme suffisant, ce certificat est parfois illégalement antidaté par les vendeurs. Par ailleurs, en raison d'une décision du Conseil d'État de mars 2025, à la demande d'animaleries, le délai ne court plus depuis la signature du certificat d'engagement et de connaissance, qui atteste de sa connaissance, mais depuis sa délivrance, que l'acheteur en ait conscience ou non, ce qui affaiblit sa portée.

Ma deuxième recommandation est donc d'imposer, par simple instruction ministérielle, la délivrance numérique, horodatée, du certificat sur l'interface de l'I-CAD, organisme chargé de l'identification des carnivores domestiques. La procédure serait ainsi incontournable et harmonisée.

Cela ne signerait pas la fin de tout abandon, car il s'agit d'un phénomène multifactoriel dont le mode d'acquisition n'est qu'une dimension. C'est une raison de plus de penser, pour filer la métaphore animalière, que les animaleries ont joué le rôle de bouc émissaire...

Faudrait-il donc admettre qu'avec l'interdiction nous avons largué les amarres pour un voyage incertain ? Et faudrait-il donc revenir au port, en allant jusqu'à réautoriser la vente dans les animaleries ? Je crains que cela ne nous conduise à nouveau à des débats stériles.

Je préconise plutôt - c'est là une troisième recommandation - d'aller au plus efficace, et de rapprocher les normes réglementaires d'hébergement de ces animaux de celles imposées aux élevages, sans aller jusqu'à un alignement complet, qui ne serait pas compatible avec le modèle économique des animaleries, et en leur laissant un délai de six mois pour les mises aux normes. Il y va du bien-être des animaux, mais aussi de l'équité avec les éleveurs, qui sont soumis à des normes plus strictes, par exemple en termes de surface par animal, aux termes d'un arrêté de 2014 qu'il conviendrait donc d'actualiser. C'est aussi une façon d'assurer la longévité des animaleries.

Cela doit bien sûr aller de pair avec des contrôles renforcés. Sur les animaux de compagnie, les services vétérinaires des directions départementales de la protection des populations n'interviennent souvent plus que sur signalement, par manque de moyens. Il y a aussi un manque de formation, sur ces enjeux spécifiques, d'agents plutôt spécialisés dans la sécurité sanitaire de l'alimentation. Refaire place à des plans de contrôle et, en leur sein, cibler davantage les animaleries est une quatrième recommandation. Trop souvent, faute de pouvoir contrôler, on a tendance en France à prononcer des interdictions...

Une cinquième recommandation a évidemment trait aux sanctions. Le « décret-sanctions » du 24 octobre 2022 punit le non-respect de la plupart des dispositions de la loi « maltraitance animale »... sauf une : l'interdiction de la vente de chiens et chats en animalerie. Je n'appellerais certes pas à faire preuve de zèle sur cette interdiction que je juge contre-productive... Mais force est d'admettre que, si une interdiction est actée, il convient, par cohérence, d'en assurer l'application. Le champ du décret-sanctions devrait être élargi à ces deux aspects : violation de l'interdiction de vente physique d'une part, et non-respect des normes d'hébergement renforcées pour la vente en ligne d'autre part.

Enfin, deux dernières recommandations n'ont pas trait aux animaleries, mais à des modalités de vente alternatives, qui me semblent être trop passées sous les radars. Mon souhait n'est pas de pointer du doigt tel ou tel canal plutôt qu'un autre, mais, précisément, d'assurer un encadrement homogène de la cession d'animaux, sans laisser prospérer des espaces de non-droit.

Sur les plateformes de petites annonces comme Leboncoin et les réseaux sociaux comme les groupes Facebook, le contrôle systématique de l'identification préalablement à la mise en ligne de l'annonce, pourtant exigé par la loi, n'est toujours pas une réalité. Une sixième recommandation serait que les sanctions, aujourd'hui dérisoires, soient rehaussées pour ces acteurs majeurs et, en cas d'absence de contrôle, véritablement prononcées.

J'en viens à ma septième et dernière recommandation : nous avons été alertés par bon nombre d'acteurs lors des auditions - et par certains d'entre vous - sur les ventes dans les foires et salons, événements éphémères où toutes les conditions de l'achat impulsif semblent réunies ; j'appelle donc la ministre Annie Genevard à lancer une inspection pour évaluer l'opportunité de mesures supplémentaires, en plus du délai de sept jours que je veux rendre incontournable.

Pour conclure, je veux redire à quel point il me semble important que l'éthique de responsabilité et le pragmatisme guident nos décisions dans ce dossier où les sentiments l'emportent souvent sur la raison. Et je crois que, avec nos sept recommandations, la ministre Annie Genevard dispose d'une feuille de route permettant d'améliorer la situation sur le terrain.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci d'avoir mené cette mission dans un temps très contraint et de continuer à suivre l'application de cette loi.

M. Daniel Salmon. - Merci pour ce travail nécessaire. Nous devons rester vigilants face aux achats impulsifs, qui entraînent des abandons, même si nous manquons en la matière de statistiques fiables. Les contrôles demeurent malheureusement insuffisants.

Se pose aussi la question des animaux « hypertypes », sélectionnés pour une caractéristique particulière et qui souffrent tout au long de leur vie. Les vétérinaires s'en inquiètent de plus en plus.

J'approuve les recommandations du rapport.

M. Yannick Jadot. - Si ces chiens ou chats sélectionnés à l'excès correspondent à une réalité, la société protectrice des animaux signale aussi régulièrement des abandons d'animaux, pour la seule raison qu'ils ne seraient pas suffisamment photogéniques pour des applications comme Instagram ou TikTok, au motif par exemple que leur pelage serait trop sombre...

Mme Anne Chain-Larché, rapporteure. - Je suis heureuse que l'esprit transpartisan qui avait présidé en 2021 à l'examen de la proposition de loi prévale toujours. Pour mémoire, le Sénat avait alors réécrit à 85 % le texte transmis par l'Assemblée nationale. Comme je l'ai dit le 14 mai dernier lors de notre réunion de bilan de l'application des lois, nous devons désormais nous assurer que les mesures réglementaires attendues sont bien prises. À cet égard, nous regrettons les retards pris par le ministère de la transition écologique. Le combat n'est pas terminé.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci à tous pour vos interventions sur ce sujet qui, loin d'être anecdotique, a des répercussions dans la société tout entière.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

La réunion est close à 11 h 45.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Lundi 19 mai 2025

- Table ronde d'associations :

· Fondation 30 millions d'amis : M. Christophe MARIE, directeur des affaires nationales et européennes, et Mme Lorène JACQUET, responsable campagnes et plaidoyer ;

· Fondation Brigitte Bardot : Mme Adriana OANCEA NEGRO, directrice des affaires publiques et internationales ;

· Société protectrice des animaux (SPA) : Mme Tamara GUELTON, responsable du pôle juridique protection animale.

- Table ronde de professionnels :

· Jardineries et animaleries de France : MM. Thomas LE RUDULIER, délégué général, et Jean-Pascal GIRAUD, vétérinaire spécialiste de l'animalerie ;

· Syndicat des professionnels de l'animal familier (Prodaf) : M. René MICHAU, président, et Mme Angélique JAMMES, déléguée générale.

- Identification des carnivores domestiques (I-cad) : M. Pierre BUISSON, président-directeur général.

- Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

· cabinet : Mme Corettie MEDJO-BYABOT, conseillère Filières animales, santé et bien-être animal, et M. Théo GRANDGIRARD, stagiaire ;

· direction générale de l'alimentation (DGAL) : Mmes Karen BUCHER, adjointe à la sous-directrice de la santé et du bien-être animal, Sabine DIDIERLAURENT, cheffe du bureau du bien-être animal, et Tiffany BOYER, responsable du pôle Animaux de compagnie.

Lundi 2 juin 2025

- Société centrale canine : M. Alexandre BALZER, président, et Mme Fleur-Marie DESFOUGÈRES, directrice générale.

- Quatre pattes : Mmes Nikita BACHELARD, responsable du pôle Programmes, Marie WANIOWSKI, chargée des campagnes, et Clémence SCIALOM-OUARD, chargée des programmes.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Syndicat national des professions du chien et du chat (SNPCC)


* 1 Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

* 2 Encore faut-il préciser que ces animaux détenus dans les animaleries ne peuvent être « visibles d'une voie ouverte à la circulation publique », en application de l'article 16 de cette même loi.

* 3 II de l'article L. 214-6-3 du CRPM, créé par l'art. 15 de la loi « maltraitance animale » : « La cession à titre onéreux ou gratuit de chats et de chiens est interdite dans les établissements de vente mentionnés au premier alinéa du I. »

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