- L'ESSENTIEL
- I. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ
MENTALE : UNE TENDANCE DE FOND, PARTICULIÈREMENT ALARMANTE CHEZ LES
JEUNES
- II. LES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER
NIVEAU : UN RÔLE À CONFORTER
- A. LES SOINS DE VILLE DOIVENT PRENDRE TOUTE LEUR
PART DANS LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS EN SOUFFRANCE PSYCHIQUE
- B. LES INSTITUTIONS EN CONTACT AVEC LA JEUNESSE ONT
UN RÔLE DÉTERMINANT POUR PRÉVENIR, REPÉRER ET
ORIENTER
- C. UNE PRISE DE CONSCIENCE DES ENJEUX À
L'ÉCHELLE NATIONALE EN MAL DE RÉSULTATS SUR LE TERRAIN
- D.
L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DES INSTANCES LOCALES DE
COORDINATION DES ACTEURS
- A. LES SOINS DE VILLE DOIVENT PRENDRE TOUTE LEUR
PART DANS LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS EN SOUFFRANCE PSYCHIQUE
- III. RÉPONDRE AU MAL-ÊTRE DE LA
PSYCHIATRIE : PRIORISER LE RENFORCEMENT DES CENTRES
MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES ET DE L'ALLER-VERS
- A. LE SYSTÈME DE PRISE EN CHARGE EN
PSYCHIATRIE EST EMBOLISÉ ET CARACTÉRISÉ PAR DE FORTES
INÉGALITÉS TERRITORIALES
- 1. Le manque d'attractivité de l'exercice de
la psychiatrie, surtout en territoire rural, compromet l'égal
accès aux soins
- 2. Les centres médico-psychologiques (CMP),
pierre angulaire du système de prise en charge en psychiatrie, sont
embolisés
- 3. Les établissements psychiatriques et les
urgences sont saturés
- 4. Le déploiement des IPA en psychiatrie et
santé mentale : une lueur d'espoir ?
- 1. Le manque d'attractivité de l'exercice de
la psychiatrie, surtout en territoire rural, compromet l'égal
accès aux soins
- B. LES MOYENS DOIVENT PRIORITAIREMENT ÊTRE
FLÉCHÉS VERS LES CENTRES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES ET LES
ÉQUIPES MOBILES
- A. LE SYSTÈME DE PRISE EN CHARGE EN
PSYCHIATRIE EST EMBOLISÉ ET CARACTÉRISÉ PAR DE FORTES
INÉGALITÉS TERRITORIALES
- I. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ
MENTALE : UNE TENDANCE DE FOND, PARTICULIÈREMENT ALARMANTE CHEZ LES
JEUNES
- LISTE DES RECOMMANDATIONS
- I. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ
MENTALE : UNE TENDANCE DE FOND, PARTICULIÈREMENT INQUIÉTANTE
CHEZ LES JEUNES
- A. LA SANTÉ MENTALE DES FRANÇAIS NE
S'EST PAS AMÉLIORÉE DEPUIS LA FIN DE LA CRISE SANITAIRE
- 1. Des indicateurs qui témoignent d'un
maintien d'un état dégradé de la santé mentale de
la population
- a) Les syndromes dépressifs, quoique
légèrement décroissants en population
générale, restent à un niveau élevé.
- b) Une inquiétude majeure sur les
pensées suicidaires dont la prévalence est en hausse
constante
- c) Les gestes
auto-infligés réaugmentent depuis 2020 en raison de leur
prévalence chez les femmes
- a) Les syndromes dépressifs, quoique
légèrement décroissants en population
générale, restent à un niveau élevé.
- 2. Un aspect à ne pas
négliger : les effets de la déstigmatisation
- 3. Un aspect à ne pas
négliger : les effets de la déstigmatisation
- 1. Des indicateurs qui témoignent d'un
maintien d'un état dégradé de la santé mentale de
la population
- B. LA SANTÉ MENTALE DE LA JEUNESSE
S'AGGRAVE DE MANIÈRE SPECTACULAIRE
- C. LES JEUNES SUBISSENT LES EFFETS DES CRISES ET
DE LA POROSITÉ ENTRE LE MONDE RÉEL ET LE MONDE VIRTUEL
- A. LA SANTÉ MENTALE DES FRANÇAIS NE
S'EST PAS AMÉLIORÉE DEPUIS LA FIN DE LA CRISE SANITAIRE
- II. LES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER
NIVEAU : UN RÔLE À CONFORTER, UNE COORDINATION À
RENFORCER
- A. LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER NIVEAU EST
DÉTERMINANTE DANS LE PARCOURS DE SOINS DES PERSONNES SOUFFRANT DE
TROUBLES DE SANTÉ MENTALE
- 1. La nécessité de consolider la
part assurée par les soins de ville dans la prise en charge de
proximité
- 2. Une coopération entre les acteurs de
premier et de deuxième niveau à renforcer
- 3. MonSoutienPsy : un accès
facilité au psychologue
- 4. La santé mentale, affaire de tous :
poursuivre la sensibilisation des professions clés et soutenir la
pair-aidance
- 1. La nécessité de consolider la
part assurée par les soins de ville dans la prise en charge de
proximité
- B. LES INSTITUTIONS EN CONTACT AVEC LA JEUNESSE
ONT UN RÔLE DÉTERMINANT POUR PRÉVENIR, REPÉRER ET
ORIENTER
- 1. La santé scolaire : une
insuffisance de moyens en décalage avec son rôle
stratégique
- 2. Les maisons des adolescents : des
structures pluridisciplinaires à soutenir dans un contexte
d'augmentation des troubles chez les jeunes
- 3. Les troubles psychiques des enfants
protégés : une prise en charge délaissée
- 1. La santé scolaire : une
insuffisance de moyens en décalage avec son rôle
stratégique
- C. LE PORTAGE INSTITUTIONNEL DE LA SANTÉ
MENTALE : UNE POLITIQUE NATIONALE VOLONTARISTE EN MAL DE RÉSULTAT
ET UNE GOUVERNANCE LOCALE INÉGALE
- A. LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER NIVEAU EST
DÉTERMINANTE DANS LE PARCOURS DE SOINS DES PERSONNES SOUFFRANT DE
TROUBLES DE SANTÉ MENTALE
- III. S'ATTELER AUX DIFFICULTÉS BIEN CONNUES
DE LA PSYCHIATRIE POUR GARANTIR L'ACCÈS AUX SOINS SUR L'ENSEMBLE DU
TERRITOIRE
- A. LE MA-ÊTRE DE LA PSYCHIATRIE
- 1. Une discipline en manque d'attractivité,
des inégalités territoriales marquées
- 2. Des centres médico-psychologiques sous
tension
- 3. Des établissements psychiatriques
suroccupés
- 3. Des services d'urgences fortement
sollicités
- 4. Les infirmiers en pratique avancée
spécialisés en psychiatrie et santé mentale : une
profession récente qui suscite un réel espoir
- 1. Une discipline en manque d'attractivité,
des inégalités territoriales marquées
- B. LE RENFORCEMENT DES CENTRES
MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES ET LE DÉVELOPPEMENT DES ÉQUIPES
MOBILES : DEUX AXES PRIORITAIRES POUR AMÉLIORER L'ACCÈS AUX
SOINS
- A. LE MA-ÊTRE DE LA PSYCHIATRIE
- I. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ
MENTALE : UNE TENDANCE DE FOND, PARTICULIÈREMENT INQUIÉTANTE
CHEZ LES JEUNES
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LISTE DES DÉPLACEMENTS
- TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS
N° 787
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
l'état des
lieux
de la santé mentale
depuis la crise du
covid-19,
Par MM. Jean SOL, Daniel CHASSEING et Mme Céline BRULIN,
Sénateurs et Sénatrice
(1) Cette commission est composée de :
M. Philippe Mouiller, président ;
Mme Élisabeth Doineau,
rapporteure
générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol,
Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Dominique
Théophile, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin,
M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge,
vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne
Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ;
Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne
Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa,
Mmes Marion
Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas,
Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet,
Mme Frédérique Gerbaud, MM. Xavier Iacovelli,
Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude
Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon,
Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie
Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat,
Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat,
Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani,
Nadia Sollogoub, Anne Souyris, M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
L'ESSENTIEL
Trois ans après la fin de crise sanitaire, la commission constate que la dégradation de la santé mentale est une tendance de fond et s'inquiète de l'explosion des troubles psychiques chez les jeunes.
Elle constate l'impérieuse nécessité de réduire les inégalités territoriales dans l'accès aux soins et de mobiliser l'ensemble des acteurs pour garantir une prise en charge graduée et de proximité aux patients.
*
**
I. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ MENTALE : UNE TENDANCE DE FOND, PARTICULIÈREMENT ALARMANTE CHEZ LES JEUNES
A. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ MENTALE SE POURSUIT
Les enquêtes épidémiologiques, comme les constats empiriques des professionnels de santé, font ressortir une dégradation de la santé mentale des Français depuis 2020.
Source : Commission des affaires sociales, données Santé publique France (Coviprev)
La crise sanitaire coïncide donc avec un moment de rupture dans l'état de santé mentale de la population. Toutefois, si elle produit, sans aucun doute, des effets d'hystérèse, il est difficile d'identifier sa part exacte de responsabilité dans cette détérioration. En tout état de cause, il ne faut pas y voir le seul facteur explicatif ; elle semble plutôt avoir joué un rôle d'accélérateur des tendances de fond qui préexistaient.
L'isolement social grandissant des individus occupe une place prépondérante parmi ces déterminants tout comme l'évolution du contexte économique : la précarité est un facteur de vulnérabilité aux troubles dépressifs. Le contexte politique et géopolitique anxiogène peut aussi être un facteur explicatif à court terme ; l'association SOS Amitié a par exemple noté un nombre important d'appels liés à la guerre en Ukraine au début du conflit.
Enfin, il convient de ne pas négliger l'effet produit par la déstigmatisation des troubles psychiques et le meilleur repérage de ces derniers. Les campagnes d'information des pouvoirs publics, tout comme les initiatives de la société civile, portent leurs fruits.
La consécration de la santé mentale comme « grande cause nationale » permet, en 2025, une médiatisation du sujet encore jamais atteinte, dont on peut se réjouir. Toutefois, les rapporteurs partagent la crainte des associations oeuvrant dans le champ de la santé mentale que cette mise en lumière ne soit qu'éphémère.
B. L'ÉVOLUTION DE LA SANTÉ MENTALE DES JEUNES EST ALARMANTE
1. La santé mentale des jeunes s'aggrave de manière spectaculaire
La dégradation de la santé mentale des jeunes semble trouver sa source au milieu des années 2010. Elle s'est accélérée pendant la crise du covid-19, et se poursuit depuis.
En 2024, les risques de troubles anxiodépressifs touchent près de 30 % des 11-24 ans. De nombreux indicateurs attestent de la détérioration de la santé psychique des jeunes : hausse du nombre de passages aux urgences et d'hospitalisations de mineurs pour motifs de tentative de suicide, scarification et crises graves, lignes d'écoute de plus en plus sollicitées, progression des refus scolaires anxieux, ou encore hausse des prescriptions de psychotropes.
La prévalence des troubles de santé mentale légers à modérés est particulièrement élevée chez les filles. En 2022, la prévalence du risque de dépression atteint 30,9 % chez les collégiennes et lycéennes, contre 21,4 % chez les garçons.
2. Les raisons du mal-être des jeunes sont multiples
L'ensemble des acteurs auditionnés par les rapporteurs jugent que les réseaux sociaux contribuent au mal-être des jeunes.
des 16-24 ans sont inquiets pour leur avenir
Les jeunes filles sont particulièrement touchées par ce phénomène. Elles sont notamment plus exposées aux contenus qui dégradent la représentation du corps des femmes, au harcèlement en ligne et à des vidéos qui encouragent explicitement les troubles alimentaires, l'automutilation et le suicide.
Par ailleurs, l'apparition de troubles anxieux et dépressifs chez les jeunes est encouragée par le caractère anxiogène du contexte économique et géopolitique (dérèglement climatique, conflits armés, instabilité politique) et par les angoisses suscitées par l'orientation professionnelle, notamment pendant la période des candidatures sur Parcoursup.
Enfin, la crise du covid-19 a accéléré la dégradation de la santé mentale des jeunes, certains changements directement attribuables à cette période (recul du lien social et de l'activité physique, augmentation du temps passé devant les écrans) s'étant ancrés dans les habitudes des jeunes. Les auditions ont ainsi montré une difficulté croissante, pour les jeunes, à établir des liens sociaux non numérisés et à s'inscrire dans le fonctionnement général de la société.
II. LES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER NIVEAU : UN RÔLE À CONFORTER
A. LES SOINS DE VILLE DOIVENT PRENDRE TOUTE LEUR PART DANS LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS EN SOUFFRANCE PSYCHIQUE
1. La nécessité de consolider la part assurée par les soins de ville dans la prise en charge
Les médecins généralistes sont en première ligne pour détecter et orienter les patients en souffrance psychique : près de 30 % de leur patientèle présente des troubles de santé mentale et ils sont à l'origine de 90 % des prescriptions de psychotropes. Néanmoins, par manque de temps médical ou de formation aux enjeux de santé mentale, leur rôle dans la détection et l'orientation des patients n'est pas optimal.
Pour améliorer la réponse apportée par les acteurs de soins de ville aux patients, il est primordial que médecins généralistes, infirmiers et psychiatres coopèrent davantage. Un modèle de « soins collaboratifs » est par exemple expérimenté en Île-de-France, dans le cadre du programme « SÉSAME ». Ce modèle associe médecin généraliste (diagnostic), infirmier (suivi de la prise en charge dans la durée) et psychiatre référent (expertise auprès du médecin et de l'infirmier). Les premiers retours de cette expérimentation sont probants, les professionnels de santé saluant la précocité de la prise en charge, la mobilisation des ressources adéquates et le caractère non stigmatisant d'une telle approche pour les patients.
En outre, le déploiement d'infirmiers en pratique avancée (IPA) spécialisés en psychiatrie et santé mentale (PSM) au sein des structures de soins de ville constitue indéniablement un espoir pour réduire les inégalités d'accès aux soins et assurer une prise en charge graduée et de proximité.
Recommandation n° 4 : Développer les consultations avancées assurées par les IPA PSM au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé (établissements psychiatriques).
2. Le dispositif « MonSoutienPsy » : un accès au psychologue renforcé
Depuis l'introduction du dispositif « MonSoutienPsy » en 2022, l'assurance maladie prend en charge jusqu'à douze séances par an chez un psychologue conventionné. Au 28 février 2025, 586 858 patients ont bénéficié du dispositif et 3,1 millions de séances ont été prises en charge, soit en moyenne 4,7 séances par bénéficiaire.
Nombre de bénéficiaires de MonSoutienPsy
Si MonSoutienPsy élargit l'accès au psychologue, il présente deux écueils.
D'une part, le dispositif ne mobilise que 15 % des psychologues libéraux et certains territoires sont très faiblement couverts.
D'autre part, il existe un risque sérieux de rupture de la prise en charge du patient au bout des douze séances remboursées. Pour contenir ce risque, l'effectivité des règles applicables en matière de dialogue entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres doit être garantie.
3. La santé mentale, affaire de tous : sensibiliser le grand public et soutenir la pair-aidance
Certaines professions au contact des publics vulnérables peuvent jouer un rôle dans la détection des troubles psychiques et l'orientation vers le soin : travailleurs sociaux, forces de l'ordre ou encore enseignants sont, par exemple, régulièrement exposés à des situations de détresse psychologique.
À cet égard, l'oeuvre de sensibilisation de ces professions sur la santé mentale doit se poursuivre, notamment en déployant plus largement la formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM). Les rapporteurs sont également convaincus que la pair-aidance doit être encouragée, compte tenu de ses résultats prometteurs en matière de prévention et de réinsertion socio-professionnelle.
Recommandation n° 6 : Étendre les formations aux premiers secours en santé mentale à toutes les professions clés puis à l'ensemble des citoyens (ministères concernés).
B. LES INSTITUTIONS EN CONTACT AVEC LA JEUNESSE ONT UN RÔLE DÉTERMINANT POUR PRÉVENIR, REPÉRER ET ORIENTER
1. Les difficultés de la santé scolaire en décalage avec son rôle stratégique
L'insuffisance des moyens humains de la santé scolaire est patente. Signe le plus flagrant : seuls 57 % (650 ETP) des postes prévus de médecins de l'éducation nationale sont effectivement pourvus. La santé scolaire ne parvient donc pas à remplir ses missions alors même qu'elle est un maillon essentiel du repérage des troubles psychiques et du suivi des enfants diagnostiqués. Ainsi, la mise en oeuvre des bilans de santé, légalement obligatoires, s'avère en réalité parcellaire et très inégale selon les départements. Moins de 20 % des enfants bénéficieraient de la visite médicale obligatoire de la sixième année.
Les rapporteurs notent, avec satisfaction, que les annonces effectuées par la ministre de l'éducation nationale, en conclusion des Assises de la santé scolaire, sont axées sur la santé mentale. Toutefois, ces mesures resteront vaines, si le problème de l'attractivité des corps des professionnels de santé de l'éducation nationale n'est pas réglé.
Les rapporteurs constatent enfin que la santé scolaire souffre d'un isolement institutionnel préjudiciable à la bonne prise en charge des enfants atteints de troubles psychiques. La santé scolaire est ainsi coupée des instances locales de coopération des acteurs de la santé mentale. De même, les médecins scolaires ne peuvent toujours pas avoir un accès effectif au dossier médical partagé (DMP) de l'enfant.
Recommandation n° 8 : Mieux intégrer les professionnels de santé de l'éducation nationale aux conseils locaux de santé mentale et à la démarche des projets territoriaux de santé mentale (DGS, collectivités territoriales, ARS).
2. Les maisons des adolescents : des lieux à soutenir
Dans un contexte de détérioration de la santé mentale des jeunes, les rapporteurs appellent le Gouvernement - et les agences régionales de santé (ARS) - à ne pas relâcher leur soutien à ces structures pluridisciplinaires qui ont prouvé leur utilité. En étant un lieu moins stigmatisant que les structures de la psychiatrie, elles répondent aux besoins des jeunes en complément des centres médico-psychologiques (CMP), auxquels elles ne peuvent toutefois pas se substituer.
Les maisons des adolescents (MDA) ne sont toutefois pas exemptes de difficultés : près de 25 % d'entre elles n'auraient pas de médecin en leurs murs. Le renforcement des ressources humaines des MDA doit donc être poursuivi tout comme l'amélioration de leur accessibilité territoriale qui varie grandement selon les départements.
3. La santé mentale des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance : une impression de délaissement
Alors que les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) sont plus susceptibles que les autres de présenter des troubles psychiques en raison, notamment, d'un parcours de vie traumatique, leur santé mentale connaît une dégradation dont l'ampleur est préoccupante. Ont ainsi été soulignées aux rapporteurs une prévalence en croissance de troubles psychiques, une recrudescence des actes de violence à l'encontre des éducateurs, ainsi qu'une apparition de plus en plus précoce chez les enfants de symptômes - comme la présence de pensées suicidaires.
La prise en charge psychiatrique des mineurs en protection de l'enfance se heurte généralement à un manque de coopération entre l'ASE, les établissements hospitaliers et la médecine de ville. Par exemple, les difficultés de l'ASE à accueillir les enfants tendent à accroître leur durée d'hospitalisation psychiatrique. De même, certains services d'urgences refusent de prendre en charge les enfants confiés à l'ASE, ou ne les accueillent que de manière transitoire.
Il semble que tous les acteurs se défaussent et tendent à se renvoyer la responsabilité de la prise en charge des enfants confiés à l'ASE souffrant de troubles psychiques.
Pour remédier à l'errance de la prise en charge psychiatrique des enfants protégés, les rapporteurs estiment que le modèle d'équipe mobile intervenant directement au sein de la structure de l'ASE doit être généralisé. Les projets d'équipes mobiles, qui ont déjà vu le jour au sein de certains établissements psychiatriques - le projet ELIAS à La Réunion, le programme Pégase en Loire-Atlantique ou l'équipe EMIL dans le Doubs - ont ainsi fait leurs preuves. Il s'agit de dispositifs efficaces pour repérer et intervenir précocement, prévenir les hospitalisations, et gérer les crises durant lesquelles le personnel de l'ASE est souvent dépourvu de solutions.
Recommandation n° 12 : Développer les équipes mobiles pluridisciplinaires intervenant en faveur des enfants protégés (établissements psychiatriques, ARS, conseils départementaux).
C. UNE PRISE DE CONSCIENCE DES ENJEUX À L'ÉCHELLE NATIONALE EN MAL DE RÉSULTATS SUR LE TERRAIN
Les rapporteurs portent un regard plutôt positif sur la feuille de route « santé mentale et psychiatrie » du Gouvernement, lancée en 2018 qui témoigne d'une réelle prise de conscience. Les financements, mobilisés en parallèle, sont également à saluer, même s'ils ne suffisent pas à répondre à l'explosion de la demande de soins psychiatriques.
Toutefois, depuis 2018, les gouvernements successifs ont fait un usage important d'annonces programmatiques : Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021, consécration de la santé mentale en « Grande cause nationale » pour 2025, « stratégie nationale de prévention et d'accompagnement » à venir, présentation en juin 2025 d'un « plan psychiatrie ». Il semble que cet empilement de plans et de programmes réponde davantage à un souci de communication qu'à une réelle volonté réformatrice.
Dans ce contexte, la politique nationale de santé mentale se heurte à au moins trois écueils :
- l'ajout de nouvelles mesures sans toujours de déclinaison des actions sur le terrain crée des déceptions de la part de la population comme des soignants ;
- l'insuffisance de certains axes majeurs intégrés à la feuille de route comme la question de l'attractivité des métiers ;
- le risque de voir la psychiatrie - et ses difficultés déjà anciennes - être noyée dans les enjeux globaux de santé mentale, comme le craignent les soignants.
D. L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DES INSTANCES LOCALES DE COORDINATION DES ACTEURS
Si l'utilité des projets territoriaux de santé mentale (PTSMS), déployés sous l'égide des ARS, n'est plus à démontrer pour coordonner les acteurs d'un département, leur mise en oeuvre reste marquée par une grande hétérogénéité territoriale. Certains projets territoriaux sont encore perçus comme trop « théoriques » par les soignants.
Une autre difficulté réside dans l'absence de concrétisation par les ARS de certains projets, pourtant en adéquation avec les priorités des PTSM. Une part importante des financements accordés par les ARS intervient dans le cadre du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP). Or, il est regrettable que d'autres dispositifs, qui ont pourtant fait leur preuve, ne puissent bénéficier d'un soutien budgétaire des ARS au motif de ne pas être assez innovants.
Les conseils locaux de santé mentale (CLSM), développés à l'initiative des collectivités territoriales, sont encore très loin de couvrir le territoire national, puisque seuls 280 CLSM actifs sont recensés en 2025. Toutefois, leur déploiement reste dynamique - une vingtaine de CLSM étant instaurés chaque année.
Ces instances sont un maillon essentiel d'articulation des différentes dimensions de la politique de santé mentale. Les questions de logement et d'habitat sont par exemple traitées dans 65 % des CLSM. Alors que le Gouvernement a édicté un référentiel national des CLSM, par la voie d'une longue instruction, il convient d'encourager le déploiement de ces conseils locaux tout en se gardant de promouvoir un modèle unique. Les CLSM doivent demeurer adaptables aux contextes locaux et s'organiser sur le fondement de leurs priorités spécifiques.
III. RÉPONDRE AU MAL-ÊTRE DE LA PSYCHIATRIE : PRIORISER LE RENFORCEMENT DES CENTRES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES ET DE L'ALLER-VERS
A. LE SYSTÈME DE PRISE EN CHARGE EN PSYCHIATRIE EST EMBOLISÉ ET CARACTÉRISÉ PAR DE FORTES INÉGALITÉS TERRITORIALES
1. Le manque d'attractivité de l'exercice de la psychiatrie, surtout en territoire rural, compromet l'égal accès aux soins
Bien que le nombre de psychiatres en France soit comparable à la moyenne des pays européens, la démographie médicale ne parvient pas, dans certains territoires, à répondre à la forte croissance des besoins : sur ces vingt dernières années, le nombre d'enfants et d'adolescents suivis en pédopsychiatrie a augmenté de 60 % et les hospitalisations ont plus que doublé.
En psychiatrie publique, un tiers des postes de psychiatres sont vacants. La situation est plus alarmante encore en pédopsychiatrie : le nombre de salariés hospitaliers a diminué de 40 % entre 2010 et 2025, et un quart des départements sont dépourvus de pédopsychiatre.
Densité moyenne de pédopsychiatres par département au 1er janvier 2025
Source : Conseil national de l'Ordre des médecins
Le déficit d'attractivité de la psychiatrie s'explique tant par des causes historiques (représentations sociales stigmatisantes et misérabilistes de la psychiatrie) que par des causes plus conjoncturelles, liées aux conditions d'exercice (contraintes associées aux hospitalisations sans consentement, violences physiques et verbales des patients, charge de travail qui se répercute sur la qualité de l'accompagnement et du soin).
La désertification médicale empêche la prise en charge des patients dans des délais raisonnables, concourant à la chronicisation des troubles, laquelle alimente à son tour la dynamique à la hausse des besoins en soins et l'engorgement des services des urgences psychiatriques.
Dans ce contexte, les rapporteurs estiment qu'il serait utile de cartographier les besoins en soins psychiatriques à l'échelle du territoire national, pour flécher les moyens vers les territoires les plus en tension. À court terme, le renforcement des effectifs pourrait également être facilité par la simplification du dispositif d'autorisation d'exercice des praticiens étrangers (Padhue) d'une part, et l'augmentation du nombre de stages réalisés par les étudiants en médecine en psychiatrie, en priorisant les hôpitaux non universitaires.
2. Les centres médico-psychologiques (CMP), pierre angulaire du système de prise en charge en psychiatrie, sont embolisés
Les CMP assurent la majeure partie des soins psychiatriques réalisés en ambulatoire. Du fait de leur positionnement entre la prise en charge de premier niveau et l'hospitalisation, ils sont la pierre angulaire du système de prise en charge des patients atteints de troubles psychiques.
Ce rôle contraste néanmoins avec le manque de moyens dont ils souffrent et les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous médical (jusqu'à 6 mois, par exemple, dans les Pays de la Loire). Les CMP sont en effet saturés, en lien avec la croissance des besoins : en 2017, près de 1,6 million de patients sont pris en charge par les dispositifs ambulatoires soit une multiplication par trois depuis 1989. Dépassés, les CMP peinent à accomplir toutes les missions qui leur incombent, notamment en matière de prévention et de suivi à domicile.
En réponse à ces difficultés, une enveloppe de 56 millions d'euros a été annoncée en 2021 pour renforcer les CMP, avec un effort particulier pour les structures infanto-juvéniles, dans l'optique de recruter 800 équivalents temps plein (ETP) non médicaux (infirmiers, psychologues). Toutefois, les CMP se heurtent à d'importantes difficultés de recrutement.
3. Les établissements psychiatriques et les urgences sont saturés
Les établissements psychiatriques sont également en grande difficulté, particulièrement dans les territoires ruraux et semi-ruraux, qui cumulent les carences : effectifs de praticiens hospitaliers faibles et dégressifs, secteur libéral en cours de délitement voire absent et population défavorisée. En effet, en zone rurale, le taux d'occupation des hôpitaux psychiatriques dépasse souvent les 85 % recommandés.
Ces tensions résultent en grande partie du manque de professionnels de santé observé dans ces territoires, vers lesquels les étudiants en médecine n'affluent pas. Plus globalement, la saturation des établissements psychiatriques est favorisée par l'embolisation des structures chargées de la prise en charge de premier niveau et des CMP. Les rapporteurs relèvent également que le manque de solutions médico-sociales se répercute sur les taux et les durées d'hospitalisation.
Enfin, les services des urgences ne sont pas épargnés par les difficultés de prise en charge des patients en souffrance psychique. Les passages aux urgences pour motifs psychiatriques sont en augmentation ces dernières années (+ 21 % sur la période 2019-2023), concourant à la saturation des services. Les rapporteurs estiment que l'amélioration du recours aux soins de proximité et le développement des dispositifs pour mieux orienter les patients (filières psychiatriques des services d'accès aux soins - SAS Psy, centres renforcés d'urgences psychiatriques - CRUP notamment) seraient de nature à réduire cette saturation.
4. Le déploiement des IPA en psychiatrie et santé mentale : une lueur d'espoir ?
Les compétences élargies des IPA mention psychiatrie et santé mentale (PSM), s'agissant par exemple du renouvellement de prescription, du suivi de l'observance des traitements, de la coordination des parcours, leur autonomie accrue et leur spécialisation en font des professionnels précieux pour tous les lieux de prise en charge psychiatriques.
À rebours de certaines réticences concernant les IPA, les rapporteurs ont constaté qu'un large consensus prévalait dans le corps médical, et notamment chez les psychiatres, quant à la plus-value des IPA mention PSM. Il convient dès lors d'encourager leur recrutement dans les services psychiatriques, les CMP mais, également, au sein de l'éducation nationale ou de l'ASE puisque cette possibilité a récemment été ouverte par la loi.
Le faible nombre des IPA PSM (548 au niveau national) s'explique par le caractère récent de cette profession mais également par certains freins qu'il convient de lever. Le développement plus rapide des IPA PSM achoppe sur les modalités de formation à la pratique avancée des infirmières. Plus généralement, la rémunération des IPA, dans la fonction publique comme en libéral, ne rend pas cette profession attractive.
Recommandation n° 17 : Instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique (Pouvoir règlementaire).
Recommandation n° 18 : Revoir le modèle économique des IPA PSM dans une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral (Assurance maladie).
B. LES MOYENS DOIVENT PRIORITAIREMENT ÊTRE FLÉCHÉS VERS LES CENTRES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES ET LES ÉQUIPES MOBILES
1. L'accès universel au CMP : un modèle à défendre
Le CMP doit redevenir le lieu privilégié de l'accès aux soins psychiatriques et être clairement identifié par les patients.
Sur le plan des moyens, il est indispensable d'allouer plus de personnel médical et non médical à ces structures, en priorisant les territoires les plus en tension et les CMP infanto-juvéniles. Le renfort en IPA PSM serait particulièrement utile, puisqu'il permettrait aux patients en attente d'un rendez-vous médical de bénéficier d'un premier suivi spécialisé. Les rapporteurs sont néanmoins conscients que le coeur du problème réside, de manière générale, dans le manque de professionnels disponibles. Sans un travail d'envergure sur les enjeux de l'attractivité des métiers du soin et des inégalités territoriales, l'appel à renforcer les CMP en moyens humains restera lettre morte.
Sur le plan organisationnel, il est nécessaire de conforter le rôle du CMP comme porte d'entrée dans le parcours de soins, et de clarifier le niveau de compétence des nombreux acteurs susceptibles d'intervenir auprès des patients. En effet, la multitude d'acteurs nuit à l'efficacité de l'offre de soins : celle-ci est jugée hétérogène et illisible, le parcours est complexe et fréquemment constitué de ruptures de suivi. Par ailleurs, les rapporteurs ont pu constater que les horaires d'ouverture des CMP, qui correspondent souvent à des horaires de journée classiques du lundi au vendredi, sont peu adaptés aux modes de vie de la population. Un travail de création de permanence d'accueil en urgence et d'aménagement des horaires, couplé à la réflexion sur les moyens humains, serait de nature à améliorer leur accessibilité.
Recommandation n° 19 : Augmenter le nombre de professionnels, notamment d'IPA PSM, exerçant en CMP en priorisant les territoires où les délais d'attente sont les plus longs (Ministère de la santé).
Recommandation n° 20 : Conduire une réflexion, à l'échelle territoriale, sur la création de permanences d'accueil en urgence et d'aménagement des horaires au sein des CMP (ARS).
2. Favoriser autant que possible les interventions à domicile
La priorité donnée au renforcement des CMP doit leur permettre de retrouver leur vocation naturelle à intervenir à domicile, en complémentarité, toutefois, avec l'intervention des équipes mobiles pour des situations spécifiques (équipes mobiles de psychiatrie de la personne âgée (EMPPA), équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP), équipes mobiles d'intervention précoce etc. Les dispositifs d'équipe mobile présentent des résultats concluants pour prévenir les hospitalisations, éviter les ruptures de prise en charge et assurer l'observance des traitements par les patients. Ils se heurtent toutefois à la question du manque de ressources humaines dans les services de psychiatrie, alors que ce type d'organisation est très consommateur de personnel soignant.
Recommandation n° 21 : Flécher des financements pérennes en faveur du développement d'équipes mobiles (ARS).
Enfin, à l'exemple de projets locaux réussis, il convient d'assurer les conditions favorables d'une intervention en milieu ouvert en mobilisant d'autres acteurs que les seuls soignants (acteurs sociaux, bailleurs sociaux, forces de l'ordre etc.). Les CLSM apparaissent ainsi comme des instances particulièrement propices pour coordonner cette politique multidimensionnelle.
Réunie le mercredi 25 juin 2025 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et les recommandations présentés par Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin, rapporteurs, et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Renforcer le volet addictologie de la feuille de route psychiatrie et santé mentale, sous l'angle des comorbidités réciproques (Gouvernement, ARS) Recommandation n° 2 : Renforcer le temps dédié à la psychiatrie et à la santé mentale dans la formation des infirmiers diplômés d'État, notamment par la mise en place d'un stage obligatoire en psychiatrie (Gouvernement) Recommandation n° 3 : Développer la collaboration entre les médecins généralistes et les psychiatres par le biais de la téléexpertise (Assurance maladie) Recommandation n° 4 : Développer les consultations avancées assurées par les IPA mention PSM au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des centres de santé (établissements psychiatriques) Recommandation n° 5 : Garantir la continuité de la prise en charge des patients suivis dans le cadre de MonSoutienPsy en renforçant la coopération entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres (Assurance maladie) Recommandation n° 6 : Étendre les formations premiers secours en santé mentale à toutes les professions clés (soignants, travailleurs sociaux, forces de l'ordre, enseignants) puis à l'ensemble des citoyens (Ministères concernés) Recommandation n° 7 : Capitaliser sur la proposition de loi sur la profession d'infirmier pour développer les IPA mention PSM au sein de l'éducation nationale (Ministère de l'Éducation nationale) Recommandation n° 8 : Mieux intégrer les professionnels de santé de l'éducation nationale aux conseils locaux de santé mentale et à la démarche des PTSM (DGS, collectivités territoriales, ARS) Recommandation n° 9 : Rendre effectif l'accès des médecins de l'éducation nationale au dossier médical partagé, avec l'accord des représentants légaux de l'enfant (DGESCO, DGOS) Recommandation n° 10 : Développer les antennes des MDA et les dispositifs mobiles pour accroître leur accessibilité territoriale (ARS, collectivités territoriales) Recommandation n° 11 : Renforcer la présence des psychologues parmi les effectifs de l'aide sociale à l'enfance (conseils départementaux) Recommandation n° 12 : Développer les équipes mobiles pluridisciplinaires intervenant en faveur des enfants protégés (établissements psychiatriques, ARS, conseils départementaux) Recommandation n° 13 : Simplifier le dispositif d'autorisation d'exercice des Padhue (Ministère de la Santé) Recommandation n° 14 : Encourager, auprès des étudiants en médecine, la réalisation d'un stage en psychiatrie en privilégiant les services des hôpitaux non-universitaires (Ministère de la Santé) Recommandation n° 15 : Apprécier l'opportunité et la faisabilité de recréer une spécialité d'infirmière en psychiatrie (Gouvernement) Recommandation n° 16 : Mieux accompagner les établissements de santé dont une IDE souhaite entamer une formation à la pratique avancée (ARS) Recommandation n° 17 : Instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique (Pouvoir règlementaire) Recommandation n° 18 : Revoir le modèle économique des IPA mention PSM dans une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral (Assurance maladie) Recommandation n° 19 : Augmenter le nombre de professionnels, notamment d'IPA mention PSM, exerçant en CMP en priorisant les territoires où les délais d'attente sont les plus longs (Ministère de la Santé) Recommandation n° 20 : Conduire une réflexion, à l'échelle territoriale, sur la création de permanences d'accueil en urgence et l'aménagement des horaires d'ouverture au sein des CMP (ARS) Recommandation n° 21 : Flécher des financements pérennes en faveur du développement des équipes mobiles (ARS) Recommandation n° 22 : Mettre en place des partenariats locaux pour soutenir et faciliter le suivi à domicile des patients (Conseils locaux de santé mentale) |
LISTE DES SIGLES
A |
|
ADF |
Assemblée des Départements de France |
Ademe AFP ALD AMF ANSM Apadhe Apec ARS ASE |
Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie Association française de psychiatrie Affection longue durée Association des maires de France Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé Accompagnement pédagogique à domicile, à l'hôpital ou à l'école Association pour l'emploi des cadres Agence régionale de santé Aide sociale à l'enfance |
C |
|
CAMSP CATTP CCARPSY CDEF CLS CLSM CMP CMPP CNH CNOI CNP CNSA CRPS CRUP CSSM CTS |
Centres d'action médico-sociale précoce Centres d'accueil thérapeutique à temps partiel Comités régionaux consultatifs d'allocation de ressources en psychiatrie Centres départementaux de l'enfance et de la famille Contrats locaux de santé Conseils locaux de santé mentale Centres médico-psychologiques Centres médico-psycho-pédagogiques Centre national du handicap Conseil national de l'Ordre des infirmiers Commission nationale de psychiatrie Caisse nationale de la solidarité de l'autonomie Centres de réhabilitation psychosociale (CRPS) Centres renforcés d'urgences psychiatriques Commission spécialisée en santé mentale Conseil territorial de santé |
D |
|
DGESCO DGOS DGS |
Direction générale de l'enseignement scolaire Direction générale de l'offre de soins Direction générale de la santé |
DMP DMSMP DNS Drees |
Dossier médical partagé Délégation Ministérielle à la Santé Mentale et à la Psychiatrie Délégation du numérique en santé Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques |
E |
|
Ehpad EIG EMIL |
Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Évènement indésirable grave Équipe mobile de pédopsychiatrie |
EMIP EMPP EMPPA Enclass EPIC EpiCov ESMS |
Équipe mobile d'intervention précoce en psychiatrie Équipes mobiles psychiatrie précarité Équipes mobiles de psychiatrie de la personne âgée Enquête nationale en collèges et lycées chez les adolescents sur la santé et les substances Équipe mobile psychiatrique d'intervention et de crise Épidémiologie et Conditions de vie liées au Covid-19 Établissement social ou médico-social |
F |
|
FAM FFP FIOP Fire |
Foyer d'accueil médicalisé Fédération française de psychiatrie Fonds d'innovation organisationnelle en Psychiatrie Fonds d'intervention régionale |
H |
|
HDJ |
Hôpitaux de jour |
HOME |
Habitat cOMmunautaire soutEnu |
I |
|
IDE Igas Inserm IPA |
Infirmier diplômé d'État Inspection générale des affaires sociales Institut national de la santé et de la recherche médicale Infirmier en pratique avancée |
M |
|
MAS MDA |
Maison d'accueil spécialisée Maison des adolescents |
O |
|
OFDT |
Observatoire français des drogues et des tendances addictives |
OMS |
Organisation mondiale de la santé |
P |
|
Padhue PAEJ PMI PSM |
Praticien à diplôme hors union européenne Point accueil et écoute des jeunes Protection maternelle et infantile Psychiatrie et santé mentale |
PTSM |
Projets territoriaux de santé mentale |
S |
|
SAS SIIS SISM SNS SpF SPT SSMSI |
Service d'accès aux soins Suivi Intensif pour l'Inclusion Sociale Semaines d'information sur la santé mentale Stratégie nationale de santé Santé publique France Syndrome de stress-post traumatique Service statistique ministériel de la sécurité intérieure |
U |
|
UHSA UMD Unipa USP |
Unité hospitalière spécialement aménagée Unité pour malades difficiles Union nationale des infirmier.es en pratique Union syndicale de la psychiatrie |
I. LA DÉGRADATION DE LA SANTÉ MENTALE : UNE TENDANCE DE FOND, PARTICULIÈREMENT INQUIÉTANTE CHEZ LES JEUNES
Si le terme de « psychiatrie », apparu au milieu du XIXe siècle, est assez simple à définir - discipline médicale traitant des maladies mentales, la notion de santé mentale s'avère plus large et surtout plus floue.
De la psychiatrie vers la santé mentale
Notons d'abord que l'usage courant de l'expression « santé mentale » est assez récent. En anglais, les termes mental hygiene sont bien plus répandus de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années 19401(*), durant lesquelles la tendance s'inverse au profit de mental health. En 1948, le IIIe Congrès international d'hygiène mentale se tenant à Londres aboutit à ce que le Comité International d'Hygiène Mentale soit renommé en Fédération mondiale pour la santé mentale.
En 1946, la constitution de la nouvelle Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Ses tentatives de définir la santé mentale rejettent, de la même manière, les conceptions purement négatives « qui en font un état dans lequel l'individu ne présente aucun trouble mental caractérisé » pour la concevoir comme un état qui n'est pas statique « mais présente des variations et des fluctuations de degré » 2(*).
La psychiatrie, et les troubles dont elle s'occupe, ne sont donc qu'un seul aspect de la santé mentale qui, peu à peu, devient un objet de politique publique. Il est vrai que ce concept offre la possibilité d'insister sur la prévention3(*), ce que permet moins le terme de psychiatrie. En outre, il permet, comme le remarque Claude-Olivier Doron4(*), de fédérer toutes sortes d'acteurs qui, désormais, appartiennent au « champ de la santé mentale ».
La santé mentale devient donc ainsi un sujet de santé publique et l'OMS n'aura de cesse de le promouvoir. En France, où les termes ont pris plus de temps à s'imposer, ce sont surtout les années 1990 qui voient l'émergence de la santé mentale comme un axe majeur de santé publique. Un plan « Santé mentale » est présenté en 2001 par Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Ce plan s'appuie d'ailleurs sur un rapport au titre éloquent « De la psychiatrie vers la santé mentale »5(*).
La définition synthétique de la santé mentale, arrêtée par l'OMS, est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de la communauté ». C'est en se fondant sur cette conception holiste, qui prend en compte les déterminants biologiques, sociaux et environnementaux, que Santé publique France (SpF) distingue trois dimensions de la santé mentale :
- la santé mentale positive, qui recouvre le bien-être, l'épanouissement personnel, les ressources psychologiques et les capacités d'agir de l'individu dans ses rôles sociaux ;
- la détresse psychologique réactionnelle, induite par les situations éprouvantes et difficultés existentielles, qui n'est pas forcément révélatrice d'un trouble mental ;
- les troubles psychiatriques de durée variable, plus ou moins sévères ou handicapants.
Les principaux troubles mentaux
Les troubles dépressifs se caractérisent par une perturbation de l'humeur (tristesse, perte de plaisir...) dans la durée, entraînant une vision pessimiste du monde et de soi-même. Ils ont des répercussions de manière importante sur la vie quotidienne (sommeil, appétit, libido...).
Les troubles anxieux, différents de la peur, et aux symptômes variables d'une personne à une autre, sont ressentis dans la durée et sans lien avec un danger. Six types de troubles anxieux peuvent être recensés : l'anxiété généralisée, le trouble panique, les phobies spécifiques, l'agoraphobie, le trouble d'anxiété sociale et le trouble d'anxiété de séparation.
Les troubles psychotiques regroupent un ensemble de troubles comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires, qui se manifestent par une altération de la perception de la réalité.
Les troubles des conduites alimentaires, comme la boulimie ou l'anorexie, engendrent une relation à la nourriture perturbée. Ils apparaissent souvent à l'adolescence et nécessitent une prise en charge thérapeutique globale.
Les troubles addictifs sont liés à l'utilisation d'une substance psychoactive entrainant une dépendance (alcool, tabac, drogue) ou à un comportement (jeux d'argent et de hasard, jeux vidéo...). Le fonctionnement mental en est modifié et des conséquences négatives s'ensuivent sur la santé physique et mentale.
Source : Ministère de la santé et de la prévention
A. LA SANTÉ MENTALE DES FRANÇAIS NE S'EST PAS AMÉLIORÉE DEPUIS LA FIN DE LA CRISE SANITAIRE
1. Des indicateurs qui témoignent d'un maintien d'un état dégradé de la santé mentale de la population
Le rapport de la commission des affaires sociales de décembre 20216(*) rendait compte de la dégradation sensible de l'état psychologique de la population générale dès le premier confinement de la crise sanitaire à travers plusieurs indicateurs. Les rapporteurs soulignaient également que « plus d'un an après le début de la pandémie, les différents aspects analysés demeur[aient] à des niveaux estimés très supérieurs à la situation observée hors épidémie »7(*).
Il ressort des travaux de la présente mission d'information que la dégradation observée pendant la crise sanitaire a été générale et s'avère en grande partie durable. Les auditions des professionnels de santé ont fait ressortir que l'état de santé mentale de la population ne s'est pas amélioré en dépit de la fin des confinements et du retour à la vie normale.
Les données des enquêtes épidémiologiques étayent aussi ce constat. L'enquête CoviPrev8(*) révèle ainsi que les signes d'anxiété concernaient 23 % de la population générale en septembre 2023 contre 13,5 % en 20179(*). De même, les problèmes de sommeil sont relevés à une prévalence de 71 % en 2023 contre 49,4 % en 2017.
Les enquêtes CoviPrev et EpiCov
• Menée par Santé publique France, depuis le 23 mars 2020, CoviPrev est une enquête transversale répétée (chaque échantillon est indépendant) par internet auprès de 2000 répondants âgés de 18 ans et plus, recrutés au sein d'un panel d'internautes (inscrits pour obtenir des points cadeaux en l'échange de participation à des enquêtes) selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, CSP, taille d'agglomération, région de résidence.
• L'enquête EpiCov (Épidémiologie et Conditions de vie liées au Covid-19) a été mise en place par l'Inserm et la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) depuis 2020. Elle allie une interrogation par questionnaire, en ligne ou téléphonique, avec des analyses sérologiques menées auprès de répondants volontaires âgées de 15 ans ou plus en 2020.
Plus difficile à appréhender, la prévalence des troubles psychotiques dans l'ensemble de la population ne semble pas avoir présenté des évolutions significatives ces dernières années. Toutefois, derrière cette stabilité apparente, les données de la Cnam suggèrent quelques évolutions selon l'âge (voir encadré ci-dessous).
La prévalence des troubles psychotiques
La littérature internationale suggère qu'entre 0,5 et 2 % de la population serait atteinte d'un trouble psychotique. L'OMS indique ainsi que la prévalence de la schizophrénie serait de 0,45 % parmi les adultes10(*).
En France, une étude de 201411(*) estime que 3,8 habitants sur 1000 ont fait l'objet, en 2012, d'une prise en charge pour troubles psychotiques par les établissements psychiatriques et 4,8 sur 1000 étaient en affection de longue durée (ALD) en raison d'une psychose. Il ne s'agit donc pas d'une prévalence totale des personnes souffrance d'une maladie psychotique mais de deux indicateurs qui peuvent s'en rapprocher. Les effectifs identifiés, en établissement comme en ALD, pointent un taux 1,3 à 1,5 fois plus important chez les hommes que chez les femmes.
Enfin, l'exploitation de la base de données Data pathologies de la Cnam suggère une prévalence de troubles psychotiques, en 2022, qui serait de 7,1 cas pour 1 000 habitants. Ce taux serait 8,2 cas chez les hommes et de 6,0 cas parmi les femmes. La prévalence serait donc 1,37 fois supérieure chez les hommes que chez les femmes.
Depuis 2015, en se fondant sur ces données, qui ne répertorient que les patients pris en charge, la prévalence des troubles psychotiques aurait peu évolué dans la population générale : elle a ainsi oscillé entre 7,0 et 7,3 cas pour 1 000 habitants. Il semblerait cependant qu'elle ait eu tendance à décroître avant 50 ans et à augmenter après cet âge sans que des facteurs explicatifs ne puissent être avancés.
Prévalence des troubles psychotiques par classe d'âge en 2015 et en 2022
Source : Data pathologies, calculs Sénat
a) Les syndromes dépressifs, quoique légèrement décroissants en population générale, restent à un niveau élevé.
S'agissant des syndromes dépressifs, la même enquête CoviPrev indique qu'ils concernent 16 % de la population en septembre 2023 soit une proportion globalement décroissante depuis la fin de la pandémie mais nettement supérieure à la période antérieure à la crise (9,8 % en 2017).
Le dernier volet12(*) d'une autre enquête, dénommée EpiCov, réalisé fin 2022, met également en évidence une légère baisse des syndromes dépressifs dans toutes les catégories de la population. Toutefois, la prévalence des syndromes sévères, rendant compte d'une dépression caractérisée, est stable depuis 2020 et concernent 5,3 % de la population à l'automne 2022 - soit un niveau supérieur à celui constaté en 2014.
Prévalences dans la population
générale, par sexe,
des syndromes dépressifs
majeurs et mineurs de 2014 à 2022
Source : Drees, enquête Epicov
b) Une inquiétude majeure sur les pensées suicidaires dont la prévalence est en hausse constante
Concernant, enfin, les pensées suicidaires, autre indicateur pertinent de l'état de la santé mentale des Français, l'enquête CoviPrev indique qu'elles seraient présentes chez 10 % de la population contre 4,7 % en 2017. De même, les données issues d'EpiCov suggèrent une progression de la prévalence de pensées suicidaires, légère dans toutes les classes d'âge, sauf chez les jeunes où elle est nettement plus marquée (voir infra).
Prévalence des pensées suicidaires en 2020, 2021 et 2022 selon l'âge
En pourcentage
Source : Sénat, données Drees.
Les bulletins mensuels de Santé publique France, recensant les passages aux urgences pour des raisons liées à la santé mentale, font apparaître un constat alarmant sur ce point. Le nombre de passages aux urgences pour des idées suicidaires augmente chaque année depuis 2021. Pour les premiers mois de 2025, il s'établit encore à des niveaux largement supérieurs à ceux constatés les trois années précédentes. Cette tendance se confirme y compris pour les personnes âgées de plus de 65 ans, moins concernées par les pensées suicidaires.
Nombre hebdomadaire de passages aux urgences
pour des idées suicidaires pour les années 2022 à
2025.
Tous âges
Personnes âgées de 65 ans ou plus
La santé mentale des personnes âgées
La santé mentale des personnes âgées est un sujet de préoccupation souvent moins mise en exergue que l'état psychologique d'autres populations. Comme le notait, en 2014, l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), « la souffrance psychique des personnes âgées et ses différentes formes d'expression (...) sont encore souvent banalisées et mises sur le compte du seul vieillissement »13(*). Alors même que la dépression est bien « une pathologie et en aucun cas la conséquence d'un vieillissement normal »14(*).
En outre, les personnes âgées constituent une catégorie de la population vulnérable à des troubles psychiques du fait de l'isolement social, dont ils peuvent souffrir, qui demeure un facteur aggravant des troubles comme la dépression et l'anxiété. La solitude peut en outre nuire au maintien des capacités cognitives. Les isolements et confinements de la période de la crise sanitaire n'ont pas été anodins pour cette population.
L'OMS met en avance que 14 % des personnes âgées de plus de 60 ans souffrent d'un trouble mental et que 27,2 % des décès par suicide concernent des personnes âgées de 60 ans ou plus15(*).
En France, la consommation des médicaments montre d'ailleurs que la prévalence des traitements antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur, ainsi que des traitements anxiolytiques est globalement croissante en fonction de l'âge.
Prévalence des traitements antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur par classe d'âge en 2015 et en 2022
Source : Data pathologies, calculs Sénat.
Ce constat, conjugué au vieillissement de la population, explique que les besoins de gérontopsychiatrie sont fortement croissants comme il a été souligné aux rapporteurs en audition. Les unités existantes ne sont pas dimensionnées pour le nombre de patients potentiels. Sans structure adaptées dans le secteur médico-social, et au sein des services psychiatriques ou gériatriques, les services des urgences se retrouvent à devoir accueillir un nombre toujours plus grand de ces patients.
c) Les gestes auto-infligés réaugmentent depuis 2020 en raison de leur prévalence chez les femmes
Les travaux de l'Observatoire national du suicide soulignent que les hospitalisations pour gestes auto-infligés - tentatives de suicide - sont en augmentation constante depuis 202016(*), en raison de la hausse de la prévalence de ces gestes chez les femmes. En effet, alors que le nombre de tentatives de suicides a diminué en population générale à partir des années 2010, cette décroissance s'est interrompue pour les femmes à compter de 2021, augmentant de nouveau jusqu'en 2023 (+ 4 %).
Nombre de patients hospitalités en MCO pour geste auto-infligé, par sexe, entre 2010 et 2023.
Source : ONS, Rapport précité, p. 131.
2. Un aspect à ne pas négliger : les effets de la déstigmatisation
a) La part de responsabilité de la crise sanitaire
Une rupture dans l'état de santé mentale de la population semble se dessiner aux alentours de 2020-2021, pointant, de prime abord, la responsabilité de la crise sanitaire. Les effets à très court terme de cette dernière sur la santé mentale sont plutôt documentés et le présent rapport n'entend pas y revenir précisément. Pour rappel, le rapport précité de la commission dépeignait la santé mentale comme une « victime collatérale de la crise sanitaire »17(*) en s'appuyant sur la détérioration constatée des indicateurs de santé mentale dès le premier confinement.
Cet effet immédiat peut être lié à l'anxiété d'une contamination, avérée ou redoutée au Sars-cov2, la situation pesante engendrées par les mesures de protection ou, plus généralement le contexte anxiogène qui bousculait beaucoup de repères. La Commission nationale de psychiatrie (CNP) indique ainsi aux rapporteurs : « les conséquences sur la santé mentale et psychiatriques sont aujourd'hui indéniables et quel que soit les tranches d'âge et les catégories sociales. La peur de contracter le Sars-cov2, les mesures de confinement, les restrictions de la circulation, le port du masque, la distanciation sociale, les deuils, la crise socio-économique ont pesé sur les équilibres psychologiques, sociétaux et individuels ».
Plus délicate s'avère l'identification de la part de responsabilité jouée par la crise sanitaire dans la détérioration de long terme qui transparait des données exposées plus en amont. Quelques effets pérennes peuvent être associés au covid-19. Par exemple, une étude française de septembre 202418(*) a montrait que les patients ayant connu une phase aiguë d'une infection au covid-19 étaient plus susceptibles de présenter des troubles psychiatriques - troubles dépressifs et troubles anxieux notamment - dans les deux ans suivant une hospitalisation ; les facteurs déterminants étant une durée d'hospitalisation supérieure à sept jours, un épisode de confusion et un taux élevé de monocytes sanguins. Les données transmises par Santé publique France19(*) font également état d'un risque de dépression multiplié par quatre en cas de covid long par rapport aux autres personnes infectées. Toutefois, il ne s'agit pas là de causes suffisantes à expliquer l'évolution générale constatée.
À l'échelle globale, ainsi que l'indique Santé publique France, « il semble que la crise covid marque un tournant - ou a minima un accélérateur - dans la santé mentale des Français, mais il reste difficile voire impossible d'estimer la part directement attribuable au contexte de la pandémie. (...) il existe plusieurs autres raisons ou facteurs pouvant expliquer cette dégradation ».
Il ressort des auditions des rapporteurs, et notamment des échanges avec les professionnels de santé, un constat empirique qui étayent les conclusions de Santé publique France ; la dégradation de l'état de santé mentale de la population est une tendance de fond qui préexistait à la crise sanitaire et dont les déterminants sont multifactoriels. Le covid a joué un rôle de révélateur, sans aucun doute, voire d'accélérateur, mais imputer la dégradation observable à la seule crise, et nier ainsi les déterminants à l'oeuvre depuis des années, serait dangereux.
b) Des évolutions au long cours pouvant rendre plus vulnérable la santé mentale de la population
De multiples facteurs participant à la dégradation constatée de l'état de santé mentale ont été désignés sans que les travaux scientifiques actuels ne puissent distinguer la part de responsabilité des uns et des autres.
Un isolement social, croissant dans la population, a tout d'abord été mis en exergue comme une des premières causes sous-jacentes. Sur le temps long, les évolutions sociétales ont eu tendance à renforcer cet isolement, facteur prédictif bien connu des troubles de santé mentale. La proportion de personnes résidant seules en France augmente ainsi régulièrement pour avoisiner les 20 %20(*). De même, le nombre de familles monoparentales atteint des niveaux très élevés21(*).
Le délitement du lien social est un phénomène au long cours, renforcé par la numérisation des rapports humains et nourri, plus récemment par la crise sanitaire. Ce constat a été unanimement partagé en audition. Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a ainsi constaté que « la solitude était un grand facteur de la dégradation observée de la santé mentale ».
L'association SOS Amitié, gérant un service d'écoute téléphonique, rend compte d'une augmentation continue des appels depuis 2019 (+ 5,7 % du nombre d'appel entre 2023 et 2024), mais également de la durée moyenne des conversations téléphoniques (environ 20 minutes avant la crise sanitaire à 34 minutes aujourd'hui). L'association note ainsi, dans sa contribution : « la crise sanitaire et les différents confinements ont été des accélérateurs de difficultés de vie pour les personnes qui ont appelés S.O.S Amitié. Certains éléments déjà présents ont pris de l'ampleur ; le ressenti d'une grande solitude, d'un isolement plus important qu'avant ont submergés certains d'entre eux ».
Selon un rapport de la Fondation de France22(*), 12% de la population était en situation d'isolement relationnel en janvier 2024 - une proportion en augmentation de trois points depuis 2010. Surtout, ce rapport pointe un taux toujours élevé - plus de 80 % - de personnes isolées déclarant souffrir de la solitude23(*). Les enquêtes d'opinion, commandées par l'association Astrée, montrent que la « solitude chronique » - rendant compte des personnes se disant « toujours » ou « souvent » seules - demeure supérieure à son niveau antérieur à la crise sanitaire - 17 % en 2024 contre 13 % en 2018. Selon l'association, « [ce] constat (...) suggère que la pandémie a durablement modifié les liens sociaux, notamment via l'accélération de la digitalisation de la société »24(*).
Les rapporteurs constatent, par ailleurs, que l'Assemblée de l'OMS, le 19 mai 2025, a approuvé une résolution visant à favoriser les liens sociaux, pointant notamment les effets délétères du délitement de ces derniers sur la santé mentale25(*).
Recréer du lien social pour agir en faveur de la santé mentale
Les déterminants de la santé mentale étant multiple, la prévention est elle-même multidimensionnelle et comporte des actions qui, de prime abord, semble bien éloigné de considérations médicales. Entendu en audition par les rapporteurs, Frédéric Chéreau, maire de Douai, a insisté sur le rôle du maire, « acteur de première ligne du lien social » pour agir en faveur de la santé mentale.
Un projet de pension de famille, porté entre autres par Soliha et l'UNAFAM, devrait voir prochainement être inauguré à Douai offrant 24 logements individuels à destination de personnes souffrant de troubles psychiques et des personnes isolées. Le mélange de ces deux publics, permettant de recréer du lien social, a déjà fait ces preuves dans d'autres pensions de famille26(*).
L'une des cinq thématiques assignés aux conseils locaux de santé mentale (CLSM) est ainsi d'« agir sur les déterminants de la santé mentale » en investissant, par exemple, les champs du logement ou de la culture.
La transformation du monde du travail est également un facteur à prendre en compte dans la dégradation observée. D'une part, le recours accru au télétravail, parfois imposé, peut accentuer le sentiment d'isolement décrit ci-avant. La même enquête d'opinion révèle que 26 % des personnes pratiquant le télétravail indiquent que ce dernier augmente le sentiment de solitude27(*). D'autre part, le rapport au monde professionnel évolue ; sans préjuger ici des causes de cette tendance, le désengagement des salariés et l'absentéisme observée en hausse révèlent un mal-être dans le milieu professionnel qui se renforce, y compris chez les cadres28(*).
D'autres facteurs sociétaux ont été mis en avant, lors des auditions des rapporteurs, comme l'augmentation du temps d'écran et l'influence croissante des réseaux sociaux, plus prégnantes chez les jeunes (voir infra), mais également la diminution du temps de sommeil, les liens entre santé mentale et sommeil étant établis de longue date29(*). Enfin, au chapitre de la transformation des comportements, la réduction de l'activité physique et le développement de la sédentarité pourraient aussi être cités30(*).
c) Un contexte anxiogène et stressant
Les rapporteurs souscrivent aux propos de France dépression qui pointe la responsabilité d'un contexte socio-économique anxiogène, en lien avec l'inflation, le niveau de précarité et d'insécurité de l'emploi.
Il est vrai que les études établissent un lien entre troubles psychiques et des conditions sociales et économiques défavorables31(*) (voir graphique ci-après) bien que l'augmentation récente des symptômes dépressifs ont concernés tous les segments de population analysé, selon Santé Publique France.
Prévalence des syndromes dépressifs selon la situation financière déclarée
En 2022
Source : Commission des affaires sociales, données EpicCov
d) Les difficultés croissantes dans l'accès aux soins
Enfin, la dégradation de la santé mentale de la population trouve aussi son origine dans les difficultés d'accès aux soins primaires ou spécialisés qui engendrent des retards de diagnostic et de prise en charge ou une discontinuité du suivi. Or, la précocité de la prise en charge des pathologies psychiques est essentielle pour accroitre les chances d'une stabilisation de l'état ou pour éviter une chronicisation des troubles.
Ainsi que le présent rapport le montre, cette situation a eu tendance à s'accentuer ces dernières années du fait de la démographie médicale déclinante (psychiatres comme médecins généralistes), de l'engorgement des centres médico-psychologiques (CMP), de la fermeture de lits d'hospitalisations... En outre, cette absence de prise en charge peut renforcer l'isolement social et provoquer une accentuation des troubles somatiques associés à une pathologique psychiatrique, eux-mêmes éléments aggravants des troubles psychiques.
Il convient enfin d'ajouter, parmi les différents obstacles à une prise en charge adaptée, les tensions dans l'approvisionnement de psychotropes qui, là encore, peuvent provoquer des ruptures thérapeutiques.
Les tensions d'approvisionnement de psychotropes
Des difficultés d'approvisionnement sur certains psychotropes sont observées en France depuis 2024 et concernent notamment des molécules largement utilisées comme la quétiapine, la venlafaxine, la sertraline et le Teralithe.
La quétiapine, utilisée pour le traitement de la schizophrénie et des troubles bipolaires ainsi que pour le traitement adjuvant des épisodes dépressifs majeurs, a été particulièrement touchée depuis décembre 2024, avec environ 250 000 patients concernés. La concentration de la production sur un nombre restreint de sites a rendu vulnérable son approvisionnement à cause des difficultés liées au site de production de Pharmathen en Grèce (60 % des volumes nationaux), depuis juillet 2024. Si la situation s'améliore progressivement grâce à d'autres producteurs et à la reprise partielle de ce site Pharmathen, le retour à un niveau normal d'approvisionnement n'est pas encore d'actualité32(*).
La venlafaxine reste perturbée, avec une normalisation qui était attendue courant mai 2025.
La sertraline est affectée par une augmentation de 80 % des prescriptions en cinq ans et un défaut qualité. Des approvisionnements sont annoncés en mai 2025.
Le Teralithe fait l'objet de signalements de disponibilité.
Pour éviter les ruptures totales d'approvisionnement, notamment de quétiapine, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a décidé d'un contingentement quantitatif pour le circuit ville en interdisant l'exportation de ces médicaments par les grossistes-répartiteurs vers l'étranger à compter du 26 septembre 2024. Elle a demandé aux laboratoires non concernés par les difficultés d'approvisionnement d'augmenter leur production. L'ANSM a par ailleurs publié des conduites à tenir à destination des médecins et des pharmaciens afin d'encourager, si possible, à la prescription d'alternative thérapeutique. Les pharmaciens doivent quant à eux recourir obligatoirement à la dispensation à l'unité, pour les comprimés de quétiapine LP 50 mg et sont invités à recourir au dispositif de préparations magistrales.
Source : Réponse du délégué ministériel au questionnaire des rapporteurs et réponse du ministère chargé de la santé et de l'accès aux soins à une question de la sénatrice Marion CANALÈS33(*).
3. Un aspect à ne pas négliger : les effets de la déstigmatisation
L'augmentation perçue des indicateurs de santé mentale ne rend pas nécessairement compte de troubles émergeants, mais peut traduire une part de besoins de soins préexistants qui n'étaient pas exprimés ou repérés jusqu'alors. Il convient de ne pas négliger l'effet de la déstigmatisation des troubles psychiques.
La déstigmatisation est un axe déjà ancien des politiques de santé publique ; le plan pluriannuel de santé mentale, présenté par le ministre Bernard Kouchner en 2001, comportait déjà un volet visant à « lutter contre la stigmatisation attachée aux maladies mentales ». La feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie reprenait, dès sa présentation en juin 2018, des actions de lutte contre la stigmatisation.
Les campagnes de sensibilisation sur la santé mentale
Chargée de promouvoir la prévention en santé, l'agence Santé publique France est responsables des campagnes de communication sur la santé mentale. En guise d'illustration, elle notamment pu mener deux campagnes en 2021 -2022.
En avril-mai 2021, une campagne « En parler, c'est déjà se soigner » a été conduite à destination des majeurs, avec comme objectif d'inciter les personnes concernées par des symptômes anxieux ou dépressifs à en parler (entourage, professionnel, ou dispositif d'écoute). Cette campagne a fait l'objet d'une diffusion à la télévision, à la radio, sur les réseaux sociaux et sur internet, sous la forme de bannières web. Selon les enquêtes de Santé Publique France, le public a bénéficié d'un niveau élevé d'exposition à la campagne tandis que « les principaux objectifs ont été atteints avec une augmentation modeste, mais significative, des recours aux dispositifs d'information et de soutien psychologique »34(*). Le site Psycom a ainsi connu une augmentation de 144% du nombre moyen de visites quotidiennes pendant la période de la campagne.
Exemple de bannière grand public diffusée en 2021
Source : Santé publique France
En juin et juillet 2021, une seconde campagne « #JenParleÀ », ciblant les adolescents, a été menée sous la forme de courts films diffusés sur les réseaux sociaux, de bannières web, mais également d'opérations d'influence sur les réseaux Instagram et TikTok, avec le concours d'influenceurs et de célébrités. Cette campagne a ensuite été rediffusée en janvier et juin 2022, enrichie par de nouveaux formats comme des affiches dans les collèges et lycées.
Exemple de bannière à destination des adolescents diffusée en 2021
Source : Santé Publique France
Enfin, l'agence a indiqué aux rapporteurs qu'elle diffusera, en septembre 2025, une nouvelle campagne grand public dans le cadre de la grande cause nationale 2025 sur la santé mentale. Ont été assigné à cette opération trois objectifs à savoir :
- valoriser la santé mentale comme un concept positif et comme faisant partie de la santé globale ;
- faire prendre conscience aux personnes qui ne se sentent pas concernées que nous avons tous une santé mentale et que nous pouvons tous en prendre soin ;
- faire connaître (notoriété) et inciter les personnes à consulter (trafic) le nouveau site dédié à la santé mentale.
À noter également que le Gouvernement a, par ailleurs, lancé, en juin 2025, un appel à projets dédié à la santé mentale, Grande cause nationale 2025, afin de financer une campagne de communication innovante.
Source : Santé Publique France, réponses au questionnaire des rapporteurs
Il est donc vraisemblable que ces campagnes d'information portées par les pouvoirs publics, conjuguées aux efforts de la société civile et des professionnels de santé, portent leurs fruits35(*). Néanmoins, dans l'accélération récente des besoins, il faut sans doute y percevoir aussi l'effet de la crise sanitaire, laquelle semble avoir contribué à lever un tabou.
La décision de Michel Barnier, alors Premier ministre, de consacrer la santé mentale comme « grande cause nationale de l'année 2025 », avec, comme premier objectif, la déstigmatisation, a donné également l'occasion de libérer la parole sur ce sujet.
En 2025, la santé mentale s'impose, en effet, comme un thème majeur dans le début public et l'espace culturel. De nombreuses personnalités publiques ont apporté leur témoignage sur les troubles psychiques, dont ils souffrent ou ont déjà souffert, comme les sportifs Florent Manaudou et Camille Lacour, la comédienne Michèle Bernier, ainsi que le journaliste Nicolas Demorand. Son ouvrage Intérieur nuit, paru en mars 2025, dans lequel il se livre sur les errances médicales qu'il a expérimentées et le sentiment de honte éprouvé face à sa maladie, a connu une résonnance particulière dans les médias et participe au changement de mentalité à l'oeuvre. La santé mentale est en outre devenue un sujet populaire de documentaires télévisés en 2024 et 202536(*) et se retrouve même au coeur de l'intrigue de superproductions hollywoodiennes, en témoigne le film Thunderbolts des studios Marvel37(*).
Les rapporteurs se réjouissent de cette émulation autour de la santé mentale qui devrait encore se prolonger, en 2025, par de nombreuses campagnes publiques de communication (voir encadré ci-dessus).
Toutefois, comme l'indique France dépression, « la stigmatisation de la santé mentale persiste, empêchant de nombreuses personnes de consulter à temps ». Les associations, entendues en audition, pointent le risque que cette mise en lumière de la santé mentale ne soit qu'éphémère alors que les préjugés sont solidement ancrés dans les consciences. Les rapporteurs ne peuvent que s'associer à cette crainte et invitent les pouvoirs publics à maintenir dans la durée cet effort de sensibilisation du grand public.
B. LA SANTÉ MENTALE DE LA JEUNESSE S'AGGRAVE DE MANIÈRE SPECTACULAIRE
1. Une hausse des troubles anxieux et dépressifs particulièrement marquée chez les jeunes, et plus encore chez les jeunes femmes
a) La dégradation de la santé mentale des jeunes
La dégradation de la santé mentale est particulièrement forte chez les adolescents (11-17 ans) et les jeunes adultes (18-24 ans). Selon les études récentes, cette dégradation trouve sa source au milieu des années 2010 et se poursuit depuis la fin de la crise du covid-19, dont les effets amplificateurs ont été largement documentés. Elle s'apprécie au prisme de différents indicateurs.
En 2024, les risques de troubles anxiodépressifs touchent près de 30 % des jeunes âgés de 11 à 24 ans38(*) et un quart des lycéens déclare avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois39(*).
Évolution des troubles névrotiques et de l'humeur entre 2015 et 2022
Source : Data pathologies, calculs Sénat
En outre, depuis 2021, selon un constat partagé par les acteurs hospitaliers auditionnés par les rapporteurs, le nombre de passages aux urgences et d'hospitalisations de mineurs pour des motifs de tentative de suicide, scarification, crises graves et sevrage suite à l'usage de toxiques continue d'augmenter. De manière plus générale, le suicide est la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans40(*).
Les lignes d'écoute sont également de plus en plus sollicitées : entre 2022 et 2024, le nombre d'appels à SOS Amitié liés à des idées suicidaires chez les jeunes de moins de 25 ans a progressé de 15 %41(*).
Les jeunes adultes de 18 à 24 ans sont 62 % à se sentir régulièrement seuls, contre 44 % des Français en général. En outre, 90 % des jeunes de cette même tranche d'âge déclarent être touchés par différentes formes de difficultés sur le plan psychologique (pleurs, épisodes de stress, problèmes de sommeil, états dépressifs et pensées suicidaires)42(*).
Enfin, en cohérence avec ces différents constats, de plus en plus de jeunes se voient prescrire des médicaments psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques, somnifères, etc.) : en 2023, 936 000 jeunes de 12 à 25 ans ont bénéficié d'un remboursement à ce titre soit 18 % de plus qu'en 201943(*).
Évolution des prescriptions de traitements
antidépresseurs
ou régulateurs de l'humeur entre 2015 et
2022
Source : Data pathologies, calculs Sénat
Le mal-être des enfants et des adolescents s'exprime également par la progression des refus scolaires anxieux.
Si aucune donnée statistique n'est produite par le ministère de l'Éducation nationale sur ce sujet, les rapporteurs ont été alertés par les médecins scolaires sur l'augmentation du nombre d'élèves concernés. À titre d'exemple, en Essonne, entre 2016 et 2023, les demandes d'accompagnement pédagogique à domicile, à l'hôpital ou à l'école (Apadhe) liées aux refus scolaires anxieux ont augmenté de 115 %44(*).
b) Une dégradation particulièrement importante chez les filles et les jeunes femmes
Parmi les jeunes, la dégradation de la santé mentale affecte tout particulièrement les filles et les jeunes femmes.
D'une part, la prévalence des troubles de santé mentale légers à modérés est plus élevée chez les jeunes de sexe féminin.
Sur la période 2018-2022, la prévalence du risque de dépression a augmenté de 24,2 % à 30,9 % chez les filles (collégiennes et lycéennes) et de 13,4 % à 21,4 % chez les garçons. En 2022, 25 % des filles déclaraient avoir déjà eu envie de mourir, contre près de 10 % des garçons45(*). En cohérence avec ce constat, la hausse de la prescription de traitements antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur concerne davantage les filles et les jeunes femmes.
Évolution, par sexe, des prescriptions de
traitements antidépresseurs
ou régulateurs de l'humeur entre
2015 et 2022
Source : Data pathologies, calculs Sénat
D'autre part, les comportements suicidaires sont en nette augmentation et touchent davantage les adolescentes et les jeunes femmes.
Entre 2017 et 2023, les taux annuels d'hospitalisation à la suite d'un geste auto-infligé (tentative de suicide ou automutilation) ont fortement progressé chez les filles et jeunes femmes de 10 à 14 ans (+ 70 %), de 15 à 19 ans (+ 46 %) et de 20 à 24 ans (+ 54 %). En 2023, 519 jeunes femmes de 15 à 19 ans sur 100 000 ont été hospitalisées pour ce motif, contre 333 pour 100 000 en 201546(*).
2. Une survenance de plus en plus précoce des troubles de santé mentale
La dégradation de la santé mentale touche également les enfants de moins de 11 ans qui manifestent, de plus en plus tôt et parfois dès la maternelle, des troubles de santé mentale à des degrés divers.
S'il n'existe pas d'étude permettant d'objectiver la dégradation de la santé mentale des enfants sur les dix dernières années, pour combler ce vide informationnel suite à la suite de la crise du covid-19, un suivi épidémiologique de la prévalence des problèmes de santé mentale chez les plus jeunes a été mis en place par Santé publique France. Les premiers résultats de l'étude « Enabee », menée auprès des enfants de 3 à 6 ans et de 6 à 11 ans, ont été publiés en décembre 2024.
S'agissant des enfants âgés de 3 à 6 ans, l'étude révèle que près d'un enfant sur douze (8,3 %) est concerné par au moins une difficulté de santé mentale (difficulté émotionnelle, oppositionnelle et/ou d'inattention avec ou sans hyperactivité).
La prévalence des difficultés de santé mentale atteint 13 % parmi les enfants âgés de 6 à 11 ans et recouvre une diversité de troubles et de degrés de sévérité. Plus précisément, dans cette tranche d'âge, 5,6 % des enfants présentent un trouble émotionnel (anxiété ou état dépressif), avec une prévalence plus élevée chez les filles ; 6,6 % présentent un trouble oppositionnel et 3,2 % présentent un trouble de déficit de l'attention, ces deux derniers troubles étant plus fréquents chez les garçons.
En tout état de cause, au regard des témoignages portés à la connaissance des rapporteurs au cours des auditions, les indicateurs relatifs au bien-être et à la santé mentale des jeunes enfants se sont dégradés ces dernières années :
- les gestionnaires de lignes d'écoute ont affirmé recevoir un nombre croissant d'appels de la part d'enfants - près de 3 200 appels d'enfants de moins de 14 ans à SOS Amitié en 2024, contre 500 en 2019 ;
- selon l'Union syndicale de la psychiatrie, parmi les enfants âgés de 9 à 12 ans, on observe une augmentation des idéations suicidaires sans passage à l'acte, conduisant à une hausse des demandes de consultations ; la demande de soins en pédopsychiatrie étant également portée à la hausse par les comportements violents chez les 10-14 ans ;
- les centres départementaux de l'enfance et de la famille (CDEF) ont souligné que les troubles de santé mentale apparaissent de plus en plus tôt chez les enfants qu'ils accompagnent, y compris chez les moins de trois ans.
Par ailleurs, la prescription de traitements antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur a augmenté de 61 % chez les moins de 14 ans entre 2015 et 2022, et de 5 % pour les traitements anxiolytiques47(*).
C. LES JEUNES SUBISSENT LES EFFETS DES CRISES ET DE LA POROSITÉ ENTRE LE MONDE RÉEL ET LE MONDE VIRTUEL
1. Les effets d'hystérèse de la crise du covid-19
Comme l'ont montré les études et les rapports publiés sur ce sujet, la détérioration de la santé mentale des jeunes a connu une forte accélération avec la crise du covid-19.
Cette période a profondément bouleversé le quotidien et les habitudes de vie des jeunes. Ils ont été exposés à l'angoisse d'être contaminé ; ont vécu plusieurs mois en dehors des murs de l'école avec parfois pour conséquence un décrochage scolaire ; ont pâti du recul des interactions sociales et de l'activité physique et, dans le même temps, ont augmenté leur temps d'exposition aux écrans et d'utilisation des réseaux sociaux.
Le temps de connexion à internet chez les 15-24 ans
En janvier 2024, 84,7 % des 15-24 ans, soit 6,6 millions de jeunes, se sont connectés à internet chaque jour. En moyenne, les 15-24 ans passent 3h50 par jour sur internet, dont 3h34 sur leur téléphone mobile. Les réseaux sociaux représentent 58 % de leur temps quotidien passé sur internet. Plus de 8 sur 10 (81,3 %) d'entre eux s'y sont connectés chaque jour en janvier 2024.
Source : Médiamétrie, Audience Internet Global, France, Janvier 2024
Or, l'issue de la crise du covid-19 ne s'est pas traduite par un « retour à la normale » : certains changements directement attribuables à la crise du covid-19, comme le temps passé devant les écrans et le recul de l'activité physique, se sont ancrés dans les habitudes des jeunes avec des conséquences néfastes sur leur état de santé, sur le plan mental comme sur le plan physique. Les jeunes éprouvent en effet une difficulté croissante à s'inscrire dans le fonctionnement général de la société, à établir des liens sociaux non numérisés et à projeter un parcours de vie.
2. L'incidence établie des réseaux sociaux
a) L'usage des réseaux sociaux contribue à la détérioration de la santé mentale des jeunes
Malgré la difficulté à isoler et donc à mesurer les effets des réseaux sociaux, l'ensemble des acteurs auditionnés par les rapporteurs jugent qu'ils contribuent à la dégradation de la santé mentale des jeunes et particulièrement à celle des jeunes filles.
Selon une étude de l'organisation mondiale de la santé (OMS)48(*) menée auprès de jeunes âgés de 11, 13 et 15 ans, l'utilisation problématique des réseaux sociaux - associée à des symptômes semblables à ceux de l'addiction - est en forte augmentation chez les adolescents, passant de 7 % en 2018 à 11 % en 2022. Les filles rapportent des niveaux plus élevés d'utilisation problématique que les garçons (13 % contre 9 %).
La même étude indique que ces jeunes « font état d'un bien-être mental et social plus faible et d'une consommation plus élevée de substances psychoactives » et que cette tendance, si elle se poursuit, « pourrait avoir des conséquences considérables sur le développement des adolescents et sur les résultats sanitaires à long terme. »
En outre, l'usage des téléphones a tendance à amplifier les situations de harcèlement, qui dépassent désormais le cadre scolaire et s'immiscent jusque dans la chambre de l'enfant ou de l'adolescent.
Selon une enquête statistique menée en 2023, 5 % des écoliers déclarent avoir reçu « souvent » ou « très souvent » des messages insultants ou menaçants le concernant de la part d'un ou plusieurs élèves sur un téléphone portable ou sur les réseaux sociaux (14 % en incluant les élèves ayant répondu « parfois ») ; et 1 % des collégiens et 1 % des lycéens déclarent que « souvent » ou « très souvent », des photos ou des vidéos intimes de lui ou d'elle circulent sans son accord sur un téléphone portable ou sur les réseaux sociaux (2 % des lycéens indiquent « parfois » pour cette atteinte)49(*).
Ainsi, l'association Suicide Écoute a indiqué aux rapporteurs que la recrudescence des appels de jeunes pour idées suicidaires est notamment portée par la hausse des phénomènes de harcèlement via les réseaux sociaux.
b) Les jeunes filles sont particulièrement touchées par ce phénomène
Le fait que la dégradation de santé mentale des jeunes femmes de moins de 25 ans ait débuté au milieu des années 2010 fait des réseaux sociaux l'un des principaux suspects : c'est à ce moment que leur usage s'est fortement développé, entrant dans l'intimité des jeunes.
Or, les femmes de moins de trente ans représentent la tranche d'âge qui utilise le plus les réseaux sociaux : près de 50 % d'entre elles consultent les réseaux sociaux au moins une fois par heure, contre 16 % en population générale50(*).
Selon la Drees, la fréquence de consultation des réseaux sociaux est fortement associée aux difficultés psychosociales chez les jeunes filles.
Cette vulnérabilité sur les réseaux sociaux s'explique notamment par leur exposition aux contenus de bodyshaming (stigmatisation de l'apparence des corps et de certains critères physiques), au revenge porn (ou « vengeance pornographique », qui consiste à mettre en ligne un contenu sexuellement explicite, sans le consentement de la personne concernée) et aux challenges toxiques (défis dangereux lancés sur les réseaux sociaux).
Certaines vidéos vont jusqu'à encourager explicitement les troubles alimentaires, l'automutilation et le suicide. En novembre 2024, sept familles françaises ont annoncé avoir porté plainte contre le réseau social TikTok car leurs filles adolescentes, qui avaient été exposées à de tels contenus, ont développé des troubles psychopathologiques allant, pour deux d'entre elles, jusqu'au suicide.
3. Un monde anxiogène, un avenir source d'inquiétude
Tout comme en population générale, les troubles anxieux et dépressifs chez les jeunes sont également encouragés par le caractère anxiogène du contexte écologique et géopolitique.
Comme l'a récemment démontré une étude portée par l'Agence de la transition écologique (Ademe), l'impact de l'éco-anxiété sur la santé mentale des Français, et plus particulièrement des jeunes, est réel.
La notion d'éco-anxiété
L'éco-anxiété peut être définie comme la détresse mentale face aux enjeux environnementaux, et ne doit être confondue avec la prise de conscience des enjeux environnementaux ni avec l'engagement dans la transition écologique.
Les formes les plus aiguës d'éco-anxiété se manifestent par des ruminations permanentes quant à la crise environnementale et à ses conséquences existentielles, des symptômes affectifs intenses, tels que l'inquiétude, la peur et l'anxiété, le sentiment de ne pas en faire suffisamment pour la planète et pour les cas les plus extrêmes un isolement social, une difficulté à dormir et à vivre sereinement.
Source : Étude de l'Observatoire de l'éco-anxiété (2025)
Selon cette étude, 5 % des Français sont très fortement éco-anxieux au point de devoir bénéficier d'un suivi psychologique et pour 1 % d'entre eux, soit environ 420 000 pesonnes, il existe un risque sévère de basculer vers une psychopathologie (dépression réactionnelle ou trouble anxieux). Si l'éco-anxiété touche toutes les catégories sociodémographiques, les 25-34 ans et les 15-24 ans sont les deux premières tranches d'âge les plus éco-anxieuses51(*).
En outre, les acteurs auditionnés par les rapporteurs ont, à plusieurs reprises, mentionné l'impact du contexte géopolitique sur la santé mentale des jeunes. Les conséquences du dérèglement climatique, les guerres en Ukraine et au Proche-Orient et, en France, l'instabilité politique favorisée par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024 contribuent, selon eux, à la constitution d'un climat angoissant. Ce constat est partagé par SOS Amitié, qui relève par exemple, dans sa contribution écrite, que « la guerre en Ukraine, a généré beaucoup d'appels, surtout au début du conflit. Le climat sur le sol national est aussi évoqué, les grands événements également ».
Ces événements, qui participent à la morosité ambiante et donnent aux jeunes le sentiment d'un lendemain plus difficile que pour la génération qui les a précédés, expliquent en partie la difficulté qu'ils éprouvent à se projeter vers l'avenir : 55 % des 16-24 ans se disent inquiets pour leur avenir52(*).
À ce contexte national et international s'ajoutent des difficultés liées aux trajectoires individuelles. Au cours de leur audition, les professionnels de la santé scolaire ont tout particulièrement insisté sur les difficultés rencontrées par les élèves sur le plan de l'orientation professionnelle.
Les choix d'orientation s'accompagnent en effet d'une pression scolaire élevée, les collégiens et lycéens devant se décider très tôt. Selon les représentantes des infirmières scolaires auditionnées, le rapport de la société et des familles avec l'école est de plus en plus difficile car la réussite scolaire a des conséquences sur tout le parcours de vie et que de nombreux élèves manquent d'un interlocuteur humain pour préparer leurs décisions d'orientation.
Cette pression s'exerce plus intensément sur les lycéens, qui sont particulièrement sujets au stress lors de la période des candidatures sur Parcoursup. Là encore, les jeunes filles semblent plus fortement impactées : elles internalisent davantage les contraintes quant à leur choix de carrière et à la conciliation de leur vie professionnelle avec une future vie de famille53(*).
Enfin, l'angoisse liée à l'avenir est parfois doublée de situations familiales difficiles voire violentes. Le nombre d'actes commis dans la catégorie « coups et blessures intrafamiliaux » a augmenté de 41 % entre 2020 et 202354(*), et de nombreux mineurs subissent des violences sexuelles (dans leur enfance, 13 % des femmes et 5,5 % des hommes ont subi des violences sexuelles)55(*), ce qui contribue à l'apparition de troubles de santé mentale.
4. Le rôle des substances addictives
La consommation de substances addictives participe également à la dégradation de la santé mentale des jeunes.
Selon la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), les addictions et les troubles de santé mentale sont intimement liés et s'alimentent mutuellement (les addictions peuvent favoriser l'apparition d'un trouble et, inversement, l'apparition d'un trouble peut pousser à la consommation de drogue, vue comme une échappatoire). Il existe par exemple des liens très forts entre la consommation de cannabis et l'entrée dans la psychose, et les patients atteints de psychoses présentent souvent des comorbidités addictives56(*).
Or, une part non négligeable de jeunes est exposée à la consommation de drogues, et ce dès le collège. D'après l'étude EnCLASS précitée, en 2022, 5,3 % des collégiens de 4ème et de 3ème déclarent avoir expérimenté le cannabis, un chiffre qui atteint 16,2 % pour les élèves de 2nde, et 31,2 % pour les élèves de terminale. L'usage du cannabis est plus fréquent chez les jeunes déscolarisés (16,5 % de consommateurs réguliers)57(*).
Pour les rapporteurs, il est indispensable de prendre toute la mesure de cet enjeu en renforçant le volet addictologie de la feuille de route psychiatrie et santé mentale.
Recommandation n° 1 : Renforcer le volet addictologie de la feuille de route psychiatrie et santé mentale, sous l'angle des comorbidités réciproques (Gouvernement, ARS).
II. LES ACTEURS DE LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER NIVEAU : UN RÔLE À CONFORTER, UNE COORDINATION À RENFORCER
A. LA PRISE EN CHARGE DE PREMIER NIVEAU EST DÉTERMINANTE DANS LE PARCOURS DE SOINS DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES DE SANTÉ MENTALE
1. La nécessité de consolider la part assurée par les soins de ville dans la prise en charge de proximité
La prise en charge de premier niveau des troubles de santé mentale repose sur plusieurs acteurs : médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues et tous autres professionnels de santé exerçant en soins de ville.
En tant que porte d'entrée de nombreux patients dans le parcours de soins, ces acteurs ont un rôle très important dans le repérage et l'orientation des personnes atteintes de troubles de santé mentale. Ils ont tout particulièrement pour mission de participer à la mise en place d'une prise en charge graduée et adaptée du patient, indispensable pour réduire le risque de chronicisation des troubles.
En effet, si les souffrances psychiques ont longtemps été appréhendées comme des troubles « à part », la santé mentale fait partie intégrante de la santé au sens large et justifie que tout professionnel de santé, quelle que soit sa spécialité, participe à la bonne prise en charge des troubles qui y sont associés.
Le coût des troubles de santé mentale
Les dépenses remboursées au titre de la souffrance psychique et des maladies psychiatriques représentent plus de 23 milliards d'euros par an, soit le premier poste de dépenses de l'Assurance maladie.
Les coûts économiques et sociaux indirects induits par les maladies psychiatriques sont quant à eux évalués à plus de 107 milliards d'euros par la Cour des comptes en 201158(*). Au regard de la dégradation de la santé mentale observée ces quinze dernières années, ce chiffre n'a pu que progresser.
Ces coûts s'expliquent notamment par la perte de force de travail : en 2023, les troubles psychologiques sont la première cause d'arrêts de travail de longue durée (31 % des arrêts contre 14 % en 2020) ; et la durée moyenne des arrêts pour motifs psychologiques est de 33 jours contre 19 jours en moyenne59(*).
a) Les médecins généralistes : des professionnels de santé au contact des patients en souffrance psychique
Les médecins généralistes se situent au centre de la prise en charge de premier niveau. Ils sont souvent le premier point de contact des patients en souffrance psychique avec le système de soins : près de 30 % de la patientèle des médecins généralistes présente des troubles psychiques et 90 % des prescriptions de psychotropes émanent d'eux60(*).
Pour autant, selon les témoignages concordants de nombreux acteurs auditionnés par les rapporteurs, les médecins généralistes peinent à assumer pleinement leur rôle de prise en charge de premier niveau des patients atteints de troubles de santé mentale en raison de deux principaux écueils.
D'une part, la formation sur les thématiques de santé mentale est jugée insuffisante. Cela expliquerait le nombre insuffisant d'orientations vers le niveau spécialisé (psychiatres, centres médico-psychologiques) et les prescriptions de psychotropes en partie non conformes aux bonnes pratiques, notamment envers les jeunes.
Toutefois, sur ce plan, des améliorations sont prévues. En effet, la formation initiale des médecins généralistes a été réformée en 202361(*) et leur formation en psychiatrie et santé mentale a été renforcée à cette occasion. Les étudiants doivent désormais connaître :
- les éléments amenant au dépistage et à l'accompagnement des patients souffrant de pathologies psychiatriques chroniques ;
- les définitions et savoir identifier les addictions, les troubles de l'usage et les troubles liés à l'usage ;
- et les différents interlocuteurs et spécificités des parcours de soins des patients présentant un problème en lien avec la santé mentale.
En outre, les étudiants de médecine générale doivent désormais participer aux entretiens de prise en charge, réalisés par les psychiatres, de patients se présentant aux urgences pour motifs psychiatriques.
D'autre part, la désertification médicale contraint l'accès même au médecin généraliste et sa capacité à orienter.
Pour rappel, 6,7 millions de Français n'ont pas de médecin traitant, soit 11 % de la population62(*). En outre, du fait de l'accès limité aux psychiatres et psychologues, les médecins généralistes sont surchargés, contraints de mener des consultations très courtes et manquent souvent de solutions pour orienter les patients.
b) Les infirmiers diplômés d'État : une position privilégiée à valoriser
Les infirmiers diplômés d'État (IDE) occupent également une place privilégiée, dans le système de soins, pour repérer et orienter les patients en souffrance psychique.
En effet, les infirmiers exercent, en libéral comme en établissement, auprès de tous les publics de l'enfance au grand âge, quelle que soit leur situation : handicap, perte d'autonomie ou maladie. Ils jouent un rôle dans le soin, le maintien et la préservation de la santé, et participent à l'éducation en santé des patients.
De par leur présence dans l'ensemble du système de soins, les infirmiers sont également au contact de nombreux professionnels de santé et professionnels du secteur médico-social : médecins, aides-soignants, masseurs-kinésithérapeutes ou encore assistants sociaux. Ainsi, ils contribuent à la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale, aussi bien auprès des acteurs de premier niveau qu'au sein des structures spécialisées (équipes mobiles, centres médico-psychologiques, établissements psychiatriques).
Afin de conforter le rôle des infirmiers dans le repérage des troubles psychiques et l'orientation des patients, les rapporteurs estiment que le volet psychiatrie et santé mentale de la formation des IDE pourrait être renforcé, notamment au moyen d'un stage obligatoire en psychiatrie.
Selon la direction générale de la santé, cette position est partagée par le Gouvernement qui s'apprête à réformer la formation des infirmiers : à partir de la rentrée 2026, la formation en institut de formation en soins infirmiers (IFSI) intégrera un stage obligatoire en psychiatrie et les étudiants en première année seront formés aux premiers secours en santé mentale (PSSM).
La délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie a également indiqué aux rapporteurs qu'un renforcement des modules d'intégration était prévu pour les IDE qui s'orientent vers la psychiatrie. L'objectif est de mieux préparer les professionnels nouvellement diplômés à l'exercice spécifique en santé mentale, en leur apportant des compétences complémentaires ciblées dès la prise de poste. Ce module prendra la forme d'une formation post-diplôme, en cours de construction par la direction générale de l'offre de soins. Son entrée en vigueur interviendra à la rentrée 2025.
Les rapporteurs saluent ces mesures, qui vont dans le sens d'une meilleure connaissance des enjeux liés à la santé mentale parmi les infirmiers.
Recommandation n° 2 : Renforcer le temps dédié à la psychiatrie et à la santé mentale dans la formation des infirmiers diplômés d'État, notamment par la mise en place d'un stage obligatoire en psychiatrie (Gouvernement).
2. Une coopération entre les acteurs de premier et de deuxième niveau à renforcer
a) Faire travailler ensemble médecins généralistes, infirmiers et psychiatres
L'efficacité de la prise en charge des patients par les acteurs de premier niveau repose en grande partie sur leur capacité à coopérer avec les acteurs spécialisés pour garantir la continuité des parcours de soins. Or, les travaux de la mission d'information font état d'une coopération territoriale insuffisante entre les professionnels.
Les acteurs de premier niveau ne s'appuient pas suffisamment sur les acteurs spécialisés et inversement, alors même qu'un dialogue renforcé participerait, en améliorant la prise en charge des patients, au désengorgement des hôpitaux et des centres médico-psychologiques.
En effet, il apparaît souhaitable que les médecins généralistes puissent s'appuyer sur les professionnels de santé spécialisés tels que les psychiatres et les infirmières en pratique avancée (IPA), en sollicitant leur avis sur la situation d'un patient. Une telle coopération serait de nature à garantir une offre de soins (via la prescription de médicaments) et une orientation (vers le psychologue ou le CMP) mieux graduées.
Cette coopération renforcée peut prendre la forme de « soins collaboratifs en santé mentale », actuellement expérimentés en Île-de-France dans le cadre du programme « SÉSAME » (Soins d'Équipe en SAnté MEntale). Il s'agit de proposer une aide aux médecins généralistes dans la prise en charge, chez l'adulte, des troubles psychiques les plus fréquents (troubles dépressifs et/ou anxieux).
Dans ce modèle, une équipe pluridisciplinaire est placée autour du médecin, composée d'un infirmier coordonnateur et d'un psychiatre référent :
- le trouble est dépisté par le médecin généraliste ;
- l'évaluation de la situation du patient et sa prise en charge est assurée par l'infirmière, qui prend régulièrement contact avec le patient pour le suivre dans la durée et prévenir les rechutes ;
- et le psychiatre référent partage son expertise au médecin généraliste et supervise le travail de prise en charge de l'infirmière, sous la forme d'une revue de cas hebdomadaire qui permet d'aborder le cas des patients dont l'état ne s'améliore pas.
Source : Agence régionale de santé d'Île-de-France.
Selon les premiers retours sur cette expérimentation, les professionnels de santé saluent la précocité de la prise en charge et la mobilisation des ressources adéquates. Les patients louent l'approche non-stigmatisante et la prise en charge financière, qui favorisent l'accès aux soins63(*).
Sans nécessairement aller jusqu'à généraliser ce modèle, il est possible de renforcer le dialogue direct entre les médecins généralistes et les spécialistes.
La téléexpertise, qui permet au médecin généraliste ou au psychologue de contacter un psychiatre référent pour obtenir un avis sur une situation, est une piste avancée par la Fédération française de psychiatrie, les agences régionales de santé et la Cnam. Elle semble particulièrement pertinente en matière de prescription médicale, des pratiques inadaptées ayant été identifiées en matière de prescriptions de benzodiazépines et de psychotropes chez les plus jeunes64(*).
b) Assurer la présence d'IPA en psychiatrie et santé mentale dans les maisons de santé
La présence d'IPA spécialisés en psychiatrie et santé mentale (PSM) auprès des médecins généralistes constitue également une voie intéressante. Cette collaboration représente un espoir pour l'accès aux soins et la déstigmatisation de la psychiatrie, dans un contexte où les généralistes ont besoin d'être accompagnés face à la masse de consultations qu'ils doivent assurer.
Cette forme de coopération existe déjà dans certains territoires, l'accès direct aux IPA au sein de structures d'exercice coordonné (maisons et centres de santé) étant permis depuis 202365(*). Les IPA PSM - qu'ils exercent en libéral ou soient mis à disposition des structures de soins de ville par des centres hospitaliers - y assurent des consultations avancées de première intention, avec des effets très positifs sur la gradation des soins.
Par exemple, le centre hospitalier du Rouvray (Seine-Maritime) projette de dégager du temps pour permettre à ses IPA de s'implanter au sein de la maison de santé pluriprofessionnelle d'Yvetot. Ce projet accompagne l'ouverture d'antennes de la maison des adolescents (MDA) de Rouen dans les territoires ruraux, l'objectif étant de proposer un accompagnement spécialisé de proximité aux jeunes en difficulté orientés par la MDA. Une fois le diagnostic réalisé par un binôme médecin-IPA, l'infirmier en pratique avancée assurera le suivi des jeunes patients.
Dans le département du Cher, le centre hospitalier George Sand pratique déjà cette forme de collaboration, en faisant intervenir plusieurs IPA PSM dans des maisons de santé, et en priorisant les zones géographiques les plus éloignées des structures de soins spécialisées. Selon la direction de l'hôpital, les retours sur ce travail partenarial sont très positifs.
Ces exemples sont prometteurs, puisqu'ils montrent qu'il est possible de mettre en place des stratégies de synergie entre l'hôpital public et les professionnels libéraux pour réduire les inégalités d'accès aux soins des populations rurales ou précaires, tout en rationalisant les recours aux soins spécialisés grâce à l'amélioration du repérage, du diagnostic et du suivi des patients en souffrance psychique.
Recommandation n° 3 : Développer la collaboration entre les médecins généralistes et les psychiatres par le biais de la téléexpertise (Assurance maladie)
Recommandation n° 4 : Développer les consultations avancées assurées par les IPA PSM exerçant en établissement psychiatrique au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé (établissements psychiatriques).
De manière plus générale, la coordination entre les acteurs des soins de ville et les structures spécialisées en soins psychiatriques mériterait d'être renforcée pour garantir la continuité du suivi des patients.
Les partenariats entre les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les secteurs de psychiatrie pourraient notamment être encouragés, pour anticiper la sortie des patients hospitalisés dès leur entrée dans le service, et assurer le lien avec le médecin traitant.
3. MonSoutienPsy : un accès facilité au psychologue
a) Un dispositif qui vise à faciliter l'accès aux soins psychologiques
Les psychologues font également partie des acteurs de la prise en charge de premier niveau, qu'ils exercent en libéral ou en tant que salariés d'établissements, de centres de santé et de maisons de santé.
Leur nombre a fortement augmenté ces dernières années, passant de 49 906 en 2014 à 77 047 en 202466(*). Ils restent néanmoins inégalement répartis sur le territoire.
Densité de psychologues au 1er janvier 2020
Source : Drees, Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) ; Insee / Traitements Fédération nationale de la Mutualité française
En principe, les consultations des psychologues ne sont pas remboursées par la sécurité sociale. Depuis la mise en place du dispositif « Mon soutien psy » en 202267(*) et l'ouverture du droit au remboursement d'un certain nombre de séances, l'accès au psychologue a été élargi.
Ce dispositif, annoncé par le Président de la République à l'occasion des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie le 28 septembre 2021, est entré en vigueur le 5 avril 202268(*) avec pour objectif de faciliter l'accès aux soins psychologiques. Depuis, il a connu plusieurs évolutions :
- la possibilité de l'accès direct des patients aux psychologues, sans orientation préalable par un médecin69(*) ;
- l'augmentation du nombre de séances prises en charge par l'assurance maladie, initialement limité à huit séances (un entretien d'évaluation et sept séances de suivi), à douze séances par an70(*) ;
- et le rehaussement du tarif des séances, initialement fixé à 40 euros pour un bilan et 30 euros pour une séance de suivi, à 50 euros pour toutes les consultations71(*).
L'assurance maladie prend en charge 60 % du coût de la consultation, le reste étant couvert par les complémentaires santé ou intégralement pris en charge pour les publics précaires (complémentaire santé solidaire, aide médicale d'État).
Au total, un budget de 660 millions d'euros a été alloué à MonSoutienPsy sur la période 2022-2026 (50 millions d'euros en 2022, 100 millions d'euros en 2023 et 170 millions d'euros à partir de 2024)72(*).
b) Un dispositif qui monte en charge sans être la réponse miracle
Depuis sa mise en place, MonSoutienPsy monte progressivement en charge. Au 28 février 2025, 586 858 patients en ont bénéficié et plus de 3,1 millions de séances ont été réalisées, soit en moyenne 4,7 séances par bénéficiaire. Plus des 2/3 des bénéficiaires sont des femmes, et 22 % ont entre 12 et 25 ans.
Nombre de bénéficiaires de MonSoutienPsy
Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
Le nombre de psychologues conventionnés a plus que doublé, passant de 2 529 à la création du dispositif à 5 217 en février 2025. Selon le Syndicat national des psychologues (SNP), environ 15 % des psychologues libéraux sont conventionnés. Si la couverture territoriale est étendue - tous les départements sont couverts à l'exception de la Guyane -, certains territoires sont en réalité très peu pourvus.
Auditionnée par les rapporteurs, la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP) estime que MonSoutienPsy participe, sur le papier, à l'amélioration de l'accès aux soins : ce dispositif ouvre la possibilité pour les personnes démunies financièrement d'accéder aux consultations, et la suppression de l'adressage préalable contribue à la déstigmatisation de ces consultations.
Néanmoins, la Fédération souligne que les résultats sont dans les faits limités : le dispositif ne mobilise qu'une partie des psychologues libéraux, certains territoires restent très faiblement couverts, et les publics précaires ne semblent pas particulièrement en bénéficier. Le Syndicat national des psychologues (SNP) s'est montré beaucoup plus critique du dispositif, contestant son existence même. Il estime que le budget alloué à MonSoutienPsy devrait revenir prioritairement aux services publics exsangues, tels que les centres médico-psychologiques et la santé scolaire, et que l'accès aux psychologues dans les services publics devrait être renforcé en conduisant un travail sur leur statut et leurs conditions de rémunération.
c) La nécessité de garantir la continuité du parcours de soins des patients suivis dans le cadre de MonSoutienPsy
Si MonSoutienPsy facilite l'accès à un suivi psychologique pour les personnes souffrant de troubles légers à modérés (troubles anxieux et dépressifs d'intensité légère à modérée ; mésusage de tabac, d'alcool et de cannabis ; trouble du comportement alimentaire sans critères de gravité), les organisations représentatives des psychologues auditionnées ont partagé leur inquiétude quant à la continuité de la prise en charge de leurs patients.
En théorie, un dialogue entre les professionnels impliqués est prévu : l'entretien d'évaluation et la dernière séance de suivi donnent lieu, après accord du patient, à un échange écrit entre le psychologue et le médecin traitant du patient ou, le cas échéant, un médecin impliqué dans sa prise en charge. En outre, le psychologue qui estime à tout moment que le patient relève d'un suivi psychiatrique doit en faire part au médecin73(*).
Toutefois, les organisations représentatives des psychologues ont partagé leur inquiétude quant à la rupture de suivi qui peut intervenir au bout des douze séances remboursées.
Pour contenir ce risque, les rapporteurs estiment nécessaire de veiller de très près à l'effectivité des dispositions prévues par le code de la sécurité sociale en matière de dialogue entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres.
Recommandation n° 5 : Garantir la continuité de la prise en charge des patients suivis dans le cadre de MonSoutienPsy en renforçant la coopération entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres (Caisse nationale d'assurance maladie).
4. La santé mentale, affaire de tous : poursuivre la sensibilisation des professions clés et soutenir la pair-aidance
a) Poursuivre les formations aux premiers secours en santé mentale
Au-delà des professionnels de santé de ville et des psychologues, certaines professions au contact des publics vulnérables peuvent jouer un rôle dans la détection des troubles psychiques et l'orientation vers le soin. C'est notamment le cas des travailleurs sociaux, des forces de l'ordre ou encore des enseignants, régulièrement exposés à des situations de détresse psychologique.
À cet égard, l'oeuvre de sensibilisation de ces professions et du grand public sur la santé mentale doit impérativement se poursuivre, notamment au moyen de la formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM).
Ce dispositif, inspiré du programme australien Mental health first aid, est déployé en France depuis 2018. Il vise à former au repérage des troubles psychiques et des signes précurseurs de crise afin de permettre une intervention précoce, sur le modèle des « gestes qui sauvent ». Il s'agit d'une démarche citoyenne, avant tout basée sur le volontariat des personnes.
Pour déployer le secourisme en santé mentale, près de 1 800 formateurs sont mobilisés. À ce stade, les actions de formation ont eu lieu principalement en milieu universitaire, auprès des jeunes et dans les trois fonctions publiques. Au total, au 1er mai 2025, 202 652 secouristes ont été formés74(*).
Les principaux objectifs de cette formation sont :
- la lutte contre la stigmatisation, en formant aux attitudes et comportements adaptés envers les personnes qui présentent des troubles psychiques ;
- l'information du grand public sur les données objectives et validées scientifiquement sur le bien-être mental et les troubles psychiques ;
- et le développement d'interventions basées sur le contact social, dans une logique d'aide par les pairs.
Les rapporteurs saluent le déploiement des formations PSSM et jugeraient opportun de les développer auprès des toutes les professions au contact de personnes vulnérables et des jeunes.
Recommandation n° 6 : Étendre les formations premiers secours en santé mentale à toutes les professions clés (soignants, travailleurs sociaux, forces de l'ordre, enseignants) puis à l'ensemble des citoyens (Ministères concernés)
b) Encourager les dispositifs de pair-aidance
Par ailleurs, les rapporteurs placent de l'espoir dans le développement des dispositifs de pair-aidance bien qu'ils ne puissent, à eux seuls, pallier les défaillances du système de prise en charge.
Les groupes d'entraide mutuelle (GEM), créés par le législateur en 200575(*), doivent tout particulièrement être soutenus. Il en existe 656 sur le territoire, financés en grande majorité par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) - les crédits étant engagés par les ARS76(*).
Ces structures, organisées sous la forme associative, sont constituées de personnes présentant des troubles de santé ou des situations de handicap résultant de troubles psychiques, d'un traumatisme crânien, d'une lésion cérébrale ou d'un trouble du neuro-développement.
Les GEM s'apparentent à des dispositifs d'entraide mutuelle entre pairs, l'objectif étant, pour leurs membres, de se soutenir mutuellement face aux difficultés rencontrées en matière d'insertion sociale, professionnelle et citoyenne. Des animateurs salariés y sont chargés d'organiser des activités, afin de permettre aux membres de se rencontrer, d'échanger, de rétablir du lien social.
En somme, ces structures sont complémentaires aux hôpitaux de jour et aux centres médico-psychologiques ; et permettent également aux personnes qui ne se sentent pas prêtes d'aller voir un psychiatre de bénéficier d'un soutien jugé moins stigmatisant. À ce titre, elles jouent un rôle préventif essentiel auprès des personnes fragilisées sur le plan psychologique, pouvant aller jusqu'à éviter le retour en établissement psychiatrique.
Pour reconnaître le rôle des GEM, ceux-ci pourraient être mieux représentés au sein des instances, notamment dans le cadre de l'élaboration des projets territoriaux de santé mentale (PTSM). Cela aurait également comme intérêt d'associer les personnes directement concernées à la prise de décision, la gouvernance des GEM incluant des personnes en souffrance psychique.
Par ailleurs, dans le contexte de la hausse des troubles de santé mentale chez les jeunes, et au regard de la moyenne d'âge (environ 45 ans) des membres des GEM, il serait intéressant d'étudier l'opportunité de créer des GEM Jeunes, les problématiques et les attentes des jeunes étant spécifiques.
D'autres structures associatives ont un intérêt certain pour contribuer à la réhabilitation sociale et professionnelle des personnes qui présentent un trouble de santé mentale, à l'instar des douze Clubhouse existants en France.
Les personnes qui adhèrent aux Clubhouse peuvent s'y rendre librement pour se réunir avec leurs pairs et y conduire des projets individuels ou collectifs, en poursuivant un objectif de professionnalisation.
Par exemple, au Clubhouse de Rouen, en lien avec les travailleurs sociaux salariés de l'association, les membres peuvent participer - tout en contribuant à les organiser - à une variété d'activités pour préparer leur réinsertion dans le milieu professionnel : atelier maraîchage, cuisine, tâches administratives en lien avec la gestion de l'association, entrainements aux entretiens d'embauche, ateliers avec des entreprises du territoire, cours de langue, ménage, atelier bureautique, etc.
Cet accompagnement répond à un vrai besoin : il agit comme un relai entre le début de la maladie ou la sortie de l'hôpital et le milieu professionnel, qui correspond souvent à une période d'angoisse et de solitude pour les personnes concernées. Les résultats sont encourageants : en 2024, le taux d'insertion professionnelle des membres accompagnés par le réseau Clubhouse est de 45 %, dont 93 % en milieu ordinaire.
Le rôle que jouent les associations dans la prévention et la réhabilitation sociale et professionnelle doit indéniablement être conforté, au moyen d'une pérennisation des financements qui leur sont alloués et d'un soutien à leur développement territorial.
B. LES INSTITUTIONS EN CONTACT AVEC LA JEUNESSE ONT UN RÔLE DÉTERMINANT POUR PRÉVENIR, REPÉRER ET ORIENTER
1. La santé scolaire : une insuffisance de moyens en décalage avec son rôle stratégique
a) Les difficultés immenses de la santé scolaire
Les problématiques frappant la santé scolaire sont connues de longue date et demeurent, malheureusement, considérables.
En premier lieu, les effectifs des professionnels de la santé scolaire s'avèrent bien insuffisants en raison de freins persistants aux recrutements et notamment des rémunérations proposées peu attractives.
Il s'agit, d'une part, des médecins de santé scolaire, appartenant au corps des médecins de l'éducation nationale77(*) et dont le nombre décline constamment depuis 2011. Selon les informations transmises aux rapporteurs, 650 médecins titulaires et 200 médecins contractuels occupent 57 % des postes budgétisés (1 500 ETP). En 2013, 1 143 ETP étaient encore effectivement pourvus78(*).
Les services de santé scolaire de l'État sont donc en grande partie composés d'infirmières, appartenant au corps des infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Toutefois, leur nombre, avoisinant les 8 000 ETP en 2025, est lui aussi bien insuffisant au regard de l'ensemble de leurs missions.
Enfin, 8 000 psychologues de l'éducation nationale (psys-EN), appartenant à un nouveau corps unique, créé en 2017, se répartissent entre deux spécialités : éducation, développement et apprentissage dans le premier degré ; éducation, développement et orientation dans le second degré. Selon Laurent Chazelas, président de l'Association française des psychologues de l'éducation nationale, entendu en audition par la commission des affaires sociales, ce nombre reste lui aussi trop faible : « aujourd'hui, on compte environ un psy-EN pour 1 600 élèves, alors qu'il faudrait un psychologue pour 800 élèves, selon les recommandations européennes »79(*).
b) Des missions en santé mentale que l'éducation nationale ne parvient pas à assumer
Cette pénurie de moyens humains - qui s'étend également à d'autres corps jouant un rôle essentiel comme les assistants de service social des administrations de l'État (ASSAE) - fragilise le suivi et la prise en charge des élèves. La santé scolaire ne parvient pas à remplir ses missions alors même qu'elle est un maillon essentiel du repérage des troubles psychiques et du suivi des enfants. Cette tension structurelle sur les effectifs affecte tant les missions de prévention et de repérage en santé mentale - dépistages systématiques, éducation à la santé - que l'accompagnement et le suivi des élèves souffrant de troubles psychiques diagnostiqués.
Ainsi, la mise en oeuvre des bilans de santé, légalement obligatoires, s'évère en réalité parcellaire et très inégale selon les départements et les établissements. Moins de 20 % des enfants bénéficieraient de la visite médicale obligatoire de la sixième année80(*). En outre, il ressort de l'audition des syndicats de médecins de l'éducation nationale, que cette visite des six ans, lorsque est réalisée, est trop accès sur les troubles de l'apprentissage et ne permet pas d'aborder effectivement le dépistage des troubles psychiques.
Les dépistages obligatoires à l'école
En vertu de l'article L. 541-1 du code de l'éducation et d'un arrêté du 3 novembre 201581(*), les élèves bénéficient de trois dépistages obligatoires.
Un premier bilan de santé est organisé pour tous les enfants âgés de trois à quatre ans. Il relève de la compétence du service départemental de la protection maternelle et infantile (PMI), mais si le service de PMI n'est pas capacité de l'assurer, il doit être réalisés par les professionnels de santé de l'éducation nationale. Cette visite, aux termes du code de l'éducation, « permet notamment un dépistage des troubles de santé, qu'ils soient sensoriels, psycho-affectifs, staturo-pondéraux ou neuro-développementaux, en particulier du langage oral ».
Une seconde visite, réalisée par le médecin de l'éducation nationale, intervient au cours de la sixième année de l'élève et permet « en particulier un dépistage des troubles spécifiques du langage et des apprentissages ».
Enfin, un bilan réalisé par les infirmières de l'éducation nationale doit se tenir au cours de la douzième année de l'enfant. Au cours de cette visite, l'infirmière doit, entre autres, « s'entretenir avec l'enfant notamment sur ses conditions de vie, sa santé perçue, l'expression éventuelle de difficultés ou de signes de souffrance psychique », en application de l'arrêté précité.
Ces trois visites de santé pourraient pourtant être des occasions privilégiées de prendre en compte la souffrance psychique des enfants et de dépister d'éventuels symptômes de pathologies psychiatriques. L'absence d'application de la loi privent donc les enfants d'un repérage précoce et universel.
S'agissant des missions des psychologues de l'éducation nationale, les syndicats de la profession constatent que, trop mobilisés par des bilans individuels, les psychologues sont, de manière regrettable, peu sollicités sur des missions de prévention en santé mentale.
c) Une refondation ambitieuse annoncée
En clôture des Assises, le 14 mai 2025, Élisabeth Borne, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a annoncé une « refondation ambitieuse de notre système de santé scolaire ». Les rapporteurs constatent que les différentes mesures promises sont largement axées sur la santé mentale, ce qui témoigne d'une prise de conscience salutaire de la part du Gouvernement.
Mesures du plan de refondation de la santé scolaire
Un des grands axes du plan du Gouvernement pour la santé scolaire est de « mettre la santé mentale des jeunes au coeur de notre action ». Les mesures déclinant cet objectif sont ainsi de :
- systématiser les protocoles dédiés à la santé mentale dans toutes les écoles, les collèges et les lycées d'ici fin 2025 ;
- former à la santé mentale les inspecteurs du premier degré et les personnels de direction ;
- former deux personnels repères en santé mentale dans chaque circonscription pour le premier degré et dans tous les collèges et les lycées d'ici la fin de l'année scolaire 2025-2026 ;
- développer le partenariat avec les maisons des adolescents ;
- organiser un système de coupe-files pour faciliter l'accès des élèves aux centres médico-psychologiques (CMP) ;
- renforcer l'appui aux équipes éducatives ;
- nommer 100 psychologues de l'éducation nationale conseillers techniques en santé mentale (un dans chaque département) identifiés au sein de pôles départementaux santé, bien-être et protection de l'enfance ;
- renforcer la formation des personnels sociaux et de santé en faveur de la santé mentale ;
- renforcer les compétences psychosociales des élèves pour agir sur le climat scolaire et le bien-être des élèves ;
- généraliser le déploiement d'un module de sensibilisation auprès des lycéens et expérimenter son déploiement auprès des collégiens.
Source : Gouvernement, Dossier de présentation « Santé scolaire : Agir pour les élèves, au coeur de l'École », mai 2025
Toutefois, les rapporteurs constatent que ces mesures resteront vaines, à défaut de régler par ailleurs le problème de l'attractivité des corps des professionnels de santé de l'éducation nationale. Dans son discours de clôture des Assises, la ministre Élisabeth Borne a bien annoncé « des mesures en faveur des métiers de la médecine scolaire, qui s'appliqueront dès 2026 » en précisant que : « la carrière des médecins sera revalorisée et fluidifiée. (...) Nous procéderons également à un renforcement des effectifs d'infirmiers, d'assistants sociaux et de psychologues de l'Éducation nationale ». Les rapporteurs prennent note de ces annonces et espèrent que le contexte budgétaire permettra une revalorisation effective des conditions de rémunération des professionnels.
Par ailleurs, les rapporteurs estiment qu'il convient de reconnaître et de renforcer les compétences des professionnels de santé de l'éducation nationale. Les rapporteurs se réjouissent ainsi que la loi du 27 juin 2025 sur la profession d'infirmier82(*), reconnaisse, à l'initiative du Sénat, que les infirmières et infirmiers du corps de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur constituent une spécialité infirmière autonome. Cette reconnaissance, qui induit une formation statutaire diplômante de niveau 7, permettra de renforcer l'attractivité de la profession.
Il convient toutefois d'aller plus loin et les rapporteurs appellent le Gouvernement à se saisir pleinement de la possibilité ouverte par le même texte de loi d'introduire l'exercice de la pratique avancée au sein de l'éducation nationale. Ainsi que le note le rapport de la commission des affaires sociales sur ce texte : « Les IPA en milieu scolaire pourraient notamment participer à la prise en soins des situations complexes en support des équipes éducatives et des services de santé scolaire (...). Ils pourraient également réaliser des examens cliniques approfondis des élèves repérés au préalable par les IDE ou les équipes éducatives »83(*).
Il reviendra donc au Gouvernement de permettre, dans les plus brefs délais, le recrutement de infirmières en pratique avancée (IPA) mention psychiatrie et santé mentale (PSM), de permettre la formation des infirmiers de l'éducation nationale souhaitant exercer en pratique avancée et de créer, en conséquence, un cadre statutaire et indiciaire adapté. Le développement de cette profession au sein de l'éducation nationale permettra de hisser la santé scolaire à la hauteur des enjeux liés à la santé mentale des enfants.
Recommandation n° 7 : Capitaliser sur la loi sur la profession d'infirmier pour recruter et former des IPA mention PSM au sein de l'éducation nationale (Ministère de l'Éducation nationale)
d) Décloisonner les professionnels de l'éducation nationale pour mieux prendre en charge les troubles psychiques
Enfin, les rapporteurs ont relevé des auditions des médecins et des infirmiers de l'éducation nationale un positionnement du système de santé scolaire qui ne permet pas une prise en charge fluide et adaptée des enfants, notamment s'agissant des troubles psychiques.
D'une part, la médecine scolaire paraît coupée des instances de coopération des acteurs de la santé mentale qui peuvent exister dans les territoires. Les représentants des médecins de l'éducation nationale ont déploré le fait qu'ils étaient très rarement conviés aux conseils locaux de santé mentale (CLSM). Il est regrettable en effet que les textes administratifs concernant les CLSM, à savoir les deux instructions de la DGS de 201684(*) et de 202585(*) à l'attention des services déconcentrés, ne mentionnent pas explicitement les professionnels de santé de l'éducation nationale dans la composition du comité de pilotage86(*).
Pour renforcer la coordination des acteurs, les rapporteurs ne peuvent donc qu'encourager les services de l'État et les collectivités territoriales à veiller à la présence des médecins de l'éducation nationale aux instances des CLSM comme à celles du PTSM.
Recommandation n° 8 : Mieux intégrer les professionnels de santé de l'éducation nationale aux conseils locaux de santé mentale et à la démarche des PTSM (DGS, collectivités territoriales, ARS). |
D'autre part, en matière même de coordination des soins, la santé scolaire souffre d'un cloisonnement qui se perçoit sous plusieurs formes. Un manque de coordination et d'échanges avec les soins de ville ou les centres médico-psychologiques (CMP) a été relevé - dans un contexte où les circonscriptions administratives de l'éducation nationale ne se recoupent pas nécessairement avec la délimitation des secteurs psychiatriques. Il a été par ailleurs mentionné aux rapporteurs le manque d'interconnectivité des systèmes d'information, entre l'éducation nationale et, par exemple, la PMI.
Les médecins scolaires regrettent en outre de ne pas avoir accès au dossier médical partagé (DMP). Les freins à cet accès ne paraissent pas de nature juridique87(*), ainsi que le relève la direction générale de l'offre de soins (DGOS). De surcroît, une évolution législative est intervenue par la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique88(*) pour préciser qu'« avec l'accord du représentant légal de l'élève mineur ou de l'élève majeur, les données de santé collectées dans le cadre des examens, des visites médicales et du suivi médical de l'élève sont reportées dans son dossier médical partagé dans les conditions prévues à l'article L. 1111-15 du code de la santé publique »89(*). Toutefois, le décret d'application, pris après avis de la Haute Autorité de santé et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, n'a toujours pas été publié.
En outre, des difficultés d'ordre technique doivent encore être résolues pour que soient versées au DMP les données issues des bilans et du suivi par les infirmières et médecins scolaires, et notamment le compte rendu détaillé de la visite obligatoire de la sixième année. Selon la DGOS, il conviendra :
- soit de rendre les logiciels métiers de l'éducation nationale « DMP compatibles » et de décider d'une méthode d'identification pour les professionnels ;
- soit de demander aux professionnels concernés d'utiliser l'interface webPS DMP pour alimenter le dossier avec, toutefois, une perte de temps pour eux à devoir verser manuellement les documents.
Plus de quatre ans après la promulgation de la loi dite ASAP90(*), les rapporteurs regrettent de constater un avancement encore très partiel des travaux nécessaires à la consultation et l'alimentation effectives du DMP par les professionnels de santé de l'éducation nationale.
Recommandation n° 9 : Rendre effectif l'accès des médecins de l'éducation nationale au dossier médical partagé, avec l'accord des représentants légaux de l'enfant (DGESCO, DGOS) |
2. Les maisons des adolescents : des structures pluridisciplinaires à soutenir dans un contexte d'augmentation des troubles chez les jeunes
Déployées à compte de 2005, les maisons des adolescents constituent des lieux d'accueil destinés aux jeunes, généralement de 11 à 21 ans, parfois jusqu'à 25 ans ayant vocation à offrir un accompagnement global en santé. Elles sont à cette fin composées d'équipe pluridisciplinaire et sont articulées avec les structures sanitaires vers lesquelles elles doivent, le cas échéant, réorienter le jeune.
Les maisons des adolescents
Issues d'initiative locales, les maisons des adolescents (MDA) ont fait l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement à partir de 2005, dans le cadre du plan « Psychiatrie et santé mentale 2005-2008 ». Leur organisation et intervention ont été précisées dans deux cahiers des charges de 200591(*) et 201692(*) qui confient aux ARS le pilotage du dispositif, organisé « en collaboration étroite avec les départements » et les autres collectivités territoriales.
Leur déploiement territorial s'est opéré de manière progressive mais couvre aujourd'hui tous les départements avec des portages juridiques et institutionnels variés. Selon le rapport public annuel de la Cour des comptes93(*), 42 % des MSA sont rattachées à un centre hospitalier, 36 % à une association, 5 % à un département tandis que 17 % sont rattachés à d'autres structures (mutuelle, groupement d'intérêt public...). Selon ce même rapport, 123 maisons permettent désormais de suivre 100 000 jeunes par an.
En ciblant l'adolescence, les MDA permettent de répondre aux spécificités de cette « période charnière déterminante, marquée par la possible émergence de difficultés scolaires, de conduites transgressives ou à risques et de troubles psychiatriques »94(*), alors que les institutions purement sanitaires peinent généralement à trouver les solutions adéquates pour cet âge de transition. En étant pluridisciplinaires, elles constituent également un lieu moins stigmatisant que les structures de la psychiatrie - parfois estampillées comme infamantes par un public peut-être plus sensible encore aux idées-reçues sur les troubles psychiques.
Les MDA sont, en soi, des structures utiles pour répondre aux problèmes, en forte croissance, de santé mentale des jeunes. Le nombre de jeunes accompagnés, chaque année, par les maisons a atteint le seuil de 100 000 soit une augmentation de 20 % depuis 2018. Or, les rapporteurs constatent que les premiers sujets évoqués par les jeunes qui poussent la porte d'une MDA ont trait à la santé mentale : 72 % d'entre eux expriment un mal-être, une estime de soi contrariée ou une anxiété95(*).
Les maisons des adolescents ne sont, malheureusement, pas exemptes de difficultés qui alourdissent le triste bilan des acteurs de soins de proximité. D'une part, leurs effectifs font apparaître des professionnels de santé en nombre insuffisant pour répondre de manière satisfaisante aux besoins de soins psychiques des jeunes. Selon la Cour des comptes, près de 25 % des MDA n'auraient pas de médecin en leurs murs. Certaines MDA parviennent à recruter des IPA mention PSM, parfois en vacation, mais cette situation est malheureusement trop rare encore.
Le renforcement des ressources humaines des MDA est donc essentiel afin de leur permettre d'assurer certaines missions pour lesquelles elles présentent une vraie plus-value : elles pourraient ainsi être davantage mobilisées dans la lutte contre le décrochage scolaire. Les annonces faites dans le cadre des Assises de la santé scolaire prévoient, au demeurant, un renforcement du partenariat entre l'éducation nationale et les MDA, sous la forme de convention.
Effectifs des professionnels des MDA
Profession |
Taux de représentation de la profession |
Nombre d'ETP moyen |
Médecins |
75,8 % |
0,4 |
Psychologues |
97,1 % |
2,1 |
Infirmières |
86,4 % |
1,5 |
Éducateurs spécialisés |
92,2 % |
2,1 |
Assistantes sociales |
41,8 % |
0,4 |
Source : Cour des comptes, rapport précité, p. 45.
D'autre part, leurs financements, bien quoiqu'en augmentation ces dernières années, ne paraissent pas encore être suffisants. Les ressources issues des départements, qui représentent 13 %, en moyenne96(*), des financements globaux des MDA, sont fluctuants selon les capacités budgétaires de ces collectivités. De même, les financements issus des ARS sont inégaux selon les régions et suivent des règles d'attribution qui ne sont pas uniformes d'un territoire à l'autre.
Les rapporteurs constatent que les budgets contraints des collectivités territoriales ne pourront garantir un engagement financier plus important de la part de tous les départements. Les rapporteurs prennent en revanche acte du récent arbitrage budgétaire conduisant à une nouvelle augmentation de 15 millions d'euros en 2025 qui viennent abonder le fonds d'intervention régionale (FIR) - après un renforcement de 10,5 millions d'euros décidé dans le cadre des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Ils convient que cet effort budgétaire du Gouvernement soit poursuivi.
Enfin, il ressort des auditions des rapporteurs que l'accessibilité territoriale des MDA varie grandement d'un département à l'autre et au sein même des départements. Dans les territoires où la MDA est implantée dans l'agglomération principale, elle ne constitue pas un dispositif pouvant être mobilisé par les jeunes et les familles des zones rurales éloignées. Puisque chaque département est pourvu d'au moins une maison des adolescents, il convient désormais d'affiner leur maillage territorial. Il s'agit là d'un axe important, mis en avant par l'ARS Ile-de-France, pour la poursuite de la feuille de route « santé mentale et psychiatrie ».
Les rapporteurs invitent donc le Gouvernement et l'ensemble des ARS à soutenir le déploiement d'antennes de proximité des MDA ou d'équipes mobiles rattachées à la MDA afin de renforcer l'accessibilité géographique des maisons des adolescents. La Cour des comptes souligne d'ailleurs, dans son rapport, d'autres dispositifs qui pourraient être encouragés comme la constitution d'équipes mobiles interdépartementales (Gard, Vaucluse et Bouches-du-Rhône).
Recommandation n° 10 : Développer les antennes des MDA et les dispositifs mobiles pour accroître leur accessibilité territoriale (ARS, collectivités territoriales) |
Les rapporteurs sont toutefois bien conscients que les MDA constituent une structure de première ligne complémentaire aux structures sanitaires spécialisées et notamment le CMP. Les MDA ne peuvent pas constituer une réponse miracle aux problèmes rencontrées par l'offre de psychiatrie.
Le Dr Louis Tandonnet, chef des pôles psychiatrie de l'enfant et psychiatrie de l'adolescent du centre hospitaliser de La Candélie, et lui-même président de la MDA du Lot-et-Garonne, note, dans sa contribution à la mission d'information, que « les MDA reçoivent des flux cent fois inférieurs aux CMP, ils ne peuvent donc pas s'y substituer en termes de porte d'entrée ». Dans le Lot-et-Garonne, par exemple, la MDA présente une file active de 250 patients, là où le CMP adolescents (12-18 ans) prend en charge une file active de 1 600 jeunes. Ce constat est d'ailleurs partagé par la Cour des comptes qui conclut que « les difficultés du secteur de la psychiatrie ne doivent cependant pas conduire [les MDA] à se substituer aux structures spécialisées d'aval »97(*).
3. Les troubles psychiques des enfants protégés : une prise en charge délaissée
a) Les problèmes de santé mentale exacerbés des enfants confiés à l'ASE
En dépit du manque désolant de données précises et récentes, il semble admis que les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) sont plus susceptibles que les autres de présenter des troubles psychiques en raison, notamment, d'un parcours de vie traumatique. La prévalence de troubles mentaux parmi les enfants protégés pourrait être quatre fois plus élevée qu'au sein du reste de la population98(*). Les syndromes de stress-post traumatiques (SPT) serait entre deux et onze fois plus fréquents parmi les enfants confiés à l'ASE qu'en population générale99(*).
De même, les enfants confiés à l'ASE sont surreprésentés parmi les jeunes pris en charge dans les services psychiatriques, ce qui ressort tant des constats empiriques formulés par les soignants lors des déplacements aux centres hospitaliers de Thuir et du Rouvray que de la littérature scientifique. Une étude de 2017 indique par exemple que les adolescents protégés représenteraient 55 % des jeunes au sein des services de psychiatrie de l'adulte100(*).
Les rapporteurs observent par ailleurs une dégradation préoccupante de la santé mentale des mineurs protégés, dont l'ampleur dépasse celle constatée parmi l'ensemble des enfants. Les représentants des centres départementaux de l'enfance et de la famille des Ardennes, du Doubs et de la Seine-Saint-Denis ont fait état d'une prévalence des troubles psychiques avoisinant désormais un enfant sur deux. Ils ont souligné que cette dégradation se traduisait notamment par une recrudescence des actes de violence à l'encontre des éducateurs, ainsi que par un rajeunissement des problématiques. L'expression du mal-être psychique, notamment sous forme de pensées suicidaires, concerne désormais des enfants particulièrement jeunes - dès l'âge de 8 ans - alors que de telles manifestations demeuraient exceptionnelles il y a encore quelques années.
b) Une réponse de l'ASE et des offreurs de soins qui n'est pas à la hauteur des enjeux
Face à cette situation, les services de l'ASE apparaissent en grande difficulté. Le dépistage des troubles mentaux et, plus généralement, le suivi de la santé mentale pâtit, une fois encore, d'un manque de professionnels de santé disponibles.
La commission a déjà eu l'occasion de souligner les tensions de recrutement des médecins référents de l'ASE et la pénurie de médecins des services de PMI qui entravent le suivi médical des enfants et la bonne réalisation des bilans de santé et de prévention101(*). Ces derniers, réalisés le jour de l'accueil de l'enfant en protection de l'enfance, semblent au demeurant peu propices au repérage efficace des troubles mentaux.
En outre, il convient de souligner que les éducateurs spécialisés demeurent encore insuffisamment formés aux enjeux de santé mentale.
Dans ce contexte difficile, il apparaît nécessaire, à tout le moins, de renforcer les équipes sanitaires des services de protection de l'enfance. Les rapporteurs soulignent que la loi sur la profession d'infirmier ouvre désormais la possibilité, pour les infirmiers en pratique avancée (IPA), d'exercer en protection de l'enfance.
Par ailleurs, le recrutement de psychologues par les départements devrait être amplifié. Si cette mesure ne saurait répondre aux besoins liés aux troubles psychiatriques sévères, elle contribuerait néanmoins à enrichir l'expertise pluridisciplinaire des services de l'ASE et, ainsi, à améliorer le suivi des enfants et la prévention des troubles psychiques.
Recommandation n° 11 : Renforcer la présence des psychologues parmi les effectifs de l'aide sociale à l'enfance (conseils départementaux). |
Enfin, les rapporteurs ont noté que la prise en charge psychiatrique des mineurs en protection de l'enfance se heurte à un manque de coopération entre l'ASE, les établissements hospitaliers et la médecine de ville. Dans un contexte où tous les acteurs se trouvent en difficulté majeure pour assurer leurs missions, chacun tend à se renvoyer la responsabilité de la prise en charge des enfants protégés.
Ainsi que l'indique aux rapporteurs la commission nationale de psychiatrie, « les services de l'ASE sont souvent débordés par les demandes de placement et en grande difficulté pour (...) leur offrir un lieu de vie adapté, ce qui tend à prolonger la durée d'hospitalisation avec un impact non négligeable pour avoir des lits actifs et accueillir des patients en phase aiguë ». À l'inverse, les services de l'ASE rencontrent des difficultés exacerbées pour obtenir des consultations en CMP pour les jeunes dont ils ont la charge.
Dernière illustration d'un système dans lequel chaque acteur semble se défausser sur d'autres intervenants, les représentants des CDEF entendus en audition ont signalé des cas récurrents où les services d'urgences refusent de prendre en charge les enfants confiés à l'ASE, ou ne les accueillent que de manière transitoire, sans prise en charge psychiatrique adaptée.
c) Encourager le déploiement des équipes mobiles intervenant au sein des structures de l'ASE
Afin de remédier à cet isolement supplémentaire que rencontrent les enfants protégés souffrant de troubles psychiques, les rapporteurs estiment que le modèle d'équipe mobile intervenant directement au sein de la structure de l'ASE doit être généralisé. Il s'agit là d'une réponse optimale pour repérer et intervenir précocement auprès des enfants, prévenir les hospitalisations, mais également gérer les crises durant lesquelles le personnel de l'ASE est souvent dépourvu de solutions. Les projets d'équipes mobiles, qui ont vu le jour au sein des établissements psychiatriques, ont ainsi fait leur preuve.
Exemples d'équipe mobile intervenant au sein de l'aide sociale à l'enfance
• Le projet ELIAS porté par l'EPSM de La Réunion : Il s'agit d'une équipe mobile en santé mentale pouvant être spécifiquement sollicitée par les établissements et services habilités par le conseil départemental, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les établissements scolaires. Ses missions comprennent des interventions auprès d'adolescents en souffrance psychique et/ou en rupture d'accès aux services de soins adaptés, ainsi qu'un appui et soutien aux professionnels impliqués. Ce projet a été financé par le fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP) à hauteur de 404 000 €.
• Le programme Pégase porté par le centre hospitalier Georges Daumézon de Bouguenais (44) : Initialement expérimentation menée au titre de l'article 51 de la LFSS pour 2018, puis pérennisé, Pégase est une équipe mobile qui a pour mission d'identifier les besoins de soins des enfants et adolescents de 0 à 18 ans, en souffrance psychique et hébergés dans les structures d'hébergement ou unités d'accueil familiales de la protection de l'enfance.
• L'équipe mobile de pédopsychiatrie (EMIL) portée par le CHU de Besançon : Cette équipe intervient dans le cadre d'une réponse coordonnée pour les parcours complexes, en particulier pour les enfants et adolescents en situation de handicap pris en charge par l'ASE. L'EMIL propose une expertise sur des situations compliquées et un appui aux équipes dans les structures médico-sociales, l'éducation nationale, la PJJ et l'ASE.
Source : Pr. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Réponse écrite aux questions des rapporteurs,
Dans sa réponse écrite aux questions des rapporteurs, le délégué ministériel Frank Bellivier assure que le Gouvernement porte l'ambition de généraliser les équipes mobiles de pédopsychiatrie, pouvant notamment intervenir auprès de la protection de l'enfance et que « la diffusion du modèle des équipes mobiles déployées pour les enfants de l'ASE dans le cadre du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP) est encouragée ».
Le bilan de l'appel à projets national de renforcement de l'offre en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent fait en effet état, sur la période 2019-2023, d'un appui financier apporté à 82 équipes mobiles de pédopsychiatrie pour un montant total de 28,5 millions d'euros. Les rapporteurs ne peuvent qu'encourager le Gouvernement à poursuivre et amplifier ce soutien.
Recommandation n° 12 : Développer les équipes mobiles pluridisciplinaires intervenant en faveur des enfants protégés (établissements psychiatriques, ARS, conseils départementaux). |
C. LE PORTAGE INSTITUTIONNEL DE LA SANTÉ MENTALE : UNE POLITIQUE NATIONALE VOLONTARISTE EN MAL DE RÉSULTAT ET UNE GOUVERNANCE LOCALE INÉGALE
1. Une succession de plans gouvernementaux traduisant une impuissance à transformer en profondeur l'offre de soins
a) Une multiplication de plans gouvernementaux pour des améliorations réelles mais laborieuses
La santé mentale et la psychiatrie font l'objet d'une attention particulière des gouvernements successifs qui, au moins depuis le début des années 2000, ont opté pour une programmation visible des politiques publiques en la matière. À ce titre, trois plans se sont succédés avant la présentation en 2018 de la feuille de route actuelle :
- un plan « santé mentale » présenté en 2001 par Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé ;
- un « plan psychiatrie et santé mentale » couvrant la période de 2005 à 2008 annoncé en avril 2005 par Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille102(*) ;
- un second plan de psychiatrie et santé mentale pour les années 2011 à 2015, présenté par Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en 2012103(*).
La mise en perspective de ces trois plans, ainsi que de la feuille de route de 2018, fait apparaître une forte redondance des actions et priorités proposées. Si cette constance depuis vingt-cinq ans peut témoigner d'une continuité rassurante dans l'engagement des pouvoirs publics, elle suggère également une difficulté persistante à faire évoluer concrètement la politique de santé mentale et à répondre aux attentes de la psychiatrie.
Les rapporteurs notent bien entendu la position du Pr. Raphaël Gaillard, entendu en audition par la Mecss : « Je suis convaincu que la psychiatrie représente une oeuvre de longue haleine, avec des moments d'avancées et de reculs. Ce dont nous parlons ne sera jamais anodin, mais je ne crois pas que nous assisterons à quelque grand soir, où tout serait résolu dans le champ de la santé mentale et de la psychiatrie ».
Cela étant, les rapporteurs portent un regard plutôt positif sur la feuille de route actuelle, datant du 28 juin 2018, dont les trois volets répondent effectivement à des enjeux importants. Les financements, mobilisés en parallèle depuis 2018, sont également à saluer, même s'ils ne suffisent pas à répondre à l'explosion des besoins en santé mentale.
Les rapporteurs demeurent en revanche plus circonspects sur la succession d'annonces - de « plans », d'« Assises », de « refondation », etc. - qui paraissent davantage répondre, depuis 2018, à un souci de communication politique que d'apporter une véritable plus-value. Si cette critique trouverait à s'appliquer à d'autres matières, il semble que les gouvernements, depuis 2021, ont tenté de masquer leur impuissance réformatrice par une prolifération programmatique. Peuvent ainsi être recensées :
- les 37 mesures initiales de la feuille de route, présentée dans le sillage de la stratégie nationale de santé (SNS) 2018-2022, toujours de vigueur ;
- les 30 mesures annoncées par le président de la République le 28 septembre 2021 en clôture des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, complétant la feuille de route ;
- l'annonce, finalement sans lendemain, d'un conseil national de la refondation dans le champ de la santé mentale devant se tenir en 2024104(*) ;
- la consécration de la santé mentale en « Grande cause nationale » de l'année 2025, par le Premier ministre Michel Barnier en octobre 2024 ;
- l'annonce d'une « stratégie nationale de prévention et d'accompagnement » lors du conseil des ministres du 19 mars 2025 ;
- la présentation d'un « plan psychiatrie », le 11 juin 2025, par Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, articulé en trois axes et 26 mesures, et qui semble se substituer à la stratégie nationale précédemment évoquée par le Gouvernement.
Interrogé sur cet effet d'empilement des plans et autres stratégies, le Pr. Frank Bellivier, délégué ministériel, a explicité, lors de son audition du 26 mars 2025, l'action de l'exécutif depuis 2018 et la méthode qui lui paraît devoir être retenue :
« Il me semble que la feuille de route, ainsi que la mobilisation des administrations centrales et des ARS, ont permis d'assurer une forme de continuité dans le portage de cette politique, dont les résultats, je le répète, doivent s'apprécier dans le temps moyen et dans le temps long.
« Je n'ai pas encore d'orientation s'agissant des mesures qui seront annoncées [en juin 2025]. Mais j'imagine que l'on procédera comme pour les Assises, c'est à dire en enrichissant la feuille de route de 2018, qui n'est pas encore aboutie, ni sous l'angle de la réforme du mode de financement ni sous celui de la réforme des autorisations. C'est important de procéder ainsi - et c'est ce que je défends à chaque renouvellement ministériel - car cette feuille de route est bonne et a déjà porté ses fruits dans de nombreux points du territoire. L'enjeu est désormais de généraliser les innovations, d'organiser la coopération et le partage d'expérience entre territoires. Ce que nous défendons, c'est bien l'accélération et l'amplification des mesures en cours de déploiement, et non forcément des annonces totalement nouvelles. »
Les rapporteurs souscrivent, en grande partie, à ces propos et reconnaissent à la délégation ministérielle le mérite d'incarner la cohérence de l'action publique au fil des années et des annonces. Toutefois, il convient de souligner trois écueils de la feuille de route et de ses enrichissements successifs.
Premièrement, l'ajout de nouvelles mesures sans toujours de déclinaison des actions sur le terrain ne peut que créer des déceptions de la part de la population comme des soignants.
Deuxièmement, certains axes majeurs restent encore insuffisamment intégrés à la feuille de route. Les rapporteurs ont notamment à l'esprit la question de l'attractivité des métiers, qui demeurera toujours le point névralgique d'une véritable refondation de la psychiatrie. L'ARS Ile-de-France a ainsi pointé le « besoin de faire des ressources humaines en santé mentale un axe spécifique et plus fort de la feuille de route » en notant que, pour l'heure, « ces mesures restaient ponctuelles ou thématiques »105(*).
Enfin, il transparaît de l'ensemble de ces plans le risque de voir la psychiatrie être noyée dans des enjeux globaux de santé mentale. La popularité de la « santé mentale » au détriment de la « psychiatrie » rend compte, ainsi qu'il a été dit en préambule de ce rapport, d'un mouvement global dans lequel, selon les mots du Pr. Daniel Zagury, entendu en audition, « le bien-être de tous a ainsi remplacé la maladie de quelques-uns »106(*).
Toutefois, les professionnels de la psychiatrie ont souvent exprimé leur inquiétude de voir les difficultés majeures qu'ils rencontrent reléguées au second plan. La commission nationale de la psychiatrie reflète ainsi cette crainte : « la majorité des soignants en psychiatrie ne souhaite pas voir diluer ou invisibiliser la psychiatrie en crise par une planification ou une gestion interministérielle qui s'éloignerait des attentes des soignants ». À cet égard, le choix de nommer le dernier plan du 11 juin 2025 « plan psychiatrie » témoigne peut-être d'une volonté de rééquilibrage.
Ces trois faiblesses, conjuguées à des moyens financiers insuffisants, provoquent in fine une forme de découragement des professionnels de la psychiatrie, que les rapporteurs ont pu constater lors de leurs travaux. Le Dr Jean Chambry, président de la Fédération française de psychiatrie (FFP), a regretté que les propositions formulées par les groupes de travail réunissant des psychiatres n'aient pas trouvé de traduction concrète de la part des pouvoirs publics. Cette absence de suite aurait contribué, depuis les Assises de 2021, à une désillusion croissante des soignants.
b) Une grande cause nationale qui, enfin, prend de l'ampleur
Le 1er octobre 2024, Michel Barnier, alors Premier ministre annonçait la « Grande cause nationale », lors de son discours de politique générale, et présentait quelques jours plus tard, les quatre objectifs prioritaires que sont la déstigmatisation des troubles psychiques et mentaux, le développement de la prévention et du repérage précoce, l'amélioration de l'accès aux soins partout sur le territoire et l'accompagnement des personnes concernées dans tous les aspects de leur vie quotidienne.
Malgré le vote d'une motion de censure et la nomination d'un nouveau gouvernement, la santé mentale fut confirmée comme grande cause nationale de l'année, ainsi que le Premier ministre François Bayrou l'assurait lors de son discours de politique générale, le 14 janvier 2025.
Pourtant, le début d'année 2025 a été marqué par une absence de traduction concrète de ces annonces. Certes, l'instabilité ministérielle peut avoir légitimement provoqué un flottement quant à l'impulsion politique et induire quelques retards de programmation. Toutefois, après les annonces gouvernementales volontaristes de fin 2024 et de janvier 2025, il semble que cette « drôle de guerre » se soit poursuivie au moins jusqu'en juin.
Aucune des personnes auditionnées en mars ou début avril 2025 ne disposait d'information de la part du Gouvernement sur la matérialisation de la grande cause ; aucune association oeuvrant dans le champ de la santé mentale ni organisation de soignants n'avait encore été sollicitée pour participer aux travaux préparatoires. L'administration était, elle aussi, dans l'expectative. L'ARS Pays de la Loire, le 5 mars 2025, indiquait par exemple aux rapporteurs, « hormis de la communication, nous avons très peu d'information, à ce stade, sur ce que pourrait être la “grande cause nationale” ».
De l'aveu même du Pr. Frank Bellivier, « le lancement officiel de l'année “santé mentale” » s'est fait par une soirée spéciale sur France Télévisions le 3 juin 2025. Cette grande cause nationale se matérialise, selon le délégué ministériel, par un dispositif de labellisation d'initiatives de la société civile107(*) et par une campagne nationale de communication. Il convient bien sûr d'y adjoindre la présentation du plan psychiatrie, qui est intervenue le 11 juin 2025.
Les rapporteurs reconnaissent que la consécration comme « grande cause nationale » donne une visibilité encore jamais atteinte au sujet de la santé mentale. Il s'agit, comme il a été mentionné précédemment108(*), d'un dispositif qui fait efficacement progresser la déstigmatisation des troubles psychiques.
Il ressort cependant des auditions une crainte généralisée, et les rapporteurs souscrivent à cette inquiétude, que la mise en lumière de la santé mentale ne soit que ponctuelle et qu'elle ne s'accompagne pas d'une hausse pérenne et suffisante des financements. Il convient d'éviter les effets d'annonce sans traduction budgétaire ; une économie à court terme s'avérerait un choix regrettable, dans un contexte de détérioration de l'état de santé mentale de la population, et certainement plus coûteux sur le temps long.
2. Les projets territoriaux et les conseils locaux de santé mentale : des outils de coopération locale de portée inégale
a) Une seconde génération de PTSM qui doit répondre aux lacunes identifiées
Ainsi qu'il a dit, le repérage et la prise en charge des troubles psychiatriques souffrent d'un manque de coordination des acteurs. Les projets territoriaux de santé mentale (PTSM), instaurés par la loi du 26 janvier 2016109(*) ont précisément pour vocation d'y remédier.
La première génération de ces projets territoriaux, dont le déploiement à compter de 2018-2019 a été retardé par la crise sanitaire, arrive à échéance. La délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie a d'ailleurs produit une évaluation (Tour de France 2024110(*)) en vue de cette seconde génération. Alors qu'un manque d'évaluation des projets a été souligné, notamment par la fédération française de psychiatrie, les rapporteurs estiment que cette démarche d'évaluation doit encore être amplifiée notamment au niveau local.
Les modalités d'élaboration et les
objectifs
des projets territoriaux de santé mentale
En vertu de l'article L. 3221-2 du code de santé publique, un projet territorial de santé mentale a pour objet « l'amélioration continue de l'accès des personnes concernées à des parcours de santé et de vie de qualité, sécurisés et sans rupture ». Il doit être « élaboré et mis en oeuvre à l'initiative des professionnels et établissements travaillant dans le champ de la santé mentale » et, à défaut d'initiative des professionnels, le directeur général de l'ARS prend les dispositions nécessaires pour que l'ensemble du territoire de la région bénéficie d'un projet territorial de santé mentale.
Le PTSM doit associer notamment les représentants des usagers, les professionnels et les établissements de santé, les établissements et les services sociaux et médico-sociaux, les organismes locaux d'assurance maladie et les services de l'État concernés, les collectivités territoriales, ainsi que les conseils locaux de santé et les conseils locaux de santé mentale.
Le PTSM est défini sur la base d'un diagnostic territorial partagé en santé mentale établi par les acteurs de santé du territoire. Le diagnostic et les actions du PTSMS sont arrêtés par le directeur de l'ARS.
Les articles R. 3224-5 à R. 3224-10 du code de la santé publique fixent111(*) six objectifs aux PTSMS qui doivent ainsi organiser :
- les conditions du repérage précoce des troubles psychiques, de l'élaboration d'un diagnostic et de l'accès aux soins et aux accompagnements sociaux ou médico-sociaux ;
- le parcours de santé et de vie de qualité et sans rupture ;
- les conditions de l'accès des personnes présentant des troubles psychiques à des soins somatiques adaptés à leurs besoins ;
- les conditions de la prévention et de la prise en charge des situations de crise et d'urgence ;
- les conditions du respect et de la promotion des droits des personnes présentant des troubles psychiques, du renforcement de leur pou- voir de décider et d'agir et de la lutte contre la stigmatisation de ces troubles ;
- les conditions d'action sur les déterminants sociaux, environnementaux et territoriaux de la santé mentale.
Il ressort des travaux de la mission d'information que l'utilité des PTSMS n'est plus à démontrer pour coordonner les acteurs d'un département. Toutefois, leur mise en oeuvre reste marquée par une grande hétérogénéité territoriale.
En parallèle de vraies réussites locales impulsées par projet territorial - l'exemple du PTSMS de Seine-Saint-Denis a ainsi été cité à plusieurs reprises, les projets territoriaux sont parfois perçus par les acteurs comme trop « théoriques » et « en décalage avec les réalités de terrain et du territoire »112(*).
En outre, les espoirs qu'ils ont pu susciter chez les soignants en psychiatrie, à leur déploiement, n'ont pas toujours été comblés par les décisions de l'ARS. Christophe Rouanet, directeur du centre hospitalier du Pays d'Eygurande, souligne ainsi : « le financement des actions est plus qu'aléatoire avec parfois des arbitrages négatifs alors même que les actions proposées sont parfaitement en ligne avec les objectifs du PTSM. Les CTSM ne sont pas réellement des contrats mais plutôt perçus comme des décisions unilatérales de la part des ARS de financer ou pas des actions sans forcément de la transparence ».
À cet égard, il peut être souligné que les financements alloués par les agences régionales de santé (ARS) sont souvent octroyés sur des critères d'innovation, par le biais du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP), créé en 2019 et pour lequel 252 millions d'euros ont déjà été mobilisés. Or, il regrettable que d'autres dispositifs, qui ont fait leur preuve et qui répondent à des besoins du terrain, ne puissent pas bénéficier d'un soutien budgétaire des ARS au motif de ne pas être assez novateurs.
Une autre faiblesse relevée dans certains départements s'avère l'insuffisance de l'équipe projet et du défaut de capacité d'action du coordonnateur de PTSM qui, selon les termes de la DGOS, « n'est pas toujours perçu comme un acteur central du territoire ». La direction générale met en avant le besoin de d'accroitre les effectifs travaillant au PTSM avec le risque, identifié par Christophe Rouanet, que le renforcement toujours plus important des « moyens en ressources humaines, ne [vienne] diminuer les fonds disponibles pour les actions de terrain, ce qui est pourtant l'essence même du PTSM ».
En outre, le pilotage des PTSM est, en lui-même, très « hospitalo-centré » et les acteurs médicosociaux et sociaux sont finalement peu associés au portage des actions alors même que la vocation des PTSMS est précisément d'articuler les différents secteurs : sanitaire, médico-social et social.
Enfin, les rapporteurs partagent le constat formulé par la DGOS, selon lequel l'articulation entre le PTSM et les instances de concertation existantes sur le territoire - notamment les CLSM - n'est pas évidente. Coexistent en effet sur un territoire une multitude d'instances aux périmètres et attributions qui peuvent se superposer et dont la coordination n'est pas toujours assurée. Peuvent par exemple être cités les conseils territoriaux de santé (CTS), qui disposent en leur sein d'une commission spécialisée en santé mentale (CSSM), les contrats locaux de santé (CLS) qui comprennent un volet spécifique à la santé mentale113(*), les comités régionaux consultatifs d'allocation de ressources en psychiatrie (CCARPSY)... Les rapporteurs rejoignent la DMSMP qui indique, dans son rapport du « Tour de France » des PTSMS, que « cette profusion d'instances pose clairement aujourd'hui la question du manque de lisibilité de l'écosystème ».
Il conviendra donc à la seconde génération de PTSMS de prendre en compte cette lacune et de parvenir à une meilleure articulation avec les autres outils de gouvernance locale de la santé mentale.
b) Promouvoir les CLSMS sans standardiser leurs actions
Une meilleure coordination pourra notamment s'appuyer sur les CLSM qui, « en étant au plus près du terrain, (...) permettent aux PTSM de rester en phase avec les réalités locales, tandis que les PTSM offrent aux CLSM un levier pour faire remonter leurs constats et besoins au niveau départemental »114(*).
Consacrés au sein du code de la santé publique par la loi précitée du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les CLSM sont des instances couvrant le ressort d'une commune, d'une intercommunalité ou d'un arrondissement, organisées à l'initiative des collectivités territoriales.
Ils ont pour « objectif principal la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie locale de santé mentale par les acteurs du territoire. (...) Sous l'égide du maire ou du président de l'intercommunalité, il rassemble tous les acteurs locaux, dont la psychiatrie publique et les personnes concernées par les troubles psychiques et leur entourage, pour agir de manière concertée sur les déterminants de la santé mentale, au bénéfice des habitants du territoire ».
Malgré un déploiement dynamique - une vingtaine de CLSM étant instaurés chaque année -, le territoire national est encore très loin d'être couvert, puisque seuls 280 CLSM actifs sont recensés en 2025.
Les rapporteurs sont convaincus que les CLSM sont un maillon essentiel de coordination afin notamment d'articuler les enjeux multidimensionnels de la politique de santé mentale. Ainsi les questions de logement et d'habitat sont-elles traitées dans 65 % des CLSM, l'articulation entre la santé mentale et la précarité est abordée dans 27 % des CLSM et 20 % d'entre eux travaillent sur la parentalité.
Les rapporteurs ont pris acte de l'instruction du 13 mai 2025 de la direction générale de la santé (DGS)115(*), actualisant la précédente instruction explicitant le cadre des conseils locaux, laquelle vise à « inciter les acteurs locaux concernés à créer de nouveaux CLSM ». Cette instruction établit notamment un référentiel national, fournissant un socle commun, et demande aux préfets et directeurs d'ARS d'inciter les acteurs du CLSM à se rapprocher du modèle décrit dans le référentiel national.
Si, sur la forme, la longueur et la technicité de l'instruction ont pu paraître quelque peu byzantins aux parties prenantes, et notamment aux élus locaux, il convient surtout de rappeler que les CLSM restent des instances à l'initiative et à la main des collectivités territoriales. Ils doivent donc demeurer adaptables aux contextes locaux et s'organiser sur le fondement de leurs priorités spécifiques. Dans toutes les démarches visant à promouvoir les CLSMS, il est primordial de se garder, comme l'a justement pointé l'AMF aux rapporteurs, d'exiger l'application d'un modèle unique.
III. S'ATTELER AUX DIFFICULTÉS BIEN CONNUES DE LA PSYCHIATRIE POUR GARANTIR L'ACCÈS AUX SOINS SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE
A. LE MA-ÊTRE DE LA PSYCHIATRIE
1. Une discipline en manque d'attractivité, des inégalités territoriales marquées
a) L'offre de soins psychiatriques est inégalement répartie sur le territoire, privant de nombreux patients d'une prise en charge adaptée
Si le nombre de psychiatres en France est comparable à la moyenne des pays européens, la démographie médicale ne parvient pas, dans certains territoires, à répondre à la forte croissance des besoins.
Au total, au 1er janvier 2023, 15 582 psychiatres116(*) - exerçant en psychiatrie adulte ou en pédopsychiatrie - sont dénombrés en France, travaillant en libéral, en tant que salariés ou en exercice mixte. Si le nombre de salariés hospitaliers exerçant en psychiatrie a augmenté de 17 % entre 2010 et 2025, il a diminué de 40 % en pédopsychiatrie117(*).
Nombre de psychiatres en France au 1er janvier 2023
Libéraux exclusifs |
Salariés hospitaliers |
Autres salariés |
Mixtes |
Ensemble |
4 607 |
7 596 |
1 517 |
1 862 |
15 582 |
30 % |
48 % |
10 % |
12 % |
100 % |
Source : Direction générale de l'offre de soins
La démographie médicale est notoirement insuffisante pour répondre à la croissance des besoins : sur ces vingt dernières années, le nombre d'enfants et d'adolescents suivis en pédopsychiatrie a augmenté de 60 %, les hospitalisations ont plus que doublé et les soins ambulatoires ont connu une hausse de près de 35 %. En psychiatrie publique, un tiers des postes sont vacants118(*).
L'offre de soins est très inégalement répartie sur le territoire, comme en attestent les cartes ci-après : la densité médicale va de 5,5 psychiatres actifs pour 100 000 habitants dans l'Indre à 69 dans la ville de Paris et les écarts sont encore plus importants s'agissant de la pédopsychiatrie.
Densité moyenne de psychiatres en activité par département au 1er janvier 2025
Source : Conseil national de l'Ordre des médecins
La situation est particulièrement alarmante en pédopsychiatrie : un quart des départements ne dispose d'aucun pédopsychiatre sur son territoire.
Densité moyenne de pédopsychiatres par département au 1er janvier 2025
Source : Conseil national de l'Ordre des médecins
Le manque de psychiatres entraîne, pour de nombreux patients, l'impossibilité d'être pris en charge par un spécialiste. Ces difficultés d'accès aux soins concourent à la chronicisation des troubles, alimentant à leur tour la dynamique à la hausse des besoins en soins et l'engorgement des services des urgences.
En outre, la disparition de la pédopsychiatrie sur certains territoires empêche une prise en charge adaptée des enfants et des adolescents, qui sont renvoyés soit vers la pédiatrie, soit vers la psychiatrie adulte, aucune de ces deux solutions ne répondant convenablement aux besoins des jeunes patients. En Seine-Maritime, les rapporteurs ont rencontré trois pédopsychiatres qui exercent en libéral, et qui ont témoigné recevoir des patients venant de la Manche et même de Bretagne.
Malgré le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus, qui devrait se traduire par une hausse progressive du nombre de médecins, le nombre de psychiatres risque d'être insuffisant au regard de l'ampleur des besoins. En outre, sans mesures pour favoriser la dotation des déserts médicaux en psychiatres, l'augmentation du nombre de psychiatres ne saurait combler les carences de la prise en charge sur l'ensemble du territoire.
Dans ce contexte, il semble important de cartographier les besoins en soins psychiatriques à l'échelle du territoire national pour établir le minimum d'accueil et d'équipements nécessaires et, ainsi, flécher les moyens vers les territoires les plus en tension.
Selon le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, des travaux sont déjà en cours pour cartographier non pas les besoins, mais l'offre existante, afin de mieux orienter les patients. Un annuaire pédagogique est en cours d'élaboration pour être mis à disposition sur le site « Santé.fr », et la délégation du numérique en santé (DNS) a entamé la création de cartographies spécifiques dédiées à l'orientation des personnes n'ayant pas encore reçu de diagnostic ou de soins de premier recours. Ces cartes correspondront à différents types de besoin (soutien aux parents, aide pour les enfants, etc.), pour faciliter la localisation des bons interlocuteurs.
À court terme, les rapporteurs estiment que deux mesures pourraient contribuer à renforcer les effectifs.
D'une part, le dispositif d'autorisation d'exercice des praticiens diplômés hors de l'Union européenne étrangers (Padhue) pourrait être simplifié afin d'accélérer la délivrance de ces autorisations : il implique aujourd'hui parcours de validation des compétences long et complexe, alors que les Padhue candidats se trouvent souvent dans des situations précaires.
D'autre part, pour inciter les étudiants en médecine à choisir la psychiatrie et pour oeuvrer à la réduction des inégalités territoriales, il serait opportun d'encourager la réalisation, au cours des études de médecine, d'un stage en psychiatrie en priorisant les services des hôpitaux non universitaires.
Recommandation n° 13 : Simplifier le dispositif d'autorisation d'exercice des Padhue (Ministère de la santé) Recommandation n° 14 : Encourager, auprès des étudiants en médecine, la réalisation d'un stage en psychiatrie en privilégiant les services des hôpitaux non-universitaires (Ministère de la santé) |
b) Des causes historiques : une discipline mal-aimée
La psychiatrie est une discipline historiquement frappée de représentations sociales stigmatisantes et misérabilistes, détournant de nombreux étudiants de cette voie. Elle est, en effet, l'une des dernières spécialités choisies par les étudiants en médecine aux épreuves classantes nationales (ECN).
Outre l'image de l'asile dont la psychiatrie peine à se défaire, les représentations négatives sont, de l'avis commun de la Commission nationale de psychiatrie et de l'Union syndicale de la psychiatrie (USP), alimentées par les médias qui n'abordent le sujet que par l'angle des faits divers dramatiques ou de la situation très critique de la psychiatrie en France. Ces discours créent un cercle vicieux, en détournant encore davantage les jeunes de ce métier.
Au-delà des problématiques plus conjoncturelles développées ci-après, la psychiatrie est donc structurellement peu voire mal considérée. Pour y remédier, il apparaît nécessaire de conduire un effort de modernisation de la psychiatrie et d'en valoriser les métiers.
Le centre hospitalier du Rouvray, par exemple, a mené une enquête auprès de ses jeunes recrues pour connaître ce qui, selon elles, constitue un facteur d'attractivité pour exercer en établissement psychiatrique. Il en ressort que les jeunes professionnels sont très attentifs aux investissements employés par l'établissement en faveur de la transition écologique. La vétusté des bâtiments a également été pointée du doigt à plusieurs reprises, par les professionnels auditionnés, comme un élément repoussoir.
La recherche peut aussi constituer un levier d'attractivité : au Rouvray, l'hôpital développe actuellement un département de la recherche médicale, paramédicale et psychologique et compte encourager son personnel à publier.
Il convient néanmoins de s'assurer que la recherche soit toujours conduite dans l'intérêt des patients. Le risque d'une rupture entre le milieu universitaire et le milieu du soin est notamment soulevé par le docteur Raphaël Gaillard, professeur en psychiatrie à l'Université Paris Cité, qui craint qu'un divorce entre les structures universitaires de pointe et les structures de secteur ne se produise au détriment des patients.
c) Des causes plus récentes : des conditions d'exercice de plus en plus difficiles
Le manque d'attractivité de la profession de psychiatre résulte également de la détérioration des conditions d'exercice, particulièrement en psychiatrie publique.
Premièrement, en psychiatrie sectorielle, les soins sans consentement s'accompagnent de fortes contraintes qui, selon l'intersyndicale Action Praticiens Hôpital, nuisent à l'attractivité du métier.
En effet, les mesures d'isolement et de contention auxquelles peuvent avoir recours les psychiatres sont contrôlées de très près par le juge. Ce contrôle complexifie grandement la prise en charge médicale des patients, puisqu'il implique des démarches administratives à intervalles régulier, notamment la production de certificats médicaux, dans un contexte de pénurie de soignants. Par exemple, au centre hospitalier de Thuir (Pyrénées-Orientales), les psychiatres prescripteurs réalisent en moyenne 12 000 certificats médicaux par an.
En outre, les mesures d'isolement et de contention ont pour objectif de résoudre une situation de crise le plus souvent ponctuelle, mais qui peut être amenée à se réitérer sous bref délai. Cette hypothèse donne lieu à un fractionnement des cycles de contrôle par le juge : cela impose que le calcul des durées d'isolement ou du contentieux soit réalisé par un logiciel, pour permettre aux équipes médicales de tenir les délais légaux. En effet, tout dépassement de la durée de renouvellement autorisée sans accord du juge s'apparente à une détention arbitraire de nature à engager la responsabilité administrative de l'établissement.
Le contrôle du juge dans le cadre d'une hospitalisation sous contrainte
Le Conseil constitutionnel déduit de l'article 66 de la Constitution, qui affirme le principe selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu et qui prévoit que le respect de ce principe est assuré par l'autorité judiciaire, que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».
Sur ce fondement, en 2010, il a tout d'abord imposé l'intervention du juge judiciaire pour prolonger l'hospitalisation sans consentement d'un patient au-delà d'une durée de 15 jours119(*). En conséquence, le législateur a prévu que le juge judiciaire soit saisi dans les 8 jours suivant la décision d'admission prise par le directeur d'établissement (procédure d'admission à la demande d'un tiers) ou le représentant de l'État (procédure d'hospitalisation d'office), et qu'il se prononce dans les 12 jours sur la requête. Le juge est également saisi de la poursuite de l'hospitalisation tous les 6 mois120(*).
En 2021, considérant les mesures d'isolement et de contention121(*) comme des mesures privatives de liberté à part entière, le Conseil constitutionnel a déduit que le contrôle du juge judiciaire sur ces mesures devait intervenir sous bref délai122(*). Il a ainsi imposé que la décision de prolongation d'une mesure d'isolement au-delà de 48 heures et d'isolement au-delà de 24 heures prise par le médecin psychiatre soit automatiquement soumise à son contrôle123(*).
Ainsi, en 2022124(*), le législateur a prévu que le juge judiciaire d'une part, et un membre de la famille du patient d'autre part, soient informés par le directeur d'hôpital des décisions de renouvellement des mesures d'isolement à l'issue d'une période de 48 heures suivant la première décision de placement en isolement, et suivant la première décision de renouvellement de la mesure. Le juge est saisi au bout de 72 heures de privation de liberté sur ce renouvellement. À l'issue de deux renouvellements consécutifs d'une mesure d'isolement, le juge est saisi tous les 6 jours pour les renouvellements suivants.
S'agissant des mesures de contention, dont la privation de liberté qu'elles engendrent est encore plus importante que les mesures d'isolement, le juge judiciaire et un membre de la famille du patient sont informés toutes les 24 heures d'une décision de renouvellement et le juge est saisi au bout de 48 heures de privation de liberté sur son renouvellement. Le juge doit statuer dans les 24 heures suivant sa saisine aux fins de renouvellement d'une mesure d'isolement et de contention. Ce cycle se renouvelle aussi longtemps que dure le placement sous contention.
Si le juge prononce la mainlevée d'une mesure d'isolement ou de contention, aucune mesure de même nature ne peut être prise par le psychiatre dans les 48 heures suivant cette décision, sauf élément nouveau.
Le juge des libertés et de la détention peut par ailleurs se saisir d'office et être saisi par le patient et le membre de sa famille informé de la mesure.
Deuxièmement, le personnel médical et paramédical, du fait des sous-effectifs, est en difficulté face aux violences physiques et verbales des patients qui sont amplifiées, dans certains établissements, par la circulation de substances toxiques125(*).
Ces difficultés sont exacerbées lorsque les hôpitaux prennent en charge des patients difficiles ou détenus sans que des dispositifs de sécurité ne soient mis en place. L'hôpital doit parfois prendre lui-même en charge le recrutement d'un agent de sécurité sur le temps de l'hospitalisation, comme en a témoigné Fabienne Guichard, directrice du centre hospitalier de Thuir (Pyrénées-Orientales), aux rapporteurs. Cette situation plaide pour que les besoins de sécurité soient mieux pris en compte dans les budgets alloués aux établissements.
Troisièmement, le manque de personnel médical et la hausse des besoins en soins alourdit la charge de travail, compromettant la capacité des psychiatres et des soignants à accompagner convenablement leurs patients. En pédopsychiatrie, cette charge est plus lourde encore en raison des échanges entretenus avec les responsables légaux de l'enfant.
Dans les établissements hospitaliers, face à la masse de patients, les psychiatres deviennent ainsi « des managers qui renouvèlent des ordonnances et rassurent leurs équipes » selon la Fédération française de psychiatrie. Il en résulte une perte de sens, et le départ de praticiens hospitaliers du service public vers le libéral pour reprendre le contrôle du suivi de leurs patients.
Enfin, ces freins à l'attractivité de la psychiatrie interviennent dans un contexte de profonde mutation du rapport de la société au travail. Les jeunes générations accordent, en effet, une importance accrue à l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.
2. Des centres médico-psychologiques sous tension
a) Les CMP : des structures au centre de la prise en charge des troubles de santé mentale
La création des centres médico-psychologiques (CMP) est intervenue dans le contexte de la désinstitutionalisation et de la sectorisation en psychiatrie, deux mouvements initiés dans les années 1960 qui sont allés de pair avec le développement des soins ambulatoires. Préexistants sous la forme de dispensaires d'hygiène mentale, les CMP ont pris leur appellation actuelle en 1985126(*).
Les centres médico-psychologiques sont définis comme des unités de coordination et d'accueil en milieu ouvert, organisant des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile, mises à la disposition d'une population. Ils peuvent comporter des antennes auprès de toute institution ou établissement nécessitant des prestations psychiatriques ou de soutien psychologique. Certains CMP, dénommés « centres d'accueil permanent », sont habilités à répondre à l'urgence psychiatrique.
Leur vocation est pluridisciplinaire : ils regroupent des psychiatres, psychologues, infirmiers, assistants sociaux mais aussi des ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes et éducateurs spécialisés.
Au total, 2 934 CMP sont dénombrés en France en 2023127(*), dont 1 630 CMP pour adultes et 1 304 CMP pour enfants. Ces structures accueillent aussi bien des patients qui entrent dans le parcours de soins que des patients en sortie d'hôpital.
Les CMP sont devenus la pierre angulaire du système de prise en charge des patients atteints de trouble de santé mentale, à la croisée des chemins entre la prise en charge de premier niveau, réalisée en ville, et la prise en charge spécialisée, assurée par les établissements psychiatriques.
En 1990, une circulaire128(*) conçoit effectivement le CMP comme le pivot du dispositif de soins du secteur, chargé de coordonner l'ensemble des activités ambulatoires sur le territoire quel que soit le lieu où elles sont dispensées (en CMP, en centre d'accueil thérapeutique à temps partiel - CATTP, au domicile, au sein de structures sociales ou médico-sociales). Il articule son action avec celle des hôpitaux de jour et des équipes mobiles, et avec les unités d'hospitalisation.
Les origines de la sectorisation en psychiatrie
À partir des années 1960, en France comme dans d'autres pays occidentaux, les pouvoirs publics ont initié un mouvement de désinstitutionalisation en psychiatrie ayant pour objectif de réduire le nombre de patients hospitalisés, concomitamment au développement de la prise en charge en ambulatoire au plus près du lieu de vie du malade.
Cette réforme d'envergure vise à répondre à deux évolutions : d'une part, la prise de conscience, par les psychiatres, des effets du modèle asilaire sur la santé des patients, accompagnée d'une volonté d'humaniser leur prise en charge ; d'autre part, les progrès réalisés en matière thérapeutique, avec la découverte de médicaments psychotropes qui révolutionnent les modalités de prise en charge.
La circulaire du 15 mars 1960129(*), considérant que « l'hospitalisation du malade mental ne constitue plus désormais qu'une étape du traitement », a ainsi impulsé une organisation des soins reposant sur le découpage des départements en plusieurs aires géographiques, chacune étant rattachée à un centre hospitalier. L'établissement psychiatrique « référent » a ainsi pour mission de prendre en charge, en hospitalisation comme en ambulatoire, les malades qui relèvent de son secteur.
Les objectifs de la sectorisation ont été précisés par la circulaire du 9 mai 1974130(*) : limiter les indications de l'hospitalisation plein temps et réduire la durée des hospitalisations en pratiquant autant que possible les soins ambulatoires dans les structures extrahospitalières, tout en garantissant la continuité des soins en plaçant les patients sous la responsabilité d'une même équipe pluridisciplinaire. Une telle continuité implique que le secteur travaille en lien avec d'autres institutions sociales ou médico-sociales et partenaires.
La loi du 25 juillet 1985131(*), complétée par la loi du 31 décembre 1985132(*), a finalement donné une base légale à l'organisation sectorielle de la psychiatrie. Pour accélérer le développement de l'ambulatoire, et dans un souci de maîtrise des dépenses de santé, les CMP et l'ensemble du dispositif extrahospitalier, qui étaient jusqu'à alors à la charge des conseils généraux (l'État ne prenant en charge des activités réalisées au titre de la prévention), sont désormais financés par l'assurance maladie. Aujourd'hui, 80 % des soins psychiatriques sont prodigués en ambulatoire.
b) Une saturation des CMP qui compromet gravement la prise en charge des patients
La place centrale qu'occupent les CMP dans le système de soins contraste avec le manque de moyens dont ils souffrent et les délais d'attente imposés aux patients avant d'obtenir un rendez-vous médical.
Les centres médico-psychologiques sont en effet saturés, en lien avec la croissance des besoins en soins, elle-même favorisée par les progrès en matière de dépistage et de déstigmatisation des troubles de santé mentale. En 2017, le nombre de patients pris en charge par les dispositifs ambulatoires de la psychiatrie sectorielle avoisine 1,6 million, soit une multiplication par trois depuis 1989, une grande partie étant pris en charge en CMP133(*).
La situation est particulièrement préoccupante au sein des CMP infanto-juvéniles, dont le nombre n'a que sensiblement augmenté tandis que les besoins de prise en charge ont explosé chez les enfants.
Les CMP sont également embolisés par des suivis qui pourraient être réalisés en soins de ville, et qui allongent les délais de prise en soins de nouveaux patients ; le coût d'un suivi par un psychologue libéral étant le principal le frein au recours aux soins de ville.
Les patients doivent ainsi attendre jusqu'à plusieurs mois - par exemple, entre 4 et 6 mois dans les Pays de la Loire134(*) - avant d'obtenir un rendez-vous médical, c'est-à-dire avec un psychiatre. Les CMP sont contraints de réaliser un tri entre les patients, afin d'assurer une prise en charge plus rapide des situations urgentes. Un premier entretien avec une infirmière est toutefois systématiquement proposé aux nouveaux patients, afin d'évaluer la situation, qui peut être suivi d'autres entretiens infirmiers ou psychologiques dans l'attente du rendez-vous médical.
Les visites à domicile pâtissent également de la saturation des CMP. Selon la Fédération française de psychiatrie, si les équipes étaient auparavant en capacité réaliser un suivi « sur mesure » des patients qui sortaient d'établissement, en réalisant le cas échéant des visites à leur domicile et en s'intéressant à leur contexte de vie (activité professionnelle, voisinage, etc.), une telle démarche n'est plus possible par manque de temps médical.
Dépassés, les CMP peinent à accomplir toutes les missions qui leur incombent, notamment en matière de prévention, de coordination des activités ambulatoires et de suivi à domicile. La situation est particulièrement critique en zone rurale où il n'existe pas de clinique privée, plus de médecins libéraux ni de médicalisation des structures médico-sociales. Dans ces territoires, l'hôpital et en particulier le CMP couvrent par effet de responsabilité territoriale les rôles qui sont, ailleurs, portés par ces acteurs absents. Or, même en ne comparant que les dispositifs hospitaliers, les territoires ruraux sont déficitaires en termes de moyens.
En réponse à ces difficultés, une enveloppe de 56 millions d'euros a été annoncée en 2021 pour renforcer les CMP. Ils sont répartis par les ARS, responsables de l'adaptation de l'offre de soins aux besoins locaux.
Crédits supplémentaires alloués aux centres médico-psychologiques (CMP)
2022 |
2023 |
2024 |
|
CMP adultes |
8 millions |
8 millions |
2 millions |
CMP infanto-juvéniles |
8 millions |
8 millions |
22 millions |
Source : Direction générale de l'offre de soins
Le premier objectif de ces financements est le recrutement de personnel non médical (principalement des infirmiers et des psychologues). Au total, le Gouvernement avait annoncé la création de 800 postes équivalent temps plein (ETP) sur une période de trois ans : 400 dans les CMP adultes et 400 dans les CMP infanto-juvéniles.
Selon le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, bien que l'objectif de 400 ETP pour chaque type de CMP soit clairement défini, le nombre de postes effectivement pourvus à ce jour n'est pas connu. Les objectifs semblent malgré tout loin d'être atteints : au cours des auditions, les rapporteurs ont été alertés sur le fait que les renforts n'arrivent pas, la mise à disposition de crédits ne suffisant pas à attirer les professionnels.
Les rapporteurs estiment que dans le champ de la psychiatrie publique, les moyens financiers et humains doivent être prioritairement fléchés vers les CMP, dans la mesure où leur capacité à prendre en charge les patients se répercute sur l'ensemble du parcours de soins.
3. Des établissements psychiatriques suroccupés
a) Une tension particulièrement forte en milieu rural et semi-rural
Les établissements psychiatriques, qui interviennent dans la prise en charge des patients atteints de troubles sévères, manquent également de moyens pour accueillir et accompagner leurs patients dans de bonnes conditions.
Le nombre de lits en établissement hospitalier psychiatrique continue de diminuer, passant de 65 600 en 2008 à 51 329 en 2023 soit une baisse de 22 %. Selon l'intersyndicale Action Praticiens Hôpital, si cette diminution se justifiait dans un premier temps par le développement des soins ambulatoires, depuis 2023, elle se poursuit principalement en raison de la baisse de la démographie médicale et paramédicale.
L'offre hospitalière reste globalement importante à l'échelle nationale mais elle est très inégalement répartie sur le territoire.
D'un côté, au sein des métropoles régionales, la psychiatrie est caractérisée par un cumul de facteurs favorables : implantation de pôles de psychiatrie universitaires, forts effectifs de praticiens hospitaliers, implantation de centres de référence135(*), facilités de recrutement, secteur libéral fort en soutien de l'hôpital public, secteur médico-social pourvoyeur de solutions d'accompagnement et population globalement plus favorisée.
D'un autre côté, les centres hospitaliers à compétence départementale sont implantés dans des villes moyennes ou à la campagne et desservent des secteurs semi-ruraux ou ruraux. À l'inverse des zones métropolitaines, ces territoires cumulent les carences : effectifs de praticiens hospitaliers faibles et dégressifs, secteur libéral en cours de délitement voire absent et population défavorisée.
Ainsi, en zone rurale, le taux d'occupation des hôpitaux psychiatriques dépasse souvent les 85 % recommandés. Des listes d'attente sont mises en place, et les patients sont parfois renvoyés vers une autre région par manque de places d'hospitalisation136(*). Au centre hospitalier de Thuir (Pyrénées-Orientales), par exemple, si le taux d'occupation s'était stabilisé entre 93 % et 95 % avant la crise sanitaire, il atteint les 100 % en 2023137(*). Il s'agit d'une moyenne annuelle : sur certaines périodes, le taux d'occupation peut même excéder les 100 %, avec d'importantes conséquences sur les conditions d'hébergement des patients (chambres partagées, temps médical par patient réduit, etc.).
La situation est particulièrement critique en pédopsychiatrie : certains départements sont totalement dépourvus de lits pour enfants ou adolescents. Ces derniers sont alors renvoyés vers les services de pédiatrie ou de psychiatrie adulte, à défaut d'être redirigés vers d'autres régions.
Par exemple, le centre hospitalier George Sand, situé dans le département du Cher, réserve deux des huit lits pour adolescents dont il dispose pour le département de l'Indre. En cas de manque de lits, il applique un protocole permettant aux adolescents placés dans des unités pour adultes d'être tout de même accompagnés au sein de l'unité pour adolescents en journée.
Au regard de l'enjeu colossal que représente la prise en charge des souffrances psychiques des jeunes, il apparaît indispensable que chaque département dispose d'une unité spécialisée pour adolescents. Les rapporteurs sont néanmoins conscients que la mise en oeuvre d'un tel projet est conditionnée au renfort des territoires sous-dotés en professionnels de santé.
b) Des tensions qui résultent majoritairement du manque de professionnels et de la saturation du premier niveau
Les tensions observées en milieu rural s'expliquent en majeure partie par le manque de professionnels de santé dans ces territoires.
Selon le Dr. Louis Tandonnet, chef des pôles psychiatrie de l'enfant et psychiatrie de l'adolescent au centre hospitalier La Candélie (Lot-et-Garonne), cette désertification médicale résulte des effets pervers de la prolongation et de la centralisation des études médicales. La grande majorité des étudiants s'installe en effet sur le lieu de leurs études universitaires, les différences de conditions d'exercice entre les territoires sous dotés et les territoires universitaires ne faisant qu'alimenter ce phénomène. Par exemple, dans le Lot-et-Garonne, le flux de pédopsychiatres depuis Bordeaux est de zéro sur 15 ans. Pour agir sur ce constat, le Dr. Tandonnet suggère que les départements ruraux bénéficient de formations délocalisées.
Plus globalement, la saturation des établissements psychiatriques est favorisée par l'embolisation des structures chargées de la prise en charge de premier niveau (médecins généralistes, psychologues) et des centres médicopsychologiques. Le défaut de prise en charge en première intention se répercute en effet sur la chronicisation et l'aggravation des troubles, qui conduisent à l'hospitalisation.
c) Un manque de solutions médico-sociales parfois comblé par le secteur sanitaire
Non seulement certains territoires manquent de lits, mais ceux-ci sont parfois occupés par des patients qui ne devraient plus être hospitalisés.
Par exemple, dans la région des Pays de la Loire, 249 lits sont bloqués par des personnes qui se retrouvent sans solution d'hébergement ou d'accompagnement social ou médico-social à la sortie de l'hôpital. En parallèle, sur les deux dernières années, 270 lits ont été fermés en raison du manque de professionnels138(*).
À l'inverse, il arrive que des patients qui relèvent de l'accompagnement médico-social soient reportés vers les établissements psychiatriques au moment du passage à l'âge adulte. Par manque de places en maison d'accueil spécialisé (MAS) ou en foyer d'accueil médicalisé (FAM), la seule option trouvée pour accompagner les patients présentant un handicap psychique est l'internement en psychiatrie, ce qui ne correspond pas du tout aux objectifs de gradation de la prise en charge139(*). Surtout, l'extension de la durée de l'hospitalisation sans nécessité peut avoir des effets très néfastes sur le rétablissement du patient.
Pour répondre à cette problématique, la coopération des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux est indispensable. Logiquement, le déploiement des 50 000 solutions médico-sociales à destination des personnes en situation de handicap devrait contribuer à résorber ces situations complexes.
Le plan de création de 50 000 solutions (2024-2030)
En avril 2023, à l'occasion de la Conférence nationale du handicap (CNH), le Gouvernement a annoncé le lancement d'un plan de création de 50 000 solutions médico-sociales (places en établissement, soutien médico-social des élèves en situation de handicap ou encore accompagnement à domicile) à horizon 2040.
Ce plan cible en priorité les territoires les plus en tension et doit permettre de renforcer l'offre pour les publics sans solution satisfaisante à ce jour : enfants et adultes nécessitant un accompagnement renforcé (personnes polyhandicapées, avec trouble du spectre de l'autisme...), enfants présentant en handicap et relevant de l'aide sociale à l'enfance ou encore personnes avec un handicap psychique ou cognitif.
Il s'appuie sur une enveloppe de 1,5 milliard d'euros financée par la Caisse nationale de la solidarité de l'autonomie (CNSA), gestionnaire de la branche autonomie de la sécurité sociale.
En outre, la question de la formation des professionnels du secteur médico-social aux sujets de santé mentale se pose, puisqu'elle conditionne en grande partie leur capacité à accueillir les personnes qui présentent un handicap psychique ou cognitif.
3. Des services d'urgences fortement sollicités
a) Un état des lieux préoccupant
Les auditions et les déplacements de la mission d'information ont étayé le constat, que différents rapports ont déjà pu mettre en avant140(*), de services en difficulté pour la prise en charge des urgences psychiatriques.
En premier lieu, les passages aux urgences pour motifs psychiatriques sont en augmentation ces dernières années. Selon la mission d'information sur la prise en charge des urgences psychiatriques de l'Assemblée nationale, cette hausse serait de 21 % sur la période 2019 - 2023. Les données issues du réseau OSCOUR141(*) font notamment état d'une croissance importante des gestes et des pensées suicidaires.
Cette situation traduit sans doute la dégradation de la santé mentale de la population, telle qu'elle a été présentée en première partie de ce rapport. Cependant, il faut aussi y percevoir la conséquence des difficultés des équipes de soins primaires et des CMP à prendre en charge les demande de soins psychiatriques. Par engorgement des dispositifs d'amont, les urgences se retrouvent être la porte d'entrée du parcours de soins en psychiatrie alors qu'elles n'ont pas été pensées comme tel.
Dans ce contexte, les services d'urgences se trouvent souvent saturés alors qu'ils ne sont pas en capacité de répondre à cette demande dans des conditions satisfaisantes. Certes, les établissements psychiatriques mettent à disposition des urgences des moyens humains, généralement un psychiatre et un infirmier, afin de prendre en charge les patients souffrant de troubles psychiatriques et les orienter vers une hospitalisation. Toutefois, ces moyens ne peuvent être suffisants.
Les rapporteurs ont donc pu constater, en se rendant au sein du services d'urgences du centre hospitaliers de Perpignan, le nombre important de patients souffrant de troubles psychiatriques sur des brancards attendant, dans les couloirs, leur prise en charge une telle situation se répète bien entendu dans de nombreux centres hospitaliers en France.
Cette congestion des services est d'autant plus problématique que le contexte général des urgences - bâtiments vétustes et exigus, long temps d'attente en promiscuité avec d'autres personnes - peut s'avérer particulièrement pénible pour les patients atteints de troubles psychiatriques. Cet environnement ne peut donc être propice à l'apaisement et à la désescalade des périodes de crise.
Dans ce tableau synthétique de la situation des urgences, il convient enfin de rappeler que les établissements publics de santé assurent la quasi-totalité des urgences en psychiatrie, la FHF réclamant un meilleur partage entre tous les offreurs de soins de l'accueil en situation d'urgence des patients nécessitant une hospitalisation. Les rapporteurs notent que la FHP-Psy, représentant le secteur privé lucratif, a demandé à la DGOS de travailler conjointement sur la thématique des filières urgence et post-urgence « afin de définir la place de chacun et les moyens à mettre en oeuvre ».
b) Mieux orienter les patients et prévenir les passages aux urgences évitables
Les rapporteurs espèrent que l'amélioration des soins de proximité, auquel le présent rapport aspire, contribuera à réduire la tension s'exerçant sur les services d'urgences.
Ils ont cependant pris connaissance de certains dispositifs mis en place afin de mieux orienter les patients et éviter ainsi des passages aux urgences. Les rapporteurs ne peuvent qu'encourager la généralisation de ces trois dispositifs.
Tout d'abord, les filières psychiatriques des services d'accès aux soins (SAS Psy), en cours de déploiement au niveau national, remplissent parfaitement leur rôle, ainsi que les auditions ont pu le mettre en lumière. Ce dispositif, qui permet de répondre à des demandes de soins non programmés sans nécessairement les orienter vers les urgences, doit encore se consolider et se généraliser. Seuls quinze départements en sont aujourd'hui pourvus.
Les SAS Psy
Dans le cadre du déploiement des SAS, en parallèle du Samu, deux premiers sites pilotes (Saint-Étienne et Rennes) ont vu l'intégration des nouvelles compétences psychiatriques au sein du service. Cette filière psychiatrique a ensuite été développée dans huit nouveaux SAS (Bordeaux, Créteil, Lille, Lyon, Toulouse, Nantes, Paris et Poitiers), à l'occasion des Assises de septembre 2021. Enfin, Strasbourg, Nancy, Bobigny, Brest et Amiens ont été retenu pour la poursuite du déploiement.
L'intégration d'une compétence spécialisée en psychiatrie visent à « offrir une réponse aux demandes de soins psychiques ou psychiatriques en provenance des usagers, des familles ou des professionnels de santé, suivie d'une orientation adaptée à la situation de la personne, dans un délai rapide ». Il s'agit donc de répondre à un besoin de soins non programmés qui ne demandent pas nécessairement une orientation vers les urgences.
La FHF note ainsi, dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, que « le développement actuel des filières spécialisées des SAS en psychiatrie est une réponse essentielle aux besoins croissants dans ce domaine. Cependant, il est important de considérer attentivement où et comment ces filières sont déployées. À ce titre, une attention particulière doit être portée sur les ressources humaines et leurs qualifications pour répondre aux appels d'urgence, ainsi que l'effectivité de la réponse en soins apportée. »
La DMPSM constate une grande hétérogénéité de mise en oeuvre des SAS Psy et indique qu'un cahier des charges est cours d'élaboration pour « favoriser le déploiement national et le recueil standardisé d'indicateurs permettant le meilleur suivi du service rendu »142(*).
Entendue en audition, la Pr Anne-Laure Féral-Pierssens, cheffe de service des urgences au CHU Paris Seine-Saint-Denis de Bobigny a aussi mis en avant les centres renforcés d'urgences psychiatriques (CRUP) permettant des hospitalisations psychiatriques de courte durée, gérées par des psychiatres, pour les patients qui, orientés en urgence, se trouvent en situation de crise. Ce dispositif, distinct géographiquement des urgences, permet une évaluation sereine et une prise en charge dans des locaux adaptés. Selon la Pr Féral-Pierssens, le CRUP de Saint-Denis a effectivement réussi à réduire la durée de la phase aiguë et ainsi diminuer les durées d'hospitalisation.
Enfin, il convient de noter que des équipes mobiles peuvent également être mobilisées dans les situations d'urgence. Le Dr Yannick Brouste, chef de service des urgences du CHU de Martinique, a indiqué aux rapporteurs qu'une équipe mobile psychiatrique d'intervention et de crise (EPIC) a été réinstauré en 2024 au niveau de la régulation des urgences. Le bilan dressé est tout à fait positif ; en se déplaçant pour réaliser l'évaluation clinique des patients, l'équipe mobile permet d'éviter les hospitalisations qui ne sont pas nécessaires.
4. Les infirmiers en pratique avancée spécialisés en psychiatrie et santé mentale : une profession récente qui suscite un réel espoir
La loi de 2016 de modernisation de notre système de santé143(*) a reconnu dans le code de la santé publique l'exercice de la pratique avancée pour des auxiliaires médicaux définis par décret. Cette intervention en pratique avancée a été reconnue aux infirmiers diplômés d'Etat (IDE) disposant d'une formation universitaire et sanctionnée par le diplôme d'État d'infirmier en pratique avancée (IPA) de grade master144(*).
Cette formation s'étend sur deux ans145(*), et comprend une année de tronc commun, suivie d'une seconde année de spécialisation au sein d'une mention inscrite dans le diplôme d'IPA validé. Parmi les cinq domaines possibles, le code de la santé publique reconnait une mention « psychiatrie et santé mentale ».
La pratique avancée infirmière permet d'accéder à une autonomie élargie et à des compétences accrues par rapport à la profession d'IDE (voir encadré ci-dessous). Notons que, plus récemment, la loi dite « Rist 2 »146(*) a autorisé l'accès direct aux IPA exerçant en établissement de santé, en ESMS, ou dans une structure d'exercice coordonné (maison de santé, centre de santé, équipe de soins primaires), sous réserve de transmettre un compte rendu des soins au médecin traitant du patient. Cette même loi a également permis aux IPA, sous un encadrement du pouvoir réglementaire, de prescrire des produits de santé et des prestations soumis, en principe, à prescription médicale obligatoire, élargissant ainsi leurs compétences de renouvellement ou d'adaptation de prescriptions médicales147(*).
Les grands principes de la pratique avancée
L'infirmier en pratique avancée « dispose de compétences élargies »148(*) et d'une autonomie renforcée. Il participe à la prise en charge globale des patients et à l'organisation du parcours de soins. L'infirmier en pratique avancée149(*) peut notamment procéder à l'examen clinique du patient, mener un entretien avec lui, adapter le suivi ou le traitement d'un patient, ou conduire toute activité d'orientation, d'éducation, de prévention ou de dépistage qu'il juge nécessaire150(*). Malgré l'autonomie renforcée dont il dispose, il lui revient d'adresser sans délai le patient au médecin traitant ou, à défaut, vers un médecin ou une structure adaptée lorsqu'il est confronté « à une situation dont la prise en charge dépasse son champ de compétences »151(*) ;
L'IPA bénéficie en outre d'un droit de primo-prescription et de renouvellement ou d'adaptation de prescriptions médicales152(*). Les compétences de primo-prescription des IPA ont également été récemment élargies avec la parution du décret d'application précité de la loi Rist 2 : celles-ci s'étendent non seulement à la prescription de médicaments et dispositifs médicaux non soumis à prescription médicale obligatoire figurant sur des listes, mais également à des produits de santé ou prestations soumis ou non à prescription médicale obligatoire, définis par un arrêté paru le 25 avril 2025153(*). Les IPA peuvent également prescrire certains examens de biologie médicale ;
Enfin, l'IPA dispose d'une responsabilité élargie. L'article L. 4301-1 du code de la santé publique dispose ainsi que « le professionnel agissant dans le cadre de la pratique avancée est responsable des actes qu'il réalise dans ce cadre ».
Source : Commission des affaires sociales, rapport n° 557 (2024-2025) de Jean SOL et Anne-Sophie ROMAGNY, avril 2025.
a) Un consensus sur l'utilité des IPA PSM, en médecine de ville comme en établissement
Les IPA en psychiatrie et santé mentale disposent de larges compétences sur le champ clinique puisqu'il peut conduire toute activité d'orientation, d'éducation, de prévention ou de dépistage qu'il estime nécessaire, effectuer des actes d'évaluation et de conclusion clinique, prescrire ou adapter des prescriptions de produits de santé (voir référentiel de compétences).
Il peut également effectuer des missions de coordination de parcours, notamment dans les filières de réhabilitation psychosociale, et dans les réseaux territoriaux.
Extraits du référentiel de compétences spécifique aux IPA mention psychiatrie et santé mentale
Un arrêté du 18 juillet 2018154(*) détermine le référentiel de compétences des IPA distinguant à chaque fois les compétences communes à toutes les IPA et les compétences attendues pour chacune des mentions. Parmi les éléments listés pour la mention PSM peuvent notamment être cités :
1. Évaluer l'état de santé de patients dans le cadre de motifs de recours ou en relais de consultations médicales pour des pathologies identifiées :
- Analyser la situation clinique psychique, somatique et sociale du patient, ses besoins, ses difficultés, ses symptômes, ses ressources et les interactions avec l'entourage ;
- Évaluer le risque suicidaire ;
- Identifier les situations d'urgence et prendre les mesures appropriées ;
- Évaluer l'adhésion du patient à son projet de soins (...) ;
- Évaluer l'observance, l'efficacité et les effets indésirables des traitements et des techniques thérapeutiques non médicamenteuses.
2. Définir et mettre en oeuvre le projet de soins du patient à partir de l'évaluation globale de son état de santé :
- Adapter le projet de soin, de suivi et d'accompagnement en fonction de la situation clinique psychique, somatique et sociale du patient en coordination avec le médecin (...) ;
- Analyser la pertinence du renouvellement et de l'adaptation de la posologie des antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques, traitements symptomatiques des effets indésirables et des antalgiques, à partir de l'analyse de l'état de santé du patient ;
- Identifier la nécessité d'examens complémentaires en fonction de la pathologie et de la situation ;
- Identifier et mettre en oeuvre, le cas échéant, les techniques de médiation à visée thérapeutique et de réhabilitation psychosociale (...) ;
3. Concevoir et mettre en oeuvre des actions de prévention et d'éducation thérapeutique :
Dans le cadre du suivi des patients :
- Concevoir et mettre en oeuvre des actions contribuant à la prévention des rechutes ;
- Identifier les ressources et les besoins des patients, des familles et aidants, reconnaitre leur apport et proposer les actions d'accompagnement pertinentes ;
Dans le cadre d'une approche populationnelle :
- Choisir et mettre en oeuvre des outils de prévention et de gestion des crises pertinents et promouvoir leur utilisation au sein de l'équipe ;
- Concevoir, mettre en oeuvre et évaluer des actions de promotion de la santé, de prévention et de dépistage en psychiatrie et santé mentale (...) ;
- Identifier des éléments pertinents à intégrer dans des projets territoriaux de santé notamment les PTSM et les CLSM (...) ;
4. Organiser les parcours de soins et de santé de patients en collaboration avec l'ensemble des acteurs concernés :
- Coordonner les interventions avec les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux et les activités intra-hospitalières et extra hospitalières en lien avec le projet de soins ;
- Accompagner les équipes dans les situations de soins sans le consentement du patient, dans les pratiques respectueuses du respect des libertés fondamentales, dans un processus de raisonnement éthique ;
Selon le conseil national de l'ordre des infirmiers (CNOI), 2 365 IPA seraient actuellement inscrits au tableau de l'ordre des infirmiers dont 548 IPA en mention psychiatrie et santé mentale (soit 23%). Leur effectif à l'échelle de la France demeure donc encore marginal, notamment au regard des 55 000 infirmiers exerçant en psychiatrie155(*) - et ne permet pas encore à tous les départements d'en bénéficier.
Les IPA PSM exercent, en grande majorité, en établissement psychiatrique où ils constituent notamment un relai efficace entre le médecin psychiatre, les IDE, le patient et son entourage. Comme le souligne le CNOI, ils apportent également dans les équipes infirmières, qui, depuis la disparition de la spécialité, ne sont pas spécifiquement formées à la psychiatrie, un partage de connaissances et de bonnes pratiques et, ainsi, l'assurance de maintenir le niveau de formation des professionnels dans les établissements.
Les rapporteurs sont donc convaincus que les compétences et la spécialisation des IPA PSM en font une profession précieuse pour la psychiatrie. La généralisation de ces professionnels dans les équipes de soignants peut en outre contribuer à libérer du temps médical pour les psychiatres dont la démographie est déclinante.
Les personnels - soignants comme dirigeants - des sept établissements psychiatriques rencontrés, en déplacement ou en audition, ont tous confirmé le grand intérêt des IPA dans les équipes de soins et la plus-value majeure de ces professionnels. Le centre hospitalier du Rouvray compte ainsi en son sein dix IPA formés et quatre en cours de formation, et ambitionne, à terme, de disposer de 30 IPA PSM. Le directeur de l'établissement, M. Franck Estève, a d'ailleurs précisé qu'aucun évènement indésirable grave (EIG) n'avait été signalé à la suite d'une délégation de tâche impliquant un IPA.
À rebours des réticences souvent décrites de la profession médicale envers les IPA156(*), les rapporteurs ont constaté qu'un large consensus prévalait auprès des médecins psychiatres quant à la nécessité d'accroitre le nombre d'IPA PSM, quel que soit le mode d'exercice - en établissement de santé ou en ville.
L'intérêt du déploiement des IPA mention « santé mentale et psychiatrie » auprès des médecins généralistes, dans le cadre d'exercice coordonné, a également été mis en exergue par l'Union nationale des infirmier.es en pratique avancée (Unipa). Souvent dépassés par les besoins croissants de soins psychiatriques, les médecins généralistes voient généralement d'un oeil favorable l'arrivée de professionnels spécifiquement formés à ces enjeux. À la différence d'autres mentions d'IPA, les médecins expriment donc plutôt une attente d'un déploiement plus important des infirmiers en pratique avancée en psychiatrie et santé mentale.
À cet égard, les rapporteurs ne peuvent que constater que cet attrait pour la profession d'IPA P-SM provient, outre les compétences élargies exercées par ces professionnels, de leur spécialisation. Sans doute le secteur de la psychiatrie exprime-t-il là un besoin que la suppression, en 1992157(*), du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique peut avoir fait naître. Si de réels obstacles limitent la faisabilité, à court terme, d'une réinstauration de la spécialisation en psychiatrie des IDE, il conviendrait à tout le moins d'engager la réflexion.
Recommandation n° 15 : Apprécier l'opportunité et la faisabilité de recréer une spécialité d'infirmière en psychiatrie (Gouvernement). |
b) La nécessité de renforcer l'attractivité de cette spécialité
L'objectif initial du Gouvernement - exprimé lors du Ségur - de disposer de 5 000 IPA en 2024 est encore loin de portée à ce stade. Le faible nombre d'IPA - et partant, d'IPA PSM - est à mettre en relation avec leur création récente et une levée laborieuse de certaines barrières juridiques - notamment en raison d'une application règlementaire tardive des lois adoptées158(*). Leur effectif devrait donc naturellement poursuivre sa croissance dans les prochaines années, quoique le rythme et même la tendance pourrait en être remis en cause par de sérieux freins au déploiement de la profession.
D'une part, le développement plus rapide des IPA PSM achoppe sur les modalités de formation des IPA. Si les infirmiers peuvent obtenir leur diplôme d'IPA dans le cadre d'une formation initiale, et intervenir en pratique avancée après avoir exercé en qualité d'infirmier pendant une période minimale de trois ans, la plupart accèdent à la pratique avancée par une formation continue professionnelle, suivie alors qu'ils sont en activité professionnelle depuis plusieurs années ; en moyenne, depuis quinze ans selon l'Unipa.
Les IDE optant pour une formation d'IPA en psychiatrie et santé mentale se trouvent en grande majorité dans les établissements de santé. Si ces derniers sont désireux de retrouver des IPA au sein de leur équipe, le départ en formation d'infirmiers occasionne un manque de ressources humaines difficiles à combler au sein des services psychiatriques. En outre, les freins financiers ont été mis en avant pour les établissements, qui financent la formation de leurs infirmiers.
Les rapporteurs ont bien noté que le soutien à la formation des IPA PSM a en outre fait l'objet d'une enveloppe sanctuarisée à hauteur de cinq millions d'euros par année, appliquant ainsi une des mesures des Assises de 2021. Cependant, les établissements psychiatriques ont souligné l'insuffisance des moyens déployés par les ARS pour les aider à trouver des solutions le temps de la formation.
Une réflexion devrait également être menée quant à l'accessibilité géographique des formations en pratique avancée. Les 33 universités qui dispensent ce cursus peuvent être éloignées des établissements psychiatriques, notamment ceux implantés en milieu rural.
Recommandation n° 16 : Mieux accompagner les établissements de santé dont une IDE souhaite entamer une formation à la pratique avancée (DGOS, ARS) |
Enfin, un frein majeur au déploiement des IPA PSM demeure leur rémunération, qui n'est pas satisfaisante tant en établissement de santé qu'en libéral. Cette faible attractivité financière de la profession expliquerait, en partie, selon l'Unipa, la chute de près de 20 % du nombre d'infirmiers s'engageant dans le cursus IPA pour la mention P-SM159(*).
Selon les informations transmises par l'Unipa, les IPA exerçant en libéral pâtiraient d'une perte moyenne annuelle de 29 926 euros de chiffre d'affaires. Dans la fonction publique hospitalière, la différence entre la rémunération moyenne des IPA et celle perçue auparavant en tant qu'IDE ne s'établirait qu'à 94 euros en 2025. Sans pouvoir ni infirmer ni confirmer ces chiffres, les rapporteurs constatent, par une comparaison entre les rémunérations par échelon, que la grille indiciaire des IPA ne permet une différence de traitement proportionnée au niveau de responsabilité assumé par les IPA PSM160(*).
Traitement indiciaire des IPA et des infirmiers en soins généraux
Infirmiers en pratique avancée161(*) |
Infirmiers en soins généraux162(*) |
Différence de traitement |
|
Traitement correspondant au 1er échelon |
2 214 euros (brut) |
1 943 euros |
271 euros |
Traitement correspondant au dernier échelon |
3 783 euros |
3 576 |
207 euros |
Source : Commission des affaires sociales
Enfin, il convient de noter que les infirmiers en pratique avancée ne disposent pas aujourd'hui d'existence statutaire et donc de grille indiciaire dans les autres versants de la fonction publique. Au sein du nécessaire chantier de refonte de la grille indiciaire des IPA dans la FPH, il conviendra de doter les IPA d'un statut adapté relevant de la fonction publique d'État ou territoriale. Ainsi qu'il a été indiqué plus en amont du rapport, les IPA pourront désormais, en vertu de la loi sur la profession d'infirmier, exercer dans les services de protection maternelle et infantile (PMI) et d'aide sociale à l'enfance, ainsi que dans les crèches et les établissements scolaires. Il conviendra d'encourager ces lieux d'exercice qui, en multipliant les débouchés de la profession, ne peuvent que renforcer son attractivité.
S'agissant, enfin, des IPA mention P-SM exerçant en libéral, les rapporteurs souscrivent à la nécessité de revoir leur modèle économique. Comme l'indique l'Unipa : « À ce jour, les IPA PSM en exercice libéral, et donc en soins primaires par exemple, sont très peu nombreux, car le modèle économique de l'avenant 9 de la convention nationale des infirmiers ne correspond pas suffisamment à la réalité du terrain. Il freine l'arrivée de ces professionnels en première ligne, alors que leur rôle et leurs compétences pourraient permettre une amélioration notable de l'accès aux soins en santé mentale, faciliter la coordination des parcours, et améliorer la prévention et le repérage précoce ».
Leur rémunération, qui repose principalement sur des forfaits, ne paraît pas adaptée au niveau de compétence exercée. La proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, proposée par le président Philippe Mouiller, et adoptée par le Sénat le 13 mai 2025, prévoit d'étendre le paiement à l'activité, aujourd'hui réservé aux patients adressés ponctuellement, à l'ensemble des patients suivis régulièrement. Cette évolution attendue pourrait également se coupler d'une création, et d'une valorisation à un niveau approprié, d'un forfait pour la pratique avancée en psychiatrie ou en santé mentale.
Recommandation n° 17 : Instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique (Gouvernement) Recommandation n° 18 : Revoir le modèle économique des IPA PSM dans une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral (Assurance maladie) |
B. LE RENFORCEMENT DES CENTRES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES ET LE DÉVELOPPEMENT DES ÉQUIPES MOBILES : DEUX AXES PRIORITAIRES POUR AMÉLIORER L'ACCÈS AUX SOINS
1. L'accès universel au CMP : un modèle à défendre en y affectant les moyens humains nécessaires
Comme évoqué ci-avant, il est impératif de garantir l'accès universel aux centres médico-psychologiques, qui sont au coeur du système de prise en charge des troubles de santé mentale. Le CMP doit redevenir le lieu privilégié de l'accès aux soins psychiatriques et être clairement identifié par les patients.
Sur le plan des moyens, il est indispensable d'allouer plus de personnel médical et non médical à ces structures, en priorisant les territoires les plus en tension et les CMP infanto-juvéniles. Le renfort en IPA PSM serait particulièrement utile, puisqu'il permettrait aux patients en attente d'un rendez-vous médical de bénéficier d'un premier suivi spécialisé.
Dans un récent rapport sur les CMP, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) recommande d'organiser une consultation nationale pour améliorer l'attractivité salariale et fonctionnelle des postes de psychiatres, de psychologues et d'infirmiers163(*).
Les rapporteurs sont néanmoins conscients que le coeur du problème réside, de manière générale, dans le manque de professionnels disponibles. Sans un travail d'envergure sur les enjeux de l'attractivité des métiers du soin et des inégalités territoriales, l'appel à renforcer les CMP en moyens humains restera lettre morte.
Recommandation n° 19 : Augmenter le nombre de professionnels, notamment d'IPA PSM, exerçant en CMP en priorisant les CMP infanto-juvéniles et les territoires où les délais d'attente sont les plus longs (Ministère de la santé) |
Sur le plan organisationnel, il est nécessaire de conforter le rôle du CMP comme porte d'entrée dans le parcours de soins, et de clarifier le niveau de compétence des nombreux acteurs susceptibles d'intervenir auprès des patients.
En effet, la multitude d'acteurs nuit à l'efficacité de l'offre de soins : celle-ci est jugée hétérogène et illisible, le parcours est complexe et fréquemment constitué de ruptures de suivi, notamment en pédopsychiatrie, les familles peinant à comprendre l'écosystème de la prise en charge.
La prise en charge des patients atteints de
troubles de santé mentale : La prise en charge de premier niveau repose principalement sur les médecins généralistes et autres professionnels de santé de soins de ville, les psychologues, les professionnels de la santé scolaire, les maisons des adolescents (MDA) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP)164(*). Plus largement, en ville, l'accompagnement des patients en souffrance psychique repose à la fois sur le secteur médical, le secteur médico-social et le secteur social. Parmi les structures pouvant être amenés à repérer, orienter voire accompagner des personnes en souffrance psychique figurent par exemple les points accueil et écoute jeunes (PAEJ), les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), les centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou encore les centres de réhabilitation psychosociale (CRPS). La prise en charge spécialisée relève quant à elle de l'hospitalisation en psychiatrie et, en ambulatoire, principalement des centres médico-psychologiques (CMP) adultes ou enfants et adolescents, des hôpitaux de jour (HDJ) et des centres d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP). Il existe également des soins spécifiques pour les patients présentant un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, dispensés au sein des unités pour malades difficiles (UMD) et pour les personnes détenues qui nécessitent des soins psychiatriques en hospitalisation complète, au sein des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). |
La délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie a indiqué aux rapporteurs suivre un objectif de gradation des soins, en clarifiant le rôle de chaque acteur dans le parcours de soins. L'objectif est de créer une répartition des tâches plus lisible, pour garantir un parcours cohérent sans ruptures.
Cela passera nécessairement par la mobilisation des acteurs de premier niveau, comme développé dans la deuxième partie du présent rapport. La grande majorité des troubles de santé mentale ne relève pas, en effet, de la psychiatrie spécialisée. Une première ligne solide déchargerait les CMP du « tout-venant », leur permettant de redevenir des structures réactives, flexibles et disponibles sans délai.
De manière plus générale, il apparaît indispensable de conduire un travail sur le positionnement de la psychiatrie dans le vaste champ de la santé mentale, en distinguant clairement ce qui relève du soin psychiatrique ce qui relève du soin psychologique, éducatif ou social. Les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) semblent être le bon outil pour cela, puisqu'ils permettent à tous les acteurs - sanitaires, sociaux, médico-sociaux et éducatifs - de dialoguer sur le positionnement de chacun.
Par ailleurs, les rapporteurs ont pu constater que les horaires d'ouverture des CMP, qui correspondent souvent à des horaires de journée classiques du lundi au vendredi, sont peu adaptés aux modes de vie de la population. Un travail de création de permanence d'accueil en urgence et d'aménagement des horaires, couplé à la réflexion sur les moyens humains, serait de nature à améliorer leur accessibilité.
Enfin, la direction générale de l'offre de soins a indiqué aux rapporteurs que la rédaction d'un cahier des charges des CMP était en cours de rédaction, leur fonctionnement n'étant pas précisé au niveau réglementaire.
Si les rapporteurs comprennent la volonté d'établir un référentiel commun pour le fonctionnement des CMP, ils jugent primordial de conserver un équilibre qui permette aux structures de s'adapter aux circonstances locales et de ne pas leur imposer de lourdes modifications organisationnelles dans un contexte de saturation de l'activité.
Recommandation n° 20 : Conduire une réflexion, à l'échelle territoriale, sur la création de permanences d'accueil en urgence et l'aménagement des horaires d'ouverture au sein des CMP (ARS) |
2. Favoriser les interventions à domicile
Le virage ambulatoire de la psychiatrie est déjà une tendance amorcée de longue date dans un pays, comme la France, où le nombre de lits d'hospitalisation était historiquement élevé. En 2023, selon les données transmises par la DGOS, la part exclusivement ambulatoire de la file active totale de psychiatrie générale était de 77 % tandis qu'elle s'établissait à 89 % pour la psychiatrie infanto-juvénile165(*).
Pourtant, ainsi que le remarque une mission d'information relative à l'organisation de la santé mentale de l'Assemblée nationale166(*), il semble que la réduction continue des lits d'hospitalisation, n'a toutefois pas été compensée par un développement dans les mêmes proportions de l'ambulatoire.
Parmi les dispositifs ambulatoires de grand intérêt, l'intervention à domicile tient une place à part, qui a eu tendance à être sacrifiée par les difficultés de ressources humaines rencontrées par la psychiatrie et l'engorgement des CMP. Ces visites à domiciles sont pourtant un facteur clef, notamment en sortie d'hospitalisation pour éviter l'isolement du patient, surveiller l'observance des traitements et éviter ainsi une rechute. Le Pr Daniel Zagury, abonde ainsi : « les études sont très claires : plus la présence et l'encadrement sont développés après l'hospitalisation, moins les actes de violence sont nombreux. Ainsi, une étude montre qu'un patient vu toutes les semaines commet quatre fois moins d'actes de violence qu'un patient vu tous les mois ».
a) Le développement des équipes mobiles spécialisés
De nombreux dispositifs d'équipes mobiles fleurissent donc dans les établissements psychiatriques pour mettre en place un suivi des patients en milieu ordinaire.
Comme la DGOS l'a précisé en audition, la notion d'équipes mobiles recoupe beaucoup de formes différentes, selon la finalité du dispositif. Il n'existe pas d'encadrement juridique de cette organisation des services, si ce n'est certaines instructions déterminant un cahier des charges pour un type précis d'équipe mobile, à l'instar des équipes mobiles de psychiatrie de la personne âgée (EMPPA)167(*) ou des équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP)168(*). Outre ces deux exemples, il existe donc de nombreux autres dispositifs d'équipes mobiles spécialisées pour une intervention précoce en psychiatrie (EMIP), pour des soins intensifs à domicile, à destination des personnes placées sous main de justice (équipes mobiles transitionnelles -EMOT), à la sortie de détention ou, comme il a été mentionné plus en amont, en faveur des enfants de l'ASE.
Le Gouvernement s'est ainsi engagé, au sein de la feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie, à favoriser le développement des équipes mobiles à destination des personnes âgées en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et plus généralement en établissement social ou médico-social (ESMS)169(*). Dix millions d'euros annuel ont été prévus pour ce déploiement. Selon le bilan du Gouvernement170(*), 32 946 patients de plus de 65 ans ont ainsi été vus par une équipe de psychiatrie en ESMS en 2024, soit une augmentation de 7,7 % en deux ans.
Autre illustration, le centre hospitalier Gérard Marchant a plaidé auprès des rapporteurs pour un soutien dans la durée et un déploiement généralisé des équipes ACT - Assertive Community Treatment - dont « le modèle d'aller vers a fait ses preuves à l'international et en France ». Si cette expérimentation présente des résultats probants, les rapporteurs ont globalement noté un consensus sur l'utilité de l'intervention d'équipes mobiles pour éviter ou réduire les durées d'hospitalisations et diminuer les passages aux urgences.
L'équipe mobile HOME déployée à Toulouse
Depuis janvier 2023, l'expérimentation HOME (Habitat cOMmunautaire soutEnu), porté par le CH Gérard Marchant, dans la région de Toulouse, est conduite sur le fondement de l'article 51 de la LFSS pour 2018.
Ce dispositif accompagne une centaine de personnes atteintes de troubles psychiatriques sévères et complexes, dont la maladie peut entraîner des hospitalisations fréquentes et prolongées. L'objectif est de proposer une solution alternative en milieu ordinaire grâce à une équipe mobile pluridisciplinaires (psychiatres, infirmiers, travailleurs sociaux, pairs-aidants, psychologues, job coachs, coordinateurs...) proposant un accompagnement global sur le modèle ACT.
La même logique préside aux équipes mobiles SIIS (Suivi intensif pour l'inclusion sociale) déployées à Marseille.
Selon la délégation ministérielle à la psychiatrie et à la santé mentale, les premiers éléments de bilan montrent « une réduction des hospitalisations, une amélioration des conditions de vie et du quotidien des usagers qui bénéficient d'un meilleur accès au logement, à l'emploi et aux aides sociales. La présence régulière des équipes dans leur milieu de vie réduit le sentiment d'isolement et améliore la gestion des crises ».
Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie, état d'avancement de la feuille de route, p. 79
b) Promouvoir la visite à domicile par des équipes spécialisées ou le CMP autant que possible
Si le modèle des équipes mobiles a donc fait ses preuves, il se heurte toutefois à la question du manque de ressources humaines dans les services de psychiatrie, alors que ce type d'organisation est très consommateur de personnel soignant. Il y a donc là un arbitrage délicat, que plusieurs chefs de services psychiatriques ont exposé en audition, entre favoriser l'intervention à domicile et ne pas trop désorganiser les unités d'hospitalisation déjà en difficulté.
Les rapporteurs ne peuvent qu'espérer que le déploiement des IPA en psychiatrie et santé mentale permette de renforcer les effectifs de ces équipes. Les compétences exercées dans le cadre de la pratique avancée font de la présence de ces professionnels un levier déterminant afin d'assurer la continuité de la prise en charge, en sortie d'hospitalisation, et de faire le relais avec les équipes de soins primaires ou le personnel social et médico-social.
La commission nationale de psychiatrie a également pointé le manque de porteurs de projets et d'ingénierie dans certains hôpitaux induisant une difficulté à répondre aux appels à projets dans le cadre du Fiop. Elle a ainsi plaidé pour un soutien plus important aux établissements sur cet enjeu. De manière générale, il convient que le Gouvernement poursuive les efforts financiers en faveur du déploiement des équipes mobiles.
Recommandation n° 21 : Flécher des financements pérennes en faveur du développement des équipes mobiles (Gouvernement, ARS) |
En sus d'un soutien aux équipes mobiles spécialisées, il convient de ne pas négliger la file active en visite à domicile que le CMP est en principe capable d'assumer.
Le Dr Louis Tandonnet a ainsi regretté que les financements de l'ARS soient prioritairement fléchés vers des projets novateurs, notamment dans le cadre du Fiop, quitte à artificiellement qualifier d'innovants des formes traditionnelles d'organisation de soins. En audition, il alertait ainsi les rapporteurs : « désormais, pour obtenir des moyens, il faut innover - ou donner le sentiment à l'ARS d'innover - alors qu'on pourrait juste renforcer les missions des CMP », et de conclure par un trait d'esprit : « au CMP, nous faisons de l'équipe mobile, cela s'appelle... le CMP ! ».
Les rapporteurs rejoignent ces préoccupations ; la priorité donnée au renforcement des CMP doit leur permettre de retrouver leur vocation naturelle à intervenir à domicile, en complémentarité, toutefois, avec l'intervention des équipes mobiles pour des publics spécifiques (en ESMS, personnes en situation de précarité etc.)
c) Favoriser les conditions globales d'une intervention en milieu ouvert
Enfin, les rapporteurs estiment qu'il convient de créer les conditions globales d'une intervention réussie en milieu ouvert. À cette fin, une mobilisation de l'ensemble des acteurs de la santé mentale est nécessaire et dépasse donc largement la simple question des organisations retenues par les établissements psychiatriques.
Par exemple été mentionnée aux rapporteurs la nécessité d'assurer aux équipes intervenant à domicile un soutien possible des forces de police ou de gendarmerie, dans le cas où la situation se compliquerait.
De même, comme il a été rappelé supra, l'importance de l'accompagnement multi-dimensionnel des personnes souffrant de troubles psychiatriques. À ce titre, Frédéric Chéreau a présenté aux rapporteurs le dispositif Logipsy, portée par La sauvegarde du Nord, qui permet à l'intervention de plusieurs professionnels sociaux (une coordinatrice de parcours, un technicien d'intervention sociale et familiale) au domicile de patients atteints de troubles psychiques. La mise en place de ce dispositif se fait notamment par sollicitation d'une équipe soignante afin de sécuriser le maintien du patient dans son logement ou aider à la transition après une hospitalisation.
Le dispositif « Un chez soi d'abord », déployé à hauteur de de 3 175 places fin 2024171(*), répond à la même logique. Il permet aux personnes sans abri et atteints de troubles psychiques sévères, un accès direct à un logement stable, auquel des visites à domicile sont organisées. Certaines initiatives locales s'inspirent de ce modèle dans la mise en oeuvre de leur propre dispositif.
Les rapporteurs ne peuvent qu'encourager les acteurs locaux à se saisir de ces thématiques au sein des CLSM. Dans le cadre des partenariats ainsi noués, un prérequis doit déjà être le partage d'informations - dans le respect du secret professionnel. Pour que les services sociaux puissent intervenir, il convient, par exemple, que les maires soient tenus informés du retour à domicile de patients dont ils sont par exemple à l'origine de l'hospitalisation sans consentement172(*).
Recommandation n° 22 : Mettre en place des partenariats locaux pour soutenir et faciliter le suivi à domicile des patients (conseils locaux de santé mentale) |
EXAMEN EN COMMISSION
I.
AUDITION DE M. FRANK BELLIVIER,
DÉLÉGUÉ
MINISTÉRIEL À LA SANTÉ MENTALE
ET À LA
PSYCHIATRIE
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie.
Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est diffusée en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande.
Monsieur le délégué, nous vous entendons à titre principal dans le cadre d'une mission d'information que notre commission a lancée sur l'état de la santé mentale et de la psychiatrie depuis la crise de la covid-19. En effet, depuis cette crise, qui a pu être facteur d'angoisse ou d'isolement pour de nombreux Français, la santé mentale de la population, notamment de certaines catégories, s'est dégradée ; les professionnels semblent difficilement faire face à cette situation. Nos rapporteurs, Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin, ont lancé ces travaux, qui devraient permettre à notre commission de disposer d'une meilleure appréhension de ce phénomène. Nous attendons leurs préconisations avec impatience. Votre regard nous sera particulièrement utile dans ce cadre.
De plus, le Gouvernement a confirmé la volonté de l'ancien Premier ministre, Michel Barnier, de faire de la santé mentale une grande cause nationale en 2025. Votre feuille de route est donc riche, monsieur le délégué, et nous serons également curieux de savoir comment cet engagement gouvernemental se traduit dans vos missions.
Je vais vous laisser la parole pour un propos liminaire. Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, en commençant, bien sûr, par nos trois rapporteurs.
M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie. - Merci beaucoup de votre invitation. Je débuterai mes propos liminaires en rappelant quelques éléments de contexte.
Premier élément de contexte, la crise sanitaire a en effet mis en lumière les problèmes de santé mentale. Ces derniers sont désormais reconnus comme un enjeu prioritaire de santé publique, mais aussi, plus largement, comme un enjeu de société.
Le mal-être de nos concitoyens demeure supérieur à son niveau d'avant la crise sanitaire, sachant que les tendances étaient déjà plutôt haussières sur les indicateurs d'anxiété, de dépression et de troubles du sommeil. À l'intérieur de cette photographie, les études épidémiologiques font apparaître des sous-groupes plus concernés. C'est le cas notamment des jeunes, et vous avez souhaité, je crois, que nous échangions plus particulièrement sur le sujet.
Deuxième élément de contexte, la mission qui m'a été confiée en 2019 s'inscrit dans la suite du lancement de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie, qui a bénéficié, depuis six ans, d'une mobilisation gouvernementale et financière sans précédent. Cette feuille de route a été enrichie en 2021 par les mesures issues des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, avec un engagement des directions d'administration centrale et des agences régionales de santé (ARS).
Je rappelle qu'elle comprend trois axes : promotion d'une bonne santé mentale et prévention ; offre de soins ; inclusion sociale.
Troisième élément de contexte, plusieurs principes directeurs président au déploiement de cette feuille de route, qui appelle des changements de paradigmes importants : la représentation des personnes concernées, leurs droits, la promotion du rétablissement, la construction de parcours coordonnés articulant prévention, soins et inclusion sociale, le développement d'approches pluridisciplinaires et collaboratives dans la mise en place de ces parcours, etc. S'y ajoutent des réformes de fond, certes assez techniques, comme celles qui touchent à la formation des professionnels de santé, au mode de financement ou aux autorisations.
Les résultats de cette feuille de route doivent évidemment s'apprécier à moyen et long termes. Cela ne signifie pas, bien au contraire, qu'il faille ignorer les urgences ou en différer le traitement. Un certain nombre de sujets de préoccupation majeure persistent. Celui des inégalités quantitatives et qualitatives dans l'offre, et de l'inadéquation entre les besoins et l'offre, en est le principal, mais on peut également citer les délais d'attente dans les centres médico-psychologiques (CMP), la saturation des urgences ou encore le découragement des équipes soignantes. Ces difficultés appellent également des mesures.
Il existe pourtant des raisons d'espérer : c'est l'un des messages que je viens porter devant vous aujourd'hui.
Le troisième tour de France réalisé par la délégation, plus particulièrement dédié à l'analyse du déploiement des projets territoriaux de santé mentale (PTSM), a montré que les choses bougent localement, que la dynamique d'innovation est importante dans les trois champs de la prévention, de l'offre de soins et de l'inclusion sociale.
Nous avons recensé ces actions dans un récent rapport disponible sur le site du ministère de la santé. Parmi les chantiers innovants identifiés, on trouve l'effectivité de l'« aller vers » et des dispositifs mobiles, la construction d'une gradation des soins, l'élargissement de l'accès aux soins psychologiques porté par les psychologues, le développement de nouveaux métiers, la mise en oeuvre du grand défi du numérique en santé mentale, l'intégration des pairs aidants professionnels dans les équipes de soins, les mesures d'anticipation en psychiatrie.
Quatrième, et dernier élément de contexte, notre approche ne peut se restreindre à améliorer l'offre de soins - c'est certes nécessaire dans un contexte de forte inadéquation avec les besoins, mais pas suffisant. Il nous faut aussi agir de façon très volontariste sur les déterminants de la santé mentale : violences subies, en particulier dans l'enfance ; situations de migration ; appartenance à des minorités ; précarité financière ; accès au travail, au logement, à la culture ou au sport.
Pour cela, une mobilisation interministérielle est nécessaire, ainsi qu'une mobilisation des collectivités locales et des acteurs économiques. Ce mouvement visant à agir sur les déterminants de la santé mentale a donc progressivement fait évoluer le portage de la feuille de route vers une approche beaucoup plus intersectorielle.
Les vents sont favorables, même si certaines situations restent évidemment très préoccupantes. Il faut maintenant amplifier la politique en faveur de la santé mentale et de la psychiatrie - le fait d'en faire une grande cause nationale le favorise - et donner à cette démarche un nouvel élan.
C'est une mobilisation collective qu'il faut engager en 2025, permettant un réel changement de braquet, avec, en parallèle, l'inscription de la politique en faveur de la santé mentale dans une ambition pluriannuelle clairement affirmée, transversale et interministérielle. Cette mobilisation fait écho à une forte dynamique internationale engagée sur le thème, comme en témoigne la programmation de certains événements par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
M. Jean Sol, rapporteur. - Les acteurs que nous avons entendus dans le cadre de nos travaux mettent en avant une dégradation constante de la santé mentale des filles âgées de 15 à 25 ans, et ce indépendamment de la crise sanitaire. Comment votre délégation prend-elle en compte ce cas spécifique ? Votre mission ayant démarré avant la crise sanitaire, avez-vous également mesuré une amplification des cas sur cette population ?
Plus généralement, nos politiques de prévention et de repérage doivent-elles être ciblées sur les catégories de populations les plus à risque ? Si oui, comment ? Doit-on, au contraire, les penser générales, considérant que les troubles psychiques nous concernent tous ?
Par ailleurs, votre délégation est rattachée au ministère de la santé et de l'accès aux soins. Nombre d'acteurs auditionnés, notamment les ARS, jugent la coopération avec l'éducation nationale insuffisante pour favoriser le repérage et l'accompagnement des jeunes atteints de troubles de santé mentale. Le renforcement du rôle de la santé scolaire figure-t-il parmi vos priorités ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Nos auditions ont en effet démontré une dégradation de la santé mentale, surtout chez les jeunes, concomitante à un manque de psychiatres et de pédopsychiatres. Les CMP, qui sont la pierre angulaire de la psychiatrie et, je pense, doivent le rester, sont débordés. Certains modes d'organisation des soins, comme les équipes mobiles, ont fait leurs preuves, permettant d'éviter certaines hospitalisations. Mais pour faire fonctionner tout cela, il faut du personnel. Comment pensez-vous résoudre ce problème ? Considérez-vous possible de renforcer les CMP avec des infirmiers en pratique avancée (IPA) spécialisés en psychiatrie ?
Les psychiatres que nous avons entendus, tout comme la Haute Autorité de santé (HAS), estiment qu'il n'y a pas de vrais parcours en santé mentale. Sur ce sujet, le dossier médical partagé (DMP) et la téléexpertise sont des pistes, mais il faut surtout, pour un meilleur accompagnement, une plus grande coordination avec le médecin généraliste. Celui-ci pourrait, s'il était informé des consultations de psychiatrie ou en CMP, se mettre en rapport direct avec le psychiatre référent. Ce serait un progrès.
Mme Céline Brulin, rapporteure. - Au cours des auditions dont mes collègues viennent de parler, il est ressorti que ni les associations d'usagers, ni les sociétés savantes, ni les associations gestionnaires de lignes d'écoute, ni même les ARS ne semblaient être associées à l'opération consistant à faire de la santé mentale une grande cause nationale en 2025. Ces acteurs craignent, de ce fait, que l'on en reste à une opération de communication - certes utile, du fait des enjeux réels de déstigmatisation des malades. Ils attendent beaucoup plus. Votre délégation travaille-t-elle en ce sens ? Des mesures concrètes sont-elles en préparation ?
Vous avez évoqué une stratégie nationale de prévention et d'accompagnement en préparation - attendue, je crois, pour juin 2025 - qui s'inscrirait dans la suite de la feuille de route, des Assises et de la décision de faire de la santé mentale une grande cause nationale. Qu'apportera cette stratégie ? Nous avons l'impression que les plans successifs ne changent rien à l'insuffisance de l'offre de soins. L'empilement de ces différents plans peut même laisser penser que ceux-ci n'ont pas toujours donné les résultats escomptés.
Enfin, le dispositif Mon soutien psy fait l'objet de critiques de la part de certains psychologues. Ces derniers évoquent notamment un risque de rupture de prise en charge des patients, à l'issue des consultations auxquelles le dispositif leur donne accès. De plus, ce dispositif ne cible que les personnes atteintes de troubles légers à modérés, alors que, compte tenu de l'ampleur des problèmes actuels de santé mentale, on sait que sont à traiter des cas beaucoup plus lourds.
M. Frank Bellivier. - J'ai oublié de signaler que j'étais accompagné par Mme Sylvaine Gaulard, secrétaire générale de la délégation à la santé mentale et à la psychiatrie, et par le Dr. Stéphanie Lafont-Rapnouil, conseillère au sein de la délégation, qui compléteront certaines de mes réponses si elles le jugent nécessaire.
S'agissant de la dégradation de la santé mentale des jeunes, nous disposons d'indicateurs assez fiables, montrant une grande vulnérabilité de ce sous-groupe révélée par la crise sanitaire. Depuis, nous ne constatons pas de dégradation, mais la situation ne s'améliore pas non plus : les indicateurs d'anxiété, de dépression, de troubles du sommeil et d'addiction restent relativement élevés, en particulier chez les jeunes.
Ce phénomène en population générale est à distinguer des constats en population clinique, à savoir : des situations de décompensation dépressive, anxieuse et de troubles des conduites alimentaires chez de très jeunes patients. Or ce phénomène était très rare avant la crise de la covid-19, et nous n'avons que des explications extrêmement partielles pour justifier cet 'accroissement.
Comment y répondre ? L'inadéquation de l'offre de soins dans le champ de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent préexistait à la crise sanitaire - c'était un des points d'alerte signalés dès sa prise de fonctions par Mme Agnès Buzyn en 2017 et ayant conduit au lancement de la feuille de route, avec un ensemble de mesures destinées à la prise en charge des jeunes. Dispositif des 1 000 premiers jours, stratégie multimodale de prévention du suicide, ... : je n'entrerai pas dans le détail, mais tout un pan de politiques publiques a été ouvert pour apporter des réponses à cette catégorie de population.
On vous a signalé une coopération insuffisante entre l'éducation nationale et les ARS, mais le problème est en réalité plus général. Les parcours de soins des enfants et des adolescents sont, par nature, multisectoriels et doivent mobiliser différents acteurs, issus des municipalités, des conseils départementaux ou encore de l'Éducation nationale. Notre troisième tour de France a révélé, dans ce domaine, un paysage assez contrasté, avec des exemples de coopération très réussie entre les ARS et les rectorats, là où, ailleurs, cette coopération patine.
Mais, dans la deuxième génération de projets territoriaux de santé mentale que nous sommes en train de lancer, priorité est donnée à la construction de parcours de soins pour enfants et adolescents, en lien avec les autres acteurs du secteur, et à la mobilisation des intervenants locaux, dans le cadre d'une approche multisectorielle. Cela concerne tout autant l'éducation nationale que l'aide sociale à l'enfance (ASE), la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et l'ensemble du secteur médico-social.
La question suivante portait sur les centres médico-psychologiques, le développement des équipes mobiles et l'essor de nouveaux métiers, comme les IPA ayant reçu une mention santé mentale, que nous avons évoqués. Nous continuons à soutenir la formation de ces professionnels, ce qui n'est pas franchement facilité par la démographie paramédicale. Il faut en effet identifier des infirmiers et infirmières prêts à s'engager dans ce parcours de formation, dans un contexte de pénurie importante.
Entre 2020 et 2024, le financement de la psychiatrie, prise au sens des soins en psychiatrie, a augmenté de 42 %. Cet accroissement a en particulier permis de renforcer les CMP adultes et infanto-juvéniles, à l'occasion du Ségur de la santé, puis des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Le manque d'effectivité immédiate de ces renforts témoigne de la difficulté à trouver des ressources humaines, à recruter des infirmiers ou des psychologues au sein de ces structures.
Sur la construction des parcours, la téléexpertise, la coordination et le rôle pivot du médecin généraliste, cette première ligne est en effet en cours de structuration dans le cadre de la dynamique générale de gradation de l'offre.
Le modèle que nous portons aujourd'hui repose, d'abord, sur une offre très accessible pour les troubles les plus fréquents et les moins graves. C'est un peu l'esprit du dispositif Mon soutien Psy, conçu comme un dispositif très captif pour le plus grand nombre. On l'articule fonctionnellement avec le soin conventionnel psychiatrique, qui est l'offre de secteur. Il ne s'agit pas d'une offre « hégémonique », en ce sens que d'autres structures peuvent proposer des soins dans les territoires ; pour autant, la psychiatrie de secteur reste le pivot de l'organisation territoriale. Enfin, un recours est prévu pour les cas les plus complexes et les plus difficiles à stabiliser, que ce soit en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ou en psychiatrie de l'adulte.
Tel est le modèle de gradation qui sera inscrit dans la deuxième génération de PTSM et dans lequel, en effet, la première ligne - celle du médecin généraliste - est tout à fait centrale.
Par ailleurs, nous sommes très en lien avec les différentes associations d'usagers ou de professionnels, lesquelles se sont regroupées, voilà maintenant un an et demi, au sein d'une communauté pour porter le plaidoyer de la grande cause nationale - ce projet de grande cause ne date en effet pas des annonces de M. Barnier, mais a été travaillé de longue date. Les propositions très structurées de ce collectif tout à fait légitime ont fait l'objet d'un document qui vous est peut-être parvenu ; leur programme d'actions pour l'année 2025 est d'excellente tenue et sera présenté au comité de labellisation, en vue de lui donner un maximum de visibilité.
Je vous confirme qu'une stratégie nationale est annoncée pour le mois de juin. Mais j'exprime une forme de désaccord par rapport à l'idée énoncée d'empilement des plans. Depuis ma nomination, j'ai survécu à dix ministres de la santé...
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous aussi !
M. Frank Bellivier. - Il me semble que la feuille de route, ainsi que la mobilisation des administrations centrales et des ARS, ont permis d'assurer une forme de continuité dans le portage de cette politique, dont les résultats, je le répète, doivent s'apprécier dans le temps moyen et dans le temps long.
Je n'ai pas encore d'orientation s'agissant des mesures qui seront annoncées. Mais j'imagine que l'on procédera comme pour les Assises, c'est à dire en enrichissant la feuille de route de 2018, qui n'est pas encore aboutie, ni sous l'angle de la réforme du mode de financement ni sous celui de la réforme des autorisations. C'est important de procéder ainsi - et c'est ce que je défends à chaque renouvellement ministériel - car cette feuille de route est bonne et a déjà porté ses fruits dans de nombreux points du territoire. L'enjeu est désormais de généraliser les innovations, d'organiser la coopération et le partage d'expérience entre territoires. Ce que nous défendons, c'est bien l'accélération et l'amplification des mesures en cours de déploiement, et non forcément des annonces totalement nouvelles.
Un mot sur le dispositif Mon soutien psy : il s'agit d'un dispositif de première ligne, proposant jusqu'à 12 séances d'accompagnement psychologique, pour des situations de souffrance psychique légère à modérée. En moyenne, sur près de 2 millions de consultations réalisées dans ce cadre pour environ 500 000 bénéficiaires, le nombre moyen de séances atteint 4,8. Ce nombre limité montre que le dispositif permet de répondre aux situations concernées. Pour autant, le dispositif n'a pas vocation à répondre aux cas de personnes souffrant d'un trouble psychique envahissant, où la prise en charge appelle des techniques tout à fait spécifiques et peut bien évidemment dépasser les 12 séances. Il s'agit, je le répète, d'un dispositif de première ligne, en lien étroit avec la médecine générale.
Nous travaillons, depuis déjà quelques années, à la construction de la brique suivante : la solvabilisation par l'assurance maladie des modules de psychothérapie spécifiques pour les personnes porteuses d'une pathologie psychique. Pour cette deuxième brique, il sera nécessaire de spécifier les besoins du secteur sanitaire et du secteur médico-social en matière de psychothérapie ; puis de sélectionner les psychologues disposant des expertises nécessaires - donc de créer une forme de nomenclature d'actes requis pour un certain nombre de pathologies psychiques- ; enfin, en lien avec l'enseignement supérieur et la recherche, de créer des cursus de formation de psychologues dits « en santé ».
C'est la démarche qu'il est prévu de construire pour satisfaire ce besoin crucial de l'accès des personnes porteuses d'une pathologie psychique aux modules de psychothérapie pris en charge par l'assurance maladie.
Mme Jocelyne Guidez. - Je souhaite évoquer les troubles du neurodéveloppement (TND). Les jeunes enfants sont diagnostiqués de plus en plus tôt - c'est plutôt une bonne chose -, mais des adolescents et de jeunes adultes sont encore laissés dans la nature et diagnostiqués très tardivement. Étudiez-vous ces cas ? Comment comptez-vous avancer sur le sujet ?
M. Khalifé Khalifé. - Vous avez cité les IPA spécialisés, mais les instituts de formation d'infirmiers en psychiatrie ont été fermés. Comment comptez-vous combler le manque crucial d'orientations qui en découle ?
En matière de parcours du patient, mes remarques sont de trois ordres. J'aimerais mentionner les expériences très positives qui ont été menées sur le suivi à domicile de certaines urgences psychiatriques : elles ont permis d'éviter des hospitalisations. Par ailleurs, que pensez-vous de la sectorisation en psychiatrie, qui est totalement inadaptée ? Enfin, quid de la prise en charge des patients psychiatriques chroniques et vieillissants, qui, dans un secteur dynamique, embolisent des lits. Avez-vous prévu de modifier ce type d'hospitalisations ?
Mme Véronique Guillotin. - Dans le rapport de la mission d'information sénatoriale sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, la santé mentale apparaît comme un axe important, la première cause de décès de la mère dans l'année suivant l'accouchement étant le suicide.
Aux États-Unis, une stratégie nationale prend en compte un repérage précoce des vulnérabilités, une politique des 1 000 jours labellisée, un renforcement de la protection maternelle et infantile (PMI), un retour accompagné et un questionnaire EPDS pour tous les professionnels de santé. Une telle stratégie peut-elle s'intégrer dans la feuille de route ?
L'entretien postnatal précoce, prévu entre la quatrième et la huitième semaine, est normalement obligatoire. Il est réalisé à 15 %. La seule différence qui pourrait expliquer ce faible taux, par rapport à l'entretien prénatal précoce, est l'écart de remboursement - 100 % pour l'entretien prénatal contre 70 % pour l'entretien postnatal. Ne serait-il pas nécessaire de porter ce taux à 100 % ?
Mme Anne Souyris. - Vous dites avoir vu passer dix ministres. Comment la situation a-t-elle réellement évolué au cours de ces années ? J'étais adjointe à la maire de Paris chargée de la santé pendant et juste après la crise de la covid-19, et j'ai tout de même constaté une dégradation certaine, avec, notamment, 40 % de tentatives de suicide en plus chez les jeunes. Comment répond-on à cette urgence, au-delà du dispositif Mon soutien psy ? À cet égard, le fait que les bénéficiaires s'arrêtent au bout de cinq consultations ne signifie pas qu'ils n'ont pas besoin d'un suivi plus important, sachant qu'il y a tout de même des situations intermédiaires entre le trouble léger et la bipolarité. Avez-vous analysé les causes de l'augmentation de ces problèmes de santé ? Votre plan prévoit-il un point spécifique sur les addictions ?
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Parlons santé mentale ! Plus qu'un slogan, c'est une ambition pour notre société. Faire de la santé mentale une grande cause nationale pour 2025 est une bonne chose, car la lecture de certaines études a de quoi inquiéter. Je pense à la conclusion d'une étude de Nightline Europe, réseau de près de trente services d'écoute d'étudiants, qui indique que les jeunes Français sont plus nombreux à évoquer le suicide qu'ailleurs sur le continent. La santé mentale des étudiants peut-elle à terme tuer plus que le virus de la covid-19 ?
M. Jean-Luc Fichet. - Avant d'aborder mes questions, je tiens à signaler que la pénurie actuelle d'antipsychotiques, qui est très sévère, engendre beaucoup d'inquiétude chez les malades.
Je souhaite surtout vous interroger sur la souffrance dans la maladie mentale. Cette souffrance, parce qu'elle n'est presque pas palpable, est très peu reconnue et soutenue. L'environnement ne comprend pas toujours, même souvent, la maladie mentale et cela peut être un facteur aggravant. Sans doute faut-il imaginer d'autres manières d'accompagner les malades, notamment avec des établissements et institutions adaptés pour cela. Mais nous en sommes loin !
Je termine en évoquant, évidemment, la question des déserts médicaux et des grandes difficultés des territoires à répondre aux besoins. Vous l'avez dit : c'est parfait d'accroître les financements de 42 %, mais si on ne peut pas mobiliser les crédits parce que l'on manque de professionnels, cela ne sert à rien !
Mme Corinne Imbert. - Je voudrais centrer mon intervention sur l'accès aux soins pour les enfants et adolescents confiés à l'ASE. Où en sont les expérimentations Santé Protégée et Pégase, qui se sont déroulées dans quelques départements entre 2019 et 2024 ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les orientations qui pourraient possiblement être arrêtées en 2025 ? Eu égard au rôle central du médecin généraliste, du pédiatre ou du psychiatre, comment ces jeunes confiés à l'ASE pourront-ils être accompagnés ?
Je rejoins mon collègue Khalifé Khalifé sur la question des IPA ayant la mention psychiatrie et santé mentale. Combien y en a-t-il ? Combien de personnes pourraient s'engager dans la formation ? Qu'en est-il de sa durée et de son coût ?
M. Frank Bellivier. - Le sujet des TND des adultes n'est pas du tout négligé dans la feuille de route. Notre coopération avec la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement a d'ailleurs été renforcée. Elle se traduit par l'équipement des unités de soins conventionnelles en psychiatrie en moyens de repérage et de diagnostic. La question du passage à l'âge adulte est un autre enjeu important pour la structuration du parcours de ces patients. En tout cas, cette question n'est pas du tout absente de nos travaux.
Ce rapprochement se concrétisera dans la deuxième génération de PTSM. Même si l'on en connaît les raisons, on comprend mal pourquoi les politiques publiques liées aux TND ont été sorties de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie. Il faudra bien que tout cela se rejoigne, notamment au niveau très local, où les structures consultées pour des troubles du neurodéveloppement diagnostiquent des comorbidités psychiatriques, et inversement. Il faut donc, non pas faire en sorte que les professionnels se parlent - c'est le cas -mais formaliser les partenariats.
S'agissant des IPA, j'ai cru entendre une certaine nostalgie des infirmiers spécialisés en psychiatre...
M. Khalifé Khalifé. - Ce n'est pas une nostalgie !
M. Frank Bellivier. - A priori, il n'est pas envisagé de revenir sur cette évolution du métier d'infirmier, reposant désormais sur une formation généraliste, enrichie de spécialisations. En revanche, pour les infirmiers et infirmières s'orientant vers la psychiatrie, sont prévus des modules d'intégration beaucoup plus formalisés et musclés. Je précise que la formation généraliste des infirmiers a aussi son importance dans le champ de la psychiatrie, pour la prise en compte des comorbidités somatiques des malades mentaux.
Par ailleurs, une priorité est affichée, au niveau de la feuille de route, du déploiement des projets territoriaux de santé mentale et du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (Fiop), pour les dispositifs alternatifs au passage aux urgences et à l'hospitalisation : équipes mobiles de crise, centres de crise, consultations d'urgence au CMP.
Je ne crois pas avoir le temps de présenter un tableau complet de la sectorisation. J'indiquerai simplement que le secteur est le pivot de l'organisation territoriale des soins spécialisés en psychiatrie, et qu'il n'est pas question de le remettre en question. Néanmoins, l'offre proposée est extrêmement hétérogène, sans que l'on ne comprenne réellement pourquoi. Il faut donc revoir les standards de prise en charge, en les adossant aux recommandations de bonnes pratiques et aux données probantes.
La sectorisation est un système tout à fait vertueux, garantissant une correspondance entre un territoire et une offre. Ce système a simplement dérivé, du fait d'un pilotage insuffisant, et d'organisations et techniques de soins à la main des chefs d'établissements et des chefs de service, sans référence aux données probantes. Les réformes du mode de financement et des autorisations instaurent des outils de pilotage, qui devraient permettre la convergence de l'offre vers des standards de prise en charge. Tout cela est aussi inscrit dans la deuxième génération de PTSM.
S'agissant de la production de données probantes, je vous renvoie au programme que la HAS vient de publier. Dans ce programme ambitieux, est prévu un travail assez soutenu de production de recommandations et de bonnes pratiques pour les disciplines qui nous intéressent.
Des expérimentations tout à fait intéressantes ont par ailleurs cours en matière d'hospitalisations inadéquates. Elles ont vocation à être généralisées.
Enfin, des projets pilotes de prise en charge par des structures médico-sociales de patients hospitalisés depuis plus de 150 jours ont montré qu'en confiant la question du projet et du parcours à des équipes ayant la compétence pour cela - c'est à dire des équipes médico-sociales, qui sont, par exemple, en lien avec des bailleurs sociaux -, on trouve des solutions que le secteur sanitaire n'avait pas trouvées. Quand j'évoquais, en introduction, les approches intersectorielles de construction de parcours, c'est typiquement à ce genre de situations que je faisais référence.
Je n'ai pas beaucoup d'éléments à ajouter au sujet de la périnatalité. Au travers de l'appel à projets de remise à niveau de l'offre en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, l'offre a pu être accrue de manière significative. Je pense que le taux de 15 % de mères bénéficiant de l'entretien postnatal précoce marque un début, mais j'avoue que je n'avais pas dans le viseur la question de solvabilisation.
En tout cas, des marges de progrès existent pour mobiliser l'ensemble des acteurs du parcours périnatal - sages-femmes, pédiatres, pédopsychiatres - afin de toucher un pourcentage plus important de mères, en s'efforçant de viser plus particulièrement les mères ayant des indicateurs de vulnérabilité.
La périnatalité me semble donc avoir été l'un des domaines qui se sont le plus significativement développés au cours des dernières années : au soutien financier apporté par les appels à projets, se sont ajoutés des projets financés par le Fiop, ainsi que le dispositif des 1 000 premiers jours.
J'ai été interrogé sur les interprétations que nous pouvions avoir de la dégradation de la santé mentale des jeunes à partir de la crise de la covid-19. Celles-ci ne sont pas univoques, mais nous pouvons parler d'un ensemble multifactoriel, avec une dégradation de la situation économique des familles et des thématiques comme le contexte de guerre proche ou les préoccupations écologiques qui circulent fortement chez les jeunes. Les périodes de confinement ont par ailleurs été des périodes de forte consommation de réseaux sociaux, lesquels diffusent en boucle des contenus angoissants. Mais le facteur qui me paraît le plus important - facteur corrélé à l'utilisation des écrans -, c'est le dérèglement des rythmes circadiens et les troubles du sommeil. Nous avons enfin des raisons de penser que les indices de violences intrafamiliales se sont accrus pendant la période, liés à l'augmentation de l'addiction chez les parents. S'ajoute à cela la perte des rythmes scolaires, de loisirs et de sociabilité. Enfin, quelques études suggèrent que le virus, qui est neurotrope, ait eu un effet propre dans certains cas.
L'enjeu du traitement des addictions, en particulier de l'articulation entre acteurs de la prévention et de l'offre de soins dans ce champ, figure dans la feuille de route et sera intégré, au niveau local, dans la prochaine génération des PTSM. Il s'agit, évidemment, d'un déterminant très important de la santé mentale, à la fois des patients souffrant de troubles psychiques, qui ont des niveaux de comorbidités addictives très élevés, et de la population générale.
J'en viens aux moyens de répondre à l'accroissement des conduites suicidaires, plus particulièrement chez les jeunes. Nous disposons en France d'une stratégie multimodale de prévention du suicide tout à fait complète. Le numéro 3114, disponible sans interruption, est désormais ouvert aux mineurs - une ouverture qui n'avait rien de trivial sur le plan technique et légal du fait de l'autorisation parentale. De même, bon nombre des plateformes VigilanS, dispositif de prévention de la récidive suicidaire ayant permis une réduction de 38 % de la réitération suicidaire à un an, sont également ouvertes aux mineurs. Les autres lignes d'écoute, dont Nightline, jouent aussi un rôle très important.
S'agissant des chiffres, le numéro 3114 enregistre 300 à 400 appels par jour et le dispositif VigilanS a comptabilisé 41 000 inclusions de suicidants en 2024. L'effet de ces stratégies de prévention est assez massif.
Je souhaite également mentionner la formation au secourisme en santé mentale, dispositif « citoyen » ayant vocation à mobiliser le plus grand nombre. Les modules de formation à destination des jeunes sont en cours de mise au point.
Je n'ai pas d'explication technique à vous fournir quant aux problèmes de production et de disponibilité des antipsychotiques. Je crois que ces problèmes sont en train d'être corrigés et, dans l'intervalle, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a élaboré une recommandation pour guider les prescripteurs dans des prescriptions alternatives.
L'essentiel a été dit sur l'accès aux soins pour les publics vulnérables, en particulier les publics de l'ASE. Ce sujet est considéré comme prioritaire. Au-delà des deux expérimentations Santé Protégée et Pégase, qui seront généralisées en 2026, notre tour de France nous a permis de découvrir d'autres dispositifs dédiés à l'appui aux structures ASE, sous forme d'équipes mobiles. Ces dispositifs, tout à fait probants, ont aussi vocation à être généralisés.
Enfin, ce qui est intéressant dans la formation des IPA, c'est la cinétique constatée année après année : peut-être n'est-elle pas exponentielle, mais elle est encourageante. Elle s'accompagne d'une mobilisation des universités pour ouvrir des formations. Ce mouvement est donc enclenché, avec des retours d'expérience très positifs.
Une limite a été signalée dans ce développement, à savoir l'absence d'accompagnement financier des formations. Ce problème a été réglé : les crédits de remplacement sont désormais alloués aux établissements, qui bénéficient également d'un emploi supplémentaire au retour de formation de l'IPA, afin que celui-ci ne retourne pas dans son poste d'origine, ce qui est incohérent. L'accompagnement s'est donc amélioré.
Mme Annick Petrus. - La santé mentale dans les outre-mer est un sujet à la fois urgent et structurel. Urgent, car la crise de la covid-19 a agi comme un révélateur, accélérant la détresse psychique de nombreuses personnes, en particulier les plus jeunes. Structurel, car cette crise est inscrite dans un système déjà profondément inégalitaire. La réalité dans nos territoires est une offre de soins sous-dimensionnée, des professionnels trop peu nombreux et des conditions d'accès aux soins psychiatriques souvent dégradés.
Dans un éditorial paru en 2022 dans L'Information Psychiatrique, le docteur Stéphane Amadéo rappelle que le nombre de psychiatres pour 100 000 habitants varie entre 7 et 14 dans les outre-mer, contre 22,5 en France hexagonale et jusqu'à 170 à Paris. Cet écart résume à lui seul la profondeur de l'inégalité.
La dispersion géographique, le manque de structures d'hospitalisation, l'éloignement, le coût de l'évacuation sanitaire et l'insuffisance du maillage associatif rendent la réponse encore plus complexe.
Plusieurs territoires ont engagé des dynamiques positives comme la Martinique, avec ses équipes mobiles, ou la Polynésie, avec sa stratégie communautaire. Mais elles sont souvent fragiles, faute d'un soutien pérenne de l'État.
J'en viens à mon territoire : alors même qu'il connaît une grande misère sociale, il doit faire avec des services déstructurés à l'hôpital Louis Constant Fleming et une très grande difficulté en matière de prise en charge. Les personnes les plus aisées peuvent obtenir ailleurs un suivi médical, mais les autres s'enfoncent dans leur maladie. La pédopsychiatrie est quasi inexistante.
L'accompagnement psychologique des jeunes est l'un des angles morts de notre politique de santé. Le Gouvernement prévoit-il une réponse nationale, différenciée, ce qui suppose des moyens, une stratégie de formation locale, l'appui aux associations, le renforcement de la télémédecine et un véritable partage politique interministériel ? La santé mentale n'est pas qu'une affaire de soins, c'est aussi une affaire de cohésion sociale, de justice territoriale et de dignité humaine.
Mme Annie Le Houérou. - Les maires sont très souvent confrontés à des situations de détresse psychologique et de vulnérabilité liées à des pathologies psychiatriques. À l'issue de votre troisième tour de France, vous avez probablement relevé de bonnes pratiques et parlez d'un nouvel élan. Je suis pour ma part très inquiète, car nous manquons de psychiatres et d'infirmiers spécialisés. Quelles sont vos préconisations pour améliorer l'accès aux soins sur nos territoires à court terme ?
Mme Laurence Muller-Bronn. - Le rapport de l'OMS du 16 juin 2022 précise que l'impact de la covid-19 sur la santé mentale ne doit pas être sous-estimé. Les confinements stricts et les couvre-feux se sont succédé durant deux ans en France. Nous sommes l'un des pays qui a pris les mesures les plus sévères. La Suisse ou l'Allemagne ont eu des confinements beaucoup plus courts et ont mis en place des pass sanitaires beaucoup plus tolérants. Les pathologies déclenchées ou accentuées par ces politiques nécessitent aujourd'hui une prise en charge sur le long terme, particulièrement pour les plus jeunes.
En mars 2023, le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) a publié des chiffres inquiétants sur la surconsommation de psychotropes durant la crise de la covid chez l'enfant, hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Les prescriptions ont explosé durant l'année 2021 : plus 224 % pour les hypnotiques, des somnifères apparentés aux benzodiazépines, et plus 23 % pour les antidépresseurs. Deux ans plus tard, où en sommes-nous sur le nombre de ces prescriptions ? Quel est le risque de dépendance pour les enfants et les adolescents sous traitement ?
Vous l'avez évoqué, une trop forte consommation des réseaux sociaux peut troubler les enfants et les adolescents. Depuis deux ans, nos concitoyens sont de nouveau exposés à une communication anxiogène, cette fois-ci sur le thème de la guerre et de l'effort de guerre. Ces messages répétés ne risquent-ils pas d'aggraver la santé mentale, déjà fragilisée par les années covid, de nos concitoyens, notamment des plus jeunes ? Existe-t-il des chiffres sur les comportements suicidaires, y compris parmi les professionnels de santé ?
Mme Laurence Rossignol. - Nous avons bien compris qu'il existait des dispositifs, des réseaux, des feuilles de route, etc. Mais en vous écoutant, je me suis demandé ce que j'allais bien pouvoir extraire de cette matinée pour les parents qui viennent nous voir et dont les enfants sont atteints de troubles divers ou font des tentatives de suicide ? Toutes ces familles sont démunies face au manque de prise en charge. Personne ne les aide.
La question de la santé mentale, c'est aussi le soutien qu'il convient d'apporter aux familles. À combien évaluez-vous le nombre de lits nécessaires aujourd'hui en France métropolitaine et dans les départements ultramarins pour répondre à la demande en pédopsychiatrie ?
Ma deuxième question est plus facile : la France doit-elle défendre au niveau européen, en particulier devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), l'idée que l'accès aux réseaux sociaux et aux plateformes diffusant des contenus pornographiques est, non pas une question de liberté de création et d'entreprise, mais bien une question de santé publique ? En matière d'accès aux smartphones, il est indispensable de prendre des mesures non pas de régulation, d'incitation ou de formation des parents, mais de stricte interdiction d'accès aux mineurs et de limitation des contenus accessibles dans notre pays.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Vous êtes en poste depuis 2019. Vous avez connu dix ministres de la santé. Vous affirmez que l'heure est à l'accélération. C'est plutôt une bonne nouvelle pour toutes ces familles de jeunes adultes ou d'adolescents souffrant de TND - ils sont la plupart du temps non diagnostiqués - et présentant des pathologies associées, qu'il s'agisse de troubles du spectre de l'autisme (TSA) ou de troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
En secteur rural, nous sommes de plus en plus confrontés à ce genre de problématiques. En tant que maire, je n'ai constaté l'émergence d'aucune dynamique sur mon territoire. Avez-vous des propositions spécifiques pour la ruralité ? Vous évoquez le déploiement massif du secourisme en santé mentale. Je n'en avais pour ma part jamais entendu parler. Existe-t-il un plan de communication auprès du grand public pour ce type de secourisme ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je suis un peu perplexe : j'ai l'impression que plus on parle de santé mentale, moins on avance. Dans le Pas-de-Calais, où j'habite, l'hôpital de Lens n'a plus de pédopsychiatre : 2 500 enfants sont concernés. Les familles ne savent plus comment faire pour trouver un rendez-vous. Dans les territoires sous-denses comme le mien, le site de la caisse primaire d'assurance maladie propose bien un annuaire listant les professionnels, mais celui-ci est toujours indisponible - on se doute bien pourquoi...
Ma collègue a évoqué les difficultés rencontrées en secteur rural : nous avons les mêmes en ville. Sur l'invitation d'Alain Milon, j'ai participé à une matinée : j'ai été atterrée par les chiffres qui nous ont été communiqués. Un jeune adulte sur deux âgés de 16 à 29 ans présente des troubles de dépression en France ! Notre pays compte 6 000 morts par suicide par an, c'est même la première cause de décès chez les jeunes de 15 à 29 ans. Je savais que la situation était grave, mais je ne m'attendais pas à de tels chiffres.
Nous sommes dans la situation du chien qui se mord la queue : comment faire si nous n'avons pas davantage de pédopsychiatres et de psychiatres ? Selon vous, combien faudrait-il former de professionnels pour être au niveau du plan annoncé ? Au cours de nos réunions, l'accent a souvent été mis sur le manque d'innovation en santé mentale, aussi bien en matière de diagnostic que de thérapeutique. Cet aspect est-il pris en compte dans vos préconisations ?
Mme Marie-Pierre Richer. - La semaine dernière, dans le cadre du groupe d'études Handicap, nous avons auditionné des acteurs des groupes d'entraide mutuelle (GEM). Ils sont assez méconnus, mais cette audition a conforté l'idée qu'ils avaient un rôle indispensable à jouer en faveur de la santé mentale et, au-delà, de la psychiatrie. Nous avons eu en face de nous des personnes engagées, qui souhaitent également développer des GEM jeunes. Elles estiment que les GEM ne sont pas assez présents ou représentés dans les PTSM et qu'ils ne sont pas reconnus au sein des ARS. Partagez-vous ce constat ? Comment pouvons-nous mieux les accompagner pour qu'ils prennent toute leur place ?
Mme Marion Canalès. - La France peut-elle continuer à organiser les soins sans consentement, notamment à l'égard des patients mineurs ? Ce dossier est-il étudié ? Fait-il l'objet d'un axe particulier ?
M. Alain Milon. - J'ai assisté hier à la présentation de la campagne tarifaire des ministres Mme Vautrin et M. Neuder : 400 millions d'euros supplémentaires sont mis sur la table pour la psychiatrie, dont 100 millions pour la pédopsychiatrie. Malgré ces sommes relativement importantes, les élus éprouvent une sorte d'angoisse permanente au sujet de la santé mentale de nos concitoyens. Vous avez parlé de la sectorisation : elle date tout de même des années 1970-80. Or certains secteurs sont plus performants que d'autres. Idem pour les PTSM, comme vous l'avez reconnu en introduction. Les conseils locaux de santé mentale (CLSM) existent également depuis plusieurs années maintenant. Je viens de relire un article : ils ne couvrent que 20 millions de nos concitoyens, alors que notre pays compte 70 millions d'habitants. Ma question est donc simple : où sont les freins ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Quel travail de réflexion menons-nous sur un mal bien français, la surprescription de médicaments, des antidépresseurs jusqu'aux psychotropes ? Ce phénomène, qui a connu son acmé pendant la crise sanitaire, était déjà bien présent avant. Notre pays figure parmi les plus gros consommateurs, comme en attestent plusieurs études européennes. Comment appréhendez-vous ce problème, d'autant que cette surconsommation engendre parfois des addictions ?
En France, on prescrit - ne soyons pas dupe, il y a aussi un lobby derrière - faute de soigner. Vous annoncez que le dispositif Mon soutien psy a déjà bénéficié à 500 000 personnes : c'est la preuve qu'au-delà des problèmes d'orientation et de parcours, la solvabilisation est bien un aspect sur lequel il importe de travailler. Pourquoi ne conventionnons-nous pas les psychologues ? Consulter ces professionnels devrait pouvoir faire l'objet d'un remboursement.
La surprescription s'explique aussi par la pénurie de professionnels. Nous avons attendu que la situation soit dramatique pour prendre le problème au sérieux. Pendant des décennies, la psychiatrie - avec la gériatrie et, dans une moindre mesure, la pédiatrie - a été le parent pauvre de la médecine : la remontée sera forcément lente. Que comptez-vous faire pour réduire ce problème et faire en sorte que nous ne restions pas le plus mauvais élève en Europe ?
M. Frank Bellivier. - Les outre-mer concentrent en effet plusieurs des facteurs de vulnérabilité que j'ai évoqués en introduction. Pour avoir suivi la manière dont se déployaient les projets territoriaux de santé mentale en outre-mer - Martinique, Guadeloupe, Guyane et Mayotte -, je peux dire que ces territoires ont su développer des modes organisationnels très communautaires, susceptibles malgré tout d'apporter des réponses.
Je pense, en particulier, à la mise en place des médiateurs en santé mentale en Guyane, qui peut être très inspirante. J'ai évoqué dans mon propos liminaire la mobilisation des nouveaux métiers : c'est à ces dispositifs de première ligne que je faisais référence. La télémédecine, qui s'est développée sur l'ensemble du territoire national, me paraît également devoir constituer une bonne solution pour les outre-mer.
Quoi qu'il en soit, ces réponses spécifiques sont plutôt apportées par les organisations locales. Je crois d'ailleurs beaucoup à la créativité et à la mobilisation des acteurs des PTSM, plus encore dans les territoires ultramarins. Pour faire face à la pénurie de soignants, organisation et coopération entre les différents secteurs pour des parcours continus sont un élément crucial.
En tout état de cause, nous nous efforçons de soutenir ces territoires particulièrement vulnérables : le volet outre-mer est présent dans chacune des actions de notre feuille de route. Nous veillons également à ce que les instruments financiers de soutien à l'innovation bénéficient aussi aux territoires ultramarins.
La question suivante portait sur la mobilisation des collectivités territoriales. Nous sommes à un moment de l'histoire où les élus, notamment des municipalités - je fais référence à l'appel de Nantes, qui constitue une évolution assez intéressante -, ont manifesté un intérêt et ont identifié le rôle qu'ils pouvaient jouer dans la construction des PTSM.
Au-delà de l'appel de Nantes, la mobilisation des élus s'incarne évidemment dans les conseils locaux de santé mentale, dont nous soutenons fortement le déploiement, en lien avec le Centre collaborateur français de l'Organisation mondiale de la santé (CCOMS) pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille. Pourquoi seulement 20 millions de nos concitoyens sont-ils concernés par un CLSM ? Tout simplement parce que la dynamique d'installation est à la main des élus. Nous faisons de la publicité, nous encourageons les initiatives des conseils locaux de santé mentale, mais nous ne pouvons pas massifier la démarche, même si la cinétique de création me paraît plutôt bonne. Pour que cela fonctionne, il faut que ce soit une initiative de l'élu local.
J'en viens aux pénuries de personnel et à l'attractivité des métiers. La réponse que nous pouvons apporter à cette problématique tient dans la gradation des soins et la qualité de ces soins. Les soignants quittant l'hôpital font état d'une perte de sens de leur métier ; ils restent beaucoup plus quand ils travaillent dans des organisations vertueuses. Il faut donc améliorer les organisations et la qualité, mais également encourager la coopération entre le secteur sanitaire et les autres secteurs.
S'agissant de la consommation de psychotropes, je voudrais indiquer publiquement que l'interprétation donnée par le rapport du HCFEA est très approximative et que les conclusions manquent de sérieux. L'accroissement de la consommation de psychotropes en France est réel. Mais sans analyse plus détaillée, on aura du phénomène une compréhension erronée, comme c'est le cas dans ce rapport.
Il faut commencer par distinguer la catégorie des benzodiazépines, véritable cancer français. Nous connaissons les déterminants de la prescription de ces produits : c'est un phénomène systémique, ancien, connu, contre lequel nous essayons de lutter. Dans un contexte de dégradation de la santé mentale, ce cancer se propage évidemment dans la population générale, comme chez les jeunes. Or nous avons toutes les raisons de penser que ces prescriptions sont inappropriées.
Pour comprendre le phénomène lié aux antidépresseurs, avec des prescriptions parfois également inappropriées, il faut s'intéresser à l'épidémiologie des troubles anxieux et dépressifs, qui sont une indication connue et validée pour ces médicaments, y compris chez les adolescents. Il n'existe probablement pas de distorsion entre l'accroissement de la prévalence de ces troubles et celui de la prescription des antidépresseurs. Les conclusions du rapport me semblent donc hâtives pour cette catégorie précise.
Les antipsychotiques et régulateurs de l'humeur font l'objet de prescriptions très spécialisées et je ne vois pas comment un médecin généraliste en viendrait à prescrire de tels médicaments à un adolescent. Il me semble donc abusif d'envisager ces prescriptions comme inappropriées, et l'on sait que, depuis la crise de la covid-19, nous enregistrons des états de décompensation, en particulier chez les jeunes. Là encore, je ne crois pas à une forte distorsion entre l'augmentation de la prescription de ces médicaments et celle de la prévalence des troubles.
Le HCFEA fait également ses choux gras avec les prescriptions de méthylphénidate, qui, selon lui, exploseraient. Mais, au moment où l'on déploie autant d'efforts pour diagnostiquer les troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, ne faut-il pas considérer cet accroissement de prescriptions comme une bonne nouvelle ?
Mme Laurence Rossignol. - Comment expliquez-vous l'augmentation de tels troubles chez les enfants ?
M. Frank Bellivier. - Il y aurait peut-être, selon les études épidémiologiques, une hausse des cas. Mais ce qui augmente surtout, c'est l'accès aux soins, et c'est une bonne nouvelle !
J'ai été interrogé sur les conduites suicidaires des professionnels de santé, dont on sait depuis longtemps qu'ils font partie des professions les plus à risque. La santé mentale des soignants fait l'objet de beaucoup d'attention et les hôpitaux sont en train de déployer le secourisme en santé mentale pour améliorer le repérage, y compris au sein de cette population. Il existe enfin des dispositifs qui lui sont dédiés, comme la campagne « En parler, c'est déjà se soigner ».
Concernant le nombre de lits nécessaires en pédopsychiatrie, certaines régions n'étaient en effet pas dotées en lits. Des correctifs ont été apportés dans le cadre de l'appel à projets de remise à niveau de l'offre en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. Cela étant, je ne suis pas certain - sauf dans certaines régions et notamment en pédopsychiatrie - que, pour résoudre l'inadéquation entre l'offre et les besoins, il faille forcément ouvrir des nouveaux lits, notamment du fait de la priorité que l'on souhaite donner aux prises en charge ambulatoires et communautaires. Le recours à l'hospitalisation, en comparaison d'autres pays européens, demeure excessif, ce pourquoi nous cherchons à développer des dispositifs alternatifs, que les représentants des patients et des familles appellent d'ailleurs de leurs voeux.
La feuille de route « écrans » prévoit une interdiction de consommation d'écrans en dessous d'un certain âge, et une sensibilisation des parents à la régulation de la consommation d'écrans de leurs enfants. J'ignore si une politique nationale peut intervenir sur des systèmes sur lesquels il me semble que nous n'avons pas la main, mais je ne suis pas spécialiste de ce sujet.
Mme Stéphanie Lafont-Rapnouil, conseillère à la délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie. - En complément, la stratégie de protection de l'enfant face aux écrans est menée au niveau européen sur le sujet de la régulation, et en particulier des algorithmes. Des travaux sont en cours et un sommet aura lieu en Pologne en mai sur ce sujet. La délégation générale de la santé et le haut-commissariat à l'enfance sont mobilisés.
M. Frank Bellivier. - Sur l'accès aux soins des enfants et des adolescents en ruralité, lors de notre tour de France, nous avons repéré des initiatives intéressantes pour mieux couvrir les besoins des territoires ruraux. Certaines maisons des adolescents ont des équipes mobiles pour couvrir les besoins éloignés des centres urbains et ce dispositif a vocation à se généraliser. La future instruction sur les PTSM s'articulera par ailleurs avec la feuille de route du mal-être agricole qui se déploie chez les adultes et qui aura un effet, par ruissellement, sur la situation des enfants et des adolescents en ruralité. Dans la construction de ces parcours enfants et adolescents qui seront prioritaires dans la prochaine génération de PTSM, la mobilité et l'aller-vers dans les territoires ruraux font partie des réponses que l'on promouvra.
Le secourisme en santé mentale est un dispositif citoyen qui nous vient d'Australie, dont les modules de formation ont été validés par l'association PSSM France. Nous soutenons le déploiement du secourisme en santé mentale depuis plusieurs années. Cela consiste à former nos concitoyens au repérage, à encourager la prise de parole sur des situations de souffrance psychique, et à opérer à une médiation de la personne qui ne va pas bien vers les ressources qui aident. Ce sont des personnes ressources dans des communautés, par exemple en milieu professionnel ou au sein d'un quartier, qui sont en capacité de faire ce repérage et cette médiation. Ce dispositif rencontre un vrai succès : il existe près de 200 000 secouristes aujourd'hui. Un module à destination des jeunes a vocation à se développer en coopération avec l'éducation nationale.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Et tout cela en 2025 ? La ruralité, l'aller-vers, le secourisme en santé mentale... vous annoncez des choses, mais à quel horizon ?
M. Frank Bellivier. - Le secourisme en santé mentale se déploie depuis trois ans et nous prévoyons de poursuivre son développement. La ruralité sera traitée dans la prochaine génération de PTSM. Comme je l'ai indiqué, la reformulation de l'offre s'inscrit dans le temps long.
Les MDA ont été assez fortement renforcées et vont continuer à l'être. Concernant le suicide chez les jeunes, j'ai déjà mentionné l'ouverture de la stratégie multimodale de prévention du suicide aux mineurs. Au travers du déploiement des formations en compétences psychosociales en lien avec l'Éducation nationale et du secourisme en santé mentale, nous espérons opérer une meilleure prévention du suicide en général et en particulier chez les jeunes. Nous restons, malgré le pic de la crise de la covid-19, dans une tendance baissière : il y avait 12 000 morts par an il y a une quinzaine d'années et nous sommes aujourd'hui à 9 000, notamment grâce aux effets de cette stratégie multimodale.
Nous sommes membres du « fan club » des GEM : nous les soutenons beaucoup et contribuons à la création de nouveaux GEM. Cette communauté porte une parole extrêmement importante et nous les associons à nos groupes de travail. Ils sont en train de faire un tour de France pour dresser un bilan des GEM et j'aurai moi-même un déplacement en juin au GEM de Lannion.
Nous sommes engagés dans un accompagnement des établissements pour réduire les soins sans consentement, le recours à l'isolement et à la contention. Ce sujet est difficile compte tenu de l'hétérogénéité du recours à ces pratiques. Certains territoires les utilisent très peu voire pas du tout, et d'autres y ont massivement recours. Nous en faisons donc avant tout un enjeu de doctrine, de formation et d'accompagnement des équipes soignantes. Les alternatives au recours à l'hospitalisation (centres de crise, équipes mobiles de crise) visent justement à éviter qu'une situation qui s'acutise se termine en hospitalisation.
L'organisation de secteur a progressivement dérivé et propose aujourd'hui un paysage illisible de l'offre pour les patients, les familles comme pour les soignants.
Nous ne conventionnons pas les psychologues car ce n'est pas une profession de santé, et qu'il s'agit d'une profession très hétérogène.
Mme Raymonde Poncet Monge. - On pourrait conventionner, par exemple, les psychologues cliniciens.
M. Philippe Mouiller, président. - Ce n'est pas le débat de notre matinée. Nous vous remercions beaucoup, Monsieur le délégué ministériel, d'avoir répondu à nos questions.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
II. AUDITION DE M. RAPHAËL GAILLARD,
PROFESSEUR EN PSYCHIATRIE À
L'UNIVERSITÉ PARIS
M. Alain Milon, président. - Cette audition, formellement réalisée par la mission d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (Mecss), doit être rattachée à la mission d'information de notre commission sur l'état des lieux de la santé mentale en France depuis la crise sanitaire. Cette mission est actuellement menée par nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin.
Monsieur le Professeur, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Je vous invite dans un premier temps à nous présenter votre vision de la psychiatrie en France, une spécialité souvent perçue comme en difficulté, délaissée par le reste de la médecine et privée des moyens nécessaires, face à des besoins croissants. La recherche et l'innovation en psychiatrie offrent-elles au moins des raisons d'espoir ? Vous avez la parole.
M. Raphaël Gaillard, professeur en psychiatrie à l'Université Paris Cité. - Le coût de la santé mentale est majeur dans nos pays développés, représentant entre 3 % et 4 % du PIB selon les données de l'OCDE. Cette charge importante s'explique par la fréquence des troubles mentaux : une personne sur cinq connaîtra un épisode dépressif caractérisé au cours de sa vie, nécessitant une prise en charge. Le suicide est une réalité, avec près d'un million de décès par an dans le monde, dont plus de 9 000 en France. La psychiatrie française compte environ 2 millions de consultations par an, 450 000 hospitalisations, dont un quart sous contrainte, et concerne 12 millions de Français. L'essentiel du coût de la santé mentale (110 milliards d'euros par an) représente des coûts indirects, notamment la perte de force de travail et le handicap, et non les soins directs. Jusqu'au grand âge, les troubles mentaux constituent la principale source de handicap, surpassant les maladies cardiovasculaires et les cancers, particulièrement chez les personnes en âge de travailler.
Cette fréquence élevée des troubles mentaux s'explique par l'évolution de notre cerveau. La comparaison avec les primates non humains montre que notre cerveau traite l'information de façon plus complexe, mais moins robuste. Chez le singe, l'information cérébrale est codée de façon périodique et robuste, permettant une certaine résistance aux erreurs de transmission. Chez l'humain, le signal est plus désorganisé et complexe, transportant davantage d'informations, mais devenant plus vulnérable : le moindre décalage peut altérer complètement le sens du message. Dans l'évolution, nous avons misé sur la complexité et la puissance de notre cerveau au détriment de sa robustesse. Un simple micro-décalage suffit pour produire des phénomènes comme les hallucinations, où le cerveau attribue à l'extérieur ce qu'il produit lui-même. Cette fragilité explique pourquoi les troubles mentaux comme la schizophrénie touchent environ 1 % de la population, sous toutes les latitudes et longitudes.
Pour l'avenir, l'augmentation de notre cerveau par de nouvelles technologies, comme les implants intracérébraux de Neuralink d'Elon Musk, risque d'accentuer cette tendance. Nous sommes déjà entrés dans une logique d'hybridation avec nos appareils intelligents, et cette évolution pourrait augmenter encore la fréquence des troubles mentaux.
Les données récentes montrent déjà des signaux inquiétants : la dépression a augmenté de 5 points chez les Français depuis la période précédant la crise de la Covid-19, avec une situation particulièrement préoccupante chez les jeunes, où l'incidence a presque doublé depuis 2017, atteignant 21 %. Les études menées notamment par les équipes épidémiologiques de Bordeaux confirment que nos étudiants, nos jeunes, et même nos préadolescents ne vont pas bien. Dans la psychiatrie traditionnelle, on distinguait une période de latence chez les enfants de 8-12 ans, les préadolescents. Normalement, cette période ne pose pas de problèmes - l'enfant s'intéresse à l'histoire, la géographie, l'astronomie, mais ne pose pas de problème. Aujourd'hui, nous voyons ces préadolescents en souffrance et arriver aux urgences. Notre hybridation technologique a probablement des effets sur ce phénomène.
Pourquoi ne parlons-nous pas des troubles mentaux ? Notre cerveau nous joue des tours en permanence. Alors que nous avons tout misé sur le cerveau, celui-ci nous fait souffrir. Il s'agit sans doute de la blessure la plus puissante que connaît l'humanité. Les humains doivent leur statut à leur cerveau, mais c'est par cet organe qu'ils peuvent dérailler, délirer. C'est une blessure terrible telle que le tabou reviendra toujours. Il s'agit de la blessure suprême pour Homo sapiens. Les choses changent, avec des interventions médiatiques comme le talk-show d'Oprah Winfrey, avec des témoignages d'actrices connues, des émissions sur France Télévisions. Mais le tabou reviendra toujours, car c'est une oeuvre de Sisyphe que de parler de santé mentale.
En France, nous bénéficions d'un système d'organisation des soins qui ressemble à la carte scolaire. Ce système définit une obligation de soins sur un territoire, ce qui est un avantage colossal. Le pôle dont je suis responsable à Sainte-Anne reçoit 12 000 patients par an, dont certains sont adressés de toute la France, mais également avec la responsabilité des 250 000 habitants du 15ème arrondissement. Dans les pays où ce système de quadrillage du territoire n'existe pas, on rencontre des patients psychotiques sans domicile fixe (SDF) dans les parcs. Il faut reconnaître au secteur cette puissance d'imposer l'obligation de soins en psychiatrie. L'inconvénient est qu'il peut créer une forme d'immobilisme.
Concernant la recherche, la génétique progresse, mais aujourd'hui, ce qui change la vie des patients, ce sont essentiellement les traitements. Un exemple français est l'invention du premier neuroleptique à Sainte-Anne, la Chlorpromazine, par Jean Delay et Pierre Deniker. Cette innovation a transformé l'asile en hôpital psychiatrique, puis en dispositif de soins ambulatoires.
Aujourd'hui, nous connaissons une problématique d'accès aux médicaments en France qui touche toutes les disciplines, mais quand cela affecte une personne sur cinq au cours de sa vie pour la dépression, l'impact est majeur. Nous constatons également un problème d'accès à l'innovation, certains antipsychotiques de deuxième génération disponibles dans les pays voisins ne l'étant pas en France. Certains de mes patients se procurent leurs médicaments dans des pays voisins, ce qui n'est pas acceptable.
D'autres recherches relatives à la stimulation cérébrale profonde peuvent améliorer les choses. Cette technique française consistant à implanter des électrodes dans le cerveau permet de traiter la maladie de Parkinson et nous travaillons sur son application pour la dépression. Nous avons créé à Sainte-Anne un institut de neuromodulation pour utiliser cette technologie, non seulement pour soigner, mais aussi pour mieux comprendre.
Il faut accompagner ces technologies pour qu'elles bénéficient aux patients, non pour augmenter l'homme, contrairement à l'enjeu d'Elon Musk. Il en est de même pour les psychédéliques. Nous assistons actuellement à un grand retour de ces substances. Les psychédéliques ont animé toute la culture flower power des années 1960 et 1970, mais aujourd'hui, le New England Journal of Medicine, la plus grande revue de médecine, reconnaît leur efficacité dans le traitement de la dépression. Il est très important d'accompagner ce développement, pour qu'il ne soit pas débridé dans la population générale à visée récréative ou d'augmentation, comme dans les années 1960 et 1970, ce qui a conduit à leur interdiction. Aujourd'hui, les psychédéliques peuvent être un moyen de soigner. Pour nous, psychiatres, c'est l'occasion d'une réconciliation entre psychothérapie et pharmacothérapie. L'utilisation des psychédéliques représente une forme de psychothérapie augmentée par la pharmacothérapie, avec un potentiel thérapeutique majeur.
En conclusion, l'enjeu de santé mentale est croissant, avec des risques systémiques pour nos sociétés. Dans notre organisation sanitaire, le secteur reste un outil clé, mais peut aussi ralentir. En recherche, il faut se méfier des innovations séduisantes qui ne bénéficient pas directement aux patients. Mon exercice principal reste de soigner les patients. Pour moi, l'enjeu est avant tout d'innover pour mieux soigner. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. Jean Sol, rapporteur de la mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale en France depuis la crise sanitaire. - Merci pour ces éclairages passionnants. J'ai trois questions à vous poser. La première concerne l'image de la psychiatrie et des soins apportés aux troubles en santé mentale, avec l'objectif de déstigmatisation auprès du grand public. Pensez-vous que les choses vont dans le bon sens ?
Deuxièmement, la psychiatrie souffre d'un déficit de popularité. Comment changer le regard des étudiants en médecine ou des médecins généralistes, qui préfèrent souvent ne pas se confronter à ces sujets qu'ils estiment trop complexes ou insuffisamment nobles ?
Enfin, nous avons été alertés sur les inégalités territoriales d'accès aux soins psychiatriques. Malgré la centralisation des études universitaires, quelle réponse peut-elle être déployée pour attirer davantage de jeunes psychiatres et d'infirmiers dans les territoires en tension ?
Mme Céline Brulin, rapporteure de la mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale en France depuis la crise sanitaire. - Merci, Professeur, pour cet éclairage universitaire extrêmement intéressant. Nous avons auditionné plusieurs de vos confrères psychiatres et les avons questionnés sur les différents plans mis en oeuvre dans le domaine de la psychiatrie : feuille de route, assises, santé mentale comme grande cause nationale, etc. Beaucoup nous ont semblé désabusés quant aux effets réels et concrets de ces initiatives, évoquant des annonces dont la concrétisation se fait attendre.
Vous aviez indiqué lors d'une précédente audition avoir obtenu des financements pour la création de l'institut de neuromodulation. Ces financements sont-ils pérennes ? D'autres projets innovants bénéficient-ils de ces financements ?
Enfin, vous avez évoqué les risques et les avantages des nouvelles technologies. À quoi ressemblerait, selon vous, une politique de santé publique efficace face à ces risques ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur de la mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale en France depuis la crise sanitaire. - Merci, Professeur, pour votre présentation. Vous avez conclu en évoquant « innover pour mieux soigner ». J'ai été impressionné par la stimulation cérébrale profonde pour la maladie de Parkinson.
Vous indiquez également que certains antipsychotiques ne sont pas disponibles en France, ce que j'ignorais.
Vous avez en outre souligné les vertus de l'organisation des soins par secteur. Nos travaux mettent en évidence la nécessité de renforcer les centres médico-psychologiques (CMP) et de développer les équipes mobiles pour éviter les ruptures de soins. Estimez-vous que les financements sont trop ciblés sur l'innovation au détriment d'organisations comme les CMP, qu'il faudrait renforcer ? Quel regard portez-vous sur le virage ambulatoire en psychiatrie, qui semble connaître du succès dans certaines régions, comme les Pyrénées-Orientales ? Quelles conditions sont nécessaires pour que ce virage soit bien conduit ?
Enfin, concernant les infirmières psychiatriques, dont la formation spécifique a été arrêtée, les infirmières en pratique avancée (IPA) peuvent-elles jouer un rôle important dans les CMP, notamment pour renouveler des prescriptions face à la pénurie de psychiatres ?
M. Raphaël Gaillard. - En ce qui concerne la grande cause nationale, nous avons pu avoir l'impression qu'elle s'était un peu essoufflée, car elle n'était plus portée personnellement par un Premier ministre. Je ne suis pas certain que l'actuel Premier ministre ait la même motivation que ses prédécesseurs, ce qui rend difficile de tirer des conclusions compte tenu du changement de paysage politique dans l'exécutif.
Suis-je désabusé ? Je suis convaincu que la psychiatrie représente une oeuvre de longue haleine, avec des moments d'avancées et de reculs. Ce dont nous parlons ne sera jamais anodin, mais je ne crois pas que nous assisterons à quelque grand soir, où tout serait résolu dans le champ de la santé mentale et de la psychiatrie. Structurellement, les troubles mentaux représentent une blessure au coeur de ce qui nous définit en tant qu'êtres humains. Et cette blessure générera toujours des réactions. Je ne suis pas pour autant désabusé et continue de me lever chaque jour pour soigner, faire de la recherche et enseigner.
Concernant le financement de l'innovation, je suis persuadé qu'il est très important. Cependant, si les pays voisins ont accès à des antipsychotiques de nouvelle génération auxquels nous n'avons pas accès en France, nous pouvons inventer des traitements très à la mode sans qu'ils bénéficient concrètement aux patients. Je partage votre souci que l'innovation puisse réellement améliorer les soins. Nous sommes face à un risque, celui de financer des recherches qui, au final, ne bénéficieraient pas aux patients. Je me méfie également d'un divorce possible entre les structures universitaires de pointe et les structures de secteur. Si ce divorce se produisait, les patients en pâtiraient. Par exemple, à l'Université Cambridge où j'ai suivi mon postdoctorat, l'université est formidable, mais l'hôpital attenant n'est pas un endroit où l'on souhaite être soigné. Ce fossé est très dommageable.
Je demeure extrêmement prudent quant au divorce avec le territoire. Certes, je travaille à Paris, et non dans la Creuse, mais exercer sur le territoire parisien comporte également ses contraintes, notamment le traitement de populations différentes comme les migrants.
De même, il convient de prendre garde au tout ambulatoire. Nous avons sans doute été trop loin en matière de réduction des lits. Il faut tenir compte de nouvelles populations particulièrement mobiles comme les migrants, car il n'est pas possible de soigner des personnes sans domicile uniquement par l'ambulatoire.
La question des inégalités territoriales demeure un véritable sujet. Il est compliqué de réguler l'installation des professionnels et de les orienter vers des territoires particuliers. Cela pourrait être possible pour la psychiatrie, dont l'organisation publique en secteurs crée des dispositifs moins isolés que dans l'exercice libéral. Il me semble donc, pour ces nombreuses raisons, délicat de faire l'impasse sur le secteur, malgré ses inconvénients, car il constitue un socle de protection.
En ce qui concerne l'accès aux antipsychotiques, la politique de l'évaluation et du prix en France, tenant notamment compte des risques de dérapage des dépenses de l'assurance-maladie, amène certains industriels à renoncer à commercialiser leurs médicaments en France. Cette question n'est pas restreinte à la psychiatrie, mais concerne toutes les pathologies relatives à un grand nombre de patients. On retrouve ainsi ces mécanismes pour les antidiabétiques, par exemple. Il ne me semble pas envisageable de poursuivre cette logique, qui empêche les patients d'avoir accès à des traitements qui ne sont pas révolutionnaires, mais qui apportent des bénéfices supplémentaires, alors que nos voisins européens en disposent quant à eux.
S'agissant de la pérennité de l'institut de neuromodulation, nous avons obtenu un financement important dans le cadre des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021. Nous sommes en outre devenus le premier centre européen en nombre de patients implantés pour les techniques similaires à celles utilisées dans le traitement de Parkinson, mais appliquées aux pathologies psychiatriques. Nous avons également été précurseurs dans certains traitements. Je n'ai pas de réponse définitive concernant la pérennité de ce financement exceptionnel défini sur cinq années. Je ne maîtrise pas suffisamment la question de la comptabilité hospitalière pour déterminer le seuil de pérennisation d'un financement, mais votre question est pertinente.
Concernant les risques des technologies, il s'agit d'un véritable sujet de préoccupation. Quand la Chine prend des décisions très autoritaires et restrictives sur l'accès à internet pour les mineurs, comme elle l'a fait en été 2023, c'est bien pour des raisons de santé publique. Même si ces mesures peuvent être contournées, quand la puissance publique fixe des limites - interdiction d'utilisation entre 22 heures et 6 heures ou maximum de deux heures quotidiennes - elle envoie un signal fort aux familles. Nous devrions prendre du recul quant à l'utilisation des nouvelles technologies. Elles peuvent apporter énormément, notamment pour soigner, mais en connaissant les risques et en sachant s'en protéger. Nous devrions développer une politique de prévention à cet égard, ce qui n'est pas le cas actuellement en France.
En ce qui concerne l'image de la psychiatrie, nous observons une évolution positive. Si ce sont les moins bien classés aux épreuves classiques nationales (ECN) qui continuent de choisir cette spécialité, nous voyons apparaître une distribution bimodale, avec de plus en plus d'étudiants brillants qui choisissent la psychiatrie, comprenant qu'il s'agit d'un enjeu d'avenir passionnant et d'un domaine de recherche fascinant. Les avancées des neurosciences et de la compréhension du fonctionnement cérébral contribuent à changer l'image de la discipline. Il faut également revendiquer ce que la psychiatrie a de profondément humaniste. La matière première de la psychiatrie reste le récit des patients, leurs trajectoires singulières, avec une dimension presque littéraire. Je pense qu'être psychiatre, c'est être autant scientifique que littéraire. La psychiatrie a été un temps préemptée par la psychanalyse de façon trop hégémonique, ce qui a eu des effets sur son attractivité, mais il faut insister sur la beauté de ce métier.
S'agissant des infirmiers en psychiatrie, je n'ai pas de position tranchée sur la nécessité de formations spécialisées. Je crois davantage à l'importance de se doter de plus d'infirmières en pratique avancée en psychiatrie pour valoriser cette compétence dans le champ infirmier. Toutefois, je me méfie de tout ce qui sépare la psychiatrie du reste de la médecine, car nos patients risquent d'être exclus du parcours de soins standard. Des infirmiers spécialisés uniquement en psychiatrie pourraient ne pas maîtriser certains soins techniques pourtant nécessaires, comme les prélèvements ou perfusions. Les retards de diagnostic de maladies somatiques chez les patients psychiatriques est déjà préoccupant. Je crains donc une ghettoïsation qui desservirait les patients.
M. Alain Milon, président. - Merci de vos réponses.
Je souhaite vous rassurer sur la sectorisation. Nous y sommes très attachés. Dans d'autres disciplines de la médecine, nous sommes en train de réfléchir à la territorialisation. Si nous appliquons la territorialisation aux autres disciplines de la médecine, il n'y a aucune raison que nous supprimions la sectorisation en psychiatrie. C'est au contraire un exemple à suivre.
M. Olivier Henno. - Merci, Professeur, pour votre exposé passionnant.
Vous avez abordé la question cruciale pour nous, parlementaires, de l'accès à l'innovation dans notre pays. Vous l'avez évoqué pour la schizophrénie, mais est-ce que cela concerne d'autres maladies également ? Je pense notamment à la maladie de Parkinson ou aux troubles bipolaires.
Face à cette réalité, n'assistons-nous pas déjà à l'émergence d'une médecine à plusieurs vitesses ? Certains patients ne sont-ils pas tentés de se faire soigner dans les pays voisins ? Pour ceux qui ont les moyens, il s'agit d'une tentation forte, alors que nous sommes l'un des pays qui dépensent le plus pour sa santé.
Concernant le numérique, comme père de cinq enfants de 33 ans à 12 ans, je constate que les différences en matière d'évolution de la dépendance numérique sont frappantes. Vis-à-vis d'un enfant de 12 ans, nous menons un combat permanent pour que l'usage numérique ne devienne pas systématique dès le retour de l'école. La limitation de cet usage à deux heures par jour représente déjà un défi considérable. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils, sans interdire, aider à cette prise de conscience qui crée aussi des différences sociales ? Nous-mêmes, élus, utilisons beaucoup ces technologies. L'hémicycle du Sénat aujourd'hui est bien différent de ce qu'il était il y a 30 ans - nous faisons constamment plusieurs choses en même temps. Il s'agit d'un véritable changement anthropologique.
Mme Annie Le Houerou. - Merci pour cette invitation et pour votre présentation. Ma première question rejoint celle de Monsieur Henno sur l'impact sur la santé mentale des addictions, au-delà des écrans, ainsi que la consommation de différentes drogues, dont on connaît mal les composants.
Ma deuxième question porte sur la problématique de l'accès aux médicaments. Vous avez évoqué des causes complexes. Nous sommes sollicités par des patients atteints de troubles bipolaires qui, après de longues errances médicales, ont trouvé une stabilité, mais s'inquiètent maintenant des pénuries de médicaments. Cette pénurie est-elle réelle ? Existe-t-il des solutions ? Comment rassurer ces patients ?
Ma troisième question concerne la difficulté d'accès aux soins en santé mentale. Face au manque de psychiatres, nous voyons se développer des pseudo-psychothérapeutes dont la formation est obscure, mais à qui les patients font confiance. J'ai eu connaissance de plusieurs exemples de dérives, parfois sectaires, liées soit à l'errance thérapeutique, soit à l'absence d'accès à des soins de qualité.
Enfin, suite à votre commentaire sur la nécessité de valoriser des profils plus humanistes, ne pensez-vous pas que la sélection actuelle de nos futurs médecins est trop axée sur les sciences, au détriment des questions de soin ?
Mme Marie-Pierre Richer. - Vous avez indiqué que notre cerveau ne se supportait plus, particulièrement lorsque l'on observe la prédominance des problèmes de santé mentale chez les jeunes. Cette situation est-elle liée à la société actuelle ? On évoque souvent les écrans, mais est-ce suffisant pour expliquer ces problèmes ? L'après Covid-19 explique-t-il ce phénomène ? Le cerveau de nos jeunes est-il trop sollicité par ces nouvelles technologies ? Quelle est notre responsabilité d'adulte face à l'intelligence artificielle ? Faut-il en avoir peur ou s'en méfier ? Comment l'appréhender ? Y a-t-il des remèdes à cette situation ou celle-ci est-elle irréversible ?
M. Raphaël Gaillard. - Concernant l'inégalité de l'accès aux soins, nous faisons face à une demande colossale et croissante, avec une offre en contraction. Cette situation crée clairement un risque d'inégalité, certains patients pouvant se procurer des soins ou des traitements à l'étranger, tandis que d'autres doivent se contenter de services insuffisants, voire indigents, sur le territoire national.
Cette situation nourrit une attente pour des approches alternatives. La régulation de l'exercice de psychothérapeute reste problématique. Bien que le titre soit encadré, d'autres appellations comme « coach » permettent d'exercer librement. L'exercice illégal de la médecine peut être invoqué quand on prétend soigner des pathologies, mais sous couvert de développement personnel, on peut proposer presque n'importe quoi. Nous constatons également un tournant vers les alternatives en matière de médication, avec un attrait massif pour la nutrition et les compléments alimentaires. L'Anses a récemment publié un rapport sur les compléments alimentaires, rappelant que ces derniers ne devraient être pris que sur conseil d'un médecin. J'ai rencontré des patients ayant subi des effets indésirables graves avec des compléments alimentaires. Le fait d'être labellisé « bio » ne constitue pas une garantie de sécurité, surtout quand ces produits ne sont pas contrôlés. Personnellement, j'ai davantage confiance en des médicaments contrôlés. Face à une demande croissante en santé mentale et à une offre qui s'appauvrit, nous voyons émerger des alternatives parfois douteuses.
Concernant la formation médicale des psychiatres, il faut maintenir une culture scientifique solide tout en développant une approche plus humaniste. Nous sommes néanmoins sans doute allés trop loin dans la sélection uniquement par les sciences, auxquelles il ne faut pas renoncer. La réforme de la première année en parcours d'accès spécifique santé (Pass) et en licence d'accès santé (LAS), bien que critiquée par la Cour des comptes notamment pour les inégalités territoriales qu'elle crée, avait pour but d'élargir l'origine disciplinaire des étudiants. Sans doute convient-il encore de travailler à cet équilibre, en veillant à ce que nos professionnels soient dotés d'une culture liée aux humanités et conservent une culture scientifique de médecin.
Sur la question des drogues, nous observons une accumulation des nouveaux produits de synthèse, souvent détectés tardivement. Bien que ces produits causent une morbidité réelle, ils ne peuvent expliquer à eux seuls l'augmentation actuelle des troubles mentaux chez les 12-25 ans. Les usagers de ces nouveaux produits de synthèse demeurent des populations assez spécifiques.
Concernant les écrans et le numérique, la lutte est très difficile, notamment pour en limiter l'usage à nos enfants. Notre cerveau ne se supporte plus et l'évolution l'a poussé en surrégime. Notre cerveau représente 2 % de notre masse corporelle, mais consomme 20 % de notre énergie. Sapiens a tout misé sur le cerveau. Ce surrégime a un prix : les troubles mentaux. Or nous aggravons ce surrégime par la sursollicitation que j'appelle « hybridation technologique ». Si nous attendons une démonstration scientifique parfaite de la nocivité des écrans, nous agirons trop tard. Certains de mes collègues scientifiques maintiennent une position de recul sur ce sujet, estimant que la démonstration n'est pas parfaite. Néanmoins, un véritable essai randomisé sur le sujet serait impossible à réaliser éthiquement et nécessiterait des décennies. Cette situation est similaire à celle que nous avons observée avec la méthode globale d'apprentissage de la lecture, qui a accéléré l'apprentissage au prix d'une dysorthographie accrue. Nous avons déjà aujourd'hui suffisamment d'arguments pour prendre des décisions concernant l'usage des écrans, même si ces décisions peuvent être contournées. Il n'est pas raisonnable d'utiliser un écran à certains âges. Dans les écoles, y compris les plus favorisées, le numérique est souvent trop présent. Si la puissance publique n'envoie pas un signal clair, comment les familles et les écoles peuvent-elles l'entendre ? Selon Edward O. Wilson, nous avons des émotions paléolithiques, des institutions médiévales et une technologie divine : cet ensemble n'est pas cohérent. Il est temps de prendre la mesure de cette hybridation technologique, non pour la condamner, mais pour s'y préparer.
Mme Émilienne Poumirol. - Concernant la pénurie des médicaments, je rappellerai que le Sénat a mené une importante enquête. Effectivement, cette situation pose un vrai problème aux patients.
À Toulouse, les psychiatres que j'ai rencontrés sont inquiets du fait que les psychiatres libéraux en ville ne pratiquent plus vraiment la psychiatrie, mais de la psychothérapie. Ces psychiatres semblent en effet réticents à prescrire des médicaments. Les patients arrivent à l'hôpital en décompensation. Après des heures d'attente, certains patients ne peuvent même pas accéder aux urgences du CHU. Depuis le drame survenu l'année dernière à cet égard, nous avons révisé le projet de santé mentale du territoire et les médecins de ville sont désormais obligés de participer à permanence des soins. Cependant, comment éviter que des patients suivis arrivent dans des états catastrophiques aux urgences ?
M. Raphaël Gaillard. - La situation à Toulouse est exemplaire du divorce problématique entre services universitaires de pointe et services de secteur. Quand cette séparation est actée, il devient très difficile de rétablir une réelle activité des services de base ayant la responsabilité territoriale. Il arrive que des professionnels hospitalo-universitaires soient nommés sur des dossiers de recherche plutôt que sur leur expérience en soins, ce qui est suicidaire pour la discipline face à une demande de soins colossale.
Au niveau socioculturel, il n'est en outre pas possible de contraindre l'exercice d'un psychiatre de façon autoritaire. Il fera autre chose, comme devenir psychothérapeute. La régulation autoritaire est illusoire. Cependant, contrairement aux médecins généralistes qui peuvent arriver seuls sur un territoire, les psychiatres exercent au sein d'une équipe, ce qui garantit un effet de groupe. C'est une chance, mais cela reste difficile.
M. Alain Milon, président. -Est-il normal que les antipsychotiques puissent être prescrits par des médecins généralistes en première intention ?
M. Raphaël Gaillard. - Oui, par la force des choses. Le métier de médecin généraliste est extrêmement difficile et l'initiation d'un traitement antipsychotique doit lui être possible, même si cet exercice est très délicat. L'attente de la compétence du psychiatre risque en effet de retarder le soin, mais il est nécessaire de recourir à cette compétence.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
III. AUDITION DE M. DANIEL ZAGURY, PSYCHIATRE ET EXPERT PRÈS LA COUR D'APPEL DE PARIS
M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui pour entendre Daniel Zagury, psychiatre des Hôpitaux et expert près la cour d'appel de Paris, sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise sanitaire.
Cette audition fait l'objet d'une captation télévisuelle, diffusée en direct sur le site du Sénat, puis accessible en ligne.
L'audition de M. Zagury, formellement réalisée par la Mecss, doit en fait - comme celle de M. Gaillard la semaine dernière - être rattachée à la mission d'information en cours de notre commission sur l'état des lieux de la santé mentale en France depuis la crise sanitaire, actuellement menée par Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin.
Monsieur le professeur, nous vous remercions d'avoir répondu à l'invitation de la Mecss. Je vous invite, dans un premier temps, à tenir un bref propos liminaire, d'environ dix minutes. Les sénateurs présents, à commencer par les rapporteurs de la mission d'information de la commission, pourront ensuite vous interroger. Vous avez la parole.
M. Daniel Zagury, psychiatre des Hôpitaux et expert près la cour d'appel de Paris. - J'ai apporté deux exemplaires du livre que j'ai consacré à la crise de la psychiatrie publique. Ce livre m'a valu beaucoup moins de sollicitations que celui que j'ai consacré à Xavier Dupont de Ligonès. En effet, la psychiatrie est un sujet lourd et grave.
Le terme de santé mentale mérite une explication. Apparu au Congrès de Londres en 1948, il a remplacé celui d'hygiène mentale. Il avait émergé dans les années 1920-1930 pour désigner un vaste programme de santé publique appliqué à l'ensemble de la population, en matière de dépistage, d'orientation scolaire, etc. Dans les années 1970, la notion de santé mentale positive a été introduite au Québec. Conjointement, le terme de psychiatrie a été remplacé par celui de santé mentale.
Le bien-être de tous a ainsi remplacé la maladie de quelques-uns. Si la santé mentale s'étend bien au-delà de la psychiatrie, un continuum apparaît cependant entre les deux notions. À mon sens, les « troubles sévères de la santé mentale » que l'on retrouve parfois mentionnés sont tout simplement des troubles psychiatriques. À cet égard, le livre de Nicolas Demorand qui ose dire « je suis un malade mental » m'apparaît tout à fait salvateur. Il importe d'appeler les choses par leur nom. Il me semble qu'un continuum existe également en matière d'organisation des soins et de prévention.
Lorsque j'ai écrit ce livre, au moment où je prenais ma retraite, j'ai cherché à réfléchir aux raisons pour lesquelles nous avions glissé progressivement vers la situation catastrophique que tous reconnaissent aujourd'hui. À cet égard, il convient de remercier Agnès Buzyn d'avoir sorti l'État du déni. Les rapports ont pourtant été nombreux. Ainsi, je trouve remarquable le rapport du Sénat sur l'expertise psychiatrique, mais je m'interroge sur son impact.
La pandémie du covid-19 a révélé plusieurs phénomènes : le fiasco de la bureaucratie, la force du terrain, sa mobilisation face à l'urgence et le retour de la référence au secteur, comme les possibilités de conjonctions d'énergie entre les administrations et les équipes. Les échanges avec les administrations, voire leur soutien, tels que je les ai connus au début de ma carrière, ont aujourd'hui totalement disparu.
Le rassemblement des courants de la psychiatrie me semble la seule issue. J'espère que Raphaël Gaillard, que vous avez auditionné, pourra l'incarner.
Sous couvert de déstigmatisation et en réaction à des excès antérieurs, un modèle hégémonique s'est instauré. Il considère que la psychiatrie est une spécialité médicale comme les autres et fait passer au second plan le modèle de psychiatrie biopsychosociale, entraînant une régression de l'attractivité de la discipline auprès des étudiants. De même, les infirmiers se trouvent déplacés de service en service. Or la psychiatrie est à la fois une vocation et une pratique très particulière par rapport aux autres spécialités médicales. Ainsi, cette volonté de déstigmatisation se révèle contreproductive et conduit paradoxalement à une surstigmatisation.
La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, a transféré tout le pouvoir aux managers hospitaliers. Avec mon confrère Vincent Mahé, nous avions donné un nom de maladie à cette évolution : la « bureaucratose ». La situation est insupportable pour les confrères de ma génération qui voient leurs idéaux attaqués. Elle provoque de nombreux départs, même chez de jeunes talents, car les médecins ont perdu leur pouvoir fonctionnel sur leur propre service. Sans restaurer le mandarinat, il serait nécessaire de donner un peu de pouvoir aux médecins qui organisent des équipes. Progressivement, la hiérarchie infirmière a basculé du côté de l'administration. J'ai vu surgir un monde de protocoles, de procédures, de programmes et de réunions qualité, tandis que la qualité des soins s'effondrait.
Le recours exagéré à la contention et à l'isolement constitue un autre symptôme de la catastrophe. Des équipes solidement pourvues, structurées et soudées, peuvent permettre d'éviter la contention, mais des services exsangues y ont plus souvent recours.
Je consacre aussi quelques pages de mon livre aux gardes. Les médecins de garde sont transformés en bed managers, faute de lits disponibles. Les psychiatres des urgences veulent hospitaliser, tandis qu'en aval les services freinent le plus possible. Les conséquences en sont épouvantables, avec par exemple des patients chargés dans des ambulances sans accord médical.
Se pose aussi la question des médecins à diplôme étranger. La psychiatrie implique de maîtriser la langue pour échanger avec les patients en souffrance. Or, j'ai vu des médecins recrutés alors qu'ils ne parlaient presque pas français.
La première des solutions ne concerne peut-être pas directement votre instance. La psychiatrie est une discipline hétérogène, constituée de multiples courants et pratiques, dont l'unité requiert un dialogue avec les pouvoirs publics. Le morcellement syndical et des écoles constitue à cet égard une catastrophe.
Dans les années 1980, nous avons assisté à une prise de pouvoir par les universitaires, qui n'ont pas la même culture que les psychiatres hospitaliers. Une bipartition de la psychiatrie s'est opérée. À titre d'exemple, la psychiatrie de secteur n'est presque pas enseignée, conduisant à une séparation entre « laboureurs du secteur » et « savants hospitaliers ». J'émets dans mon livre plusieurs propositions pour y remédier.
Une loi-cadre définissant le rapport entre le pays et sa psychiatrie me semble nécessaire. Il conviendrait qu'elle précise si le secteur reste un modèle, qui n'a pas vocation à être exclusif. En effet, certains soins (alcoolisme, toxicomanie...) requièrent des équipes plus spécialisées. Il faut donc un quadrillage sectoriel, mais aussi une ouverture.
Il convient aussi de restaurer le pouvoir fonctionnel des médecins. Avec la loi de 2011, la maladie mentale a été stigmatisée au plus haut niveau de l'État. L'instrumentalisation des faits divers sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été désastreuse pour l'image de la psychiatrie. Cette loi a été imposée sans discussion avec les psychiatres, contrairement à celle de 1838 qui avait fait l'objet de 18 mois d'échanges entre aliénistes et parlementaires. Il y a tout de même des leçons à retenir de ceux qui nous ont précédés.
Je crois qu'il est fondamental d'encourager toutes les énergies, les expériences, les intelligences collectives et les créativités pour contrebalancer le poids de la « bureaucratose ». À mon sens, il n'existe aucune contradiction entre le renforcement d'un dispositif de base, le secteur, et des lieux de soins spécifiés pour l'alcoolisme, la toxicomanie, la dépression, le burn-out, les équipes mobiles et précarité...
Concernant le quadrillage géographique, les administrations supportent mal l'inégalité des choix de soin entre les secteurs. Cependant, les expériences de terrain et l'originalité des cultures d'équipe sont facteurs de progrès.
Il m'apparaît fondamental que les psychiatres et les infirmiers disposent d'une formation spécifique, mais ouverte à toutes les dimensions de la psychiatrie. À mon sens, il faut encourager toutes les initiatives qui font converger les courants, comme la présence des services universitaires dans les établissements publics de santé.
Pour conclure, les témoignages sur la honte d'être malade, comme celui de Nicolas Demorand, peuvent être propices à un réenchantement. Il faut faire confiance au terrain, lui permettre d'exprimer sa créativité et ses intelligences collectives, pour réenchanter la psychiatrie sans se cacher derrière la santé mentale. À défaut, la psychiatrie lourde risque de devenir une sorte de défectologie dans la cité.
M. Alain Milon, président. - Je laisse la parole à Jean Sol.
M. Jean Sol. - Mes questions seront peut-être redondantes, car beaucoup a déjà été dit. La première portera sur la démographie des psychiatres en France. Il nous a souvent été dit que, malgré certaines avancées, la psychiatrie souffrait toujours de quelques préjugés au regard d'autres spécialités médicales et que cette image la handicapait pour susciter les vocations. Pensez-vous que les choses changent vraiment ? Et comment aider la psychiatrie à se débarrasser de toutes ces mauvaises représentations ?
Deuxièmement, nous aimerions avoir votre point de vue d'expert sur ce qu'on pourrait appeler une « psychiatrisation de la radicalité », c'est-à-dire la tendance à expliquer les attentats et autres actes d'une violence insoutenable, commis cette dernière décennie, par l'existence d'un trouble psychiatrique chez les auteurs des faits. Certains psychiatres nous ont d'ailleurs dit que cette association souvent médiatique entre problème psychiatrique et violence radicale contribuait à façonner une mauvaise image de la psychiatrie. Qu'en pensez-vous ?
M. Daniel Zagury. - Le lien entre psychiatrie et radicalité est mon sujet de prédilection. J'ai cherché à expliquer cette question difficile dans un article publié dans Marianne. J'y indiquais que la haine de la France n'était pas une maladie mentale.
Avec la fin de Daesh, de plus en plus de sujets mêlés à des actes terroristes présentent soit des troubles sévères de la personnalité, soit des maladies mentales. J'ai ainsi été consulté sur des affaires complexes qui donnaient lieu à des querelles d'experts.
Pour aller à l'essentiel, il peut arriver qu'un sujet schizophrène décompense et s'identifie de façon héroïque à un terroriste. En effet, les malades mentaux délirants, les psychotiques, puisent dans l'air du temps des modèles d'action. Dans mon expérience, je n'en ai pas vu plus de trois ou quatre.
Si la psychose se traduit par le passage à l'acte, il faut conclure à l'irresponsabilité pénale, mais le cas est rare. En revanche, quand la psychose se mêle à d'autres éléments (radicalisation, revendication sur les réseaux sociaux, islamisation progressive, comportements ciblés visant les non-musulmans...), il ne s'agit plus exclusivement de maladie mentale. Il faut alors laisser le tribunal décider.
Certains psychiatres sont choqués quand un sujet halluciné, avec une authentique affection psychiatrique, est jugé responsable. Cependant, une revendication du geste sur internet, une radicalisation et l'expression d'une haine de la France ne relèvent pas de la maladie mentale.
Cette intrication de facteurs est de plus en plus fréquente et la situation évolue très rapidement. De fait, le profil psychologique des terroristes a évolué depuis 2001. Après les personnalités structurées des débuts, sont apparus progressivement des petits délinquants instables, toxicomanes, etc., qui se rachetaient une deuxième vie dans la probité islamiste. Aujourd'hui, nous observons de plus en plus de sujets très déstructurés qui passent à l'acte.
Le public est choqué, à juste titre, par cette psychiatrisation excessive. La réaction médiatique se limite à une alternative simpliste entre maladie mentale et terrorisme, alors qu'en réalité, les deux phénomènes sont intriqués. À mon sens, il nous faut réfléchir à des modèles un peu plus complexes qui intègrent cette intrication. En effet, de plus en plus de sujets en errance, malades ou troublés se saisissent de la revendication islamiste. Il est très difficile pour les responsables politiques d'analyser ce qui relève de l'équation individuelle et ce qui relève d'autres facteurs.
M. Jean Sol. - Vous aviez apporté des éléments de réponse à ma première question lors de votre propos liminaire. Je relaierai donc celles de Céline Brulin, qui ne peut malheureusement être présente.
Il nous a été rapporté que certains centres hospitaliers psychiatriques assurent un nombre croissant de prises en charge de personnes ayant commis des actes criminels. Or, ces établissements n'ont pas toujours la capacité d'assurer leur prise en charge dans de bonnes conditions, tant pour les patients que pour le personnel médical. Quelles seraient vos recommandations sur ce sujet ?
Plus largement, et comme souvent dans le champ de la santé, nos travaux ont mis en lumière des difficultés de coordination des différents acteurs qui concourent à la prise en charge des patients : établissements psychiatriques, santé scolaire, établissements médico-sociaux, préfecture pour les soins sans consentement, élus locaux... Pensez-vous que les outils de concertation mis en avant (projets territoriaux de santé mentale, conseils locaux de santé mentale) sont la solution ?
M. Daniel Zagury. - Concernant cette deuxième question, la logique même du secteur reposait sur une coordination avec les autres acteurs. Cette coordination fonctionne bien quand le secteur est performant et bien inscrit dans la vie sociale des communes. Or certains secteurs sont désertés ou insuffisamment dotés de psychiatres. Dans ces conditions, nous sommes à la croisée des chemins. Le secteur demeure-t-il un modèle ? Si oui, il doit être complété, comme je l'indiquais précédemment.
Sur le sujet des criminels, je connais des situations individuelles extrêmement préoccupantes. Certains sujets peuvent être maintenus dans les unités psychiatriques alors que les psychiatres les estiment guéris, parfois depuis longtemps, voire très longtemps. Ces situations sont totalement inacceptables.
De fait, plus une équipe est démunie en personnel qualifié, moins elle pourra affronter des patients particulièrement difficiles. Les services cherchent à orienter ces patients vers les unités pour malades difficiles, mais celles-ci sont saturées. J'ai récemment discuté avec un chef de service qui m'a signalé une augmentation de 20 % des demandes cette année.
La fluidité de l'ensemble du système est ainsi rompue : les unités pour malades difficiles étant saturées, les unités de secteur hospitalières sont contraintes de garder des patients au-delà de leurs capacités de contention et de soins.
M. Daniel Chasseing. - Ma première question concerne le suivi des patients. Pensez-vous que le manque de suivi ait une incidence sur la survenance de phases de décompensation et d'actes violents ? Nos travaux mettent en avant la nécessité de développer les équipes mobiles permettant d'éviter les ruptures de suivi. Partagez-vous ce constat ?
En second lieu, il semble que les centres médico-psychologiques (CMP) et la sectorisation soient aujourd'hui à bout de souffle. Pensez-vous qu'une des mesures prioritaires pour la psychiatrie publique soit de renforcer ces CMP notamment dans leurs moyens humains, en y adjoignant notamment des infirmières de pratique avancée (IPA) en psychiatrie et santé mentale ? Avec la coordination du médecin psychiatre, ces infirmières peuvent prescrire des médicaments à des malades stables, sachant qu'elles peuvent appeler le psychiatre en cas d'épisode aigu.
M. Daniel Zagury. - Les visites à domicile, évidemment fondamentales, s'organisent à partir du CMP, non des équipes mobiles. Celles-ci peuvent s'occuper de la précarité ou des urgences. Toutes les expériences sont à respecter, à partir du moment où elles trouvent à agir là où elles sont situées.
Les études sont très claires : plus la présence et l'encadrement sont développés après l'hospitalisation, moins les actes de violence sont nombreux. Ainsi, une étude montre qu'un patient vu toutes les semaines commet quatre fois moins d'actes de violence qu'un patient vu tous les mois.
L'essentiel est de redonner à la psychiatrie son prestige et de réduire la bureaucratisation. L'administration devrait aider les équipes, non leur imposer des principes rigides.
Par exemple, un même service peut recevoir des injonctions contradictoires, comme l'interdiction de laisser fumer les patients en chambre d'isolement au nom de l'hygiène et la critique de cette même interdiction comme une atteinte aux droits des patients. La réalité du soin consiste à adapter les pratiques à l'évolution de l'état du patient, non à appliquer des principes. Un autre exemple concerne les relations sexuelles où la protection des patientes vulnérables se voit opposer un principe de liberté.
De même, la circulation des patients en pyjama porterait atteinte à leur dignité. Il est paradoxal qu'un administratif vienne parler de dignité du patient à des professionnels dont toute la vocation est justement de restaurer celle-ci. La parole du praticien n'est plus écoutée ni respectée. Dans un tel contexte, il ne faut pas s'étonner de la diminution des vocations et des départs.
Il est nécessaire de rééquilibrer les pouvoirs fonctionnels entre l'administration et les médecins en restaurant leur capacité d'agir sur leur propre équipe.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - En vous écoutant, nous comprenons que les vocations soient de moins en moins nombreuses, compte tenu des difficultés auxquelles vous faites face.
Mon inquiétude porte également sur la pédopsychiatrie. Dans mon département, un hôpital ne dispose plus de pédopsychiatres, laissant 2 500 familles sans aucun suivi. Je pense également aux enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE) placés en famille d'accueil, dont un pourcentage significatif est en situation de handicap ou en difficulté psychologique, du fait de la maltraitance, de l'instabilité des placements, etc.
À mon sens, c'est un cercle vicieux, car nous sommes passés d'environ 1 200 pédopsychiatres en 2009 à environ 700 aujourd'hui. C'est une catastrophe. Je pense qu'il faut former beaucoup plus, redonner de la noblesse à ce métier et desserrer certains étaux, comme les principes dans lesquels vous avez indiqué être enfermés.
Je souhaiterais vous demander votre opinion sur les IPA, dont beaucoup se forment, notamment en psychiatrie. Pensez-vous qu'ils pourront apporter une aide efficace au regard du manque de moyens que nous rencontrons tous et toutes ?
M. Alain Milon, président. - Compte tenu du temps qui nous reste, je vous propose d'écouter d'autres questions et de répondre globalement.
Mme Annie Le Houérou. - Je poursuivrai d'abord sur les études de santé. À quel moment voyez-vous la spécialisation en psychiatrie ? Faut-il revenir aux infirmiers en psychiatrie tels qu'ils existaient précédemment ou opter pour une spécialisation après des études de santé, comme pour les infirmiers anesthésistes (IADE) et les infirmiers de bloc opératoire (Ibode), indépendamment des formations complémentaires pour exercer en pratique avancée ?
Mon autre question concerne la sectorisation, sur l'organisation de laquelle j'ai cru entendre que vous aviez quelques interrogations. Quelle serait donc pour vous l'organisation idéale ? Faut-il rattacher des services psychiatriques à des hôpitaux généraux ? En effet, la sectorisation permet quand même d'assurer sur un territoire donné un maillage fort avec des établissements bien identifiés et de nombreuses interventions hors les murs.
M. Daniel Zagury. - Je me suis mal fait comprendre. Après l'avoir pratiquée pendant trente ans, je suis partisan de la sectorisation comme maillage de base, mais je reconnais ses limites. Par exemple, elle ne répond pas aux problématiques de délinquance sexuelle. Des activités transsectorielles, intersectorielles et spécifiques, des articulations avec les services universitaires sont donc également nécessaires. Cependant, cette organisation complexe ne doit pas s'élaborer dans les administrations, mais sur le terrain.
À propos des infirmiers, je précise que la psychiatrie publique est un travail de co-élaboration. À cet égard, les temps de réunion, que les administrations jugeaient coûteux, étaient essentiels. Ils permettaient à tous (assistantes sociales, infirmiers, psychologues, éducateurs, art-thérapeutes, psychiatres, internes...) de donner leur avis.
Pour ma part, j'ai été enchanté de travailler avec des infirmiers psychiatriques, compte tenu de leur culture dans ce domaine. Pour le reste, j'estime que plus les équipes comporteront de soignants motivés, moins elles seront démunies quantitativement et qualitativement, et mieux elles travailleront. J'appartiens à une génération de militants du service public, mais je constate la disparition de cet état d'esprit.
Mme Corinne Imbert. - Je rebondis sur les limites de la sectorisation. Ne sont-elles pas atteintes pour les conseils départementaux au titre de l'aide sociale à l'enfance ? Cela rejoint le problème de la pédopsychiatrie. En effet, les services de l'ASE accompagnent parfois des jeunes en grande difficulté, qui peuvent présenter des troubles psychiatriques conséquents pour lesquels ils ont peu de réponses. La sectorisation ne pourrait-elle pas être amendée, au moins pour ce type de situations ?
Ma seconde question n'a rien à voir. Que pensez-vous de la facilité de prescription des antidépresseurs ? Doit-elle être réservée aux médecins spécialistes, même si leur nombre se réduit de plus en plus ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je constate également le manque de pédopsychiatres.
À Arras, le service psychiatrique fonctionne bien aujourd'hui et a retrouvé une attractivité, alors qu'il n'y avait plus de psychiatres il y a vingt ans. Dans le service public, l'accueil est bien fait pour les situations de crise, mais le suivi n'est pas vraiment de qualité. Les patients sont renvoyés vers des cliniques spécialisées où le service laisse à désirer. Or les patients hospitalisés temporairement pour dépression représentent la grande majorité.
Quant aux cas difficiles de schizophrénie, ils se retrouvent en ville, car les contrôles périodiques ne sont pas bien effectués. Face au danger, j'ai dû organiser plusieurs fois des réunions avec procureur, juge et commissaire de police pour mettre les psychiatres devant leurs responsabilités.
M. Daniel Zagury. - Vous avez dit que dans les situations de crise, le service se montre fonctionnel et réactif, ce qui est déjà beaucoup. Cela étant, une équipe bien constituée, bien étoffée et bien coordonnée doit normalement assurer la continuité des soins. Telle est l'essence même de la philosophie du secteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - N'étant pas médecin, je parle de l'extérieur, mais j'ai eu l'impression que les principes de liberté l'emportaient sur l'accompagnement et le soin. J'ai alors eu le sentiment qu'il fallait forcer la décision d'un responsable pour pouvoir modifier un comportement à mon sens inapproprié, compte tenu des difficultés engendrées dans la ville.
M. Daniel Zagury. - Sans être un grand spécialiste concernant la prescription des antidépresseurs, je peux dire que, dans ma carrière d'expert judiciaire, j'ai pu observer que beaucoup de victimes se voient prescrire un antidépresseur très précocement et pas toujours de façon adaptée. Pire encore, la prescription peut être maintenue pendant plus de cinq ans.
Feu Jean-Pierre Olié disait que les antidépresseurs étaient mal prescrits, plutôt que trop prescrits. En tout état de cause, il apparaît que les médecins généralistes les prescrivent facilement pour des accidents de vie qui relèveraient peut-être d'autres approches.
M. Alain Milon, président. - Vous avez insisté sur la coordination et le travail en commun des différentes équipes. Pour autant, beaucoup de personnes atteintes de maladies psychiatriques sont affectées de comorbidités mal suivies.
M. Daniel Zagury. - En effet, la question des comorbidités est fondamentale. L'espérance de vie des malades mentaux est amputée de dix ans. Les soins somatiques aux malades mentaux sont essentiels, dans les hôpitaux comme dans les services extrahospitaliers. Personnellement, j'ai eu la chance de travailler avec un pionnier dans ce domaine.
M. Alain Milon, président. - Merci beaucoup, Monsieur le professeur, pour vos éclairages.
IV. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mercredi 25 juin 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport d'information de MM. Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin sur la Mission d'information état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous abordons à présent l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19. Les travaux de Jean Sol, Céline Brulin et Daniel Chasseing s'inscrivaient dans le programme de contrôle de notre commission de la session 2023-2024, mais avaient dû être reportés en raison de notre forte charge de travail. Nous avons entendu, dans ce cadre, en audition plénière, M. Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie le 26 mars dernier.
M. Jean Sol, rapporteur. - Depuis quelques semaines, nous entendons beaucoup parler de la santé mentale des Français sur un ton alarmiste. Ces discours ne sont pas galvaudés : psychiatres, psychologues, infirmiers et médecins scolaires, agences régionales de santé (ARS), associations, hôpitaux psychiatriques, maires et administrations : tous les témoignages recueillis lors de nos auditions et de nos déplacements vont dans ce sens. Manifestement, et contrairement à ce que nous espérions, la santé mentale des Français ne s'est pas améliorée une fois la crise du covid-19 terminée.
Nous éviterons de vous assommer de chiffres, mais voici quelques données, tout de même, pour mieux appréhender ce que nous qualifions de « dégradation » de la santé mentale. En 2023, 16 % des Français étaient touchés par un syndrome dépressif ; près d'un quart présentaient des signes d'anxiété et plus de 70 %, des problèmes de sommeil. Pour tous ces indicateurs, on constate une nette augmentation par rapport à 2017. Nous reviendrons plus en détail sur la situation des jeunes, mais j'aimerais souligner que nous avons été particulièrement sensibles, au cours de nos travaux, à la situation des personnes âgées. Du fait principalement de leur isolement, elles sont très vulnérables sur le plan psychologique. Le dire est important, car leur souffrance psychique est souvent minimisée.
Maintenant que le constat est dressé, comment expliquer que les Français vont de plus en plus mal ? Bien sûr, la crise sanitaire a laissé des traces. Mais il existe des causes plus profondes, comme l'isolement social, qui gagne de plus en plus de Français, et la précarité, qui constitue sans surprise l'un des principaux facteurs de vulnérabilité aux troubles dépressifs. Nous constatons aussi que l'oeuvre de déstigmatisation produit des effets, en améliorant la détection des troubles. Cette dynamique devrait continuer de prendre de l'ampleur : cette année, la santé mentale a été consacrée grande cause nationale. Le sujet est massivement investi dans les médias, ce qui est très positif. Toutefois, tout l'enjeu réside dans la réponse qui est apportée aux personnes qui osent enfin pousser la porte du cabinet médical.
La situation de notre jeunesse est très préoccupante. Tous les indicateurs sont au rouge : pour ne citer que quelques exemples, les troubles anxiodépressifs touchent près de 30 % des jeunes âgés de 11 à 24 ans. En 2024, un quart des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours de l'année écoulée. Le nombre de passages aux urgences et d'hospitalisations de mineurs pour tentative de suicide, scarification et crise grave sont aussi en hausse et les lignes d'écoute sont de plus en plus sollicitées. Le nombre de refus scolaires anxieux progresse aussi et entraîne des décrochages scolaires. Tous les acteurs auditionnés constatent que la dégradation de la santé mentale est beaucoup plus sévère chez les jeunes filles. En 2022, la prévalence du risque de dépression atteint 31 % chez les collégiennes et les lycéennes, contre 21 % chez les garçons.
Ce tableau est sombre et il nous oblige à rechercher les causes - je dis bien « les » causes, car elles sont multiples. Il y a bien sûr, nous l'avons tous en tête, l'impact des réseaux sociaux. Au cours de nos travaux, ils ont systématiquement été mentionnés comme facteur de mal-être. Les écrans déconnectent les jeunes du réel, réduisent leurs interactions sociales et leur activité physique. Mais les réseaux sociaux vont plus loin encore, en exposant les jeunes à des contenus violents et au harcèlement en ligne. L'enfant n'est plus en sécurité nulle part, puisque via le téléphone, il est exposé jusque dans sa chambre aux déchaînements de haine. Là encore, il faut noter que l'usage des réseaux sociaux affecte plus massivement les jeunes filles. Elles les consultent plus que la population générale et sont surtout plus exposées à des contenus qui stigmatisent certains critères physiques, à la vengeance pornographique et aux challenges dangereux. Certaines vidéos accessibles sur les réseaux sociaux vont jusqu'à encourager les troubles alimentaires, l'automutilation et le suicide.
Les troubles anxieux et dépressifs s'expliquent également par l'inquiétude que suscitent le contexte économique, les conflits armés et le dérèglement climatique. Tout cela participe à une sorte de morosité ambiante et donne aux jeunes le sentiment d'un lendemain trop difficile, d'enjeux insurmontables.
Il faut, à tout cela, ajouter les difficultés subies sur le plan individuel. L'école, par exemple, peut être source d'angoisse. Les infirmières et les médecins scolaires ont insisté auprès de nous sur le stress qu'éprouvent les élèves au sujet de leur orientation professionnelle, notamment pendant la période des candidatures sur Parcoursup. Enfin, n'oublions pas que les violences intrafamiliales ont progressé depuis 2020, et que dans leur enfance, 13 % des femmes et 5,5 % des hommes ont subi des violences sexuelles. Autant de traumatismes qui concourent à l'apparition de troubles psychiques.
Un dernier mot sur le rôle des substances addictives. Les addictions et les troubles psychiques sont intimement liés et s'alimentent mutuellement : les addictions peuvent favoriser l'apparition des troubles et inversement, la souffrance psychique peut pousser à la consommation de drogue, qui est vue comme une échappatoire. Or nous savons qu'une part non négligeable de jeunes est exposée à la consommation de drogues. Une étude de 2022 de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) établit que 16 % des élèves de seconde et 31 % des élèves de terminale ont expérimenté le cannabis. Il nous semble important que le Gouvernement prenne la mesure de cet enjeu, en renforçant, sous l'angle des comorbidités réciproques, le volet addictologie de la feuille de route.
La dégradation de la santé mentale s'accompagne d'une augmentation des besoins en soins, ce qui met à rude épreuve notre système de santé.
Nous nous sommes penchés sur le rôle de la médecine de ville, qui assure la prise en charge de premier niveau. Médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues et autres professionnels de santé qui exercent en ville sont en effet le point d'entrée de nombreux patients dans le parcours de soins. Ils ont donc un rôle tout particulier dans le repérage et l'orientation des patients atteints de troubles psychiques. Il faut rappeler, et j'insiste là-dessus, que la santé mentale fait partie intégrante de la santé au sens large : elle ne doit pas être traitée à part et doit mobiliser tous les acteurs du soin.
Les médecins généralistes ont une responsabilité toute particulière, puisque 30 % de leur patientèle présente un trouble de santé mentale et qu'ils sont à l'origine de 90 % des prescriptions de psychotropes. Pour autant, de l'avis de nombreux acteurs, leur rôle dans la détection et la prise en charge des patients n'est pas optimal, soit par manque de temps médical, soit en raison d'une formation lacunaire sur les enjeux de santé mentale. Pour y remédier, nous avons identifié quelques pistes. La première consiste à développer la coopération entre médecins généralistes, infirmiers et psychiatres. Un modèle de soins collaboratif expérimenté en Île-de-France semble faire ses preuves. Il place auprès de chaque patient atteint d'un trouble psychique une équipe pluridisciplinaire : le médecin, qui détecte le trouble ; une infirmière, qui prend en charge le patient et assure son suivi régulier ; et un psychiatre référent, disponible pour apporter son expertise. Une deuxième piste, qui nous semble très prometteuse, consiste à placer des infirmiers en pratique avancée (IPA) spécialisés en psychiatrie et santé mentale (PSM) au sein des maisons et des centres de santé. Nos déplacements sur le terrain nous ont permis de constater que des hôpitaux, comme celui du Rouvray, mettent à disposition leurs IPA au sein de ces structures pour y réaliser des consultations avancées, ou pour assister le médecin généraliste. Cela montre qu'il est possible de mettre en place des stratégies de synergie entre l'hôpital public et les professionnels libéraux, qui sont très efficaces pour réduire les inégalités d'accès aux soins et, dans le même temps, rationaliser le recours aux soins spécialisés.
Mme Céline Brulin, rapporteure. - Les psychologues concourent aussi à la prise en charge des patients atteints de troubles légers à modérés. L'accès à cette profession s'est élargi grâce au dispositif Mon soutien psy, lancé en 2022 : près de 600 000 patients en ont bénéficié et 3,1 millions de séances ont été prises en charge. Des améliorations ont été apportées en 2024, comme la suppression de l'adressage préalable, ce qui va dans le bon sens.
Toutefois, ce n'est pas la solution miracle : le dispositif ne mobilise que 15 % des psychologues libéraux et certains territoires restent très peu couverts. Nous avons également été alertés sur le risque sérieux de rupture de prise en charge qui se présente, pour les patients, au bout des douze séances remboursées. Par ailleurs, les représentants des psychologues ne sont pas unanimes sur le bien-fondé de ce dispositif. Certains estiment que l'argent qui lui est consacré, 660 millions d'euros sur la période 2022-2026, devrait revenir prioritairement aux services publics exsangues.
Enfin, la première ligne, ce sont aussi toutes les professions au contact des publics vulnérables et, plus largement, tous les citoyens. Comme l'a exposé le délégué ministériel Frank Bellivier en audition plénière, le déploiement des formations aux premiers secours en santé mentale se poursuit. Nous saluons cette démarche et pensons qu'il serait utile de systématiser cette formation auprès des travailleurs sociaux, des forces de l'ordre et des enseignants. Nous plaidons aussi pour encourager la pair-aidance, qui donne de très beaux résultats en matière de réinsertion sociale et professionnelle. Je pense à l'association que nous avons visitée à Saint-Étienne-du-Rouvray, le Clubhouse, qui propose une grande variété d'activités à ses membres, atteints de troubles psychiques, pour les accompagner vers le milieu professionnel.
Nous avons également ciblé trois institutions en contact avec la jeunesse, qui nous paraissent déterminantes.
La première est la santé scolaire. Elle occupe, sur le papier, une position centrale dans le repérage des vulnérabilités psychiques et dans l'accompagnement des enfants. Pourtant, ce rôle stratégique contraste cruellement avec les moyens qui lui sont alloués. Nous ne reviendrons pas longuement sur le constat tristement connu de l'insuffisance des effectifs : seuls 57 % des postes de médecins scolaires sont aujourd'hui pourvus. Cette pénurie massive compromet la réalisation de nombreuses missions essentielles. Par exemple, la mise en oeuvre des bilans de santé, légalement obligatoires, se révèle en réalité très incomplète et très inégale selon les départements. Moins de 20 % des enfants bénéficient de la visite médicale de la sixième année. Certes, les annonces récentes d'Élisabeth Borne, ministre de l'éducation nationale, sont très largement axées sur la santé mentale. Toutefois, ces mesures resteront vaines, à défaut de s'atteler au chantier de l'attractivité des professions concernées.
En outre, les médecins et infirmiers de l'éducation nationale souffrent d'un isolement institutionnel préjudiciable à la bonne prise en charge des enfants en souffrance psychique. Il ressort de nos auditions que les médecins scolaires sont peu inclus dans les instances locales de coopération que sont les conseils locaux de santé mentale et les projets territoriaux de santé mentale. Cette coordination n'est pourtant pas difficile à mettre en place et nous recommandons aux ARS et aux élus locaux de mieux intégrer la médecine scolaire dans ces instances.
Nous nous sommes également penchés sur les maisons des adolescents (MDA), structures pluridisciplinaires utiles pour répondre aux spécificités de cette période charnière qu'est l'adolescence. Il faut leur reconnaître l'avantage d'être un lieu moins stigmatisant que les structures de la psychiatrie pour un public peut-être plus sensible encore aux a priori sur les troubles psychiques. Les 123 maisons des adolescents sont donc en première ligne pour accueillir les jeunes en détresse psychologique : 72 % des 100 000 adolescents qui s'y rendent abordent un sujet en lien avec la santé mentale. Malheureusement, elles non plus ne sont pas exemptes de difficultés : près de 25 % ne disposent pas de médecin en leur sein. En outre, si leur nombre a augmenté et permet désormais de couvrir tous les départements, leur accessibilité territoriale est vraiment perfectible. Il convient dorénavant d'encourager le développement d'antennes locales ou d'unités interdépartementales. Surtout, il est indispensable de sécuriser la part de leur budget allouée par les ARS, alors que les finances des collectivités territoriales permettent difficilement d'envisager des efforts supplémentaires. Enfin, il faut bien admettre que les maisons des adolescents ne sont pas la solution miracle, leur file active étant bien moindre que celle des centres médico-psychologiques (CMP). Elles ont plutôt vocation à agir en complémentarité.
La troisième institution est l'aide sociale à l'enfance (ASE). Il ressort de nos travaux une nette impression de délaissement des enfants qui lui sont confiés, alors qu'ils sont plus sujets que les autres aux troubles psychiques en raison de leur parcours de vie souvent très chaotique. Nous avons eu le sentiment que, par manque de coopération, les différents acteurs se renvoient la responsabilité de la prise en charge psychiatrique de ces enfants. Les directeurs des établissements psychiatriques témoignent des difficultés de la protection de l'enfance à accueillir les enfants, ce qui accroît la durée de leur hospitalisation. À l'inverse, certains services d'urgences refusent des prises en charge, ou n'accueillent les enfants que de manière transitoire, laissant les équipes de l'ASE en très grande difficulté.
Nous n'avons pas de solution à tous ces problèmes, qui sont actuellement étudiés plus en détail par la mission d'information sur la protection de l'enfance. En revanche, nous attirons votre attention sur les équipes mobiles qui interviennent directement au sein des structures et qui peuvent contribuer à sortir l'ASE de son isolement. Des projets intéressants ont déjà vu le jour, portés par des établissements psychiatriques à La Réunion, en Loire-Atlantique ou dans le Doubs. Les résultats sont tout à fait concluants et nous recommandons de généraliser ces équipes mobiles, qui sont efficaces pour prévenir les hospitalisations.
Comme vous le voyez, répondre à l'accroissement des besoins en soins psychiques demande une impulsion politique ambitieuse. Pour cela, les pouvoirs publics se sont dotés d'une programmation de la politique de santé mentale. Depuis 2001, les différents plans se succèdent. La feuille de route actuelle, lancée en 2018, nous paraît plutôt positive. Ses priorités et ses mesures témoignent d'une réelle prise de conscience. Des financements ont été mobilisés, quoique insuffisants pour répondre à l'explosion de la demande de soins psychiatriques.
Toutefois, depuis 2018, les gouvernements successifs ont fait un usage immodéré d'annonces programmatiques. Sans être exhaustifs, rappelons les assises de la santé mentale et de la psychiatrie en 2021, la consécration de la santé mentale en grande cause nationale pour 2025 ou la présentation, il y a quelques jours, d'un plan psychiatrie. Il semble que cet empilement de programmes masque, en réalité, une impuissance réformatrice.
Plusieurs critiques peuvent être formulées sur la gouvernance. Premièrement, trop de mesures s'ajoutent sans nécessairement trouver de concrétisation. Cela ne peut qu'alimenter la frustration des professionnels comme des usagers. Je ne donnerai que l'exemple de la grande cause nationale. Entre les premières annonces volontaristes d'octobre 2024 et le lancement officiel de cette démarche ce mois-ci, une drôle de guerre s'est poursuivie pendant laquelle tous les acteurs sont restés dans l'expectative. Aux campagnes de sensibilisation devront succéder des mesures financées.
Deuxièmement, certains sujets fondamentaux, au premier rang desquels figure l'attractivité des métiers de la psychiatrie, peinent à s'imposer comme des priorités stratégiques.
Sans doute l'amélioration de la prise en charge psychiatrique passe-t-elle également par une meilleure coordination territoriale des acteurs. Les instances spécifiques de coopération dans le champ de la santé mentale répondent à cette nécessité et ont prouvé leur utilité. Toutefois, les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) et les conseils locaux de santé mentale (CLSM) souffrent tous deux d'une grande hétérogénéité territoriale.
Les PTSM, pilotés par les ARS, sont parfois perçus par les soignants comme trop théoriques, voire trop technocratiques, en décalage avec les besoins du territoire. En parallèle de certaines réussites, comme dans le département de la Seine-Saint-Denis, les acteurs de terrain peuvent reprocher aux ARS de ne pas honorer, dans leurs différents arbitrages, les axes prioritaires validés dans le cadre du projet territorial. La seconde vague d'élaboration de ces projets territoriaux devra répondre à ces écueils.
Il convient bien sûr de promouvoir les CLSM auprès des élus locaux. Ils répondent à une vraie nécessité de concertation, à échelle communale ou intercommunale, entre tous les acteurs investis dans le champ de la santé mentale : élus, acteurs du secteur social et médico-social, du logement, services compétents de l'État... Néanmoins, ces conseils doivent demeurer des instances à l'initiative des collectivités. Nous ne pouvons donc que rester vigilants sur les tentatives de l'État d'uniformiser les modes d'action des CLSM : une instruction administrative de 2025, longue de seize pages, fixe par exemple un référentiel national. Il ne faudrait pas que celui-ci devienne opposable aux élus locaux.
M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Aux difficultés éprouvées en première ligne s'ajoutent les faiblesses de la prise en charge spécialisée. Là aussi, vous ne serez pas surpris d'entendre que la rareté des ressources humaines dirige toute la réflexion sur le sujet.
En premier lieu, la discipline de la psychiatrie souffre d'un manque d'attractivité qui conduit à ce qu'un tiers des postes de psychiatres soient vacants au sein de l'hôpital public. La situation est plus alarmante encore en pédopsychiatrie : le nombre de salariés hospitaliers a diminué de 40 % entre 2010 et 2025, et un quart des départements sont complètement dépourvus de pédopsychiatre.
Cette désertification médicale empêche la prise en charge des patients dans des délais raisonnables, ce qui concourt à la chronicisation des troubles et, à terme, à la saturation des services d'hospitalisation et d'urgences psychiatriques. Ces difficultés concernent plus particulièrement les zones rurales et semi-rurales : dans le champ de la psychiatrie, les inégalités territoriales sont frappantes.
Nos échanges avec les équipes soignantes et dirigeantes de sept établissements psychiatriques nous ont permis d'objectiver la situation. Le taux d'occupation des hôpitaux psychiatriques dépasse très souvent le seuil recommandé de 85 %. Depuis la crise sanitaire, il atteint même, dans plusieurs établissements comme celui de Thuir, des taux avoisinant les 100 %.
Au sein de la psychiatrie publique, une attention particulière doit être portée aux 2 900 centres médico-psychologiques recensés en France. Comme vous le savez, ces centres ont été conçus comme le pivot du dispositif de soins du secteur, chargé de coordonner l'ensemble des activités ambulatoires sur le territoire. En accueillant aussi bien les patients qui entrent dans le parcours de soins que ceux en sortie d'hôpital, ils sont le relais entre la prise en charge de premier niveau, réalisée en ville, et la prise en charge spécialisée.
Or les CMP ne parviennent plus à assurer leurs missions. Leur saturation est telle que les patients doivent attendre jusqu'à six mois avant d'obtenir un rendez-vous auprès d'un psychiatre. Loin de leur logique de prise en charge universelle, les CMP sont contraints de réaliser un tri entre les patients, en ciblant les situations urgentes.
Après cette sombre présentation de la réalité, quels sont les motifs d'espoir ? Quels sont les axes de réforme prioritaires que notre rapport vous propose ? Ils sont au nombre de trois.
Premièrement, nous plaçons de grandes attentes dans le déploiement des IPA mention psychiatrie et santé mentale. Leurs compétences élargies, sous la coordination d'un médecin, et leur spécialisation en font des professionnels précieux pour tous les lieux de prise en charge. Leur compétence pour renouveler des prescriptions, suivre l'observance des traitements et coordonner les parcours permet de libérer du temps médical et d'éviter les ruptures de suivi.
À rebours de certaines réticences des médecins concernant les IPA en général, un large consensus prévaut dans le corps médical, notamment chez les psychiatres, sur la plus-value des IPA mention PSM. Il convient dès lors d'encourager leur recrutement dans les services psychiatriques, les CMP, mais également au sein de l'éducation nationale ou de l'ASE puisque cette possibilité a récemment été ouverte par la loi sur la profession d'infirmier.
Il s'agit également d'augmenter leur nombre, puisque seuls 548 IPA mention PSM sont recensés actuellement. Le développement de cette profession achoppe sur les modalités de formation à la pratique avancée des infirmières : celle-ci a un coût et suppose un remplacement. Nous enjoignons les ARS à mieux accompagner les établissements de santé sur ce plan.
Plus généralement, la rémunération des IPA ne rend pas cette profession attractive. Il conviendra de fixer des grilles indiciaires appropriées dans la fonction publique et de refonder leur modèle économique en libéral.
Deuxièmement, nous pensons qu'il convient de renforcer en priorité les CMP, pour qu'ils redeviennent le lieu privilégié de l'accès aux soins psychiatriques et qu'ils soient clairement identifiés par les patients.
Concernant les moyens, il est indispensable d'allouer plus de personnel à ces structures, en priorisant les territoires les plus en tension et les CMP infanto-juvéniles. Le renfort en IPA mention PSM serait particulièrement utile, puisqu'il permettrait aux patients en attente d'un rendez-vous médical de bénéficier d'un premier suivi spécialisé.
À cette occasion, nous pouvons d'ailleurs déplorer qu'une part importante des financements accordés par les ARS intervienne dans le cadre du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (Fiop). Comme certains établissements nous l'ont signalé, il est regrettable que des dispositifs, qui ont pourtant fait leurs preuves, ne puissent bénéficier d'un soutien budgétaire des ARS au motif de ne pas être assez innovants. Pour reprendre les mots du Dr Louis Tandonnet, chef de service au centre hospitalier de La Candélie : « Désormais, pour obtenir des moyens, il faut innover - ou donner le sentiment à l'ARS d'innover - alors qu'on pourrait juste renforcer les missions des CMP. » Pierre angulaire de la prise en charge des soins spécialisés, le CMP a du mal à se départir de son image désuète. Pourtant, il est nécessaire de conforter son rôle comme porte d'entrée dans le parcours de soins.
Troisièmement, la priorité donnée au renforcement des CMP doit leur permettre de retrouver leur vocation naturelle à intervenir à domicile, en complémentarité des équipes mobiles spécialisées. Il s'agit là de réunir les conditions pour permettre les visites sur le lieu de vie, à domicile, mais aussi dans les structures médico-sociales comme les Ehpad.
Les équipes mobiles peuvent intervenir pour des situations spécifiques : c'est notamment le cas des équipes mobiles de psychiatrie de la personne âgée (EMPPA) ou des équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP). Ces dispositifs, qui reposent notamment sur des IPA et des infirmières, présentent des résultats concluants pour prévenir les hospitalisations, éviter les ruptures de prise en charge et assurer l'observance des traitements. Ils se heurtent toutefois au manque de ressources humaines dans les services de psychiatrie, alors que ce type d'organisation mobilise beaucoup de personnel. Espérons, là encore, que la levée des freins au déploiement des IPA tiendra ses promesses. En parallèle, les financements apportés aux établissements pour ce mode d'organisation ne doivent pas se tarir.
Mes chers collègues, il ne faudrait pas que notre mission d'information ait comme conséquence de décourager les parlementaires face à l'ampleur de la tâche. Pour briser le cercle vicieux de la déconsidération de la psychiatrie, il nous revient de témoigner dans nos territoires de l'engagement des soignants, en dépit des désillusions provoquées par des annonces sans lendemain.
À nous, également, d'être vigilants sur les plans successifs qui nous sont présentés. À mi-parcours de cette année où la santé mentale a été érigée grande cause nationale, il est encore temps pour le Gouvernement de redresser la barre et de capitaliser sur la vraie réussite de ce début d'année : la déstigmatisation des troubles de santé mentale.
Bien sûr, la période est rendue complexe par le contexte financier contraint, mais un budget, c'est l'expression de choix politiques. Si les deux derniers gouvernements ont fait de la santé mentale une grande cause nationale, et si nous avons applaudi à cette décision, alors il est impératif d'en tirer toutes les conséquences, y compris en matière de moyens.
M. Philippe Mouiller, président. - Vous avez réalisé un important travail, qui a duré de nombreux mois et qui s'est appuyé sur plus de vingt-cinq auditions, deux déplacements et plusieurs tables rondes. Mes chers collègues, je vous invite à consulter les vingt-deux recommandations des rapporteurs.
Mme Florence Lassarade. - Je m'inquiète que votre rapport aborde si peu le sujet de la prévention et des écrans.
Lorsque je suis devenue sénatrice, en 2017, tous les maires de Gironde se félicitaient du déploiement des tableaux numériques dans les écoles maternelles. Il est crucial que nous envoyions un signal aux parents et aux enfants en sanctuarisant une école sans écran.
Par ailleurs, les troubles psychiatriques peuvent être prévenus par un accompagnement dès le plus jeune âge. C'est le rôle des pédiatres. Alors qu'ils ont un savoir-faire dans le dépistage précoce des troubles psychiatriques, ces professionnels ne sont inclus dans aucune forme de coopération. Pourquoi se priver d'une spécialité qui coûte peu et qui rapporte beaucoup ?
Je suis particulièrement préoccupée par les quantités de psychotropes prescrits aux enfants et aux adolescents. On dit que la France est fortement consommatrice de ces médicaments, mais il s'agit aussi d'une voie de facilité, employée par manque de connaissances.
Déplorons, enfin, qu'il ne soit pas prévu de former plus d'internes en psychiatrie...
Mme Laurence Rossignol. - Je félicite mes collègues pour ce rapport bienvenu, dont la publication intervient dans une actualité fortement marquée par la question de la santé mentale. Le constat qui en ressort est assez accablant.
Permettez-moi de présenter quelques éléments qui auraient pu être intégrés à votre rapport.
Concernant les écrans, vous auriez pu mentionner la consommation de contenus pornographiques chez les jeunes. L'hôpital Marmottan, spécialisé dans l'accompagnement des pratiques addictives, ouvre une consultation spécifiquement dédiée à l'addiction au porno. Il est donc admis qu'il s'agit d'une question de santé mentale. Le Sénat a un peu d'avance sur ce sujet, depuis la publication du rapport Porno : l'enfer du décor de la délégation aux droits des femmes.
Par ailleurs, il est important d'évoquer le désarroi et la solitude des familles des personnes atteintes de troubles mentaux. Elles-mêmes nécessiteraient un dispositif d'accompagnement spécifique...
En outre, d'immenses trous dans la raquette demeurent sur la prise en charge des troubles mentaux chez les auteurs de délinquance et chez les détenus. Or les conséquences sont nombreuses, notamment au moment de la sortie d'incarcération, puisque les troubles n'ont pas été soignés et qu'ils se sont parfois aggravés.
Enfin, il me semble que le temps est venu d'intégrer les psychologues à la coopération entre les médecins généralistes, les infirmiers et les psychiatres que M. Sol a évoquée. La France compte 80 000 psychologues, qui ont des expériences différentes, malgré une formation unique, à laquelle ils sont d'ailleurs fortement attachés.
Les situations sont très hétérogènes. Dans certains hôpitaux, les psychologues sont parfaitement intégrés aux équipes médicales, mais ce n'est pas toujours le cas. Par ailleurs, le dispositif Mon soutien psy s'est imposé comme le sujet majeur dès qu'il est question des psychologues, alors que d'autres questions demeurent. Nous faisons face à une pénurie de psychiatres qui devrait s'inscrire dans la durée. Je n'ai jamais compris quelles étaient les causes de la désaffection pour cette profession. La raison ne peut être uniquement financière : les psychiatres qui exercent en libéral sont correctement payés, et, à l'hôpital, ils touchent le même salaire que les autres médecins hospitaliers. Désormais, c'est le dernier poste demandé au concours d'internat : les étudiants y sont donc affectés par défaut, ce qui est assez dramatique !
Nous devrions inventer un équivalent des IPA pour les psychologues, afin d'augmenter le volume démographique de professionnels chargés de la santé mentale. Bien sûr, cela supposerait de bousculer un peu les médecins. C'est peut-être au Sénat d'ouvrir cette piste.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Je remercie les trois rapporteurs pour leur excellent travail sur un sujet aussi préoccupant qu'urgent.
La consommation de cannabinoïdes de synthèse, notamment le PTC, pour « Pète ton crâne », vendu quasi exclusivement sur internet comme substitut du cannabis, entraîne des complications aiguës et des effets psychoactifs jusqu'à deux-cents fois plus puissants que ceux du tétrahydrocannabinol (THC). Il provoque des troubles psychiatriques aigus de panique, de paranoïa et une accélération de la schizophrénie. Cette drogue est particulièrement répandue en milieu rural, sans doute parce qu'il est facile de s'en procurer en ligne.
La prise en charge tardive de la santé mentale chez les jeunes conduit à des drames familiaux. Lorsque le jeune adulte, devenu majeur, méconnaît son état de santé psychiatrique, il refuse les soins, ce qui peut susciter un grand désarroi chez ses proches. Les hospitalisations d'office ne donnent pas lieu à des résultats probants, le traitement de l'addiction pouvant masquer de réels troubles psychiatriques, avec une violence accélérée.
Votre rapport doit donc mentionner ce phénomène grandissant. Les procureurs et les préfets sont fortement préoccupés.
Mme Anne Souyris. - Je vous remercie pour ce rapport, qui est attendu. Certes, la santé mentale est la grande cause nationale de cette année, mais le Gouvernement parle beaucoup sans réellement agir. Il est donc important que le Sénat se saisisse de cette question.
Mme Rossignol l'a dit : les psychologues ne sont pas inclus dans le parcours de soins. À l'exception du parcours Mon soutien psy, qui, selon moi, est un bon début, ces professionnels ne bénéficient pas d'un mécanisme de remboursement de leurs consultations ni d'une intégration automatique dans les équipes de soins.
On s'interroge sur les causes de la désaffection pour la psychiatrie. C'est sans doute en partie parce qu'il manque un élément dans le maillage. J'ignore si un équivalent des IPA pour les psychologues serait une bonne idée. Les psychologues suivent cinq années d'études : on n'en est plus à la simple licence, comme autrefois. Des spécialités hospitalières pourraient même être envisagées.
À Paris, au sortir du covid, les psychologues des centres de santé pouvaient prendre en charge directement les jeunes, qui avaient beaucoup souffert de l'enfermement. Cela a été un succès complet. Nous avions voulu faire le lien avec le circuit Mon soutien psy, qui peine à démarrer, mais cela n'avait pas été possible à l'époque.
C'est finalement la question du rapport au service public qui mériterait réflexion. Les psychologues libéraux ne devraient pas être les seuls à être inclus dans Mon soutien psy.
Concernant la prison, il n'y a pas de soins en détention. Ce qu'on y observe reflète en réalité ce qui se passe en France : dès qu'un détenu souffre d'un problème de psychiatrie, on lui donne des médicaments. Dans la dernière prison que j'ai visitée, 80 % des détenus étaient sous neuroleptiques lourds, sans suivi. C'est inquiétant.
À ce titre, je m'inquiète de votre recommandation concernant les équipes mobiles : les IPA risquent en effet de se contenter de prescrire des médicaments, sans proposer de réel suivi. Est-ce vraiment la solution ?
Mme Nadia Sollogoub. - Vos conclusions font écho aux travaux de la mission d'information sur les politiques de prévention en santé. En ressort la même impression de cacophonie, avec des actions qui se télescopent, sans réelle stratégie coordonnée ni vision globale, en particulier sur le long terme.
Qu'en est-il du partage des données en santé mentale ? La montée en puissance du dossier médical partagé (DMP) est une avancée. Les psychologues ont-ils accès au DMP ? Ce levier serait-il utile ?
M. Jean Sol, rapporteur. - Madame Lassarade, nous n'avons pas oublié les pédiatres dans nos travaux. Ils font partie de l'équipe pluridisciplinaire mentionnée.
Une mission d'information est en cours sur la prévention. Nous avons centré notre mission sur l'évolution des problématiques en santé mentale et ses conséquences sur le système de prise en charge depuis la crise sanitaire.
Quant aux prescriptions de psychotropes aux enfants, ce problème soulève un enjeu de formation des généralistes que nous soulignons dans le rapport. Un dialogue doit être mené avec les psychiatres, qui peuvent apporter une aide à la prescription.
Madame Rossignol, nous avons évoqué, certes de manière succincte, la question de la pornographie dans notre rapport.
Je vous rejoins dans vos propos sur l'accompagnement des familles. Les parents ne sont pas toujours accueillis dans les CMP ou les maisons des adolescents, faute de personnel compétent disponible. Il est nécessaire de renforcer cet accompagnement.
Les délinquants sont malheureusement fréquemment assommés de médicaments. La question de leur suivi et de leur accompagnement, en particulier lors de la sortie de détention, doit se poser.
Concernant la création d'un équivalent des IPA pour les psychologues, il me semble que la voie des psychologues cliniciens est celle qui doit être privilégiée. Deux positions ont émergé lors de nos auditions : certains psychologues sont assez favorables au dispositif Mon soutien psy et ont rapidement conventionné, d'autres y restent assez réfractaires. Cependant, de plus en plus de psychologues semblent enclins à conventionner, ce qui devrait permettre une avancée.
Les causes de la désaffection pour le métier de psychiatre sont multifactorielles. Nous en avons largement discuté lors des auditions et nous avons émis quelques recommandations en ce sens.
Madame Romagny, nous avons pointé le problème des addictions et de l'accès de plus en plus facile aux drogues. Alors que nous avons voté une loi pour interdire la consommation de protoxyde d'azote, nous continuons à voir des contenants traîner dans nos rues : on ne peut que s'en inquiéter. Nous recommandons donc de renforcer les CMP infanto-juvéniles et les moyens qui leur sont affectés, ainsi que les maisons des adolescents. À ce titre, pourquoi ne pas créer des maisons dédiées aux plus jeunes ? Parmi nos recommandations, nous suggérons aussi de mieux évaluer les effets des drogues sur la santé mentale.
Mme Céline Brulin. - Mme Lassarade a évoqué les écrans et la prévention. Le caractère multifactoriel des problèmes de santé mentale rend en réalité nécessaire une politique de prévention elle-même multifactorielle. Il y a un lien évident entre la précarité des populations et leur état de santé mentale. Une politique de prévention efficace consisterait donc tant à former au bon usage des écrans qu'à résorber la précarité !
La santé mentale des détenus mériterait sans doute un rapport à part entière. Nous avons tenu à délimiter le contenu de notre rapport.
Mme Laurence Rossignol. - Le rapport de la délégation aux droits des femmes et de la commission des lois Prévention de la récidive du viol : prendre en charge les auteurs pour éviter de nouvelles victimes a largement exploré la question de la prise en charge des troubles mentaux des auteurs d'infractions à caractère sexuel.
Mme Céline Brulin, rapporteure. - Pour notre part, nous nous sommes intéressés à l'action des équipes mobiles en milieu pénitentiaire, qui représente une partie importante de la réponse.
La désaffection pour la profession de psychiatre est un problème important, qui est en partie lié à la stigmatisation de ce métier. Nous avons rencontré de jeunes psychiatres qui parlaient avec grand enthousiasme de leur profession. Reconnaissons que les conditions de travail actuelles ne contribuent pas à susciter des vocations. Nous devons prendre cet élément en compte pour redonner envie aux jeunes d'exercer ce métier.
Concernant le partage de données, nous pensons qu'une piste d'amélioration consiste à donner aux médecins scolaires un accès au DMP, car la santé scolaire est actuellement très isolée. La loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) a ouvert la possibilité juridique de rendre le DMP accessible à différents professionnels, mais les développements informatiques et les décrets se font attendre.
M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Concernant la prévention, à laquelle la santé scolaire est censée contribuer, je rappelle que seuls 800 des 1 600 postes de médecins scolaires budgétés sont pourvus.
La consommation de psychotropes est en effet importante en France. Nous avons recommandé que, durant leurs études, les médecins généralistes suivent un stage en psychiatrie pour mieux se familiariser avec les traitements.
La question de la consommation des contenus pornographiques n'a pas été approfondie, car notre rapport concerne, de manière plus large, les enjeux de santé mentale.
Lors de notre déplacement à Perpignan, nous avons observé comment les services hospitaliers prenaient en charge les troubles mentaux des détenus. Le centre hospitalier du pays d'Eygurande, en Corrèze, a développé des équipes mobiles qui se rendent en prison. Certes, cela ne résout pas tout, mais des projets sont en cours pour que les détenus en situation d'urgence psychiatrique puissent être hospitalisés dans des services spécifiques.
La désaffection pour le métier de psychiatre s'explique, en partie, par le niveau inférieur des salaires dans le public.
Nous ne nous sommes pas penchés sur la création d'un équivalent des IPA pour les psychologues, car cette idée ne nous a pas été suggérée lors des auditions.
Il me semble que les équipes mobiles des CMP qui se déplacent en prison peuvent jouer un rôle très important pour remédier à la forte prescription de neuroleptiques en détention.
Madame Sollogoub, nous avons proposé de renforcer les CMP pour y intégrer plus de psychiatres. Face à la pénurie de ces personnels, l'inclusion d'IPA mention PSM apparaît comme une solution pour libérer du temps pour les psychiatres.
Mme Annie Le Houérou. - Je vous remercie à mon tour pour votre travail, qui souligne très clairement l'ampleur du désastre.
Vous avez dépeint la situation : seuls 800 postes de médecin scolaire sont pourvus, sur 1 600 postes budgétés. Les équipes mobiles sont présentes, mais elles peinent à intervenir, faute de moyens suffisants. Il y a un problème de recrutement des psychiatres. Les professionnels soulignent un décalage entre la théorie et la pratique : les structures existent, mais les ressources humaines manquent. En effet, la prise en charge de la santé mentale repose certes sur des médicaments, mais avant tout sur un accompagnement humain.
Des élus locaux m'ont interpellée à plusieurs reprises, car ils sont en première ligne pour gérer la situation qui précède la crise aiguë, laquelle est prise en charge par les urgences psychiatriques et les centres médico-psychologiques. Mais comment faire, lorsqu'il y a six mois d'attente pour accéder à ces services ? Il manque peut-être un maillon - IPA, infirmiers, psychologues.
Le premier problème est le déficit de démographie médicale. J'ignore si l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) se penchera sur cette question essentielle.
Mme Marion Canalès. - Le coût économique direct et indirect des problèmes de santé mentale est évalué à 100 milliards d'euros. Au travers de ce rapport, vous posez la question suivante : avec quelles équipes, quelles structures et quelle approche politique pourrons-nous répondre à ces enjeux ?
Comme vous, j'ai de grandes attentes vis-à-vis de l'élargissement des compétences des IPA. Vous avez souligné la pénurie de médecins scolaires, avec seulement 57 % des postes pourvus. Et on ne compte qu'un psychologue de l'éducation nationale pour 1 500 élèves...
Si la psychiatrie est moins choisie par les étudiants en médecine, c'est peut-être parce qu'il y a moins de réussites thérapeutiques à mettre en avant dans ce domaine, contrairement à la cardiologie, par exemple. Et avec l'envolée de la pharmacopée, on pourrait croire que tout se traite avec des médicaments, tandis que la dimension relationnelle est laissée de côté.
De nombreuses feuilles de route ont été lancées. Aujourd'hui, des financements ont été mobilisés, mais ils sont insuffisants. La France peut-elle continuer à organiser les soins sans consentement dans les conditions actuelles ?
Depuis le début de l'année, on constate des tensions d'approvisionnement et des ruptures de stocks sur quatorze médicaments utilisés en psychiatrie. Les conséquences sont dramatiques.
Enfin, pourrions-nous imaginer une loi de programmation, comme dans le domaine militaire, avec une mobilisation collective et intersectorielle, sur dix ans ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je remercie mes collègues pour leur rapport. Il est difficile d'en parler en quelques minutes, tant il y a de choses à dire sur la santé des jeunes. Je suis atterrée par vos conclusions, car quand la jeunesse va mal, c'est le reste de la société qui ne se porte pas très bien...
Vous avez évoqué la précarité. Des chiffres de l'Insee montrent que le nombre de tentatives de suicide est beaucoup plus important chez les jeunes des milieux modestes que chez ceux qui vivent dans de bonnes conditions.
Le dispositif Mon soutien psy est positif, mais quel suivi est proposé au terme des douze séances remboursées ?
J'ai appris avec étonnement que les médecins et les infirmiers scolaires ne sont pas inclus dans les instances de coordination. Ils sont pourtant les premiers, avec les assistantes sociales, à qui les élèves peuvent se confier. Comment faire pour que les ARS s'emparent de cette question ?
Dans mon département, on comptait six pédopsychiatres il y a deux ans : il n'y en a plus un seul. Alors que 2 400 enfants étaient suivis, ils ne sont plus que 1 200 aujourd'hui. C'est fort inquiétant. Les équipes sont très mobilisées : elles réunissent 63 professionnels, mais sans médecin, aucune prescription n'est possible : ces soignants eux-mêmes commencent à être à bout... Nous avons bien deux médecins étrangers, diplômés en pédopsychiatrie, mais ils n'ont pas validé leurs épreuves de vérification de connaissances. Le ministre de la santé a annoncé qu'il allait simplifier les conditions d'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Les pédopsychiatres seront-ils concernés ?
Mme Anne-Marie Nédélec. - Je salue à mon tour le travail de mes collègues sur ce sujet si sensible.
Parmi les causes de la dégradation de la santé mentale, notamment chez les jeunes, vous avez identifié les multiples addictions, qui entraînent une déconnexion par rapport au réel. Vous soulignez, à raison, que l'enfant n'est plus en sécurité nulle part, à cause de son téléphone, tant il est exposé à des contenus quotidiens de haine, de violence, de pornographie et d'appel à l'automutilation ou au suicide.
Il faudrait donc mieux former aux écrans. On commence d'ailleurs à rétropédaler sur ce point : la tendance n'est plus aux écrans partout. Il est aussi nécessaire de mieux coordonner l'action des généralistes, des infirmiers et des psychiatres.
Cependant, à l'exception de quelques belles expériences, la prise en charge globale du patient, dans le domaine de la santé mentale comme de la santé physique, reste insuffisante, faute de moyens.
Devons-nous nous résigner à l'impuissance ? Ne pourrions-nous pas agir sur les causes profondes - autrement dit, sur les sites, les réseaux et les contenus ? Sans une telle approche, je vois peu de raisons d'espérer. Nous entrons dans une spirale infernale, où il faudra toujours plus de centres, de psychologues, de médecins scolaires - alors que tout cela ne se fait pas du jour au lendemain.
M. Jean-Luc Fichet. - Je vous félicite pour votre rapport. Il est en effet urgent que nous nous saisissions de cette question.
Pour apporter des solutions, la question des moyens reste importante, comme celle des professionnels de santé et du social. En effet, la maladie mentale, au quotidien, c'est aussi beaucoup de souffrance et de violences, susceptibles de retarder la guérison.
Dans le cas des maladies mentales, on a parfois le sentiment qu'il n'y a pas d'urgence. Or quand les familles cherchent à prendre rendez-vous avec un psychiatre pour leur enfant, il leur faut parfois attendre un an... Pourtant, la souffrance est bien présente. Et dès lors qu'un individu a connu une séquence psychiatrique, il est considéré comme porteur d'un passé psychiatrique. Il est très difficile de définir clairement quand la guérison est atteinte. Le trouble mental semble enkysté dans le milieu familial et dans l'environnement social du jeune.
Quand quelqu'un dit qu'il ne se sent pas bien, on a tendance à lui conseiller de se reprendre en main : mais avant d'admettre qu'il est peut-être malade et qu'il a besoin d'être accompagné pour guérir, toute une démarche doit être accomplie par son environnement...
Nous sommes encore bien maladroits pour apporter des réponses à ces questions. Cependant, les professionnels du médico-social ont un rôle très important à jouer. Pourquoi sont-ils si peu nombreux ? Sans doute parce qu'ils accompagnent des patients dans une maladie qui n'est pas toujours gratifiante : on ignore quand la guérison est effective, les familles ne témoignent pas toujours leur reconnaissance et les rémunérations ne sont sans doute pas toujours au rendez-vous, alors que le rapport aux malades est assez particulier.
Nous devons donc avancer sur le sujet. Comme cela a été dit, la précarité est certainement un facteur aggravant de la maladie mentale.
Il y a urgence, donc, à identifier les causes et, surtout, à mobiliser l'ensemble des professionnels. Les psychologues ont un rôle très important à jouer dans un service public, afin de réduire les troubles de santé mentale.
M. Alain Milon. - Je salue le travail de nos rapporteurs.
Il me paraît important de distinguer les problèmes de santé mentale liés à un sentiment d'anxiété collective croissant et les maladies psychiatriques - schizophrénie, trouble bipolaire, dépression psychotique -, qui, pour leur part, n'ont pas augmenté ces dernières années. C'est bien cette angoisse collective qu'il faut prendre en charge, tout en continuant à soigner les personnes atteintes de maladies mentales.
Mettons-nous à la place des jeunes. Tout leur est présenté comme dangereux pour leur santé : la drogue, le tabac, le soda, et même l'eau, à cause des nanoparticules, ou toute une série d'aliments, parce qu'ils sont bourrés d'hormones ! Puis ces jeunes allument la télé, ils sont confrontés à la guerre en Ukraine, à Gaza, en Iran... On leur envoie sans arrêt des messages négatifs. Or vers qui peuvent-ils se tourner pour obtenir du soutien ? Leurs parents travaillent, leurs grands-parents sont parfois absents, leurs enseignants sont débordés - et il n'y a plus de curé ! Il ne leur reste plus que leurs camarades, qui, eux-mêmes, sont en état d'angoisse...
Vous émettez des recommandations sur les CMP. Les psychiatres ont accompli un travail considérable dans les années 1960 en mettant en place la territorialisation.
Concernant les IPA, je demande depuis des années que soit rétablie la formation des infirmières spécialisées en psychiatrie - si des IPA mention PSM sont formées, tant mieux. Par ailleurs, la validation des acquis de l'expérience (VAE) pourrait être pertinente dans le domaine psychiatrique.
Je veux ajouter deux remarques. Lors de l'audition de Santé publique France, ses représentants ont évoqué la dépression de la femme enceinte, pour parler de la dépression du post-partum : ce sont deux choses différentes !
Par ailleurs, la société européenne, dans son ensemble, va mal. C'est sans doute un peu moins le cas dans les pays du sud du continent, où l'attachement familial reste plus fort. Dans vos recommandations, vous ne pouvez finalement que demander à l'État de suppléer aux insuffisances de la société...
Mme Céline Brulin, rapporteure. - Les élus locaux sont en effet en première ligne : la gestion des crises et les demandes d'hospitalisations sous contrainte représentent une charge, notamment mentale, très importante. Il n'existe pas de solution magique. Cependant, il faut développer les premiers secours en santé mentale, en s'appuyant sur différents acteurs au contact du public, ainsi que les IPA mention PSM dans les structures de proximité et les conseils locaux de santé mentale, car ceux-ci permettent une meilleure circulation des informations.
Pourquoi ne pas envisager une loi de programmation en santé mentale ? Même si les réponses dans ce domaine font appel à des acteurs très divers, je me méfie des mesures qui tendent à isoler la santé mentale du reste de la santé. Les professionnels de la santé ont un rôle à jouer : 30 % des patients consultent un généraliste pour des problèmes qui relèvent de la santé mentale.
Mon soutien psy a un intérêt, certes, mais c'est une réponse incomplète. Les plus précaires n'ont pas plus recours à ce dispositif que les autres catégories de la population, et il ne saurait remplacer une réponse coordonnée des différents professionnels : il doit être intégré à une réponse publique plus globale.
Madame Apourceau-Poly, nous manquons bien entendu de pédopsychiatres, mais il y a aussi un problème de répartition territoriale de ces professionnels de santé, comme dans l'ensemble des spécialités.
Nous avons été interpellés par de nombreux Padhue : je vous rejoins sur ce point.
M. Milon l'a bien dit : prenons conscience, malgré ce tableau très sombre, que tous les Français ne sont pas atteints de maladies mentales. Certains troubles, même s'ils sont très inquiétants et qu'ils se développent fortement, restent précisément à l'état de trouble : s'ils sont pris en charge rapidement, ils ne donnent pas lieu à des maladies.
Les écrans et les réseaux sociaux jouent un rôle dans le développement de ces troubles, mais ils ne sont pas le seul problème. Les perspectives auxquelles sont confrontés les jeunes, comme M. Milon l'a dit, ne sont pas faciles. Le chemin des adolescents n'est pas bordé de roses ! En revanche, les interactions sociales représentent une réponse. Mais il est certain que tous les jeunes ne sont pas égaux dans cette situation...
M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Madame Le Houérou, le CMP est une brique indispensable entre l'hospitalisation et le domicile, et inversement. Il faut renforcer ce dispositif. Et puisqu'il n'y a pas assez de psychiatres, les IPA ont un rôle essentiel à jouer. Au centre hospitalier du Rouvray, en Seine-Maritime, douze IPA mention PSM rendent des services très importants. Les CMP doivent pouvoir recevoir les patients de manière urgente. Actuellement, ce n'est pas le cas. C'est la raison pour laquelle nous préconisons leur renforcement.
Le professeur Zagury, de l'hôpital Sainte-Anne, a indiqué que pour éviter les réhospitalisations, il faut aller vers les personnes qui ne sont pas revenues en consultation, grâce à des équipes mobiles.
Madame Canalès, il est vrai que certains médicaments sont en rupture. Le ministre de la santé a indiqué qu'il tenterait d'y remédier.
Pourquoi ne pas envisager une loi de programmation en santé mentale ?
Vous avez aussi évoqué la question des élus qui demandent une hospitalisation sans consentement. Les psychiatres connaissent également des problèmes liés à la judiciarisation croissante : lorsque des personnes sont hospitalisées sous contrainte, elles ne se considèrent pas malades et peuvent intenter des actions en justice à leur sortie.
La détection des troubles est effectivement un enjeu majeur. L'une des personnes que nous avons auditionnées a indiqué que la mère de l'élève qui a poignardé l'une de ses camarades à Nantes l'avait accompagné six fois à la maison des adolescents. Cependant, ces structures sont très hétérogènes en fonction des territoires : certaines ne sont pas dotées de psychologues. Aussi, le trouble de cet adolescent n'avait-il pas été détecté.
Madame Nédélec, il ne faut pas forcément « toujours plus » de structures : selon nous, la pierre angulaire reste le renforcement des CMP, pour que les rendez-vous puissent être obtenus très rapidement.
Monsieur Fichet, il est vrai qu'il est difficile de déterminer à quel moment le patient est guéri. Quand un malade souffrant de troubles psychotiques ne revient pas en consultation, il est nécessaire de le suivre, grâce aux équipes mobiles.
Enfin, monsieur Milon, tout le monde n'est pas malade, c'est vrai. Cependant, la première cause de mortalité chez les 15-25 ans reste le suicide, qui est intimement lié à l'angoisse que vous avez bien décrite.
Tous les psychiatres que nous avons auditionnés ont insisté sur la nécessité de conserver la sectorisation et de renforcer les CMP.
M. Jean Sol, rapporteur. - La problématique relative aux élus nous a en effet été remontée. Certains départements, au travers de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), ont développé des partenariats avec des structures comme les CMP ou les hôpitaux.
Monsieur Milon, certains chefs de service nous ont en effet dit que les infirmiers en psychiatrie leur étaient d'une grande aide. Cependant, le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette spécialisation infirmière.
Concernant la formation, nous avons constaté que certains jeunes infirmiers étaient complètement perdus dans les services de psychiatrie. Il faut favoriser dans leur cursus une présence un peu plus importante en stage dans ces services, de préférence dans des hôpitaux non universitaires. Certains médecins, de même, nous ont indiqué qu'il serait utile d'intégrer un tel stage au cours de leur formation.
Le manque de moyens pour la médecine scolaire, dont le rôle dans la détection des troubles est pourtant fondamental, est criant. L'absence de travail en équipe pluridisciplinaire a été évoquée par un grand nombre des personnes auditionnées, qui ont appelé de leurs voeux ce travail coopératif.
Certains dispositifs qui concourent à la prévention n'ont pas été évoqués. Je pense aux groupes d'entraide mutuelle, à Un chez-soi d'abord ou à la pair-aidance, qui fonctionnent très bien, et qui doivent être pérennisés.
Par ailleurs, nous avons constaté un manque d'information quant aux dispositifs existants. Les parents ignorent parfois la possibilité d'accéder à des structures qui pourraient grandement les aider. Une meilleure coordination est donc nécessaire, avec un plus grand travail en équipe pluridisciplinaire et un renforcement du partage d'informations.
J'espère que le Gouvernement, loin de se contenter d'avoir fait de la santé mentale la grande cause nationale de l'année 2025, donnera plus de moyens à ce domaine.
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, je mets aux voix les recommandations de nos rapporteurs, ainsi que le rapport d'information.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Santé Publique France
Alima Marie-Malikité, directrice de cabinet à la direction générale
Anne Moulin, directrice adjointe à la direction des maladies non transmissibles et traumatismes
Nolwenn Regnault, responsable de l'unité santé mentale à la direction des maladies non transmissibles et traumatismes
Agathe Horeau, apprentie attachée de cabinet à la direction générale
Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees)
Vianney Costemalle, chef du bureau état de santé de la population
Jean-Baptiste Hazo, chargé d'études au bureau état de santé de la population
ARS de La Réunion
Gérard Cotellon, directeur général
Sylvie Ynesta, conseillère médicale
Dr François Appavoupoullé, président EPSM-R
ARS d'Île-de-France
Nicolas Noiriel, directeur de projet santé mentale au sein de la direction de l'offre de soins
Gwendal Bars, responsable du département politiques territoriales et urbaines au sein de la direction de la santé publique
ARS Pays de la Loire
Élodie Péribois, directrice de l'autonomie et de la santé mentale
Évelyne Rivet, responsable du département prévention et actions sur les déterminants de santé, au sein de la direction de la prévention et de la santé environnementale
Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam)
Catherine Grenier, directrice des assurés
Veronika Levendof, chargée des relations avec le Parlement
Union nationale des amis et famille de malades et handicapés psychiatriques (Unafam)
Corinne Martinez, administratrice
France dépression
Christine Villelongue, présidente
SOS Amitié France
Ghislaine Desseigne, présidente
Liliane Dassis, vice-présidente
Croix-Rouge française
Charlotte Guiffard, directrice de l'inclusion
Fondation de France
Pr Charles-Edouard Notredame, membre du comité santé mentale
Johanna Brun, responsable grande cause santé et recherche médicale
Suicide écoute
Gilles Vasset, président
Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom)
Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section éthique et déontologie
Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente
CDEF du Doubs
Mathieu Colson, directeur
Didier Moreau, directeur adjoint enfance-famille
CDEF Seine-Saint-Denis
Guillaume Albert, directeur général
Haute Autorité de santé (HAS)
Claire Compagnon, présidente la commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs (CRPPI) et membre du Collège de la HAS
Amélie Prigent, chef de projet, au service des bonnes pratiques professionnelles (SBP) de la direction de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (DAQSS)
Fédération française de Psychiatrie
Dr Jean Chambry, président
Action praticien Hôpital
Dr Marie-José Cortès, présidente du syndicat des psychiatres hospitaliers (SPH)
Syndicat national des psychologues (SNP)
Florent Simon, secrétaire général
Martine Ravineau, secrétaire générale adjointe
Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP)
Benoît Schneider, professeur émérite en psychologie et président
Commission nationale de psychiatrie
Dr Radoine Haoui, secrétaire intergroupe de la Commission Nationale de Psychiatrie et praticien Hospitalier à Béziers
Dr Béatrice Aubriot, présidente de la CME du GHU psychiatrie Paris NeuroSciences
Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(s) de santé (SNICS FSU)
Saphia Guereschi, secrétaire générale
Syndicat national des infirmiers.es éducateurs.trices en santé - Union nationale des syndicats autonomes (Snies Unsa Éducation)
Pascale Massines, infirmière scolaire, secrétaire académique et secrétaire nationale du Snies Unsa Éducation
Nathalaie Boulesteix, infirmière conseillère de santé à l'Éducation nationale, secrétaire académique du Snies Unsa Éducation
Syndicat national des infirmier.es de l'Éducation nationale (SNFOIEN)
Sandra Marques, secrétaire générale
Conseil national de l'ordre des infirmiers (ONI)
Sylvaine Mazière-Tauran, présidente
Samira Ahayan, secrétaire générale
Syndicat national des médecins scolaires et universitaires - Union nationale des syndicats autonomes (SNMSU-Unsa)
Dr Jocelyne Grousset, co-secrétaire générale
Dr Agnès Bernard-Breillat, médecin généraliste
Syndicat général de l'Éducation nationale - Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT) - Éducation Formation Recherche Publiques
Dr Patricia Colson, secrétaire générale
Centre hospitalier Gérard Marchant
Richard Rouxel, directeur
Dr Anne-Hélène Moncany, présidente de la CME
Dr Philippe Dupuy, chef du service des urgences de l'hôpital de Tulle
Pr Anne-Laure Féral-Pierssens, cheffe de service SAMU 93 - SMUR - Urgences, CHU Paris Seine-Saint-Denis, Bobigny, AP-HP
Dr Yannick Brouste, chef de service des urgences du CHU de Martinique
Centre hospitalier départemental La Candélie (Agen)
Richard Campmas, directeur
Dr Louis Tandonnet, pédopsychiatre, chef des pôles psychiatrie de l'enfant et psychiatrie de l'adolescent
Centre hospitalier du Pays d'Eygurande (19)
Christophe Rouanet, directeur
Docteur Mati Bomare, médecin psychiatre chef de service et président de la commission médicale d'établissement
Hôpital Le Vinatier à Bron (69)
Pascal Mariotti, directeur
Fédération hospitalière française (FHF)
Zaynab Riet, déléguée générale
Cécile Chevance, responsable du pôle offres
Fédération des Établissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne (FEHAP)
Arnaud Joan Grange, directeur de l'offre de soin et de la coordination des parcours de santé
Maryse de Wever, directrice de la communication et des relations institutionnelles
Fédération de l'hospitalisation privée (FHP)
Christine Schibler, déléguée générale
Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale, déléguée générale de la Fondation des Usagers du Système de Santé
Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)
Frédéric Chéreau, maire de Douai, co-président de la commission santé de l'AMF et vice-président de l'AMF
Charlotte de Fontaines, responsable des relations avec le Parlement
Direction générale de l'offre de soins (DGOS)
Laora Tilman, cheffe du bureau de la prise en charge en santé mentale et des publics vulnérables
Emma Luccioni, chargée de mission santé mentale
Direction générale de la santé (DGS)
Marion Marty, sous-directrice santé des populations et prévention des maladies chroniques
Kerian Berose-Perez, chef du bureau de la santé mentale
Dr Pascale Fritsch, adjointe au chef du bureau de la santé mentale
Centre hospitalier Georges Sand de Bourges
Dr Modi Baba Tembely, chef de pôle de l'intra hospitalier du centre hospitalier
François Guillamo, directeur adjoint des usagers, de la qualité, des affaires médicales, de la recherche et de l'innovation
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Syndicat des médecins de l'éducation nationale Force Ouvrière (SmedEN FO)
Initiative Mindfulness France (IMF)
MGEN
Groupe Emeis
LISTE DES DÉPLACEMENTS
Déplacement dans les Pyrénées-Orientales
(mardi 8 avril 2025)
___________
• Centre hospitalier de Thuir
Réunion de travail en présence notamment de :
Fabienne Guichard, directrice ;
Françoise Fiter, vice-présidente du conseil départemental, membre du conseil de surveillance de l'établissement ;
René Olive, maire de Thuir ;
Dr Philippe Raynaud, président de la commission médicale d'établissement (CME).
Visite de l'Unité C (pôle contrainte - addictions - auteurs de violences sexuelles - pénitentiaire - précarité) avec rencontre des équipes médicales et paramédicales ;
Visite du centre médico-psychologique de Thuir ;
Visite du centre régional de psycho-traumatologie Occitanie (CRPO).
• Déjeuner de travail en présence de :
Fabienne Guichard, directrice du centre hospitalier ;
Edmond Jorda, président de l'Association des maires, des adjoints et de l'intercommunalité des Pyrénées-Orientales (AMF66) et maire de Sainte Marie la Mer ;
Yves Porteix, référent « santé » de l'AMF66 et maire de Sorède ;
Dr Delphine Salgues, pharmacienne, coordinatrice de la CPTS AGLY - Pyrénées Corbières Méditerranée et représentante du collectif de l'InterCPTS66.
• Centre hospitalier de Perpignan
Réunion de travail en présence de :
Barthélémy Mayol, directeur du centre hospitalier ;
Dr Yassine Taoutou, président de la CME ;
Agnès Desmars, directrice des soins.
Visite des urgences psychiatriques en présence de :
Agnès Desmars ;
Dr Francis Coll, chef de pôle des urgences ;
Dr Saliha Bencheikh, chef de service SAMU/SMUR ;
Fabienne Guichard.
• Maison d'arrêt et Centre de détention de Perpignan
Visite du service médico-psychologique régional (SMPR)
Déplacement en Seine-Maritime
(jeudi 12 juin 2025)
___________
• Centre hospitalier du Rouvray (Saint-Étienne-du-Rouvray, Sotteville-lès-Rouen)
Réunion de travail en présence, notamment, de :
M. Franck Estève, directeur général ;
Dr Gaël Fouldrin, président de la CME ;
Joachim Moyse, maire de Saint-Étienne-du-Rouvray ;
William Durocher, secrétaire général.
Visite de l'Unité Maupassant - unité d'hospitalisation pour adultes.
Visite de l'unité Astrolabe - unité d'hospitalisation pour adolescents de 14 à 17 ans).
• Visite du centre de soins Saint-Gervais (Rouen) regroupant un centre médico-psychologique (CMP), un centre d'activités thérapeutiques à temps partiel (CATTP) et un hôpital de jour.
• Déjeuner de travail en présence de :
Dr Cécile Feltin, psychiatre et pédopsychiatre, cofondatrice du centre de consultation libéral « Horizons santé mentale » (Mont-Saint-Aignan) ;
Dr Agathe Raynal, psychiatre et pédopsychiatre, cofondatrice du centre de consultation ;
Dr Adlane Inal, psychiatre et pédopsychiatre, cofondatrice du centre de consultation.
• Association Clubhouse (Saint-Étienne-du-Rouvray)
Échanges avec les membres et le personnel de l'association en présence notamment de Mme Jade Pollez, directrice.
Échanges du rapporteur Daniel CHASSEING
___________
Dr. François VIEBAN, psychiatre, chef du service de psychiatrie du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde ;
Dr. Karim GHEZIEL, psychiatre, chef du service de psychiatrie du centre hospitalier Coeur de Corrèze de Tulle ;
M. Michel DA-CUNHA, directeur adjoint du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde, responsable santé mentale des trois centres hospitaliers de Brive-la-Gaillarde, Tulle et Ussel.
TABLEAU DE MISE
EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES RECOMMANDATIONS
_______
N° |
Recommandations |
Acteurs concernés |
1 |
Renforcer le volet addictologie de la feuille de route psychiatrie et santé mentale, sous l'angle des comorbidités réciproques |
Gouvernement, ARS |
2 |
Renforcer le temps dédié à la psychiatrie et à la santé mentale dans la formation des infirmiers diplômés d'État, notamment par la mise en place d'un stage obligatoire en psychiatrie |
Gouvernement |
3 |
Développer la collaboration entre les médecins généralistes et les psychiatres par le biais de la téléexpertise |
Assurance maladie |
4 |
Développer les consultations avancées assurées par les IPA mention PSM au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des centres de santé |
Établissements psychiatriques |
5 |
Garantir la continuité de la prise en charge des patients suivis dans le cadre de MonSoutienPsy en renforçant la coopération entre les psychologues, les médecins généralistes et les psychiatres |
Assurance maladie |
6 |
Étendre les formations premiers secours en santé mentale à toutes les professions clés (soignants, travailleurs sociaux, forces de l'ordre, enseignants) puis à l'ensemble des citoyens |
Ministères concernés |
7 |
Capitaliser sur la proposition de loi sur la profession d'infirmier pour développer les IPA mention PSM au sein de l'éducation nationale |
Ministère de l'Éducation nationale |
8 |
Mieux intégrer les professionnels de santé de l'éducation nationale aux conseils locaux de santé mentale et à la démarche des PTSM |
DGS, collectivités territoriales, ARS |
9 |
Rendre effectif l'accès des médecins de l'éducation nationale au dossier médical partagé, avec l'accord des représentants légaux de l'enfant |
DGESCO, DGOS |
10 |
Développer les antennes des MDA et les dispositifs mobiles pour accroître leur accessibilité territoriale |
ARS, collectivités territoriales |
11 |
Renforcer la présence des psychologues parmi les effectifs de l'aide sociale à l'enfance |
Conseils départementaux |
12 |
Développer les équipes mobiles pluridisciplinaires intervenant en faveur des enfants protégés |
Établissements psychiatriques, ARS, conseils départementaux |
13 |
Simplifier le dispositif d'autorisation d'exercice des Padhue |
Ministère de la Santé |
14 |
Encourager, auprès des étudiants en médecine, la réalisation d'un stage en psychiatrie en privilégiant les services des hôpitaux non universitaires |
Ministère de la Santé |
15 |
Apprécier l'opportunité et la faisabilité de recréer une spécialité d'infirmière en psychiatrie |
Gouvernement |
16 |
Mieux accompagner les établissements de santé dont une IDE souhaite entamer une formation à la pratique avancée |
DGOS, ARS |
17 |
Instaurer des grilles indiciaires appropriées pour les IPA exerçant dans les trois versants de la fonction publique |
Gouvernement |
18 |
Revoir le modèle économique des IPA mention PSM dans une révision globale de la rémunération des IPA exerçant en libéral |
Assurance maladie |
19 |
Augmenter le nombre de professionnels, notamment d'IPA mention PSM, exerçant en CMP en priorisant les territoires où les délais d'attente sont les plus longs |
Ministère de la Santé |
20 |
Conduire une réflexion, à l'échelle territoriale, sur la création de permanences d'accueil en urgence et l'aménagement des horaires d'ouverture au sein des CMP |
ARS |
21 |
Flécher des financements pérennes en faveur du développement des équipes mobiles |
Gouvernement, ARS |
22 |
Mettre en place des partenariats locaux pour soutenir et faciliter le suivi à domicile des patients |
Conseils locaux de santé mentale |
* 1 Claude-Olivier Doron, « L'émergence du concept de « santé mentale » dans les années 1940-1960 : genèse d'une psycho-politique », Pratiques en santé mentale, 61e année (1), 2015, pp. 3-16.
* 2 OMS, Comité d'experts de la santé mentale, Rapport sur la deuxième session, Genève, 1951, p. 4.
* 3 ce dont rendait encore mieux compte les termes d'hygiène mentale.
* 4 Claude-Olivier Doron, op. cit.
* 5 Rapport de la mission conduite par les Dr Eric Piel et Jean-Luc Roelandt, juillet 2001.
* 6 Rapport d'information de Jean Sol et Victoire Jasmin, fait au nom de la commission des affaires sociales sur les effets de l'épidémie de covid-19 sur la santé mentale, 15 décembre 2021.
* 7 Rapport précité, p. 23.
* 8 Santé publique France, « Comment évolue la santé mentale des Français ? », Résultats de la vague 37 de l'enquête CoviPrev (11-18 septembre 2023).
* 9 L'étude antérieure à la crise sanitaire datait de 2017.
* 10 OMS, « Schizophrénie », : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/schizophrenia.
* 11 C. GOURIER-FRÉRY, C. CHAN-CHEE, N. BELTZER, « Prévalence de la schizophrénie et autres troubles psychotiques en France métropolitaine », 2014.
* 12 Drees, « Santé mentale : un état des lieux au regard de la situation financière, de l'orientation sexuelle et des discriminations subies », Études et Résultats n° 1340, juin 2025.
* 13 Anesm, « Prise en compte de la souffrance psychique de la personne âgée : prévention, repérage, accompagnement », mars 2014.
* 14 Philippe Thomas et Cyril Hazif-Thomas, « Les nouvelles approches de la dépression de la personne âgée », Gérontologie et société, 2008, pp. 141-155, cité par Anesm, publication précitée.
* 15 OMS, « Santé mentale et vieillissement », octobre 2023.
* 16 Observatoire national du suicide, sixième rapport, février 2025.
* 17 Rapport d'information précité de Jean SOL et Victoire JASMIN, p. 19.
* 18 M. Gasnier, P. Pinson, N. Beeker, C. Truong-Allié, L. Becquemont, B. Falissard, E. Corruble et R. Colle « Acute covid-19 severity markers predict post-covid new-onset psychiatric disorders : a 2-year cohort study of 34,489 patients. », Mol Psychiatry 30, 1329-1337, septembre 2024.
* 19 Sur le fondement de l'enquête « COVID long - Affection post-covid-19, France métropolitaine », conduite de septembre à novembre 2022.
* 20 Passant ainsi de 6 % en 1962 à 17,9 % en 2008 puis 19 % en 2013 : chiffre cité par un rapport du CESE, « Combattre l'isolement social pour plus de cohésion et de fraternité », juin 2017.
* 21 P. Bora, « En 2023, trois enfants sur dix vivent avec un seul de leurs parents », Insee Première n° 2032, janvier 2025.
* 22 Hadrien RIFFAUT, Séverine DESSAJAN et Delphine SAURIER, « Le temps des solitudes : les fragilités relationnelles à l'épreuve des temporalités », Rapport annuel de la Fondation de France sur les Solitudes, janvier 2024.
* 23 Rapport, p. 11.
* 24 Association Astrée et Ifop, « La solitude en France : un héritage durable de la crise sanitaire qui masque des fractures sociales profondes », Baromètre (vague 5), 23 janvier 2025.
* 25 OMS, Fostering social connection for global health : the essential role of social connection in combating loneliness, social isolation and inequities in health, Draft resolution, 19 mai 2025.
* 26 Pavel Clauzard, « À Douai, un projet de pension de famille pour « recréer du lien social » va voir le jour », La Voix du Nord, 19 novembre 2024.
* 27 Association Atrée et Ifop, étude précitée.
* 28 Association pour l'emploi des cadres (Apec), publication de septembre 2022.
* 29 Interview du Dr Marc Rey, président de l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) « Somnolence : un signe possible de trouble de santé mentale à détecter »,
* 30 Sur le bienfait même de l'activité physique pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques : Stubbs B., Vancampfort D., Hallgren M., Firth J., Veronese N., Solmi M. et autres, « EPA guidance on physical activity as a treatment for severe mental illness: A meta-review of the evidence and position statement from the European Psychiatric Association (EPA), supported by the International Organization of Physical Therapists in Mental Health (IOPTMH) ». European Psychiatry, 2018, vol. 54 : p. 124-144.
* 31 Jean-Baptiste HAZO (Drees), « Santé mentale : un état des lieux au regard de la situation financière, de l'orientation sexuelle et des discriminations subies », Études et résultats, n° 1340, juin 2025.
* 32 Communiqué de l'ANSM, « Tensions d'approvisionnement en quétiapine : recommandations au 27 mai 2025 ».
* 33 JO Sénat du 24/04/2025 - page 2060
* 34 Santé publique France, Évaluation de la campagne santé mentale adultes : « En parler c'est déjà se soigner », 14 mars 2022.
* 35 Par exemple, les semaines d'information sur la santé mentale (SISM), créés en 1990 par l'Association française de psychiatrie (AFP) et aujourd'hui coordonnées par un collectifs, se tiennent chaque année pour promouvoir la santé mentale auprès de la population générale.
* 36 Santé mentale : quand les athlètes vont mal, diffusé le 21 janvier 2024 ; Mieux dans ma tête : parlons santé mentale, diffusé le 03 juin 2025 ; Santé mentale, briser le tabou diffusé le 6 mai 2025.
* 37 Le film Thunderbolts, sorti en 2025, met en scène des héros souffrant de syndromes dépressifs et un anti-héro atteint d'un trouble de la personnalité. Voir par exemple : Emily Baulch, « Marvel's Thunderbolts* shines a light on men's mental illness - but falls down with this outdated plotline », The Conversation, 7 mai 2025.
* 38 Baromètre Santé publique France, 2024.
* 39 Étude Mentalo (Inserm), 2024.
* 40 Source : Santé publique France.
* 41 Observatoire SOS Amitié des souffrances psychiques, 2025.
* 42 Sondage de l'Ifop, « Les Français et la solitude », janvier 2024.
* 43 Cnam, Propositions de l'Assurance maladie pour 2025, rapport au ministère chargé de la sécurité sociale et au Parlement sur l'évolution des charges et des produits de l'Assurance maladie au titre de 2025, juillet 2024.
* 44 Source : audition de représentants des médecins scolaires (Syndicat national des médecins scolaires et universitaires - Union nationale des syndicats autonomes et Syndicat général de l'Éducation nationale - Confédération française démocratique du travail).
* 45 Santé publique France (2024). La santé mentale et le bien-être des collégiens et lycéens en France hexagonale. Résultats de l'Enquête nationale en collèges et lycées chez les adolescents sur la santé et les substances (EnCLASS) 2022.
* 46 Observatoire nationale du suicide, sixième rapport, février 2025.
* 47 Source : Data pathologies, calculs Sénat.
* 48 Bureau régional de l'OMS pour l'Europe. Boniel-Nissim, Meyran, Marino, Claudia, Galeotti, Tommaso, Blinka, Lukas, Ozoliòa, Kristîne et al. (ý2024)ý. Enquête sur le comportement des enfants d'âge scolaire en matière de santé.
* 49 Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, Premiers résultats statistiques de l'Enquête harcèlement 2023, Document de travail n° 2024-E02, Février 2024.
* 50 Drees, Enquête EpiCov (Épidémiologie et conditions de vie sous le Covid-19), Études et résultats n°1340, juin 2025.
* 51 Étude « Écoanxiété en France : État des lieux, Seuils de préoccupation clinique, Variables déterminantes », Observatoire de l'Eco-anxiété en partenariat avec l'Ademe, Mars 2025.
* 52 Source : audition de la Caisse nationale d'assurance maladie (chiffres 2022).
* 53 Source : audition de la direction générale de la santé.
* 54 Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), Géographie de la délinquance à l'échelle communale en 2024, Interstats Analyse n°74.
* 55 Dossier de presse de la campagne nationale de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants, septembre 2023.
* 56 Source : audition de la Drees.
* 57 Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), Enquête sur la santé et les consommations
* 58 Cour des comptes, Rapport public thématique « L'organisation des soins psychiatriques : les effets du plan "psychiatrie et santé mentale" », Décembre 2011.
* 59 Malakoff Humanis, Baromètre Absentéisme 2023, Juin 2023.
* 60 Source : audition de la direction générale de la santé.
* 61 Arrêté du 3 août 2023 portant modification de la maquette de formation du diplôme d'études spécialisées de médecine générale.
* 62 Rapport d'information n° 589 (2021-2022) fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par la mission d'information sur les perspectives d'aménagement du territoire et de cohésion territoriale, sur le volet « renforcer l'accès territorial aux soins ».
* 63 Source : Agence régionale de santé d'Île-de-France.
* 64 Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
* 65 Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (article 1er).
* 66 Source : Fédération française des psychologues et de psychologie.
* 67 Article L. 162-58 du code de la sécurité sociale.
* 68 Arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique.
* 69 Arrêté du 24 juin 2024 modifiant l'arrêté du 2 mars 2022 fixant la convention type entre l'Assurance maladie et les professionnels s'engageant dans le cadre du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement par un psychologue.
* 70 Décret n° 2025-424 du 13 mai 2025 relatif à la prise en charge des séances d'accompagnement réalisées par un psychologue.
* 71 Arrêté du 24 juin 2024 modifiant l'arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique.
* 72 Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
* 73 Article R. 162-68 du code de la sécurité sociale.
* 74 Source : Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie.
* 75 Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (article 11).
* 76 Source : CNSA, Bilan d'activité des groupes d'entraide mutuelle, octobre 2022.
* 77 Décret n° 91-1195 du 27 novembre 1991 portant dispositions statutaires applicables au corps des médecins de l'éducation nationale et à l'emploi de médecin de l'éducation nationale - conseiller technique.
* 78 Rapport n° 414 (2023-2024) du 13 mars 2024 de François BONHOMME au nom de la commission des lois du Sénat.
* 79 Compte rendu de la réunion de la commission des affaires sociales du mercredi 28 mai 2025.
* 80 Rapport précité de la commission des lois
* 81 Arrêté relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistage obligatoire prévues à l'article L. 541-1 du code de l'éducation.
* 82 Loi n° 2025-581 du 27 juin 2025 sur la profession d'infirmier, article 5, codifié à l'article L. 4311-4-1 du code de la santé publique.
* 83 Rapport n° 557 (2024-2025) de Jean SOL et Anne-Sophie ROMAGNY fait au nom de la commission des affaires sociales.
* 84 Instruction du 30 septembre 2016 relative à la consolidation et à la généralisation des conseils locaux de santé mentale en particulier dans le cadre des contrats de ville.
* 85 Instruction n° DGS/SP4/2025/78 du 20 mai 2025 actualisant l'instruction n° DGS/SP4/CGET/2016/289 du 30 septembre 2016 relative à la consolidation et à la généralisation des conseils locaux de santé mentale en particulier dans le cadre des contrats de ville
* 86 L'instruction de 2016 se borne à indiquer : « En fonction des projets, d'autres structures ou partenaires institutionnels peuvent être associés au comité de pilotage (Éducation nationale, conseils départementaux, Protection judiciaire de la jeunesse...) ». L'instruction de 2025 n'est guère plus précise : La composition du comité de pilotage « inclut également des acteurs clés, indispensables pour définir la stratégie du CLSM en fonction des spécificités du territoire concerné (délégation départementale de l'ARS, professionnels de santé, acteurs sociaux et médico-sociaux, acteurs du logement, de l'éducation, de la justice...) ».
* 87 L'article R. 1110-2 du code de la santé publique prévoit la liste des « professionnels susceptibles d'échanger ou de partager des informations relatives à la même personne prise en charge » qui comprend « Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, quel que soit leur mode d'exercice ».
* 88 Article 98 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020
* 89 Article L. 541-1 du code de l'éducation.
* 90 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.
* 91 Annexé à une lettre-circulaire du 4 janvier 2005 du ministre des solidarités, de la santé et de la famille.
* 92 Circulaire n° 5899-SG du 28 novembre 2016 relative à l'actualisation du cahier des charges des Maisons des adolescents.
* 93 Cour des comptes, Rapport public annuel 2025 « Les politiques publiques en faveur des jeunes », Volume 2, pp. 38-69.
* 94 Circulaire n° 5899-SG du 28 novembre 2016.
* 95 Cour des comptes, rapport précité, p. 61.
* 96 Cour des comptes, rapport précité.
* 97 Citation.
* 98 G. Bronsard et coll., The prevalence of mental disorders among children and adolescents in the child welfare system, Medicine (Baltimore), 2016.
* 99 Ford T, Vostanis P, Meltzer H. Psychiatric disorder among British children looked after by local authorities: comparison with children living in private households. British Journal of Psychiatry. 2007 ; 190:319-25
* 100 L. Vitte et coll., Adolescents hospitalisés dans les services de psychiatrie adulte : une étude descriptive à la lumière des problématiques relevant de la protection de l'enfance, Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, 2017.
* 101 Voir le rapport de Bernard Bonne, au nom de la commission des affaires sociales, sur l'application des lois relatives à la protection de l'enfance, 5 juillet 2023, pp. 69-72.
* 102 Déclaration à Sorèze le 18 avril 2005.
* 103 mercredi 29 février en conseil des ministres
* 104 Annoncée une première fois par le Président de la République en septembre 2023, puis le 2 mai 2024 par Frédéric Valletoux, ministre chargé de la Santé et de la Prévention.
* 105 Audition des rapporteurs du 5 mars 2025.
* 106 Compte rendu de l'audition Mecss
* 107 88 dossiers de labellisation avaient ainsi été déposés au 15 mai 2025 pour 45 réponses favorables.
* 108 Voir partie I.
* 109 Article 69 de la loi n° 2016 -41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 110
* 111 Issus du décret n° 2017-1200 du 27 juillet 2017 relatif au projet territorial de santé mentale.
* 112 Commission nationale de la psychiatrie, réponse au questionnaire des rapporteurs.
* 113 Article L. 1434-10 du code de la santé publique.
* 114 Réponse de la DGOS.
* 115 Instruction n° DGS/SP4/2025/8 du 13 mai 2025 actualisant l'instruction n° DGS/SP4/CGET/ 2016/289 du 30 septembre 2016 relative à la consolidation et à la généralisation des conseils locaux de santé mentale en particulier dans le cadre des contrats de ville.
* 116 Source : Direction générale de l'offre de soins.
* 117 Conseil national de l'Ordre des médecins, Atlas de la démographie médicale 2025.
* 118 Source : Union syndicale de la psychiatrie.
* 119 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010.
* 120 Article L. 3211-12-1 du code de la santé publique.
* 121 Les mesures d'isolement consistent en le fait de placer les personnes hospitalisées en soins sans consentement dans une chambre fermée, et les mesures de contention, à l'immobiliser.
* 122 Conseil constitutionnel, décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020
* 123 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021.
* 124 Article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 modifiant l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique.
* 125 Les équipes médicales du centre hospitalier de Thuir (Pyrénées-Orientales) ont témoigné aux rapporteurs de difficultés grandissantes en lien avec ces violences.
* 126 Arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales, comportant ou non des possibilités d'hébergement.
* 127 Source : Drees, Statistique annuelle des établissements de santé 2023.
* 128 Circulaire du 14 mars 1990 relative aux orientations de la politique de santé mentale.
* 129 Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d'organisation et d'équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales.
* 130 Circulaire DGS/891/MS 1 du 9 mai 1974 relative à la mise en place de la sectorisation psychiatrique.
* 131 Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social.
* 132 Loi n° 85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique.
* 133 Rapport de l'Igas, « Les centres médico-psychologiques de psychiatrie générale et leur place dans le parcours du patient », Juillet 2020.
* 134 Source : Agence régionale de santé des Pays de la Loire.
* 135 Les centres de référence pour maladies rares rassemblent des équipes hospitalières hautement spécialisée ayant une expertise avérée pour une maladie rare - ou un groupe de maladies rares - et qui développement leur activité dans les domaines des soins, de l'enseignement-formation et de la recherche.
* 136 Cour des comptes, Les parcours dans l'organisation des soins de psychiatrie, février 2021.
* 137 Source : Centre hospitalier de Thuir.
* 138 Source : Agence régionale de santé des Pays de la Loire.
* 139 Source : Centre hospitalier La Candélie (Lot-et-Garonne).
* 140 Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, n° 714, déposé le mercredi 11 décembre 2024.
* 141 Voir les bulletins de santé mentale de Santé publique France.
* 142 DMPSM, Etat des lieux, mai 2025, p. 98.
* 143 Article 119 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 144 Article D. 636-75 du code de l'éducation.
* 145 Article D. 636-75 du code de l'éducation.
* 146 Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, appliquée par le décret n° 2025-55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée.
* 147 Article R. 4301-3 du code de la santé publique.
* 148 Article R. 4301-1 du code de la santé publique.
* 149 Hors cas de la mention « urgences ».
* 150 Article R. 4301-3 du code de la santé publique.
* 151 Article R. 4301-5 du code de la santé publique.
* 152 Article R. 4301-3 du code de la santé publique.
* 153 Arrêté du 25 avril 2025 modifiant l'arrêté du 18 juillet 2018 fixant les listes permettant l'exercice infirmier en pratique avancée en application de l'article R. 4301-3 du code de la santé publique.
* 154 Arrêté relatif au régime des études en vue du diplôme d'Etat d'infirmier en pratique.
* 155 Chiffre donné par le rapport d'information de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sur la prise en charge des urgences psychiatriques.
* 156 Dans son rapport de juillet 2023, « Les infirmiers en pratique avancée : une évolution nécessaire, des freins puissants à lever », la Cour des comptes mentionne « les réticences des médecins » qui refusent « trop souvent, par méconnaissance ou par crainte de concurrence, d'orienter vers [les IPA] des patients atteints de pathologies chroniques » (p. 7).
* 157 Arrêté du 30 mars 1992 relatif à l'attribution du diplôme d'État d'infirmier aux personnes titulaires du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique.
* 158 Voir le rapport n° 557 (2024-2025) précité de la commission sur la proposition de loi sur la profession d'infirmier.
* 159 Unipa, état des lieux de la formation réalisé par l'UNIPA en décembre 2024.
* 160 Il ne s'agit là que de la différence de traitement : le régime de prime peut affecter différemment les rémunérations des IDE et IPA selon leur exercice. En outre, les IPA bénéficient d'une prime spécifique versée d'un montant de 180 euros brut mensuel, quel que soit leur exercice (Décret n° 2022-293 du 1er mars 2022 et arrêté du 1er mars 2022)
* 161 Décret n° 2021-1259 du 29 septembre 2021 fixant l'échelonnement indiciaire applicable au corps des auxiliaires médicaux exerçant en pratique avancée de la fonction publique hospitalière
* 162 Décret n° 2021-1262 du 29 septembre 2021 fixant l'échelonnement indiciaire applicable au corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière
* 163 Rapport de l'Igas, « Les centres médico-psychologiques de psychiatrie générale et leur place dans le parcours du patient », juillet 2020.
* 164 Les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) sont des établissements médico-sociaux qui ont pour mission d'assurer le diagnostic et les soins des enfants ou adolescents présentant des troubles du développement psychique.
* 165 1 812 185 patients dont 1 397 743 patients vus exclusivement en ambulatoire ; 547 177 patients dont 489 113 vus exclusivement en ambulatoire.
* 166 Rapport n° 2249 (15ème législature) de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, septembre 2019.
* 167 Instruction n° DGOS/R4/2022/244 du 17 novembre 2022 relative aux équipes mobiles de psychiatrie de la personne âgée (EMPPA) intervenant en établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD).
* 168 Instruction n° DGOS/P3/2024/82 du 6 juin 2024 relative à la mise en oeuvre d'une coordination régionale des équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP)
* 169 Action 17 bis de la feuille de route et mesure 7 des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie.
* 170 Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie, « Mise en oeuvre de la feuille de route : état d'avancement au 1er mai 2025, p. 68.
* 171 État des lieux de la santé mentale, mai 2025, p. 144.
* 172 Ce manque d'information a par exemple été noté par Edmond Jorda, président de l'Association des maires, des adjoints et de l'intercommunalité des Pyrénées-Orientales (AMF66) et maire de Sainte Marie la Mer rencontré par les rapporteurs en déplacement.