EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 octobre 2025, sous la présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président, la commission examine le rapport d'information de Mme Corinne Imbert et M. Bernard Jomier, rapporteurs de la mission d'information sur le financement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Mme Pascale Gruny, président. - Notre premier point à l'ordre du jour concerne la communication de nos collègues Corinne Imbert et Bernard Jomier à l'issue des travaux de la mission d'information qu'ils ont conduite, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Je vous précise que nos collègues ont déjà présenté leurs travaux à la Mecss, le 7 octobre dernier, sous la présidence d'Alain Milon.

M. Alain Milon, président de la Mecss. - J'avais été alerté par l'agence régionale de santé (ARS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) sur le fonctionnement des CPTS. Soucieux d'approfondir cette question, et en concertation avec le président de la commission, j'ai proposé à la Mecss de se saisir du sujet. Deux excellents rapporteurs, Corinne Imbert et Bernard Jomier, ont été désignés pour conduire ces travaux. Leur rapport se révèle particulièrement intéressant.

Mme Pascale Gruny, président. - Pour avoir assisté à la présentation du rapport devant la Mecss, je le confirme : c'est un rapport très intéressant.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je remercie le président Alain Milon de la confiance qu'il nous a accordée en nous chargeant de cette mission flash relative aux conditions de financement des CPTS.

Le rapport que nous vous présentons aujourd'hui a déjà été examiné par la Mecss le 7 octobre dernier ; notre intervention de ce matin est enrichie des échanges que nous avons pu avoir avec ses membres lors de cette réunion.

Créées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé, les fameuses CPTS, ont été, dès l'origine, conçues comme un outil souple de coordination des soins ambulatoires, sur l'initiative des professionnels de santé. Notre commission a plusieurs fois réaffirmé son attachement à cet équilibre au cours des dernières années, par exemple en refusant de rendre obligatoire l'adhésion des professionnels en 2023.

Un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) conclu en 2019 entre l'assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé a fixé, pour cinq ans, les conditions d'accompagnement et de financement des CPTS autour de six missions de service public, également consacrées par la loi : l'amélioration de l'accès aux soins ; le développement d'actions de prévention ; l'organisation des parcours de soins ; la participation à la réponse aux crises sanitaires ; le développement de la qualité et de la pertinence des soins ; enfin, l'accompagnement des professionnels sur le territoire. Les quatre premières missions doivent obligatoirement être mises en oeuvre par les CPTS ; les deux autres, à l'inverse, sont optionnelles.

Fortement encouragé par les pouvoirs publics, le déploiement des CPTS a été rapide ces dernières années : leur nombre est passé d'une vingtaine en 2018 à plus de 800 en mai 2025.

Les ARS ont déployé de nombreuses actions destinées à favoriser la création des CPTS. L'ARS Grand Est nous a par exemple indiqué avoir mis en place une véritable « task force territoriale » à cet effet.

Toutefois, l'objectif affiché par le Gouvernement en 2023, visant 100 % du territoire couvert, n'est pas encore atteint. Ainsi, 5,4 millions de Français résideraient encore dans des « zones blanches » non couvertes, y compris par une CPTS en cours de constitution n'ayant pas encore signé l'ACI. On note à ce titre d'importantes disparités territoriales : 79 % des habitants de la Corse vivent dans une zone blanche, contre seulement 1,7 % des habitants du Centre-Val de Loire. (La rapporteure projette un diaporama en complément de son propos.)

En regroupant les professionnels volontaires sur un territoire, les CPTS permettent d'apporter des réponses coordonnées aux besoins de santé. Les acteurs que nous avons entendus ont très majoritairement souligné l'apport des CPTS en matière d'accès aux soins et d'organisation des parcours. Celles-ci mettent fréquemment en oeuvre des actions visant à orienter les patients sans médecin traitant vers une offre existante et contribuent au développement des protocoles de coopération. Elles favorisent également la mise en oeuvre d'actions de prévention, visant par exemple à encourager les dépistages ou à repérer le plus en amont possible les situations à risques. Les CPTS permettent, enfin, aux pouvoirs publics, à l'assurance maladie et aux établissements de santé de disposer localement d'interlocuteurs susceptibles de faciliter la mise en oeuvre des politiques de santé et la mobilisation des professionnels en ville.

Pour autant, l'action des CPTS n'a, en réalité, jamais été précisément mesurée au niveau national. Par ailleurs, l'implication variable des professionnels de santé dans leur CPTS est fréquemment soulignée. À ce titre, nous regrettons le manque de données relatives à l'adhésion des professionnels de santé, alors que cet indicateur apparaît particulièrement pertinent pour mesurer l'implantation réelle des CPTS dans les territoires et garantir la crédibilité de ces structures.

À cet égard, les données incomplètes que nous avons obtenues tendent à montrer une implication très inégale des professions exerçant en ambulatoire. Un quart des médecins généralistes sont identifiés comme adhérant à une CPTS, contre 0,3 % seulement des chirurgiens-dentistes libéraux. Les infirmiers constitueraient la profession la mieux représentée au sein des CPTS. Enfin, la présence, au sein des CPTS et, plus particulièrement, de leurs organes décisionnels, de certaines professions qui ne relèvent pas, au sens du code de la santé publique, des professions de santé, a suscité chez nous de fortes interrogations. L'assurance maladie identifie ainsi 26 sophrologues ou encore 9 hypnothérapeutes adhérant à une CPTS...

De nombreux professionnels de santé ont, en pratique, du mal à s'approprier cet outil, parfois jugé trop administré ou peu lisible. Par ailleurs, la stratégie de généralisation accélérée des CPTS sur l'ensemble du territoire s'est parfois révélée contre-productive, en suscitant la méfiance de certains professionnels de santé.

Dans ce contexte, le risque d'un déploiement « à marche forcée » qui aboutirait à la création de coquilles vides est réel. C'est paradoxal, au regard de la liberté d'initiative que le législateur a souhaité laisser aux professionnels en 2016 quand il a substitué les CPTS à un projet gouvernemental qui ne répondait qu'à une logique descendante et laissait trop la main aux ARS.

J'aborderai maintenant la question des modalités de financement des CPTS. Ces dernières reçoivent deux types de financements conventionnels, dont le montant est fonction du nombre d'habitants couverts : un financement pour le fonctionnement, attribué avant le démarrage des missions et permettant d'assurer le fonctionnement de la CPTS de manière pérenne, et un financement pour chaque mission engagée, composé lui-même d'une part fixe et d'une part variable, calculée en fonction de l'atteinte des objectifs fixés dans le contrat.

Des aides peuvent, en outre, être versées aux CPTS en phase de lancement. Les ARS apportent ainsi, fréquemment, un soutien financier aux nouvelles CPTS via les crédits du fonds d'intervention régional (FIR). Des fonds conventionnels de l'assurance maladie peuvent également être versés, sous certaines conditions, avant la signature de l'ACI.

Enfin, les CPTS peuvent obtenir des financements complémentaires, par exemple du fonds pour l'innovation du système de santé (Fiss) dans le cadre de leur réponse à des appels à projets spécifiques et de leur participation à des expérimentations.

Bien que les montants versés soient importants, le pilotage et le contrôle des fonds paraissent gravement insuffisants.

Dans le cadre de l'ACI uniquement, 105,8 millions et 121 millions d'euros ont été versés respectivement en 2022 et 2023 aux CPTS, soit, en 2023, une moyenne de 240 000 euros par CPTS. Au regard des sommes concernées, nous ne pouvons que regretter la faible connaissance des financements attribués aux CPTS. Ainsi, six ans après la signature de l'ACI, il n'existe toujours aucun outil national de pilotage de la dépense permettant de disposer des données consolidées par mission !

Concernant les financements issus des ARS, le ministère nous a également confirmé qu'il n'existait pas de vision agrégée au niveau national sur ce qui a été versé.

Nous recommandons, en conséquence, de mettre en place urgemment des outils de pilotage de la dépense et d'analyse des financements alloués aux CPTS à l'échelle nationale.

En l'absence de tels outils, nous avons interrogé 17 caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) afin d'obtenir des précisions sur les contrôles réalisés au niveau local, sur les difficultés rencontrées et, plus généralement, sur le déroulement du dialogue de gestion. Ce dernier constitue le principal outil de suivi de l'activité des CPTS permettant d'évaluer leurs actions et d'adapter les financements.

Or, au regard des documents obtenus, nous ne pouvons que constater les limites de cet exercice. Trop souvent, les indicateurs retenus et les justificatifs demandés dans le cadre du dialogue de gestion apparaissent lacunaires : ainsi, une simple mention dans le rapport d'activité d'une réunion suffit parfois à attester de sa tenue et à déclencher un financement. Certaines CPTS refusent aussi de transmettre la liste de leurs adhérents au nom du respect de la protection des données personnelles ou transmettent des pièces justificatives la veille du dialogue de gestion, voire après sa tenue.

En réalité, l'efficacité de cet exercice dépend avant tout de la qualité du dialogue entre les financeurs et les CPTS, comme nous avons pu le constater lors de notre déplacement dans l'Allier.

Au regard de cette première analyse, il nous est apparu impératif de renforcer le contrôle financier des CPTS et de favoriser leur contribution effective à la coordination des soins.

L'adéquation entre les financements alloués et la réalité de l'action des CPTS doit être améliorée afin d'assurer l'efficacité de la dépense publique.

En effet, il existe une réelle dichotomie entre enveloppes théoriques et dépenses réellement engagées. Les données issues d'une enquête de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) font ressortir que les dépenses réelles de fonctionnement sont quasi systématiquement supérieures aux enveloppes allouées. Par ailleurs, concernant les missions, celle qui est relative à la réponse aux crises sanitaires, dont le principal objectif consiste en la création puis l'actualisation d'un plan de gestion de crise, semble largement surfinancée. D'autres, à l'inverse, comme la mission « prévention », paraissent sous-estimées. La CPAM de Seine-et-Marne a ainsi indiqué craindre que la faiblesse de l'enveloppe « prévention » mette à mal la mise en oeuvre d'actions d'« aller vers ». Nous appelons à la mise en place d'un cadre national autorisant la fongibilité des enveloppes entre chaque mission. Aujourd'hui, si celle-ci n'est pas explicitement autorisée, elle est pratiquée de fait par les CPTS. Ainsi, 82,4 % des CPTS interrogées par la FCPTS déclarent y avoir recours.

Par ailleurs, l'existence de crédits de fonctionnement, alloués dès la naissance de la CPTS puis pendant toute la durée du contrat, pose question. Il existe un risque que cette rémunération au titre du fonctionnement fasse double emploi avec la part fixe des financements des missions.

C'est pourquoi nous estimons que la négociation du prochain ACI, prévue par l'assurance maladie pour 2026, doit être l'occasion de mesurer les dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions et de revoir, à la lumière de ces données, le périmètre et les modalités de financement de ces missions. Par ailleurs, les spécificités du territoire pourraient être mieux prises en compte. En effet, le dispositif actuel est indexé sur la taille démographique du territoire, et aucunement sur la densité médicale ou les difficultés constatées d'accès aux soins.

Enfin, une discussion doit être engagée entre les financeurs et les organisations représentatives pour augmenter la part variable du financement des CPTS, fondée sur l'atteinte des objectifs fixés.

M. Bernard Jomier, rapporteur. - Le rapport comporte également des propositions destinées à améliorer l'efficacité du dialogue de gestion sur l'ensemble du territoire national.

L'utilisation d'outils de gestion performants et de plateformes interopérables doit être favorisée, afin de simplifier la transmission des données et des pièces justificatives. Les contributions que nous avons reçues font état de difficultés dans la collecte des données et la rédaction des rapports d'activité, notamment pour les plus petites CPTS, souvent peu dotées en personnels administratifs. Il s'agit de renforcer le partage d'informations entre les CPTS et les régulateurs, par la mise en place d'un cadre national fixant les modalités de transmission des pièces justificatives.

Les indicateurs retenus doivent être soigneusement sélectionnés : nous recommandons de privilégier des indicateurs de résultats adaptés aux spécificités du territoire et au niveau de maturité de chaque CPTS, qui permettront de mesurer réellement l'impact de son action. Les professionnels sont parfois réticents à la fixation d'indicateurs quantitatifs, qui ne peuvent refléter pleinement la complexité des situations sur le terrain et la qualité des actions mises en oeuvre. En effet, les CPTS ne disposent pas toujours d'une maîtrise suffisante des déterminants permettant d'atteindre des objectifs de résultats tels que l'amélioration des taux de dépistage ou des conditions d'accès à des professionnels de santé extérieurs à la CPTS. Les régulateurs eux--mêmes ne sont pas toujours en mesure d'isoler l'effet de l'action de la CPTS sur l'évolution observée de ces indicateurs.

Il apparaît également indispensable de renforcer le contrôle financier des CPTS, aujourd'hui insuffisant malgré le versement de montants importants d'argent public.

En premier lieu, les dépenses et la gestion des CPTS devraient être davantage contrôlées. L'ACI laisse une très grande liberté aux CPTS dans l'utilisation des fonds qui leur sont octroyés. Aucun des financements prévus ne requiert, pour la CPTS, de justifier précisément ou exhaustivement l'utilisation des fonds perçus. Seul le dialogue de gestion, avec toutes les limites que nous avons évoquées précédemment, permet de supposer, en fonction de l'atteinte des indicateurs fixés préalablement, que les fonds ont été correctement utilisés.

Aussi le risque de mésusage de ces fonds publics a-t-il fréquemment été évoqué lors des auditions que nous avons conduites. Les réponses que nous avons reçues dans le cadre de notre enquête révèlent que de nombreuses CPAM se sentent démunies, l'une d'entre elles nous ayant même explicitement indiqué n'avoir « aucune légitimité », en l'état actuel des textes, pour « questionner la CPTS sur l'utilisation des deniers publics » qui lui sont versés.

Plusieurs exemples de dépenses litigieuses nous ont ainsi été rapportés, qui menacent d'altérer la confiance des acteurs dans le dispositif. Certaines CPTS organisent ainsi des activités culturelles et sportives à destination de leurs membres, telles que des cours mensuels de yoga, des sorties en voile ou des « soirées théâtre ». Des dépenses destinées à la convivialité et à la consolidation d'équipe ont également été rapportées. Par ailleurs, certaines CPTS thésauriseraient une partie des fonds qui leur ont été octroyés, demeurés inutilisés dans le cadre des actions conduites. Une ARS et une CPAM ont également évoqué l'utilisation des fonds de l'assurance maladie pour réaliser des investissements immobiliers. Enfin, nous avons été informés d'un cas de mise à disposition, par un médecin à ses stagiaires, de locaux dont les loyers auraient été réglés grâce aux fonds alloués à la CPTS.

De plus, nous avons observé que le niveau d'information dont disposent les régulateurs sur les dépenses engagées par les CPTS est très variable d'un territoire à l'autre. Une CPAM rapporte ainsi que l'une des CPTS de son territoire lui adresse son rapport d'activité « amputé de la partie financière », quand d'autres indiquent, au contraire, demander et obtenir systématiquement, dans le cadre du dialogue de gestion, le bilan comptable et le compte de résultat de la CPTS.

En conséquence, nous recommandons dans le rapport d'imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux CPTS. Les sommes en jeu nous paraissent justifier, dans le contexte budgétaire actuel, un tel renforcement des contrôles. Par ailleurs, les CPTS étant constituées sous la forme d'associations régies par la loi de 1901, elles sont théoriquement dans l'obligation de désigner un commissaire aux comptes dès lors qu'elles reçoivent plus de 153 000 euros de subventions publiques. Le contrôle effectif de cette désignation doit être renforcé.

Parallèlement, nous recommandons la mise en place d'un encadrement plus strict de la gestion financière des CPTS au niveau national. La ligne de crête entre renforcement du contrôle de la dépense publique et risque de suradministration est, certes, difficile à tenir. Nous croyons toutefois possible d'encadrer davantage les choses sans décourager les professionnels de s'engager ni étouffer les initiatives locales.

Ces nouvelles règles pourraient viser, notamment, à interdire explicitement ou à encadrer certaines des dépenses litigieuses que nous avons citées, ou à maîtriser le phénomène de thésaurisation, par exemple par l'instauration d'un système de récupération des financements non utilisés. De nombreuses CPAM interrogées suggèrent également de fixer une masse salariale maximale en fonction de la taille de la CPTS ou, à tout le moins, une grille de rémunération des postes clés des CPTS, comprenant ceux de directeur et de coordonnateur. Aujourd'hui, seules les indemnités et rémunérations versées aux professionnels de santé en contrepartie du temps qu'ils consacrent à la CPTS sont plafonnées par décret : elles ne peuvent excéder, pour chaque professionnel, le plafond annuel de la sécurité sociale, fixé en 2025 à 47 100 euros.

Ce cadrage renforcé des dépenses pourrait être recherché avec les professionnels de santé, l'année prochaine, dans le cadre de la négociation du prochain ACI. En cas d'infraction, des mécanismes de récupération des indus et des sanctions financières visant les personnes responsables pourraient être envisagés. L'existence d'un cadre national contribuera à éclairer les CPTS sur leurs marges de manoeuvre et les protégera d'éventuelles interprétations divergentes entre régulateurs locaux.

À côté du financement conventionnel et des cotisations versées par les adhérents, les CPTS disposent parfois de sources de financement secondaires très diversifiées. Selon l'assurance maladie, 75 % des CPAM estiment qu'au moins une CPTS de leur ressort territorial dispose d'une autre source de financement. En effet, l'ACI n'interdit pas à ces dernières de bénéficier de financements complémentaires, versés par des personnes publiques ou privées. Figurent notamment parmi ces financeurs les collectivités territoriales, les unions régionales de professionnels de santé (URPS), des fonds européens, mais aussi des acteurs privés comme des associations ou des laboratoires pharmaceutiques.

Ces financements demeurent aujourd'hui largement méconnus de l'assurance maladie et de l'État, qui ne disposent, là encore, d'aucune donnée consolidée ni d'aucun outil de suivi. L'assurance maladie souligne surtout que ces financements peuvent « soutenir des actions hors des missions conventionnelles », sans toutefois être en mesure de préciser la nature de ces actions.

Nous nous prononçons, en conséquence, pour la mise en place d'un contrôle systématique des sources de financement des CPTS dans le cadre du nouvel ACI, à l'aide des documents budgétaires et comptables que les structures devraient transmettre à leurs financeurs.

Certains financements secondaires observés induisent, en outre, des risques spécifiques. Il en va ainsi, en particulier, des fonds versés par des laboratoires pharmaceutiques en contrepartie de formations. L'assurance maladie reconnaît l'existence, dans ce type d'accord, d'un risque de financiarisation des CPTS.

C'est pourquoi nous jugeons souhaitable que, dans la perspective de la négociation du nouvel ACI, une réflexion soit engagée avec les professionnels de santé sur la nécessité d'encadrer davantage le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques.

Vous l'aurez compris, nous partageons une préoccupation commune : continuer de faire des CPTS des structures souples de coordination, à la main des professionnels de santé qui souhaitent s'y engager. Nous croyons nécessaire que l'assurance maladie continue de financer ces structures, utiles à notre système de santé, et nous ne souhaitons pas jeter l'opprobre sur les acteurs impliqués. Nous avons pu voir de nombreux exemples de la pertinence et de l'efficacité de l'action de ces structures. La CPTS Sud-Allier, que nous sommes allés rencontrer avec Corinne Imbert sur le terrain, a par exemple mis en place une véritable coordination entre la ville et l'hôpital afin d'améliorer le repérage en amont des fragilités pour réduire les hospitalisations et de renforcer la prise en charge par la médecine ambulatoire lors des sorties d'hospitalisation.

Nous jugeons également indispensable que les professionnels impliqués disposent d'une marge de manoeuvre étendue pour répondre, dans le cadre de leur responsabilité populationnelle, aux besoins de santé qu'ils identifient.

Toutefois, nous ne souhaitons pas que la crédibilité des CPTS puisse être entamée par une mauvaise utilisation des fonds publics qui leur sont versés. Elles doivent, au même titre que l'ensemble des acteurs du soin recevant des financements publics, accepter que l'on contrôle leur gestion et évalue leur action. Sans tomber dans la suradministration ni le soupçon généralisé, nous croyons nécessaire de renforcer le dialogue de gestion destiné à suivre l'action de ces structures et d'améliorer les contrôles financiers.

En d'autres termes, nous voulons mieux contrôler les CPTS sans pour autant décourager les professionnels.

Mme Annie Le Houérou. - Je remercie nos deux rapporteurs pour ce travail important. Dans mon département, les CPTS présentent une véritable utilité, même si certains retours font état de dérives. Il ne faudrait pas, pour autant, jeter le bébé avec l'eau du bain !

Vos conclusions constituent un cadre pertinent pour le développement des CPTS, en exigeant de leur part la définition et le contrôle des indicateurs d'activité, ainsi qu'un suivi financier rigoureux. Si des crédits publics leur sont affectés, la totale transparence sur leur utilisation est indispensable. De même, pour les financements privés, il est essentiel de disposer d'informations précises sur leur origine et leur affectation.

Vous évoquez également l'inégale participation des médecins. Cela paraît logique, les CPTS s'étant développées dans des territoires confrontés à un manque important de médecins, limitant leur disponibilité à contribuer pleinement au fonctionnement de ces structures. Les autres professionnels s'organisent pour mieux coordonner l'accès aux soins et les parcours, notamment en oncologie, pédiatrie et gériatrie, comme c'est le cas dans mon département.

Sans une implication forte, sur les territoires, de l'ensemble des professionnels de santé, y compris des médecins, les CPTS ne pourront produire des indicateurs d'activité valorisants. Une coordination renforcée des professionnels permettra une prise en charge optimale des patients, en les orientant vers les soins les plus pertinents et adaptés à leur situation. Je salue ces préconisations, que je partage pleinement.

Mme Véronique Guillotin. - Je vous remercie pour ce rapport. Nous ressentons bien l'utilité des CPTS, notamment dans un souci de coordination, mais nous entendons aussi cette petite musique selon laquelle elles ne rempliraient pas toujours leur mission ou connaîtraient des dérives financières.

Lorsque l'on confie des actions de prévention ou d'accès aux soins aux CPTS, serait-il possible de mettre en place des indicateurs de suivi plus stricts ? On a parfois l'impression qu'en matière de prévention, chacun fait un peu ce qu'il veut, avec une efficacité variable.

M. Daniel Chasseing. - Je veux à mon tour remercier et féliciter les deux rapporteurs. Il ressort de leur travail une nécessité de contrôler les fonds publics alloués à ces communautés, qui sont tout de même très importants - 240 000 euros par CPT en moyenne. Nous devons faire en sorte que celles qui fonctionnent puissent continuer leur action, mais aussi mettre un terme aux dérives. Nous devons aussi mieux encadrer les financements complémentaires.

Je souhaiterais également que les CPTS soient davantage organisées en rapport avec les bassins de vie, afin que les médecins puissent mieux se coordonner. Ce n'est pas toujours le cas, notamment dans mon département. La présence d'un médecin de garde à certaines heures au sein des CPTS pourrait éviter certains recours aux urgences.

Mme Brigitte Bourguignon. - Je veux à mon tour remercier les rapporteurs pour ce travail très utile sur les CPTS. Élue d'un territoire rural, j'en ai vu se constituer un peu partout.

Je note néanmoins qu'elles sont souvent méconnues, et que leur contrôle et leur encadrement posent problème. Il s'agit en effet d'associations de professionnels libéraux à qui il peut être difficile de demander des données.

Par ailleurs, je ne comprends pas comment vous pouvez affirmer que leurs moyens sont insuffisants alors que nous ne sommes pas capables de connaître précisément leurs différentes sources de financement ni de mesurer l'efficacité de leur action.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous avions incontestablement besoin d'une évaluation. Nous avons vu naître les CPTS sur nos territoires, mais nous constatons que la qualité n'est pas toujours au rendez-vous.

Je souscris à la conclusion du rapport : il faut développer des indicateurs, évaluer, mettre en lumière les problèmes et les corriger. Il n'est pas acceptable que l'on mène au sein des CPTS des activités qui n'ont rien à voir avec leur objet.

Pourquoi l'ARS ne demande-t-elle pas plus de comptes aux CPTS, alors qu'elle leur alloue une grande partie de leurs fonds, aux côtés des CPAM ? Pourquoi n'y a-t-il pas une obligation de vérifier que chaque euro dépensé est un euro utile pour la population, au regard des objectifs fixés ?

Enfin, existe-t-il aujourd'hui une animation par territoire, par exemple au niveau de la région, pour mettre en valeur les bonnes pratiques au sein des CPTS ?

M. Martin Lévrier. - Les rapporteurs évoquent « une faible connaissance des financements attribués aux CPTS ». Ne serait-il pas temps et opportun d'imaginer un guichet unique qui piloterait l'ensemble des aides publiques et des subventions ? Il pourrait, selon moi, relever des ARS, mais encore faudrait-il que ces aides soient interopérables, afin que nous puissions avoir une vision nationale de ce qui se passe au niveau des CPTS.

Ne devrions-nous pas pousser le raisonnement jusqu'à imposer des logiciels comptables également interopérables, qui permettraient des remontées de gestion ? Je pense au bilan et au compte d'exploitation, qui devraient être soumis au contrôle de commissaires aux comptes, au même titre que les associations qui reçoivent des subventions publiques. Ce serait une solution assez simple et totalement cohérente. À partir du moment où l'on reçoit des subventions publiques, ne doit-on pas rendre des comptes ?

Enfin, je n'ai rien vu dans votre rapport sur l'idée d'une subvention d'investissement versée par les collectivités, qui permettrait d'éviter une forme de concurrence entre des territoires proches.

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je veux saluer le travail efficace réalisé par nos rapporteurs et partager trois observations.

La première concerne mon département des Hauts-de-Seine. Le mouvement de création des CPTS s'y fait de façon dynamique, mais avec certaines difficultés. Il faut certes ménager l'autonomie des professionnels de santé - en 2023, nous avions insisté sur le caractère non obligatoire de l'adhésion aux CPTS -, mais il faut aussi soutenir les acteurs qui prennent la responsabilité de piloter et d'animer ces structures. À ce titre, les collectivités locales peuvent apporter un appui précieux, notamment à travers des moyens d'information ou matériels.

Ma deuxième observation concerne la Corse, un territoire relativement sous-doté, ce qui peut être lié à des éléments géographiques ou à une moindre culture de l'exercice coordonné. Dans quelle mesure les collectivités locales peuvent-elles alors appuyer la création des CPTS, en particulier en zone rurale ou montagneuse ? Des moyens d'animation, notamment numériques, peuvent-ils être proposés à ces professionnels pour qu'ils travaillent ensemble et se coordonnent ?

Ma dernière observation vise les territoires ultramarins, qui cumulent les handicaps. Avec une faible densité de professionnels de santé, la difficulté de s'organiser en CPTS est renforcée. Avez-vous identifié des leviers ou des solutions pour leur permettre d'accéder aussi à cette modalité d'organisation, utile pour les patients comme pour les professionnels de santé ?

M. Khalifé Khalifé. - Je remercie nos deux collègues pour ce rapport très attendu.

Permettez-moi d'exprimer un certain mécontentement. Il y a certes un réel engouement pour la création de CPTS, mais les résultats ne me semblent pas au rendez-vous. Dans mon département, aucune ne fonctionne correctement. Je regrette que l'on ne parle que de finances, et non d'activité réelle. Avez-vous des informations plus précises sur les actions concrètes menées par les CPTS ?

Je ne sais pas si les professionnels de santé travaillent en silo, mais les CPTS sont devenues, me semble-t-il, un silo à part entière, alors même que leur activité est discutable. Elles se battent pour faire partie de toutes les instances - contrats locaux de santé (CLS), conseils territoriaux de santé (CTS), etc. -, mais ensuite elles n'y sont plus.

S'agissant du financement, si j'ai bien compris, les CPTS disposent de réserves financières importantes. Pourquoi ne pas imaginer une année blanche, le temps de tout remettre à plat ?

Enfin, je serais heureux que ce rapport soit également adressé aux collectivités locales, afin que les conseils régionaux et départementaux, ainsi que les communes, sachent où va leur argent.

Mme Anne Souyris. - Je vous remercie pour ce rapport important. Lorsque j'étais maire adjointe à la santé de la ville de Paris, l'arrivée des CPTS a permis d'étendre les réseaux de coordination de soins au-delà des organisations construites par des militants, notamment dans le domaine de la lutte contre le sida.

Les conclusions de votre rapport soulèvent la question de la financiarisation de la santé, mais aussi celle du pilotage. Y a-t-il un pilotage, au moins régional et local, des CPTS, qui, par essence, sont des acteurs privés ?

Si votre rapport confirme mes inquiétudes sur un début de financiarisation des CPTS, ses recommandations me déçoivent quelque peu. Ne faudrait-il pas complètement interdire les financements privés lucratifs ? Partout, nous sommes gangrenés par une financiarisation de la santé que nous ne parvenons pas à maîtriser. Les CPTS ne devraient pas être financées par les laboratoires pharmaceutiques.

Mme Émilienne Poumirol. - Le succès des CPTS dépend beaucoup des personnes qui conduisent le projet. Lorsqu'un médecin très motivé s'implique, cela fonctionne mieux que si le projet est imposé par les ARS. C'est d'ailleurs l'idée qui avait présidé à la loi de 2016.

Je rejoins également Anne Souyris concernant les fonds privés, en particulier ceux des laboratoires pharmaceutiques. En tant que médecin, j'ai connu la formation continue financée par les laboratoires, qui se résumait à un bref exposé présenté au cours d'un bon repas... Ces pratiques sont désormais interdites. Pourquoi ne pas interdire non plus aux laboratoires de financer les CPTS ?

Vous indiquez que les CPTS bénéficient aussi de financement émanant des collectivités locales, ce que je comprends. Face aux déserts médicaux, les élus essaient de lutter comme ils le peuvent. Mais comment préciser le rôle des collectivités ? Quels sont les liens entre les CPTS et les élus locaux, et entre les CPTS et le contrat local de santé ? On a parfois l'impression que les dispositifs se chevauchent. Il serait important que nous puissions clarifier le rôle de chaque instance.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous dites que les CPAM, et même parfois les ARS, ne se sentent pas légitimes pour contrôler et évaluer les CPTS. Que recommandez-vous pour y remédier ?

Il me semble inadmissible que les CPTS ne produisent pas, a minima, leur bilan et leur compte de résultat. J'entends la crainte d'une suradministration, mais, en l'occurrence, nous sommes plutôt dans une sous-administration. Par conséquent, malgré la qualité du rapport, je trouve les recommandations un peu légères.

J'en reviens aux financements complémentaires privés. Ils surviennent souvent lorsqu'un manque de financement est constaté. C'est ce que l'on appelle la politique des caisses vides : on commence par asphyxier le système avant d'appeler le privé en sauveur. Or vous avez souligné qu'il n'y avait pas de problème financier global dans les CPTS. Les budgets vous semblent suffisants, à tel point que certaines communautés réalisent même des excédents. Il n'y a donc aucune raison pour ne pas les faire rentrer dans le rang.

Mme Frédérique Puissat. - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail éclairant, même si nos expériences de terrain peuvent être quelque peu différentes.

Nous avons voulu que les CPTS soient des outils souples et indépendants. À plusieurs reprises, nous nous sommes battus pour que les élus n'en fassent pas partie, considérant que ce sont les professionnels qui doivent être les acteurs de terrain.

Très honnêtement, dans mon territoire isérois, nous trouvons des solutions grâce aux CPTS. Elles sont génératrices d'idées pour atteindre une couverture médicale satisfaisante, ce qui est l'objectif attendu de ces communautés.

Cela étant, la souplesse et l'indépendance ne peuvent se concevoir sans confiance, et la confiance n'exclut pas le contrôle. La véritable difficulté est de savoir comment nous pouvons contrôler sans suradministrer. Avez-vous réfléchi à cet aspect dans le cadre de votre mission ?

M. Alain Milon. - Dans l'idée initiale du législateur, les CPTS consistaient en une coordination de professionnels de santé libéraux volontaires, sur un territoire donné. Aucun financement n'a jamais été prévu par le Parlement, ni dans la loi initiale ni dans les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) depuis 2016. C'est seulement en 2021 qu'une ordonnance prise dans le cadre de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a prévu que les CPTS puissent, une fois une convention conclue avec l'assurance maladie, bénéficier d'aides publiques.

Ce sont les ARS qui, à partir des fonds d'intervention régionaux, ont décidé de faciliter la mise en place de ces CPTS. Dès lors, des organismes ont été créés, avec des locaux, des secrétariats, des directeurs... Tout cela s'est déroulé sous nos yeux, sans qu'à aucun moment, depuis 2016, nous n'intervenions sur le sujet.

Si nous avons décidé de nous pencher sur le sujet, c'est parce que les ARS elles-mêmes et certaines CPAM nous ont alertés sur les dérapages financiers. On ne peut accuser personne dans cette affaire, sauf nous-mêmes, car nous n'avons prévu ni les financements ni les contrôles.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais formuler une remarque liminaire. Nous constatons une grande disparité entre les CPTS, tant en termes de périmètre que d'actions.

Je l'ai déjà dit, je faisais partie des « CPTS-sceptiques », mais je savais aussi qu'il ne fallait pas jeter le bébé avec l'eau du bain, car je connaissais des territoires où ces communautés fonctionnaient très bien. C'est dans cet esprit que j'ai abordé la mission aux côtés de Bernard Jomier.

Si les CPTS se sont parfois développées là où l'on manquait de médecins et où il y avait une difficulté d'accès aux soins, ce n'est pas partout le cas. Dans mon département, par exemple, le dernier territoire sans CPTS est un territoire rural qui souffre d'une difficulté d'accès aux soins. À l'inverse, il existe des territoires dépourvus de CPTS où les patients n'ont pas de problème d'accès aux soins, car il peut encore y avoir des professionnels de santé qui travaillent et prennent en charge les patients, même s'ils ne coopèrent pas au sein d'une CPTS.

La question du périmètre est donc importante. Au tout début, l'administration imaginait que chaque CPTS couvrirait en moyenne 100 000 habitants. Cela n'avait pas de sens. Il faut davantage de proximité. Le bassin de vie évoqué par Daniel Chasseing est sans doute parfois trop petit, mais il aurait plus de sens, car les professionnels se connaissent bien et pourraient être plus efficaces.

En ce qui concerne les financements, en effet, ils n'ont pas été prévus au départ. Or, dans ce cas, logiquement, lorsque des professionnels prennent des initiatives, ils vont frapper à la porte des collectivités territoriales, mais aussi à celle des laboratoires.

La fongibilité des enveloppes pourrait être un moyen de répondre non pas tant à l'insuffisance des moyens par endroits qu'au mauvais fléchage évoqué par notre collègue Brigitte Bourguignon.

Quant au contrôle des moyens alloués, je rappelle que notre proposition n° 9 vise à imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables. Il s'agit bien d'imposer, et non de favoriser.

D'une manière générale, la participation des collectivités territoriales est libre. Elle dépend aussi de chaque CPTS et de chaque collectivité, et nous ne connaissons pas les montants de ces participations.

Notre rapport s'inscrivant dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, il se concentre sur l'aspect financier. Nous ne sommes pas entrés dans le détail de toutes les actions de prévention qui peuvent être portées par les CPTS, mais nous en avons évidemment perçu la teneur par nos auditions, les retours qui nous ont été faits et notre déplacement dans l'Allier, qui nous a permis de voir toutes les actions pertinentes qui pouvaient être menées.

Lorsque nous avons constaté des difficultés au niveau du contrôle, nous avons également interrogé dix-sept CPAM, ce qui n'était pas prévu initialement. Elles nous ont largement répondu et étaient très contentes d'être sollicitées. Nous avons notamment interrogé la CPAM de Guadeloupe, qui souhaite une meilleure prise en compte des spécificités territoriales. En l'occurrence, elle souhaite que l'accent soit mis sur les missions de prévention.

Le rapport mentionne de nombreuses actions utiles des CPTS, notamment en matière d'accès aux soins, de coordination ou de prévention. À cet égard, la CPTS de l'Allier que j'évoquais précédemment est une pépite.

Les CPTS définissent elles-mêmes leur territoire de rattachement. Je reste convaincue que dans les zones rurales, où ce dernier peut être très vaste, leur réussite dépend très fortement des professionnels qui les composent. Je fais partie de ceux qui pensent que les médecins devraient s'impliquer davantage, mais je peux aussi entendre, au regard du temps médical qui leur est précieux, qu'ils puissent manquer de motivation à l'idée de faire une heure de trajet aller-retour simplement pour assister à une réunion.

Enfin, nous déplorons que les agences régionales de santé et les CPAM ne soient toujours pas en mesure, six ans après la montée en puissance, de nous communiquer des données consolidées sur le financement des CPTS par les collectivités. Nous espérons que la transmission des documents comptables nous permettra d'y voir plus clair. Peut-être les acteurs des CPTS prendront-ils conscience de la nécessité de se recentrer sur l'essentiel et sur leur mission originelle ? Éviter la dispersion est la clé de la réussite de dispositifs financés et pertinents dans les territoires.

M. Bernard Jomier. - Je remercie Alain Milon d'avoir permis ce travail, ainsi que Corinne Imbert, avec qui il est toujours très agréable de travailler.

Les CPTS ont cela de passionnant qu'elles combinent trois grandes questions relatives à notre système de santé : l'articulation entre le local et le national, la liberté de l'encadrement et l'utilisation de l'argent public.

L'esprit des CPTS peut se résumer ainsi : laisser aux acteurs locaux de santé le soin de définir les priorités en matière d'actions de santé dans les territoires et celui de les mettre en oeuvre. C'est tout de même un changement radical par rapport à la pratique antérieure et à ce que prévoyait initialement la loi de 2016. Les propos d'une directrice adjointe d'ARS que nous avons auditionnée dans le cadre de nos travaux, m'ont fait sortir de mes gonds. Elle avait expliqué, en synthèse, que les professionnels de santé étaient incapables de choisir les bonnes actions et qu'on ne pouvait pas leur faire confiance. Cela trahit une mentalité : les ARS savent et doivent dicter leur conduite aux acteurs locaux. Or la CPTS est le fruit d'une conception inverse. Il ne faut donc pas s'étonner que les régulateurs réclament de reprendre les rênes. Véronique Guillotin évoquait les actions de prévention. Si certaines d'entre elles - la fiscalité comportementale par exemple - relèvent du national, d'autres sont très localisées : on ne met pas en place les mêmes actions de prévention en fonction de la population des territoires. Les tâtonnements s'expliquent aisément. Avant la liberté, disait Kant, il y a l'apprentissage de la liberté !

La deuxième grande question est celle de l'encadrement. Doit-on tout réglementer ? Frédérique Puissat a très bien résumé la problématique. Je suis convaincu que les acteurs locaux de santé doivent disposer de davantage d'outils de maîtrise, mais aussi des financements qui leur sont associés, afin de construire les politiques publiques de santé. Les décisions prises à l'échelle nationale sont importantes, mais la mobilisation des acteurs locaux est essentielle. Elle se greffe sur un profond changement culturel, qui prend du temps. On demande aux soignants de soigner des patients, mais aussi, de plus en plus, de se préoccuper des enjeux de santé de leur territoire. Dans un contexte de pénurie, il n'est pas étonnant qu'ils peinent à s'impliquer dans les CPTS. Si certains soignants le refusent par principe, beaucoup n'en ont pas le temps. Dans certains territoires, on ne trouve aucun médecin dans les bureaux des CPTS. Nous devons donc résoudre la question de la liberté de l'encadrement en ayant à l'esprit que le contrôle total par l'ARS ne peut pas être une solution.

J'en viens enfin à la question très sensible et centrale de l'utilisation de l'argent public. Pour ma part, je n'ai aucun problème à dire que les dérives doivent être sanctionnées. J'ai d'ailleurs proposé que l'on récupère l'argent « mal utilisé », non pas sur le budget des missions, mais sur les rémunérations des membres du bureau de la CPTS. Les dépenses de convivialité, par exemple, ne sont pas scandaleuses en elles-mêmes, ce sont les dérives qui sont inacceptables.

La question des financements privés a également été soulevée. Pourquoi donc les discuter dans l'ACI ? Ne devrait-on pas poser simplement un principe d'interdiction ? Je n'y suis pas favorable et j'assume cette position. En effet, notre système de santé n'est pas seulement financé par l'argent public. Certains acteurs privés doivent certes être écartés a priori, mais cela n'a pas de sens d'empêcher par exemple une mutuelle de participer à des actions locales de prévention du cancer du sein. J'irai encore plus loin. Lorsque j'étais adjoint à la mairie de Paris, chargé de la santé, nous avons mis en place le programme « Vers Paris sans sida ». Parmi ses principaux financeurs figuraient des acteurs de l'industrie pharmaceutique. Nous avions alors fixé des règles simples : ces derniers pourraient contribuer au programme et le citer dans leurs documents de communication ; en revanche, ils seraient absents des organes de décision et de suivi. Sans cet argent, nous n'aurions pas pu monter cette campagne de communication, la première dans laquelle sont apparus des personnes transgenres ou des migrants, des populations clés concernées par le VIH à Paris. Le risque de financiarisation des CPTS a certes été clairement identifié. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'ouvrir toutes les portes. Toutefois, notre position est de ne pas exclure d'emblée l'ensemble des acteurs privés.

En conclusion, en recentrant les CPTS sur leur mission et en contrôlant mieux leurs sources de financement, nous disposerons de beaux outils de santé publique. Le développement des CPTS servira l'intérêt commun.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

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