E. UN CONTRÔLE TECHNIQUE OBLIGATOIRE DES DEUX ROUES DÉJÀ MIS EN PLACE EN FRANCE
La directive 2014/45/UE établissait le contenu minimal et la fréquence du contrôle pour chaque catégorie de véhicules, à l'exception des motocycles, pour lesquels les États membres disposent d'une marge d'appréciation plus large lorsqu'ils ont mis en place des mesures alternatives de sécurité routière.
La Commission européenne propose de désormais rendre le contrôle obligatoire pour ce type de véhicule et, par mesure de cohérence, inclut les motocycles électriques. C'est déjà le cas en France.
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Les modalités de contrôle mises en place en France Prenant acte de la décision du Conseil d'État du 31 octobre 2022 n° 466125 annulant le décret n° 2022-1044 du 25 juillet 202226(*), un décret et un arrêté ont été pris le 23 octobre 202327(*) pour mettre en place le contrôle technique de cette catégorie de véhicules, de façon échelonnée, selon l'année de mise en circulation, à partir du 15 avril 2024. Le contrôle comporte un nombre limité de vérifications de défaillances et doit être réalisé cinq ans après la première mise en circulation du véhicule puis tous les trois ans. 930 403 CTP ont été réalisés en 2024 et 1 036 429 CTP ont été réalisés depuis le 1er janvier 2025. Environ 16 % des véhicules présentent au moins une défaillance majeure et sont mis en contre-visite, ce qui démontre l'utilité du contrôle technique sur le plan de la sécurité routière ainsi que de la maîtrise des émissions polluantes. |
Dans la mesure où ce contrôle est déjà obligatoire en France, les rapporteurs prennent acte de la proposition présentée par la Commission mais demandent que les États membres disposent de réelles marges de manoeuvre dans la mise en oeuvre de la mesure, afin de ne pas modifier le cadre adopté très récemment à l'échelon national, qui a déjà été compliqué à appliquer.
F. LES AUTORITÉS FRANÇAISES PROPOSENT D'INTÉGRER L'EXISTENCE DES RAPPELS DES VÉHICULES AUX POINTS DE VÉRIFICATION DU CONTRÔLE TECHNIQUE
Les campagnes de rappel et le contrôle technique partagent l'objectif commun d'assurer la sécurité des conducteurs et plus largement des usagers de la route.
Récemment, en France, notamment dans les territoires ultramarins, la dégradation accélérée des airbags de marque « Takata » a causé le décès de 18 personnes et fait 26 blessés graves. Ces airbags équipent plusieurs millions de véhicules et leurs dysfonctionnements sont susceptibles d'affecter l'ensemble des États membres.
En réaction à ces accidents, les autorités françaises ont proposé que la directive offre la possibilité, pour les États membres qui le souhaitent, de prévoir des dispositions dans leur droit national permettant d'utiliser les opérations de contrôle technique afin de faciliter les opérations de rappel des véhicules pour des enjeux de sécurité graves.
Dans un premier temps, les États membres mettraient en place des mesures pour être certains d'informer le propriétaire et l'inciter à amener son véhicule chez le garagiste dans le cadre d'une campagne de rappel.
Si le véhicule n'y était pas amené dans ce cadre, cela pourrait entraîner, dans un second temps, lors du contrôle technique périodique, l'inscription d'une information sur le rapport de contrôle technique. Cela pourrait même dans certains cas conduire à un résultat défavorable du contrôle technique.
Le principe devrait demeurer flexible pour laisser à chaque État membre le soin de fixer les cas dans lesquels un contrôle technique pourrait être défavorable.
Bien que cette mesure puisse être prise dans un cadre strictement national, l'inscription de cette possibilité en droit européen permettrait de sécuriser juridiquement l'ensemble de la procédure.
Les rapporteurs soutiennent pleinement cette proposition des autorités françaises qui répond à un enjeu majeur de sécurité.
Les mesures mises en place pour rappeler les véhicules équipés d'airbags de la marque Takata
Par son comportement et ses mensonges répétés à ses clients, l'entreprise Takata, qui a détenu jusqu'à 20 % du marché mondial des airbags, ce qui représentait une production annuelle de 30 à 40 millions d'airbags, est la principale responsable de cette crise. Sa responsabilité s'est éteinte avec sa liquidation. Elle laisse un passif de plusieurs dizaines de millions d'airbags défectueux, disséminés dans le monde entier, à la charge des différents constructeurs qui ont adopté des mesures de gestion (programme de surveillance, rappels) d'une ampleur et avec une anticipation très variables, à partir de 2015 pour les plus précoces (notamment les Etats-Unis) et jusqu'à 2020 pour les plus tardives.
Jusqu'en janvier 2023, les informations dont a disposé le service de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM)28(*) ne lui ont pas permis d'apprécier la gravité et l'extension des risques. Il a dû, ensuite et seul dans un premier temps, inventer et mettre en oeuvre des mesures de réduction de ce risque. Leur mise en oeuvre s'est heurtée à plusieurs obstacles, aggravés parfois par les caractéristiques propres aux territoires ultramarins dans lesquels les pourcentages de véhicules réparés par rapport aux listes fournies par le système d'immatriculation des véhicules (SIV) sont nettement plus faibles.
Les actions menées par le SSMVM, à compter de la notification vers lui des accidents, et les décisions politiques prises début 2025 devaient limiter le nombre de ruptures d'airbags. Les failles du dispositif de rappel font toutefois craindre la survenance de nouvelles ruptures mortelles, indépendamment de l'ampleur des rappels engagés et de la pertinence de l'analyse des risques réalisée par chaque constructeur. À la mi-juin, le nombre de véhicules en cours de rappel était de 2,5 millions en France, dont 1,7 million étaient soumis à une procédure d'interdiction de rouler (Stop drive)29(*).
Le ministre des transports, Philippe Tabarot, a, par une lettre de mission du 22 janvier 2025, confié à l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) la réalisation d'une mission relative aux véhicules équipés d'airbags de la marque « Takata ». Plusieurs accidents seraient attribués à des éclatements d'airbags sur le territoire français, dont une majorité dans les départements et régions d'outre-mer, causant 18 décès dont 16 en outre-mer. En Europe, 13 autres accidents, à l'origine de 7 décès, sont recensés par le SSMVM30(*). En effet, l'entreprise Takata avait fait un choix technologique risqué, en retenant comme générateur de gaz le nitrate d'ammonium en phase stabilisée (PSAN, pour « phase stabilized ammonium nitrate » en anglais) sans prendre un temps suffisant pour mener à bien tous les essais de conception et de fabrication avant la mise en vente de ses produits. Elle a notamment sous-évalué le mécanisme de dégradation du PSAN sous l'effet de l'humidité dans les zones chaudes et humides.
La mission de l'IGEDD a publié son rapport le 29 juillet 2025. Elle y formule plusieurs recommandations :
- définir une stratégie d'ensemble cohérente pour tous les airbags Takata avec nitrate d'ammonium encore présents sur le marché ;
- à moyen terme, intégrer les airbags dans les règles d'homologation et s'assurer de leur bon fonctionnement sur la durée de vie des véhicules ;
- créer un dispositif complet de "Vigilance Auto", en améliorant la traçabilité des véhicules et des équipements susceptibles de présenter des risques graves ;
- faire du contrôle technique un filet de sécurité permettant de placer en contre-visite les véhicules faisant l'objet d'un Stop drive (Recommandation n° 13) ;
- boucler au plus en deux ans les rappels pour les véhicules les plus anciens ;
- instaurer une interdiction de vente pour les véhicules dont les airbags sont défectueux et préparer des mesures d'interdiction de la circulation pour les véhicules concernés ;
- renforcer significativement les moyens du service de la surveillance du marché des véhicules et de leurs équipements, pour lui permettre de gérer le dispositif « Vigilance auto ».
En parallèle, un arrêté ministériel du 29 juillet 202531(*), qui complète l'arrêté pris le 9 avril 2025, impose aux constructeurs des rappels élargis et accélérés pour les airbags « Takata » et vise à s'assurer que les constructeurs assument pleinement leurs responsabilités. Des mesures d'accompagnement sont prévues pour les automobilistes concernés, afin de limiter le plus possible les contraintes engendrées32(*).
Source : DGEC et rapport de l'IGEDD
* 26 Décret n° 2022-1044 du 25 juillet 2022 abrogeant le décret n° 2021-1062 du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, qui soumettait l'ensemble de ces véhicules en circulation à une obligation de contrôle technique périodique à compter du 1er janvier 2023.
* 27 Décret n° 2023-974 du 23 octobre 2023 modifiant des dispositions du code de la route et du décret n° 2021-1062 du 9 août 2021, relatives à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, et dérogeant temporairement aux articles R. 323-14 et R. 323-18 du code de la route et arrêté du 23 octobre 2023 relatif au contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur.
* 28 Service à compétence nationale créé en 2020 et rattaché à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).
* 29 Stop drive est l'injonction du constructeur de cesser immédiatement de conduire le véhicule jusqu'au remplacement du ou des airbags concernés.
* 30 Au 30 mai 2025, le nombre de décès aux États-Unis s'élevait à 27 et Honda, qui a probablement été le constructeur le plus touché aux États-Unis, en recensait 20 sur son parc, dont deux en 2023, ce qui montre que les rappels ne sont toujours pas terminés
* 31 Arrêté du 29 juillet 2025 imposant des mesures restrictives provisoires concernant les véhicules équipés d'airbags Takata et modifiant l'arrêté du 9 avril 2025 imposant des mesures restrictives provisoires concernant les véhicules équipés d'airbags Takata contenant du nitrate d'ammonium en phase stabilisée (PSAN) visés par un rappel constructeur.
* 32 Si le rendez-vous est dans plus de 15 jours, l'arrêté prévoit une obligation de mise à disposition gratuite, pour les propriétaires de véhicules sous « stop drive », de solutions de mobilité jusqu'au remplacement des airbags concernés (via le prêt d'un véhicule de courtoisie ou de location ou le financement d'un autre moyen de transport équivalent), et des rendez-vous de réparation à domicile ou de remorquage du véhicule jusqu'au centre de réparation.