FONCTIONNAIRES DE POLICE ET MEMBRES DU CORPS PRÉFECTORAL
M. Roland MAUCOURANT - commissaire divisionnaire du VIIIème arrondissement
M. Philippe LUTZ - commissaire principal au Blanc-Mesnil
M. Claude LANVERS - sous-préfet du Rhône à la ville
Mme Marie-Danielle PIERRELEE - Principal du collègue Garcia-Lorca à Saint-Denis
M. GARDEN - Proviseur à Vaulx-en-Velin
M. Roland MAUCOURANT .- Je suis commissaire dans le XVIIIème arrondissement depuis une année. Auparavant j'ai été chargé de la sécurité des trains de banlieue en Ile-de-France, et j'ai également été chef de sûreté urbaine dans des villes moyennes : Le Mans, Tours, Angers.
Je vous situe ainsi l'expérience que j'ai pu acquérir au cours des quinze dernières années.
Le problème des mineurs délinquants m'a toujours préoccupé. Il me donne le privilège d'être présent aujourd'hui.
Dans les fonctions de police il est toujours navrant d'être confronté au spectacle de mineurs dont on sent qu'ils s'enfoncent dans un comportement qui va les mener à leur perte.
Le Président de la République a déclaré que la République se défaisait peu à peu dans nos cités.
Ce constat est également le nôtre dans la mesure où les policiers, acteurs de terrain, se trouvent confrontés à des comportements qui rendent très difficiles les actions de police.
Certes, 70 % des mineurs commettent un acte et ne reviennent jamais devant le juge des enfants. Mais ce que les policiers déplorent et combattent, c'est une délinquance de mineurs réitérants, qui ne sont pas aussi nombreux qu'on le pense.
Le XVIIIème arrondissement comprend 200.000 habitants. C'est le supermarché de la drogue avec 500 dealers arrêtés chaque année.
J'évalue à une vingtaine le nombre de mineurs qui méritent un traitement judiciaire adapté à leur détresse morale, psychologique, et à un comportement particulièrement difficile.
Les policiers observent depuis plusieurs années un accroissement du nombre de mineurs mis en cause dans des délits de plus en plus graves, souvent liés à la violence. Ces délits sont souvent commis par des mineurs de plus en plus jeunes.
Pour la police l'action est assez difficile, car la population nous harcèle, elle attend de nous pratiquement une obligation de résultat et ne comprend pas que nous ne fassions rien, car elle retrouve dans les quartiers difficiles, dans les cités, dans les commerces, par exemple de la Porte de Clignancourt où il y a le marché au Puces, les mêmes mineurs arrêtés la veille.
Ce passage à l'acte réitéré pose problème.
Une loi de 1987, visant à limiter la détention provisoire, a été appliquée par les magistrats à partir du 1er janvier 1989.
J'ai observé au cours de ma carrière certaines attitudes des juges qui, en accord avec le Parquet, neutralisaient des mineurs particulièrement difficiles en procédant à de courtes détentions provisoires.
Je ne fais pas l'apologie de cette mesure. Le pouvoir législatif a aboli cette pratique. Cette façon de procéder avait un impact positif sur quelques jeunes. Je ne dis pas que la prison soit un remède, loin de là. Néanmoins, pour certains mineurs particulièrement difficiles, elle correspondait à un pas vers une possible réinsertion.
Quand j'étais chef de sûreté d'Angers, j'ai pu voir, à partir des années 1990, 1991 et 1992 une accélération de la mise en cause des mineurs délinquants.
Cela a conduit à privilégier la police d'intervention. L'objectif est de parer au plus pressé, on intervient pour faire face à des désordres que la population ne supporte plus.
Cette forme d'action policière ne permet pas de traiter les problèmes au fond. Il est préférable de les aborder sur le mode de la police de proximité, c'est-à-dire l'îlotage, qui a pour but de connaître de la population et cherche à établir le dialogue avec certains mineurs difficiles, avec lesquels on peut ainsi commencer à nouer des contacts.
Cette police de proximité est difficilement réalisable face aux comportements de bandes, parce que celles-ci donnent lieu à des attitudes particulièrement violentes et n'acceptent pas le contact avec la police. D'ailleurs, les éducateurs de rue pourront sans doute confirmer que leur travail est largement rendu difficile par les agissements de quelques-uns qui cherchent l'affrontement permanent avec les forces de l'ordre.
J'ai testé récemment dans le XVIIIème arrondissement, dans le quartier Guy Moquet, une police d'investigations qu'il serait souhaitable de privilégier dans l'avenir.
Cette police d'investigations a permis d'arrêter six dealers de shit en flagrant délit et a abouti à un suivi judiciaire adapté, ce qui a considérablement amélioré la tranquillité des habitants du secteur.
Cette façon de mener des enquêtes judiciaires est possible dans certains quartiers mais à Paris et pas forcément en banlieue, compte tenu des moyens disponibles.
À Paris les interventions policières, qui succèdent à des désordres, permettent de procéder à des arrestations.
La police attend de l'autorité judiciaire, qui assure le suivi pénal des affaires, un traitement plus rapide. Mais rapidité ne veut pas dire précipitation ni justice expéditive.
Pour les policiers il est important que les magistrats assurent un suivi judiciaire permettant de calmer l'activité des mineurs délinquants particulièrement réitérants.
Dans ma carrière j'ai vu, par exemple, des procédures judiciaires qui « dormaient » dans les tiroirs d'un inspecteur avant d'être transmises au procureur de la République. Il faut qu'elles soient rapidement transmises aux magistrats.
J'ai vu aussi des dossiers transmis au Parquet, qui n'avaient pas de suivi judiciaire. Le jeune n'avait connaissance des poursuites encourues que beaucoup trop tard. Le suivi éducatif de la PJJ arrivait souvent une année après la commission du délit.
Quand j'entends parler de mineurs qui ont commis un petit délit, je souris intérieurement, car ceux-ci sont parfois arrêtés vingt à trente fois par an, pour des délits et vols avec violences.
Souvent il s'agit de paroles, mais ce manque de respect nous rend la tâche difficile. L'autorité du gardien de la paix, îlotier, est très limitée.
Je suis absolument pour le projet de loi qui tend à instaurer la convocation par OPJ. Il faudra veiller à ce qu'elle ne soit pas entachée de nullité, d'où une action de formation vis-à-vis des policiers pour qu'ils rédigent correctement les documents.
Ce qui est important, c'est que le mineur qui a commis un délit soit non pas sanctionné immédiatement, mais qu'il sente que l'autorité judiciaire le considère comme un adulte, et prenne acte de son comportement antisocial, et que des mesures seront prises à son endroit.
Ce qui est le pire, c'est de voir s'accumuler des procédures qui ne sont pas suivies d'un examen dans des délais raisonnables.
Je suis pour cette convocation par OPJ, qui fera sentir au mineur le risque de réaction coercitive à son endroit.
Je suis aussi pour la prise de mesures qui manifestent une certaine forme de directivité.
En effet, les mineurs difficiles n'ont pas eu la chance d'avoir des parents en mesure d'exercer à certains moments une directivité à leur endroit.
Le fait que des magistrats puissent leur donner des ordres est positif. Trop différer l'instant des condamnations est mauvais et aboutit à une réitération et finalement le mineur, qui aurait pu être condamné à une peine assez courte, finit par avoir plusieurs jugements contre lui.
La police cherche à atteindre les caïds, les leaders, ceux qui créent les désordres et génèrent une grande insécurité dans les cités.
Dans les villes de province, les cas difficiles sont de l'ordre d'une dizaine ; en banlieue parisienne aussi et dans le XVIIIème arrondissement, pourtant réputé difficile, aux alentours d'une vingtaine.
Les cas les plus lourds, qui commettent de manière répétée des délits, des vols avec violences et des agressions de policiers, sont de dix à vingt.
M. Philippe LUTZ .- Je suis commissaire principal au Blanc-Mesnil.
Je vais parler des problèmes rencontrés en Seine-Saint-Denis, où je suis commissaire depuis cinq ans et où j'étais auparavant inspecteur. J'étais avant aux Lilas, à Bagnolet, à Noisy-le-Grand et à Gagny-Montfermeil.
Dans la Seine-Saint-Denis, le tribunal de grande instance est l'un des deux ou trois premiers en France pour le nombre de faits constatés, plus de 100.000 chaque année.
Depuis quelques années, la délinquance générale a tendance à baisser ou à se stabiliser, et la part des mineurs mis en cause a augmenté en 1995, de plus de 28 %.
Autre constat, la violence fait partie intégrante de cette délinquance spécifique. En l'occurrence dans la Seine-Saint-Denis l'année dernière, les vols à main armée, avec arme à feu notamment, représentaient 30 % des interpellations ; plus de 50 % des auteurs interpellés pour vols avec violences sont mineurs. Les faits sur la voie publique, les cambriolages, le recel, les vols d'autoradios ou de voitures concernent plus de 30 % des interpellations.
Ce qui est plus inquiétant, c'est que le phénomène de violence urbaine propre aux départements de petite et grande couronnes a tendance à s'étendre aux mineurs. Les outrages et les violences sur les fonctionnaires de police progressent, 15 % des interpellés sont mineurs, au lieu de 10 % précédemment.
Autre phénomène inquiétant, le port d'armes. Les mineurs mis en cause dans ces affaires sont en progression et représentent 23 % des personnes mises en cause.
Les incendies volontaires frappent l'opinion, ils représentent 37 % du nombre d'interpellations.
Il faut évidemment relativiser ces chiffres.
L'aspect médiatique du trafic des stupéfiants répand une idée générale selon laquelle il y aurait de gros dealers et autour des guetteurs systématiquement mineurs. Ce n'est pas du tout confirmé dans la réalité, du moins en Seine-Saint-Denis.
On peut toujours envisager des mineurs servant de guetteurs pour des gros deals, dans la majeure partie des cas ce sont des deals de survie plutôt ; les mineurs ne sont pas directement partie prenante.
Le problème de l'absence des parents a déjà été évoqué. Ceux convoqués au commissariat pour reprendre leurs enfants ne se déplacent pas. Ils envoient fréquemment un grand frère ou une grande soeur, voire personne. Les fonctionnaires de police sont obligés de ramener le mineur à son domicile dans le car Police-Secours, ce qui n'est pas toujours la meilleure formule.
La délinquance des mineurs est essentiellement celle des réitérants, d'où des conséquences pour l'ensemble du quartier, des cités dans lesquelles ils vivent.
Je reprends l'expression de mon collègue : nous sommes un peu tenus à une obligation de résultat. Dans les réunions de quartiers on nous dit « vous connaissez les auteurs, mais vous ne les interpellez pas ».
Il est très difficile d'expliquer notre attitude. Dans la plupart des cas les mineurs ressortent très rapidement, d'où un problème non pas d'action de la justice, mais de lisibilité de son action. Elle n'existe pas dans les cités. Pour la majeure partie des gens c'est le mandat d'écrou.
Il est hors de question de mettre tous les mineurs interpellés en prison. La lisibilité de la décision de justice n'existe pas dans les cités, parce qu'elle est relayée par le sentiment d'insécurité. Des halls sont squattés, des boîtes aux lettres sont dégradées.
La simple présence de groupes de jeunes le soir quand les adultes reviennent du travail, entraîne des insultes, il y a des crachats, des canettes de bière, éventuellement des dégradations. Tous ces comportements sont pénalement peu ou pas répréhensibles du tout.
L'action de la police et de la justice est complètement ignorée. Le sentiment d'insécurité est renforcé de ce fait.
En Seine-Saint-Denis nous sommes un peu en avance. Deux institutions ont été particulièrement sensibilisées au problème des mineurs, en dehors de la police : l'Éducation Nationale et la Justice.
Le partenariat engagé avec l'Éducation Nationale en 1993 est à double tranchant. D'après les chiffres, il y a une explosion de la délinquance des mineurs dans les établissements scolaires. En 1993 aucune affaire de racket n'était signalée en Seine-Saint-Denis, en 1995 il y en a eu 40.
Pourquoi ? Parce que le département, par l'intermédiaire de l'Inspecteur d'Académie, du procureur de la République et du directeur de la sécurité publique, a mis en place un partenariat avec pour objectif le signalement systématique de tout incident en milieu scolaire.
Parallèlement, quand l'action de la police est rapide, celle du Parquet l'est aussi.
Il est difficile évidemment de juger de l'efficacité d'un tel système avec les chiffres bruts, mais alors qu'il y a quelques mois de nombreux établissements scolaires hors Seine-Saint-Denis avaient de très gros problèmes de délinquance, notre département, à l'exception de l'établissement scolaire de Sevran, n'a pas connu de débordements manifestes de jeunes.
Un autre élément est la constitution de bandes. Je relativise fortement l'aspect médiatique donné au problème de stupéfiants.
Les bandes qu'on prend plaisir à filmer sur certaines chaînes sont plutôt des rassemblements ponctuels d'individus, sans obligatoirement un noyau dur. Ils existent suite à une interpellation, à un incident dans un établissement scolaire ou un commerce. La bande se forme par des regroupements dans les halls d'immeubles, les centres commerciaux.
Je ne peux qu'approuver le projet de loi puisqu'on pratique déjà en grande partie ce qu'il propose. Ce qui est important, c'est la rapidité d'action, non pas de la décision de mandat d'écrou ou de la justice, mais du signalement des incidents dans les établissements scolaires ou dans les cités, grâce au partenariat avec les bailleurs, les gardiens d'immeuble, les médecins. Il faut les signaler très vite avant que des dégradations plus importantes n'aient lieu entraînant de véritables phénomènes d'émeutes et de bandes.
Dans la Seine-Saint-Denis les mesures ont été correctement mises en place, c'est pourquoi je partage tout à fait le sentiment de mon collègue sur le projet de loi.
M. Claude LANVERS .- Je suis sous-préfet chargé de la politique de la ville dans le département du Rhône depuis deux ans, auparavant je m'occupais du même sujet au niveau de l'État.
Je travaille dans l'agglomération lyonnaise. Je rappelle quelques éléments précis d'abord.
Les grandes agglomérations urbaines sont assez criminogènes, en particulier dans certains quartiers. Même s'il y a une baisse significative de 1994 à 1995, il y a la délinquance constatée et l'incivilité au quotidien, et beaucoup de gens ne vont plus porter plainte. La peur parfois s'installe chez les habitants de ces quartiers.
Une trentaine de quartiers sont très difficiles dans le département du Rhône, dont deux assez symboliques ou emblématiques, les Minguettes à Vénissieux, et Vaulx-en-Velin. Des évènements sporadiques faisaient dire à des membres de la Direction de la Police Nationale que dans l'agglomération lyonnaise existait la palette de tous les types de délinquance, comme les rodéos, exportés malheureusement dans d'autres cités.
La part de mineurs mis en cause dans les faits est en augmentation assez significative ces dernières années. Il y a une diminution du passage à l'acte, et une augmentation ou un retard du passage à l'âge adulte ou à la socialisation. On peut commencer à 12 ou 13 ans des vols de voitures, mais on habite encore à 25 ou 30 ans chez ses parents, sans emploi. C'est comme si l'âge de l'adolescence s'élargissait à la fois vers le bas et le haut.
J'ajoute aussi une forte pression des mouvements intégristes, qu'il ne faut pas qualifier bien sûr de délinquants. Ils sont plus politiques que cultuels, notamment dans le département du Rhône. À l'automne dernier, nous avons pu mesurer son poids sur les jeunes, et ses liens avec la délinquance.
S'agissant des violences scolaires, nous n'avons pas énormément de faits de racket : 11 cas signalés l'an dernier, mais il reste à les faire émerger. Ils sont sans doute plus nombreux. La violence scolaire se concentre essentiellement sur la dégradation ou des vols commis à l'encontre des enseignants, des élèves ou de l'établissement lui-même.
C'est un panorama général que vous connaissez bien, avec des causes déjà décrites. Tout a été dit et écrit sur la sociologie de ces cités, les ruptures familiales, le marché de l'emploi et les discriminations ethniques. À qualification égale, aujourd'hui, il est plus difficile pour un jeune d'origine immigrée de trouver un emploi ; le parcours est plus dur.
Lorsqu'on a un bac + 2 et qu'on ne trouve pas d'emploi après le centième CV envoyé, l'exemple pour les petits frères et petites soeurs est tout à fait dévastateur.
Il y a également une inadaptation des réponses institutionnelles.
Les institutions présentes, par exemple la prévention spécialisée avec les éducateurs de rue, manquent d'outils et de réponses, et n'ont pas évolué en termes quantitatifs à la mesure des problèmes posés. À Bron, dans une commune de la périphérie lyonnaise, il y a trois éducateurs de prévention aujourd'hui, il y en avait trois il y a vingt ans aussi.
Le rôle des travailleurs sociaux est important. Ils ont une énergie considérable, mais il y a un glissement de l'action sociale, de l'aide à la dynamique sociale vers l'aide sociale, de plus en plus important, parce qu'il y a beaucoup de précarité, de papiers à remplir, pour caricaturer, et moins de disponibilité pour le travail social au quotidien.
II faut souligner aussi l'encombrement des tribunaux pour enfants.
La souffrance psychologique est abordée de manière extrêmement insatisfaisante. Les travailleurs sociaux disent que les jeunes ont de grands problèmes psychologiques voire psychiatriques, qu'il faudrait que les institutions de santé se mobilisent. Les psychiatres disent qu'ils ne peuvent pas traiter ces problèmes parce qu'ils sont sociaux. Donc le renvoi de la balle ne facilite pas le traitement.
Les commissaires ont parlé de l'îlotage policier. Nous avons sur ce point également quelques faiblesses dans l'agglomération lyonnaise.
Je citerai aussi le fort sentiment d'impunité. Une dame retraitée à Rillieux a eu un bras cassé à la suite d'une agression. Le jeune est revenu le lendemain dans le quartier. Quel sentiment peuvent éprouver les habitants en le voyant ?
Vous avez parlé aussi de « caïdat », il faut utiliser ce mot avec beaucoup de précaution.
Le passage en prison pendant un ou deux mois pour un jeune l'auréole parfois plus qu'il ne le dissuade. En disant cela je ne propose pas de solutions, mais je constate que cela existe sur le terrain.
On a tendance à se laisser aller à ces constatations misérabilistes ou difficiles, qui occultent le travail effectué, et l'ampleur des actions menées dans ces quartiers.
Ma mission de sous-préfet à la politique de la ville est de travailler autour de la question que vous posez aujourd'hui, à la fois en amont, dans la prévention, et en aval, parce qu'il y a une paix sociale à maintenir et il faut prévenir la récidive.
Je voudrais porter à votre connaissance quelques actions qui me paraissent significatives dans le cadre de cette politique de la ville à l'encontre des mineurs que nous avons engagés dans le département du Rhône.
D'abord la question de l'emploi et de l'insertion est essentielle. S'il n'y avait pas des millions de chômeurs, on aurait moins de difficultés.
La perspective des emplois ville donne des espoirs intéressants. On a d'ailleurs commencé un peu avant la lettre.
Je voudrais citer le cas de médiateurs employés dans les bus de l'agglomération lyonnaise et le métro. La délinquance sur ces lignes a baissé de 20 à 30 % l'année dernière. On constate au quotidien l'effort accompli à destination des jeunes sur ces lignes.
Je voudrais aussi citer des dispositifs expérimentaux que nous essayons de mettre en place, adaptés à ces publics les plus difficiles. Certains parlent de noyaux durs, de familles lourdes, tous les qualificatifs sont employés.
Très pragmatiquement on a essayé de construire dans trois secteurs, fin 1995, des parcours de resocialisation qui permettent de suivre les jeunes pendant six mois sans interruption. Au début ils ne sont pas employables, ils n'ont pas d'horaires, il faut moduler avec eux des parcours qui peuvent passer par une semaine de distribution de vivres, par exemple aux Restaurants du Coeur, ou des travaux de chantiers d'utilité sociale, un stage culturel, en espérant qu'au bout de six mois les situations puissent s'inverser.
J'ai indiqué l'importance des questions de santé du champ psychiatrique. Nous engageons des conventions avec le secteur pédopsychiatrique, en particulier avec un grand hôpital spécialisé de Lyon, mais aussi avec tous les lieux d'accueil que l'on peut développer pour la prévention de la toxicomanie ou l'accueil des toxicomanes, -il y a 3 à 4.000 héroïnomanes dans l'agglomération lyonnaise- ou des actions menées avec différentes écoles dans le domaine de la santé.
Est importante aussi la présence d'accueillants des missions locales dans les établissements pénitentiaires, permettant, dans le cadre de la prévention de la récidive des mineurs, de trouver des solutions dès leur sortie, car si l'on n'y prend garde ils peuvent être rapidement reconduits dans leur milieu d'origine.
Il y a aussi quatre maisons de justice dans les quartiers de l'agglomération lyonnaise. Elles ont entrepris l'an dernier par exemple plus de 600 dossiers de médiation réparation, avec une présence des substituts chargés des mineurs, et fonctionnant, semble-t-il, à la satisfaction de tous.
À Vaulx-en-Velin, la réparation physique et monétaire apportée aux victimes l'an dernier était de l'ordre de 300.000 F. Elle aurait été bien inférieure selon la procédure classique.
Enfin, la médiation a permis de réaliser un travail sur les transports scolaires.
L'autre jour, à Vaulx-en-Velin étaient réunies 500 femmes de l'agglomération lyonnaise qui sont dans des associations. C'est par elles que peut passer le lien social. Elles ont posé des questions sur les champs de la délinquance et de la toxicomanie.
Le seul fait qu'elles se réunissent et en parlent nous encourage beaucoup, parce que c'est une prise de conscience.
Je ne réponds pas vraiment à votre question, Monsieur le Président : le texte convient-il ?
Je pense qu'il est un outil supplémentaire dans un dispositif. C'est sur l'ensemble qu'il faut agir pour voir concrètement l'inversion de la pente sur laquelle nous sommes actuellement.
M. le Président.- Je me permettrai de vous reprendre car vous avez répondu parfaitement. Vous nous apportez en effet par votre expérience, comme vous, Messieurs les commissaires, une vue très concrète à partir de laquelle il nous appartiendra d'apporter les réponses nécessaires.
Compte tenu de l'heure, je vous propose d'entendre dès à présent Mme Pierrelee et M. Garden, et nous poserons peut-être quelques questions à la fin.