II. POLITIQUE AGRICOLE ET PÊCHE
Proposition E 617
Com (96) 111 final
(Procédure écrite du 10 mai 1996)
Ce texte tend à renouveler le protocole annexé
à l'accord de pêche conclu en 1983 entre la Communauté
européenne et la Guinée, qui est arrivé à
échéance le 31 décembre 1995. Le nouveau protocole,
paraphé le 6 décembre 1995, fixe les conditions dans
lesquelles les navires communautaires pourront exercer des activités de
pêche dans les eaux de la Guinée, pour les années 1996 et
1997.
La flotte française bénéficiera, en particulier, des
possibilités de pêche ouvertes dans les eaux guinéennes,
ainsi que les navires espagnols, portugais et grecs.
En contrepartie, la Communauté versera à la Guinée une
compensation financière évaluée à
2,45 millions d'écus. Ce montant est jugé très
inférieur à la valeur réelle des prises qui seront
effectuées dans les eaux guinéennes.
Par ailleurs, il est prévu que les navires communautaires auront
l'obligation d'embarquer des marins guinéens dans leur équipage.
Enfin, la Communauté participera au financement de programmes
destinés à améliorer les connaissances halieutiques de la
zone guinéenne, ainsi que de programmes de formation de ressortissants
guinéens aux diverses disciplines liées à la pêche.
Ce texte ne soulève pas de difficulté et son adoption rapide
devrait satisfaire les pêcheurs français, pour lesquels il
représente un intérêt réel.
La délégation a donc décidé de ne pas intervenir
sur la proposition E 617.
Proposition E 625
Com (96) 131 final
(Procédure écrite du 28 mai 1996, Réunion de la
délégation du 28 mai 1996)
Présentation du texte par procédure
écrite :
Ce texte vise à renouveler le protocole annexé à l'accord
de pêche conclu en 1987 entre la Communauté européenne et
la République des Seychelles, qui est arrivé à
échéance le 17 janvier 1996. Le nouveau protocole,
paraphé le 18 janvier dernier, fixe les conditions dans lesquelles
les navires communautaires pourront exercer des activités de pêche
dans les eaux des Seychelles, pour la période allant du 18 janvier
1996 au 17 janvier 1999.
Les possibilités de pêche ouvertes dans les eaux des Seychelles
sont réservées aux flottes française et espagnole; les
autres Etats membres ne pourront en bénéficier qu'à la
condition que la France et l'Espagne n'épuisent pas ces
possibilités de pêche.
En contrepartie, la Communauté s'engage à :
- verser aux Seychelles une compensation financière fixée
à 6,9 millions d'écus ;
- participer, pour un montant de 2,7 millions d'écus, au
financement de programmes scientifiques seychellois destinés à
améliorer les connaissances halieutiques de cette partie de
l'océan indien ;
- financer, à hauteur de 300.000 écus, des programmes de
formation de ressortissants seychellois aux diverses disciplines liées
à la pêche.
La participation financière globale de la Communauté
s'élève donc à 9,9 millions d'écus. Ce montant
est jugé très inférieur à la valeur des captures
qui devraient être effectuées dans les eaux des Seychelles.
Ce texte présente un intérêt réel pour les
pêcheurs français et son adoption rapide devrait les satisfaire.
Intervention, en réunion de délégation, de
M. Pierre Lagourgue :
Nous avons été saisis par procédure écrite de la
proposition d'acte communautaire E 625 qui concerne la pêche
communautaire au large des Seychelles. Nous avions jusqu'au mardi 28 mai,
c'est-à-dire aujourd'hui, pour faire connaître nos observations.
J'ai fait savoir au Président de la délégation que
plusieurs aspects de ce texte me semblaient contraires aux
intérêts de la pêche réunionnaise. Il me paraissait
donc souhaitable que la réserve d'examen parlementaire s'applique, pour
que la Délégation puisse intervenir.
Sur ces entrefaites, j'ai appris que le Gouvernement demandait à la
Délégation de se prononcer en urgence car le Conseil des
ministres de l'Union européenne devait examiner ce texte dès sa
réunion du 28 mai. Cette proposition devait être
adoptée en point A, c'est-à-dire sans débat ; dans ce cas,
il faut l'unanimité des Etats membres. Donc, il suffisait d'invoquer la
réserve parlementaire pour que ce texte ne puisse être
adopté.
Ce texte pose pour la Réunion deux principaux problèmes :
- tout d'abord, le nombre des bateaux prévus pour la pêche
à la palangre est très limité pour la France : cinq
bateaux, alors que l'Espagne en a obtenu dix. Il est anormal que la France,
c'est-à-dire localement le département de la Réunion,
dispose de deux fois moins de possibilités de pêche que l'Espagne,
pays fort éloigné des Seychelles, alors que la France est
reconnue comme une puissance locale et participe, par l'intermédiaire de
la Réunion, à la Commission de l'Océan indien. Le nombre
retenu pour les palangriers empêchera tout développement de la
pêche réunionnaise, qui dispose déjà de plus de
palangriers que n'en permet l'accord. La mise en service de nouveaux bateaux,
qui était envisagée à délai rapproché, s'en
trouvera compromise, alors que la pêche est une des activités qui
peuvent concourir au développement de la Réunion,
département qui compte 38 % de chômeurs.
- ensuite, l'accord prévoit l'obligation pour les navires de se
présenter au port de Victoria, aux Seychelles, pour faire constater les
captures. Or, les pêcheurs réunionnais vendent pratiquement toute
leur production à des cargos japonais, et la marchandise est directement
débarquée dans ces cargos en haute mer. Cette règle
pourrait donc entraîner une gêne considérable pour les
pêcheurs réunionnais.
Toutefois, j'ai finalement renoncé à déposer une
proposition de résolution, ayant constaté que, sur la question du
nombre maximum de palangriers pour la France, il était trop tard pour
espérer obtenir une amélioration pour cet accord concernant la
période du 18 janvier 1996 au 17 janvier 1999. Cette situation fait
ressortir les limites du contrôle exercé par le Parlement,
celui-ci n'étant saisi des projets d'accord que lorsque les
négociations sont terminées.
Par ailleurs, des assurances ont été fournies à la
délégation au sujet du transbordement en mer, le ministre
s'étant engagé à entreprendre des démarches dans le
cadre de la commission de suivi de l'accord, et, le cas échéant,
sur le plan bilatéral, pour essayer d'obtenir que les bateaux
réunionnais puissent être dispensés de l'obligation de
faire constater leurs captures.
Dans ces conditions, je n'ai pas souhaité mettre le Gouvernement dans
une situation difficile en l'obligeant à retarder l'adoption d'un texte
qui doit très rapidement entrer en vigueur. Je regrette cependant que
les intérêts spécifiques de la pêche
réunionnaise n'aient pas été davantage pris en compte dans
cet accord.
La délégation a alors décidé de ne pas
intervenir sur la proposition d'acte communautaire E 625.
Proposition E 627
Com (96) 591 final
(Réunion en commun des délégations de
l'Assemblée nationale
et du Sénat du 4 juin 1996)
Présentation du texte par M. Robert
Pandraud :
La proposition d'acte communautaire E 627 concerne la signature de
l'accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des
Nations-Unies sur le droit de la mer relatives à la conservation et
à la gestion des stocks de poissons chevauchants et les stocks de
poissons grands migrateurs.
L'objet de ce texte est de définir les conditions de gestion et de
conservation de certaines espèces halieutiques, (les stocks de poissons
chevauchants et de grands migrateurs), évoluant de part et d'autre de la
limite des 200 milles qui correspond aux zones économiques exclusives
(ZEE) sur lesquelles s'exerce la juridiction des Etats côtiers. Cet
accord apparaît nécessaire à un double titre : ce type de
stocks de poissons a alimenté régulièrement les conflits
entre Etats côtiers et Etats pêcheurs, les oppositions apparues
entre le Canada et l'Union européenne à propos de la pêche
au flétan noir en constituant un exemple récent. Par ailleurs, la
Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer ne réglemente pas de
façon précise la gestion des stocks, se limitant à poser
le principe de coopération qui doit s'instaurer entre les Etats
exploitant ces stocks en haute mer et les Etats côtiers, sans davantage
approfondir les conditions de cette coopération.
Deux préoccupations ont présidé à
l'élaboration de ce projet d'accord :
- assurer une conservation et une gestion des ressources halieutiques de
façon efficace. En cela, cet accord s'inscrit dans la ligne des
recommandations formulées par la Conférence de Rio sur
l'environnement et le développement durable, en 1992 ;
- préserver le principe de la liberté de la haute mer et son
corollaire, le principe de la compétence exclusive de l'Etat battant
pavillon, contre la volonté des Etats côtiers d'accentuer leur
contrôle au-delà de leur zone économique exclusive.
Il convient d'ajouter que, résultat de plusieurs sessions de
négociations, le projet d'accord prévoit un renforcement de la
coopération internationale pour la gestion des stocks de poissons
chevauchants et migrateurs, ainsi que la mise en oeuvre de mesures de
contrôle, afin d'assurer le respect de cette réglementation. Le
texte met tout d'abord l'accent sur la coopération internationale en
matière de gestion des ressources halieutiques visées et
rappelle, à cette fin, les dispositions pertinentes de la Convention sur
le droit de la mer du 10 décembre 1982, au respect desquelles sont
tenus les Etats. Les parties se trouvent notamment obligées de s'assurer
que les mesures de conservation et de gestion prises pour la haute mer et pour
les zones relevant de la juridiction nationale soient compatibles. Dans ce
cadre, la notion " d'unité biologique des stocks " a
été retenue utilement : elle permet de contrer les
prétentions des pays côtiers à limiter
l'applicabilité des dispositions de cet accord exclusivement à la
haute mer et exige une gestion des ressources cohérente tant à
l'intérieur qu'à l'extérieur de la ZEE sur la base de
droits égaux entre tous les Etats concernés. L'accord
précise également les mécanismes de coopération et
notamment le rôle des organisations régionales de pêche qui
sont ouvertes aux Etats tiers ayant un intérêt réel dans
les zones de pêche concernées, ce qui constitue une garantie
permettant d'éviter la prise de mesures unilatérales sur
l'accès à la ressource et le contrôle des navires en haute
mer. Il pose, par ailleurs, des règles de contrôle visant à
s'assurer du respect de la réglementation. Cette question est devenue
centrale et a constitué le point d'achoppement entre les Etats
côtiers et les Etats pêcheurs. La partie VI de l'accord permet
à une partie de prendre le contrôle d'un navire battant pavillon
d'une autre partie dans les conditions suivantes : l'accord autorise, dans le
cadre régional, l'inspection des navires battant pavillon d'un Etat
membre de l'organisation régionale, par les Etats parties de cette
même organisation. En cas d'infraction simple, l'Etat d'inspection doit
obtenir l'accord formel de l'Etat du pavillon avant de prendre une action
contre le navire. En cas d'infraction grave, l'Etat d'inspection peut prendre
le contrôle du navire en cas de non-réponse de l'Etat du pavillon
dans un délai de trois jours ou lorsque cet Etat n'a pas mené
immédiatement une enquête approfondie à l'issue de laquelle
il fait un rapport sans retard à l'Etat d'inspection. De plus, l'Etat
d'inspection peut avoir recours à l'usage de la force pour assurer
l'inspection et le déroutement.
Ces derniers aspects suscitent des inquiétudes. L'accord comporte certes
des garanties au respect du droit des Etats du pavillon : les infractions
graves donnant une large compétence à l'Etat d'inspection sont
limitativement énumérées, ces inspections n'interviennent
que dans le cadre d'organisations régionales, et des dispositions sont
prévues sur la responsabilité en matière de
dommages ; mais ces garanties apparaissent bien faibles au regard des
inconvénients que comporte ce dispositif : tout d'abord, il porte
atteinte au principe de l'exclusivité de la juridiction de l'Etat du
pavillon, qui ne connaît que de rares dérogations liées
notamment à la répression de la piraterie. Par ailleurs, les
conditions permettant à l'Etat du pavillon de s'opposer à
l'inspection lorsque celle-ci concerne une infraction grave, sont difficiles
à mettre en oeuvre et sujettes à interprétation. Enfin, le
recours à l'usage de la force apparaît particulièrement
discutable : celui-ci doit demeurer exceptionnel en haute mer, et n'est,
à ce jour, prévu que pour la répression du trafic illicite
de stupéfiants et de substances psychotropes.
M. Jacques Genton
a souligné que les travaux du Conseil avaient
permis de progresser vers un équilibre plus satisfaisant, la
Présidence en exercice tentant d'obtenir un compromis autour des points
suivants : la Communauté signerait l'accord afin de ne pas se
trouver isolée dans ce domaine ; cette signature serait
accompagnée d'une déclaration interprétative de la
Commission sur les points soulevant les plus grandes difficultés (usage
de la force, juridiction sur les navires) ; la signature serait
complétée, sur le plan interne à la Communauté, par
l'adoption d'une déclaration sur le partage des compétences entre
la Communauté et les Etats membres.
M. Robert Pandraud
, appuyé par
M. Jacques Genton
, s'est
étonné que le Conseil d'Etat, après un premier avis
positif, ait finalement estimé que ce texte ne relevait pas de l'article
88-4 de la Constitution, au motif qu'il s'agissait de la signature et non de la
ratification de l'accord en cause. Il a souhaité que le Gouvernement
maintienne cette proposition parmi celles soumises aux Assemblées dans
le cadre de l'article 88-4 de la Constitution. Sur le fond, il a estimé
que, compte tenu de l'évolution des négociations, ce texte
n'appelait pas un examen plus approfondi.
Les délégations ont alors décidé de ne pas
intervenir sur la proposition d'acte communautaire E 627.