b) Unifier le plus largement les règles applicables en ménageant la souplesse nécessaire à l'évolution progressive des formes d'intercommunalité
1.- L'unification des règles : vers un " tronc commun "
L'extrême complexité du régime actuel de
la coopération intercommunale résulte d'une superposition de
régimes dont les différences n'obéissent pas toujours
à des considérations objectives.
Une
unification
des règles applicables pourrait être
obtenue par le rapprochement de certaines catégories, notamment les
districts et les communautés de communes.
Néanmoins, souhaitant approfondir et, en définitive, rendre plus
ambitieuse la démarche proposée par le pré-rapport du
Gouvernement, le groupe de travail a considéré que l'unification
juridique pourrait être
systématisée
par la
définition d'un corpus de règles qui formeraient le
"
tronc commun
" du régime applicable à tous les
établissements publics de coopération intercommunale. Ce tronc
commun serait complété par des règles spécifiques
à chaque catégorie et par différentes options que les
élus pourraient, le cas échéant, utiliser.
M. Charles Jolibois a souligné tout l'intérêt d'une telle
architecture pour remédier à l'extrême complexité du
régime actuel de la coopération intercommunale.
Cette solution approfondirait la démarche déjà
engagée lors de l'élaboration du
code général
des collectivités territoriales
qui a contribué - sur
le rapport au Sénat de notre collègue Michel Rufin- à une
remise en ordre des textes désormais regroupés dans la
cinquième partie de ce code.
C'est ainsi que le
titre premier
(
Etablissements publics de
coopération intercommunale
) du
livre II
(
La
coopération intercommunale
) de
la cinquième partie
(
La coopération locale
) comprend un
chapitre premier
qui
traite des
dispositions communes
aux différentes
catégories : organisation et fonctionnement
(
section 1
), commission départementale de la
coopération intercommunale (
section 2
), information et
participation des habitants (
section 3
), dispositions
financières (
section 4
).
Elle devrait néanmoins prendre en compte la spécificité du
régime des communautés urbaines qui rend plus difficilement
envisageable une fusion des règles. Sous cette réserve, la fusion
pourrait être totale dans le cadre de deux régimes fiscaux
distincts : un régime de fiscalité additionnelle et un
régime de taxe professionnelle unique.
Dans ces conditions, le nouveau régime de la coopération
intercommunale pourrait être distingué entre une logique syndicale
et une logique de projet elle-même organisée dans le cadre de deux
régimes fiscaux.
2.- Concilier la règle fondamentale du volontariat avec le nécessaire développement de la coopération intercommunale
Le volontariat doit rester la
règle fondamentale
de la coopération intercommunale. Elle est d'ailleurs la condition
même pour que celle-ci puisse continuer à se développer.
M. Paul Girod a ainsi relevé que des formules contraignantes
imposées par l'administration ne sont pas le meilleur moyen d'encourager
la coopération intercommunale.
Le Sénat a démontré son attachement à cette
règle à l'occasion de l'adoption de différents textes
législatifs, notamment la loi d'orientation du
6 février 1992 relative à l'administration territoriale
de la République, la loi du 31 décembre 1993 portant
réforme de la dotation globale de fonctionnement et la loi d'orientation
du 4 février 1995 pour l'aménagement et le
développement du territoire.
L'article L. 5210-1
du code général des
collectivités territoriales, qui est issu de la loi du 6 février
1992, précise explicitement que "
le progrès de la
coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des
communes d'élaborer des projets communs de développement au sein
de périmètres de solidarité
".
Néanmoins, l'application de ce principe doit se concilier avec celle de
la majorité qualifiée -introduite en 1959 pour les districts,
toujours confirmée par la suite, notamment pour la création en
1992 des communautés de communes et de villes- afin d'éviter
qu'une réelle volonté de coopération ne soit
entravée par une ou plusieurs communes, en particulier celles les mieux
dotées en taxe professionnelle.
Affirmant son atttachement au principe du volontariat, M. Robert Pagès,
s'est pour sa part inquiété des conditions d'application des
règles de majorité qualifiée.
3.- Faciliter l'évolution progressive des compétences et des structures selon les besoins constatés par les élus eux-mêmes
L'idée d'une évolution progressive des
compétences selon les besoins constatés par les responsables des
établissements publics de coopération intercommunale a
été expressément mise en avant par la loi d'orientation du
4 février 1995 (
article 78
), sur la proposition du
Sénat et de son rapporteur M. Jean-Marie Girault. Elle doit, en
premier lieu, se concrétiser
à l'intérieur
d'une
même structure avant, le cas échéant, de justifier un
changement
de structure.
· A l'intérieur d'une même structure, une
évolution progressive des compétences serait facilitée par
une
définition des compétences obligatoires
qui ne soit
pas
rigide
. De ce point de vue, s'il peut apparaître logique de
privilégier le régime juridique de la structure la plus
récente, l'alignement des compétences des districts sur celles
des communautés de communes pourrait néanmoins supprimer un
élément de souplesse qui caractérise la formule du
district.
En outre, cette progressivité pourrait être recherchée dans
les procédures de
modification des conditions initiales
de
fonctionnement. La proposition de distinguer les procédures selon
l'importance des modifications envisagées paraît aller dans ce
sens.
· En second lieu, l'évolution progressive de la
coopération intercommunale peut justifier un changement de structure
voulu par les élus eux-mêmes et qu'il convient, en
conséquence, de
faciliter
.
La généralisation de la disposition prévue (
article L.
5215-21
du code général des collectivités
territoriales) pour la transformation d'un district en communauté
urbaine (substitution de plein droit si le périmètre est
élargi à de nouvelles communes sous réserve d'une
augmentation maximale de 10 % de la population DGF) pourrait
répondre à cet objectif en assurant la
continuité
budgétaire et fiscale
entre les établissements.
Néanmoins, cette évolution des structures ne doit pas aboutir
à une
superposition
, réalité mal ressentie par les
élus et par les citoyens. Le pré-rapport du Gouvernement
explorait différentes pistes (création de plein droit d'un
syndicat mixte, procédure de retrait de plein droit) mais soulignait
l'absence de solution aisée pour régler ce problème.
M. André Bohl a notamment relevé l'extrême
complexité des délégations de compétences des
communes à des établissements publics de coopération
intercommunale. Il a donc jugé nécessaire de faciliter le retrait
des communes des structures existantes lors de la mise en place de nouvelles
structures.
L'évolution des formes de coopération intercommunale doit
nécessairement reposer sur
l'initiative des élus
qui ne
doivent pas se sentir, notamment en milieu rural,
"
enfermés
" dans une forme de coopération.
A cet égard, la définition claire par le législateur des
procédures de retrait
des établissements publics de
coopération intercommunale (actuellement prévues pour les
syndicats et les communautés de communes) permettrait de lever certaines
réticences en assurant le libre choix des communes.
Les procédures de retrait devraient néanmoins être
plus
encadrées
pour les groupements très intégrés au
plan des compétences et au plan fiscal. Une procédure de retrait
facilitée devrait, semble-t-il, avoir pour corollaire une certaine
pénalisation financière de la commune qui se retire, de
manière à préserver les intérêts des communes
qui ont choisi de poursuivre leur coopération.
Enfin, la question des compétences pose -comme l'a notamment
souligné M. Lucien Lanier- des problèmes qui dépassent le
cadre de la coopération intercommunale et qui devront être
examinés.
4.- Ne pas bouleverser les règles de désignation des délégués intercommunaux
L'élection au suffrage universel direct des
délégués intercommunaux pourrait résulter de
l'adaptation aux établissements publics de coopération
intercommunale des dispositions de la loi du 31 décembre 1982
relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon,
désormais codifiées dans le code général des
collectivités territoriales
Le législateur a souhaité que le rapport prévu par
l'article 78
de la loi du 4 février 1995 examine cette
éventualité pour les groupements à fiscalité
propre. Jugeant préférable de faire examiner le contenu et la
portée d'une telle réforme, compte tenu de ses
conséquences possibles sur l'organisation territoriale, le Sénat,
avait, en effet, amendé le projet de loi qui, pour sa part, renvoyait
à une loi ultérieure le soin d'opérer cette adaptation.
L'élection directe des délégués intercommunaux
modifierait profondément la
nature
des établissements
publics de coopération intercommunale et leurs relations avec les
communes, structures de base de la démocratie locale. Les
établissement publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre seraient alors dotés de toutes les
caractéristiques d'une collectivité territoriale.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation, a également
relevé, à juste titre,
lors de son audition, qu'un tel
mode de désignation susciterait des
réticences
et aurait
pour effet de
freiner
le développement de la coopération
intercommunale.
L'élection au second degré peut, en outre -comme l'a
souligné M. Jean-Paul Delevoye- permettre aux établissements
de coopération de prendre plus facilement des décisions
nécessaires mais pas toujours populaires, par exemple pour le traitement
des ordures ménagères. Elle permet de favoriser une dynamique de
territoire fondée sur des projets. Le fait que les
délégués intercommunaux ne soient plus l'émanation
des conseils municipaux pourrait susciter des difficultés
insurmontables, en particulier des
oppositions
entre les communes et les
établissements publics de coopération intercommunale.
Cependant, le groupe de travail a considéré que les
délégués intercommunaux devraient être
désignés au sein des conseils municipaux et que le
développement de certaines pratiques de démocratie locale
dans ces établissements publics, notamment pour assurer la parfaite
information des conseillers municipaux des différentes communes, devrait
être affirmé.
M. Jean-Claude Peyronnet a ainsi souligné que les communes avaient
souvent le sentiment d'être impliquées par des décisions
des établissements publics de coopération intercommunale alors
même qu'elles n'avaient pas été consultées au
préalable.
M. Jean-Jacques Hyest, prenant l'exemple du traitement des ordures
ménagères a fait un constat comparable de même que MM.
Jean-Paul Delevoye et Jean-Marie Girault.
M. Guy Allouche
s'est demandé s'il était normal que des
élus qui ont été cooptés puissent lever
l'impôt. Il a, en outre, craint que la coopération intercommunale
ne produise des effets inverses à l'objet même de la
décentralisation qui doit être de rapprocher les citoyens du
processus de décision.
M. Jacques Mahéas a noté que des solutions étaient tout
à fait envisageables et déjà mises en oeuvre dans certains
cas pour accroître par exemple l'affichage des décisions des
établissements publics de coopération intercommunale.
M. Robert Pagès a, pour sa part, soulevé le problème de la
conciliation des structures intercommunales avec la participation des habitants
à la démocratie locale.
Le groupe de travail suggère que des procédures soient
envisagées afin d'assurer une meilleure information, d'une part, de
l'organe délibérant de l'établissement public, d'autre
part, des conseils municipaux et de la population. Cette information devrait
porter tant sur la
préparation
des décisions que sur leur
contenu,
une fois qu'elles ont été adoptées.
Néanmoins, conformément à la position adoptée par
le Sénat lors de l'examen de la loi du 6 février 1992, ce
souci de transparence ne devrait pas aboutir à une
codification
excessive des procédures
. Suivant les précisions
apportées par M. Dominique Perben, des mécanismes assurant
une plus grande transparence des établissements publics de
coopération intercommunale peuvent être directement prévus
par le règlement intérieur, lequel est négocié
entre les élus eux-mêmes.