d) La région : quelles missions spécifiques ?
Pour ce qui est de la région, collectivité
territoriale plus jeune, il s'agit de s'interroger sur sa mission
spécifique dans l'organisation territoriale.
Comme l'avaient déjà mis en évidence les réflexions
du groupe de travail de la commission des Lois sur le mode de scrutin
régional -présidé par M. Lucien Lanier et dont le
rapporteur était M. Paul Girod- la vocation de la région est de
s'orienter vers un rôle d'
impulsion
et de
coordination
en matière d'aménagement du territoire et de
développement économique.
Cette vocation régionale ressort bien des textes généraux
applicables aux régions.
La loi du 5 juillet 1972 qui, leur reconnaissant la
personnalité morale les a érigées en établissements
publics leur a ainsi confié des compétences étroitement
spécialisées dans le domaine économique et social.
Si les lois de décentralisation ont fait des régions des
collectivités territoriales et leur ont étendu la " clause
générale " de compétences -désormais
codifiée à l'
article L. 4111-1
du code
général des collectivités territoriales- elles ont
néanmoins confirmé la vocation particulière des
régions.
Ainsi, l'
article L. 4211-1
du code général des
collectivités territoriales -qui codifie l'article 4-1 de la loi du
5 juillet 1972- précise-t-il que "
la région a
pour mission, dans le respect des attributions des départements et des
communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces
collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement
économique, social et culturel de la région (...)
".
Plusieurs textes particuliers qui ont suivi la loi du 2 mars 1982
affirment cette mission spécifique, notamment la loi du
29 juillet 1982 portant réforme de la planification ou encore
la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports
intérieurs.
La structure des budgets régionaux et leur poids dans l'ensemble des
budgets locaux justifie, par ailleurs, que les actions régionales soient
bien ciblées en fonction de la mission spécifique des
régions telles qu'elle a été définie par le
législateur.
En 1993, les régions n'assumaient ainsi que 9 % des dépenses
des collectivités locales (contre 30% pour les départements et
61 % pour les communes). En outre, sur un budget total de
62,9 milliards de francs, les dépenses réelles de
fonctionnement s'élevaient à 22 milliards de francs contre
40,5 milliards de francs pour les dépenses réelles
d'investissement.
Comme l'a relevé M. René Garrec au nom de l'Association des
présidents de conseils régionaux, la région a pour
vocation de réaliser des investissements et non pas de prendre en charge
des dépenses de gestion au risque de perdre sa vocation
spécifique dans l'organisation territoriale.
La mission sénatoriale sur l'aménagement du territoire,
présidée par M. Jean François-Poncet, avait entendu
privilégier ce rôle d'impulsion des régions pour
l'aménagement du territoire et la réalisation des
équipements structurants.
A la suite de ces travaux, la loi d'orientation du
4 février 1995 a réaffirmé cette mission en
prévoyant l'élaboration d'un schéma régional
d'aménagement et de développement du territoire et la
création, dans chaque région, d'une conférence
régionale, lieu de concertation entre les différents partenaires.
Cette mission doit néanmoins s'exercer en concertation avec les autres
collectivités locales comme le spécifient expressément
l'
article L. 4111-1
du code général des
collectivités territoriales et l'article 34 de la loi du
7 janvier 1983 -dans sa rédaction issue de la loi
d'orientation du 4 février 1995- pour ce qui est de
l'élaboration d'un schéma régional d'aménagement et
de développement du territoire.
M. Jean-Paul Delevoye a ainsi fait observer que lorsque la notion de pays
était mise en oeuvre à partir de contrats régionaux de
développement, il existait un risque réel de contradiction entre
les initiatives départementales et régionales.
M. Paul Girod s'est pour sa part inquiété des relations entre les
régions et les établissements publics intercommunaux sans que les
départements y soient associés.
En réponse, M. René Garrec, après avoir
écarté toute idée de tutelle de la région, a fait
observer qu'il n'était pas souhaitable qu'une collectivité
cherche à agir sans prendre en compte les initiatives des autres niveaux
de collectivités.
L'affirmation de la vocation spécifique des régions peut passer
par certaines précisions dans la définition de leurs
compétences.
Le législateur a ainsi entendu leur confier dans la période
récente de nouvelles compétences en matière touristique
par l'élaboration d'un schéma régional (loi du
23 décembre 1992), en matière de formation
professionnelle (loi du 20 décembre 1993) ou encore en
matière de traitement des déchets industriels pour lequel la
région peut demander le transfert de la compétence correspondante
(loi du 2 février 1995). En outre, la régionalisation
des réseaux ferroviaires d'intérêt local constitue l'un des
enjeux de la réforme de la SNCF.
Néanmoins, les conséquences de nouveaux transferts sur
l'équilibre des budgets régionaux ne doivent pas être
sous-estimées.
M. René Garrec a ainsi indiqué au groupe de travail que les
formations préqualifiantes des jeunes devraient entraîner un
coût supplémentaire pour les régions de plus de
3 milliards de francs.
S'agissant des transports collectifs d'intérêt régional, il
a estimé le côut supplémentaire d'une
décentralisation de ces transports à 5 milliards de francs.
Précisant que
six
régions menaient des
expérimentations -conformément à l'article 67 de la
loi d'orientation du 4 février 1995- M. René
Garrec a craint que les coûts pour ces régions soient
élevés. Il a néanmoins estimé que le bilan de ces
expérimentations était plutôt positif.
M. René Garrec
a par ailleurs évoqué plusieurs
domaines dans lesquels les compétences régionales pourraient
être précisées ou complétées, notamment la
culture, l'environnement, la formation professionnelle, les universités,
l'action économique ou encore la voirie.
Il a néanmoins subordonné de nouveaux transferts à
certaines conditions tenant notamment à un état des lieux
préalable et à une compensation financière
intégrale.