4. L'adaptation des moyens financiers et humains
a) Approfondir la réflexion sur l'évolution du système de financement local
Si le groupe de travail a fait porter ses réflexions
sur les aspects institutionnels de la décentralisation, la question des
finances locales n'a pas pour autant pu rester en-dehors de ses
préoccupations, tant elle paraît étroitement liée
à celle des institutions. Le groupe de travail exprime ainsi le souhait
que la réflexion sur l'évolution du système de financement
local soit approfondie.
En premier lieu, le grand débat sur l'aménagement du territoire a
ouvert des pistes de réflexions -notamment à la suite des travaux
de la mission sénatoriale d'information- qui ont été
formalisées par la suite dans la loi d'orientation du
4 février 1995.
Plusieurs études, demandées au Gouvernement en vertu de la loi
d'orientation, devraient ainsi apporter des éléments
d'informations concrets en vue d'une réforme du système de
financement local.
On rappelera que ces études doivent en particulier porter sur la
péréquation financière
pour laquelle le
législateur a notamment prévu une mesure de la situation actuelle
et des écarts à corriger, la détermination d'un indice
synthétique permettant de mesurer les ressources et les charges des
collectivités territoriales et de leurs groupements, une étude
sur les éventuelles corrélations entre le potentiel fiscal et
l'effort fiscal, des propositions en vue d'une réduction effective des
écarts constatés.
D'ores et déjà, la réforme de la DGF, opérée
par la loi du 31 décembre 1993 et par la loi du 26 mars 1996,
a produit des résultats positifs dans le sens d'une
péréquation plus importante.
Outre le renforcement de l'intercommunalité de projet -expression d'une
véritable solidarité entre communes- déjà
souligné par votre rapporteur, cette réforme a sensiblement accru
l'effort en faveur des communes rurales et urbaines en difficulté.
La dotation de solidarité rurale a bénéficié de
1,564 milliard de francs
en 1996 dont
469,5 millions de
francs
au profit de la fraction bourgs-centre qui a été
répartie entre à
4.070
communes représentant
une population de 10,4 millions d'habitants et
1,034 milliard de
francs
pour la fraction " péréquation " qui a
été attribuée à
33.638 communes
, soit
une population de
31
millions d'habitants. Les
4.015
communes éligibles à ces deux fractions ont
ainsi perçu une attribution moyennne de
81,13
francs par
habitant.
Quant à la dotation de solidarité urbaine, elle a
bénéficié en 1996 -première année
d'application des nouveaux critères fixés par la loi du
26 mars 1996- à
637
communes de plus de
10.000 habitants représentant
21,659 millions
d'habitants, la dotation par habitant connaissant une croissance significative
de
61,01
francs à 90,75 francs. Le nouvel indice
synthétique de ressources et de charges a, en outre, produit un effet
discriminant puisque la dotation la plus élevée a atteint
366,01
francs par habitant contre
14,77
francs pour la plus
faible.
99
communes de moins de 10.000 habitants représentant
700.000
habitants ont également pu -à la suite de la
réforme- bénéficier d'une attribution au titre de la
dotation de solidarité urbaine.
Le fonds national de péréquation -créé par la loi
d'orientation du 4 février 1995- produit également des
effets qui doivent être relevés. En 1996,
15.389
communes
ont été éligibles aux deux parts de ce fonds, soit une
dotation moyenne de
110
francs par habitant.
Il demeure que la superposition des différents fonds ayant vocation
à mettre en oeuvre une péréquation financière
aboutit à une très grande complexité des procédures
et, au total, complique singulièrement les possibilités
d'évaluer précisément leur efficacité. Telle est
l'une des raisons pour lesquelles le Sénat avait souhaité, lors
de l'examen de la loi d'orientation du 4 février 1995, un bilan des
différents mécanismes ainsi que la formulation de propositions de
simplification et d'unification tant des objectifs assignés aux
différentes formes de péréquation que de leurs
modalités d'application (article 68 de la loi d'orientation du
4 février 1995).
Par ailleurs, le législateur a souhaité la mise à
l'étude d'une réforme du système de financement local, en
particulier de la taxe professionnelle, qui soit compatible avec l'objectif de
péréquation affirmé parallèlement.
Devant le groupe de travail, M. Dominique Perben, ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a
souligné que la réforme plus urgente dans ce domaine concernait
la taxe professionnelle d'agglomération et considéré qu'il
convenait d'éviter qu'une modification du dispositif en vigueur ne
conduise à remettre en cause la localisation de l'assiette fiscale.
Le Conseil des impôts, dans son quinzième rapport au
Président de la République, fait valoir la solution qui
consisterait à transformer la taxe professionnelle en un impôt
national redistribué aux collectivités locales sous forme de
dotation.
Cette solution, selon le rapport précité, s'appuierait sur le
constat des expériences étrangères et permettrait de
répondre à l'ensemble des questions posées par la taxe
professionnelle: un taux national remplacerait la multiplicité des taux
existants; l'assiette pourrait être modernisée par la prise en
compte des valeurs nettes comptables; l'impôt serait
considérablement simplifié; le coût de la taxe
professionnelle pour le budget de l'Etat pourrait être
maîtrisé; la péréquation pourrait être plus
ambitieuse. La mise en oeuvre d'une telle impliquerait néanmoins une
période de transition longue.
Le groupe de travail entend, pour sa part, récuser fermement toute
solution qui aboutirait à une étatisation des impôts locaux
par l'uniformisation des taux de taxe professionnelle au niveau national,
faisant ainsi dépendre une ressource fiscale locale essentielle non plus
du libre choix des collectivités locales mais de décisions de
l'Etat et démotivant l'esprit d'initiative des collectivités
locales.
Il ne peut y avoir de décentralisation sans un impôt
localisé et librement fixé par les collectivités locales
dans le cadre prévu par la loi.
En outre, la réflexion sur la fiscalité locale et la
péréquation financière passe par le préalable d'une
révision des valeurs cadastrales, désormais en profond
décalage avec la réalité. En fonction des contraintes
techniques qui ne doivent pas être sous-estimées, le projet de
révision -approuvé par le comité de finances locales qui
a, en outre, présenté des suggestions permettant d'en
améliorer le contenu- doit pouvoir trouver une traduction
législative.
Sans avoir pu approfondir sa réflexion sur ce point, le groupe de
travail relève par ailleurs que la fiscalité locale devra
être adaptée aux évolutions socio-économiques.
Suivant les observations du représentant du Crédit local de
France, les taxes locales ont vieilli et ne sont plus nécessairement
adaptées au nouveau contexte économique auquel les
collectivités locales sont confrontées.
De manière schématique, on peut rappeler que les taxes
foncières avaient correspondu à une économie
essentiellement rurale, la taxe professionnelle à une économie
à dominante industrielle et que la fiscalité ne s'est pas
adaptée à une économie à dominante de services.
Comme l'a fait valoir
M. Jean-Paul Delevoye, doit également
être posée la question de la distorsion entre la localisation de
la ressource et celle des charges. Plusieurs intervenants devant le groupe de
travail, notamment M. Jean-Pierre Sueur au nom des grandes villes et
M. Martin Malvy pour les petites villes, ont souligné le poids
croissant des
charges de centralité.
Enfin, comme le met en évidence le débat difficile autour du
financement de la CNRACL et ainsi que l'a souligné M. Jean-Paul
Delevoye, le grand enjeu de l'avenir sera de mieux définir qui, du
contribuable local ou du contribuable national, doit assumer certaines charges
de solidarité.