B. UNE SOUS-REPRÉSENTATION COMMERCIALE FRANÇAISE À CORRIGER
L'importance de notre présence commerciale sur ces
marchés extérieurs doit s'apprécier en allant
au-delà de la seule notion de solde de nos échanges avec ces pays.
Il convient en effet d'élargir cette analyse par une approche en termes
de volume des échanges, en comparant nos positions avec celles
détenues par d'autres pays européens comme l'Allemagne, l'Italie
ou la Grande-Bretagne et à celle que la France possède dans
l'ensemble du commerce mondial.
1. Le constat
L'analyse de la répartition géographique des
importations des trois pays visités par votre rapporteur met en
évidence la faiblesse relative de la France dans leur commerce
extérieur.
- Avec le Japon, notre pays n'atteint, en 1995, que le
quatorzième rang des fournisseurs
sur cet important
marché.
Notre part de marché ne s'élève en effet
qu'à 2 %
, tandis que celle détenue par l'Allemagne
atteint 4,1 %, ce qui la place au rang de sixième fournisseur du
Japon. Notre pays est aussi légèrement devancé par le
Royaume-Uni, dont la part de marché s'élève à
2,1 %. Enfin, l'Italie rattrape progressivement notre position, sa part de
marché s'établissant en 1995 à 1,9 %. Cette faiblesse
relative de notre présence commerciale doit être observée
d'autant plus attentivement que, selon les données japonaises, nous
avons perdu 0,1 % de part de marché en 1995 par rapport à
1994.
Bien que le rythme de
progression des importations japonaises en provenance
de la France ait atteint le niveau honorable de 17,7 %
en 1995, il
apparaît en effet que celui-ci a été inférieur
à la moyenne européenne et aux performances de nos principaux
concurrents.
Au cours de la même année, les importations japonaises en
provenance du Royaume-Uni ont progressé de 20,8 %, celles venant
d'Allemagne de 23,1 % et
celles provenant d'Italie de 28,9 %
.
En Australie
, notre part de marché s'élève à
près de 2,5 %, ce qui situe la France au
onzième rang de
ses fournisseurs
.
Cette position fait de notre pays un partenaire commercial non
négligeable de l'Australie. Ces résultats restent cependant
inférieurs à ceux qu'obtiennent certains pays européens
tels que l'Allemagne ou l'Italie.
- En ce qui concerne la
Nouvelle-Zélande
, la part de
marché détenue par la France dans les importations
néo-zélandaises atteint 1,7 % en 1995, faisant de notre pays
leur onzième fournisseur
. Sur ce marché aussi notre
position devrait pouvoir être renforcée, puisque
plusieurs pays
européens possèdent des parts de marché largement
supérieures aux nôtres
. En dehors du cas du Royaume-Uni, dont
l'histoire explique la situation privilégiée de quatrième
fournisseur avec près de 6 % de part de marché (contre
50 % en 1965), l'Allemagne se hisse au cinquième rang avec
4,7 %, l'Italie devançant aussi pour sa part la France en
atteignant la huitième rang.
L'analyse de la situation de nos échanges avec ces trois pays confirme
ainsi le constat fait par le président de la République lors du
sommet euro-asiatique de Bangkok en mars 1996, au sujet de notre
présence insuffisante sur ces marchés lointains.
La France doit en effet renforcer sa présence sur ces marchés
avec pour objectifs, d'atteindre le niveau des parts de marché
détenues par d'autres pays européens, tels que l'Allemagne, puis
de progresser vers l'obtention, dans ces pays, d'une part de marché
équivalente à celle que nous détenons dans le commerce
mondial, soit 6 %.
2. Les enseignements
Au cours de ses nombreux entretiens, tant avec des
représentants des structures d'appui -nationales et
étrangères- au commerce extérieur, qu'avec des
responsables d'entreprises, votre rapporteur a noté le caractère
récurrent d'un certain nombre de recommandations ou de souhaits
concernant les moyens de renforcer nos positions commerciales.
- Au premier rang des idées exprimées par ces
différentes personnalités :
la nécessité
d'accroître nos investissements à l'étranger.
La position de la France au sein des trois pays visités confirme en
effet une présence insuffisante de notre pays sur le plan des
investissements à l'extérieur. Au Japon, les investissements
français ne représentent que
2 % du total des
investissements étrangers au Japon
, ce qui situe notre pays loin
derrière plusieurs de nos partenaires européens.
Au sein des investissements étrangers au Japon, les Pays-Bas
représentent en effet 7,8 % du total, tandis que la Suisse atteint
5,9 %, l'Allemagne 4,9 % et le Royaume-Uni 4,8 %. En outre, les
investissements français sont très largement le fait de nos
multinationales, les PME n'étant quasiment pas implantées au
Japon.
Notre présence sur le marché australien, au titre des
investissements étrangers, n'est guère plus importante
puisqu'elle est évaluée à 2 %.
Il convient cependant de noter que l'
augmentation du nombre de filiales
d'entreprises françaises
, qui est passé de 80 en 1988
à près de 200 en 1995,
est allée de pair avec
l'émergence d'excédents structurels en notre faveur
, alors
que notre pays enregistrait traditionnellement un déficit commercial
avec l'Australie.
Bien que la petite taille du marché néo-zélandais
n'autorise pas à en tirer de conclusions précises, il
s'avère que notre position dans l'investissement étranger en
Nouvelle-Zélande demeure très faible.
Au total, et sans avoir la prétention de trancher le débat
complexe sur l'effet des délocalisations, votre rapporteur a
relevé la très forte
corrélation
qui existe dans
ces marchés entre l'importance d'un pays au sein des investissements
étrangers et son "poids" en termes de parts de marchés.
Les
plus gros investisseurs étrangers au sein de ces marchés y
possèdent en règle générale les plus fortes
positions commerciales. Votre rapporteur note cependant que, s'agissant de pays
dont le niveau de développement est comparable à celui de la
France, il n'existe pas dans ces cas de risque de "dumping
social".
Cette corrélation accrédite l'idée que ces implantations
à l'étranger constituent le plus souvent une "tête de pont"
pour des exportations futures.
- D'autres facteurs ont souvent été évoqués,
comme pouvant apporter une contribution positive au développement de
notre commerce extérieur. Dans l'ordre des éléments de
nature quantitative, il convient en particulier d'insister sur l'importance du
nombre d'expatriés français.
Ainsi, notre pays ne compte que 1,7 million d'expatriés, tandis que
le Royaume-Uni en recense 3 millions et l'Italie plus de 4 millions.
La présence d'une forte communauté de ressortissants d'un pays en
terre étrangère constitue en effet à la fois un puissant
relais et une "demande naturelle" pour l'économie de ce pays.
A l'appui de cette remarque, votre rapporteur a relevé l'exemple de la
communauté italienne d'Australie qui compte près de
700.000 personnes, tandis que la France ne recense dans ce pays que
8.000 ressortissants. Cette donnée semble favoriser
l'enregistrement par l'Italie d'un excédent commercial avec l'Australie
bien supérieur au nôtre, alors que ses structures de soutien du
commerce extérieur sont relativement légères.
A ces facteurs s'ajoutent des éléments de nature qualitative
pouvant influer positivement sur le développement de nos échanges
avec ces pays et sur notre capacité exportatrice en
général. Le principal facteur souligné à ce titre
au cours des différents entretiens conduits par votre rapporteur tient
à la
nécessaire acquisition d'une "culture d'exportation"
.
Difficile à définir rigoureusement, cette notion recouvre
essentiellement l'idée que la réussite d'un exportateur
dépend en grande partie de son talent commercial, de son aptitude
à satisfaire pleinement les demandes de ses clients, soit au total, de
sa fiabilité.
Dans ce domaine, les progrès accomplis par nos exportateurs doivent
être poursuivis.
Ces derniers doivent en particulier mettre l'accent
sur le suivi des
contrats et le respect des délais de livraison
, qui
représentent deux critères essentiels pour l'établissement
d'une relation commerciale durable et empreinte de confiance.
Enfin, sur un plan plus politique une
meilleure coordination
européenne
paraît souhaitable, notamment au Japon.
La dimension européenne apparaît en l'espèce
nécessaire pour disposer d'un poids suffisant dans le cadre de
négociations commerciales souvent difficiles. A cet égard, il
convient de noter que les représentants des sociétés
européennes implantées au Japon possèdent une instance de
coordination baptisée l'European Business Council (EBC).