II. LE DÉVELOPPEMENT DES RELATIONS ÉCONOMIQUES BILATÉRALES : L'OCÉANIE, TREMPLIN VERS L'ASIE ?
A. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES FRANCO-AUSTRALIENNES
1. Des échanges commerciaux accrus et excédentaires, mais encore limités
a) Un essor incontestable qui doit être poursuivi
Les relations économiques et commerciales
franco-australiennes se présentent sous un jour
très
satisfaisant
. Si elles peuvent paraître encore modestes par rapport
aux potentialités des deux partenaires -et si elles disposent, de ce
fait,
d'une marge de progression encore importante
-, elles connaissent
un incontestable essor.
Ce développement -il faut le rappeler-
n'a pas été
affecté par la crise des essais
, sinon dans le commerce de
détail ou la restauration. Les menaces de boycott sont restées
largement théoriques. Les intérêts des grandes entreprises
françaises n'ont pas -sauf dans le domaine des transports-
été atteints et les échanges et investissements
bilatéraux ont, paradoxalement, continué à progresser. Nos
parts de marché en Australie se sont même légèrement
améliorées par rapport à celles de nos concurrents
européens.
Le
rachat par Axa
, au plus fort de la crise, de 51 % de "
National
Mutual
" a illustré ce souci réciproque de préserver
les échanges bilatéraux. De même, la Compagnie
générale des eaux s'est alors vue attribuer la gérance de
la distribution d'eau dans l'agglomération d'Adélaïde. Et
les livraisons d'uranium destiné à notre production
d'énergie civile n'ont pas été affectées.
Au total, après la très forte augmentation enregistrée en
1994 (+ 21,1 %), les échanges franco-australiens ont poursuivi leur
progression en 1995 (+ 7,1 %)
pour représenter
10,7
milliards de francs
(exportations plus importations).
Structurellement déficitaires jusqu'en 1990, les échanges
commerciaux bilatéraux se sont ensuite rééquilibrés
et font au contraire désormais apparaître, pour la
cinquième année consécutive, un large
excédent
commercial
: il s'élevait fin 1995 à 1,8 milliard de francs,
soit le 21ème excédent bilatéral de notre pays dans le
monde, et à 925 millions pour le premier semestre de 1996. Le
taux de
couverture atteint
ainsi
142 %.
L'ampleur de cet excédent
commercial est à rapprocher de l'important effort d'investissements de
nos entreprises en Australie et de la faiblesse relative des investissements
australiens en France, les entreprises australiennes investissant en Europe
ayant encore tendance à s'installer prioritairement au Royaume-Uni.
Evolution des échanges commerciaux
franco-australiens
Millions FF |
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Importations en provenance d'Australie |
5218 |
5699 |
6173
|
6332 |
4824
|
4618
|
5027
|
3365
|
4183
|
4429
|
Exportations
|
3712 |
3262 |
4449 |
6132 |
4733 |
5855 |
4915 |
4286 |
5758 |
6208 |
Total |
8930 |
8961 |
10622 |
12464 |
9557 |
10473 |
9942 |
7651 |
9941 |
10637 |
Solde |
1506 |
2437 |
1724 |
200 |
91 |
-1237 |
112 |
-921 |
-1575 |
-1779 |
Les
performances
économiques françaises
sur le marché australien apparaissent ainsi
satisfaisantes
.
L'effort de compétitivité fourni et une présence
commerciale accrue ont été récompensés, de
même que la tendance à la hausse et à la diversification de
nos exportations.
Il reste que, globalement, l'Australie n'est encore pour la France qu'un
partenaire commercial modeste
:
- l'Australie,
33ème client et 36ème fournisseur de la
France
, n'absorbe que 0,42 % de nos exportations et ne représente
que 0,33 % de nos approvisionnements ;
- la France, de son côté, est le
14ème fournisseur et le
19ème client
de l'île-continent ; si elle n'est pas
négligeable, loin de là, la
part de marché
française en Australie ne dépasse pas
2,5 %
et peut donc
encore fortement progresser.
Les progrès, incontestables, accomplis au cours des dernières
années doivent donc être poursuivis et approfondis. L'accent
pourrait, selon les informations recueillies par votre
délégation, être particulièrement mis sur des
secteurs où notre présence demeure insuffisante
(agro-alimentaire, automobiles, travaux publics...) et sur une présence
accrue de certaines petites et moyennes entreprises. La croissance de
l'économie australienne et la perspective des Jeux olympiques de l'an
2000 devraient être mises à profit pour
poursuivre l'essor des
échanges bilatéraux
. C'est ce que fait apparaître
l'analyse, plus détaillée, des exportations françaises en
Australie.
b) Des exportations françaises dont la diversification doit être poursuivie
Nos exportations vers l'Australie on atteint en 1995
6208
millions de francs.
Ce niveau, jamais atteint, marque une nouvelle
progression, de 8,2 %, par rapport à 1994, année où nos
exportations avaient déjà augmenté de 18,9 %. Pour
les sept premiers mois de 1996, les exportations françaises ont
conservé la même tendance (+ 0,5 %) en atteignant un montant de
3 533 millions de francs.
Ces exportations françaises proviennent de rubriques multiples, aucun
secteur n'étant massivement prédominant. Il est
intéressant de relever que les PME sont déjà à
l'origine de 42 % de nos ventes. Les principaux postes exportateurs sont les
suivants :
-
les biens d'équipement professionnel
figurent au premier rang
en représentant 43 % de nos exportations totales (2,7 milliards en 1995)
; très diversifiées, ces exportations concernent notamment des
turbines, des matériels électroniques, des matériels de
traitement de l'information, des matériels électriques de grande
puissance, des matériels de travaux publics et des machines pour
l'industrie alimentaire ;
- viennent ensuite
les produits chimiques
et divers
demi-produits
(21,7 % des exportations, 1 365 millions en 1995) et des
biens
de consommation
, tels que parfums, cosmétiques ou boissons (18 % du
total, 1 130 millions en 1995) ; certains de ces produits, comme les
produits de parfumerie, ont toutefois été les principales
victimes, en 1995, des appels au boycott lancés à l'occasion de
nos derniers essais nucléaires ;
- on notera enfin que les exportations de
métaux
et de produits
issus du travail des métaux connaissent une progression remarquable et
représentent désormais près de 8 % de nos exportations
totales.
Les exportations françaises
reflètent
ainsi globalement
les domaines d'excellence de l'industrie française
, avec un
accent particulier sur les produits d'équipement à fort contenu
technologique. Deux secteurs importants pour la France,
l'agroalimentaire et
l'industrie automobile
, sont toutefois -il faut le regretter- très
peu présents en Australie.
Il convient enfin de souligner que le redressement de nos ventes en Australie a
été concomitant à la croissance des investissements
français dans ce pays. Il y a là un exemple très positif
d'investissements porteurs d'exportations.
c) Des exportations australiennes en France concentrées sur quelques produits
Après avoir fortement progressé durant les
années 1980, les ventes australiennes en France avaient fortement
diminué en 1993 (- 32,5 %), en raison à la fois de la crise
économique en France et de la baisse des prix des matières
premières.
Elles ont repris un mouvement à la hausse en 1994 (+ 24,3 %),
confirmé en 1995 (+ 5,7 %) mais à nouveau compromis en 1996 (-
12,5 % pour les sept premiers mois) par la dépréciation des cours
mondiaux de la laine et des produits énergétiques.
Ces exportations australiennes en France, qui ont atteint
4 429
millions de francs
en 1995, restent en effet
concentrées sur
trois grands produits de base :
- la laine
en suint (1 053 millions en 1995, soit 23,8 % du total des
importations),
-
la houille
(889 millions en 1995, soit 20,3 %),
- et
le minerai de fer
(690 millions, soit 15,6 %).
Si l'on ajoute les autres matières premières minérales et
les cuirs et peaux brutes, on obtient ainsi près de 70 % des
importations françaises en provenance d'Australie. Les biens
d'équipement professionnel et les biens de consommation n'occupent en
revanche qu'une place encore réduite.
Il convient toutefois de relever
une certaine diversification
des
exportations australiennes en France, à l'image de l'évolution
générale de l'économie australienne. Ainsi, les produits
industriels élaborés sont passés en dix ans, de 1985
à 1995, de 3,4 % à 15,6 % du total des ventes australiennes.
2. Des investissements français en forte croissance depuis la fin des années 1980
a) Des implantations françaises, longtemps faibles, et désormais en augmentation rapide
Le redressement des exportations françaises en
Australie a été concomitant à l'importante montée
en puissance de nos implantations dans ce pays. Longtemps très faibles,
ces implantations ont en effet connu
une très forte augmentation
depuis les années 1980. Le nombre des filiales françaises en
Australie est en effet passé de
37 avant 1980
à
80 en
1989
et à
213
aujourd'hui.
Les années 1980 ont
ainsi marqué la volonté des sociétés
françaises de s'implanter sur le sol australien. Les années 1990
confirment et amplifient ce mouvement : 86 filiales ont ainsi été
créées en moins de six ans, entre 1990 et 1995.
Ces 213 filiales françaises
emploient près de 40 000
personnes
. Les sociétés de moins de 100 personnes y sont
prédominantes (petites sociétés de commerce, bureaux de
représentation, activités de services...) et seules 3 % d'entre
elles emploient plus de mille personnes. Mais les groupes Axa et Accor
emploient, à eux seuls, plus de 12 000 salariés.
Les entreprises françaises sont désormais
présentes
dans la plupart des secteurs
de l'économie australienne :
- dans le
secteur primaire
, on citera la laine avec Chargeurs et
Dewavrin, l'aluminium avec Péchiney et l'uranium et l'or avec Cogema ;
on peut toutefois regretter notre absence dans le domaine minier australien,
notamment le charbon, et dans la production de pétrole et de gaz ;
- dans le
secteur industriel
, GEC Alsthom, Schneider et Coflexip, sont
bien installées ; dans l'électronique Thomson, Alcatel, la Sagem.
Autre point fort, notre chimie pharmacie (Rhône-Poulenc, Servier,
Mérieux, Virbac, ELF,...). Dans le secteur agroalimentaire, prometteur
dans ce pays, il faut enfin signaler nos investissements vinicoles (Moët
et Chandon, Pernod Ricard, Rémy) ;
- dans le
secteur des services
, nous sommes bien
représentés. Cinq banques françaises opèrent en
Australie (BNP, Crédit Lyonnais, Indosuez, Paribas,
Société Générale). Dans les assurances, l'UAP et
maintenant Axa avec la reprise de National Mutual. Dans le tourisme,
créneau porteur, le groupe Accor gère plus de 45 hôtels et
emploie 4 000 personnes ; le Club Méditerranée
possède un premier club. Enfin, la privatisation des services publics a
ouvert un champ d'initiatives intéressant. La Lyonnaise des Eaux, la
Générale des Eaux, ont des filiales et ont remporté
chacune un contrat dans l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud.
Les sociétés françaises en Australie -principalement
installées à Sydney (65 % d'entre elles) -se sont ainsi
diversifiées. D'abord concentrée sur la transformation des
matières premières (Péchiney possède à
Tomago la plus grande usine d'aluminium du monde, rassemblant 3 000
salariés), la présence française s'est étendue
à l'industrie puis aux services.
Au total, les investissements français en Australie sont de l'ordre de
16 milliards de francs
. Le chiffre d'affaires réalisé dans
ce pays est estimé à environ 28 milliards de francs (pour
40 000 salariés). 12 % des entreprises françaises
réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions
de dollars australiens (400 millions de francs français).
b) Les perspectives de la présence française : l'Australie, tête de pont vers l'Asie ?
- Malgré les progrès accomplis, la
présence française en Australie demeure néanmoins
relativement modeste et dispose encore d'une marge importante de progression
qui doit, selon votre délégation, être pleinement
exploitée.
D'importantes opérations demeurent en perspective :
- à la suite de l'échec du projet de
liaison ferroviaire
à grande vitesse
Sydney-Melbourne, la filiale locale de GEC Alsthom
s'est engagée dans la promotion d'un nouveau projet portant sur la
liaison
Sydney-Canberra
(270 km en 1 heure et 20 minutes) ; promue sur
place par l'entreprise "Speedrail", la réalisation de ce projet
demeure
toutefois incertaine. Le Premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud a
réaffirmé devant votre délégation le principe de
non-implication financière de l'Etat dans le projet. La procédure
d'appel à candidatures pour ce projet a été lancée
en décembre 1996, le cahier des charges devant être publié
très prochainement ;
- les
privatisations en Australie
(aéroports,
électricité, eau...) ouvrent également de nouvelles
potentialités aux entreprises françaises ; on rappelle ainsi,
dans le domaine de l'eau, que la CGE et la Lyonnaise des eaux assurent
déjà le traitement des eaux dans les agglomérations de
Sydney et d'Adélaïde ;
- enfin,
les Jeux olympiques de Sydney
, en l'an 2000 offrent de
nouvelles possibilités de participations aux entreprises
françaises, notamment dans les domaines de la restauration collective,
de l'environnement ou des télécommunications ; il est important
que ces opportunités disposent d'une action continue de soutien et des
efforts de promotion nécessaires.
De manière générale, le renforcement de la présence
économique française en Australie devra être soutenu par un
courant plus soutenu et plus dense de visites réciproques. A cet
égard, la visite en Australie, du 21 au 26 février dernier
-quelques semaines après la délégation sénatoriale-
de la
délégation du CNPF conduite par M. Jean Gandois
a
marqué la solidité des rapports entre les milieux d'affaires des
deux pays et la volonté commune d'aller de l'avant.
- Dans cette perspective, les autorités australiennes développent
et encouragent le thème de
l'Australie, plate-forme vers l'Asie
.
Cette conception du marché australien, tête de pont vers les
marchés asiatiques, mérite d'être précisément
analysée par les entreprises françaises concernées pour
définir leur
stratégie d'implantation dans la zone
Asie-Pacifique.
Cette volonté des autorités australiennes d'attirer dans leur
pays les sièges régionaux des entreprises
étrangères a déjà séduit un certain nombre
de sociétés françaises. Ainsi
Accor
, à
travers sa participation dans "Accor Asia Pacific", gère plus de 80
hôtels (11 500 chambres) -dont 48 en Australie- dans la zone, ce qui
en fait l'un des plus grands groupes hôteliers de la région, et a
établi son siège régional à Sydney.
Cet exemple n'est pas unique :
Thomson
-CSF a créé
récemment une société holding pour la zone Asie-Pacifique
à Canberra. La société
Coflexip
,
société spécialisée dans les tubes flexibles, a
choisi de déplacer sa direction régionale de Singapour à
Perth et d'y installer son centre de production pour l'Asie du sud-est. Dans le
même esprit, les équipes australiennes de nombreuses entreprises
françaises consacrent une partie importante de leur activité
à prospecter les marchés asiatiques.
Enfin, une société comme
Axa
, en prenant le contrôle
de "National Mutual" -groupe qui occupe également la deuxième
place en part de marché à Hong Kong et en
Nouvelle-Zélande-, a ipso facto solidement pris pied en Asie. National
Mutual, qui est notamment responsable du management des filiales assurances-vie
du groupe Axa au Japon, en Corée et Singapour, est ainsi devenu le
principal axe de développement du groupe Axa dans la zone Asie-Pacifique.
Ces exemples ne sauraient faire oublier que considérer l'Australie -ou
la Nouvelle Zélande- comme une tête de pont vers l'Asie suppose
d'abord, pour les firmes concernées, de
disposer, en Australie
même, d'un marché solide
("hinterland").
Mais, si cette condition est remplie, l'Australie -qui a lancé en 1993
un important programme pour inciter les entreprises étrangères
à y installer leur siège régional pour l'Asie-Pacifique
-ne manque pas d'
atouts
à faire valoir et à
intégrer dans les stratégies des groupes français en Asie :
- d'abord, bien sûr,
la bonne santé économique du
marché australien -
et néo-zélandais- qui a
été l'un des premiers marchés de l'OCDE à retrouver
la
croissance
, ininterrompue depuis cinq ans, avec un taux de
chômage en baisse ;
- ensuite et surtout, des
conditions d'implantation très
favorables
pour les sociétés européennes : elles
trouvent en Australie un climat et une
culture quasi-européennes
qui rendent l'expatriation plus aisée, tandis que les
coûts
d'installation
, notamment immobiliers, y sont bien inférieurs
qu'à Singapour ou Hong-Kong ; globalement, on estime que les charges
fixes d'une entreprise en Australie y sont inférieures d'environ 40 % ;
- ces implantations sont également facilitées par
un
décalage horaire très limité
(au maximum trois heures,
au lieu de dix avec l'Europe) avec les grands marchés asiatiques ; ainsi
se trouve en partie compensé l'extrême éloignement de
l'Australie, aux antipodes de l'Europe ;
- enfin, les entreprises françaises présentes en Australie
peuvent bénéficier de
l'image favorable
dont disposent
souvent les Australiens -ou les Néo-Zélandais- en Asie ; il faut
à cet égard rappeler que les deux-tiers des exportations
australiennes sont allées en 1995 vers l'Asie, soit près d'un
quart pour le seul Japon, devenu ainsi son premier partenaire commercial.
L'Australie doit
, ainsi, aux yeux de votre délégation,
sans être considérée comme un nouveau "tigre" asiatique,
prendre toute sa place
dans la stratégie d'approche des
marchés asiatiques par les entreprises françaises.
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