Rapport d'information n°348 : UNION EUROPEENNE : VERS UNE REFORME DES MODES DE DECISION
M. James BORDAS, Sénateur
Délégation du Sénat pour l'Union Européenne - Rapport d'Informaton n° 348 -1996/1997
Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. LA QUESTION DE LA PONDERATION DES VOTES
- A. LES RÈGLES EN VIGUEUR
- B. L'INSCRIPTION DU PROBLÈME À L'ORDRE DU JOUR DE LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE
- C. UN DÉSÉQUILIBRE GRANDISSANT ENTRE " GRANDS " ET " PETITS " ETATS
- D. L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DES CONTRIBUTIONS FINANCIÈRES
- E. LES FORMULES ENVISAGEABLES
- F. LES PROPOSITIONS DE LA PRÉSIDENCE NÉERLANDAISE
- II. L'EXTENSION DU VOTE À LA MAJORITÉ QUALIFIÉE
-
I. LA QUESTION DE LA PONDERATION DES VOTES
- CONCLUSION
- EXAMEN PAR LA DELEGATION
N° 348
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22
avril 1997.
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union
européenne (1)
sur
la réforme des institutions européennes : champ des décisions à la majorité qualifiée et pondération des votes ,
Par M. James BORDAS,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de
: MM. Jacques Genton,
président
; James Bordas, Michel
Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon,
vice-présidents
; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, Paul Loridant,
secrétaires
; Robert Badinter, Denis Badré,
Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M. Charles Descours, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine,
Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Pierre
Lagourgue, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson,
Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM.
Alain Richard, Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca Serra,
André Rouvière, René Trégouët, Marcel Vidal,
Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.
INTRODUCTION
Ni l'extension du champ des décisions à la
majorité qualifiée, ni la pondération éventuelle
des votes ne figuraient parmi les thèmes que le traité de
Maastricht avait retenus pour l'actuelle Conférence intergouvernementale.
Cependant, à la suite de la controverse institutionnelle qui a
entouré l'élargissement de l'Union à l'Autriche, à
la Finlande et à la Suède, le Conseil européen de Corfou a
décidé que la CIG serait également chargée de
revoir le fonctionnement de l'Union dans la perspective des
élargissements futurs, et qu'elle devrait donc à ce titre se
pencher notamment sur ces questions.
Il est clair, en effet, que plus l'Union compte d'Etats membres, et plus
l'unanimité est difficile à obtenir : pour préserver
l'efficacité du processus de décision malgré
l'élargissement, il parait donc souhaitable et même
nécessaire d'agrandir autant que possible le champ des décisions
prises à la majorité qualifiée.
A cet argument pragmatique s'ajoute pour certains un argument tenant à
leur conception de la construction européenne : le recours accru au vote
à la majorité qualifiée rapproche l'Union du modèle
fédéral qu'ils appellent de leurs voeux.
Il convient toutefois de souligner que le champ du vote à la
majorité qualifiée a déjà été
étendu par l'Acte unique européen, puis par le traité de
Maastricht. Les domaines qui restent aujourd'hui régis par
l'unanimité le sont, dans la plupart des cas, parce qu'un ou plusieurs
Etats ont jugé qu'ils avaient un intérêt très
important à protéger. Dans ces conditions, bien que la plupart
des Etats membres se déclarent officiellement partisans d'une large
extension du vote à la majorité qualifiée, il reste
néanmoins fort difficile d'obtenir un accord dès lors que l'on
envisage les domaines précis où cette orientation devrait
s'appliquer. De ce fait, la CIG n'a pu jusqu'à présent
enregistrer des avancées très significatives dans ce domaine.
Le Gouvernement français, quant à lui, a constamment
établi un lien entre un recours accru à la majorité
qualifiée et une nouvelle pondération des votes. Faisant valoir
que les règles actuelles de pondération introduisent des
distorsions excessives dans la représentation des Etats membres, ce qui
tend à compromettre la légitimité du processus de
décision, et que l'élargissement devrait accroître encore
ce problème, la France a souligné qu'on ne pouvait demander aux
" grands " Etats d'élargir le champ d'application d'un
processus de décision qui, sous la forme actuelle, les pénalise,
et qu'il fallait donc en même temps introduire une pondération
plus juste. Les autres " grands " Etats, tout en approuvant
la
volonté française d'atténuer les distorsions de
représentation, ont cependant eu assez longtemps tendance à
laisser à la France le soin de mettre en avant ce thème
naturellement mal accueilli par les " petits " Etats.
Certains de ces
derniers ont finalement accepté d'envisager une correction, à
condition qu'elle reste limitée ; en revanche, certains autres y restent
opposés, faisant valoir qu'ils pourraient avoir des difficultés
à obtenir la ratification d'un traité qui paraîtrait
réduire leur place au sein des institutions.
Les propositions présentées au début du mois de mai par la
présidence néerlandaise, tant sur l'extension du vote à la
majorité qualifiée que sur la repondération des votes,
traduisent les progrès réalisés dans les
négociations et préfigurent sans doute en grande partie le
contenu du futur traité ; il est clair, néanmoins, que les
réserves de certains Etats, sur des sujets aussi
" sensibles "
ne pourront être levées que dans la phase ultime des
négociations.
I. LA QUESTION DE LA PONDERATION DES VOTES
A. LES RÈGLES EN VIGUEUR
La pondération actuelle est la suivante :
- l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni ont chacun
10 voix ;
- l'Espagne a 8 voix ;
- la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal ont chacun
5 voix ;
- l'Autriche et la Suède ont chacune 4 voix ;
- le Danemark, l'Irlande et la Finlande ont chacune 3 voix ;
- le Luxembourg a 2 voix.
Le total des voix est de 87. Le seuil de la majorité qualifiée
est fixé à 62 voix (soit environ 71 % des voix) ;
la minorité de blocage est donc de 26 voix.
Lors de l'élargissement de l'Union à l'Autriche, à la
Finlande et à la Suède, une controverse s'est
développée sur le nombre de voix nécessaire pour
constituer la minorité de blocage. Certains Etats, principalement la
Grande-Bretagne et l'Espagne, souhaitaient que ce nombre de voix restât,
comme auparavant, fixé à 23 voix malgré
l'élargissement. La majorité qualifiée aurait alors
été plus difficile à obtenir : il aurait fallu
65 voix (soit environ 75 % des voix). Cette controverse s'est
terminée en mars 1994 par un compromis politique, dit " compromis
de Ioannina ", dont le texte est le suivant :
" Si des membres du Conseil représentant un total de
23 à 25 voix indiquent leur intention de s'opposer à la
prise d'une décision par le Conseil à la majorité
qualifiée, le Conseil fera tout ce qui est en son pouvoir pour aboutir,
dans un délai raisonnable et sans porter préjudice aux limites
obligatoires de temps fixées par les traités et le droit
dérivé (...) à une solution satisfaisante qui puisse
être adoptée par 65 voix au moins. Pendant cette
période, et toujours dans le respect du règlement
intérieur du Conseil, le Président déploie, avec
l'assistance de la Commission, toute initiative nécessaire pour
faciliter la réalisation d'une plus large base d'accord au sein du
Conseil. Les membres du Conseil lui apportent leur concours ".
Donc, le seuil de la majorité qualifiée est normalement de
62 voix, mais si la minorité le demande, le Conseil et la
Commission doivent s'efforcer, autant que possible, de parvenir à une
majorité plus large de 65 voix.
B. L'INSCRIPTION DU PROBLÈME À L'ORDRE DU JOUR DE LA CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE
Le " compromis de Ioannina " est un
expédient
qui ne saurait valoir pour les futurs élargissements de l'Union. Si
l'Union s'élargissait encore tout en conservant une
référence politique à une minorité de blocage de
23 voix, la majorité qualifiée serait en pratique de plus en
plus difficile à obtenir.
C'est pourquoi le Conseil européen de Corfou, qui s'est tenu en juin
1994, quelques mois après le " compromis de Ioannina ", a
décidé que la conférence de 1996 serait également
chargée de revoir le fonctionnement institutionnel de l'Union dans la
perspective de l'élargissement, en examinant notamment les questions
suivantes : "
pondération des voix, seuil pour les
décisions prises à la majorité qualifiée, nombre
des membres de la Commission et toute autre mesure estimée
nécessaire pour faciliter les travaux des institutions et garantir leur
efficacité dans la perspective de l'élargissement
".
C. UN DÉSÉQUILIBRE GRANDISSANT ENTRE " GRANDS " ET " PETITS " ETATS
Les Etats membres de l'Union sont très inégaux
sur le plan démographique et peuvent être répartis en deux
groupes :
- le groupe des " grands " Etats, qui comprend un pays
d'environ
40 millions d'habitants, l'Espagne, trois pays d'environ 60 millions
d'habitants (France, Italie, Grande-Bretagne) et un pays d'à peu
près 80 millions d'habitants, l'Allemagne ;
- le groupe des " petits " Etats, au nombre de 10, dont la
population
va de 400.000 habitants (Luxembourg) à environ 15 millions
(Pays-Bas).
Depuis les débuts de la Communauté, il a toujours
été admis que cette situation devait conduire à une
certaine sur-représentation des " petits " Etats.
L'application d'un critère purement démographique aboutirait en
effet à une domination des " grands " Etats qui, à eux
cinq, rassemblent 294 millions d'habitants, c'est-à-dire les quatre
cinquièmes de la population de l'Union à Quinze.
Seulement, à mesure de ses élargissements, l'Union a
compté de plus en plus de " petits " Etats membres : la
sous-représentation des " grands " Etats est donc allée
en s'accentuant. Ainsi, les trois plus grands Etats, qui représentent
ensemble plus de 53 % de la population de l'Union, ont moins de 35 %
des droits de vote.
Or l'élargissement à l'Est va nécessairement aggraver ce
phénomène : en effet, sur les onze pays candidats, un seul,
la Pologne, est un " grand " Etat. Si l'on ne modifie pas
les
règles actuelles de pondération, l'on obtiendra à l'issue
du processus d'élargissement une Union de vingt-six Etats où six
" grands " Etats, avec 70 % de la population, auront
42 %
des droits de vote, tandis qu'une coalition de douze
" petits " Etats
pourra constituer une minorité de blocage tout en rassemblant seulement
11,5 % de la population de l'Union.
Ces données sont retracées dans le tableau ci-après :
Etats |
Nombre de voix |
Population
|
Adhérents actuels |
||
Belgique |
5 |
10,1 |
Danemark |
3 |
5,2 |
Allemagne |
10 |
81,3 |
Grèce |
5 |
10,4 |
Espagne |
8 |
39,2 |
France |
10 |
58 |
Irlande |
3 |
3,5 |
Italie |
10 |
57,2 |
Luxembourg |
2 |
0,4 |
Pays-Bas |
5 |
15,3 |
Portugal |
5 |
9,8 |
Royaume-Uni |
10 |
58,3 |
Autriche |
4 |
8 |
Finlande |
3 |
5 |
Suède |
4 |
8,7 |
Sous-total adhérents actuels |
87 |
370,4 |
Adhérents futurs |
||
Hongrie |
5 |
10,3 |
Pologne |
8 |
38,5 |
Slovaquie |
3 |
5,3 |
République tchèque |
5 |
10,3 |
Bulgarie |
4 |
8,4 |
Roumanie |
6 |
22,8 |
Slovénie |
3 |
1,9 |
Estonie |
3 |
1,5 |
Lettonie |
3 |
2,6 |
Lituanie |
3 |
3,7 |
Chypre |
2 |
0,7 |
Sous-total adhérents futurs |
45 |
106,5 |
Total général |
132 |
476,7 |
D. L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DES CONTRIBUTIONS FINANCIÈRES
La pondération des votes au Conseil, déjà
fort éloignée des réalités démographiques,
ne tient aucun compte des contributions financières des Etats membres.
Cependant, alors que l'Europe des Six était un ensemble relativement
homogène, la Communauté actuelle regroupe des Etats entre
lesquels les différences de développement sont plus sensibles.
L'absence de prise en compte des efforts de chaque Etat entraîne un
déphasage assez frappant entre la pondération des votes au
Conseil et les responsabilités financières. Celles-ci sont
retracées ci-dessous pour l'année 1994, dernière
année pour laquelle les chiffres officiels sont disponibles :
Etats membres |
Recettes de l'Union |
Contribution nette
|
|
|
en Mécus |
en % |
en Mécus |
Belgique |
2.822,1 |
4,4 |
-309,3 |
Danemark |
1.296,2 |
2,0 |
198,9 |
Allemagne |
21.366,3 |
33,3 |
-13.637,1 |
Grèce |
992,3 |
1,5 |
3.851,9 |
Espagne |
4.718,1 |
7,4 |
3.116.6 |
France |
12.550,9 |
19,6 |
-2.626,4 |
Irlande |
638,9 |
1,0 |
1.752,0 |
Italie |
7.759,6 |
12,1 |
-2.540,4 |
Luxembourg |
165,4 |
0,3 |
253,7 |
Pays-Bas |
4.245,9 |
6,6 |
-1829,9 |
Portugal |
1.215,6 |
1,9 |
1.827,0 |
Royaume-Uni |
6.417,4 |
10,0 |
-1.158,8 |
(Source : Cour des Comptes des Communautés
européennes)
On peut constater ainsi que le Portugal, la Grèce et l'Irlande, qui ont
ensemble plus de voix que l'Allemagne (13 contre 10) fournissent au total
3,4 % des recettes du budget communautaire, soit dix fois moins que
l'Allemagne. De même, il apparaît que la France et l'Allemagne
fournissent à elles seules 53 % des recettes communautaires, alors
qu'elles ne peuvent à elles deux constituer une minorité de
blocage.
Si l'on considère par ailleurs la contribution nette des Etats membres,
on peut constater que la solidarité financière communautaire
repose principalement, dans la durée, sur un groupe assez réduit
d'Etats membres, notamment l'Allemagne, les Pays-Bas et la France. Or ces trois
pays, qui ensemble assurent approximativement les quatre cinquièmes des
versements nets au budget communautaire, peuvent arithmétiquement
être mis en minorité au sein du Conseil lorsqu'il s'agit de
décider des dépenses.
Certes, on ne saurait fonder la pondération des voix au Conseil sur une
approche purement financière qui serait la négation même de
la solidarité communautaire. Mais ne tenir aucun compte des
responsabilités financières de chacun, alors que les
règles de décision sont également très
éloignées des réalités démographiques,
contribue à affaiblir encore la légitimité des
décisions du Conseil.
Or, là encore, l'élargissement à l'Est va lourdement
aggraver les déséquilibres existants, puisque les futurs
adhérents verseront peu au budget communautaire et en recevront
beaucoup, tout en disposant ensemble d'un grand nombre de voix si l'on conserve
les règles actuelles de pondération. Avec ces règles, les
futurs adhérents, qui ont au total 106 millions d'habitants et
représentent une faible capacité contributive, auront
45 voix, alors que les quatre plus grands Etats parmi les membres actuels,
qui ont ensemble 255 millions d'habitants et assurent 75 % des
recettes du budget communautaire, n'auront que 40 voix.
Il parait donc indispensable que la CIG s'attache à prévenir
des déséquilibres d'une telle ampleur, en adoptant des
règles de pondération de nature à conserver une
légitimité au processus de décision dans une Union
élargie.
E. LES FORMULES ENVISAGEABLES
Les formules envisageables pour parvenir à corriger au moins en partie les inconvénients de la pondération actuelle ont été examinées par la présidence irlandaise dans le document intitulé " cadre général pour un projet de révision des traités " qu'elle a présenté en décembre 1996 :
Les éventualités envisagées par la présidence irlandaise
A. Nouvelle pondération des voix au sein du Conseil
Si l'on se mettait d'accord sur une nouvelle pondération, cela pourrait
se faire, essentiellement, de trois manières :
1) proportionnellement à la population de chaque Etat membre ;
2) en classant les Etats membres dans un certain nombre de grandes
catégories en fonction de l'importance de leur population, chacune de
ces catégories disposant d'un certain nombre de voix ;
3) en adaptant les chiffres de manière plus ou moins arbitraire -par
exemple en retirant une voix à chaque Etat membre, ce qui jouerait en
faveur des Etats membres les plus grands en tant que groupe.
B. L'instauration d'une certaine forme de double majorité
Certains ont suggéré une autre formule, qui consisterait à
instaurer un système de double majorité dans le processus de
décision du Conseil. Selon la présidence, cela pourrait se faire
de deux manières :
1) exiger, pour qu'une décision soit adoptée par le Conseil, en
plus d'une majorité qualifiée de voix pondérées,
que les votes positifs aient été émis par des membres
représentant un certain pourcentage de la population de l'Union ;
2) exiger, pour qu'une décision soit adoptée par le Conseil, le
soutien d'Etats membres représentant un certain pourcentage de la
population, ainsi que le soutien d'un nombre déterminé de membres
du Conseil.
Si cette formule devait être retenue, il faudrait examiner quels
devraient être ce pourcentage de la population et ce nombre d'Etats
membres.
A titre de variante, on pourrait prévoir qu'une minorité de
blocage puisse consister soit, comme actuellement, en un nombre
déterminé de voix pondérées, soit en un nombre
déterminé d'Etats membres représentant un certain
pourcentage de la population.
La question du seuil
La deuxième question évoquée -le seuil nécessaire
pour atteindre une majorité qualifiée (avec son corollaire, le
nombre de voix requis pour constituer une minorité de blocage)- a fait
l'objet d'un accord à Ioannina en mars 1994. Si cette question a
été mentionnée au cours des discussions, la
conférence ne l'a pas encore examinée en détail. Selon
certains, le seuil pour atteindre une majorité qualifiée doit
être relevé dès maintenant, même dans la
Communauté à quinze, et cela sera d'autant plus nécessaire
dans le contexte de l'élargissement. D'autres considèrent que, si
l'on veut avoir une procédure de décision qui fonctionne
efficacement, le seuil actuel, ou son équivalent dans une Union
élargie, devrait être conservé, voire
légèrement abaissé.
Calendrier
Il reste à examiner la question de savoir si une éventuelle
décision sur une modification de la pondération des voix ou
l'instauration d'un système de double majorité, en cas d'accord
sur l'une de ces formules, devrait prendre effet au moment de la ratification
du résultat de la conférence ou seulement à mesure que se
produisent les élargissements successifs.
Dans les discussions, la France s'est opposée au système de la
" double majorité ".
Dans ce système, le seuil actuel de la majorité qualifiée
(approximativement 71 % des voix) est conservé, de même que la
pondération actuelle, mais s'y ajoute une condition de majorité
démographique (55 % ou 60 % de la population de l'Union) ; une variante
de ce système consiste à prévoir que la majorité
qualifiée est constituée par un nombre minimum d'Etats membres
(toute pondération disparaissant) et une condition de majorité
démographique (là encore, de l'ordre de 55 ou 60 %).
Le système de la " double majorité " présente
certains avantages : il permet de contourner la difficulté
politique d'une repondération, puisqu'aucun " petit " Etat
ne
voit sa représentation relative diminuer ; par ailleurs, il permet,
malgré l'élargissement, de conserver toujours le même seuil
démographique. On peut rappeler, à cet égard, que la
majorité qualifiée représentait de fait au minimum 63 % de
la population de l'Union lorsque celle-ci comportait 12 Etats membres, et
qu'elle n'en représente plus que 58 % dans l'Union à quinze.
Ainsi, fixer une fois pour toutes une condition démographique de l'ordre
de 60 % permettrait d'éviter toute nouvelle dégradation de la
légitimité du Conseil quels que soient les nouveaux
élargissements, et même de réaliser un léger
progrès par rapport à la situation actuelle.
Toutefois, le Gouvernement a estimé qu'un tel système
présentait deux inconvénients majeurs, pesant plus lourds que ses
avantages.
Tout d'abord, un mécanisme de " double majorité "
romprait la règle de l'égalité entre " grands "
Etats, qui a été déjà battue en brèche dans
le cas du Parlement européen : l'Allemagne, avec 81 millions
d'habitants, pèserait dans un tel système sensiblement plus lourd
que la France, l'Italie ou la Grande-Bretagne, toutes trois autour de 58
millions d'habitants ; elle pèserait par ailleurs plus de deux fois plus
lourd que l'Espagne (39 millions). Il y aurait là une atteinte aux
équilibres politiques de l'Union.
Ensuite, un mécanisme de double majorité serait difficile
à mettre en oeuvre. Il compliquerait le processus de décision et
pourrait donner lieu, dans certains cas, à des contestations.
Ces arguments ont eu un écho certain, et il paraît aujourd'hui
assez improbable qu'un système de " double majorité "
soit retenu, même si dans un tel domaine, c'est manifestement le Conseil
européen d'Amsterdam qui effectuera les arbitrages.
F. LES PROPOSITIONS DE LA PRÉSIDENCE NÉERLANDAISE
1. Les documents préparatoires
La présidence néerlandaise a
présenté, le 11 février puis le 3 avril, des notes
sur la nouvelle pondération des voix et le seuil de la majorité
qualifiée.
L'intérêt de ces documents est tout d'abord de reconnaître
l'existence du problème, que certains Etats avaient longtemps
nié. Ils montrent en effet que la majorité qualifiée en
nombre de voix, qui représente de fait au minimum 58 % de la population
de l'Union à quinze, pourrait ne représenter que 50 % de la
population d'une Union élargie à l'Est.
Ces données sont retracées dans le tableau ci-dessous :
Evolution de la majorité qualifiée en termes de minimum de population (1( * ))
|
12 Etats membres |
15 Etats membres |
26 Etats membres |
Total des voix au Conseil |
76 |
87 |
132 |
Majorité qualifiée, en nombre de voix |
54 |
62 |
94 |
Majorité qualifiée, en pourcentage du total des voix au Conseil |
71,05 |
71,26 |
71,21 |
Majorité qualifiée, en nombre minimum d'habitants requis (millions d'habitants) |
203,73 |
216,300 |
240,308 |
Coalition minimum d'Etats membres |
France, Royaume-Uni, Belgique, Grèce, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Danemark, Irlande |
France, Italie, Espagne, Belgique, Grèce, Portugal, Autriche, Suède, Danemark, Irlande, Finlande, Luxembourg |
Italie, Pologne, Roumanie, Pays-Bas, Grèce, République tchèque, Belgique, Hongrie, Portugal, Suède, Bulgarie, Autriche, Slovaquie, Danemark, Finlande, Lituanie, Irlande, Lettonie, Estonie, Chypre, Luxembourg |
Majorité qualifiée, en pourcentage de la population totale de l'Union |
63,21 |
58,30 |
50,29 |
Il est à noter, ensuite, que ces documents font droit,
dans une certaine mesure, aux arguments de la France. La présidence
néerlandaise souligne en effet que
" pour choisir la meilleure
solution, il pourrait être utile de tenir compte de certains
critères permettant d'évaluer chaque solution : la
nécessité d'établir des procédures simples et
transparentes, l'efficacité du processus de prise de décisions
(c'est-à-dire réduire les risques d'impasse) et
l'acceptabilité politique d'une solution ".
Enfin, la présidence observe que
" la tendance
générale est de maintenir le statu quo en ce qui concerne le
seuil de pourcentage de voix nécessaire pour atteindre une
majorité qualifiée ".
En d'autres termes, une
majorité de 71 % des voix resterait le seuil nécessaire pour
constituer la majorité qualifiée. Il s'avère ainsi que les
Etats membres qui s'étaient efforcés, lorsque l'Union est
passée de douze à quinze membres, de rendre plus facile
l'obtention d'une minorité de blocage, ont renoncé de fait
à poursuivre dans cette voie. (Au demeurant, il semble que le
" compromis de Ioannina ", si difficilement négocié,
n'ait jamais joué).
2. Les solutions envisagées
Au tout début du mois de mai, la présidence
néerlandaise a présenté des propositions précises,
en s'appuyant sur le fait qu'il existait
" un accord
général sur la nécessité de veiller à ce que
la future majorité qualifiée corresponde à un pourcentage
minimal de la population ".
La présidence néerlandaise ne tranche pas entre l'introduction
d'une " double majorité " et une nouvelle pondération
des votes, mais donne une formulation détaillée de chacune des
solutions.
a) Deux variantes pour la " double majorité "
Pour le système de la " double
majorité ", deux formules sont envisagées :
- dans la première, la pondération actuelle serait
conservée et, en cas d'élargissement, extrapolée aux
nouveaux membres ; le seuil de la majorité qualifiée serait
conservé à son niveau actuel (71 % des voix) ; une condition
démographique serait ajoutée, à savoir que les Etats
émettant un vote positif regroupent 60 % au moins de la population
de l'Union ;
- dans la seconde, la majorité qualifiée serait obtenue par le
vote positif d'une majorité d'Etats membres (ce qui revient à
supprimer toute pondération) représentant au moins 60 % de la
population de l'Union.
b) Deux variantes pour la nouvelle pondération
La présidence néerlandaise présente
également deux variantes pour une nouvelle pondération :
- dans la première (variante A), le nombre des voix des Etats les plus
peuplés serait augmenté, la pondération restant la
même pour les petits Etats. L'Allemagne, la France, l'Italie et le
Royaume-Uni passeraient ainsi de 10 à 12 voix, l'Espagne de 8 à 9
voix, et les Pays-Bas de 5 à 6 voix. Cette nouvelle pondération
aurait une incidence, dans la perspective de l'élargissement à
l'Est, sur le nombre de voix de la Pologne (qui serait dans la même
situation que l'Espagne) et sur le nombre de voix de trois
" petits "
Etats de moins de trois millions d'habitants (Slovénie, Estonie,
Lettonie) qui, avec deux voix, seraient assimilés aux Etats les moins
peuplés, le Luxembourg et Chypre. Avec cette nouvelle
pondération, dans l'Union actuelle, la majorité qualifiée
s'établirait à 69 voix sur 97 ; dans l'Union élargie de
vingt-six membres, elle s'établirait à 100 voix sur 140 ;
- dans la deuxième (variante B), le nombre des voix de tous les Etats
serait augmenté, l'augmentation étant plus forte pour les Etats
les plus peuplés. Le nombre des voix serait multiplié par 2,5
pour l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni ; par 2,4
pour les Pays-Bas, et par 2 pour les autres Etats membres, sauf le Luxembourg
pour lequel le coefficient multiplicateur serait de 1,5. L'application de ces
règles aux pays candidats d'Europe de l'Est conduirait pour tous ces
Etats à une multiplication par deux du nombre obtenu par extrapolation
de la pondération actuelle, sauf dans le cas de la Pologne, pour
laquelle le coefficient multiplicateur serait de 2,5, et dans le cas de la
Slovénie, de l'Estonie et de la Lettonie qui, dans cette variante
également, seraient assimilés au Luxembourg et à Chypre.
Avec cette pondération, dans l'Union actuelle, la majorité
qualifiée s'établirait à 142 voix sur 199 ; dans l'Union
élargie de vingt-six membres, elle s'établirait à 201 voix
sur 283.
Ces propositions sont retracées dans le tableau ci-dessous :
Etats |
Nombre de voix actuel |
Population
|
Nombre de voix révisé
|
Nombre de voix révisé
|
Adhérents actuels |
||||
Belgique |
5 |
10,1 |
5 |
10 |
Danemark |
3 |
5,2 |
3 |
6 |
Allemagne |
10 |
81,3 |
12 |
25 |
Grèce |
5 |
10,4 |
5 |
10 |
Espagne |
8 |
39,2 |
9 |
20 |
France |
10 |
58 |
12 |
25 |
Irlande |
3 |
3,5 |
3 |
6 |
Italie |
10 |
57,2 |
12 |
25 |
Luxembourg |
2 |
0,4 |
2 |
3 |
Pays-Bas |
5 |
15,3 |
6 |
12 |
Portugal |
5 |
9,8 |
5 |
10 |
Royaume-Uni |
10 |
58,3 |
12 |
25 |
Autriche |
4 |
8 |
4 |
8 |
Finlande |
3 |
5 |
3 |
6 |
Suède |
4 |
8,7 |
4 |
8 |
Sous-total adhérents actuels |
87 |
370,4 |
97 |
199 |
Adhérents futurs (extrapolation) |
||||
Hongrie |
5 |
10,3 |
5 |
10 |
Pologne |
8 |
38,5 |
9 |
20 |
Slovaquie |
3 |
5,3 |
3 |
6 |
République tchèque |
5 |
10,3 |
5 |
10 |
Bulgarie |
4 |
8,4 |
4 |
8 |
Roumanie |
6 |
22,8 |
6 |
12 |
Slovénie |
3 |
1,9 |
2 |
3 |
Estonie |
3 |
1,5 |
2 |
3 |
Lettonie |
3 |
2,6 |
2 |
3 |
Lituanie |
3 |
3,7 |
3 |
6 |
Chypre |
2 |
0,7 |
2 |
3 |
Sous-total adhérents futurs |
45 |
106,5 |
43 |
84 |
Total général |
132 |
476,7 |
140 |
283 |
Il est clair que la variante B pour la nouvelle
pondération est la plus intéressante. Elle permettrait en effet
de stopper la dégradation de la légitimité
démographique du processus de décision : elle conduirait,
dans une Union élargie comptant vingt-six membres, à ce que la
majorité qualifiée représente de fait au minimum
57,7 %
de la population de l'Union, ce qui est très proche
du niveau actuel, soit
58,3 %
. (Rappelons que, sans une nouvelle
pondération, cette représentation tomberait à
50,3 %
dans une Union à vingt-six).
Par ailleurs, avec la variante B, la population minimum
représentée par la minorité de blocage augmenterait par
rapport à la situation actuelle où elle est de
12,3 %
de la population de l'Union, pour s'établir à
14,5 %
(alors que, sans nouvelle pondération, elle tomberait à
11,5 %
).
Enfin, la variante B présente un avantage psychologique : bien
qu'étant très légèrement plus favorable aux
" grands " Etats que la variante A, elle a le mérite
d'augmenter le nombre de voix de tous les Etats, ce qui montre bien qu'il
s'agit de corriger des distorsions pour préserver ou restaurer un
équilibre, et non pas de renforcer les " grands " Etats par
rapport aux " petits ".
La variante A, qui ne présente pas cet intérêt
psychologique, apporte en outre des garanties de représentativité
un peu moindres. Dans la variante A, la majorité qualifiée
représenterait de fait au minimum
56,5 %
de la population
d'une Union à vingt-six, tandis que la minorité de blocage en
représenterait
13 %
au minimum : ces chiffres
constitueraient certes un progrès par rapport au résultat
qu'entraînerait le maintien des règles actuelles, mais le
désavantage par rapport à la variante B n'est pas minime.
Pour autant, il convient de souligner que la variante B, la plus favorable,
reste une formule de compromis qui aboutirait seulement à
stabiliser
approximativement la représentativité
démographique de la majorité qualifiée, par rapport
à ce qu'elle est aujourd'hui. En conséquence, accepter une
formule moins favorable reviendrait à entériner la perspective
d'une dégradation de cette représentativité. Il est donc
souhaitable que les négociateurs français continuent à se
montrer très vigilants dans ce domaine qui est " sensible "
pour
tous
les Etats - puisqu'il s'agit de la légitimité
des décisions de l'Union - et non pas seulement pour les Etats que les
règles actuelles favorisent.
II. L'EXTENSION DU VOTE À LA MAJORITÉ QUALIFIÉE
Le problème du vote à la majorité se pose
de manière spécifique pour chacun des trois piliers de l'Union :
- dans le
premier pilier
, la plupart des décisions sont
déjà prises à la majorité qualifiée :
toutefois, cette règle subit des exceptions, relativement peu
nombreuses, mais importantes. Un large accord existe pour maintenir certaines
de ces exceptions ; la plupart des Etats membres sont en principe favorables
à la suppression des autres, mais il est difficile d'obtenir un accord
unanime dès lors que l'on passe à un examen au cas par cas ;
- dans le
deuxième pilier
, des propositions sont avancées
pour que soient prises à la majorité qualifiée les mesures
d'application des décisions politiques arrêtées d'un commun
accord par les Etats membres ;
- dans le
troisième pilier
, un accord paraît se dessiner
pour introduire le vote à la majorité qualifiée pour une
partie des décisions, celles concernant la libre circulation des
personnes et certaines mesures corrélatives, mais un accord unanime sur
ce point ne pourra manifestement être obtenu qu'en accordant des clauses
d'"
opting out
" à certains Etats qui souhaitent
rester
en dehors du dispositif communautaire dans ce domaine.
A. LE PREMIER PILIER
Au mois de février, la présidence néerlandaise a présenté un document sur l'extension du vote à la majorité qualifiée dans le premier pilier.
1. Une liste négative
Afin de faciliter les négociations, ce texte
présente tout d'abord une liste
négative
de domaines qui
resteraient régis par l'unanimité :
- les dispositions à caractère " constitutionnel " ou
" quasi constitutionnel ",
- les dispositions constituant des dérogations aux règles du
marché intérieur,
- les dispositions ayant un impact direct sur le budget des Etats membres.
Cette liste est retracée ci-dessous :
Dispositions pour lesquelles l'unanimité devrait rester la règle |
|
A - Dispositions à caractère constitutionnel ou quasi-constitutionnel |
|
Article 8 B |
Droit de vote et d'éligibilité aux élections du Parlement européen et aux élections municipales |
Article 8 E |
Droits de citoyenneté complémentaires |
Article 136 |
Associations des pays et territoires d'outre-mer |
Article 138 par.3 |
Adoption d'une procédure électorale uniforme pour le Parlement européen |
Article 145 |
Principes et règles de l'exercice des pouvoirs d'exécution conférés à la Commission |
Article 157 par.1 |
Modification du nombre des membres de la Commission |
Article 159 |
Non remplacement d'un membre de la Commission |
Articles 165,166 |
Augmentation du nombre des juges de la Cour de justice et des avocats généraux |
Article 189 A |
Modification d'une proposition de la Commission (y compris les dispositions des articles 189 B, paragraphe 3 (procédure de codécision, deuxième lecture) et 189 C, point d) et e) (procédure de coopération, deuxième lecture) |
Article 201 |
Dispositions relatives au système des ressources propres |
Article 217 |
Régime linguistique des institutions |
Article 227 |
Territoires d'outre-mer |
Article 228, par.2 |
Conclusion i) d'accords portant sur un domaine pour lequel l'unanimité est requise pour l'adoption des règles internes et ii) d'accords d'association (article 238) |
Article 235 |
Réalisation d'un objet de la Communauté sans que soient prévus les pouvoirs d'action requis à cet effet |
Article O, 1 er al. |
Adhésion de nouveaux Etats membres |
B - Dispositions relatives aux dérogations aux règles du marché intérieur |
|
Article 73C, par. 2 dernière phrase |
Mesures constituant un pas en arrière en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux |
Article 75, par.3 |
Mesures spéciales concernant les transports |
Article 93, par.2 |
Dérogations aux dispositions sur les aides d'Etat de l'article 92 ou 94 |
Article 223 |
Commerce des armes |
C - Dispositions ayant un impact direct sur le budget des Etats membres |
|
Article 51 |
Sécurité sociale |
Article 99 |
Fiscalité |
Article 121 |
Sécurité sociale |
Article 130 D |
Fonds structurels |
2. Une liste positive
Le document de la présidence énumère
ensuite les dispositions actuellement régies par l'unanimité pour
lesquelles le vote à la majorité qualifiée pourrait
être introduit :
Dispositions susceptibles de constituer une base de travail pour l'examen d'une extension éventuelle du vote à la majorité qualifiée |
|
Article 8 A |
Droit de circulation et de séjour |
Article 45, par.3 |
Paiements compensatoires pour les importations de matières premières |
Article 57, par.2 |
Modification des principes législatifs du régime des professions dans un Etat membre |
Article 100 |
Rapprochement des législations pour le marché commun lorsque l'article 100 A n'est pas applicable |
Article 128 |
Culture |
Article 130 |
Industrie |
Article 130 B |
Actions spécifiques en dehors des fonds structurels |
Article 130 I, par.1 |
Adoption du programme-cadre de recherche |
Article 130 O |
Création d'entreprises communes pour la recherche et le développement technologique |
Article 130 S, par.2 |
Environnement |
Article 151, par.2 |
Nomination du Secrétaire général du Conseil |
Article 168A, par.2 et 4 |
Détermination des catégories de recours que le tribunal de première instance est chargé de connaître et approbation de son règlement de procédure |
Article 188 |
Modification du titre III du statut de la Cour de justice et approbation de son règlement de procédure |
Article 188B |
Nomination des membres de la Cour des comptes |
Article 194 |
Nomination des membres du Comité économique et social |
Article 198 A |
Nomination des membres du Comité des régions |
Article 198 B |
Approbation du règlement intérieur du Comité des régions |
Article 209 |
Règlement financier |
Dans un document complémentaire, présenté
en avril, la présidence néerlandaise a suggéré de
compléter cette liste positive en y ajoutant, d'une part, les
règles applicables en matière de
sécurité
sociale
aux travailleurs qui se déplacent dans l'Union (article 51
du traité), et d'autre part, certaines
mesures fiscales
:
- les dispositions se rapportant aux systèmes d'imposition communautaire
en vigueur ;
- les mesures relatives à l'harmonisation complète de la TVA dans
un secteur d'activité limité, dans la mesure où le
fonctionnement du marché intérieur exige des conditions
égales de concurrence dans le secteur concerné ;
- les mesures nécessaires en vue d'éliminer tout obstacle de
nature fiscale à la libre circulation de biens et services à
l'intérieur de l'Union européenne ;
- les mesures relatives à l'administration des systèmes de taxes
harmonisés et permettant de renforcer la coopération
administrative et l'assistance mutuelle entre les Etats membres
nécessaires à cet effet ;
- les mesures nécessaires pour lutter contre la fraude fiscale,
éliminer les doubles impositions, et d'une manière
générale, supprimer les discriminations ou restrictions à
la libre circulation des travailleurs, à la liberté
d'établissement et de prestation des services et à la libre
circulation des capitaux, qui ont pour origine les disparités entre les
législations relatives à l'imposition des revenus.
3. Une négociation difficile
La France s'est prononcée pour une extension importante
du champ des décisions à la majorité qualifiée dans
le premier pilier, sous réserve d'une repondération des votes au
Conseil, notamment en matière de recherche, de culture, d'industrie, de
transports, de fonds structurels ; mais cette position est loin de
refléter un sentiment dominant parmi les délégations.
Certaines des décisions en cause ont en effet des incidences
financières importantes et la perspective d'un abandon de
l'unanimité suscite des inquiétudes aussi bien chez certains pays
contributeurs net que chez certains pays bénéficiaires net.
Par ailleurs, l'introduction, même limitée à certains
domaines, de la fiscalité dans les matières régies par la
majorité qualifiée est repoussée par la plupart des Etats
membres, dont la France.
La CIG semble ainsi s'orienter vers une extension relativement limitée
du vote à la majorité dans le premier pilier.
Une solution de rechange pourrait résider dans le développement
éventuel de " coopérations renforcées "
permettant à certains Etats membres de réaliser ensemble des
approfondissements de la construction européenne dans des domaines
précis ; l'exigence d'unanimité se trouverait alors en quelque
sorte contournée. Cependant, les Etats inquiets de cette
possibilité de contournement ont obtenu que d'éventuelles
" coopérations renforcées " dans le premier pilier
soient soumises à des conditions rigoureuses qui risquent d'en rendre
difficile la mise en place ; en outre, certains Etats persistent à
demander que ces " coopérations renforcées " soient
soumises à une autorisation accordée à l'unanimité
par le Conseil. Dans ces conditions, il semble que le recours à la
" flexibilité " ne puisse aisément servir de substitut
à l'extension de la majorité qualifiée.
Finalement, on peut se demander si, pour les matières du premier pilier,
le traité de Maastricht n'a pas déjà fait l'essentiel du
chemin possible au stade actuel de la construction européenne, ne
laissant à l'actuelle CIG qu'une marge de progrès relativement
limitée. Seule une forte impulsion politique pourrait modifier les
données du problème ; on ne la voit pas de dessiner pour
l'instant.
B. LE DEUXIEME PILIER
Tenant compte, d'une part, du " cadre
général pour un projet de traité "
présenté par la présidence irlandaise au Conseil
européen de Dublin, et d'autre part des propositions avancées
ensuite par les différentes délégations- notamment la
délégation française- la présidence
néerlandaise a présenté au début du mois de mai un
document proposant d'introduire le vote à la majorité
qualifiée pour certaines des décisions prises dans le cadre du
deuxième pilier,
les décisions ayant des implications en
matière de défense étant en tout état de cause
prises à l'unanimité
.
La proposition de la présidence néerlandaise distingue deux cas
de figure.
Premier cas
: le Conseil européen (qui statue toujours par
consensus) a adopté une " stratégie commune ",
c'est-à-dire, dans un domaine où les Etats membres ont des
intérêts communs importants, un ensemble d'objectifs assortis de
l'indication des moyens nécessaires pour les mettre en oeuvre. Dans ce
cas, le Conseil peut adopter à la majorité qualifiée, pour
appliquer la " stratégie commune " :
- des " actions communes ". Celles-ci
" définissent les
objectifs de l'Union et les moyens à mettre à sa disposition dans
certaines situations où une action opérationnelle est
jugée nécessaire " ;
- des " positions communes ", qui " définissent la
position globale de l'Union sur une question particulière de nature
géographique ou thématique ".
Deuxième cas
: le Conseil européen n'a pas adopté
de " stratégie commune " pour le domaine
considéré. Dans ce cas, le Conseil ne peut adopter des
" actions communes " ou des " positions
communes "
qu'à l'unanimité. Des abstentions n'empêchent pas la
décision, sauf si des pays représentant plus du tiers des voix
assortissent leur abstention d'une déclaration formelle.
Enfin,
dans tous les cas
, les décisions prises pour la mise en
oeuvre d'une action commune ou d'une position commune sont adoptées
à la majorité qualifiée.
Dans un tel schéma, l'unanimité -qu'elle se dégage au
départ au sein du Conseil européen ou à l'échelon
du Conseil- est toujours à la base de l'action de l'Union, le vote
à la majorité qualifiée intervenant pour l'application des
choix politiques arrêtés en commun.
Ainsi encadrée, une introduction limitée de la majorité
qualifiée dans le deuxième pilier semble acceptée par bon
nombre de délégations, mais le principe même de la
majorité qualifiée dans un tel domaine suscite des
réserves chez certains Etats membres depuis le lancement de la CIG.
C. LE TROISIEME PILIER
Les travaux des présidences irlandaise, puis
néerlandaise, ont permis que se dégage un schéma
d'évolution du troisième pilier comportant trois aspects :
- tout d'abord, l'intégration au traité sur l'Union
européenne des accords de Schengen, sous la forme d'un protocole
annexé qui constituerait une " coopération
renforcée " entre treize Etats membres sur quinze, le Royaume-Uni
et l'Irlande restant en dehors du processus Schengen.
L'" acquis " de
ce dernier serait intégralement conservé (y compris l'accord avec
l'Islande et la Norvège, non membres de l'Union).
- ensuite, le transfert au premier pilier d'une partie des matières
relevant actuellement du troisième pilier, à savoir les mesures
relatives à la mise en oeuvre de la libre circulation des personnes
(règles pour le franchissement des frontières intérieures
et extérieures de l'Union, politique en matière de visas, d'asile
et d'immigration). Ce transfert entraînerait pour ces matières
l'application, à terme, des règles de fonctionnement ordinaires
du premier pilier, y compris le vote à la majorité
qualifiée. Il convient de souligner toutefois que la France demande que
la levée de tout contrôle des personnes aux frontières
intérieures soit décidée à l'unanimité, le
Conseil ayant préalablement constaté la réalisation des
mesures d'accompagnement nécessaires en matière de
sécurité.
- enfin, un renforcement du troisième pilier, de manière à
donner plus d'efficacité à la coopération judiciaire et
policière. Ce renforcement passerait en partie par des assouplissements
à la règle de l'unanimité. Tout d'abord, les Etats membres
pourraient établir des conventions qui s'appliqueraient dès lors
qu'elles auraient été ratifiées par une majorité
des Etats membres, pour les Etats ayant procédé à cette
ratification. Ensuite, il pourrait être dérogé à la
règle de l'unanimité pour certaines mesures. A cet égard,
la France propose en particulier que le Conseil adopte à la
majorité qualifiée un " socle législatif
commun " assurant l'harmonisation des incriminations et des sanctions
dans
le domaine de la criminalité organisée transnationale, du
terrorisme, de la consommation et du trafic de drogue.
La réforme du troisième pilier de l'Union pose des
problèmes complexes dans la mesure où il est difficile de
définir avec précision l'articulation des trois aspects du
schéma qui vient d'être évoqué. La mise au point
d'un texte complet et cohérent, qui serait susceptible de recueillir un
accord unanime, n'est pas encore achevée. Toutefois, il ressort
clairement du déroulement des négociations qu'il existe une
volonté largement partagée d'introduire le vote à la
majorité qualifiée sur certaines matières importantes qui,
dans le traité de Maastricht, restaient régies par
l'unanimité.
C'est donc finalement dans les domaines relevant jusqu'à présent
du troisième pilier que devrait se produire l'extension la plus
significative du champ des décisions à la majorité
qualifiée.
CONCLUSION
Votre rapporteur approuve le Gouvernement d'avoir
établi un lien entre un recours accru au vote à la
majorité qualifiée et une repondération des votes
destinée à mieux garantir la légitimité des
décisions du Conseil. Cette attitude a permis de placer chacun devant
ses responsabilités.
Cependant, de nouvelles règles de pondération sont en tout
état de cause nécessaires dans l'optique de
l'élargissement, sous peine de voir s'accentuer encore les distorsions
de représentation qui caractérisent d'ores et déjà
le Conseil.
Il est manifeste qu'un traité qui n'assurerait pas un progrès
dans ce domaine ne pourrait être considéré comme
satisfaisant, même si, compte tenu de la " sensibilité "
d'un tel sujet, on ne peut s'attendre qu'à un
rééquilibrage mesuré.
Au sujet de l'extension du vote à la majorité qualifiée,
la France a également fait preuve d'une audacieuse volonté de
réforme. Il s'avère cependant qu'il est difficile d'obtenir un
accord unanime sur des domaines précis, de telle sorte que les
avancées resteront sans doute relativement limitées dans le cas
des premier et deuxième piliers, et qu'elles ne seront importantes dans
le cas du troisième pilier qu'au prix de clauses d'"
opting
out
" pour certains Etats.
Dans ces conditions, il ne paraît pas acquis, aujourd'hui, que la CIG
parviendra à donner au fonctionnement de l'Union tout le surcroît
d'efficacité qui serait souhaitable dans l'optique de
l'élargissement.
EXAMEN PAR LA DELEGATION
La délégation s'est réunie le 28 mai
1997 pour l'examen du présent rapport.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Christian de La Malène
a déclaré partager
les interrogations figurant dans la conclusion du rapport. L'objectif de la
Conférence intergouvernementale, a-t-il poursuivi, est
d'améliorer l'efficacité des institutions pour que
l'élargissement à l'Est s'effectue dans de bonnes conditions. Une
pondération plus juste, mieux équilibrée, est une des
conditions de cette meilleure efficacité. Or, il paraît
vraisemblable que la CIG parviendra tout au plus à limiter la
dégradation de la représentativité du Conseil. Dès
lors, a-t-il conclu, le nouveau traité va étendre le champ du
vote à la majorité qualifiée sans revoir suffisamment la
pondération des votes, ce qui montre une fois de plus que le souci
d'efficacité n'est pas suffisamment au centre des préoccupations.
M. Robert Badinter
a souligné que, dans le cas précis du
troisième pilier, l'élargissement à l'Est paraissait
particulièrement difficile à concilier avec l'amélioration
de l'efficacité, sauf à maintenir une certaine fragmentation de
l'espace européen.
M. Pierre Fauchon
a plaidé pour que le vote à la
majorité qualifiée s'applique à l'ensemble des
décisions du troisième pilier. Alors que la délinquance
s'est en quelque sorte " communautarisée ", la réponse
à la délinquance est restée fondée sur des
procédures intergouvernementales peu efficaces. Les difficultés
du deuxième pilier ont déteint sur le troisième.
M. Jacques Genton
a souhaité que les préoccupations de la
délégation soient portées en temps utile à la
connaissance du Gouvernement par voie de lettre. Il a souligné que le
Sénat assurait présentement la continuité du
contrôle parlementaire.
M. James Bordas
a déclaré que, sans sombrer dans le
pessimisme, on pouvait s'interroger sur la possibilité de réunir
l'unanimité pour réaliser l'ensemble des avancées qui
seraient nécessaires pour disposer d'institutions restant efficaces
malgré l'élargissement. Il a estimé probable que la
Conférence fasse seulement une partie du chemin.
Puis, après un large échange de vues, la
délégation a autorisé à l'unanimité la
publication du présent rapport.
(1) En maintenant le système de pondération actuel et en l'extrapolant à une Union de vingt-six Etats membres.