2. La commission des Affaires économiques, de la Science, de la Technologie et de l'Environnement
La " deuxième commission " s'est
réunie les 6 et 7 juillet sous la présidence de M. Jacques FLOCH
(France).
Le 6 juillet, elle a examiné le rapport et le projet de
résolution présentés par M. William KELLY (Canada) sur
" les faits nouveaux survenus en Europe centrale et dans la CEI en
matière d'économie et d'environnement et leurs incidences pour la
sécurité dans la région de l'OSCE ".
Le rapport de M. KELLY souligne la diversité des situations en Europe
centrale et orientale :
- certains Etats avaient connu une économie de marché
relativement avancée avant leur intégration au bloc
soviétique ;
- après la disparition de ce bloc, certains Etats ont adopté un
" traitement de choc " tandis que d'autres pratiquaient le
gradualisme ;
- certains Etats en transition ont d'ores et déjà renoué
avec la croissance tandis que d'autres sont encore en récession ;
- l'inflation est généralisée, mais relativement
maîtrisée dans certains pays alors que d'autres sont
guettés par l'hyperinflation ;
- les taux de chômage sont très variables selon les pays.
Le rapport constate par ailleurs que les investissements directs
étrangers sont faibles, très inférieurs aux
prévisions.
Il aborde ensuite le coût social de la transition, qu'il juge très
élevé dans la plupart des pays, avec une baisse du taux de
scolarisation et une nette diminution de l'espérance de vie
(augmentation de la mortalité infantile, de la morbidité, des
suicides).
Le rapport se félicite que, malgré ces conditions très
défavorables, aggravées dans certains cas par l'existence de
tensions ethniques, "
le public continue à approuver les
libertés qui caractérisent une démocratie
".
Puis il recommande que le rythme de la transition économique soit choisi
en tenant compte du coût social qu'elle entraîne, plaide pour le
maintien de l'assistance technique occidentale et pour un développement
des échanges entre les pays de la région.
Le rapport aborde ensuite le problème de la dégradation de
l'environnement en soulignant ses enjeux en termes de sécurité
:
" La dégradation de l'environnement à l'échelle
régionale ou locale en Europe orientale et dans l'ex-Union
soviétique risque de constituer une menace pour la
sécurité traditionnelle de trois manières
différentes. Premièrement, comme c'est le cas des effets de la
régression économique, la dégradation de l'environnement
peut provoquer une baisse de qualité de vie de la population et
contribuer ainsi à des troubles sociaux et à une
instabilité politique. Deuxièmement, la pollution
transfrontière que ce soit par le sol, les cours d'eau ou la mer peut
créer des conflits entre Etats car la qualité de l'air, de l'eau
et du sol d'un pays subit les effets négatifs des actions d'un autre
pays. Enfin, le fait de se disputer des ressources naturelles qui se
raréfient peut devenir source de différends et, dans les cas
extrêmes, de conflits entre Etats ".
En conséquence, il plaide pour le développement d'une assistance
technologique et pour l'harmonisation des règles relatives à
l'environnement en Europe occidentale et orientale.
Lors du débat qui s'est déroulé à la suite de la
présentation du rapporteur, de nombreux délégués
sont intervenus.
Les délégués du Kazakhstan, d'Ukraine, d'Azerbaïdjan,
de la République de Biélorussie et de Lettonie ont
évoqué les réformes que leurs pays avaient entreprises au
cours des dernières années et les difficultés qu'ils
rencontraient dans leur mise en oeuvre.
A l'issue de ces interventions, le rapporteur a souligné que la mise en
place de structures juridiques, financières et administratives
adaptées à l'économie de marché était une
priorité. Les délégués des pays en transition ont
également souligné l'acuité des problèmes sociaux
à la suite des difficultés de paiement des salaires et des
retraites. La situation catastrophique de la mer d'Aral, le drame de
Tchernobyl, ont suscité de la part des délégués du
Kazakhstan et d'Ukraine une demande d'assistance.
A propos de la nécessité d'harmoniser les normes en
matière d'environnement entre l'Europe occidentale et orientale, M.
Martin NILSSON (Suède) a proposé que cette harmonisation
s'effectue au niveau le plus élevé possible. En revanche, M.
Jean-François LEUBA (Suisse), s'il a trouvé intéressante
la proposition du rapporteur relative au respect des normes écologiques
de leurs propres pays par les entreprises occidentales qui construisent dans
les pays en transition des installations industrielles, en a souligné la
difficulté d'application en raison de la concurrence.
Plusieurs délégués, ceux de la Suède et de Suisse
notamment, ont regretté que la lutte contre la criminalité
organisée ne soit pas évoquée dans le rapport. M. KELLY
leur a répondu que ce point avait déjà été
abordé dans son rapport présenté à la session
d'Ottawa.
M. Jean-François LEUBA (Suisse), favorable au passage progressif de
l'économie planifiée à l'économie de marché,
a cité les très bons résultats des pays de Visegrad dont
le rythme des réformes a été très rapide. Sur ce
point, M. KELLY a précisé que les conditions de départ
étaient favorables à l'adoption d'un tel rythme.
Sir Peter EMERY (Royaume-Uni), après avoir noté que les travaux
de la commission s'orientaient dans la même direction que ceux du
IVème Forum économique de l'OSCE qui s'est tenu à Prague,
du 27 au 29 mars 1996, a regretté que les crises bancaires survenues en
Russie et en Roumanie aient ébranlé la confiance des populations
dans le système bancaire et celle des investisseurs étrangers qui
restent réticents à des opérations d'investissements dans
ces pays. Il a également évoqué la sous-estimation des
coûts sociaux de la transition.
La discussion du projet de résolution de M. William KELLY, reprenant
l'ensemble des propositions de son rapport, établissant d'une part, les
priorités des pays réformateurs, et d'autre part les mesures de
coordination et de coopération, s'est déroulée dans un
climat très consensuel.
Ainsi, à l'exception d'un amendement invitant la Norvège à
procéder à l'arrêt de la chasse à la baleine, les
sept amendements déposés par la Délégation
française, à l'initiative de MM. Jacques FLOCH et Jean-Claude
LEFORT, ont été adoptés.
Deux de ces amendements portaient plus particulièrement sur la dimension
écologique de la résolution. Le premier rappelle :
" que
la pollution transfrontalière et l'inégale répartition des
ressources naturelles peuvent être sources de tension, voire de conflits,
entre pays voisins ".
Le second recommande la prise en compte des
travaux entrepris dans le cadre du processus
" Environnement pour
l'Europe ".
Concernant les priorités pour les pays réformateurs, un
amendement invite les gouvernements des Etats réformateurs à
recourir
" au dialogue social entre les responsables politiques et
les
acteurs économiques et sociaux de la transition "
pour obtenir
l'assentiment du public sur les mesures économiques et politiques que
prennent ces Etats.
Un autre amendement demande aux gouvernements de conduire des politiques de
nature à éviter la marginalisation de groupes de population sur
des bases ethniques ou régionales.
Les trois autres amendements invitent l'OSCE à appuyer l'action des
organisations économiques régionales à l'égard des
pays en transition dans la collecte des données sur les
difficultés sociales et dans l'identification des situations
économiques et sociales qui peuvent être sources de tension, et
recommandent à l'OSCE
" de tirer pleinement parti de
l'expérience et des moyens de la commission économique des
Nations-Unies pour l'Europe en renforçant sa coopération avec
cette dernière et en recourant à son expertise ".
Au total, 37 amendements au projet de résolution de M. William
KELLY ont été adoptés, la plupart d'entre eux soulignant
le rôle essentiel des organisations internationales dans l'accompagnement
des réformes.
Le texte adopté par la commission a été
intégralement repris dans la déclaration finale.
La commission des affaires économiques a consacré la seconde
journée de ses travaux à la proposition pour une initiative en
vue d'une
" charte économique de l'OSCE "
présentée par Mme Rita SUSSMUTH (Allemagne), rapporteur
spécial.
Mme SUSSMUTH a rappelé que c'est à l'occasion de la session
annuelle d'Ottawa de juillet 1995 qu'avait été donné
mandat à la commission des affaires économiques d'élaborer
un projet de charte économique de l'OSCE.
Elle a précisé le cadre de cette démarche en
déclarant que l'OSCE ne devait pas répéter les travaux
d'autres organisations internationales, et son contenu : la charte
économique de l'OSCE devrait fixer des normes minimales.
Le rapporteur spécial a évoqué les discussions
menées au cours de l'année avec plusieurs membres de la
commission des affaires économiques et indiqué que le texte
qu'elle présentait tenait compte des suggestions de MM. William
KELLY, Thomas JEZEK (Pologne) et Jacques FLOCH.
Ce texte s'inscrit dans le contexte du débat actuel sur un modèle
de sécurité pour le XXIème siècle et souligne
l'urgence de l'examen de la contribution que la dimension économique de
l'OSCE pourrait apporter au débat sur la sécurité. Il
énonce les principes de base de cette charte économique reposant
sur l'économie de marché, définit les modalités de
la coopération économique et traite également de la
dimension financière et des objectifs à atteindre dans les
domaines des affaires sociales, de l'éducation et de la formation, de la
science, de la technologie et de l'environnement.
M. Jacques FLOCH a introduit le débat en précisant que le texte
proposé constituait un document provisoire de travail.
Aussi, le débat a-t-il plus porté sur l'opportunité de la
démarche proposée que sur le contenu même du texte.
M. Guy CABANEL (France), lors de son intervention, a constaté l'accord
des membres de la commission sur le traitement des questions économiques
ayant un effet direct sur la sécurité. Disposer de données
statistiques fiables sur l'évolution économique et sociale des
pays de l'OSCE lui est apparu particulièrement nécessaire. A cet
égard, il a cité les contributions que pourraient apporter
l'Union européenne, dont il a souligné l'action, l'ONU et la BERD.
Il a déclaré que le projet de charte économique devait
conduire à la mise en place d'une " structure de veille " au
sujet des problèmes économiques et sociaux. L'OSCE pourrait
faciliter le rôle des organisations citées et, dans une bonne
synergie, attirer l'attention des gouvernements sur les situations de tension.
Il s'est interrogé sur la nécessité d'un texte normatif.
Sir Peter EMERY (Royaume-Uni) s'est également montré
réservé à l'égard de cette intiative qui envisage
en fin de compte de conférer un rôle économique
opérationnel à l'OSCE alors que les gouvernements des pays de
l'Union européenne, notamment la République
fédérale d'Allemagne, y sont opposés.
Le délégué bulgare, en revanche, s'est prononcé en
faveur de cette initiative visant à élaborer un texte qui
pourrait être utilisé dans son pays comme une
référence.
Contestant la notion de
" zone économique de
l'OSCE ",
M. William KELLY a souhaité que, lorsque le texte aurait
été examiné de manière plus approfondie, l'avis
d'institutions telles que l'Union européenne, le Fonds monétaire
international, soit sollicité.
A l'issue de ce débat, M. Jacques FLOCH, a observé que,
depuis quatre ans, la commission des affaires économiques de
l'Assemblée parlementaire de l'OSCE avait porté sa
réflexion sur l'amélioration des relations entre pays membres de
l'OSCE, mais n'avait pas jusqu'alors adopté de texte de principe, ce qui
constitue une démarche plus ambitieuse et plus difficile. Aussi, a-t-il
proposé que la mission de Mme Rita Süssmuth soit
confirmée et qu'un groupe
ad hoc
soit constitué. Reprenant
la suggestion de M. Guy CABANEL, il a également proposé que
les travaux de ce groupe
ad hoc
se concentrent sur la mise en place
d'une structure dont la finalité serait le recensement de données
statistiques fiables sur les pays en voie de réforme.
La commission des affaires économiques a adopté ces trois
propositions. MM. Jacques FLOCH et Guy CABANEL participeront aux travaux
du groupe
ad hoc
ainsi constitué.
A l'issue de ses travaux, la commission a renouvelé son Bureau, qui est
désormais ainsi composé :
Président : M. Jacques FLOCH (France), seul candidat ;
Vice-Président : Mme Helena NILSSON (Suède), élue par
36 voix contre 28 totalisées par quatre autres candidats .
Rapporteur : M. William KELLY (Canada), seul candidat.