3. La commission de la Démocratie, des Droits de l'Homme et des Questions humanitaires
La " troisième commission " s'est
réunie les 6 et 7 juillet sous la présidence de M. Freimut
DUVE (Allemagne). Après avoir entendu la médiatrice pour les
droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine (Mme Gret HALLER) expliquer
son activité, la commission a examiné le rapport de M. Jerzy
CIESLAK (Pologne) sur " les problèmes d'adaptation des
réfugiés, des exilés et des immigrants dans leurs pays de
résidence permamente ou temporaire ".
Le rapport de M. CIESLAK souligne que
" les leçons tirées
des conflits dans l'ex-Yougoslavie, en Moldova, au Nagorny-Karabakh, en
Arménie, en Géorgie et en Tchétchénie indiquent que
les problèmes nationaux, ethniques et religieux non résolus
peuvent désormais constituer le facteur principal des conflits
armés ".
Il évoque également les
répercussions des problèmes des minorités nationales sur
les relations entre Etats, en citant les exemples des minorités
hongroises en Slovaquie et Roumanie et des populations russophones d'Urkraine
et des Pays Baltes.
Abordant ensuite la situation des réfugiés, exilés et
immigrants, il relève la tendance de ces groupes à former des
"
enclaves
" au sein du pays d'accueil, en raison
d'une
tolérance insuffisante de la part de celui-ci, mais aussi d'un manque de
volonté de s'adapter de la part des immigrants ; il analyse les
dangers de cette situation pour la sécurité intérieure et
extérieure des Etats, en insistant notamment sur le développement
préoccupant du fondamentalisme islamique.
Le rapport examine ensuite les obstacles à l'intégration des
immigrés en s'appuyant sur les réponses à un questionnaire
adressé à tous les Etats membres :
" La plupart des réponses nous permettent de conclure que les
facteurs les plus graves faisant obstacle à l'intégration des
réfugiés ou des immigrés sont les suivants :
1.
l'ignorance ou la connaissance insuffisante de la langue du pays de
résidence ;
2. le chômage ou l'inaptitude à trouver du travail ;
3. l'établissement d'immigrants dans des agglomérations
homogènes, entraînant la création d'enclaves de
minorités nationales dans des villes et des communes. Les causes de ce
phénomène sont souvent les suivants :
a) l'établissement, par le passé, de réfugiés
(immigrés dans un Etat où ils bénéficient d'une
aide sociale) dans certains quartiers ou dans les banlieues de villes, en
raison du coût réduit de la location des appartements ;
b) la tendance d'immigrants à s'établir dans certaines villes ou
régions qui offrent les plus vastes perspectives d'emploi en raison de
leur prospérité économique ;
c) la tendance d'immigrants à s'établir là où
existent déjà des concentrations de représentants de leurs
groupes ethniques ou nationaux qui peuvent les aider à trouver du
travail ou un appartement (les conditions de vie n'y sont souvent pas
très bonnes et ces appartements sont surpeuplés et d'un standing
médiocre).
Les autres facteurs sont notamment les suivants :
-
dans certains Etats, l'inadaptation à la situation actuelle et le
besoin d'une législation relative aux immigrants ou aux
réfugiés ;
- la situation économique de certains Etats participants, ce qui
explique l'impossibilité de verser des subventions sous forme d'une aide
sociale aux réfugiés ;
- l'attitude réservée des populations locales à
l'égard des immigrants ou des réfugiés, souvent pour les
motifs suivants :
a)
différences culturelles ou religieuses ;
b) mauvaise situation économique du pays de résidence ; ou
c) absence de contacts fréquents entre la population autochtone du pays
ou de la région en question avec des gens de race, de nationalité
ou de religion différente ".
Le rapport préconise en conséquence la mise en place de
"
programmes d'adaptation
" à l'intention des
réfugiés, exilés et immigrants, comportant des cours de
langue ainsi que des cours d'initiation aux
"
valeurs
" de
l'état d'accueil, portant sur "
sa Constitution, son histoire,
sa société
". Il suggère également le
développement, sous une forme adaptée à ces populations,
de la formation professionnelle et des services de conseil à l'emploi.
Le rapport évoque également la situation des pays en
développement "
considérés par les immigrants
comme des Etats de transit
", et préconise à cet
égard que les pays développés qui ne souhaitent pas
accueillir de nouvelles vagues d'immigrants accordent à ces pays une
aide financière et logistique, de manière à leur permettre
d'accueillir durablement les immigrants en cause.
Le débat sur le rapport a permis à certaines
délégations d'attirer l'attention sur certains foyers de tensions
ou de conflits, notamment l'Abkhasie, la Tchétchénie et Chypre.
De nombreux délégués ont regretté que le rapport
abordât de la même manière les problèmes des
exilés et réfugiés, d'une part, et des immigrants
économiques, d'autre part. Si certains orateurs ont plaidé pour
le développement de la solidarité financière en faveur des
Etats accueillant des réfugiés, d'autres se sont prononcés
avant tout pour une meilleure surveillance des conflits ethniques et pour des
mesures tendant à dissuader la persécution des minorités.
Puis la commission a examiné le projet de résolution concluant le
rapport.
Le projet de résolution présenté par le rapporteur
recommandait tout d'abord :
- la ratification, par tous les Etats membres, de la Convention de
Genève sur les réfugiés ;
- le développement de la formation et du conseil à l'emploi
à l'attention des réfugiés, exilés et migrants ;
- le lancement de campagnes contre la xénophobie et le racisme ;
- l'appui financier et logistique aux pays prêts à accueillir
certains migrants, mais ne pouvant le faire pour des raisons économiques.
Ces orientations ont été approuvées par la commission.
Le projet de résolution proposait par ailleurs la création d'une
unité spéciale de l'OSCE chargé des questions relatives
aux réfugiés, exilés et immigrants.
Cette recommandation a été repoussée par la commission,
sur proposition de M. Jacques GENTON qui a pris la parole en ces termes :
" Le projet de résolution suggère la création
d'une unité spéciale de l'OSCE chargée de stimuler et de
coordonner l'échange d'informations et de données
d'expérience entre les pays d'accueil à propos de l'adaptation et
de l'intégration des immigrés, des réfugiés et des
exilés.
" Comme toutes les autres organisations internationales, l'OSCE
dispose
d'un budget limité et a donc tout intérêt à se
concentrer sur les domaines où elle peut avoir une valeur
ajoutée. Ce ne serait pas le cas avec la
création d'une
telle cellule, qui serait naturellement trop limitée en taille, pour
apporter un avantage par rapport à ce qui se fait déjà
dans le cadre du H.C.R. qui dispose de la compétence voulue et des
moyens requis. A un moment où l'on cherche à renforcer les
synergies entre organisations, cette proposition paraît
contre-productive ".
Le projet de résolution prévoyait également la
création d'un fonds de péréquation destiné à
faire partager le coût de l'accueil des étrangers. Cette
recommandation a été repoussée et remplacée par une
invitation à renforcer les moyens des organisations internationales
compétentes existantes, en particulier l'ONU, l'OIM et l'Union
européenne.
Enfin, la commission a adopté des amendements complétant le
projet de résolution sur plusieurs points. Ces amendements :
- soulignent la nécessité de distinguer les cas des
réfugiés ou exilés et des immigrants ;
- déclarent inacceptable l'utilisation des minorités nationales
pour exercer des pressions politiques ;
- demandent de porter une attention particulière aux problèmes du
retour sur leurs "
terres historiques
" de personnes
déportées en masse par des régimes totalitaires ;
- se félicitent des initiatives prises conjointement par le HCR, l'OIM
et l'OSCE pour traiter les problèmes des réfugiés et
autres personnes déplacées contre leur volonté ;
- demandent un renforcement de la lutte contre le trafic des femmes et des
jeunes filles dans la région de l'OSCE ;
- suggèrent aux Etats membres de l'OSCE de veiller à ce que toute
personne citoyenne d'un Etat prédécesseur et résidant en
permanence sur le territoire d'un Etat successeur puisse recevoir sans
condition la citoyenneté de ce dernier.
Ainsi modifié, le projet de résolution a été
adopté. Puis la commission a adopté avec modification un projet
de résolution sur la Turquie présenté notamment à
l'initiative de délégués américains.
Ce texte, tout en condamnant le terrorisme du PKK, déplore les atteintes
aux droits de l'homme commises par les autorités turques et appelle
à une solution pacifique du problème kurde dans le respect de
l'intégrité territoriale de la Turquie.
Il a été adopté avec une seule opposition et trois
abstentions, en l'absence de la délégation turque
retournée à Ankara pour participer au vote sur l'investiture du
nouveau Gouvernement. Le vice-président du Parlement turc s'est
déclaré disposé à inviter une
délégation de l'Assemblée parlementaire pour examiner
l'évolution de la situation en matière de droits de l'homme
depuis la précédente visite d'une délégation, en
mai 1995.
Les deux projets de résolution ainsi adoptés ont
été intégrés dans la déclaration finale.
A l'issue de ses travaux, la commission a renouvelé son bureau, qui est
désormais ainsi composé :
Président : M. Freimut DUVE (Allemagne), seul candidat.
Vice-présidente : Mme Dorota SIMONIDES (Pologne), qui a battu la
candidate russe, Mme Elena MZIZULINA, par 45 voix contre 29 et 2 abstentions.
Rapporteur : Mme Guikje ROETHOF (Pays-Bas), seule candidate.