D. LES RIGIDITÉS STRUCTURELLES ET SOCIALES HYPOTHÈQUENT L'AVENIR
Interrogée, alors qu'elle participait à une
manifestation, sur les propositions qu'elle souhaitait faire pour obtenir
satisfaction à ses demandes, une postière répliqua
à votre rapporteur :
" Nous n'avons pas de propositions, nous
n'avons que des exigences ! "
Mieux qu'un long discours une telle formule résume à elle seule
l'ampleur des difficultés internes auxquelles La Poste est
confrontée pour s'adapter aux évolutions de son environnement.
1. Le poids des pesanteurs organisationnelles entrave la réactivité postale
Les efforts de La Poste pour se réformer se heurtent
à des pesanteurs internes liées notamment à la taille de
l'entreprise (310.000 agents et 17.000 points postaux) et des
difficultés qui en résultent pour moderniser son organisation.
L'exemple de la réforme des " tournées " de facteur est
à cet égard édifiant.
La distribution du courrier sur le territoire national implique
6.000 bureaux distributeurs et s'effectue pour les 3/4 grâce aux
72.000 tournées de facteurs. Le reste du courrier est remis en
boîte postale ou distribué par course spéciale.
L'organisation actuelle du réseau de distribution du courrier constitue
une contrainte structurelle pour La Poste : 60 % des boîtes aux
lettres sont desservies par 10 % des bureaux, si bien que l'existence d'un
grand nombre de petits bureaux qui génèrent un flux modeste de
courrier nuit à l'optimisation de la distribution du courrier provenant
des centres de tri.
La Poste a engagé une réforme destinée à recentrer
ses activités autour d'un nombre plus réduit de bureaux
distributeurs, ce qui est un premier pas vers une organisation plus
rationnelle. En outre, en zone rurale, l'utilisation de véhicules
motorisés permet d'ores et déjà un meilleur regroupement
des tournées de distribution tout en préservant la qualité
du service. Mais cette réforme a suscité, sur le terrain, des
conflits multiples avec les personnels. La province n'est d'ailleurs pas la
seule touchée. A Paris, la suppression de la troisième
tournée des facteurs, au printemps 1997, a donné lieu
à des tensions sociales.
Les problèmes posés par la chaîne de commandement
traduisent également des rigidités internes. Malgré les
progrès réalisés dans la déconcentration
hiérarchique depuis la création des délégations et
des groupements postaux, la
multiplicité des niveaux
de
commandement
est un facteur de dysfonctionnement, en particulier dans
les relations entre les directions parisiennes de
" métiers ",
qui définissent la stratégie globale du groupe (courrier,
services financiers, colis, etc...), et les huit délégations
territoriales qui gèrent les moyens humains et matériels dans
leur ressort géographique. Ces rigidités expliquent sans doute
pour partie le fait que, selon une enquête menée en novembre 1995
auprès du personnel, 43 % des personnes interrogées
déploraient une mauvaise organisation du service.
D'autres problèmes d'organisation interne limitent l'aptitude de La
Poste à s'adapter aux besoins de sa clientèle. La fixation des
horaires d'ouverture
des bureaux
en est un exemple
caractéristique. Alors même que les entreprises de VPC auraient
besoin de disposer de guichets permettant à leurs clients de venir
chercher leurs colis après leur travail entre 19 et 21 heures -ce
qu'apprécieraient également les personnes qui travaillent dans la
journée-, La Poste ne parvient pas à leur offrir partout un tel
service, ce qui encourage les VPCistes à monter leur propre
réseau de distribution grâce au concours de commerçants qui
acceptent de recevoir les envois et de délivrer les colis.