b) Les grèves et le caractère parfois erratique de la qualité de service ont des conséquences déstabilisantes
Les conséquences de la grève sont dramatiques
pour la VPC qui a parfois quitté La Poste de ce fait et qui a pris des
mesures pour s'en prémunir.
On a ainsi cité à votre rapporteur un exemple significatif. En
Lozère, la principale usine du département, la
société Robert Masson, qui fabrique et vend par correspondance
des bijoux, a rompu ses relations commerciales avec La Poste après les
grèves de 1995. Or cette société représentait un
chiffre d'affaires-courrier d'environ 1,6 million de francs pour La Poste,
alors que le chiffre d'affaires courrier total s'élevait dans ce
département -où beaucoup de zones rurales sont fragiles- à
une quarantaine de millions de francs.
Certains VPCistes français ont mis en place des réseaux de
distribution spécifique
" dévulnérabilisés ", en recourant aux services
de commerçants qui acceptent de jouer le rôle de bureaux
d'échanges. La Redoute a créé, après la
grève de 1974, une filiale de livraison. Quant à la
société Yves Rocher, elle a mis en place sa propre
société de distribution de colis dénommée
" Distri Home ", après avoir perdu près de 60 millions
de francs lors des grèves de 1995.
Les entreprises de VPC ont tiré les conséquences des retards qui
ont failli mettre un terme définitif aux activités de certaines
d'entre elles. Toutes, sans exception, ont indiqué à votre
rapporteur qu'elles ne se laisseraient plus prendre dans la nasse des centres
de tri paralysés et qu'elles tentaient dès à
présent de substituer des solutions alternatives,
dévulnérabilisées, au réseau postal, en attendant
de pouvoir recourir à la concurrence étrangère s'il en
était besoin.
Certes, La Poste a, pour la première fois en 1995, indemnisé ses
clients. Mais pour les Trois Suisses, par exemple, l'indemnisation n'a
représenté qu'environ 10 % du préjudice subi, qui
correspondait à une perte de 185 millions de francs de marge brute.
Appréhendant, à juste titre, le départ de la VPC qui
représente près de 90 % de son chiffre d'affaires, La Poste
a réagi -avec une promptitude et une lucidité dignes
d'éloges- en créant un système de sécurisation des
flux, le " réseau B ". Il est destiné à assurer
le transport des colis en cas d'embolie des centres de tri.
Le maintien de la
qualité de service
est également un
enjeu d'importance pour La Poste. La presse subit, par exemple, les
conséquences du caractère encore trop erratique de la
qualité du service postal.
Il est, en effet, indispensable que les journaux parviennent à leurs
destinataires tôt le matin. De nombreux éditeurs de presse
déplorent, sur ce point, que trop souvent encore La Poste ne satisfasse
pas leurs besoins, ce qui suscite des réclamations de leurs
abonnés. Or, La Poste n'est pas assez sensible aux demandes des
éditeurs de presse : la mesure de la qualité du service est
encore réalisée par des sondages internes.
Outre les grèves et certains dysfonctionnements perturbant la bonne
qualité du service, beaucoup d'entreprises clientes regrettent
également l'inégalité du niveau des prestations postales
selon les régions. Plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur lui
ont même fait savoir que sur certains points du territoire, ils
rencontraient de réelles difficultés et que, parmi eux, quelques
uns avaient d'ailleurs développé des solutions alternatives
à l'acheminement postal dans ces endroits.
Tout ceci ne sera donc pas sans constituer une véritable menace pour
notre opérateur quand les frontières s'ouvriront davantage
à ses concurrents.
Ces difficultés sont toutefois bien loin de l'amener à
" baisser les bras ". Sa pugnacité commerciale a
été démontrée par le lancement, dès les
premiers mois de 1996, du " Plan de reconquête " du
courrier,
qui lui a d'ailleurs permis d'entamer un processus de rétablissement de
relations de confiance avec ses grands clients. Rien n'est donc
irrémédiablement perdu. Mais La Poste n'a plus le droit à
l'erreur. Elle ne peut plus se payer le luxe d'un second mois de novembre 1995.