2. Les risques encourus en matière de financement du logement social
La collecte du livret A, centralisée à la
Caisse des Dépôts et Consignations, contribue puissamment au
financement du logement social
. L'organisation de ce financement
privilégié, qui adosse une épargne de
sécurité à un investissement d'intérêt
général, permet de garantir l'équilibre et la
pérennité du financement du logement social.
Conscientes de la valeur de cet argument, les banques proposent, depuis deux
ans, qu'en cas de généralisation du livret A à tous
les réseaux, l'ensemble de la collecte en résultant soit
centralisée à la Caisse des Dépôts et Consignations.
Les banques accepteraient donc de renoncer à la meilleure
rentabilité des fonds collectés que leur procurerait le
marché.
Ceci pourrait-il signifier qu'elles aient l'intention -à l'instar des
soupçons qu'elles formulent à l'endroit de La Poste- d'utiliser
le livret A comme un produit d'appel, dans le but d'orienter la
clientèle ainsi nouvellement acquise vers des produits plus
rémunérateurs pour elles ?
Ne seraient-elles pas tentées, par ailleurs, comme elles l'avaient fait
avec le CODEVI, de négocier progressivement avec les pouvoirs publics,
la baisse du taux de centralisation de leur collecte à la Caisse des
Dépôts ?
Votre rapporteur ne se prononcera pas sur ces points. Il lui appartient, en
revanche, de dénoncer le risque qu'encourerait le financement du
logement social du fait d'une banalisation du livret A. Ce risque a
d'ailleurs été souligné dans le rapport de l'Inspection
générale des Finances sur le coût pour La Poste de la
mission d'aménagement du territoire. Et le ministère de
l'Economie et des Finances ne vient-il pas lui-même d'affirmer qu'une
telle décision "
remettrait en cause le financement du logement
social dans notre pays "
?
220(
*
)
3. Une banalisation rampante ?
En définitive, on l'aura compris, votre rapporteur
n'estime pas souhaitable de procéder à une banalisation de la
collecte du livret A, qui aurait un effet déstabilisant à la
fois sur La Poste et sur le financement du logement social, ceci d'autant plus
qu'au cours des dernières années, la multiplication des produits
d'épargne liquide à taux réglementé a
entraîné de facto une banalisation progressive de ce type de
produit, à laquelle La Poste a dû s'adapter
221(
*
)
.
On oublie, en effet, trop souvent que le livret A a vu naître un
" clone " : le livret bleu, distribué par le
Crédit mutuel, et des " petits frères " nommés
CODEVI, plan d'épargne populaire (LEP) ou livret jeune. Il est vrai que
contrairement aux livrets A et bleu -qui ont une vocation
générale (toute personne résidant en France peut ouvrir un
tel livret, sans condition d'âge ou de ressources)- les autres produits
peuvent être ouverts que par certaines catégories de
personnes
222(
*
)
et leurs
plafonds de dépôt sont inférieurs ; en revanche, le LEP et
le livret jeune bénéficient d'un taux d'intérêt
supérieur au livret A.
En définitive, on ne peut plus dire qu'il existerait un marché
limité à la distribution des livrets A et dont seraient exclus un
certain nombre d'acteurs financiers.
Le livret A constitue en
réalité un segment d'un marché plus vaste : celui des
produits d'épargne réglementée et certains produits de
cette catégorie lui sont partiellement substituables.
C'est d'ailleurs ce qu'affirme le Conseil de la Concurrence, qui
précise, dans son avis du 17 septembre 1996 : "
La
redistribution de l'épargne disponible des particuliers en cas de
création d'un nouveau produit de ce type ou de modification des
conditions de souscription, de rémunération ou de plafonnement
des dépôts confirme que ces différents produits
d'épargne liquide à taux réglementé sont
partiellement substituables entre eux. Cela s'est vérifié au
début de l'année 1996 marquée par la diminution du
taux des livrets A et bleu et des CODEVI, l'assouplissement des conditions
d'accès au LEP et la création du livret jeune, ces
différentes mesures coordonnées ayant entraîné une
recomposition importante de la structure de l'épargne liquide des
ménages (la décollecte sur le livret A ayant
bénéficié notamment au livret jeune et au LEP) "
.
Au total, le marché des produits administrés apparaît
polymorphe et il n'apparaît pas souhaitable d'en bouleverser
l'économie.
En outre, avec la mise en place de l'euro, n'assisterons nous pas de fait
à une évolution du marché des produits bancaires et
financiers à laquelle l'ensemble des acteurs du marché, y compris
La Poste, devra s'adapter ?
Enfin, ne peut-on considérer que la possibilité pour La Poste de
distribuer le livret A serait en quelque sorte une contrepartie à
la fonction de guichet social des plus démunis à laquelle elle
participe ? Cette mission fondamentale pour la cohésion sociale ne
mériterait-elle d'ailleurs pas d'être mieux affirmée et,
par la même, mieux reconnue ?