4. La communication du Comité des ministres à l'Assemblée - Questions de MM. Jean VALLEIX, député (RPR), et Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI) (Mardi 24 septembre)
M. Siim KALLAS
, ministre des Affaires
étrangères de l'Estonie, prononce l'allocution suivante en sa
qualité de Président en exercice du Comité des
ministres :
" Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, c'est un grand
honneur pour moi que de m'adresser à vous aujourd'hui pour la
deuxième fois. En temps "normal", il aurait pu y avoir moins de choses
à dire sur les mois d'été qui se sont
écoulés depuis que je me suis adressé à vous, fin
juin. Mais notre Organisation, avec le mandat paneuropéen qu'elle
détient depuis le sommet de Vienne, continue d'exercer ses
activités à une époque exceptionnelle. Cela signifie que
le Comité des ministres, tout comme votre Assemblée, a eu des
questions importantes à son ordre du jour, malgré la
période des vacances.
" J'éprouve aujourd'hui un plaisir particulier à prendre la
parole à la suite d'un "invité spécial" aussi
éminent que le Président du Parlement de Géorgie,
M. Zurab Zhvania, auquel je souhaite chaleureusement la bienvenue,
tout comme il me l'a souhaitée récemment dans sa capitale.
" Ainsi que je l'ai annoncé la dernière fois que je me suis
adressé à cette Assemblée, Madame la Présidente, je
me suis rendu à Bakou et à Tbilissi, ainsi qu'à Erevan,
à la mi-juillet, en compagnie du Secrétaire
général. Après nos entretiens, au plus haut niveau, nous
sommes revenus avec des lettres par lesquelles les autorités
d'Azerbaïdjan et de Géorgie demandaient officiellement à
adhérer à notre Organisation. Le Comité des ministres qui,
en mai dernier, avait déjà adressé à votre
Assemblée pour avis la demande de l'Arménie, a fait de même
au début de ce mois-ci pour ces Etats transcaucasiens.
" Dans ce contexte, j'ai été heureux de pouvoir mettre
à la disposition de chacun des pays que nous avons visités des
textes législatifs reflétant l'expérience de l'Estonie
pendant sa transition vers des structures pleinement démocratiques, et
de promettre à chacun d'entre eux, s'il le souhaitait, le maintien de
conseils et d'aide, tant au niveau bilatéral qu'au niveau
multilatéral. Cette aide a été chaleureusement accueillie
car il s'agit d'une source précieuse d'inspiration, notamment dans la
mesure où elle concerne des problèmes que nous avons
hérités de notre passé commun.
" Je tiens à souligner que, dans chaque pays, nous avons
été impressionnés par une grande ouverture à
l'égard du Conseil de l'Europe, par une ferme détermination
à adhérer à notre Organisation et par un engagement
explicite à respecter nos principes et nos valeurs. Les personnes que
nous avons rencontrées étaient bien conscientes du fait que ces
principes et ces valeurs auraient besoin d'être renforcés et
consolidés et que cela ne se ferait pas du jour au lendemain.
" Votre Assemblée, avec son système bien rôdé
d'"invités spéciaux", fera, j'en suis sûr, diligence pour
rendre les avis demandés, d'autant plus qu'à l'occasion de ses
travaux relatifs à l'élargissement, elle a déclaré
il y a déjà longtemps, en ce qui concerne les Républiques
transcaucasiennes, que ces pays appartiennent à l'Europe, qu'ils sont
historiquement et culturellement liés étroitement à notre
patrimoine commun, et qu'ils ont contribué et sont encore capables et
désireux de contribuer à notre civilisation européenne
commune.
" Pour leur part, lors de leur dernière réunion ce mois-ci,
nos délégués ont invité l'Azerbaïdjan à
adhérer à la Convention relative à la conservation de la
vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (la "Convention de
Berne") et
autorisé le Secrétaire général à inviter une
délégation d'experts de Géorgie à Strasbourg afin
d'examiner les conditions dans lesquelles ce pays pourrait être
invité à adhérer à la Convention culturelle
européenne. A cet égard, je précise qu'à la suite
d'invitations lancées par le Comité des ministres, des
réunions distinctes ont eu lieu au début de ce mois-ci avec des
délégations d'experts d'Arménie et d'Azerbaïdjan pour
discuter des conditions dans lesquelles ces pays pourraient être
invités à adhérer à cette même Convention.
" Madame la Présidente, cette session de votre Assemblée
n'en est qu'à son deuxième jour, mais elle a déjà
été exceptionnellement riche de substance politique. Vous avez
entendu deux éminents chefs d'Etat auxquels vous avez pu poser des
questions, à savoir celui du Portugal et, ce matin, le
Président Ulmanis du pays balte voisin du mien, la Lettonie. Et,
hier, le rapport d'activité de votre Bureau n'avait absolument rien de
routinier. En effet, il contenait des rapports d'information sous forme
d'
addenda
, sur des sujets aussi brûlants que la situation en
Tchétchénie, sur l'Albanie et sur les élections en
Bosnie-Herzégovine.
" En ce qui concerne l'Albanie, ce qu'il y a de nouveau c'est que le
Comité des ministres a autorisé le Secrétariat à
mettre en œuvre, en concertation avec les autres organisations
internationales actives sur le terrain, un certain nombre d'activités de
coopération ayant pour but de remédier aux difficultés
constatées dans le cadre des récentes élections
législatives dans ce pays.
" Il faut donc compléter et consolider les grands succès
obtenus par la Commission
ad hoc
du Bureau de votre
Assemblée, notamment en favorisant l'organisation d'une table ronde
destinée à rétablir la confiance entre le Gouvernement et
les partis d'opposition. En outre, le Comité des ministres examinera
plus en détail les programmes de coopération après la
réunion du Comité directeur mixte (Conseil de l'Europe/Commission
européenne) pour l'aide à la réforme du système
juridique, réunion qui aura lieu dans quelques jours, le
30 septembre 1996.
" En ce qui concerne les relations avec l'Union européenne, je
tiens à faire savoir à l'Assemblée que les pourparlers en
sont à un stade avancé, ce qui devrait permettre d'envisager
prochainement la tenue d'une nouvelle réunion "quadripartite", pendant
la présidence de l'Estonie.
" En Bosnie-Herzégovine, candidate à l'adhésion
à notre Organisation, les élections, observées par votre
Commission
ad hoc
le 14 septembre, ont clarifié la
situation en donnant naissance à des interlocuteurs institutionnels
légitimes. Pour leur part, nos délégués ont
adopté, lors de leur dernière réunion, une réponse
détaillée au large éventail de questions soulevées
dans les recommandations de votre Assemblée en ce qui concerne, d'une
part, la mise en œuvre des accords de Dayton sur la paix en
Bosnie-Herzégovine et, d'autre part, les aspects civils des accords de
Dayton et d'Erdut.
" A mon avis, le rôle de notre Organisation ne va certainement pas
décroître maintenant que les élections -hormis les
élections municipales- sont terminées. C'est bien plutôt le
contraire qui risque d'être le cas, ce qui explique pourquoi un dialogue
très étroit est maintenu avec tous les autres organismes
internationaux concernés, y compris l'OSCE, dont le Secrétaire
général, qui vient d'être nommé, procédera le
15 octobre à un échange de vues avec nos
délégués.
" Ainsi que vous le savez, le Président en exercice de cette
Organisation, M. Flavio Cotti, qui s'est tellement attaché
à entretenir des relations particulièrement étroites tant
avec votre Assemblée qu'avec notre Comité (dont il est membre),
sera suivi à la présidence le 1
er
janvier
-après le sommet de Lisbonne de l'OSCE- par le ministre
Niels Helveg Petersen, qui m'a précédé à
la présidence du Comité des ministres. Je considère cela
comme un heureux présage pour des relations toujours plus
imbriquées et se renforçant mutuellement l'année prochaine.
" En attendant, mon pays est fier d'accueillir à la fin du mois
prochain, à Tallin, un séminaire régional conjoint Conseil
de l'Europe/OSCE sur "le rôle de l'éducation dans le renforcement
de la société civile".
" En ce qui concerne la demande d'adhésion de la Croatie, Madame
la Présidente, la résolution du Comité des ministres,
adoptée en juillet dernier, invitant ce pays à adhérer
à l'Organisation, contient, ainsi que vous le savez, une "clause
suspensive". Elle laisse la possibilité de reconsidérer cette
décision pendant la deuxième moitié de ce mois-ci, eu
égard à la manière dont ce pays aura respecté un
certain nombre d'attentes, d'obligations et d'engagements. Le Comité des
ministres est en train d'étudier le rapport d'information établi
par la Commission
ad hoc
de votre Assemblée sur les
élections en Bosnie et Herzégovine.
" Il le fait avec grand soin, car il se préoccupe
particulièrement, ainsi que le mentionne la résolution, de la
manière dont la Croatie a respecté ses obligations
découlant de l'accord de paix pour la Bosnie-Herzégovine, et
notamment de la manière dont elle a contribué au bon
déroulement des élections dans ce pays.
" En ce qui concerne le territoire croate de Slavonie orientale, lors
de
ma communication à cette Assemblée en juin dernier, j'ai fait
référence au départ imminent pour Vukovar du
Représentant permanent suédois d'alors,
l'ambassadeur Amneus. Il a été nommé par son
Gouvernement à l'Administration transitoire des Nations Unies pour
la Slavonie orientale, en qualité de Président du Comité
mixte de mise en œuvre des droits de l'homme. Cette nomination faisait
suite à une réponse positive donnée par le Comité
des ministres à des appels lancés par M. Jacques Klein,
chef de l'Administration transitoire, qui demandait à notre Organisation
une aide concrète dans les domaines où elle est
particulièrement compétente.
" Par la suite, les délégués ont
décidé, lors de leur réunion du début de ce
mois-ci, de donner encore une réponse favorable à une demande
émanant de l'Administration transitoire des Nations Unies. Elle
concernait la présidence d'un autre Comité mixte de mise en
œuvre, à savoir celui de l'éducation et de la culture. A
cet effet, les délégués ont décidé de
détacher un membre qualifié du Secrétariat du Conseil de
l'Europe. Ils ont aussi autorisé le Secrétariat à
répondre favorablement à une demande d'expertise concernant la
législation en matière d'amnistie.
" Madame la Présidente, depuis la session de juin de
l'Assemblée, le Comité des ministres a aussi poursuivi ses
travaux concernant le suivi des engagements pris. Lors de notre réunion
de délégués, en juillet dernier, un accord a
été conclu sur les grandes lignes des questions fondamentales
concernant "le fonctionnement et la protection des institutions
démocratiques, y compris les questions relatives aux partis politiques
et aux élections libres".
" Je tiens à vous rappeler qu'il s'agit là, avec "la
liberté d'expression et d'information", de l'un des deux principaux
"domaines de préoccupation" mis en évidence lors de la
première réunion spéciale des
délégués, consacrée à ce qui constitue
l'essence même de l'exercice de suivi du Comité des ministres qui,
ainsi que vous le savez, se trouve à un stade expérimental.
D'autres réunions spéciales seront consacrées cette
année, respectivement en octobre et en décembre, à ces
deux "domaines de préoccupation" et elles se fonderont de toute
évidence sur les travaux, entre autres, de votre Assemblée.
" Madame la Présidente, il est important que le Comité des
ministres soit franc avec l'Assemblée et que l'on évite les
malentendus. Je pense que l'on reconnaît maintenant de plus en plus que
la différence essentielle entre notre démarche et celle de votre
Assemblée -qui, nous l'espérons, aboutira à une
authentique complémentarité- réside dans le
caractère confidentiel. Les travaux de l'Assemblée, notamment ses
débats publics, sont sans nul doute d'une grande utilité et, tant
par leur teneur que par leur impact sur l'opinion publique, ils contribuent
à la découverte de solutions justes permettant d'assurer le
respect de leurs engagements par les Etats. Le Comité des ministres,
pour sa part, a sa propre démarche fondée sur la persuasion et la
négociation diplomatique et sur les appels à la confiance
mutuelle et à la solidarité.
" Madame la Présidente, en ce qui concerne la proposition
d'organiser un second sommet, ce dont a débattu l'Assemblée ce
matin, le Comité des ministres en tant que tel n'a pas pris de position
formelle à ce sujet. Mais les ministres ont chargé en mai dernier
les délégués d'étudier la proposition dont vous
avez discuté avec le Président Chirac à Paris, en mars. Eu
égard aussi aux propositions faites précédemment dans cet
hémicycle par le défunt Président
François Mitterrand et par M. Philippe Séguin,
Président de l'Assemblée nationale, il est juste que le groupe de
travail
ad hoc
des délégués à ce sujet
soit présidé par l'Ambassadeur de France. Ce groupe de travail
s'est réuni deux fois la semaine dernière, avec dans ses dossiers
le rapport des deux corapporteurs dont vous avez discuté ce matin. La
recommandation que vous venez d'adopter, préconisant un sommet en 1997,
va maintenant devoir être étudiée en détail.
" Je ne suis, bien entendu, pas en mesure de prévoir quelle en sera
l'issue, mais l'on ne saurait exclure que la 99
e
session du
Comité des ministres, que je présiderai en novembre prochain,
soit en mesure de prendre une décision à ce sujet. Une telle
décision supposerait, bien entendu, qu'un Gouvernement, tenant compte
des autres réunions importantes planifiées pour 1997 et de
l'éventuel thème principal, ait entre-temps fait savoir qu'il
était disposé à lancer une invitation.
" Si le projet, auquel votre nom, Madame la Présidente, est
associé, se concrétise, vous pouvez être sûre que le
Comité des ministres sera disposé à collaborer
étroitement avec votre Assemblée.
" Cette coopération constituait, nous le savons, un
ingrédient important de la réussite du premier sommet il y a
trois ans à Vienne, comme d'ailleurs de la réussite de notre
Organisation en général. Les discussions informelles du
Comité mixte, vendredi prochain, seront importantes à cet
égard.
" Madame la Présidente, je serai heureux de répondre aux
questions qui ont été déposées, ainsi,
éventuellement, qu'à des questions supplémentaires -fut-ce
dans les couloirs du Palais. "
M. Jean VALLEIX, député (RPR)
, pose la question
suivante :
" M. le Président du Comité des ministres, quelle est la
position du Comité des ministres en ce qui concerne le projet de second
sommet du Conseil de l'Europe ? les réflexions ont-elles
avancé en ce qui concerne les thèmes et la date de ce sommet
? "
Le Président du Comité des Ministres
lui répond en
ces termes :
" J'ai évoqué assez longuement, dans mon introduction, la
question du projet de second sommet. Je ne vais donc pas me
répéter sur ce point.
" Le sommet fera l'objet d'une attention particulière lors de la
réunion du Comité mixte, vendredi.
" Les délégués se sont saisis rapidement de cette
proposition. Sous la présidence du représentant permanent de la
France, deux réunions se sont tenues en septembre, et deux autres sont
prévues pour octobre. Les ministres seront en mesure de prendre position
sur le thème et sur la date lors de leur session de novembre, s'ils le
souhaitent. La place du Conseil de l'Europe dans la future architecture
européenne à partir de la fin de 1997 est la question qui,
selon toute vraisemblance, sera au centre de leurs préoccupations. "
M. Jean VALLEIX :
" Je vous remercie, Madame la Présidente, de me permettre de poser
une question supplémentaire et ainsi, de présenter une
observation à M. le Président du Comité des
ministres.
" Le Conseil de l'Europe est certes une organisation internationale
européenne, mais qui pèse sur le plan mondial. Elle n'est pas en
concurrence avec d'autres, mais elle a notamment vocation à s'occuper
des problèmes de civilisation, de culture, de droits de l'homme.
" Estimez-vous qu'en matière de civilisation, le Sommet puisse
s'élever à ce niveau, ce que nous souhaitons ? "
" Bien entendu, Monsieur Valleix ", déclare alors le
Président KALLAS
.
M. Nicolas ABOUT, sénateur (Ap. RI)
, pose à son tour la
question suivante :
" Rappelant qu'un Etat admis au Conseil de l'Europe, signataire de la
Convention européenne des Droits de l'Homme, même s'il n'a pas
encore terminé la procédure de ratification, va organiser un
procès à huis-clos devant un tribunal militaire contre un citoyen
dont l'action visait à défendre l'environnement contre une
pollution radioactive majeure et cela au bénéfice des citoyens de
tous les Etats du Conseil de l'Europe et d'abord des citoyens russes
eux-mêmes ;
Demande au Président du Comité des ministres,
Si le procès du capitaine Nikitine ne doit pas respecter les
règles de la Convention européenne des Droits de l'Homme."
M. KALLAS
a apporté les éléments de réponse
suivants :
" Je puis commencer par informer les honorables membres que le
Comité des ministres n'a pas été saisi du cas de
M. Nikitine.
" D'autre part, il est évident que les Etats membres doivent
respecter les dispositions de la Convention européenne des Droits de
l'Homme.
" A propos du respect des engagements des Etats membres, question à
laquelle j'ai fait allusion dans ma communication, je rappelle que la
déclaration adoptée sur cette question en novembre 1994 par
le Comité des ministres dispose que celui-ci "examinera les questions du
respect des engagements concernant la situation de la démocratie, des
droits de l'homme et de l'Etat de droit dans tout Etat membre qui lui seront
déférées : par des Etats membres, ou par le
Secrétaire général, ou sur la base d'une recommandation de
l'Assemblée parlementaire". "