5. La coopération scientifique et technologique avec les pays d'Europe centrale et orientale - Intervention de M. Claude BIRRAUX, député (UDF) (Mardi 23 janvier)
Le rapport porte sur l'état de la recherche et du
développement dans les pays d'Europe centrale et orientale cinq ans
après la chute du communisme.
Les régimes communistes attachaient une grande importance à la
science et à la technologie, d'où l'existence à l'Est
d'une vaste communauté de scientifiques de haut niveau. Mais ces
régimes ont également laissé derrière eux une
organisation centralisée et hiérarchisée subordonnant la
science à des considérations idéologiques et politiques.
Par ailleurs le lien, pourtant vital, entre la base de connaissances et les
différents secteurs de l'économie faisait défaut.
Le rapport lance un appel en faveur de programmes de coopération plus
efficaces. Il présente des mesures destinées à
reconstruire les infrastructures de la science et de la technologie, à
permettre de tirer le meilleur parti du potentiel humain et à
développer le lien entre la recherche, les universités et les
industries. Il souligne l'importance de la conversion des industries militaires
à des usages civils, de manière à satisfaire les besoins
des consommateurs en recourant à des technologies non polluantes et
durables et en faisant de l'énergie une utilisation rationnelle.
Dans ce débat,
M. Claude BIRRAUX, député (UDF
),
s'est exprimé en ces termes :
" Je voudrais, tout d'abord, féliciter notre collègue,
Mme Stiborová, pour la qualité de son rapport, en
particulier pour la pertinence de ses analyses. Je partage son point de vue sur
la nécessité de mettre en œuvre une coopération de
seconde génération tenant compte des principes
énoncés dans son rapport.
" Avant de développer trois points particuliers qui me paraissent
importants, je ferai trois constats.
" D'abord, il y avait, et il y a encore, dans ces pays un potentiel
scientifique important. Nous n'avons donc pas à avoir de complexe de
supériorité. Les conditions d'exercice de la recherche
scientifique et technologique étaient soumises à des
impératifs idéologiques qui empêchaient les chercheurs de
s'exprimer pleinement. La différence dans l'organisation des
systèmes de recherche rend la coopération plus difficile, en
particulier pour trouver son niveau optimal.
" Ensuite, le danger, pour ces pays, est la fuite des cerveaux à
l'étranger, pour les meilleurs, et la désorganisation
d'équipes de recherche, les chercheurs gagnant mieux leur vie en
exerçant d'autres activités. Or, dans des économies en
transition, où les conditions de mutation sont difficiles, ces pays ont
besoin de leurs élites scientifiques.
" Enfin, la coopération actuelle souffre de nombreuses
imperfections dues aux difficultés à identifier clairement les
interlocuteurs, à l'insuffisance des réformes engagées
-certes des académies des sciences existent, mais leur vocation n'a
toujours pas été redéfinie- à la lenteur et
à la lourdeur des procédures européennes, et à la
parcellisation des actions engagées, dont l'ampleur reste inconnue,
aucun organisme n'ayant une vision globale de ces diverses actions.
" La politique à mettre en œuvre doit être complexe et
pluridimensionnelle.
" Elle doit être adaptée à chaque pays ou groupe de
pays, car la recherche s'inscrit nécessairement dans un environnement
économique différent selon les pays.
" Elle doit être adaptée aux laboratoires, selon leur
degré d'ouverture, leur possibilité de réalisation de
partenariats, leur capacité à s'inscrire dans des réseaux
ou à un niveau plus restreint - aide aux bibliothèques, par
exemple.
" Elle doit être ciblée. Je pense là au domaine
nucléaire et à l'environnement. Au travers de l'exemple du
nucléaire, on peut décliner toute la palette des instruments de
coopération : de l'assistance pour la mise en place d'une
réglementation ou d'une autorité de sûreté, par
exemple, à la coopération par jumelages, échange de cadres
et de techniciens, exercices de crise en commun, etc.
" Elle doit être décentralisée afin de tenir compte
des lourdeurs du passé et du poids des technostructures fortement
centralisées et hiérarchisées, et afin d'éviter
dans ces canaux la déperdition d'énergie et de moyens. Dans ce
but, il convient d'encourager la coopération au niveau des
collectivités locales comme des universités ou des grandes
écoles, quitte à mieux en définir le cadre.
" Je me bornerai enfin, sur ce chapitre, à rappeler l'importance
des sciences sociales dans ces pays en transition, comme le démontre
fort bien l'excellent rapport de notre collègue Jean-Pierre Berger.
" Pour terminer, je dirai que nous sentons la nécessité de
la coopération de seconde génération. Pour la mettre en
œuvre et la rendre plus performante, il est nécessaire de mettre
en place des systèmes d'évaluation de la recherche dans les pays
d'Europe centrale et orientale.
" En outre, il me paraîtrait intéressant de disposer d'un
observatoire de la coopération scientifique et technologique qui
permettrait de faciliter l'échange d'informations et de mieux identifier
les actions de coopération ; de suivre, par pays et par discipline,
les actions et les besoins de coopération ; de suivre les
politiques des différents pays et celles de l'Union européenne,
afin d'en avoir une vision globale.
" Je suis par nature réticent à la création de
structures lourdes dont les problèmes existentiels propres finissent par
éclipser la vocation originelle. Aussi, des organismes existants -la
Fondation européenne de la science, la Berd, l'OCDE, l'ONU, le Conseil
de l'Europe, l'Unesco- pourraient-ils très bien assumer ce rôle.
" J'insiste sur la notion d'évaluation de la recherche. Dans nos
pays occidentaux, celle-ci permet aux meilleurs d'émerger. L'implanter
dans les pays d'Europe centrale et orientale créera un véritable
changement culturel qui libérera les chercheurs des carcans qui les
empêchaient d'exprimer leurs talents.
" Dans la période de transition que vivent les pays d'Europe
centrale et orientale, le maintien et le développement d'un haut niveau
de recherche scientifique et technologique est un gage d'espoir pour leurs
citoyens, espoir d'un développement technologique au service non pas
d'une idéologie, mais de l'économie et des populations.
" Cet apport concourt à la stabilisation de ces pays, dans leur
intérêt mais aussi dans le nôtre. C'est pourquoi la
coopération doit contribuer à renforcer nos liens et nos
intérêts communs, dans un partenariat bien compris. "
Sur le projet de résolution, trois amendements ont été
déposés par
MM. Claude BIRRAUX, député
(UDF)
, et
Jean-Claude BRIANE, député (UDF)
.
Le premier amendement invite les organismes publics à "cibler davantage
les projets, en particulier dans le domaine de la sûreté
nucléaire, en ayant une coopération cohérente, multiple et
ordonnée ; également pour les problèmes de
santé et particulièrement le Sida, mettre en place un effort de
coopération et de prise de conscience".
M. Claude BIRRAUX, député (UDF)
, a pris la parole en
ces termes pour défendre les amendements cosignés par
M. Jean BRIANE, député (UDF)
:
" Comme je l'ai souligné dans mon intervention, la
coopération doit être ordonnée et ciblée.
" Deux domaines n'ont pas été mentionnés dans le
projet, celui de la sûreté nucléaire et celui du Sida. Or,
il me paraît important que puisse être consenti un effort de
coopération tout à fait exemplaire dans ces deux domaines, pour
le plus grand bien à la fois de ces pays et de ceux qui les
entourent. "
Cet amendement n° 1 est adopté.
L'amendement n° 2 des mêmes auteurs propose d'inviter les Etats
membres à " encourager la coopération
décentralisée grâce au concours des autorités et des
organismes locaux et régionaux, et des universités, dans le cadre
de leurs compétences respectives".
Amendement que
M. Claude BIRRAUX
défend en ces termes :
" La plupart des orateurs ont insisté sur les structures fortement
hiérarchisées et centralisées de la recherche dans les
pays d'Europe centrale et orientale.
" Or, aujourd'hui, vouloir passer dans un système de
coopération à travers les organismes existants conduira
certainement à une grande déperdition des moyens et des
énergies.
" C'est la raison pour laquelle il me paraît important que la
coopération décentralisée puisse s'instaurer entre les
autorités, organismes locaux et régionaux, et les
universités dans le cadre de leurs compétences respectives.
" Au sein du Conseil de l'Europe, la Conférence des pouvoirs locaux
et régionaux organise déjà des coopérations entre
les autorités locales et régionales. Dans ce cadre, il faut
faciliter les échanges et la coopération scientifique de l'Europe
à la base, là où les chercheurs peuvent rencontrer
d'autres chercheurs et là où des pôles de compétence
peuvent rencontrer d'autres pôles de compétence au
bénéfice réciproque de ceux qui coopèrent. "
Enfin,
MM. BIRRAUX et BRIANE
proposent par un troisième
amendement de "créer un observatoire de la coopération permettant
de mieux identifier cette dernière, et de l'évaluer par pays ou
par discipline". Amendement que
M. Claude BIRRAUX
défend de
la façon suivante :
" Tous ceux qui ont eu l'occasion de s'intéresser aux
problèmes de coopération scientifique et technologique avec les
pays d'Europe centrale et orientale se sont heurtés à la
même difficulté pour essayer d'obtenir des informations globales
soit par pays, soit par discipline.
" Il me paraîtrait intéressant que puisse être mis en
place un observatoire de la coopération qui permettrait d'avoir cette
vision globale et de mieux identifier la coopération, ce qui la rendrait
d'ailleurs a posteriori plus efficace parce que l'on pourrait mieux l'orienter.
" J'ai précisé, dans mon intervention, que je ne souhaitais
pas que soit créé de toutes pièces un organisme nouveau,
mais dans nos assemblées, que ce soit au Conseil de l'Europe ou dans des
organisations comme l'OCDE, la Berd ou l'Union européenne, des
organismes existants pourraient se charger de ce rôle d'observatoire.
Cela serait profitable à l'ensemble des acteurs de la
coopération. "
Les amendements sont adoptés à l'unanimité, puis
à son tour, la résolution n°1075 contenue dans le
document 7451.