2. L'activité de pêche se caractérise par une médiocre exploitation de la ressource disponible
2.1 Partout s'opposent une pêche artisanale majoritaire et peu rémunératrice et une pêche industrielle anecdotique
2.1 . 1 La pêche artisanale domine
Les populations d'outre-mer ont délaissé la mer, la pêche artisanale y occupe une place prépondérante par rapport aux autres types de pêche. La pêche artisanale est avant tout une pêche qui exploite les zones côtières. Elle est le fait de pêcheurs le plus souvent non-déclarés et pluri-actifs Cette pêche est destinée à la consommation personnelle ou locale
En Nouvelle-Calédonie, la pêche est surtout une pêche de proximité. La pêche artisanale occupe une place plus importante que la pêche industrielle. En 1994, sur 330 navires destinés à la pêche professionnelle, seulement 8 d'entre eux étaient consacrés à la pêche au large, tandis que 15 étaient destinés à la pêche côtière et 307 à la pêche lagonaire.
En Polynésie Française, on comptait, au recensement de 1988, 1659 pêcheurs, auxquels il faut ajouter 3000 pêcheurs lagonaires (chiffre de 1993). 10 000 personnes vivent effectivement de la pêche, soit 5 % de la population. La pêche côtière regroupe 272 pêcheurs et produit 1000 tonnes de poissons. La pêche des poissons lagonaires sur le plan social, économique et culturel, est très importante. Il s'agit d'une pêche de subsistance dont les surplus sont vendus au marché et dont la production est difficile à estimer : elle serait de 4000 tonnes par an. Elle pose de nombreux problèmes, notamment la contamination des poissons par la ciguatera, algue toxique, mais également l'impact des engins de pêche sur les récifs coralliens. Cette pêche s'oppose à la pêche récréative, avec laquelle elle est en conflit, et qui fait échapper une partie importante de la production au circuit de commercialisation traditionnel.
Les pêcheurs déclarés, qui vendent leur production sur le marché local, par le biais de circuits de commercialisation informels et inorganisés et pour lesquels les statistiques sont peu nombreuses et peu fiables, bénéficient d'aides importantes. Par exemple, la modernisation de la pêche artisanale à la Réunion s'est faite en partie grâce au Conseil Général et en Guyane, la pêche artisanale est inscrite au DOCUP.
2.1.2 La pêche hauturière est peu pratiquée
Outre-mer, ce type de pêche n'est même pas partout pratiqué. Ainsi, dans les Antilles françaises, le secteur de la pêche reste très artisanal, et cette tendance est probablement confortée par la faible superficie de la ZEE. La grande pêche nécessite de longues campagnes et n'attire pas les populations locales, même si quelques marins pratiquent ce qui est appelé la pêche « à Miquelon ».
A Wallis-et-Futuna, dont la ZEE est de 270 000 km 2 , la pêche est artisanale et se pratique à l'intérieur du lagon. À l'extérieur de la barrière de corail, les eaux sont poissonneuses, mais les ressources ne sont pas réellement exploitées. Pour favoriser le développement de cette filière, trois actions ont été entreprises : l'une concerne la formation des hommes, l'autre l'installation de Dispositifs de Concentration du Poisson (DCP) avec la participation financière du FED, la troisième la construction de bateaux à fonds plats dans un atelier public pour lequel l'assemblée territoriale a pris des dispositions pour maintenir son soutien à cette activité.
En Polynésie Française, à la pêche à l'intérieur des atolls s'oppose la pêche hauturière, pratiquée par les Coréens, moyennant le versement de droits de pêche dans le cadre d'accords renégociés régulièrement. Cette production oscille entre 1800 et 5000 tonnes par an.
Parallèlement se développe une pêche hauturière semi-industrielle polynésienne, avec des bateaux de 16 à 17 mètres. La pêche de surface au thon germon est passée de 500 tonnes en 1991 à 1745 tonnes en 1995. La production de la pêche profonde à la palangre s'élève à 900 tonnes de bonite, thon jaune et coryphène.
Cette pêche polynésienne a une production totale estimée de 2645 tonnes, soit autant que la production coréenne.
Les efforts des pouvoirs publics pour la constitution d'une flottille de pêche ont convergé avec ceux du secteur privé, qui a largement tiré parti des mesures de défiscalisation métropolitaines. Le Territoire, dans le cadre d'un projet partenarial avec l'État et l'Union européenne, a mis en oeuvre un programme de structuration et de modernisation de la pêche. Dans ce cadre, la mise en service d'un navire-école équipé de matériel de haute technologie a permis de dispenser un cycle de formation des hommes, de haut niveau.
La pêche en haute mer en Nouvelle-Calédonie s'effectue à la palangre. Seulement trois armements néo-calédoniens pèchent actuellement dans cette zone, avec 8 palangriers et n'employant que 45 marins.
La multiplication souhaitée des armements se trouve entravée par le fait qu'il n'y a pas, en Nouvelle-Calédonie, de tradition maritime hauturière, et en raison de l'appréhension à effectuer de lourds investissements pour satisfaire à la demande d'un marché local étroit et à celle d'hypothétiques marchés d'exportation éloignés et très concurrentiels.
Les orientations suivantes pourraient être mises en avant pour assurer le développement de la pêche industrielle : accroître le nombre d'armateurs néo-calédoniens, structurer la profession dans une organisation professionnelle, développer la main-d'oeuvre qualifiée, construire d'autres infrastructures portuaires, utiliser la formule de partenariats régionaux (par exemple avec les Fidjiens), assurer une meilleure organisation de la filière de commercialisation et de distribution des prises. Parallèlement à cela, il serait également bienvenu de faciliter sur le territoire le développement d'un secteur agro-alimentaire métropolitain, lié à la pêche ou à la conserverie.
Dans l'Atlantique Nord-Ouest, la raréfaction de la ressource et la forte réduction des quotas alloués par l'OPANO ont entraîné la quasi-disparition de la fréquentation du port de Saint-Pierre par les chalutiers étrangers. La pêche industrielle est aussi en déclin dans cette collectivité depuis 1992, date à laquelle a commencé la crise avec le Canada. Les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif d'aides à l'entreprise Interpêche, privée de matière première. Une convention du Fonds National pour l'Emploi (FNE) a permis de prendre en charge les salaires à partir du 15 septembre 1992, puis du 1 août 1993 au 31 août 1994, une convention de congé de conversion a été signée. À la fin de l'année 1993, un projet de restructuration industrielle et financière de l'entreprise a été mise en oeuvre. Aujourd'hui, ses activités consistent à traiter du poisson russe importé, ce qui se révèle jusqu'alors un relatif échec.
On peut être amené à remettre en question la pertinence de la politique menée, alors que les perspectives concernant la pêche autour de Saint-Pierre-et-Miquelon sont inexistantes et qu'elles appartiennent au passé. Depuis le début du différend avec le Canada en 1992, le soutien financier de l'État et de la Collectivité Territoriale s'est élevé à 145 millions de francs (jusqu'à décembre 1995).
Il apparaît au terme de cet examen rapide que les ressources disponibles ne sont pas mises en valeur comme elles pourraient l'être. Ainsi, malgré l'activité des armements étrangers, les prises des pêcheurs français pourraient être bien supérieures à ce qu'elles sont aujourd'hui. Par exemple, la ZEE calédonienne dispose de ressources telles que, selon les experts, les prises annuelles pourraient être de l'ordre de 25 000 tonnes par an, sans porter préjudice au renouvellement des stocks.
Cette inadéquation entre le niveau de la ressource, celui des prises et celui des volumes d'importations de poissons effectuées pour satisfaire les besoins des populations locales ne pourrait-elle pas être résolue par une meilleure mise en valeur des ressources halieutiques disponibles ? Ce serait une voie possible de développement autocentré de ces collectivités.
2.2 La France délègue l'exploitation d'une grande partie de ses ressources halieutiques à des pêcheurs étrangers
La ZEE de Clipperton est riche en thonidés. Les navires américains et mexicains y pratiquent la pêche thonière sans bourse délier. On estime de 20 000 à 30 000 tonnes leurs prises actuelles.
Des licences de pêche sont négociées avec des pays étrangers, contre redevance parfois, versée par les armateurs étrangers, mais dont la valeur est sans commune mesure avec le bénéfice qu'ils retirent de la pêche pratiquée. L'exemple le plus frappant de cette incapacité française à exploiter ses richesses est celui de la pêche guyanaise, toute entière aux mains d'armateurs étrangers.
Au regard de l'Union européenne, DOM et PTOM ne sont pas sur un pied d'égalité. Pour les DOM, c'est l'Union européenne qui négocie les licences. Elle ne demande pas de redevance et gère finalement l'accès à la ressource des ZEE françaises. En outre, les Plans d'Orientation de la Pêche (POP) constituent des obstacles au développement de la pêche nationale. L'idée d'une départementalisation des dispositions pour le quatrième POP a été admise.
Les Pays et Territoires d'outre-mer, en revanche, peuvent être maîtres de leurs ressources de pêche.
Sur le plan national, la loi du 2 août 1984 rend la consultation des régions d'outre-mer obligatoire pour tout projet d'accord international portant sur l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des ressources naturelles, biologiques et non biologiques dans la ZEE de la France au large des côtes des régions d'outre-mer. Ainsi, les régions sont associées à l'exercice des compétences de l'État en matière de mise en valeur des ressources de la mer.
Conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi portant statut d'autonomie de la Polynésie Française : « Le territoire réglemente et exerce le droit d'exploration et le droit d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques des eaux intérieures, dont les rades et les lagons, du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes de la mer territoriale et de la zone économique exclusive dans le respect des engagements internationaux et sous réserve des compétences de l'État mentionnées à l'article 6 ».
Les accords conclus le plus récemment sont les suivants :
Pour la période du 12 août 1996 au 11 août 1997, le Japon a conclu un accord avec le Gouvernement français pour pêcher dans la ZEE calédonienne. Les prises autorisées s'élèvent à 1500 tonnes, le nombre maximum de navires est de 20, chacun équipé d'une balise de localisation. Il ne doit pas y avoir plus de 15 navires présents simultanément dans la zone. La redevance payée contre ce droit de pêche s'élève à 2,265 millions de francs. Ce montant comprend une part forfaitaire de 1,246 millions de francs pour 11 navires. Les navires supplémentaires acquittent une redevance de 113 280 francs par navire. En outre, la pêche n'est pas autorisée pour les palangriers à l'intérieur d'une zone définie par ses coordonnées longitudinale et latitudinale.
À la demande des autorités françaises compétentes, des dispositions prévoient la présence à bord des navires japonais d'observateurs français. Les navires sont tenus de communiquer tous les deux jours leur position aux autorités françaises, ainsi qu'une fois par mois des statistiques relatives au volume de leurs prises. Les Japonais ont par ailleurs l'obligation de transborder leurs pêches à Nouméa.
En Polynésie Française, afin de développer la flottille locale, le Territoire a entrepris de diminuer progressivement le nombre d'armements autorisés à fréquenter les eaux territoriales, tout en maintenant les redevances à un niveau élevé. Les accords de pêche sont limités aux seuls armements coréens. Pour la campagne 1995-1996, 48 navires sont autorisés à pêcher, le tonnage maximal est de 2250 tonnes, tous les bateaux doivent être équipés de balises de positionnement satellitaire, permettant de connaître à tout moment leur zone de pêche.
Mais un accord a été conclu avec les Coréens les autorisant à pêcher dans les eaux des ZEE de Polynésie Française et de Wallis-et-Futuna, pour la période du 1er octobre 1996 au 30 septembre 1997. En Polynésie Française, 64 palangriers sont autorisés à capturer 3100 tonnes de poissons, sous réserve d'acquitter un droit de pêche d'un montant total de 8,252 millions de francs, avec 64 palangriers au maximum. A Wallis-et-Futuna, 7 palangriers sont autorisés à pêcher 350 tonnes de poissons, le montant de la redevance est fixé à 850 000 francs.
La question de la délivrance aux navires taïwanais de licences de pêche dans les ZEE françaises de la zone Sud de l'Océan Indien soulève quelques problèmes. Alors que la CCI de la Réunion est favorable à la reconnaissance de droits de pêche aux Taïwanais, afin de garantir la bonne utilisation des équipements portuaires et l'emploi de ses personnels, le Comité Régional des Pêches, soutenu par le Conseil Général, s'oppose à une telle prise de position. Cette opposition s'inspire des craintes des pêcheurs locaux de ne plus trouver de débouché à leur propre production. C'est surtout la prise de conscience de la nécessité de la maîtrise des ressources halieutiques qui motive ce refus.
Si l'exploitation par des armements étrangers des zones de pêche françaises n'a pas de conséquences néfastes sur les potentialités de développement de la pêche locale, on constate néanmoins que les conditions qui assortissent les accords ne sont pas à l'avantage des français, qui autorisent l'accès à leurs zones de pêche. Les redevances sont peu élevées, quand elles existent.
2.3 L'exercice de la souveraineté sur l'exploitation des ressources de la ZEE
La surveillance des zones de pêche, qui constitue un élément important de l'affirmation de la souveraineté, apparaît comme un point faible dans le dispositif de protection du patrimoine halieutique français. En effet, ces zones sont souvent soumises à des pratiques de pêche illégale, contre lesquelles les moyens mis en oeuvre sont inadaptés et très insuffisants. La Direction Départementale des Affaires Maritimes (DDAM) de la Réunion, à titre d'exemple, ne dispose d'aucun moyen de surveillance des ZEE.
L'argument souvent avancé par la Marine Nationale consiste à dire que 1a défense de la souveraineté nationale dépend du niveau d'atteinte qu'elle subit. Or, l'exploitation illégale voire les pillages des ressources halieutiques leur semble être un objet mineur.
Certes, la surveillance des bateaux de pêche coréens dans la ZEE polynésienne est exemplaire : l'utilisation du système des balises Argos permet de suivre chaque détenteur de licence et de connaître son temps d'activité dans la zone. Les informations sont transmises à l'EVAAM, qui les centralise. Mais, la surveillance n'est pas la même partout.
La pêche illégale est très fréquente dans les eaux guyanaises, où ont lieu de très fréquentes incursions surinamiennes et brésiliennes. À l'est du pays, un stock de langoustes serait pêché illégalement par des pêcheurs ayant obtenu des licences du Surinam, qui en accorde trop par rapport aux ressources disponibles, ce qui entraîne l'incursion dans la ZEE française des pêcheurs lésés. De plus, les moyens de surveillance mis en oeuvre sont insuffisants, ils donnent la possibilité aux bateaux de sortir très facilement et très rapidement de la ZEE et de se soustraire ainsi au contrôle.
Il semble que les contrôles des quantités de prises effectuées sous quotas par les pêcheurs étrangers ne soient pas toujours suffisants.
Dans les eaux de Crozet, la pêche illégale déjà ancienne, a été particulièrement évoquée cette année. Elle concerne la légine. En 1994, une première mise en garde contre cette pratique avait été faite On affecta un navire à la surveillance de la zone, qui fut, pendant un an, en carénage, sans qu'un navire de remplacement n'ait été prévu. De novembre 1996 à avril 1997, 30 000 tonnes de poissons auraient été pêchées, ce qui équivaut à 5 ans d'activité des deux armateurs français qui exploitent légalement cette ressource. Les prélèvements ont été effectués par 27 navires et au même Moment dans la même zone. Les sanctions insuffisantes imposées aux navires arraisonnés, qui consistaient en une amende de 15 000 francs, ont été revues à la hausse. L'amende est aujourd'hui de 500 000 francs. Le manque à gagner est considérable, quand on sait que le poisson est vendu à 3 dollars le kilo. Pour remédier à cette situation, la Marine Nationale a déplacé deux gros bâtiments.
Outre le manque à gagner, la pêche illégale entraîne un problème de gestion de la ressource. Les prévisions effectuées par les scientifiques du Museum National d'Histoire Naturelle perdent toute pertinence, dès lors que les prélèvements sur la ressource sont incontrôlés.