2. Les médias créent l'événement
Les médias ne se contentent pas seulement de faire leur métier de " reporter ", ils ne sont pas de simples " rapporteurs " d'événements, ils peuvent en être aussi les acteurs.
a) Un effet de mobilisation
Pierre
Bourdieu démontre sur le plan théorique cette interaction entre
médias et réalité. "
Les dangers politiques qui
sont inhérents à l'usage ordinaire de la
télévision, tiennent au fait que l'image a cette
particularité qu'elle peut produire ce que les critiques
littéraires appellent l'effet de réel, elle peut faire voir et
faire croire à ce qu'elle fait voir. Cette puissance d'évocation
a des effets de mobilisation. Elle peut faire exister des idées ou des
représentations, mais aussi des groupes.
Autre exemple [qu'il] emprunte à Patrick Champagne, celui de la
grève des lycéens de 1986, où l'on voit comment des
journalistes peuvent, en toute bonne foi, en toute naïveté, en se
laissant conduire par ce qui les intéresse, leurs
présupposés, leurs catégories de perception et
d'appréciation, leurs attentes inconscientes, produire des effets de
réels et des effets dans le réel, effets qui ne sont voulus par
personne et qui, en certains cas, peuvent être catastrophiques.
Les journalistes avaient en tête mai 1968 et la peur de rater un nouveau
68. On a affaire à des adolescents pas très politisés qui
ne savent pas trop quoi dire, alors on suscite des porte-parole (sans doute
parmi les plus politisés d'entre eux) et on les prend au sérieux
et les porte-parole se prennent au sérieux. Et, de fil en aiguille, la
télévision qui prétend être un instrument
d'enregistrement, devient instrument de création de
réalité. On va de plus en plus vers des univers où le
monde social est décrit-prescrit par la télévision. La
télévision devient l'arbitre de l'accès à
l'existence sociale et politique".
Les phénomènes de violence sont très
caractéristiques de ce type d'interaction. On ne peut pas dire que les
médias inventent mais ils amplifient. Dès lors que l'information
circule, elle génère des effets qu'on ne peut contrôler.
C'est un tout. On a pu soutenir que les manifestations de Mai 68 n'auraient
jamais pris une forme aussi virulente sans les transistors dont étaient
équipés les étudiants, et que les radios
périphériques, débordées, avaient fait couvrir
l'événement par des commentateurs sportifs, plus habitués
aux descentes de rugby qu'aux charges policières.