II. CULTURE : LE MIROIR EN MIETTES

Comme dans beaucoup d'autres domaines la France s'efforce en matière audiovisuelle de cultiver sa différence. Elle a pris la tête d'une croisade pour la défense de l'exception culturelle et contre l'invasion des produits américains.

Si l'on en juge par la façon dont a été adoptée la nouvelle directive Télévision Sans Frontières , le moins que l'on puisse dire est que ces idées, belles et généreuses ne séduisent pas facilement nos partenaires, même si les résultats des assises de l'audiovisuel, qui se sont tenues à Birmingham du 6 au 8 avril dernier sur le thème " défis et opportunités du numérique ", ont finalement conforté l'idée d'exception culturelle.

Le miroir de la télévision était à l'origine un gage d'unité, la voix de la France pour les gouvernants des années 70, une image des Français, aussi, qui, à défaut sans doute d'être absolument fidèle, avait le mérite de la simplicité. Le rendez-vous du journal télévisé du soir, on ne disait pas encore, " le 20 heures ", les speakerines qui incarnaient un certain savoir-vivre, c'était la France.

Aujourd'hui, l'éclatement du paysage audiovisuel, résultant de la multiplication du nombre de chaînes, risque d'entraîner celui de la culture, tant au sens humaniste de patrimoine intellectuel, que sociologique, d'ensemble de pratiques propres à une société.

Le risque est bel et bien que la culture française disparaisse, éclatée et en tout cas diluée dans les images que l'on déverse à flots dans des millions de famille qui, au demeurant, ne sauraient se passer de leurs 3 ou 4 heures de télévision quotidiennes.

Face à cette culture en voie d'éclatement, les chaînes publiques ont le devoir et les moyens, sinon de recoller les morceaux, du moins de produire ce lien, ce ciment social sans lequel nos sociétés individualistes de masse ne sauraient fonctionner de façon démocratique.

A. LA RECHERCHE DU PLUS PETIT COMMUN DÉNOMINATEUR

La télévision n'est pas neutre. Tel est l'un des sens essentiels qu'il faut donner à la fameuse formule du sociologue Marshall Mc Luhan : " le médium est le message ".

Certes, dans le " village global " pour reprendre encore une expression prophétique du célèbre canadien, le monde est désormais omniprésent. Mais ce n'est pas une " présence réelle " ; il s'agit d'images ou plutôt de signes, dont les sociologues démontrent facilement qu'ils présentent du fait de leur accumulation et de leur succession sans continuité apparente, des points communs qui tendent à gommer leurs différences de sens ou de contenus.

La télévision nous renvoie une image " formatée " pour reprendre une expression informatique, et donc plus ou moins déformée de notre société. Il existe désormais une " écriture télévisuelle ", un style de programmation qui tendent à présenter la réalité sous forme de spectacle comme une succession de faits divers, une suite de sketches le plus souvent " sans transitions " véritables.

Cette discontinuité, qui caractérise, pour des raisons à la fois techniques et commerciales, la programmation à la télévision, tend à diffuser une culture déstructurée, sans racines, qui pourrait bien constituer la base de ce que les Français ont désormais en commun.

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