Débat d'orientation budgétaire pour 1999

LAMBERT (Alain)

RAPPORT D'INFORMATION 506 (97-98) - COMMISSION DES FINANCES

Table des matières






N° 506

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le débat d'orientation budgétaire pour 1999 ,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René Régnault, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Henri Torre, René Trégouët.

Politique économique .

AVANT-PROPOS

Le débat d'orientation budgétaire pour 1999 est le troisième du genre, après celui de 1997, tenu au printemps 1996 et celui de 1990, qui avait été sans lendemain. Il est heureux de voir se tenir ce dialogue entre le Parlement et le gouvernement juste avant que le Premier ministre n'envoie les lettres-plafonds et ne rende ses arbitrages fiscaux, au mois de juillet.

Si beaucoup de choses ont changé depuis deux ans (l'Assemblée nationale et le gouvernement, le retour de la croissance, la qualification pour l'euro), la commission des finances maintient les objectifs et propositions qu'elle formulait alors, car ils ne dépendent pas de la sensibilité politique du gouvernement.

Réduire les déficits publics est un impératif, parce que le gouvernement actuel s'y est engagé à Amsterdam en juin 1997, mais plus encore pour libérer notre pays de l'emprise de la dette publique qui s'est, au fil des ans, imposée comme la seule véritable priorité budgétaire de fait. Il s'agit également d'un devoir, car la France sera confrontée d'ici 10 ans à de lourdes charges de retraites, et il est indispensable de se préparer à y faire face.

A l'égard de cet impératif, votre commission juge imprudent le choix du gouvernement de faire reposer l'assainissement de nos finances publiques sur les excédents des collectivités locales et de la sécurité sociale. La réduction de l'effort d'équipement public, dont les collectivités locales sont le moteur essentiel, a atteint un plancher, et elles ne sauraient servir de variable d'ajustement des efforts que l'Etat ne consentirait pas.

Quant à la sécurité sociale, l'expérience du passé a montré que le pire était presque toujours sûr : parier sur un excédent sans définir les solutions pour y parvenir est audacieux.

Pour commencer à réduire la dette publique, la nécessité est de réduire les dépenses de fonctionnement et d'intervention. Le niveau des prélèvements obligatoires est en effet trop élevé pour que les recettes puissent constituer un levier utilisable. Votre commission des finances juge donc que le choix d'une croissance des dépenses de 1 % en termes réels n'est pas conforme à l'objectif de réduction de la dette publique, et qu'il serait au contraire nécessaire de viser un gel en valeur pour obtenir, comme en 1997, une stabilisation en volume. Les dépenses d'équipement, ainsi que les budgets régaliens seraient préservés.

Cet assainissement réalisé, l'objectif de votre commission est une baisse des prélèvements obligatoires. Il s'agit, en priorité, d'alléger les charges pesant sur le travail pour favoriser l'emploi, et de revenir au droit commun de l'impôt sur les sociétés pour adapter notre compétitivité fiscale, enfin de reprendre le mouvement de baisse de l'impôt sur le revenu.

Orientations budgétaires pour 1999 :

Principales recommandations de la commission des finances

Faire refluer le poids de la dette publique dans la richesse nationale dès 1999, par un déficit des administrations publiques inférieur à 2,2 % du produit intérieur brut.

Fixer un objectif de déficit de l'Etat inférieur à 2,7 % du PIB (un gel des dépenses de l'Etat en volume permettrait d'atteindre 2,5%). Maîtriser les dépenses sociales pour garantir l'objectif d'excédent de 0,1 % du PIB pour la sécurité sociale.

Faire porter l'effort de réduction du déficit de l'Etat sur les dépenses par deux actions :

- un gel des dépenses à leur niveau de 1998 ;

- cibler l'effort sur les composantes les plus rigides : fonction publique, interventions publiques et, indirectement, charges de la dette publique, en préservant l'investissement et les budgets régaliens.

Cesser de faire porter l'effort d'assainissement des finances publiques sur les investissements des collectivités locales.

Affecter tout excédent éventuel de la sécurité sociale au remboursement de la dette logée dans la caisse d'amortissement de la dette sociale.

Allonger la durée de la vie active afin de consolider les régimes de retraites par répartition, publics et privés.

Mettre en place des fonds d'épargne-retraite.

Engager, sans préjudice de l'objectif de réduction de la dette publique, une baisse des prélèvements obligatoires favorable à l'emploi, portant prioritairement sur les charges pesant sur le travail, les prélèvements nuisibles à la compétitivité fiscale (entreprise, patrimoine) et l'impôt sur le revenu.

CHAPITRE PREMIER

UNE CROISSANCE DURABLE ?

Le retour à un rythme de croissance en moyenne plus satisfaisant observé en 1997, se prolongerait en 1998, l'activité économique devant bénéficier des effets en année pleine de l'accélération d'activité observée au cours de l'année 1997. Mais, dès 1999, le rythme moyen de croissance décélérerait malgré un scénario plutôt favorable.

Préliminaires :

Bref retour sur 1997

L'année écoulée a vu la reprise amorcée dès 1996 s'ancrer à partir du deuxième trimestre. Entre 1996 et 1997, le produit intérieur brut aura ainsi gagné 265,2 milliards de francs, soit une croissance de 3,4 % en valeur et de 2,3 % en volume contre une expansion limitée à 1,2 % en 1996.

Le supplément d'activité est venu pour l'essentiel de l'extérieur, la demande intérieure restant, quant à elle, peu dynamique en moyenne.

Le tableau ci-dessous, qui récapitule les variations des grandes composantes du PIB, permet de prendre la mesure de ce phénomène.

Contributions des différents déterminants du PIB à la croissance en 1997

(en milliards de francs)

 

Niveau

En % du total

Commerce extérieur

+ 115

43,4

Consommation

+ 128,4

48,4

dont consommation des ménages

+ 93,8

35,4

FBCF

+ 16

6

Variation des stocks

+ 5,8

2,2

Variation du PIB

+ 265,2

100

De ces résultats exprimés en valeur, il ressort que la croissance est venue pour un peu plus de la moitié seulement de la demande intérieure qui, pourtant, représente la composante essentielle de l'activité économique. Le commerce extérieur avec des exportations constitutives d'un quart de la valeur ajoutée a expliqué près de 45 % de la croissance en 1997. Exprimées en volume, les contributions à la croissance des différentes composantes du PIB font d'ailleurs apparaître une part encore plus importante des échanges extérieurs dans la croissance.

Contribution à la croissance du PIB marchand

Moyennes annuelles en %

1997

Dépenses des ménages

0,6

Investissements des entreprises

0,1

Dépenses des administrations

0,2

Variations de stocks

0,2

Total de la demande intérieure

1,0

Solde extérieur

1,5

Taux de croissance du PIB marchand

2,6

Source : OFCE

La croissance en 1997 doit donc beaucoup à l'évolution du solde des échanges extérieurs. Si celui-ci, qui avait déjà atteint un niveau élevé en 1996, n'avait pas varié, la croissance n'aurait guère excédé 1 %.

Les résultats du commerce extérieur en 1997, jugés exceptionnels par la plupart des analystes et d'ailleurs partiellement inexpliqués 1( * ) , viennent principalement du dynamisme des exportations qui, en 1997, peut être considéré comme peu ordinaire. Déflatées de la variation de leurs prix entre 1996 et 1997, les exportations se sont, en effet, accrues de 13 %. La croissance des importations elle-même rapide ayant été moins vive avec une progression limitée à 7,9 %, le solde extérieur s'est considérablement accru.

Ces évolutions proviennent pour une part importante de la dépréciation du franc, en particulier à l'égard du dollar et de la livre. Celle-ci a été elle-même favorisée par des écarts de taux d'intérêt représentatifs pour une part de différentiels de taux de croissance favorables aux pays anglo-saxons. Ces écarts ont également joué un rôle dans la progression importante des exportations qui a pu, par ailleurs, être " tirée " par le dynamisme propre à certains pays d'Europe.

Croissance en 1997 de quelques pays

(en volume et en %)

Etats-Unis

3,8

Royaume-Uni

3,6

Canada

3,8

France

2,3

Pays-Bas

3,3

Espagne

3,4

Quant aux importations, leur évolution assez heurtée en cours d'année s'est traduite par une croissance rapide mais cependant moins que celle des exportations.

Si le renchérissement des importations de produits énergétiques résultant de la hausse du dollar a constitué un facteur aisément compréhensible d'augmentation de la valeur des importations, le dynamisme d'ensemble qui a caractérisé celles-ci est un peu préoccupant compte tenu du rythme de croissance moyen observé en 1997. Il démontre qu'un faible accroissement de l'activité se traduit par un recours proportionnellement important aux biens produits à l'étranger. Si les résultats du commerce extérieur interdisent d'évoquer le retour de la contrainte extérieure, au moins peut-on présumer qu' une accélération de la demande intérieure se traduirait par une dégradation des performances économiques extérieures .

En ce qui concerne la demande intérieure, l'année 1997 présente le panorama des hésitations des comportements des agents économiques.

La consommation finale aura progressé de 0,9 % en volume, qui est également le taux de croissance de la consommation des seuls ménages.

Ainsi, malgré un rebond en fin d'année, la consommation des ménages s'est révélée en moyenne très peu dynamique au regard de la progression de leur revenu qui a atteint 3,4 % en valeur et 2,3 % en pouvoir d'achat.

Revenu disponible brut des ménages entre 1995 et 1997

(évolution en %)

 

Moyennes annuelles

 

1995

1996

1997

Salaires bruts (54 %)

3,8

2,8

2,7

Prestations sociales (36 %)

3,5

3,0

3,3

Excédent brut des ménages (26 %)

4,2

3,1

3,4

Revenus de la propriété et de l'entreprise et Assurance (7,0 %)

13,4

1,9

5,2

Prélèvements sociaux et fiscaux (- 23 %)

4,1

7,1

2,3

dont : Cotisations des salariés (- 9,6 %)

4,1

4,7

- 4,0

Cotisations des non-salariés (- 2,4 %)

4,8

7,4

- 1,7

Impôts sur le revenu + CSG (- 11 %)

4,0

9,1

8,6

Revenu disponible brut (100 %)

4,4

1,9

3,4

Prix de la consommation des ménages (comptes trimestriels)

1,5

1,7

1,1

Pouvoir d'achat du RDB

2,8

0,2

2,3

Comme le tableau qui précède le démontre, les gains de pouvoir d'achat moyens enregistrés par les ménages sont moins venus de la croissance des rémunérations salariales que de celle des prestations sociales, particulièrement vive au second semestre, et des revenus de la propriété.

Le tableau ci-dessous dresse le bilan des transferts sociaux reçus et versés par les ménages entre 1995 et 1997.

Les transferts sociaux reçus et versés par les ménages entre 1995 et 1997

Moyennes annuelles

(Evolution en %)

 

1995

1996

1997

Prestations sociales reçues par les ménages (100 %)

3,5

3,0

3,3

Versées par les organismes de sécurité sociale (76 %)

3,3

3,6

3,9

dont : régime général (42 %)

4,6

3,5

3,1

Versées directement par les employeurs (13 %)

4,2

3,3

0,1

Autres prestations versées par les administrations (11 %)

3,5

- 1,1

2,7

Total des prélèvements sociaux

4,8

4,4

4,3

Cotisations sociales effectives versées par les ménages (100 %)

4,8

4,5

1,3

dont : Cotisations des employeurs (1) (59 %)

5,1

3,9

4,7

Cotisations des salariés (33 %)

4,1

4,7

- 4,0

Cotisations des non salariés (8 %)

4,8

7,4

- 1,7

(1) Les cotisations employeurs sont à la fois reçues et versées par les ménages en comptabilité nationale ; elles n'ont donc pas d'effet sur le revenu disponible brut.

Le rythme de progression des prestations sociales, après avoir décru entre 1995 et 1996, s'accroît à nouveau en 1997 sous l'effet en particulier de l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire effective au cours du second semestre.

En toute hypothèse, un niveau de 3 % apparaît comme le bas d'une fourchette d'accroissement des transferts sociaux dont le point haut n'est pas, comme le montre l'évolution des dépenses de santé depuis le début de l'année 1998, aisément déterminable. Dans ces conditions, les problèmes de financement de la protection sociale apparaissent dès que l'assiette des prélèvements sociaux n'atteint pas le rythme naturellement dynamique des prestations. Des suppléments de prélèvements deviennent alors nécessaires faute de mesures capables de brider l'accroissement des dépenses sociales.

En 1997, les ménages ont par ailleurs tiré parti d'une augmentation des prélèvements obligatoires moins rapide que celle de leurs revenus ou que celle supportée les années précédentes afin de redresser les comptes publics (+ 2,3 % en 1997 contre + 7,1 et + 4,1 % en 1996 et 1995 respectivement).

Cette modération est due à la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le gouvernement précédent qui aura fait gagner environ 20 milliards de francs aux ménages mais aura été plus que compensée par l'accroissement de la contribution sociale généralisée.

Enfin, le ralentissement des prix a exercé un effet très favorable sur le pouvoir d'achat du revenu des ménages dont, sans lui, les gains auraient été limités à 1,7 %.

Si la consommation n'a pas suivi le rythme de progression du revenu des ménages, c'est parce que ceux-ci ont accru leur taux d'épargne.

Le phénomène plusieurs fois observé ces dernières années de flexion du taux d'épargne s'est donc à nouveau vérifié.

Taux d'épargne des ménages entre 1995 et 1997

(en %)

 

Niveaux semestriels

Niveaux annuels

 

1996

1997

1998

1995

1996

1997

 

1 er s.

2 nd s.

1 er s.

2 nd s.

1 er s.

 
 
 

Taux d'épargne

12,9

12,8

13,6

14,4

14,2

14,5

12,8

14,0

Taux d'épargne financière

6,2

5,9

5,8

7,4

7,4

8,1

6,1

7,1



Ces oscillations seraient, selon l'INSEE, imputables à des phénomènes de reports de consommation, en particulier de consommation automobile, résultats des mesures ponctuelles destinées à soutenir la demande adressée à cette branche. Il reste que le taux d'épargne des ménages s'est éloigné ces dernières années des niveaux normalement prévisibles si bien qu'il y a là une variable importante qui échappe à la maîtrise des prévisionnistes.

C'est toutefois l'investissement qui, une fois de plus, a déjoué les prévisions. Après avoir reculé de 0,3 % en 1996, l'investissement des entreprises n'a progressé que de 0,2 % en 1997. Pour les seules entreprises concurrentielles, l'investissement a même diminué de 0,4 %.

Cependant, une amélioration s'est dessinée en cours d'année puisqu'après avoir régressé au premier semestre, l'investissement s'est repris au second semestre, s'accroissant alors d'un peu plus de 1 %.

La reprise s'est donc soldée par un taux de croissance moyen de 2,3 % qui n'a pas permis d'éviter une progression du taux de chômage. Celui-ci est passé de 12,3 à 12,5 % en un an, en moyenne annuelle. Cependant, l'accélération de l'activité en cours d'année a permis un léger recul du taux de chômage en glissement qui, de 12,5 % en décembre 1996, s'est établi à 12,2 % en fin d'année.

En glissement annuel, l'emploi salarié s'est en effet accru de 1,1 % ce qui a correspondu à la création nette de quelque 160.000 emplois.

L'augmentation de l'emploi observée en 1997, appréciable en soi, n'a en revanche pas emprunté les voies les plus satisfaisantes. En effet, plus des trois quarts des emplois nouvellement créés l'ont été grâce à un gonflement du travail intérimaire, 120.000 emplois supplémentaires ayant été créés dans ce secteur.

I. UNE CROISSANCE STABLE EN 1998 ET 1999 ?

Il existe, parmi les prévisionnistes, un consensus dont témoigne le tableau ci-dessous qui rappelle quelques-unes des prévisions présentées lors de la réunion de la commission des comptes et des budgets économiques de la Nation pour situer la croissance à près de 3 % en 1998 et autour de 2,7 % en 1999.

Equilibre des biens et services

Prévisions pour 1998 et 1999

Volumes
(évolutions en %)

BUD.ECOAvril 1998

BIPE
Avril 1998

CDC
Avril 1998

COE
Avril 1998

REXECODE
Avril 1998

OFCE
Avril 1998

 

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

1998

1999

PIB

3.0

2.8

3.1

2.7

2.7

2.7

2.9

2.7

2.8

2.5

3.0

2.7

Importations

6.1

4.5

7.8

7.2

5.7

5.9

7.9

6.5

7.0

5.7

7.6

5.9

Consommation des ménages

2.4

2.3

2.8

2.8

2.8

2.7

3.0

2.7

2.7

2.4

2.8

2.3

FBCF totale
dont :

3.2

3.5

4.4

5.0

2.8

3.5

3.7

5.2

2.7

3.0

4.3

5.1

SQS-EI

4.0

4.6

5.6

6.0

2.7

4.0

5.0

7.4

4.3

5.0

5.6

7.4

Ménages hors EI

2.5

2.0

3.2

4.0

2.9

2.4

2.1

2.5

1.6

1.3

3.2

2.5

Exportations

6.2

4.8

7.0

5.8

6.0

6.1

6.8

5.0

6.8

5.7

5.9

5.0

Variations des stocks (contributions à la croissance du PIB)

0.3

0.1

0.3

0.1

0.0

0.0

0.3

0.1

0.2

0.0

0.5

0.1

Source : Commission des comptes et des budgets économiques de la Nation

Par rapport au diagnostic conjoncturel établi pour le second semestre 1997 où la croissance annualisée a été évaluée par l'INSEE à 3,5 %, la croissance cesserait de s'accélérer en 1998 pour se stabiliser autour de 3 %. Un ralentissement de l'activité serait observé en cours d'année, lié à l'inflexion du rythme de croissance des exportations consécutif à la crise asiatique et à un ralentissement de l'activité dans les pays anglo-saxons, avant une nouvelle accélération dans le courant de 1999.

Surtout, la composition de la croissance serait différente. La croissance en 1998 et 1999 résulterait essentiellement du redémarrage de la demande intérieure.

Le tableau ci-après rend compte d'un scénario de croissance autonome tirée par la demande intérieure. Hors variations des stocks, la contribution de la demande intérieure à la croissance atteindrait 2,4 points en 1998 comme en 1999. La contribution du commerce extérieur à la croissance, de 1,2 point en 1997, ne serait plus que de 0,3 point au cours de ces deux années.

Contributions à la croissance du PIB

(en points)

 

1998

1999

Demande intérieure hors stocks

2,4

2,4

dont :

 
 

Consommation des ménages

1,5

1,4

Consommation des administrations

0,4

0,4

FBCF

0,5

0,6

dont :

 
 

Entreprises

0,4

0,4

Ménages hors EI

0,1

0,1

Administrations

0,0

0,1

Variations de stocks

0,3

0,1

Commerce extérieur

0,3

0,3

Exportations

1,6

1,3

Importations

- 1,4

- 1,0

PIB

3,0

2,8

Cet ancrage de la croissance serait, tout comme la reprise observée en 1997, un phénomène européen.

Croissance en volume du PIB (%)

 

1997

1998

1999

Allemagne

2,2

2,6

2,8

Royaume-Uni

3,6

2,2

2,0

Italie

1,5

2,4

2,7

Belgique

2,8

2,8

2,8

Pays-Bas

3,3

3,5

3,3

Espagne

3,4

3,5

3,5

UE hors France*

2,7

2,7

2,8

France

2,2

3,0

2,8

UE*

2,6

2,8

2,8

Etats-Unis

3,8

2,7

2,0

Canada

3,8

3,3

2,6

Japon

0,9

- 0,4

1,3

OCDE

2,9

2,3

2,2

* Pondération par les PIB mesurés à la parité de pouvoir d'achat de 1994. UE : Union européenne.

Source : Comptes nationaux, OCDE, DP.

A. UN ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL MOINS PORTEUR

L'environnement international serait moins porteur en 1998 et en 1999 qu'en 1997.

Le ralentissement attendu de l'économie américaine devrait en effet se concrétiser en 1998 (+ 2,7 % de croissance en 1998 contre + 3,8 % en 1997), en raison de la hausse du dollar et du ralentissement de la demande étrangère, notamment asiatique. De même, l'appréciation du taux de change réel de la livre anglaise (de l'ordre de 30 % depuis deux ans) entraînerait un freinage de l'activité au Royaume-Uni. Les difficultés de l'économie japonaise se renforceraient en 1998, prolongeant la stagnation de l'activité. Enfin, si l'économie française a profité, en 1997, des effets favorables de la crise asiatique (détente des taux d'intérêt et hausse des cours boursiers, -sous l'effet du reflux des capitaux vers les pays industrialisés-, baisse des prix des matières premières, en particulier du pétrole), elle en subirait, en 1998, le contrecoup sur ses exportations en raison de la chute des importations des pays d'Asie du sud-est et, dans une moindre mesure, de la dégradation de la compétitivité des produits français.

Inversement, l'économie européenne retrouverait un dynamisme propre grâce au regain de confiance des agents privés . La croissance en Europe continentale serait ainsi de l'ordre de 2,9 % en 1998.

Au total, la demande mondiale adressée à la France progresserait de 7,2 % en 1998, soit 1,5 point de moins qu'en 1997.

En 1999, la demande mondiale adressée à la France augmenterait de 6,3 %, soit 1 point de moins qu'en 1998. Cet environnement, légèrement moins porteur, proviendrait de la poursuite du ralentissement de l'économie américaine dont la croissance serait de 2 % après 2,7 % en 1998 et de l'économie britannique.

Toutefois, les effets défavorables de la crise asiatique s'estomperaient progressivement et la croissance demeurerait soutenue en Europe occidentale.

Ce ralentissement de la demande mondiale, conjugué à l'appréciation du taux de change du franc, entraînerait un freinage sensible des exportations. Celles-ci ne progresseraient que de 6,2 % en 1998 (contre 13 % en 1997). La progression des importations serait du même ordre que celle des exportations, de sorte que la contribution des échanges extérieurs à la croissance serait plus faible qu'en 1997.

En 1999, le ralentissement des exportations se poursuivrait (+ 4,8 %) et les importations évolueraient sur un rythme sensiblement équivalent (+ 4,5 %). La contribution de échanges extérieurs à la croissance serait donc en 1999, comme en 1998, de l'ordre de 0,3 point.

B. UNE DEMANDE INTÉRIEURE DYNAMIQUE

La demande intérieure prendrait le relais des échanges extérieurs. Toutes ses composantes s'accéléreraient.

Croissance en volume des grandes composantes
de la demande intérieure (%)

 

1997

1998

1999

Consommation des ménages

0,9

2,4

2,3

FBCF
dont entreprises

0,2
- 0,1

3,2
4

3,5
4,6

Stocks (contribution à la croissance du PIB)

0,1

0,3

0,1

Total

0,9

2,7

2,5

La consommation des ménages , qui représente 60 % de la demande intérieure, s'accroîtrait rapidement.

Cette prévision est dépendante d'une évolution favorable de l'emploi et des gains de pouvoir d'achat résultant de la baisse du prix des matières premières et des importations en provenance d'Asie. Ces deux phénomènes contribueraient au soutien de la progression du pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages qui s'élèverait à 2,6 % en 1998 et à 2,5 % en 1999, selon le gouvernement.

En revanche, le bilan des transferts entre les ménages et les autres agents économiques, et en particulier l'Etat, positif de 0,5 point en 1997 du fait notamment de l'allégement de l'impôt sur le revenu leur serait défavorable en 1998 et 1999.

Contributions à la croissance en termes réels* du revenu disponible des ménages

(en moyenne annuelle en %)

 

1998

1999

Revenus d'activité

2,1

2,2

dont :

 
 

Salaires bruts

1,4

1,4

EBE des ménages (y compris EI)

0,7

0,9

Transferts nets

0,0

- 0,2

dont :

 
 

Prestations sociales

0,7

0,5

Impôts et cotisations

- 0,6

- 0,8

dont :

 
 

Cotisations sociales**

2,5

- 0,1

Impôts y compris CSG et RDS

- 3,1

- 0,6

Intérêts, dividendes et div. Nets

0,5

0,5

Revenu disponible brut

2,6

2,5

* calculé en utilisant le déflateur de la consommation des ménages dans les comptes aux prix de l'année précédente.

** Le basculement d'une partie des cotisations sociales vers la CSG, enregistrée en impôt dans la Comptabilité nationale, se traduit par un recul du poste " cotisations sociales " et une hausse du poste " impôts ".

Source INSEE, DP.

Un élément important doit être souligné : la prévision présentée ici est réalisée sous l'hypothèse d'une stabilité -voire d'une très légère hausse- du taux d'épargne des ménages.

S'agissant de la demande des entreprises
, il faut tout d'abord noter que, pour l'ensemble des prévisionnistes, la contribution des stocks des entreprises à la croissance serait modeste en 1998 (+ 0,3 points) et en 1999 (+ 0,1 point). Cette prévision tranche avec les observations faites lors d'épisodes passés de reprise, notamment en 1994, où la reconstitution des stocks avait contribué, pour moitié, à la croissance du PIB.

L'investissement des entreprises qui, après trois années de stagnation, aurait redémarré, comme on l'a dit, à la fin de l'année 1997 en raison de l'amélioration des perspectives de demande, du redressement du taux d'utilisation des capacités de production (qui aurait dépassé au début de 1998 sa moyenne de long terme) et de la détente des taux d'intérêt, serait enfin dynamique.

La reprise de l'investissement s'accentuerait d'ailleurs en 1999 où sa croissance atteindrait 4,6 % après 4 % en 1998 selon le gouvernement.

La diffusion de la reprise aux secteurs produisant des biens et services destinés à la demande intérieure, dont le contenu en emplois est plus élevé que celui des exportations, devrait s'accompagner, en 1998, d'une accélération des créations d'emplois. L'emploi dans le secteur marchand non agricole progresserait ainsi de 1,5 % selon le gouvernement. Compte tenu de la création de 100.000 emplois publics, via le plan emploi-jeunes, l'emploi total augmenterait de 300.000 environ. De plus, selon le gouvernement, la réduction du temps de travail se traduirait dès 1998 par la création de 35.000 emplois. L'emploi salarié progresserait encore davantage l'an prochain, de 1,7 %, les effets de la réduction du temps de travail s'amplifiant.

Il est à souligner que ces prévisions s'inscrivent dans le cadre d'une réduction des gains de productivité apparente du travail qui, de 1,6 % en 1998 passerait à 1,2 % en 1999. L'enrichissement de la croissance en emplois est donc posé en hypothèse sous l'effet en particulier de la réduction de la durée légale du travail supposée se traduire par la création nette de 155.000 emplois à la fin de 1999.

II. DES ALÉAS PERSISTENT

Comme toute prévision, celle-ci comporte des aléas qui doivent être gardés à l'esprit.

Deux grandes catégories d'incertitudes doivent être rappelées, les premières concernent l'environnement international et les secondes sont d'ordre interne.

A. LES DÉSÉQUILIBRES INTERNATIONAUX

L'aggravation des déséquilibres internationaux fait peser une épée de Damoclès sur la croissance en Europe et donc en France.

Au cours de ces dernières années, les taux de croissance ont été très inégaux entre les différentes zones de l'économie mondiale. Surtout, la croissance des zones les plus dynamiques s'est réalisée dans des conditions qui n'ont pas assuré sa durabilité.

Ce diagnostic est désormais avéré pour ce qui concerne certaines économies asiatiques mais il faut redouter qu'il s'avère aussi pour d'autres économies parmi lesquelles celle des Etats-Unis.

Le déroulement de la crise asiatique est suffisamment connu pour qu'on n'y revienne pas. Toutefois, les prolongements de cette crise demeurent en discussion. Les principaux éléments d'incertitude concernent les implications financières de la crise dont l'évaluation n'est pas facilitée par l'opacité entretenue à ce sujet par les institutions financières de contrôle. Les pertes des créanciers qui, en l'espèce, sont pour l'essentiel des banques devront être soldées même si les coûts de portage sont allégés du fait des conditions financières actuelles et de l'intervention du fonds monétaire international. Le stock des créances compromises n'est pas déterminable ; il pourrait s'accroître du fait de la récession économique qui pourrait s'étendre en dehors des économies directement concernées par la crise.

Car la crise a d'ores et déjà des répercussions immédiates sur le Japon et les Etats-Unis. A un moindre degré, la croissance en Europe est affectée, une estimation prudente chiffrant à 0,5 point de PIB la perte de croissance pour la France.

Le Japon est entré en récession. La chute considérable du niveau de ses exportations déprime la composante essentielle d'une croissance que les ressorts intérieurs ne paraissent pas en mesure de soutenir. La faiblesse des gains de productivité inhibe la distribution des revenus et la distribution de crédits n'alimente pas la croissance. Ces phénomènes suscitent une baisse de la valeur du yen. Ces évolutions n'ont pas de répercussions directes significatives sur l'Europe occidentale. En revanche, elles sont très déstabilisantes pour la zone Asie-Pacifique et, finalement, pour les Etats-Unis.

La situation économique des Etats-Unis est, à son tour, source d'interrogations pesantes. Depuis quelques années, les experts attendent dans leur majorité un atterrissage de l'économie américaine. A mesure que celui-ci était différé, le débat s'est centré sur la qualité de cet atterrissage. A un scénario d'atterrissage en douceur s'est adjoint celui d'un brusque retournement du climat économique qui n'est pas inusuel aux Etats-Unis comme on a pu le constater au début des années 1990.

L'économie américaine est, malgré son dynamisme, ou peut-être en partie à cause de lui, une économie de déséquilibres. Depuis 1997, le PIB américain croît davantage que son potentiel ne le laisserait supposer. Il en résulte une croissance des rémunérations devenue très rapide depuis l'année dernière et qui a pour effet d'alourdir les coûts unitaires de main-d'oeuvre que supportent les entreprises. Si l'inflation est jusqu'à présent restée sous contrôle, c'est à la hausse du dollar et à la baisse du prix des matières premières que l'économie américaine le doit.

Mais cela n'est pas sans conséquence. Le dynamisme de l'activité aux Etats-Unis dans un contexte de récession en Asie et de hausse de la valeur du dollar creuse le déficit extérieur américain qu'une politique budgétaire restrictive ne parvient pas à maîtriser.

Tout cela était sans grand inconvénient lorsque les Etats-Unis, du fait de leur seigneuriage et des disponibilités financières du reste du monde, se trouvaient en mesure de faire financer leur croissance par l'extérieur.

Mais, l'année 1998 recèle des évolutions qui peuvent être lourdes de conséquences de ce point de vue.

Tout d'abord, le déficit extérieur américain pourrait s'aggraver du fait de la conjonction de la hausse du dollar, de l'amplification de la récession asiatique et de la dégradation de la compétitivité-coût des entreprises américaines. Les Etats-Unis devraient alors compter davantage sur l'extérieur pour financer leur activité.

Or, celui-ci pourrait être plus réticent à financer la croissance américaine. La reprise en Europe devrait attirer les investisseurs. Les perspectives d'inflation aux Etats-Unis pourraient les dissuader de poursuivre leurs achats d'obligations américaines. L'accroissement des taux d'intérêt dans les pays asiatiques en crise pourrait attirer des capitaux, ce qui est d'ailleurs l'objectif recherché. Enfin, la création de l'euro devrait elle aussi se traduire par un supplément de demande de la nouvelle monnaie européenne qui serait défavorable au dollar.

La question qui se pose alors est de savoir quels enchaînements monétaires et de change pourraient découler de cet environnement instable. Une dépréciation du dollar et (ou) des tensions sur les taux d'intérêt américains pourraient être inéluctables. De l'ampleur de ces deux éventualités dépendront non seulement la croissance aux Etats-Unis mais aussi le sort de la reprise européenne.

On rappelle ici qu'une dépréciation du dollar de 10 % provoque une baisse du rythme de croissance de l'ordre de 0,4 point en France. A tout prendre, une augmentation des taux américains serait donc un moindre mal. Mais, alors, beaucoup dépendrait des réactions de la Banque centrale européenne et de celle des marchés. On se souvient que la reprise de 1994 a avorté du fait des variations des taux d'intérêt américain et de leur impact sur les conditions monétaires en Europe.

Un dernier élément d'incertitude internationale doit être évoqué avec la situation de la Russie. Les finances publiques russes sont en proie à des déséquilibres majeurs : 80 % des recettes publiques seraient affectées au paiement des charges de la dette publique. L'économie est quant à elle très fragilisée par l'évolution du prix des matières premières dont la production constitue le socle de la richesse du pays.

Du fait de l'intégration économique régionale, les pays d'Europe centrale et orientale sont dépendants de la marche de l'économie russe. Indirectement, les investisseurs occidentaux pourraient pâtir d'un ralentissement de la croissance de ces pays qui affecterait en outre la croissance de la demande adressée à l'Europe occidentale.

B. LES ALEAS INTERIEURS

Les prévisions économiques pour 1998 et 1999 reposent sur l'ancrage de comportements des agents économiques domestiques favorables à une croissance équilibrée. En outre, le dosage des politiques budgétaire et monétaire sous-jacent à la prévision apparaît lui-même modérément restrictif ce qui compte tenu de divers aléas et contraintes paraît plutôt favorable.

Le comportement des agents domestiques revêt une particulière importance dans le cadre d'une prévision qui, a-t-on dit, repose essentiellement sur le dynamisme de la demande intérieure.

L'investissement des entreprises décrit par la prévision serait certes marqué par une reprise mais celle-ci resterait finalement assez limitée au vu de l'expérience des phases de croissance passées.

La reprise puis l'accélération de l'investissement des entreprises est, en soi, une hypothèse forte de la prévision puisqu'aussi bien l'investissement ne paraît plus aisément prévisible à partir des déterminants traditionnels.

La vitesse de la reprise de l'investissement est elle-même hypothétique. Celle que décrit la prévision du gouvernement est moyenne 2( * ) . Elle est suffisante pour " détendre " les taux d'utilisation des capacités de production et, ainsi, écarter la perspective d'insuffisances de capacités de production génératrices d'inflation et de pertes de parts de marché mais elle est suffisamment lente pour ne pas générer de déséquilibres extérieurs ou d'effets de substitution entre le capital et le travail. Une croissance plus rapide de l'investissement pourrait entraîner une dégradation plus nette des échanges extérieurs et être associée à des réorganisations productives défavorables à l'emploi.

La situation des ménages en serait affectée. Il est d'ailleurs à remarquer que la prévision du gouvernement retient également de ce point de vue des enchaînements plutôt favorables.

Malgré une dégradation du bilan des transferts entre les ménages et les administrations publiques révélatrice d'une perspective d'une croissance plus rapide des prélèvements sur les ménages que des versements dont ils bénéficient, le revenu des ménages enregistrerait des gains de pouvoir d'achat continus. Ceux-ci viendraient à presque égalité d'une hausse du salaire par tête et de l'emploi salarié. La part revenant aux créations d'emplois s'accentuerait en 1999. La variation du taux de salaire horaire resterait limitée malgré le dynamisme des créations d'emplois. Les gains de pouvoir d'achat du salaire par tête seraient quant à eux encore inférieurs à ceux du salaire horaire (1,2 % contre 1,4 % en 1999). Cet écart s'expliquerait par la réduction du temps de travail effectif qui permettrait la création de 115.000 emplois en fin d'année 1999. Ainsi, la baisse des gains de productivité par tête supposée dans le compte du gouvernement (+ 1,6 % en 1998 ; + 1,2 % en 1999) ne poserait aucun problème, les salariés acceptant un limitation de leurs gains de pouvoir d'achat à due concurrence. Au terme de ce scénario, la situation financière des entreprises est préservée, le taux de marge des sociétés oscillant autour de 32 %.

Ce scénario favorable écarte implicitement tout risque de résurgence des revendications salariales. Le pouvoir d'achat du salaire moyen par tête a augmenté sur un rythme annuel de 0,5 % ces dernières années. La prévision du gouvernement traduit donc une accélération des gains de pouvoir d'achat mais celle-ci reste limitée dans un contexte de nombreuses créations d'emplois. La dernière expérience similaire rencontrée en 1990 suggère que des tensions salariales plus vives pourraient advenir. En ce cas, l'arbitrage entre les salaires et l'emploi décrits par la prévision pourrait être moins favorable à ce dernier, ce qui pourrait peser sur le rythme de croissance.

Bien que la prévision du gouvernement ne comporte pas d'indications sur le niveau des taux d'intérêt futurs, une hypothèse implicite de stabilité des taux d'intérêt est posée.

Celle-ci permet de maintenir des conditions monétaires qui, à défaut d'être accommodantes puisque les taux d'intérêt à court terme prennent une valeur réelle proche de 2,5 %, resteraient cependant beaucoup moins défavorables que celles observées pendant la première moitié des années 90 comme résultat d'une politique monétaire inadaptée à la situation propre de l'économie réelle en France.

Il est à souhaiter que la future banque centrale européenne (BCE) s'abstienne de prendre le chemin d'une politique monétaire trop restrictive dont l'impact économique pourrait être très défavorable comme l'expérience française a pu le démontrer au cours de cette décennie.

Mais, des incertitudes existent à ce sujet. En effet, des écarts de croissance économique et de variation des prix existent en Europe.

Les conditions de la croissance en Europe en 1997

(Variations en volume en %)

 

PIB en 1997

Allemagne

2,3

Autriche

1,9

Belgique

2,4

France

2,4

Pays-Bas

3,3

Danemark

2,8

Finlande

5,9

Suède

2,0

Royaume-Uni

3,5

Irlande

8,6

Espagne

3,4

Italie

1,0

Prix à la consommation

Pourcentages de variation par rapport à la période précédente

 

1994

1995

1996

1997

Allemagne

2,7

1,8

1,5

1,8

France

1,7

1,7

2,0

1,2

Italie

3,9

5,4

3,8

1,8

Royaume-Uni

2,5

3,4

2,4

3,1

Autriche

3,0

2,2

1,9

1,3

Belgique

2,4

1,5

2,1

1,6

Danemark

2,0

2,1

2,1

2,2

Finlande

1,1

1,0

0,6

1,2

Grèce

10,9

8,9

8,2

5,5

Irlande

2,3

2,5

1,7

1,4

Luxembourg

2,2

1,9

1,4

1,4

Pays-Bas

2,8

1,9

2,0

2,2

Portugal

5,2

4,1

3,1

2,2

Espagne

4,7

4,7

3,6

2,0

Suède

2,4

2,9

0,8

0,9

Pour mémoire

Total de l'OCDE moins pays à forte inflation

Union européenne

2,4


3,0

2,5


3,0

2,3


2,4

2,1


1,9

Ces écarts se reflètent dans la dispersion des taux d'intérêt à court terme en Europe dont la convergence est beaucoup moins achevée que celle des taux d'intérêt à long terme.

Dispersion des taux d'intérêt à court terme en 1997

Allemagne

France

Italie

Royaume-Uni

Autriche

Belgique

Danemark

Finlande

Grèce

Irlande

Pays-Bas

Portugal

Espagne

Suède

3,3

3,5

6,9

6,8

3,3

3,4

3,7

3,2

10,4

6,1

3,3

5,6

5,4

4,1

Source : OCDE

Ces différents facteurs laissent penser que la politique monétaire de la BCE pourrait se traduire par une hausse des taux d'intérêt pour les pays qui, en l'état, connaissent les taux d'intérêt les plus bas et les taux de croissance les moins dynamiques. Comme ces pays sont en outre ceux où l'inflation est la moins tangible, ce resserrement des conditions monétaires pourrait les pénaliser à l'excès. C'est pourquoi, il est urgent de vérifier que la politique monétaire de la future BCE s'inscrira bien dans sa mission qui est de conduire une politique monétaire pour l'ensemble de l'Europe . L'objectif de stabilité des prix 3( * ) qui doit être poursuivi doit être un objectif de stabilité des prix en Europe et non dans tel ou tel des Etats qui auront adopté l'euro.

Les craintes d'un resserrement inadéquat de la politique monétaire ne doivent donc pas être dissimulées. Par contraste, la politique budgétaire entreprise par le gouvernement peut être jugée trop laxiste. Cette orientation n'est pas " a priori " défavorable à la croissance à court terme. Mais, elle contrevient aux nécessité du moyen et du long terme. Notre politique budgétaire s'inscrivant désormais dans le cadre du "pacte de stabilité et de croissance" qui constitue l'un des piliers de la troisième phase de réalisation de l'Union économique et monétaire, il est intéressant de la mettre en perspective avec les politiques budgétaires de nos partenaires.

Il faudra attendre de connaître les objectifs retenus dans le cadre des programmes de stabilité dont la notification aux institutions européennes est désormais obligatoire. Votre rapporteur général rappelle que ceux-ci doivent viser un objectif d'équilibre voire d'excédent du solde de financement des administrations publiques. C'est en tout cas l'objectif qui doit être retenu lorsque la conjoncture économique est favorable afin qu'en cas de ralentissement, la politique budgétaire puisse joue son rôle d'amortisseur.

La politique budgétaire française échappe à cette logique. La réduction du déficit budgétaire de l'Etat ne dépassant pas 0,6 point de PIB, le déficit serait encore de 2,7 % du PIB en 1999. Les capacités de financement des autres administrations publiques permettraient de réduire le besoin de financement de l'ensemble des administrations publiques de 0,7 point. Il atteindrait ainsi 2,3 points de PIB en 1999.

Nous obtiendrions ainsi la moins bonne performance d'entre les pays européens comme le montre le tableau suivant qui rend compte des prévisions de la Commission européenne en la matière.

Capacité de financement des administrations publiques pour 1999

(en % du PIB)

Belgique

Allemagne

Espagne

Irlande

Italie

Luxembourg

Pays-Bas

Autriche

Portugal

Finlande

- 1,4

- 2,2

- 1,9

+ 1,9

- 2,0

+ 0,6

- 1,2

- 2,2

- 1,9

+ 0,6

Source : Commission européenne

Cette sous-performance pourrait d'ailleurs être aggravée puisque la gestion des finances publiques choisie par le gouvernement fait fond sur un redressement des comptes sociaux et des finances locales beaucoup moins maîtrisable que celui du budget de l'Etat.

CHAPITRE II

UN IMPÉRATIF : RÉDUIRE LES DÉFICITS POUR RÉSORBER LA DETTE ET SE PRÉPARER AUX CHOCS DE L'AVENIR

Dans sa résolution n° 120 du 23 avril 1998, relative à l'adoption de la monnaie unique, le Sénat, sur proposition de votre commission, a indiqué que : "le bon fonctionnement de la zone euro (..) suppose que tous les Etats membres s'attachent à retrouver la marge de manoeuvre indispensable pour que chaque politique budgétaire nationale puisse jouer son rôle d'ajustement conjoncturel dans le cadre d'une politique monétaire unique".

Dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire, le gouvernement partage cet objectif, intitulant ainsi la première partie de ce rapport : "Tirer parti de la croissance pour retrouver des marges de manoeuvre budgétaires".

De telles marges de manoeuvre ne se reconstitueront que lorsqu'une tendance durable de baisse de la part de la dette dans le PIB sera apparue.

Or, le gouvernement ne propose rien qui permette de prendre ce chemin aujourd'hui. Ses choix budgétaires pour 1999 résultent des décisions prises fin 1997 en matière sociale (emplois-jeunes, exclusions, trente-cinq heures) et de gestion de la fonction publique (accord salarial). Ces choix ne permettront pas d'entamer une décrue significative de la dette publique, alors que les prélèvements obligatoires atteignent un niveau de saturation et que des charges lourdes pèsent à terme sur les finances publiques.

I. UN SURCROÎT D'INTERVENTION PUBLIQUE N'A JAMAIS MONTRÉ D'EFFICACITÉ DURABLE CONTRE LE CHÔMAGE

Dans son point de presse du 9 avril 1998, au cours duquel furent annoncées les orientations budgétaires du gouvernement pour 1999, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé que la priorité du gouvernement était "la création d'emplois et la réduction du chômage" . Cet objectif est également celui de votre commission et du Sénat.

Le recul est désormais suffisant pour faire litière de l'idée fausse selon laquelle un surcroît d'intervention publique permettrait de lutter efficacement contre le chômage.

A. LES DÉSÉQUILIBRES DES FINANCES PUBLIQUES SONT ALLÉS DE PAIR AVEC UNE DÉTÉRIORATION DE LA SITUATION DE L'EMPLOI

L'idée selon laquelle le déficit budgétaire serait bénéfique à l'emploi a la vie dure. Les efforts réalisés par tous les pays de l'Union européenne pour satisfaire les critères d'adoption de l'euro ont contribué à la nourrir : ces efforts se seraient payés d'une moindre croissance et de pertes d'emplois.

Mais s'il est vrai qu'à court terme, l'emprunt public peut pallier l'essoufflement de la croissance pour soutenir la demande (jeu des "stabilisateurs automatiques"), force est de constater qu'en France, la dégradation de nos comptes publics est allée de pair avec une croissance continue du chômage.

De la même façon, l'augmentation quasi-continue depuis 1970 de la part de richesse nationale redistribuée par la sphère publique s'est accompagnée d'une augmentation permanente du chômage.



Par ailleurs, une comparaison de la France avec celle des autres pays du G7 (groupe des sept pays les plus industrialisés), montre qu'il n'y a pas de lien bénéfique entre le niveau des dépenses publiques et celui du chômage.

Votre rapporteur général ne peut que constater que le gouvernement prolonge aujourd'hui une tendance qui n'a jamais fait durablement preuve de son efficacité : la lutte pour l'emploi par la dépense publique.

B. LA QUALIFICATION POUR L'EURO NE SUFFIT PAS A RESTAURER DES MARGES DE MANOEUVRE

Le fait que la France soit qualifiée pour adopter la monnaie unique européenne pourrait laisser croire qu'elle est désormais dégagée de la contrainte de satisfaire les critères de finances publiques : dette publique inférieure à 60 % du PIB, déficit public inférieur à 3 %.

C'est ce que pourrait laisser penser le communiqué à la presse du 9 avril précité :

" Nous sortons de l'obsession du 3 % qui a dominé la politique budgétaire depuis des années. Pour 1999, nous retrouvons un espace de choix. La question n'est plus "comment nous qualifier pour l'euro ?", mais quelle politique budgétaire faut-il à l'économie française ? ".

En réalité, la France devra aller plus loin que le critère de 3 % et se rapprocher durablement de l'équilibre budgétaire (soit 0 %).

En effet, la qualification pour la monnaie unique n'affranchit pas la France de la discipline commune. Bien au contraire, elle la renforce, car en monnaie unique, aucun Etat participant ne devra laisser dériver ses comptes publics. C'est l'objet du pacte de stabilité et de croissance auquel la France a adhéré à Amsterdam en juin 1997. Celui-ci prévoit que les Etats membres doivent adopter des programmes dont l'objectif est "l'équilibre ou l'excédent à moyen terme ".

Et si la France est, quant aux critères de finances publiques, plutôt bien placée par rapport à ses partenaires (elle satisfait le critère de dette publique, seule avec le Luxembourg, l'Irlande et la Finlande), elle reste parmi les plus mal situés quant aux tendances de ses comptes : parmi les pays qualifiés pour l'Euro, elle est le seul à avoir tout juste satisfait le critère de déficit public, et elle fait partie des rares à connaître une dérive positive de sa dette.

Dérive de la dette publique dans l'Euro 11

(97/96 en %)

France

+ 2,4

Allemagne

+ 0,8

Luxembourg

+ 0,1

Espagne

- 1,3

Finlande

- 1,8

Italie

- 2,4

Portugal

- 3,0

Autriche

- 3,4

Belgique

- 4,7

Pays-Bas

- 5,0

Irlande

- 6,4

La seule marge de manoeuvre que la France ait vu restaurée par sa qualification pour la monnaie unique est relative aux taux d'intérêt. Notre pays est désormais affranchi de la défense du franc et du surcroît de taux d'intérêt que cette défense a occasionné durant les années 80 et 90. Ce surcroît a renchéri le coût de notre dette publique, et donc provoqué un déficit budgétaire supplémentaire, dont la France est maintenant débarrassée.

A l'instar des Etats-Unis, la zone Euro ne devrait pas avoir d'objectif de taux de change. Ses taux d'intérêt pourraient rester bas.

Le gouvernement a, pour ce qui le concerne, décidé d'utiliser cette marge de manoeuvre en réduisant les taux d'intérêt de l'épargne administrée, et en proposant d'instaurer un mécanisme évitant que ces taux ne demeurent à l'avenir exagérément coûteux pour l'économie, selon une méthode inspirée par les propositions que votre commission avance depuis 1994.

Mais il reste encore un long chemin avant que des marges de manoeuvre budgétaires ne soient restaurées. Ce chemin comporte encore deux étapes :

inverser la dérive de la dette publique,

puis atteindre l'équilibre budgétaire à moyen terme.

C. LA RÉDUCTION DU DÉFICIT STRUCTUREL EST DONC UN IMPÉRATIF

Le déficit budgétaire, le surcroît de dépenses et de dettes publiques ayant démontré leur totale inefficacité pour favoriser la croissance et l'emploi à moyen terme, votre rapporteur général partage l'objectif du gouvernement 4( * ) d'une suppression du déficit structurel des administrations publiques, déficit que l'accélération de la croissance n'est pas susceptible de combler, et que seule une action volontaire sur les dépenses ou les recettes peut réduire.

L'annulation de ce déficit structurel serait de nature à atteindre l'objectif visé par la résolution que le Sénat a votée, rappelée au début du présent chapitre.

Mais la satisfaction de cet objectif suppose, dès lors, qu'on renonce à augmenter les prélèvements, que le gouvernement agisse sur les dépenses, et en particulier qu'il n'affecte pas le surplus de recettes conjoncturelles à des dépenses nouvelles, ce qui ne ferait qu'entraver la réduction du déficit structurel.

Bien qu'il s'en défende, c'est malheureusement bien ce que le gouvernement fait. Que ces dépenses aient été décidées fin 1997 n'empêche en rien qu'elles soient nouvelles au titre du budget 1999.

Votre commission doit constater que les actes du gouvernement sont en contradiction avec ses objectifs.

II. L'AMÉLIORATION DU SOLDE PRIMAIRE NÉCESSITE UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré à plusieurs reprises qu'il était nécessaire d'alléger le poids de la dette publique dans le produit intérieur brut. Cette intention fait l'objet de développements substantiels et intéressants dans le rapport gouvernemental 5( * ) .

Votre commission ne peut que lui donner raison. Toutefois, elle doit une fois encore déplorer que le gouvernement n'adopte pas une politique budgétaire de nature à infléchir sensiblement la tendance de la dette.

A. L'EFFORT PROPOSÉ SUR LE DÉFICIT PRIMAIRE EST INSUFFISANT

1. La nécessité d'un excédent primaire

Le solde primaire des administrations publiques est la différence entre les recettes et les dépenses hors charges de la dette publique (essentiellement les intérêts).

Pour réduire le poids de la dette publique dans le PIB, il est nécessaire que le poids des déficits publics dans la croissance lui soit inférieur. Ceci peut s'écrire simplement :

déficits publics n /croissance n < dette publique n - 1 /PIB n - 1

Or, le premier ratio comprend deux composantes : le déficit primaire et les charges de la dette publique.

déficits publics/croissance = déficit primaire/croissance + charges de la dette/croissance

Si le taux d'intérêt de la dette est supérieur au taux de croissance nominal, ce qui est le cas continûment depuis le milieu des années 80, la deuxième composante de ce ratio aura tendance à être supérieure au ratio dette n/PIB n et donc à alourdir le poids de la dette publique dans le PIB.

Dans ce cas, il est nécessaire que le premier ratio compense et au-delà, le second, pour réduire ce poids. C'est ce qu'on appelle un excédent primaire, c'est-à-dire un excédent des recettes courantes sur les dépenses courantes hors charges de la dette.

Aujourd'hui, l'écart entre le taux d'intérêt moyen de la dette (6,4 % en 1998) et la croissance nominale du PIB (4,3 % prévus en 1998) nécessite bien de dégager un excédent primaire des administrations publiques.

D'après les calculs de la direction de la prévision, l'excédent primaire des administrations publiques nécessaire pour stabiliser la dette publique dans le PIB en 1999 serait de + 1,3 % du PIB, ce qui équivaut à un déficit global de - 2,2 % du PIB (compte tenu des charges de la dette).

2. Le gouvernement ne propose pas d'améliorer suffisamment la situation du budget de l'Etat

D'après la direction de la prévision, les administrations publiques françaises sont en excédent primaire depuis 1997.

Toutefois, la Cour des comptes relève de son côté que l'Etat lui-même demeure en situation de déficit primaire, l'ajustement reposant sur les autres administrations publiques, en particulier des collectivités locales.

Déficit primaire (% du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Solde des administrations publiques


- 2,4


- 2,2


- 1,1


- 0,4


+ 0,5


+ 0,5

Solde de l'Etat seul

- 2,6

- 2,1

- 1,5

- 1,0

- 0,6

- 0,3

En outre, l'objectif de solde des administrations publiques que s'est fixé le gouvernement pour 1999 ne comporte pas un solde primaire stabilisant la dette publique.

L'effort qui est proposé pour l'Etat est donc insuffisant, insuffisance d'autant moins admissible que les autres administrations publiques sont prévues en excédent. A l'insuffisance de l'effort de l'Etat s'ajoute donc un aléa sur lequel il aura peu de prise.

Objectifs de solde des administrations publiques en 1999 (% du PIB)

Solde des administrations publiques (total)

- 2,3 %

Etat

- 2,7 %

Collectivités locales

+ 0,15 %

Sécurité sociale

+ 0,1 %

Organismes divers d'administrations centrales

+ 0,15 %

Solde requis pour stabiliser la dette publique

- 2,2 %

Effort supplémentaire restant à la charge de l'Etat pour commencer à stabiliser la dette publique

+ 0,1 %

3. Des incertitudes demeurent

Une action franche est d'autant plus nécessaire que les circonstances favorables sur lesquelles compte le gouvernement pour améliorer la situation des finances publiques demeurent incertaines.

Les différents instituts de conjoncture consultés régulièrement par certains organes du Sénat (délégation pour la planification ou commission des finances) divergent en effet sur ce point. Tout en demeurant légères, ces divergences laissent percevoir les aléas de la prévision.

Ainsi, l'OFCE considère qu'un excédent primaire (des administrations publiques) de 0,6 % devrait suffire pour stabiliser la dette publique (à 60 % du PIB), et qu'il serait atteint dès 1999, la dette commençant à refluer en 2002 6( * ) , à condition que les recettes fiscales supplémentaires ne soient affectées ni à des dépenses nouvelles, ni à des réductions d'impôt. L'observatoire prévoit toutefois un déficit public global de 2,5 % du PIB en 1999, soit une performance plus mauvaise que ce que prévoit le gouvernement (- 2,3 %). La tendance à la stabilisation de la dette ne peut donc être confirmée dans toutes les hypothèses.

De son côté, Rexecode prévoit un solde négatif de 2,4 % du PIB en 1999. Dans cette hypothèse également, la stabilisation de la dette ne serait pas obtenue cette année là. L'établissement financier Goldman Sachs évalue, quant à lui, ce solde à 2,7 %.

Il apparaît donc clairement que le gouvernement doit s'orienter avec détermination vers un excédent primaire de l'Etat suffisant pour commencer, dès 1999, à réduire la dette publique. Or, bien qu'il présente la réduction de cette dette comme un objectif principal, il s'oriente juste vers l'équilibre primaire pour l'Etat, ce qui est insuffisant pour amorcer une inversion de tendance . En outre, il ne prend pas la précaution de se ménager une marge d'erreur au cas où les circonstances ne seraient pas aussi favorables qu'il le souhaite, ou si les autres administrations ne connaissaient pas l'excédent escompté.

On ne peut que déplorer l'imprudence du gouvernement, qui table sur les excédents de la sécurité sociale et des collectivités locales pour améliorer le déficit des administrations publiques, et qui ne s'efforce pas d'affecter l'ensemble des plus-values de recettes espérées (mais incertaines) à l'amélioration du solde budgétaire de l'Etat.

B. LES RECETTES PUBLIQUES NE SONT PAS UN LEVIER UTILISABLE

Pour améliorer le solde primaire de l'Etat, le gouvernement a deux options : augmenter les recettes ou diminuer les dépenses.

Il a clairement décidé d'utiliser la première option, en tablant sur un surcroît de recettes fiscales en 1999 (50 à 55 milliards de francs), sans augmenter toutefois le taux des prélèvements obligatoires. Il a renoncé à la seconde option, puisqu'il propose une augmentation des dépenses de 1 % en termes réels.

Pourtant, l'expérience a montré que les recettes publiques n'étaient pas un levier utilisable, essentiellement pour deux raisons :

- d'une part, les aménagements de droits ont un effet incertain sur le niveau des recettes du fait des aléas de la conjoncture ;

- d'autre part, le niveau des prélèvements obligatoires peut être considéré comme étant à saturation.

1. Augmentation de la pression fiscale et "déflation des recettes"

L'expérience des sept derniers exercices a montré que la matière fiscale avait tendance à fuir au fur et à mesure qu'on la comprimait. C'est ce que le gouvernement précédent avait nommé la "déflation des recettes".

On a ainsi observé une corrélation de plus en plus imparfaite entre la hausse des prélèvements obligatoires et l'évolution des recettes, démontrant l'inefficacité croissante du levier fiscal.



Le graphique précédent montre que tous les cas de figures ont pu être observés dans le passé récent : une baisse des prélèvements accompagnée d'un fort surcroît de recettes (1986/1985 ou 1988/1987) ; une forte hausse des prélèvements (en 1995/1996) accompagnée d'un faible surcroît de recettes ; une hausse des prélèvements accompagnée d'une baisse de recettes (1993/1992) etc...

L'évolution des recettes dépend de facteurs multiples, dont le caractère déterminant est de plus en plus mouvant. Ainsi l'élasticité des recettes par rapport à la croissance est devenue très instable. L'évolution du droit fiscal voit ses effets de plus en plus contrariés.

Il n'est pas vraiment possible de conclure qu'on assiste en France à un phénomène de type "courbe de Laffer", à savoir qu'un surcroît de pression fiscale entraînerait une baisse des recettes par perte de matière imposable. On doit toutefois constater la maniabilité de plus en plus réduite du levier fiscal.

2. Le niveau absolu des prélèvements obligatoires a dépassé la saturation

Même si on pouvait être certain de l'effet sur les recettes d'un relèvement des cotisations et des impôts, cette option ne devrait pas être utilisée.

Le taux des prélèvements obligatoires a atteint récemment en France un niveau record. La France est en outre mal placée par rapport à ses partenaires européens. Ce constat suffit à interdire l'utilisation d'une hausse des impôts pour assainir les finances publiques. Votre commission l'avait déjà établi lors du débat sur le projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, et lors du précédent débat d'orientation budgétaire, tenu il y a deux ans sous le précédent gouvernement.

Votre rapporteur général écrivait alors 7( * ) :

" Le poids atteint par les prélèvements obligatoires dans l'économie, 45 % du PIB en prévision pour 1996, ne permet pas d'envisager une augmentation de la pression fiscale (même si la part des prélèvements effectués pour l'Etat a nettement diminué au profit de celle des prélèvements sociaux) et tout élargissement d'assiette ou suppression de dépense fiscale significatifs se heurte au préalable de la réforme de l'impôt sur le revenu."

Le taux des prélèvements obligatoires a, depuis, continué d'augmenter : 46,1 % en 1997. Au sein de l'Euro 11, seules la Finlande et la Belgique ont des taux analogues à celui de la France. Ce constat est donc plus que jamais d'actualité.

C. L'ACTION SUR LA DEPENSE PUBLIQUE EST LA SEULE POSSIBLE

En récapitulant les différents déterminants du solde primaire stabilisant la dette publique tel qu'il est expliqué par la direction de la prévision dans son rapport du 14 avril 1998 8( * ) , on observe que le gouvernement ne peut agir que sur la dépense publique.

Ce solde dépend en effet de cinq facteurs :

- le niveau de la dette publique de l'année n-1 , qui conditionne pour partie le montant des charges de la dette de l'année n. Plus le poids initial de la dette publique est élevé, plus l'excédent primaire nécessaire.

Il s'agit d'une donnée pour le gouvernement.

- le taux d'intérêt moyen de la dette , qui conditionne également le montant des charges. Il s'agit aussi pour l'essentiel d'une donnée, dépendante des situations passées et présentes des marchés financiers. La direction du Trésor ne peut guère qu'influer marginalement sur ce coût en modulant la durée moyenne de la dette.

- la croissance nominale du produit intérieur brut . Plus le PIB nominal croît, et plus la part relative de la dette a tendance à diminuer, toutes choses égales par ailleurs . La croissance nominale dépend du taux de croissance et du taux d'inflation . Or, le gouvernement n'a quasiment aucune prise sur la croissance économique, bien que la plupart des gouvernements tentent de le laisser croire. Petite et très ouverte sur l'extérieur, la France n'est pas en mesure de se créer les facteurs d'une croissance autonome significative. Le gouvernement n'a pas non plus de prise sur l'inflation. Lorsque celle-ci est forte, il est certes plus aisé d'effacer la dette. Mais, la politique monétaire est décidée par la banque centrale, aujourd'hui française, demain européenne. Le développement de l'inflation serait en tout état de cause un leurre, car un Etat endetté ne peut imposer à ses créanciers de les payer en monnaie de singe : une tentative de cette nature se heurterait à une hausse des taux d'intérêt.

- les recettes publiques . Celles-ci déterminent les soldes budgétaires, primaire et global. Votre rapporteur général a déjà expliqué pourquoi cet instrument ne présente plus aucune maniabilité.

- Restent les dépenses publiques . Celle-ci déterminent également les soldes budgétaires. Elles sont aussi de plus en plus difficiles à manier. La part prise par les dépenses sociales rend le pilotage des dépenses publiques plus aléatoire. La part prise par les dépenses les plus rigides dans le budget de l'Etat rend ce pilotage plus difficile 9( * ) . Les dépenses publiques restent néanmoins le seul instrument dépendant entièrement de la volonté de l'Etat, c'est-à-dire de la volonté politique. Il convient d'agir sur ce levier dans le calme, dans les périodes de croissance, plutôt que d'attendre d'y être acculé par une impasse financière.

Cette action doit être menée dès aujourd'hui, essentiellement pour deux raisons. D'une part, il s'agit de s'attaquer aux composantes les plus rigides de la dépense publique : fonction publique, assurance-vieillesse, assurance-maladie et, indirectement, charges de la dette publique. Ces postes lourds ne peuvent être réduits brutalement. Il y faut une intervention longue et opiniâtre. D'autre part, des charges futures s'accumulent pour l'Etat, dans un avenir qui se rapproche : pensions de la fonction publique, vieillissement de la population, entretien et rénovation du patrimoine national.

III. L'ANNULATION DU DÉFICIT DE FONCTIONNEMENT EST URGENTE ET INDISPENSABLE

Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 1998, votre commission avait dégagé des principes de méthode budgétaire, que votre rapporteur général avait intitulés les " sept piliers de la sagesse budgétaire " 10( * ) . Le pilier n° 2 consiste à institutionnaliser la présentation du budget de l'Etat en sections de fonctionnement et d'investissement de façon à faire apparaître le solde de fonctionnement et de n'autoriser l'emprunt que pour l'investissement.

A. L'ENDETTEMENT N'EST ADMISSIBLE QUE S'IL EST PORTEUR D'AVENIR

Le critère du traité sur l'Union européenne en matière de dette publique, ne pas dépasser 60 % du PIB, est purement quantitatif 11( * ) . Il vise un montant de dette soutenable, c'est-à-dire qui permette de ne pas dépasser 3 % de déficit public, et qui ne génère pas d'effet " boule de neige " (celui-ci étant défini comme le financement des intérêts de la dette par emprunt supplémentaire).

La dette doit toutefois être également jugée de façon qualitative. On retrouve ce jugement dans la dette des collectivités locales : on ne peut financer par emprunt que ce qui est durable, à savoir l'investissement. Une dette, même importante, est admissible lorsqu'il s'agit de financer des équipements, d'une durée au moins égale à celle des emprunts, et qui généreront à terme un surcroît d'activité susceptible d'entraîner des recettes fiscales permettant de les amortir.

Dans cette optique, le niveau de dette importe moins que sa nature : ce qui est financé par la dette générera-t-il, ou non, un surcroît de recettes à l'avenir ?

Il serait du plus haut intérêt de pouvoir distinguer dans les 4.022 milliards de francs (1996) de dette publique, la part imputable à l'investissement de celle qui a financé des dépenses courantes.

C'est la démarche qu'avait en partie suivie le précédent gouvernement en isolant la dette sociale (300 milliards de francs en 1998) dans un compte particulier, la caisse d'amortissement de la dette sociale, afin de faire prendre conscience aux français qu'ils financent en partie leur protection sociale à crédit.

La généralisation de cette démarche est indispensable. N'importe quel ménage sait qu'il ne peut s'endetter sur un an pour financier des biens qui ne durent qu'une journée, car cette attitude le conduirait à une impasse financière.

L'Etat semble, quant à lui, l'ignorer.

Pour résorber la dette, la première urgence est donc de s'attaquer au déficit de fonctionnement, qui est injustifiable, et le plus porteur de risques financiers pour l'avenir.

B. LA SECTION DE FONCTIONNEMENT RESTE DÉFICITAIRE

Pour la préparation de la loi de finances 1998, le gouvernement avait bien voulu actualiser pour votre commission la présentation du budget en fonctionnement et en investissement, comme cela avait été fait en 1997.

Projet de loi de finances pour 1998

Section de fonctionnement

(en milliards de francs)

Dépenses

LFI 1997

PLF 1998

Variation

Recettes

LFI 1997

PLF 1998

Variation

1. Charges à caractère général
- Matériel et fonctionnement civil
- Fonctionnement des armées


64,07

39,57

24,50


63,05

39,80

23,25


- 1,02

1. Produits de gestion courante (recettes non fiscales)


131


134


+ 3

2. Charges de personnel
- RCS civiles
- RCS militaires
- Pensions civiles et militaires

591,35
362,65
77,72
150,98

610,72
372,77
80,47
157,49

+ 19,37

2. Impôts et taxes (recettes fiscales)


1.395,27


1.446,71


+ 51,44

3. Autres charges de gestion courante
- Pouvoirs publics
- Subventions aux EPA
- Interventions
- Subventions d'investissement
- Garanties (titre I)
- Divers
- CST (hors affectation des recettes de privatisation)


529,37
4,28
51,17
456,64

14,73
1,55
1,70

- 0,70


545,70
4,40
52,83
463,40

17,21
1,57
1,90

4,4


+ 16,33

3. Produits financiers
- recettes liées à la dette
- Intérêts sur prêts du Trésor

25
18
7

20
14
6

+ 5

4. Charges financières
- Charge brute de la dette

250,58
250,58

248,65
248,65

- 1,93

4. Produits exceptionnels

0

0

 

5. Charges exceptionnelles

0,00

0,00

 

5. Reprises sur amortis-sements et provisions


0


0

 

6. Dotations aux amortis-sements et provisions


0,00


0,00

 
 
 
 
 

7. Reversements sur recettes
- Prélèvement CEE
- Prélèvements collectivités locales


230,23

87,00

143,23


233,05

91,50

141,55


+ 2,82

Déficit section de fonctionnement


115


100


- 15

TOTAL

1.665,60*

1.701,18*

+ 35

 

1.666

1.701,71*

+ 35

* aux approximations et arrondis près

Section d'investissement

(en milliards de francs)

Dépenses

1997

1998

Recettes

1997

1998

1. Dépenses d'investissement
- Equipement civil
- Equipement militaire

169,56
81
89

158,05
78
81

Déficit section de fonctionnement

- 115

- 100

2. Dépenses opérations financières
-
Remboursements d'emprunt (et autres charges en trésorerie)
- Participation (dotations en capital)
- Autres immobilisations financières (désendettement)

399

372
27

0

392

364
28

0

Cessions d'immobilisations financières


Ressources d'emprunt


27


657


28


622

TOTAL

569

550

 

569

550

Deux enseignements importants peuvent être tirés de cette présentation pour la problématique des dépenses publiques et du déficit :

- bien qu'en réduction de 115 à 100 milliards de francs, un important déficit de fonctionnement demeure . Sa résorption suffirait à parvenir à un solde primaire engageant un processus de diminution de la dette publique.

- la section de fonctionnement progresse par rapport à la section d'investissement . Elle représentait 74,5 % des dépenses en 1997, elle atteint 75,6 % en 1998.

En effet, ainsi que l'observe la Cour des Comptes dans son rapport préliminaire 12( * ) , l'effort d'assainissement des finances publiques produit dans les années passées a essentiellement porté, en dépenses, sur les dépenses d'investissement. En 1997, les dépenses d'investissement ont baissé de 6 % (titres V et VI), tandis que les dépenses ordinaires (titres I à IV) progressaient de 1,7 %.

Les efforts de réduction de dépenses à venir seront donc plus difficiles que les efforts passés, car ils portent sur un budget dont la fraction de dépenses rigides, voire inflexibles (les charges de la dette), est croissante. Ce constat rend d'autant plus urgent une action vigoureuse sur les dépenses de fonctionnement.

C. LES OPTIONS BUDGETAIRES DU GOUVERNEMENT ACCENTUENT LA RIGIDITE ET LA FONCTIONNARISATION DES FINANCES PUBLIQUES

La tendance naturelle des dépenses de l'Etat, comme de celles de l'ensemble des administrations, est celle d'une rigidification croissante, et en grande partie inéluctable . Des dépenses sur lesquelles le gouvernement aura une prise de plus en plus réduite devront être assumées en tout état de cause. Il en est ainsi de la charge de la dette publique. Il en va de même des rémunérations dans la fonction publique : la Cour des Comptes observe que, de 1993 à 1997, la masse des salaires des agents a progressé de 13,2 % ; mais que celle des pensions et allocations, partie sur laquelle le gouvernement ne peut quasiment rien, a progressé de 17,8 %. Et cette tendance va s'accélérer à l'avenir. De la même façon, s'agissant des régimes sociaux, les charges les moins maîtrisables, à savoir les pensions de retraites, sont celles qui progresseront le plus vite (doublement en termes réels entre 1995 et 2015). Le problème se pose aussi pour les charges de retraites des collectivités locales.

Il est donc très urgent de prendre des mesures radicales pour lutter contre ces effets.

Or, bien que déplorant la rigidité croissante du budget et souhaitant ardemment la résorption de la dette publique, le gouvernement accentue ce phénomène, de nature à entraver fortement sa progression vers l'objectif qu'il s'est lui-même fixé.

En effet, prévoyant d'hypothétiques plus-values fiscales de 50 à 55 milliards de francs en 1999, le gouvernement ne prévoit de les affecter que pour une part minime à la réduction du déficit (18 milliards de francs), et pour une part majeure à la section de fonctionnement du budget : 20 milliards de francs pour la fonction publique, 13 milliards de francs au titre des charges de la dette publique. En outre, en partie par redéploiement, 7 milliards de francs devraient servir à subventionner les entreprises au titre de la réduction du travail à 35 heures. De la même façon, les emplois jeunes pourraient coûter 10 à 14 milliards de francs (qu'on le veuille ou non, il s'agit d'emplois publics), et les interventions au titre de la loi sur les exclusions coûteraient, selon les calculs de votre commission, 5,4 milliards de francs.

L'ensemble de ces dépenses nouvelles forme une contribution significative à l'accroissement des dépenses publiques (1% en termes réels), ainsi qu'à leur rigidité, par leur nature de dépenses de fonctionnement et d'intervention.

Le gouvernement peut faire ce choix, qui lui appartient, ainsi qu'à sa majorité.

Mais il ne peut, dans le même souffle, prétendre réduire les déficits pour combattre la dette publique, se préparer aux charges de retraites de l'avenir, se conformer à nos engagements européens, et se placer en vue d'une prochaine réduction des prélèvements obligatoires.

Votre commission préconise pour sa part que soit renouvelée en 1999 l'opération de gel des dépenses publiques en valeur effectuée en 1997, et qui a abouti, pour l'Etat tout au moins, à une stabilité de ces dépenses en termes réels. A défaut, la constitution de droits nouveaux empêchera l'endiguement des dépenses, et la période favorable que la France s'apprête à traverser n'aura pas été mise à profit pour réduire la dette publique et préparer l'affrontement les charges de l'avenir.

IV. LA PRISE EN COMPTE DES GÉNÉRATIONS FUTURES EST UN DEVOIR

La concentration des richesses au sein des franges les plus âgées de la population française 13( * ) conduit à s'interroger sur la mise en oeuvre de politiques générationnelles. Dans le domaine budgétaire, une analyse générationnelle des bénéficiaires des dépenses publiques pourrait s'avérer instructive.

Les ambitions du gouvernement sont plus modestes. Il propose d'" élargir l'horizon temporel " de l'action publique. A cet effet, il envisage d'engager une programmation pluriannuelle des dépenses et d'anticiper les conséquences du choc démographique de 2005. Sans pour autant aller au bout de ses raisonnements. Sur ce sujet comme sur d'autre, la justesse de son diagnostic contraste avec son inaction.

A. RENFORCER LES OUTILS DE CONTROLE DE L'ÉVOLUTION DE LA DEPENSE PUBLIQUE

Dans sa contribution au débat d'orientation budgétaire pour 1997, votre rapporteur général écrivait :

" Afin de mieux évaluer les conséquences des choix arrêtés, le Parlement devrait pouvoir disposer d'une programmation pluriannuelle des grandes catégories de dépenses, le vote du budget ne pouvant plus se situer dans la perspective stricte de l' " exercice budgétaire ", et ce d'autant plus que le Parlement est amené à se prononcer sur des lois quinquennales. "

Cette proposition est aujourd'hui reprise à son compte par le gouvernement. Elle est dans la logique du pacte de stabilité et de croissance signé à Amsterdam en juin 1997, qui prévoit pour chaque membre de l'Euro 11 des programmes budgétaires à moyen terme.

Elle rejoint la volonté du gouvernement britannique de mettre en oeuvre une programmation à trois ans des dépenses de chaque département ministériel.

Toutefois, les britanniques situent cette disposition dans le cadre d'un programme de maîtrise des dépenses publiques, destiné à limiter le montant des charges transmises aux générations futures.

Les orientations retenues par le Royaume-Uni en matière budgétaire ont notamment pour objectif de dégager un excédent primaire du budget de l'Etat, de ramener le montant de la dette publique en dessous de 40% du produit intérieur brut et de conditionner l'augmentation des dépenses publiques à l'efficacité de la dépense. De plus, il est proposé de limiter le recours à l'emprunt au financement des dépenses d'investissement. Cette préoccupation rejoint les réflexions relatives à la mise en place d'une comptabilité patrimoniale de l'Etat, engagées par le ministre de l'économie et des finances Jean Arthuis, et aujourd'hui en sommeil.

Pour mémoire, votre commission des finances préconisait en 1997 la mise en place " d'indicateurs simples d'évaluation pour chaque dotation importante ", notamment les aides à l'emploi et au logement. Elle estimait que l'absence d'outils permettant d'apprécier le coût moyen des mesures et leur efficacité rendait " l'examen des crédits peu réaliste " .

B. TIRER LES CONSÉQUENCES DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION

Le vieillissement de la population française est illustré par la dégradation du rapport démographique des régimes de protection sociale 13( * ) . Aujourd'hui, à chaque retraité correspondent deux actifs cotisant aux différents régimes. Ce rapport ne cessera de se dégrader à partir de 2005. En 2040, il sera de pratiquement égal à 1 pour 1.

Cette évolution est particulièrement inquiétante en matière de régimes de retraites, même si elle aura également des conséquences en matière d'assurance maladie, les populations âgées consommant singulièrement plus de soins médicaux que les plus jeunes.

L'ampleur limitée des réformes entreprises en France contraste avec certaines expériences étrangères . A titre de référence, le Président des Etats-Unis, pays où le régime public de retraite par répartition sera excédentaire jusqu'en 2019, a annoncé que les éventuels excédents du budget de l'Etat lui seront affectés afin de se préparer à la dégradation du rapport cotisant sur bénéficiaires, dans 25 ans.

1. Financer la " dette publique invisible "

La " dette invisible " correspond à l'ensemble des engagements des administrations publiques qui n'ont pas été provisionnés 13( * ) . Il s'agit pour l'essentiel des engagements relatifs aux retraites par répartition, qui correspondent à la somme des droits acquis à la retraite, desquels sont soustraits les actifs financiers éventuellement détenus par ces régimes. L'OCDE a chiffré en 1993 le montant de la dette invisible de la France à 216 % du PIB de 1990 13( * ) , contre 157 pour l'Allemagne, 242 pour l'Italie, 156 pour le Royaume-Uni et 89 pour les Etats-Unis.

Ce pourcentage élevé, largement supérieur à la dette " visible ", témoigne de la générosité des pensions versées en France, mais surtout de l'absence d'actifs financiers constituant la " contrepartie " des droits acquis. Compte tenu de l'ampleur des charges différées pesant sur les régimes de retraites français, notre commission ne peut que regretter l'abrogation annoncée de la loi sur les fonds d'épargne retraite.

Le gouvernement propose, à l'instar d'autres pays industrialisés, de constituer des réserves pour " lisser l'impact prévisible " du choc démographique. Mais il ne dit pas avec quelles ressources il les alimenterait .

2. Agir sur les déséquilibres des régimes par répartition

La création de fonds de pensions ne permettra toutefois pas de résoudre les déséquilibres des régimes par répartition, l'écart entre les ressources et les dépenses ne se résorbant pas en longue période.

Source : OCDE

Il existe trois leviers permettant d'agir sur l'équilibre financier des régimes par répartition, mais deux sont inutilisables. Une réduction du niveau des pensions, suffisante pour rétablir l'équilibre, conduirait à rendre précaire la situation d'un grand nombre de retraités alors que, comme le montre le rapport du gouvernement, le montant total des pensions est mécaniquement appelé à s'accroître.

Par ailleurs, augmenter le montant des cotisations, qui s'élèvent déjà à près de 25 % à l'AGIRC, n'est pas souhaitable car l'accroissement des prélèvements obligatoires, compte tenu de leur niveau actuel, est contraire à l'équité et à l'efficacité économique. Pour maintenir le taux de remplacement de 1994 en 2040, le taux de cotisations sociales pour la retraite devrait passer de 20 % à 35 %. La solution est donc ailleurs.

Reste la durée de cotisation. La question de l'âge de la retraite mérite d'être posée . En effet, comme l'écrit notre collègue Jean-Pierre Raffarin, " si l'on est jeune biologiquement de plus en plus tard, on est professionnellement vieux de plus en plus tôt ". En France, l'âge d'ouverture des droits est de 60 ans. Il s'élève à 65 ans en Allemagne, au Canada, en Espagne, aux Etats-Unis ou encore aux Pays-Bas et en Suède. Il est de 67 dans les social-démocraties que sont le Danemark et la Norvège.

Au Etats-Unis, une loi prévoit déjà que l'âge de la retraite augmentera de deux mois par an entre 2000 et 2005, et autant entre 2017 et 2022, pour passer progressivement à 67 ans. Certains proposent aujourd'hui de prolonger l'effort jusqu'à 70 ans.

En France, un éventuel allongement de l'âge de la retraite devrait s'accompagner du renoncement au recours aux cessations anticipées d'activité dans le cadre de la politique de l'emploi, qui annuleraient une partie des effets de la réforme. En outre, les salariés les plus âgés sont également les plus vulnérables en cas de plans sociaux et de restructurations. Il importe donc de bien gérer ce " quatrième pilier de la retraite " et de veiller à l'employabilité des travailleurs âgés afin que l'accroissement de la durée potentielle d'activité ne se traduise pas par un allongement des périodes de chômage.

3. Isoler le compte des retraites de la fonction publique

Le rapport présenté par le Gouvernement dans le cadre du débat d'orientation budgétaire évalue à 30 milliards de francs, au terme des dix prochaines années et à réglementation et effectifs constants, la charge supplémentaire sur le budget de l'Etat des évolutions démographiques combinées à la croissance de la retraite moyenne.

Entre 1995 et 2015, les pensions à la charge de l'Etat seraient multipliées par 2,1 et celles à la charge de la CNRACL par 3,2.

Le financement des pensions des fonctionnaires, qui sont assimilées à des traitements différés, est réalisé intégralement dans le budget de l'Etat. Aussi, même s'il est possible de connaître le montant des charges de pensions versées par l'Etat et de calculer le taux de cotisation " implicite " acquitté par l'Etat employeur, il n'en demeure pas moins que l'importance des enjeux financiers est masquée par leur incorporation dans la masse des recettes et des dépenses de l'Etat.

Le taux de cotisation " implicite " de l'Etat s'élève à 39,6 % en 1998, contre environ 20 % pour les employeurs du secteur privé. Dans le secteur privé, le financement des retraites est partagé entre l'employeur et les salariés à hauteur de 60-40 %. Dans la fonction publique d'Etat, cette répartition est de 82-18.

A la lumière de ces chiffres, il apparaît que la disposition du plan Juppé qui prévoyait " la création d'une caisse autonome des fonctionnaires afin que soit isolé l'effort de l'Etat et des fonctionnaires en matière de retraite " mériterait d'être réexaminée.

La question des retraites pénalise doublement les générations futures. D'une part, la dégradation du rapport démographique soulève des interrogations quant au financement des retraites des générations futures mais également des jeunes actifs d'aujourd'hui. D'autre part, le poids croissant des pensions de retraites dans les dépenses publiques risque de provoquer l'éviction de dépenses d'investissement, mettant ainsi en péril la croissance à long terme de l'économie.

CHAPITRE III

UNE CONDITION : NE PAS TRANSFORMER LES COLLECTIVITÉS LOCALES EN VARIABLE D'AJUSTEMENT DU DÉFICIT DE L'ETAT

Dans le domaine des collectivités locales, la période 1997-1998 était très nettement marquée par son caractère transitoire. Il s'agissait en effet de la troisième et dernière année d'application du " pacte de stabilité " résultant de l'article 32 de la loi de finances pour 1996. La période 1998-1999 semble devoir être marquée, non par des bouleversements, mais par un certain nombre de réformes touchant la plupart " des compartiments du jeu " des finances locales.

Dans le cadre du présent débat d'orientation budgétaire, votre commission a concentré sa réflexion sur trois sujets essentiels relatifs, en premier lieu, à la sortie du pacte de stabilité financière, en deuxième lieu aux risques que pourraient comporter une réforme de la taxe professionnelle pour les ressources des collectivités locales et enfin au discours ambigu du gouvernement sur l'état des finances locales.

La présentation de ces réflexions est d'autant plus nécessaire, que la présentation faite par le gouvernement de la situation financière des collectivités locales est de nature à susciter quelques inquiétudes.

I. LA SORTIE DU PACTE DE STABILITÉ FINANCIERE

A. RAPPEL DU CONTEXTE

Respecté dans le cadre de la loi de finances pour 1998 par le nouveau gouvernement, le " pacte " résultant de l'article 32 de la loi de finances pour 1996 connaît en 1998 sa dernière année d'application.

Il convient de rappeler que ce dispositif avait pour objet d'indexer la progression de l'ensemble des dotations financières en provenance de l'Etat sur l'évolution prévisionnelle du niveau général des prix à la consommation hors tabac 13( * ) , ce qui a notamment eu pour effet " d'absorber " l'effet de l'indexation partielle de la dotation globale de fonctionnement sur la croissance. Il convient en effet de rappeler que depuis 1994, cette dotation croît en fonction d'un indice résultant de l'indice des prix et de la moitié de la croissance.

Le gouvernement avait annoncé qu'il ouvrirait une large consultation des associations d'élus locaux pour envisager avec elles les différentes pistes d'action pour prendre le relais du " pacte ". A la date du présent débat d'orientation budgétaire, ces discussions n'ont pas encore été officiellement engagées, le gouvernement faisant savoir qu'il lui était difficile de définir les critères d'évolution d'une enveloppe financière d'environ 150 milliards de francs, avant que ne soit défini le cadrage global de la loi de finances pour 1999.

B. L'ÉVOLUTION DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ETAT ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES : POUR UN CADRE PLURIANNUEL DE CROISSANCE

Sans préjuger du contenu des conclusions éventuelles de la discussion qui pourrait s'engager dans les prochaines semaines entre le gouvernement et les différentes associations d'élus locaux, votre commission considère nécessaire, d'une part, de porter un regard rétrospectif sur le " pacte " ayant régi les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales depuis 1996 et, d'autre part, de formuler des recommandations sur le dispositif qui serait destiné à en prendre le relais.

L'évolution des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales appelle en effet une attention toute particulière de la commission des finances, ce qui la conduit à la fois à porter un jugement sur le principe du pacte qui vient à extinction en 1998 et à déterminer les principes dont devrait s'inspirer le dispositif qui pourrait en prendre le relais à partir de 1999.

1. Pour le maintien du principe d'un cadre pluri-annuel

A cet égard, il semble tout d'abord qu'il ne faille pas remettre en cause le principe du pacte ayant couvert la période 1996-1998 . Votre rapporteur général reconnaît l'intérêt qu'il y a pour les collectivités locales à pouvoir disposer d'un instrument de lisibilité et, surtout, de prévisibilité du montant des dotations financières en provenance de l'Etat. Un tel système possède en effet l'avantage d'éviter, a priori , un débat annuel sur les règles d'évolution du montant de ces dotations et, par conséquent, les incertitudes et les risques qu'un tel débat comporterait pour les collectivités locales.

La conclusion d'un nouveau pacte pluri-annuel dans ce domaine est donc souhaitable, la durée de ce dernier de trois ans retenue pour le pacte précédent paraissant à la fois nécessaire et suffisante).

En revanche, il semble nécessaire à la fois de tirer les enseignements de cette expérience et de tenir compte de la différence de contexte budgétaire et politique.

2. Pour une meilleure prise en compte de la croissance

Il convient de rappeler que le " pacte " qui a couvert les années 1996-1998, aboutissait globalement à supprimer le lien avec la croissance pour l'évolution du montant des dotations qu'il recouvrait, puisque cette " enveloppe " dite " normée " était indexée sur l'évolution des prix ; le montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle jouant le rôle de variable d'ajustement en tant que de besoin pour contenir l'évolution de l'enveloppe dans la limite de celle des prix .

Le mode d'indexation retenu en 1996 doit aujourd'hui être modifié de telle sorte que les collectivités locales soient associées aux fruits de la croissance.

Cette modification est d'autant plus légitime que les circonstances générales qui entourent la conclusion d'un nouveau " pacte " diffèrent sensiblement de celles qui prévalaient à l'époque de la définition des règles du pacte de 1996-1998.

Le contexte économique et budgétaire était alors placé sous le double signe d'une très faible croissance et d'une contribution des collectivités locales à l'effort de redressement des finances publiques. Ces circonstances légitimait l'acceptation par les collectivités locales d'un instrument de régulation relativement strict du montant des dotations financières de l'Etat.

Aujourd'hui, sans qu'il soit question de renoncer à l'objectif de maîtrise de la dépense publique, il convient de tirer certaines conséquences de l'évolution de la conjoncture économique qui s'est dessinée depuis lors.

Aussi, votre commission plaide-t-elle en faveur d'une meilleure prise en compte de la croissance dans les critères qui seront retenus pour définir l'évolution du montant des dotations versées par l'Etat aux collectivités locales. La prise en compte de la croissance se justifie , d'une part, au regard de l'évolution de certaines dépenses dont les collectivités locales n'ont pas la maîtrise et, d'autre part, par la volonté de conserver aux collectivités locales leur rôle déterminant en termes d'investissement public .

En premier lieu, il convient de rappeler que les collectivités locales doivent, en tant qu'employeurs, assumer la hausse des traitements de la fonction publique territoriale qui résultera de l'accord salarial intervenu pour l'ensemble de la fonction publique 14( * ) .

Avec près de 1,4 million de fonctionnaires territoriaux (soit un peu plus de 30 % de l'ensemble des fonctions publiques nationale, locale et hospitalière), les collectivités locales sont en effet des employeurs qui possèdent la caractéristique de ne pas avoir la maîtrise de l'évolution du niveau des salaires qu'ils versent. Or, cet accord salarial de février 1998 impliquera un surcoût de 1,5 milliard de francs dès 1998, qui s'élèvera à 3,9 milliards de francs en 1999 et à 5,9 milliards de francs en 2000.

En second lieu, il s'agit de préserver la capacité d'investissement des collectivités locales. En effet, avec un flux annuel d'investissement s'élevant à près de 170 milliards de francs, contre moins de 30 milliards de francs pour l'Etat, soit près de 72 % de l'investissement public et 12,5 % de l'investissement de la Nation, les collectivités locales constituent un puissant relais de la croissance .

Préserver cette capacité d'investissement implique de lier l'évolution du montant des dotations financières en provenance de l'Etat au niveau de la croissance , qui devrait être prise en compte à hauteur de 50 %. Ainsi, le " critère PIB " de la dotation globale de fonctionnement retrouverait toute sa portée.

II. LA TAXE PROFESSIONNELLE : UNE RÉFORME IMPOSSIBLE ?

Impôt " triangulaire ", perçu par les collectivités locales, acquitté par les entreprises et compensé -dans une proportion croissante- par l'Etat, la taxe professionnelle et sa réforme, toujours annoncée, constitue un véritable "casse-tête".

Il s'agit en effet, tout à la fois, d'alléger son poids pour les entreprises et de réduire la facture de l'Etat, tout en maintenant le produit perçu par les collectivités locales.

Votre commission a conduit au début de l'année 1998 un large cycle d'audition consacré à la taxe professionnelle. Sans qu'il soit ici question de définir les principes d'une réforme de cet impôt, votre commission doit cependant présenter ses observations sur deux points dans la mesure où le gouvernement semble envisager de faire de cet impôt un des premiers sujets de sa réforme de la fiscalité locale.

A. LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE NE DOIT PAS DÉBOUCHER SUR UN " DÉLESTAGE BUDGÉTAIRE " AUX DÉPENS DES COLLECTIVITÉS

La commission des finances n'est pas opposée au principe d'une réforme de la taxe professionnelle dont l'objet serait d'alléger les charges pesant sur les entreprises, elle averti toutefois le gouvernement qu'une telle réforme ne saurait être le " vecteur " d'une réduction des compensations versées par le budget de l'Etat aux collectivités locales en contrepartie des diverses mesures d'allégement de taxe professionnelle.

Au fil des années, les inconvénients de la taxe professionnelle ont en effet été largement atténués au moyen d'allégement multiples qui ont permis de réduire le poids de cet impôt sur les entreprises. Ces différentes mesures d'allégement qui viennent réduire le montant de la principale ressource fiscale des collectivités locales, sont compensées par l'Etat qui assume ainsi les conséquences financières pour les collectivités locales des réformes décidées par la loi.

LA TAXE PROFESSIONNELLE : QUI PAIE QUOI ?

15( * )

 
 
 
 

(en millions de francs)

 

Produit perçu
par les collectivités
locales

charge supportée
par les
redevables

Coût des
allégements

Part de la TP prise en charge par l'Etat (*)

1986

79.566

67.104

16.929

22,41 %

1987

86.689

68.149

22.665

27,53 %

1988

93.923

73.482

24.825

27,81 %

1989

101.620

80.581

25.690

26,58 %

1990

113.696

91.160

27.749

25,60 %

1991

125.738

98.521

33.552

27,92 %

1992

135.492

102.879

39.448

30,44 %

1993

146.836

109.484

44.799

31,87 %

1994

153.033

112.484

48.637

33,20 %

1995

160.032

115.026

53.488

34,91 %

1996

168.966

123.853

53.990

33,34 %

1997
(prévisions)

176.572

122.750

57.212

33,79 %

1997/1996

 
 
 

+ 5,97 %

(*) En proportion des produits toutes collectivités confondues (produits : taxes principales + compensations)

Dans cet ensemble, il faut noter que le principal facteur d'allégement de la taxe professionnelle pour les entreprises et donc de coût pour l'Etat résulte du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée . Fixé à 5 % de la valeur ajoutée en 1985, ce plafonnement est passé à 4,4 % en 1989, 4 % en 1990 puis à 3,5 % en 1991.

Il en résulte une forte progression de la charge supportée par l'Etat qui, de moins de 3 milliards de francs en 1987, est passée à 4,5 milliards de francs en 1990, puis à peu près de 15 milliards de francs en 1992, 31 milliards de francs en 1995 et atteindrait 35,6 milliards de francs en 1998.

Votre commission des finances se montrera donc très vigilante quant au maintien du niveau de ces compensations en cas réforme de la taxe professionnelle. Sans qu'il s'agisse d'un procès d'intention à l'encontre du gouvernement, la commission des finances s'opposera en effet à toute forme de " délestage budgétaire " aux dépens des collectivités locales , si l'Etat venait à trouver dans une réforme de la taxe professionnelle un moyen de limiter le montant des compensations versées au titre des différents allégements liés à cette taxe.

B. LES PERSPECTIVES DE RÉFORME

En dehors d'une réforme profonde de l'assiette de cette taxe, dont le risque pour les collectivités locales vient d'être souligné, les deux points qui sont susceptibles de connaître une évolution dans le domaine de la taxe professionnelle concernent, d'une part, la cotisation minimum et, d'autre part, le développement de la mise en commun de la taxe professionnelle dans le cadre intercommunal.

1. La cotisation minimum de taxe professionnelle

S'agissant de la cotisation minimum , votre commission des finances a procédé à l'analyse des initiatives présentées à l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 1998 tendant à relever le taux de cette imposition, actuellement fixé à 0,35 % de la valeur ajoutée. A cet égard, il convient de signaler que pour 1999, ce relèvement coïnciderait avec l'extinction du mécanisme de plafonnement (qui, sauf reconduction, joue pour la dernière fois en 1998 ) du montant de cette imposition . Cette conjonction serait de nature à favoriser une forte croissance du produit de la cotisation minimum, qui s'élève actuellement à 50 millions de francs (en 1996, le rapport prospectif de la direction générale des impôts estimait le rendement d'une cotisation minimum, non plafonnée, à 1,86 milliards de francs pour un taux de 0,5 % et à 4,66 milliards de francs pour un taux de 1 %).

A cet égard, il convient de rappeler que cette ressource, qui constitue une recette du budget de l'Etat , bénéficie au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. En cas de progression du produit de la cotisation minimum, il est à craindre que l'Etat ne trouve là l'occasion de réduire sa contribution directe à ce fonds. Il conviendrait donc de rester circonspect sur la perspective d'une telle réforme 16( * ) .

2. L'intercommunalité

S'agissant de la réforme annoncée de l'intercommunalité , il convient de souligner que celle-ci semble devoir comporter des dispositions destinées à promouvoir les formes de " mise en commun " de la taxe professionnelle , dites taxe professionnelle de zone et, surtout, taxe professionnelle d'agglomération.

La formule dite de la taxe professionnelle d'agglomération, dans laquelle les communes membres d'un groupement à fiscalité propre renoncent à la perception de la taxe professionnelle au profit de ce groupement comporte en effet d'importants avantages.

Elle permet, d'une part, d'unifier le taux de la taxe professionnelle sur l'ensemble du territoire d'un groupement -favorisant ainsi une péréquation des ressources - et, d'autre part, du point de vue du contribuable, d'identifier le " responsable " de la taxe professionnelle, spécialisant en quelque sorte la taxe professionnelle au niveau intercommunal , les communes membres ne percevant plus que les taxes sur les ménages.

Seul " remède " véritable à la dispersion des taux de la taxe professionnelle au sein d'un territoire donné, le développement du recours à la taxe professionnelle d'agglomération, serait en outre de nature à favoriser une tendance à la baisse de la pression fiscale due à la taxe professionnelle.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une véritable réforme de la taxe professionnelle elle-même, cette adaptation apparaît cependant comme étant la plus réaliste et la plus réalisable.

III. LE DISCOURS AMBIGU SUR " L'EXCEDENT " DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES LOCALES

A. UN CONSTAT COMPTABLE NON RÉFUTABLE ...

Dans le cadre de l'audit sur l'état des finances publiques effectué, à la demande du gouvernement, par MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse et dont les conclusions ont été rendues publiques le 21 juillet 1997, il est constaté que le secteur des administrations publiques locales (secteur de la comptabilité nationale qui regroupe les communes, les départements, les régions ainsi que leurs satellites) est devenu " globalement excédentaire en 1996 et [que] cet excédent devrait s'accroître encore en 1997 ".

Ce constat est en quelque sorte confirmé par le rapport déposé par le gouvernement en vue du présent débat d'orientation budgétaire.

A cet égard, comme le relevait notre collègue Michel Mercier dans son rapport sur les crédits de la décentralisation de la loi de finances pour 1998, s'il ne s'agit pas de contester ce constat, il est en revanche indispensable de réagir contre certaines interprétations " constructives " qui pourraient en découler. Il s'agit en particulier d'indiquer que ce constat ne signifie pas que les collectivités locales puissent être considérées comme un variable d'ajustement sur lesquels l'Etat pourrait exercer un droit de tirage pour venir régulièrement compléter le financement de politiques qui relèvent de sa seule responsabilité.

Il faut rappeler à cet égard les propos du président Christian Poncelet, à l'occasion du débat sur les collectivités locales organisé en avril 1997 au Sénat, et selon lesquels " trop de faux et mauvais procès sont encore instruits, dans certaines sphères de l'Etat, à l'encontre des collectivités locales qui sont accusées, à tort, d'être des ilôts de prospérité et de laxisme dans un océan de pénurie et de rigueur ".

B. ... DONT LA SIGNIFICATION DOIT ÊTRE PRÉCISÉE

L'analyse de la signification de l'excédent des administrations publiques locales doit en conséquence être précisé sur deux points puisque, d'une part, il s'agit d'une moyenne et que, d'autre part, cet excédent résulte notamment d'une réduction des investissements.

1. La relativisation résultant de l'audit des finances publiques de 1997

En premier lieu il faut mesurer, comme le notent eux-mêmes MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse dans leur rapport du 21 juillet 1997 sur l'état des finances publiques, que cet excédent " n'est qu'une moyenne " qui recouvre des situations très différentes puisque " de nombreuses collectivités territoriales continuent de connaître des problèmes financiers et restent lourdement endettées ".

En second lieu, le même rapport note, en ce qui concerne les dépenses des collectivités locales, l'action de " deux facteurs de modération [puisque] les dépenses courantes évoluent lentement en raison du calme qui prévaut sur leurs deux principales composantes (achats intermédiaires et masse salariale) [et que] les investissements ont fortement baissé ".

Cette analyse, dont les principes sont confirmés par le rapport de notre collègue Joël Bourdin sur " L'état des lieux des finances locales en 1997 ", traduit la conjonction d'une saine gestion , et notamment d'une gestion active de la dette permettant la diminution de la proportion des intérêts de la dette dans les dépenses de fonctionnement, et d'un relâchement de l'effort d'investissement .

2. L'explication de l'Insee : une reprise de l'investissement insuffisante

L'Insee conforte cette réflexion dans son étude d'avril 1998 consacrée aux comptes des administrations publiques 17( * ) . L'Insee note en effet que la capacité de financement des administrations publiques locales est passée de 3,4 milliards de francs en 1996 à 17,6 milliards de francs en 1997. L'analyse des données fournies par l'Insee met en évidence les raisons de cette amélioration qui traduisent clairement les saines orientations de la gestion locale, qu'il s'agisse des dépenses ou des recettes.

S'agissant des dépenses , les budgets locaux sont caractérisés par un facteur de diminution lié à la baisse des charges d'intérêts qui ont continué à diminuer en 1997 de 10 % " en liaison avec l'amélioration de la situation financière des administrations publiques locales mais également en raison des opérations de réaménagement de la dette initiées par les collectivités locales à la faveur de la baisse des taux d'intérêt ".

A ce facteur, s'ajoute la faiblesse tendancielle des investissements qui, s'ils se sont redressés de 0,6 % en 1997 après une baisse de 8,2 % en 1996, sont loin de retrouver le niveau atteint en 1993. L'Insee note en effet que les investissements des administrations publiques locales en 1997 " sont restés inférieurs de 13,5 milliards de francs à leur niveau de 1993 ". Ce recul de 13,5 milliards de francs du niveau de l'investissement explique donc très largement " l'excédent " de 17,6 milliards de francs des administrations publiques locales.

Si le niveau de l'investissement des collectivités locales avait atteint en 1997 celui de 1993, " l'excédent " des administrations publiques locales ne dépasserait pas 4,1 milliards de francs, soit un niveau à peine supérieur à celui de 1996. Ce surplus doit donc être d'autant plus relativisé, qu'il s'explique par une faiblesse de l'investissement des collectivités locales . A cet égard, votre commission réitère l'avertissement déjà adressé au gouvernement de veiller à ne pas fragiliser la capacité d'investissement des collectivités locales, dont le " redémarrage " constitue une composante essentielle de la croissance à venir.

S'agissant des recettes , l'Insee relève que plusieurs facteurs distincts ont contribué à une évolution globale des ressources des administrations publiques locales de + 5,1 % en 1997. A cet égard, l'institut constate tout d'abord que si la fiscalité directe locale a progressé de 5 % en 1997 , cette augmentation résulte " d'une augmentation moyenne de 3,1 % des bases et de 1,9 % des taux ". L'augmentation des recettes de la fiscalité directe locale traduit donc pour plus de 60 % l'évolution spontanée des bases fiscales.

L'Insee note par ailleurs que si la progression des recettes fiscales globales des administrations publiques locales a atteint 5,8 %, c'est en raison de la hausse de 8 % de la fiscalité indirecte locale " essentiellement sous l'effet du retour à taux pleins des droits d'enregistrement " 18( * ) .

En ce qui concerne les dotations en provenance de l'Etat, l'Insee précise enfin que la progression limitée de leur montant marqué par le pacte de stabilité financière, est portée globalement à 2,2 %, compte tenu d'une " dotation de compensation de 2,8 milliards de francs [au profit des régions] liée au transfert de compétence en matière de transport régionaux de voyageurs ".

" La situation excédentaire " des administrations publiques locales, décrite dans le rapport déposé par le gouvernement à l'appui du présent débat d'orientation budgétaire, ne constitue donc en aucun cas une accumulation de " trésoreries dormantes ", dont l'Etat pourrait tirer prétexte pour opérer des ponctions nouvelles sur les budgets locaux au moyen de " co-financements " divers ou de réduction des compensations versées aux collectivités locales en contrepartie des allégements d'impôts locaux.

CHAPITRE IV

UN PARI A HAUT RISQUE : L'EXCÉDENT DES ADMINISTRATIONS DE SECURITE SOCIALE

I. UN DEFICIT DIFFICILEMENT CONTENU EN 1998

A. UNE REDUCTION DU DÉFICIT SOCIAL EN 1998 FONDEE PRINCIPALEMENT SUR DES PRÉLÈVEMENTS NOUVEAUX

A l'automne 1997, le déficit prévisionnel de la sécurité sociale pour l'année suivante était estimé à 33 milliards de francs. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 s'est fixé pour objectif de ramener ce déficit à 12 milliards de francs.

Toutefois, ainsi que votre commission des finances l'a déjà souligné, cet effort de redressement financier de 21 milliards de francs repose essentiellement sur des prélèvements nouveaux, pour un montant de 12 milliards de francs.

Les trois principaux apports de recettes résultent de la substitution de la contribution sociale généralisée aux cotisations d'assurance maladie (4,9 milliards de francs) ; de l'extension-fusion des prélèvements sociaux sur les revenus de l'épargne et du patrimoine (4,5 milliards de francs) ; et du relèvement de la fraction des droits de consommation sur les tabacs affectée à la caisse nationale d'assurance maladie ( 1,3 milliard de francs).

Face à ces prélèvements nouveaux, les mesures d'économie ne portent que sur 4,9 milliards de francs. Il s'agit de la mise sous condition de ressources des allocations familiales (4 milliards de francs) et de la réduction du taux de l'allocation de garde d'enfant à domicile (900 millions de francs).

La première de ces mesures d'économie est d'ailleurs si contestable au regard du principe d'universalité de la sécurité sociale que le Premier ministre vient d'annoncer, dans le cadre de la conférence nationale de la famille, qu'elle sera abrogée en 1999.

Enfin, l'équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 est bouclé par un certain nombre de mesures de trésorerie, par nature non reconductibles, pour un montant de 5,5 milliards de francs.

Les deux principales mesures de trésorerie sont l'affectation de 2,2 milliards de francs d'excédents de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au régime général de sécurité sociale, en contradiction avec la nature même d'une contribution par définition affectée aux régimes des non salariés ; et la reprise par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) du déficit de 87 milliards de francs cumulé en 1997 et 1998 par le régime général, qui permet une économie de 3 milliards de francs sur les charges d'intérêt.

La réouverture de la CADES, qui a pour corollaire la prolongation de cinq années de sa durée d'existence, est une facilité dangereuse dans un système fondé sur la répartition. Elle constitue un précédent fâcheux.

B. DES PREVISIONS GLOBALEMENT CONFIRMÉES PAR LA COMMISSION DES COMPTES DE LA SECURITE SOCIALE

Le rapport de printemps de la commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est réunie le 11 mai dernier, ne concerne que le seul régime général. Il a donc un champ plus restreint que la loi de financement de la sécurité sociale, qui porte sur tous les régimes de base.

Toutefois, compte tenu du rôle central du régime général au sein du système de sécurité sociale, la nouvelle prévision pour 1998 présentée dans ce rapport permet de confirmer globalement le niveau du déficit de la sécurité sociale prévu par la loi de financement.

Cette fiabilité de la prévision s'explique d'abord par le fait que l'hypothèse-clef d'une progression de 4,1% de la masse salariale du secteur privé en 1998 n'est pour l'instant pas démentie. Par ailleurs, des plus-values de cotisations d'environ 2 milliards de francs sont attendues d'une réévaluation de la base 1997, ainsi que de la revalorisation de la masse salariale de la fonction publique.

Elle s'explique également par le fait que le rendement net de l'opération de basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG semble conforme aux prévisions. Le produit supplémentaire de CSG attendu s'élève à 161,8 milliards de francs, soit 2,2 milliards de francs de plus que prévu, mais les pertes de cotisations afférentes s'élèvent à 156,8 milliards de francs, soit 2,1 milliards de francs de plus que prévu.

Ainsi, le solde de l'opération dégagerait en 1998 un solde net de 5 milliards de francs, très légèrement supérieur aux 4,9 milliards de francs initialement prévus.

S'agissant des dépenses, les prestations de la branche maladie du régime général seraient en 1998 supérieures aux prévisions de 500 millions de francs, tandis que celles de la branche vieillesse seraient supérieures aux prévisions de 1,8 milliard de francs.

Au total, ainsi révisé, le besoin de trésorerie du régime général s'établirait à - 13 milliards de francs en 1998, contre - 12 milliards de francs prévus en loi de financement de la sécurité sociale.



Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale - mai 1998

II. UN HYPOTHETIQUE EXCEDENT POUR 1999

A. UN EXCEDENT PRÉVISIONNEL PUREMENT TENDANCIEL

Le rapport de la commission des comptes de la Nation du mois d'avril 1998 fait état d'un excédent prévisionnel des administrations de sécurité sociale de 0,1% du PIB pour 1999, soit environ 8 milliards de francs.

Il convient de signaler que la notion d'administrations de sécurité sociale, au sens des comptes de la Nation, ne recouvre pas exactement le champ des lois de financement de la sécurité sociale, puisqu'elle inclut les régimes complémentaires, le régime d'assurance chômage et l'ensemble des établissements hospitaliers.

L'amélioration de la situation financière des organismes de sécurité sociale, au sens large, résulterait en 1999 des facteurs suivants :

- le dynamisme des recettes des organismes de sécurité sociale (cotisations sociales et CSG sur assiette élargie) ;

- l'effet des réformes structurelles engagées (assurance-maladie et allongement de la durée de cotisation des retraites du régime général) ;

- l'amélioration de la situation de l'emploi (directement pour l'assurance chômage, indirectement pour les autres risques).

Il s'agit d'une prévision très globale, et le détail de la situation financière des différentes branches et organismes n'est pas précisée.

Ce retour à l'équilibre des administrations de sécurité sociale en 1999 semble plus optimiste que la projection triennale présentée en annexe de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (annexe C). Cette projection, fondée sur une convention de progression des recettes de 4% par an, fait certes état d'un solde positif de 500 millions de francs en 1999 pour le régime général. Mais elle confirme la dégradation financière à moyen terme des autres régimes de base, et notamment de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), qui serait déficitaire de plus de 3 milliards de francs en 1999.

Toutefois, les prévisions relatives aux comptes sociaux sont par nature moins fiables que les prévisions budgétaires. En effet, en matière de sécurité sociale, l'incertitude porte autant sur les recettes que sur les dépenses futures. Ces dernières ne sont évaluées que par l'extrapolation des tendances passées et, à la différence des crédits budgétaires limitatifs, ne peuvent pas être ajustées en cours d'exécution, du moins sans modification des droits afférents.

Or, en ce domaine, l'expérience prouve que les mauvaises surprises sont beaucoup plus fréquentes que les bonnes.

B. DES DEPENSES TOUJOURS NON MAÎTRISEES

Certains éléments conduisent à rester prudent sur la perspective d'un retour des comptes sociaux à l'excédent en 1999, et même sur la limitation du déficit au niveau prévu pour 1998.

Tout d'abord, le ralentissement des dépenses d'assurance maladie observé en 1997 n'est pas acquis. Les tergiversations du gouvernement, qui a repris à son compte sans oser le dire la réforme de 1996, semblent avoir favorisé le retour à une hausse rapide des dépenses de santé depuis le début de cette année. La progression des honoraires des médecins libéraux a été de 3,8 % sur les quatre premiers mois de 1998. A défaut de mesures nouvelles en cours d'exercice, le mécanisme de reversement des honoraires des médecins risque même de devoir être mis en oeuvre pour la première fois.

En matière de prestations familiales, le gouvernement a annoncé pour l'an prochain un certain nombre de mesures dont le coût devrait dépasser 3 milliards de francs (déplafonnement des allocations familiales, extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles modestes d'un seul enfant, versement des allocations familiales jusqu'à vingt ans).

Ces dépenses supplémentaires devraient être financées par l'abaissement du plafond du quotient familial, présenté comme une mesure alternative au plafonnement des allocations familiales par ailleurs abandonné. Toutefois, cet aménagement fiscal se traduira mécaniquement par une hausse de l'impôt sur le revenu, à hauteur de 3 à 4 milliards de francs, tandis que les modalités du transfert de ce surcroît de recettes du budget de l'Etat vers la branche famille ne sont pas encore connues.

D'autre part, les gestionnaires de l'assurance chômage sont d'ores et déjà invités à engager des négociations pour utiliser l'excédent prévisionnel de l'UNEDIC, de manière à financer soit l'extension de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE), soit une amélioration des conditions d'ouverture des droits relatives à la durée de travail antérieure.

Enfin, rien n'est décidé pour les retraites . Non seulement les régimes spéciaux poursuivent leur dérive financière, hypothéquant les comptes de l'Etat et des collectivités locales, mais le déficit de la branche vieillesse du régime général semble se creuser de manière inexpliquée en 1998, avec un surcroît de dépenses de 1,8 milliard de francs par rapport aux prévisions initiales.

A moyen terme, le rapport présenté par le gouvernement à l'appui du débat d'orientation budgétaire confirme la gravité du problème financier posé par le ressaut démographique de 2005. Toutes choses égales par ailleurs, le montant des prestations de retraite va augmenter de 251 milliards de francs entre 1995 et 2005, et de 413 milliards de francs entre 2005 et 2015.

Pourtant, face à l'urgence reconnue de mesures structurelles d'ajustement, le Premier ministre s'est contenté de confier au Commissariat général du plan "la tâche d'animer une mission destinée à élaborer un diagnostic précis et concerté de la situation".

C. L'IMPÉRATIF DE REMBOURSEMENT DE LA DETTE SOCIALE

Le gouvernement semble donc tenté de mettre à profit l'amélioration conjoncturelle des recettes de la sécurité sociale pour repousser les réformes structurelles, tout en colmatant quelques brèches par des expédients en loi de financement.

Plus généralement, dès qu'un excédent apparaît dans une branche ou un organisme quelconque de sécurité sociale, le réflexe semble toujours être soit de le ponctionner au profit d'autres branches ou organismes en situation déficitaire, soit de créer des dépenses nouvelles pour utiliser cette marge de manoeuvre.

Or, une priorité absolue doit être donnée au remboursement de la dette de 227 milliards de francs cantonnée dans la CADES 19( * ) . Ce recours à l'endettement, que votre commission des finances n'a jamais admis que comme un pis aller, reste une aberration au regard de la logique même d'un système de sécurité sociale fondé sur la répartition.

Dès lors, si l'excédent financier du régime général de sécurité sociale annoncé pour 1999 se confirmait, il devrait être aussitôt affecté à la CADES pour accélérer le remboursement de la dette sociale.

CHAPITRE V

UNE NÉCESSITÉ : RÉDUIRE LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INTERVENTION

Lors du débat d'orientation budgétaire pour 1997, votre rapporteur général avait formulé la préconisation suivante : " le poids des prélèvements obligatoires exclut de solliciter à nouveau les recettes, et c'est une diminution sans précédent de la dépense publique qui devra s'opérer à partir de 1997 ".

La stabilisation en francs constants des dépenses de l'Etat,
pour en réduire le poids dans la richesse nationale , reste plus que jamais un impératif de saine gestion des finances publiques .

En effet, ainsi que votre rapporteur général l'a déjà rappelé, afin d'inverser la dérive de la dette publique, il est indispensable d'améliorer le solde primaire du budget de l'Etat et, partant, d'opérer une action forte sur les dépenses.

Une tentative en ce sens avait réussi en 1997 conformément aux engagements pris par le gouvernement d'Alain Juppé lors du débat d'orientation budgétaire pour 1997. Elle n'avait toutefois pas suffi à amorcer une baisse du poids de la dette, ce qui démontre l'ampleur de l'effort à réaliser. Et elle n'a malheureusement pas été reconduite en 1998 et ne le sera pas pour 1999, puisque le gouvernement affiche un objectif de " progression maîtrisée des dépenses de l'Etat de 1 % en volume ". Cette progression représente 2,2 % en valeur soit prés de deux fois le rythme de l'inflation.

Cet objectif quantitatif doit désormais également se doubler d'une action qualitative sur les dépenses de l'Etat, compte tenu de l'accroissement des dépenses de fonctionnement, aux dépens des dépenses d'investissement, qui ne représentent qu'un peu plus de 10 % des dépenses totales 20( * ) .

I. LE BUDGET DE 1997 A DÉMONTRÉ LA NÉCESSITÉ ET LA POSSIBILITÉ D'OPERER UNE STABILISATION DES DEPENSES

A. UN OBJECTIF AMBITIEUX ET COURAGEUX PRÉSENTÉ EN LOI DE FINANCES POUR 1997

1. Une priorité affichée par le gouvernement d'Alain Juppé dès le débat d'orientation budgétaire pour 1997

Dans le rapport déposé pour le débat d'orientation budgétaire, le gouvernement d'Alain Juppé avait tenu à souligner que le " le redressement des comptes de l'Etat passe prioritairement par une action forte sur les dépenses ". En conséquence, il avait fait de la réduction significative et durable du poids de la dépense publique une priorité, souhaitant à ce titre une " stabilisation des charges en francs courants, c'est-à-dire sans tenir compte de l`inflation ".

Cette volonté courageuse et ambitieuse, compte tenu de l'ampleur de l'effort à fournir, votre rapporteur général l'avait pleinement et sans réserve soutenue, estimant indispensable une " action forte sur les dépenses ".

2. Une traduction concrète en loi de finances pour 1997

A l'issue de l'examen du projet de loi de finances pour 1997, le taux de progression globale des dépenses du budget général avait été fixé à 1,3 %, contre 5,4 % dans la précédente loi de finances et 5,5 % en moyenne annuelle entre 1988 et 1995. Il s'établissait même, hors remboursements et dégrèvements à 0,9 %, soit un montant inférieur tant à la progression prévue du PIB en volume (+2,3 %) qu'à celle de l'indice des prix à la consommation (+1,5 %).

Votre commission des finances avait pleinement adhéré à cette volonté de maîtrise des finances publiques. Elle estimait en effet qu'elle constituait la " traduction financière de choix politiques courageux " puisqu'elle concernait l'ensemble du budget, permettait d'infléchir la réduction des charges liées à la dette et au personnel, tout en opérant un recentrage des dépenses d'intervention les plus lourdes sur les priorités définies par le gouvernement.

B. DES RÉSULTATS CONFIRMÉS EN EXÉCUTION

1. Une légère diminution en volume des dépenses de l'Etat

En 1997, les dépenses du budget général ont, dans leur ensemble, augmenté de 1 % 21( * ) contre 4,6 % en 1996, passant de 1.902,06 milliards à 1.921,03 milliards de francs, soit, ainsi que cela avait été prévu en loi de finances initiale, une progression inférieure à celle des prix du PIB (+ 1,1 %).

On a ainsi pu constater une légère diminution en volume (- 0,1 %) des dépenses de l'Etat.

Néanmoins cette diminution s'est opérée de façon dissymétrique : les dépenses ordinaires ont progressé globalement de 1,7 % et les dépenses d'investissement ont diminué au total de 5,9 %.


Il convient toutefois de préciser que l'évolution globale des dépenses, en y intégrant les opérations définitives des comptes d'affectation spéciale s'élève en 1997 à 2.008,31 milliards contre 1.936,20 milliards de francs soit une hausse effective de 3,7 %. L'augmentation importante des dépenses à caractère définitif des comptes d'affectation spéciale qui sont passées de 34,14 milliards en 1996 à 87,28 milliards de francs en 1997 n'a cependant pas affecté le solde excédentaire qui est passé de 1,88 milliard en 1996 à 1,99 milliard de francs en 1997. L'augmentation des recettes et, partant, des dépenses provient principalement de l'ouverture du capital de France Telecom (42,85 milliards de francs) ainsi que de la cession de titres pour un montant de prés de 13,1 milliards de francs qui ont été affectés pour 59,15 milliards de francs à des versements aux entreprises publiques, dont 16,9 milliards au profit des établissements intervenant dans la restructuration du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs.

Cette situation emporte une double conséquence. D'une part, elle conduit à nuancer le jugement concluant à une diminution en volume des dépenses du budget général. D'autre part, elle tend à réduire les effets de la baisse des dépenses d'investissement du budget général.

2. Cette diminution a été concentrée sur les dépenses d'équipement et les dépenses de fonctionnement (hors dépenses en personnel)

Les dépenses civiles en capital (titres V et VI), ont diminué en 1997 de 8,3 % connaissant au total une baisse de 9,4 % en valeur et de 17,3 % en volume sur la période 1993-1997. De même, en raison notamment du nouveau contexte international, les dépenses militaires d'équipement s'établissaient à 76 milliards de francs (-2,6%), contre 88,7 milliards de francs prévus par la loi de programmation militaire 1997-2002. Comme le relève la Cour des Comptes, les " dépenses d'équipement militaire ont contribué pour une part importante à l'amélioration de la situation budgétaire pendant cette période ".

Les dépenses civiles de fonctionnement (parties 4 à 7 du titre III), c'est-à-dire hors dépenses de personnel, ont diminué de 0,5 % en 1997 aux dépens de l'état général du patrimoine de l'Etat.

3. Les dépenses de personnel, la charge de la dette et les dépenses d'intervention ont continué de progresser

Les dépenses civiles de personnel (parties 1 à 3 du titre III) ont connu en 1997 un rythme de progression (+2 ,8 % soit 14,5 milliards) supérieur à celui de l'ensemble des dépenses du budget général (+1 %) et de l'indice des prix du PIB (+1,1 %). Cette progression est par ailleurs particulièrement marquée pour les charges de pension (+3,5 %) et les charges sociales (+4,3 %), compte tenu de la limitation pour la période 1996-1997 de la progression des rémunérations d'activité (+2 %).

La diminution de la charge nette de la dette, dont la progression est passée de 14,2 % en 1994 à 1,2 % en 1997, accompagnant le mouvement d'ensemble du titre I (+ 2 % en 1997), résulte principalement de l'effet bénéfique de la baisse du niveau général des taux d'intérêt. Elle ne peut cependant masquer l'augmentation de l'encours de celle-ci et les risques entraînés par l'effet " boule de neige " 22( * ) . Ainsi en 1980 le paiement des intérêts de la dette représentait 5 % des recettes fiscales nettes. Ce pourcentage était de 10% en 1986 et devrait s'élever en 1998 à 19,7%.

Enfin, les dépenses d'intervention du titre IV ont connu une augmentation limitée à 1,3 %, mais qui reste supérieure à l'ensemble du budget général. Au sein de celles-ci, votre rapporteur général tient à souligner que les dépenses en faveur de l'emploi connaissent à nouveau une progression importante (+ 6,3 %) pour s'établir à 149,7 milliards de francs, soit une augmentation de 56 % en quatre ans, tandis que les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion (RMI) augmentent de 6,1 % (24,4 milliards de francs) et ceux destinés à l'allocation adulte handicapé (AAH) de 3,9 % (22,4 milliards de francs).

II. LE GOUVERNEMENT NE S'ORIENTE PAS VERS LA POURSUITE DE CE MOUVEMENT DE STABILISATION

Eu égard à la nécessité d'améliorer le solde primaire du budget de l'Etat et au fait que les recettes publiques ne constituent pas un levier utilisable, seule une action forte sur la dépense publique est possible.

Cette action, qui doit être impérativement menée, ne constitue cependant pas la priorité du gouvernement de Lionel Jospin.

Que ce soit lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 ou dans le cadre des orientations présentées pour 1999, les options budgétaires du gouvernement s'écartent en effet de cet objectif de stabilisation.

A. DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998, LE GOUVERNEMENT S'EST REFUSÉ À POURSUIVRE L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉPENSES

1. Un choix doublement préoccupant : dans son principe et dans ses modalités

a) Le gouvernement a choisi de stabiliser le solde budgétaire au prix d'un accroissement des prélèvements et non d'une maîtrise des dépenses

Ainsi que votre rapporteur général l'avait solennellement rappelé au gouvernement à l'occasion de la présentation de la loi de finances pour 1998, " une politique ambitieuse de réduction de la dépense pour permettre un allégement des prélèvements obligatoires est pourtant possible. Elle recréerait les conditions d'un dynamisme de l'économie française ".

Le gouvernement avait alors cependant décidé d'opérer un choix inverse au prix d'une maîtrise des dépenses inexistante. En effet, ainsi que votre commission l'avait déjà relevé pour le dénoncer, les charges réelles de l'Etat devraient s'accroître, en 1998, plus vite que l'inflation, d'un montant que l'on pouvait estimer à 1,87 %, alors même que la présentation faite par le gouvernement laissait entendre un financement des actions nouvelles opéré par redéploiement budgétaire 23( * ) .

Sans remettre en cause la qualification de la France pour la " première vague  " de l'Euro cette situation a contribué à la marginaliser au sein des pays de l'OCDE et à poser la question de la soutenabilité à long terme d'une telle politique budgétaire.

Les dépenses publiques françaises se placent à un niveau élevé : elles se situent au quatrième rang des pays du monde développé et sont supérieures de 5,5 points de PIB à celles de l'Allemagne .

b) Des priorités budgétaires lourdes de conséquences

Tant les économies préconisées par le gouvernement que les priorités budgétaires affichées, ont suscité les réserves de votre rapporteur général.

Ainsi au titre de la révision des services votés, 16,6 milliards de francs de crédits ont été supprimés: la politique d'allégement des charges sur les bas salaires a été ralentie, l'accès à la propriété restreint et des mesures ciblées en faveur de l'emploi supprimées. Par ailleurs 7,7 milliards de francs de dépenses en capital du budget de la défense n'ont pas été inscrits, nonobstant les prescriptions en ce sens de la loi de programmation militaire 1997-2002.

A l'inverse les priorités budgétaires sectorielles définies alors par le gouvernement se sont traduites par des moyens supplémentaires en personnel et par une priorité inquiétante donnée à l'emploi public, qu'il s'agisse de l'arrêt du mouvement de réduction des effectifs de la fonction publique, de la création d'emplois dans les établissements publics, de la mise en place des emplois-jeunes dans le secteur public ou des mesures de revalorisation salariale.

Ces mesures ont eu pour conséquence d'aggraver le déséquilibre existant déjà au sein du budget de l'Etat entre des dépenses de fonctionnement en progression et des dépenses d'équipement notamment en matière militaire soumises à des restrictions budgétaires de plus en plus importantes, ainsi que l'a déjà relevé pour le regretter la Cour des Comptes 24( * ) .

C'est également contre cette dérive qualitative des dépenses de l'Etat que votre rapporteur général entend s'élever.

c) Des résultats d'exécution encore imprécis

Selon les informations communiquées à votre rapporteur général, il apparaît qu' " aucune dérive significative n'affecte le profil mensuel de l'exécution budgétaire qui apparaît cohérente avec les prévisions affichées en loi de finances initiale ".

Au 30 avril 1998, les dépenses du budget général s'établissaient à 580,2 milliards de francs contre 577,7 milliards de francs à la même période en 1997. Le niveau des dépenses militaires en capital reste toujours faible (7,5 milliards contre 28,1 milliards de francs en 1997) compte tenu de " la mise en place de nouvelles procédures d'ordonnancement et de comptabilisation induisant des retards dans l'exécution mais sans incidence sur le niveau final de la dépense ".

Votre rapporteur général tient également à relever que les dépenses concernant la dette brute ont augmenté à la fin avril 1998 de 17 % par rapport au niveau d'avril 1997.

De même, il souhaite revenir sur les conditions dans lesquelles a été mis en place au début de l'année 1998, le fonds d'urgence social doté de 1 milliard de francs gagés par des économies forfaitaires sur 120 chapitres, n'épargnant que trois budgets (emploi, santé et solidarité).

En effet, ainsi que Mme Joint-Lambert l'a elle-même souligné dans son rapport au Premier Ministre 25( * ) , ces crédits publics ont été dépensés, de façon très rapide, sans critères d'examen défini et sans examen sérieux des cas individuels au risque de destabiliser le travail de terrain accompli depuis des années par les intervenants sociaux.

Par ailleurs, selon les informations obtenues par votre rapporteur général, au moins 6,8 milliards de francs de dépenses nouvelles n'ont pas encore été budgétés.

Il s'agit, non seulement de l'accord signé entre Eramet et la Société Minière du Pacifique-Sud (1,570 milliard de francs), mais également du coût de l'accord salarial dans la fonction publique. Celui-ci est estimé à 5,3 milliards de francs pour 1998, or 3 milliards seulement ont été inscrits en loi de finances pour 1998. Il reste donc à financer 2,3 milliards de francs de surcoût.

Par ailleurs, au titre des mesures sociales annoncées ou prises depuis le début de cette année, 2,95 milliards de francs doivent être dégagés. La loi instaurant une allocation spécifique d'attente coûte en effet 375 millions de francs en année pleine, la revalorisation des minima sociaux au 1 er janvier 1998 est estimée à 1,7 milliard de francs tandis que le coût budgétaire du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, estimé à 1,1 milliard pour 1998 n'a été financé, à ce jour, qu'à hauteur de 225 millions de francs.

2. La volonté de la commission des finances d'aller plus loin dans la maîtrise des dépenses publiques lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998

Compte tenu de ces éléments, votre rapporteur général avait alors souhaité lutter contre cette dérive tant quantitative que qualitative.

Pour cela, il souhaitait ramener en francs courants le montant des dépenses du budget général à celui de la loi de finances initiale pour 1997, et ainsi stopper cette progression proposant pour cela des réductions ciblées et forfaitaires portant exclusivement sur les dépenses ordinaires, les dépenses en capital devant être préservées pour l'avenir et subissant déjà une diminution sérieuse en 1998.

Cette démarche s'inscrivait dans la continuité des réflexions et des prises de position prises par votre commission des finances depuis plusieurs années 26( * ) . A ce titre, il ne peut que regretter que le gouvernement ne se soit pas astreint à la même rigueur dans la démarche, en contribuant au contraire à rigidifier la structure des finances publiques et en se refusant à endiguer la progression de la dépense publique.

B. LES ORIENTATIONS RETENUES PAR LE GOUVERNEMENT POUR 1999 METTENT EN LUMIERE UNE CONTRADICTION

1. Le gouvernement affiche comme impératif la réduction du déficit structurel des administrations publiques et la lutte contre la rigidité des dépenses publiques

Votre rapporteur général partage ces objectifs.

Ils supposent néanmoins, puisque la croissance ne pourra à elle seule combler le déficit structurel que, de façon préalable et indispensable, le gouvernement réduise les dépenses et n'affecte donc pas le surplus de recettes conjoncturelles à des dépenses nouvelles.

Or le gouvernement affiche pour 1999 un objectif de " progression maîtrisée des dépenses de l'Etat de 1 % en volume " soit 2,2 % en valeur et près de deux fois le rythme de l'inflation.

De même il est indispensable que soit révisée la tendance à privilégier les dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement et qu'ainsi évolue la structure de la dépense publique.

2. Mais le gouvernement ne se donne pas les moyens d'atteindre cet objectif

En effet, les orientations tracées par le gouvernement au titre de la préparation de la loi de finances pour 1999 montrent que le supplément de recettes fiscales attendu qui est évalué à 55 milliards de francs ne sera affecté à la réduction du déficit qu'à hauteur du tiers seulement. Plus des deux tiers restant, soit 35 milliards de francs seront alors consacrés au financement de dépenses nouvelles.

Votre rapporteur général ne peut être favorable à cette situation.

Il n'est d'ailleurs pas le seul à partager cet avis.

Ainsi M. Didier Migaud, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale relève à ce sujet 27( * ) que " ce choix pourrait être présenté comme signe d'un laxisme de mauvais aloi " sans toutefois y apporter de véritable et ferme démenti dans la suite de ses propos...


Par ailleurs, votre commission estime que les actes du gouvernement sont d'autant plus en contradiction avec l'objectif ainsi défini que de nombreuses mesures déjà annoncées ou décidées en 1997 notamment en matière sociale, devront également être financées au titre du budget de 1999, qu'il s'agisse de la réduction du temps de travail à 35 heures (7 milliards de francs), des emplois-jeunes (13,8 milliards de francs) ou de la lutte contre les exclusions (5,4 milliards de francs) pour un montant total de 26,2 milliards de francs.

Le financement du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.

Dans l'avis n°478 (1997-1998) présenté au nom de la Commission des finances, notre collègue Jacques Oudin a rappelé qu'en dépit du consensus existant sur la nécessité d'agir plus efficacement contre les exclusions, la contrainte financière s'imposait dans ce domaine comme ailleurs.

A ce titre il a tenu à procéder à un chiffrage précis et détaillé de ce texte : son coût budgétaire est de 15,9 milliards de francs sur trois ans pour l'Etat et se caractérise par une montée en charge fortement progressive : 1,1 milliard en 1998, 5,4 milliards en 1999 et 9,4 milliards en 2000 ; soit un coût en année pleine de prés de 10 milliards de francs.

Il a également relevé les incertitudes tenant à son mode de financement
qui doit en principe, d'après la ministre de l'emploi et de la solidarité, s'effectuer dans le cadre d'un redéploiement général sur l'ensemble du budget de l'Etat. Compte tenu cependant, du coût en année pleine de ce texte, ainsi que du caractère potentiellement inflationniste d'un certains nombre de ses dispositions, il a été conduit à douter sérieusement de la réalité ainsi que du caractère effectif de ces redéploiements : " ce raisonnement repose sur un pari dont on ne peut que souhaiter le succès mais qui reste, à nos yeux assez audacieux ".

En outre, la liste des secteurs déclarés budgétairement prioritaires ne semble pas encore avoir été encore déterminée de façon complète 28( * ) et devrait être étendue au gré des " nécessités " au risque, ainsi que le relève fort justement M. Didier Migaud " d'être synonyme de saupoudrage plus que d'efficacité ".

Il est donc surprenant de voir le gouvernement regretter que " la structure des dépenses de l'Etat se soit rigidifiée au fil des ans " et ne rien faire pour lutter contre ce phénomène. Les trois premiers postes de dépenses de l'Etat cités par le gouvernement dans le document préparatoire au débat d'orientation budgétaire (fonction publique, intérêts de la dette et interventions pour l'emploi) qui représentent en 1998 88 % des recettes fiscales nettes, contre 57 % en 1990 ne sont, en aucune façon, concernés par une éventuelle limitation de la progression des dépenses publiques !

Les dépenses pour la fonction publique (+20 milliards en 1999, dont 9,5 milliards au titre de l'accord salarial) ainsi que l'augmentation prévue de la charge de la dette (+13 milliards en 1999) absorbent déjà à elles seules 33 des 37 milliards de francs que le gouvernement entend affecter, au total au financement de mesures nouvelles. Il y a là une coûteuse et étonnante arithmétique budgétaire de la part du gouvernement, d'autant plus que la commission des finances de l'Assemblée nationale chiffre même ces coûts respectivement, à 23 et 15 milliards, soit un total de 38 milliards de francs !

Affectation pour 1999 du supplément de recettes fiscales attendu par le gouvernement

Supplément de recettes fiscales en 1999

55 milliards de francs

Financement des actions prioritaires Réduction du déficit

37 milliards de francs 18 milliards de francs

Dépenses de fonction publique Charge nette de la dette Priorités du gouvernement pour 1999

+20 milliards de francs +13 milliards de francs (emploi, justice, éducation, ...)

Restent à financer les nouvelles mesures sociales : 26,2 milliards de francs

(exclusions, 35 heures, emplois-jeunes)

Les priorités annoncées par le gouvernement, dont la liste reste à déterminer, outre les mesures lourdes en matière sociale ne pourront donc être financées selon des modalités qui restent à définir que par des redéploiements et la réduction des dépenses d'autres départements ministériels. Leur montant est estimé à 20 milliards de francs par le gouvernement mais un simple calcul de cohérence permet de les évaluer à au moins 26 milliards. En conséquence, votre rapporteur général s'interroge sur le nombre, l'ampleur ainsi que sur la réalité de ce financement par " redéploiement ".

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Dans la continuité des observations formulées depuis 1996, votre commission fixe un objectif et formule trois propositions.

L'objectif est de réduire la part de la charge de la dette publique dans les finances publiques, que ce soit la dette de l'Etat stricto sensu ou la dette sociale. Lorsque votre commission dit souhaiter réduire les dépenses publiques, c'est d'abord cette charge qui est visée, et c'est en vue de la réduire qu'il est nécessaire de diminuer d'autres dépenses .

Les trois propositions sont les suivantes :

- limiter la progression globale des crédits budgétaires , en gelant ceux-ci en valeur à leur niveau de 1998 , de façon à obtenir au moins une stabilisation en volume.

- faire porter l'effort prioritairement sur les composantes les plus rigides du budget, en agissant de façon vigoureuse sur les dépenses de personnel (arrêt de tout recrutement net dans la fonction publique) et d'intervention (notamment les aides à l'emploi dont l'efficacité réelle doit être améliorée ainsi que le gouvernement en est d'ailleurs convenu). En revanche, il est nécessaire de préserver les dépenses d'équipement et les missions régaliennes de l'Etat : intérieur, justice, affaires étrangères et défense.

- prendre rapidement les mesures nécessaires pour faire face au choc démographique des années à venir , c'est-à-dire réformer les régimes de retraite, en particulier les régimes publics. Plus l'action à entreprendre sera réalisée tôt plus elle sera efficace et moins elle sera douloureuse.

CHAPITRE VI

UN OBJECTIF : REDUIRE LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

L'assainissement des finances publiques ne peut plus reposer sur un relèvement des recettes.

Accompagnées d'une politique active de réduction des dépenses, les circonstances favorables d'aujourd'hui doivent permettre une baisse des prélèvements obligatoires.

I. LES RECETTES EN 1997 ET LES PERSPECTIVES POUR 1998

A. DES RECETTES SUPÉRIEURES AUX PRÉVISIONS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE

Les recettes du budget général excèdent de 88,7 milliards de francs le montant des recettes inscrit dans la loi de finances pour 1997. Les recettes se sont élevées à 1.385,2 milliards de francs en exécution contre 1296,5 milliards de francs dans la loi de finances.

L'écart entre les prévisions de la loi de finances initiale pour 1997
et la réalisation

(en milliards de francs)

 

Exécution

LFI

Ecart

Recettes fiscales nettes

1416,6

1395,3

21,3

Recettes non fiscales

156,9

155,1

1,8

Prélèvements sur recettes de l'Etat

-252,8

-253,9

1,1

ressources nettes du budget général

1320,7

1296,5

24,2

fonds de concours

64,5

-

64,5

Recettes du budget général

1385,2

1296,5

88,7



L'essentiel de cet écart s'explique par l'intégration des fonds de concours , qui ne sont pas évalués dans la loi de finances (article 5 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959) mais ont représenté 64,5 milliards de francs.

Le montant des fonds de concours a toutefois été sensiblement inférieur aux années précédentes en raison de l'intégration des pensions civiles de France Télécom (8 milliards de francs en 1996) dans les recettes non fiscales.

(en milliards de francs)

 

1995

1996

1997

fonds de concours

61,3

69,3

64,5

L'excédent de recettes par rapport aux prévisions, hors fonds de concours, s'élève donc à 24,2 milliards de francs et provient presque exclusivement des plus-values de recettes fiscales :

- les recettes non fiscales
ont seulement progressé de 1,8 milliard de francs par rapport aux prévisions. Sans le transfert des charges de pension des personnels fonctionnaires de France Télécom (8,7 milliards de francs) auparavant retracées en fonds de concours, ces recettes auraient été en forte diminution par rapport à 1996, en raison notamment de la diminution du produit des participations de l'Etat dans les entreprises (privatisations), et de la réduction des recettes diverses. Hors modifications de comptabilisation, les recettes non fiscales auraient diminué de 5,8 milliards de francs soit -4,2%.

- les prélèvements sur recettes ont diminué de 1,1 milliard de francs par rapport aux prévisions. Ce sont surtout les prélèvements au profit des collectivités locales qui ont été moins élevés que prévus (de 2 milliards de francs) alors que les prélèvements au profit de l'Union européenne ont été plus élevés de 0,8 milliard de francs.

- les recettes fiscales ont connu un écart de 21,3 milliards de francs , dont l'essentiel provient de l'augmentation de l'impôt sur les sociétés décidée dans la loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier.

Alors que pour chaque type de recette fiscale, l'écart entre la réalisation et la prévision de la loi de finances initiale est inférieur à 10 %, le produit net de l'impôt sur les sociétés s'est élevé à 172,1 milliards de francs, soit une hausse de 18,8 % par rapport aux prévisions.

B. L'EFFET BRUTAL DE LA HAUSSE DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS N'ÉTAIT PAS NÉCESSAIRE POUR CONSTATER LE REDRESSEMENT DES RECETTES FISCALES

Les recettes fiscales nettes ont progressé de 4,2 % en 1997 (51,7 milliards de francs), soit une progression soutenue, dans la ligne de l'évolution constatée depuis 1994, bien que légèrement inférieure à la progression constatée en 1996.


(en milliards de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

Recettes fiscales nettes

1209,1

1254,4

1301,7

1359,6

1416,6

variation n/n-1

-1,70%

3,75%

3,77%

4,45%

4,19%

variation PIB en valeur

+1,1%

+4,4%

+3,9%

+2,4%

+3,5%

Cependant, l'accroissement des recettes fiscales en 1997 (+4,2 %) est, comme l'année précédente, très nettement supérieur à l'augmentation du PIB en valeur (+3,5 %) et très sensiblement supérieur aux prévisions (+2,6 %).

En 1997, les recettes fiscales ont apparemment été marquées par une forte élasticité par rapport à la croissance (1,2). Cependant, il faut tenir compte de l'évolution de la législation fiscale (allégement de l'impôt sur le revenu, alourdissement de l'impôt sur les sociétés). De plus, en mettant de côté les recettes de caractère exceptionnel issues de contrôles fiscaux et celles liées au mode de gestion administratif des impôts, la progression des recettes fiscales nettes totales en 1997 peut être évaluée, selon le ministère de l'économie et des finances, à 3 %.

L'élasticité des recettes à la croissance serait donc inférieure à 0,7.

1. Deux évolutions contrastées : l'allégement de l'impôt sur le revenu et l'alourdissement de l'impôt sur les sociétés

a) L'impôt sur le revenu : une variation des droits de 20 milliards de francs, bien évaluée en loi de finances initiale.

L'année 1997 a été marquée par un très fort déficit en produit d'impôt sur le revenu constaté dès février et lié directement à l'allégement décidé en loi de finances initiale pour 1997. Au total, la perte de recette fiscale, dont les effets se sont fait ressentir très fortement sur l'exécution budgétaire à partir du mois de septembre seulement, s'élève à un peu plus de 20 milliards de francs (20,6 milliards de francs, soit 6,6 %).

Le produit de l'impôt sur le revenu s'est donc élevé à 293,5 milliards de francs en 1997 soit un niveau légèrement supérieur à l'estimation en loi de finances (291,8 milliards de francs en LFI) contre 314,1 milliards de francs en 1996.

L'effet des mesures d'allégement d'impôt sur le revenu avait donc été convenablement mesuré en loi de finances initiale, quoique très légèrement surestimé.

b) L'effet de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier: un très fort l'alourdissement de l'impôt sur les sociétés constaté en fin d'année

A partir du mois d'avril, les rentrées d'impôt sur les sociétés sont supérieures à celles constatées l'année précédente. Mais c'est surtout en fin d'année que l'écart se creuse entre les recettes de 1997 et celles de 1996, pour atteindre près de 30 milliards de francs. L'effet de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (taxation au taux normal des plus-values à long terme, contribution complémentaire de 15 % et assujettissement d'EDF) a donc été brutal, alors même que les prévisions de recettes étaient déjà favorables, en raison notamment de la progression des résultats imposables.

Toutefois, comme en 1996, et malgré la croissance des bénéfices imposables, le montant des remboursements d'excédents de versements d'impôts sur les sociétés avait été sous-évalué : les remboursements d'impôt sur les sociétés ont été de 29,8 milliards de francs contre 26 milliards de francs en prévision.

Les deux impositions supplémentaires, la nouvelle majoration de l'impôt sur les sociétés (15 % en 1997 et 1998, 10 % en 1999) et la fin de l'application du régime des plus-values à long terme aux cessions d'éléments d'actif autres que les titres de participation, ont en effet fait l'objet d'un versement d'acompte le 15 décembre 1997 , ce qui explique la très forte poussée des recettes en fin d'année.

Le produit net de l'impôt sur les sociétés s'est élevé à 172,1 milliards de francs en 1997 (144,8 milliards de francs en loi de finances initiale) soit 29 milliards de francs de plus qu'en 1996.

La progression des recettes nettes de 29 milliards de francs est due pour 22,8 milliards de francs aux dispositions adoptées dans la loi du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier et pour le reste (6,2 milliards de francs) à la progression des résultats imposables et au solde de versement de France Télécom (4 milliards de francs).

2. Les autres recettes fiscales : une légère moins-value par rapport aux prévisions

a) La taxe intérieure sur les produits pétroliers : un certain ralentissement

En début d'année (janvier-avril), les rentrées de TIPP étaient inférieures au volume constaté à la même période en 1996, mais dès le mois de mai, le solde est redevenu positif pour atteindre 2,5 milliards de francs fin 1997.

Le produit de la TIPP s'est élevé à 150,8 milliards de francs, soit un niveau très légèrement inférieur aux prévisions (151,9 milliards de francs en loi de finances initiale) mais supérieur au rendement en 1996 (148,4 milliards de francs).

La progression constatée par rapport à 1996 est entièrement due au relèvement des tarifs effectué en loi de finances initiale, ce qui montre une certaine atonie de la consommation des produits pétroliers.

b) La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : un redressement malgré une moins-value par rapport aux prévisions

Les rentrées de TVA ont été très uniformes dans le temps et très régulièrement supérieures au volume constaté l'année précédente, mais sensiblement inférieures aux prévisions.

Les rentrées de TVA se sont en effet élevées à 626 milliards de francs, soit un niveau inférieur à celui attendu (635,2 milliards de francs en loi de finances initiale) mais tout de même nettement supérieur à l'exécution de 1996 (600,5 milliards de francs).

Les recettes nettes de TVA, c'est-à-dire après remboursements, ont excédé de 25,6 milliards de francs les recettes de 1996 mais ont été inférieures de 9 milliards de francs aux prévisions de la loi de finances initiale. La consommation et les investissements des ménages ont connu en cours d'année des évolutions inférieures aux prévisions qui ont conduit à revoir à la baisse les estimations de recettes de TVA en loi de finances rectificative.

La moins-value a toutefois été beaucoup moins importante que l'estimation en loi de finances rectificative (15,2 milliards de moins-values prévues) en raison d'une forte progression des recettes de TVA en fin d'année.

Les évolutions de la TVA en 1997 : une tentative d'explication

La raison de l'évolution des recettes de TVA nette est toujours difficile à préciser. D'après les informations du ministère de l'économie et des finances, il semble que l'accroissement de la TVA brute par rapport à 1996 s'explique en partie par des mesures exceptionnelles :

- le renforcement du contrôle aurait produit un gain net de trésorerie pour l'Etat de 2 milliards de francs ;

- l'incidence résiduelle du relèvement du taux normal de TVA sur les redevables déclarant selon le régime simplifié d'imposition procure une recette de 7,1 milliards de francs en 1997, soit 5,3 milliards de francs de plus qu'en 1996 ;

- les autres mesures nouvelles auraient eu un coût de 1,3 milliard de francs.

Concernant les remboursements et dégrèvements, la mise en place d'un mécanisme de contrôle des ordonnancements des crédits de la comptabilité publique, en décembre 1997, aurait occasionné un retard dans les remboursements alors même que les recettes nettes de TVA en 1996 seraient sous-évaluées du fait d'un report de dégrèvements de 1995 sur 1996.

Compte tenu de tous ces éléments, la TVA nette à législation constante n'aurait progressé que de 2,3% pour atteindre 620 milliards de francs en 1997, soit sensiblement l'évolution des emplois taxables.

c) Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales (175 milliards de francs) ont progressé fortement en 1997 (+21,6 milliards de francs) alors qu'elles avaient diminué en 1996.

Les "autres impôts directs perçus par voie d'émission de rôles" connaissent la plus forte augmentation en particulier en raison de la montée en charge de la nouvelle répartition des impôts sur rôles entre l'Etat et les collectivités territoriales et des résultats du contrôle fiscal.

Concernant les autres impôts, l'impôt de solidarité sur la fortune progresse de 1 milliard de francs soit 12,8%, la taxe sur les salaires de 1,7 milliard de francs et les droits d'enregistrement de 8,7 milliards de francs. La revalorisation importante des patrimoines mobiliers et immobiliers en 1996 et 1997 explique largement ces évolutions.

II. UN SOLDE D'EXÉCUTION QUI REFLÈTE LE CHOIX D'UNE AUGMENTATION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PLUTÔT QUE D'UNE CONTRAINTE DE LA DÉPENSE

Le retour de la croissance en 1997 a, semble-t-il, mis un terme à la "déflation" de recettes fiscales observables depuis quelques années. Dans ces conditions, la hausse des prélèvements observable ne se justifie que par la non-maîtrise des dépenses.

A. LE SOLDE D'EXÉCUTION DES RECETTES : UNE ÉVOLUTION FAVORABLE

1. Des rentrés fiscales globalement conformes aux prévisions

Mis à part le tout début d'année, les rentrées fiscales ont été constamment supérieures à l'exécution de 1996 . Le différentiel d'exécution s'est réduit en septembre en raison des moins-values enregistrées sur l'impôt sur le revenu, qui n'étaient que partiellement compensées par les produits des autres impôts.

Près de la moitié de l'accroissement des recettes fiscales a été enregistrée en décembre en raison des rentrées très importantes d'impôt sur les sociétés.



Il faut constater qu'en l'absence de relèvement de l'impôt sur les sociétés, le solde d'exécution des recettes aurait également été satisfaisant, car très supérieur à l'exécution de 1996 et très proche des prévisions de la loi de finances initiale.

Ecart entre le rendement attendu des impôts et leur rendement réel

Impôts

Exécution

LFI

Ecart

TIPP

150,8

151,9

-1,1

Divers

174,1

171,6

2,5

Impôt sur les sociétés

172,1

144,8

27,3

Impôt sur le revenu

293,5

291,8

1,7

TVA

626,1

635,2

-9,1

Recettes fiscales nettes

1416,6

1395,3

21,3

(en milliards de francs)

L'effet de la loi du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier s'élève à 22,8 milliards de francs sur les 27,3 milliards de francs de produit fiscal supplémentaire pour l'impôt sur les sociétés. Sans cette loi, les recettes fiscales auraient été très légèrement inférieures aux prévisions de la loi de finances (-1,5 milliard de francs).

Ce constat est bien différent de celui fait par l'audit des finances publiques remis le 21 juillet 1997, qui chiffrait à 17 milliards de francs les pertes de recettes fiscales nettes pour l'Etat.


Il n'est donc pas exact d'affirmer que l'effet des mesures de redressement fiscal et financier prises à la suite de l'audit des finances publiques a permis de rétablir une situation en matière de recettes compromise par la faiblesse des encaissements de TVA.

La hausse de l'impôt sur les sociétés n'était pas nécessaire pour obtenir un bon résultat en matière de recettes mais pour compenser la progression plus importante que prévue des dépenses sociales . L'augmentation des prélèvements obligatoires a donc été choisie, de préférence à de plus fortes annulations de crédits, pour améliorer le solde budgétaire.

L'exécution de 1997 confirme le diagnostic posé par votre rapporteur général lors de l'examen de la loi de finances pour 1998 puis de la loi de finances rectificative pour 1997, selon lequel les prélèvements supplémentaires décidés par le gouvernement ont été, de loin, supérieurs aux moins-values de recettes .

2. Une déformation de la structure fiscale

L'augmentation de l'impôt sur les sociétés a donc eu pour véritable conséquence de déformer la structure fiscale : la part relative de l'impôt sur les sociétés a fortement progressé alors que celle de la TVA a diminué.

Part relative du produit net des différents impôts

 

LFI

Exécution

TIPP

11%

11%

Divers

12%

12%

Impôt sur les sociétés

10%

12%

Impôt sur le revenu

21%

21%

TVA

46%

44%

Recettes fiscales nettes

100%

100%

B. LES RENTRÉES FISCALES DÉBUT 1998 : UN DYNAMISME CERTAIN PROPICE A UNE DIMINUTION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

1. Le dynamisme des recettes fiscales début 1998

Le premier trimestre 1998 est plus dynamique que celui de 1997, les recettes progressant de 5,8% contre seulement 2,2% en cible annuelle.

Les recettes nettes du budget général s'élèvent à 450,6 milliards de francs au 30 avril 1998 contre 425,7 milliards de francs en 1997.


Cette progression résulte en grande partie des meilleurs recouvrements de taxe sur la valeur ajoutée. Sur les quatre premiers mois de l'année 1998, on constate en effet de fortes plus-values de TVA.

Concernant l'impôt sur les sociétés, les versements importants effectués sous formes d'acomptes en décembre 1997 ont provoqué une augmentation notable des remboursements sur l'exercice 1998, qui se sont traduits par des moins-values provisoires de janvier à mars.

Au premier trimestre 1998, les recettes non fiscales s'inscrivent en nette hausse par rapport à leur niveau de 1997 (46,2 milliards de francs contre 35,8 milliards) mais cette augmentation tiendrait en partie de versements plus précoces.

Quoiqu'il en soit, le solde budgétaire s'établit à -197 milliards de francs à la fin avril 1998, soit une amélioration de 11,8 milliards de francs par rapport à celui enregistré l'année dernière à la même date (-208,8 milliards de francs). Mais cette amélioration n'est due qu'au surcroît de recettes par rapport à 1997 car les dépenses du budget général s'établissent à un niveau plus élevé qu'en 1997.

2. Un alourdissement significatif de la pression fiscale en 1997 et 1998

En 1997, le solde du budget général s'est amélioré de 27,4 milliards de francs, pour s'établir à 269,2 milliards de francs de déficit budgétaire.

Cette amélioration s'est faite au prix d'une forte croissance des recettes (+ 40,7 milliards de francs) qui a plus que compensé la croissance des dépenses (+13,3 milliards de francs). Ainsi, l'amélioration du solde budgétaire n'est pas due à une contraction des dépenses mais à un alourdissement significatif des recettes alimentant le budget général , comme cela a été montré par les effets de la loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier.

La loi de finances pour 1997 prévoyait un déficit de 284,4 milliards de francs : le déficit a donc été moins élevé de 15,2 milliards de francs. Cette amélioration est bienvenue, mais elle a été réalisée grâce à un alourdissement des impôts de près de 23 milliards de francs.

L'évolution du solde budgétaire entre 1996 et 1997

(en milliards de francs)

Budget général

1996

1997

1997/1996

Dépenses nettes

1641,1

1654,4

13,3

Recettes nettes

1344,5

1385,2

40,7

Solde du budget général

-296,6

-269,2

27,4

Solde des comptes spéciaux du Trésor

1,2

1,5

0,3

Solde général d'exécution

-295,4

-267,7

27,7

L'alourdissement des prélèvements obligatoires s'est confirmée dans la loi de finances pour 1998.

Tableau des recettes fiscales et sociales nouvelles (LFI pour 1998) 29( * )

1997

Mesures d'urgences à caractère fiscal et financier (MUFF)

+ 24 milliards de francs

1998

1°) P.L.F.I.

MUFF

Mesures nouvelles - IS

+ 17 milliards de francs

+ 6,7 milliards de francs

 

Total IS

+ 23,7 milliards de francs

 

Impôt sur le revenu

+ 17,37 milliards de francs

 

TIPP

+ 3,89 milliards de francs

 

TVA nette

- 1,76 milliard de francs

 

Assurance-vie

+ 0,2 milliard de francs

 

Contribution logements sociaux

+ 0,2 milliard de francs

 

ISF (modification du barème)

- 0,09 milliard de francs

 

Taxe aux liaisons radio-électriques

+ 0,02 milliard de francs

 

TOTAUX 1998 A

+ 43,53 milliards de francs

 

Totaux des nouveaux prélèvements fiscaux (1997+1998)

67,53 milliards de francs

 

2°) PLFSS

 
 

CSG nette

+ 4,6 milliards de francs

 

1 % CNAF et CNAV

+ 4,5 milliards de francs

 

Divers

+ 0,8 milliard de francs

 

AGED

+ 0,9 milliard de francs

 

Diverses taxes (tabac, médicaments)

+ 1,9 milliard de francs

 

TOTAL

+ 12,7 milliards de francs

 

Totaux des nouveaux prélèvements

 
 

1998

+ 56,23 milliards de francs

 

1997 + 1998

+ 80,23 milliards de francs

Dans le projet de loi de finances pour 1998, les recettes fiscales nettes devaient s'accroître de 3,1 %, soit passer de 1403,7 milliards de francs à 1446,7 milliards de francs (+43 milliards de francs). L'exécution de 1997 a déjà montré que les recettes se sont élevées à 1416,6 milliards de francs, soit 13 milliards de francs supplémentaires.

De plus, le premier trimestre 1998 place les recettes à un niveau supérieur de 25 milliards de francs à l'exécution de 1997.

3. Dans un contexte de reprise économique, la diminution des prélèvements obligatoires est possible

La France connaît l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l'Union européenne (46,1 % du PIB en 1997). Des actions volontaristes doivent donc être entreprises :

a) Reprendre la réforme de l'impôt sur le revenu

Le gouvernement a choisi d'abandonner la réforme de l'impôt sur le revenu engagée par la loi de finances pour 1997. Cet abandon lui a permis de conserver un supplément de produit de 16,14 milliards de francs.

En 1997, l'impôt sur le revenu a rapporté 293,5 milliards de francs, soit un niveau légèrement supérieur à celui attendu. Pour 1998, la prévision du gouvernement est une croissance spontanée de l'impôt de l'ordre de 1,85 %, soit un peu inférieure à l'évolution en volume du revenu des ménages.

Il n'est pas encore possible de savoir si la bonne orientation des indicateurs économiques permettra de dégager des recettes supplémentaires. Mais il est certain que la combinaison des relèvements d'impôt sur le revenu et du taux de la CSG pour 1998 a conduit à aggraver les prélèvements directs sur les revenus des ménages de plus de 11 milliards de francs.

b) Rétablir le régime normal de l'impôt sur les sociétés

La loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF) a considérablement accru les charges fiscales directes des entreprises. Elle a porté le taux de l'impôt sur les sociétés à 41,66 %, plaçant la France au troisième rang européen derrière l'Italie et l'Allemagne.

Cet alourdissement a rompu avec la réforme engagée depuis 1985 et qui avait conduit à diminuer l'impôt pesant sur les bénéfices des sociétés de 50 % à 33,1/3 % en 1993.

Il crée un désavantage compétitif pour les entreprises françaises alors que dans le même temps, la fiscalité des bénéfices distribués et non distribués est allégée en Allemagne et le taux marginal d'imposition est diminué en Grande-Bretagne.

De même, la taxation au taux de droit commun des plus-values à long terme va à contre-courant des législations fiscales de nos principaux partenaires économiques.

c) Alléger l'imposition du patrimoine et favoriser l'épargne

L'imposition du patrimoine nuit à la compétitivité de notre pays.

L'ensemble des mesures fiscales présentées dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (élargissement de l'assiette des prélèvements sociaux, augmentation de la CSG, imposition de l'assurance-vie, plafonnement envisagé de l'avoir fiscal) correspondaient à 23 milliards de francs supplémentaires pesant sur les épargnants.

Cette politique de surtaxation de l'épargne méconnaît ses caractéristiques, et notamment le risque de freiner l'investissement et d'assister à des délocalisations de capitaux.

Enfin, le patrimoine lui-même, et notamment le patrimoine "productif", subit une fiscalité déstabilisante : à titre d'exemple, la fiscalité des transmissions d'entreprises est quatre fois plus élevée en France qu'en Allemagne ou en Italie et particulièrement pénalisante, en raison de la progressivité du barème des droits de mutation.

d) Diminuer le coût du travail en allégeant les charges sur les bas salaires

Le poids des prélèvements obligatoires sur l'économie française ne se limite pas à la seule pression fiscale.

Ainsi, les prélèvements sociaux ont augmenté de manière significative depuis 20 ans (21,6 % du PIB en 1997 contre 18,1 % en 1980) et pèsent particulièrement sur la masse salariale.

Selon une enquête Eurostat 30( * ) sur les coûts du travail dans l'industrie, le coût du travail est nettement plus élevé en France qu'aux Etats-Unis et dans les autres pays européens : pour une base 100 en France, le coût est de 61,5 en Grande-Bretagne, 76,3 aux Etats-Unis et 76,8 en Italie. Grâce à la diminution de leur pression fiscale et sociale, des pays dont le coût du travail était plus élevé que celui de la France en 1980, comme les Pays-Bas, sont désormais plus compétitifs.

De plus, les charges patronales sont particulièrement élevées et non dégressives en France. L'effet dégressif des cotisations patronales n'est pertinent que pour les salaires très élevés, proches de 100.000 francs par mois.

La situation des salariés les moins qualifiés s'est aggravée, puisque dans la loi de finances pour 1998, le gouvernement a choisi de restreindre le dispositif d'allégement de charges pour les bas salaires en limitant le mécanisme de la ristourne dégressive aux salaires inférieurs à 1,3 smic et en plafonnant son montant à 1.213 francs.

Il est parfois objecté que les diverses mesures d'allégement prises ces dernières années n'ont pas eu d'effet sur l'emploi. Mais il faut se placer sur moyenne période et d'un point de vue global : les arbrisseaux d'allégements ponctuels ne doivent pas cacher la forêt d'une tendance à l'alourdissement des prélèvements sur le travail depuis un quart de siècle.

Il est donc urgent de revenir à une politique volontariste d'allégement du coût du travail en diminuant les charges pesant sur les bas salaires
.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. JEAN-PAUL BETBÈZE, DIRECTEUR DES ÉTUDES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES DU CRÉDIT LYONNAIS, DE M. MICHEL DIDIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE REXECODE, ET DE M. PHILIPPE SIGOGNE, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT ANALYSES ET PRÉVISIONS DE L'OBSERVATOIRE FRANÇAIS DES CONJONCTURES ÉCONOMIQUES (OFCE), SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES POUR 1999

Réunie le mercredi 3 juin 1998 sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, puis de M. Roland du Luart, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Betbèze , directeur des études économiques et financières du Crédit Lyonnais, de M. Michel Didier , directeur général de Rexecode, et de M. Philippe Sigogne , directeur du département analyses et prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sur les perspectives économiques et budgétaires pour 1999 .

M. Jean-Paul Betbèze a tout d'abord mis en évidence les incertitudes de la conjoncture internationale du fait de la situation en Asie, en Amérique latine et dans la partie orientale de l'Europe.

S'agissant de l'Asie, il a considéré qu'il s'agissait en fait d'une crise de surinvestissement. Il a toutefois estimé que la sortie de la crise se ferait difficilement, à un horizon indéterminable.

S'agissant de l'Amérique latine, il a évoqué la situation du Brésil et de l'Argentine pour remarquer que ces pays étaient jusqu'à présent parvenus à défendre leur monnaie afin d'éviter des crises semblables à la crise asiatique.

S'agissant de la partie orientale de l'Europe, il a insisté sur la gravité des difficultés rencontrées par la Russie. Il a estimé que celle-ci était confrontée à une véritable crise budgétaire et il a précisé que cette crise se traduisait par un déficit budgétaire considérable, 80 % des ressources publiques étant consacrées au service de la dette. Il a remarqué que cette crise budgétaire se doublait d'une crise monétaire, l'évolution des taux d'intérêt à court terme, d'un niveau proche de 150 % aujourd'hui, en fournissant une illustration exemplaire. Il a jugé que cette crise était accentuée par la baisse des prix des matières premières, auxquels l'économie russe est particulièrement sensible.

Il s'est interrogé sur les capacités du Fonds monétaire international à intervenir efficacement en Russie. Il a alors évoqué la situation des pays limitrophes, en estimant que les tensions qu'ils subissaient étaient certes réelles, mais beaucoup moins graves qu'en Russie, sauf sans doute en Slovaquie. Il s'est alors demandé quelles pourraient être les répercussions de l'approfondissement de la crise sur les établissements de crédit européens.

Revenant sur ces déséquilibres régionaux, M. Jean-Paul Betbèze a indiqué qu'ils relevaient de trois types d'explications : la survenance accidentelle d'une succession de difficultés ponctuelles ; la mise en oeuvre d'un jeu d'interdépendances où les responsabilités de la remontée du dollar, de la crise financière en Asie et de la baisse des prix des matières premières sont souvent citées ; enfin, l'apparition d'une crise de surproduction mondiale.

Il a alors observé que, dans ces conditions, l'Europe apparaissait comme la zone économique la plus solide au monde mais aussi comme une zone particulièrement dynamique, où le passage à l'euro était en train de produire un véritable changement de la donne économique, avec la multiplication des restructurations et une course aux économies d'échelle.

Ayant estimé que ce dynamisme attirait de nombreux capitaux, il a jugé naturel le mouvement d'appréciation des bourses en cours en Europe. Il a cependant observé que la croissance européenne se développait davantage à la périphérie qu'au centre de l'Europe, le passage à l'euro permettant aux pays de la périphérie de bénéficier d'une diminution des taux d'intérêt relativement plus importante.

Evoquant la situation des taux d'intérêt, il a considéré que, le rythme d'inflation en Europe étant sous contrôle et les coûts salariaux unitaires étant maîtrisés, il était peu probable de les voir s'accroître à court terme.

Il a alors indiqué que la France bénéficiait, depuis une année, d'une reprise de la distribution de crédits. Il a souligné l'importance de ce phénomène, rappelant que la baisse des crédits observée après la crise de 1993 avait considérablement pénalisé la croissance. Ayant jugé que le désendettement n'apparaissait plus comme une obsession pour les agents économiques, il a cependant précisé que le retour à l'endettement concernait jusqu'alors surtout les petites et moyennes entreprises, les grandes entreprises y recourant surtout pour financer des opérations exceptionnelles de croissance externe.

Ayant mis en évidence l'importance de l'écart entre le taux de profit des entreprises et les taux d'intérêt, de l'ordre de 10 à 15 points, il a jugé cette situation peu rationnelle, estimant que les entreprises se privaient par là des bénéfices de l'effet dit de levier.

M. Michel Didier a, quant à lui, fait observer que les "fondamentaux" de l'économie française étaient stables depuis 1996, soulignant que le seul changement notable était la reprise de la croissance économique et en particulier de l'activité