N°
507
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 juin 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la mission de contrôle sur les crédits de l'enseignement scolaire effectuée à Saint-Pierre et Miquelon du 11 au 14 mai 1997,
Par M.
Jacques-Richard DELONG,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René
Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel,
Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Enseignement scolaire
.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Situé à 4 750 kilomètres de Paris et à une
vingtaine de kilomètres seulement de la pointe sud de la
péninsule de Burin à Terre-Neuve, l'archipel de Saint-Pierre et
Miquelon est le dernier lambeau (de 241 km
2
) des possessions
françaises d'Amérique du Nord qui couvrirent plusieurs millions
de km
2
. Il est composé de trois îles principales :
- Saint-Pierre, dont la superficie n'est que de 2 500 hectares, a
été choisie pour abriter le chef-lieu de l'archipel en raison de
son port naturel (le Barachois) abrité par l'île-aux-Marins ;
- A l'ouest de Saint-Pierre, se situe Langlade qui est reliée à
Miquelon par un trait d'union sablonneux, l'Isthme. La superficie de ces deux
îles réunies est d'environ 23 000 hectares.
Fréquentées par des pêcheurs français dès le
début du XVI
e
siècle, ces îles furent
abordées par Jacques Cartier mais ne furent pas peuplées d'une
manière continue avant le XVII
e
siècle.
Cédées à l'Angleterre par le traité d'Utrecht
(1713), elles furent rendues à la France en 1763 pour servir de point
d'appui aux pêcheurs français qui étaient encore
autorisés à venir pêcher la morue dans certains secteurs de
la côte Sud de Terre-Neuve. Mais l'Angleterre limita à 50 hommes
la garnison et se réserva le droit d'y exercer son contrôle. En
plus des conditions d'existence très dures à l'époque pour
la population résidant sur cet archipel et de l'inexistence des moyens
de défense, les Anglais se livrèrent au jeu à
épisodes multiples de la déportation et de l'autorisation au
retour, un jeu cruel déjà rôdé avec le " Grand
Dérangement " des Acadiens.
Au XX
e
siècle, l'histoire des îles a été
marquée par l'organisation de la contrebande d'alcool à
destination des Etats-Unis, pendant la prohibition, et la prise de possession
de l'archipel par la flotte de l'amiral Muselier au nom de la France libre, le
24 décembre 1941.
La population de l'archipel est d'origine métropolitaine : les
ascendances basques, normandes et bretonnes y sont presque exclusives. De
là vient le grand attachement des 6.660 Saint-Pierrais et Miquelonnais
à la France.
Jusqu'en 1992, l'économie de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon
était principalement assise sur les activités liées
à la pêche : avitaillement des chalutiers,
débarquement de poissons, pêche, transformation de poisson frais.
Depuis, le coeur de l'activité économique s'est effondré,
suite à l'épuisement de la ressource marine et au moratoire
imposé par le Canada à partir de 1992 dans toute la région.
La disparition des grands voiliers qui venaient pêcher la morue a en
effet porté un coup très rude à l'économie de
Saint-Pierre et Miquelon. Les chalutiers à moteur n'ont pas besoin de
faire relâche à Saint-Pierre et seule, désormais, la
pêche côtière peut offrir un revenu aux habitants de
l'archipel, avec une petite industrie de la conserverie.
Le chômage a pu être limité grâce aux aides
financières importantes de l'Etat pour la reconversion des entreprises
et des personnels, mais aussi par le maintien d'un secteur public et parapublic
important.
En dépit du faible nombre d'habitants de l'archipel, votre rapporteur a
voulu, en effectuant une mission de contrôle des crédits de
l'enseignement scolaire, témoigner de l'intérêt
porté par la métropole à Saint-Pierre et Miquelon à
cette période difficile de son histoire.
Les résultats de cette mission font apparaître des
résultats scolaires contrastés en dépit de l'excellence de
l'encadrement. En effet, si les résultats aux examens ou aux tests
d'évaluation en sixième sont tout à fait satisfaisants au
regard des résultats constatés en métropole, les taux
d'accès aux classes de troisième ou de seconde
générale sont en revanche décevants. Seuls 40 % des
élèves parviennent au niveau du baccalauréat. Un jugement
hâtif pourrait imputer de tels résultats au manque de motivation
des élèves dû au marasme économique de l'archipel et
à son enclavement.
Mais, il ressort des informations recueillies par votre rapporteur que les
élèves, et notamment ceux de Miquelon, réfrènent
volontairement leurs efforts par peur de devoir quitter l'archipel pour
poursuivre leurs études en métropole, s'ils parviennent au niveau
du baccalauréat. Une telle attitude prouve, s'il en était besoin,
l'attachement des habitants de Saint-Pierre et Miquelon à leur archipel.
Elle reflète toutefois une certaine frilosité face au changement
et à l'inconnu contre laquelle votre rapporteur appelle les
équipes éducatives de l'archipel à lutter si elles veulent
voir le territoire prendre le tournant de la modernité.
Saint-Pierre et Miquelon se trouve aujourd'hui à une période
charnière de son histoire. Il appartient à ses habitants, et
notamment à ses jeunes, de construire l'avenir sur des activités
encore à définir. Votre rapporteur estime qu'il incombe à
l'éducation nationale de participer à la réflexion sur les
nouveaux axes de développement de l'archipel et de faciliter
l'adaptation des élèves à ces voies d'avenir en les
sensibilisant aux nouvelles technologies et en multipliant les relations avec
le continent Nord Américain voisin. Contre le réflexe de repli
sur soi, l'éducation nationale doit promouvoir l'ouverture sur
l'extérieur : l'avenir de Saint-Pierre et Miquelon réside
dans la mobilisation de ses jeunes et dans le développement de la
coopération économique régionale.