CHAPITRE III
LE SYSTÈME ÉDUCATIF DOIT S'ADAPTER AUX VOIES
D'AVENIR DE L'ARCHIPEL
En
dépit des accords signés avec le Canada, il est peu
réaliste de fonder un quelconque espoir sur la reprise de
l'activité de pêche industrielle traditionnelle. Cette
activité ne se régénérera que très
partiellement sans permettre un débouché à la centaine de
jeunes qui arrive sur le marché du travail annuellement. Malgré
l'attachement légitime des Saint-Pierrais et des Miquelonnais au secteur
de l'industrie des pêches, il faudra qu'au cours des toutes prochaines
années, les centres d'intérêt locaux soient
réorientés. Les industries de l'aquaculture, du tourisme, de la
culture francophone, du transbordement et de la finition de certains produits
élaborés au Canada devront prendre place dans le cadre de la
diversification économique qui s'impose. Le développement passe
également, à l'évidence, par le désenclavement de
l'archipel.
Dans ce contexte, il appartient au système éducatif d'entamer une
réflexion sur les voies d'apprentissage et les formations à
privilégier. A cet égard, votre rapporteur préconise la
mise en place rapide d'un vice-rectorat à Saint-Pierre et Miquelon afin
d'introduire une distinction stricte entre la fonction d'orientation et de
réflexion assumée par le vice-recteur et la fonction de gestion
assumée par le proviseur du lycée de Saint-Pierre. Il importe que
le futur vice-recteur entretienne une relation étroite avec les
autorités locales et le représentant de l'Etat à
Saint-Pierre et Miquelon, afin de participer à la réflexion sur
la reconversion économique de l'archipel et de permettre l'adaptation en
temps réel du système éducatif aux nouvelles
filières de développement.
I. LE RETOUR À LA PROSPÉRITÉ DE SAINT-PIERRE ET MIQUELON PASSE PAR LA DIVERSIFICATION DE SON ÉCONOMIE ET PAR LE DÉSENCLAVEMENT DU TERRITOIRE
A. LA NÉCESSAIRE DIVERSIFICATION DE L'ÉCONOMIE
Stimulée par les commandes publiques dans le BTP et par
le
démarrage, sous perfusion permanente de l'Etat, des nouvelles
activités de la société industrielle
" INTERPÊCHE ", l'
économie
de l'archipel
apparaît encore très
fragile
et entièrement
dépendante des aides publiques
.
Néanmoins, l'évolution de la conjoncture au cours des trois
dernières années s'est inscrite dans la perspective d'une
reconversion
et d'une
diversification
, toujours activement
recherchées
, des structures de l'économie saint-pierraise.
Ainsi, une Agence de Développement, cofinancée par l'Etat et le
Conseil général de Saint-Pierre et Miquelon, a été
créée en 1996.
Dans cette période de recherche de solutions viables de restructuration
économique, l'avancement des deux grands projets concernant la
construction de la nouvelle piste de l'aéroport et la transformation du
poisson importé a permis d'atteindre les objectifs recherchés
à court terme, à savoir la stabilité du niveau de l'emploi.
Il ressort cependant des divers entretiens menés par votre rapporteur
que la population de Saint-Pierre et Miquelon doit cesser de fonder un espoir
d'avenir prospère dans l'industrie des pêches, les Canadiens
n'étant vraisemblablement pas disposés à rétablir
les quotas de pêche au niveau où ils étaient fixés
avant le moratoire de 1992.
Plusieurs voies de diversification de l'économie de l'archipel semblent
cependant se dessiner.
1. La pêche artisanale et l'aquaculture
Bien
que la pêche artisanale n'ait cessé de décliner, passant de
43 bateaux en 1980 à 22 en 1996, le
bilan
de l'année
1996
est
encourageant
: la production en 1996 a
été multipliée par 2,4 par rapport à 1995. Ce fort
accroissement a été obtenu par le démarrage de la
première campagne de pêche artisanale au
crabe des neiges
(57 % des captures toutes espèces confondues en 1996). Deux
nouvelles embarcations polyvalentes ont été mises en service en
1996 à cet effet.
Avec 65 tonnes pêchées en 1996, la
rogue de lompe
représente la seconde ressource la plus importante de la pêche
artisanale (20 %). La morue ne représente plus que 11 % des
apports avec 35 tonnes pêchées en 1995 contre 48 en 1995. Enfin,
l'exploitation du
requin
tend à se développer passant de 5
tonnes pêchées en 1995 à près de 30 tonnes en 1996.
Enfin, la pêche avec des embarcations entre neuf et douze mètres,
mieux adaptée aux migrations des poissons et à la capture
d'espèces diverses se développe. En 1996, trois bateaux de ce
type ont réalisé une bonne saison. En 1997, sept bateaux
étaient en exploitation et on pouvait espérer un résultat
global nettement supérieur à celui de 1996.
2. Les activités portuaires
La
raréfaction des ressources halieutiques et la forte réduction des
quotas de pêche alloués aux flottes internationales par l'OPANO
ont entraîné la quasi-disparition de la fréquentation du
port de Saint-Pierre par les chalutiers étrangers. Les navires de
commerce qui font escale à Saint-Pierre sont également beaucoup
moins nombreux qu'en 1992.
Sur l'année 1996, la manutention portuaire a beaucoup souffert de la
diminution des importations de poisson russe destinées à
approvisionner l'usine de la société ARCHIPEL SA.
Nombre de navires entrés |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Variation 96/95 en % |
- pêche |
290 |
93 |
78 |
32 |
23 |
-28,1% |
- commerce |
631 |
488 |
460 |
461 |
442 |
-4,1% |
- divers |
362 |
429 |
330 |
391 |
413 |
5,6% |
Total |
1.283 |
1.010 |
868 |
884 |
878 |
-0,7% |
Le port
a néanmoins accueilli en 1996 un plus grand nombre de navires
classés dans la catégorie " divers ",
particulièrement des bateaux de plaisance étrangers.
L'archipel doit certainement mieux exploiter sa situation de pays
associé à l'Union européenne. La transformation sur place
de produits d'origine étrangère est envisageable,
l'intérêt résidant dans une réexportation en
franchise de douanes vers les pays européens (mise en place de
procédures de dédouanement dans le port de Saint-Pierre).
En outre, les autorités locales envisagent la mise en place d'un
registre d'immatriculation des navires de commerce à
Saint-Pierre
. Le Secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
Jean-Jacques Queyranne, en visite dans l'archipel en octobre dernier, s'est
montré favorable au principe d'un tel pavillon. Il est vrai que la
situation géomaritime de Saint-Pierre et Miquelon, aux portes de
l'Amérique du Nord, peut lui permettre de concurrencer efficacement les
pavillons de libre immatriculation qui offrent moins de garanties qu'un
pavillon français. Le registre de Saint-Pierre doit pouvoir apporter aux
armateurs des services de haute qualité que ne rendent pas, ou mal, les
actuelles immatriculations.
Enfin, le Conseil général fonde un espoir important dans le
développement des activités de service liées à
l'exploration pétrolière, puis éventuellement à
l'exploitation de gisements de pétrole si leur existence est
confirmée au large de l'archipel. Pour l'heure, l'exploration a
été confiée à la compagnie canadiennes Gulf Canada.
En fonction des résultats, un premier puits d'exploration pourrait
être creusé du côté français en l'an
2000.
3. Le tourisme
Une petite activité touristique marque la vie estivale à
Saint-Pierre qui compte 4 hôtels, 2 motels et 8 pensions (Miquelon
possède un hôtel, un motel et une pension de famille).
L'archipel est desservi par avion et par trois armements maritimes. L'essentiel
des arrivées a lieu par bateau (16.000, en 1986, sur
23.000 entrées). L'archipel, parce que petit et, jusqu'ici,
modérément attractif, attire essentiellement des personnes qui
veulent connaître un coin de France et qui viennent faire des
séjours linguistiques et suivent des cours de français en
université d'été.
Ainsi, le Francoforum, lieu d'échanges culturels et économiques,
institut français d'études linguistiques sur le continent
nord-américain, commence depuis 4 ans à répondre à
une demande de tourisme culturel grandissante chez nos voisins de langue
anglaise. Achevé en 1992, il dispense des enseignements sous forme de
stages et de séminaires d'une durée comprise entre une et huit
semaines. La progression du Francoforum a été notable en
1996 : le nombre de stagiaires a progressé de 90 % passant de
213 en 1995 à 404 en 1996.
Par ailleurs, l'archipel fonde un espoir dans le développement de
plusieurs types de tourisme : le tourisme de proximité
dirigé vers les habitants de Terre-Neuve, le tourisme
métropolitain, le tourisme ciblé (à destination par
exemple des Américains de Nouvelle Angleterre ou des entreprises
désireuses d'organiser des séminaires pour leur personnel) et le
tourisme maritime (croisières).
Enfin, avec 80 bateaux de plaisance étrangers (nord-américains
pour la plupart) sur les 359 entrés dans le port de Saint-Pierre en
1996, la navigation de plaisance d'origine étrangère pourrait
être un créneau intéressant pour le développement
touristique de l'archipel.
4. L'industrie et l'artisanat
Les usines de traitement du poisson et les deux centrales thermiques d'EDF
sont les seules industries de l'archipel, qui compte quelque 250 artisans
commerçants dans les domaines de l'alimentation, des services
(électriciens, garagistes) du bâtiment et des travaux publics
(fabrication et parpaings...). Il existe aussi un atelier de construction de
coques de petits navires en matière plastique.
La chambre de commerce et d'industrie de Saint-Pierre a recensé
355 entreprises en activité au terme de l'année 1995, contre
339 fin 1994 (2 entreprises agricoles, 47 d'alimentation, 71 des BTP, 141
de services, 85 entreprises commerciales spécialisées ou
semi-spécialisées, 9 de production).
La construction de la nouvelle piste aéroportuaire, engagée au
mois de juin 1994, représente encore le chantier le plus important. Le
coût définitif de l'investissement, y compris l'aérogare,
les bâtiments annexes et les équipements techniques de navigation,
devrait ressortir à 336 millions de francs, dont 236 à la charge
de l'Etat et 76,5 à la charge de la collectivité territoriale de
Saint-Pierre et Miquelon. 23,5 millions de francs proviennent du Fonds
européen de développement.
5. L'agriculture et l'élevage
Dans
une région au climat rigoureux et aux sols pauvres, l'agriculture et
l'élevage sont peu importants.
Aucune nouvelle installation de cultures sous serres n'a été
mise en place en 1996. Les structures existantes sont constituées de
petites serres d'une superficie moyenne de 200 m
2
, totalisant pour
l'archipel 2.500 m
2
de surface couverte. En 1996, ces serres ont
permis de produire 7 tonnes de tomates, près de 9.000 laitues, des
poivrons et plusieurs dizaines de milliers de plants de fleurs.
L'élevage sur l'archipel reste peu important : en 1996, on
dénombrait 63 moutons, 133 chevaux consacrés aux activités
de loisirs et 6.400 poulets de chair. La fromagerie des Iles implantée
à Saint-Pierre à la fin de l'année 1994, poursuit sa
fabrication artisanale de fromages blancs, crèmes dessert et yaourts
à partir de lait U.H.T. importé de France. Des élevages de
bêtes à fourrures rares pourraient fournir des emplois et
réduire le déficit national dans un domaine où l'essentiel
des besoins est couvert par des importations.
Les opérations de reboisement entamées depuis 1985 se sont
intensifiées tant à Saint-Pierre qu'à Miquelon.
Conformément au programme quinquennal, matérialisé par la
signature en 1995 d'une convention entre l'Etat et la Collectivité
territoriale, le service de l'agriculture a procédé en 1996 au
repiquage de plus de 22.000 plants (essentiellement des
conifères).
6. La coopération régionale
L'aspect
innovateur de l'accord franco-canadien du 2 décembre 1994 est la mise
sur pied des mécanismes de développement régional qui
doivent permettre à Saint-Pierre et Miquelon de trouver son essor dans
l'espace géo-économique des Provinces atlantiques (Terre-Neuve,
Nouvelle-Ecosse, Ile-du-Prince-Edouard et Nouveau Brunswick).
Les parties prévoient en effet d'assurer la préservation et la
valorisation du milieu naturel, d'établir des projets afin
d'étudier le milieu marin et ses perspectives, de développer la
coopération scientifique dans le domaine de l'aquaculture et de
favoriser la protection de la faune et de la flore.
Les parties s'entendent également pour favoriser, par des initiatives
communes de développement, la promotion du tourisme à
Saint-Pierre et Miquelon et dans les provinces atlantiques canadiennes. Les
autorités prévoient une coopération en matière de
police, notamment pour réprimer les trafics illicites. Enfin, le soutien
du développement des relations culturelles entre Saint-Pierre et
Miquelon, notamment dans le domaine de la diffusion des produits culturels et
de l'artisanat, est prévu, ainsi que des échanges et des
coproductions en matière de radio-télédiffusion.
Il convient d'explorer et de développer au maximum les volets
économiques qui sont ouverts dans l'accord de coopération, afin
que Saint-Pierre et Miquelon puisse trouver sa place dans l'espace
économique Nord Américain de la région atlantique du
Canada.
7. La francophonie
L'archipel possède de nombreux atouts pour être le
centre de la francophonie dans l'Atlantique Nord :
- le Francoforum : avec l'aide des services culturels et linguistiques des
ambassades de France, de nombreuses relations se sont établies entre le
Francoforum et les régions voisines de l'archipel. C'est ainsi que
l'université de Toronto a accepté de reconnaître depuis
1994, le diplôme délivré par le Francoforum et, qu'en 1995,
un accord de coopération culturelle pour 3 ans a été
signé entre la France et l'Acadie ;
- l'accès aux nouvelles techniques de communication (multimédia,
Internet...) ;
- la proximité avec Terre-Neuve et avec les provinces canadiennes
francophones (Acadie, Québec) ;
- l'existence de nombreux artistes et créateurs et la fierté de
la culture locale.
Tous ces atouts peuvent faire de Saint-Pierre et Miquelon un véritable
carrefour culturel, un centre actif d'échanges culturels dans le Canada
Atlantique et une tête de pont de la francophonie sur le continent
américain.
B. LE DÉSENCLAVEMENT INDISPENSABLE DE L'ARCHIPEL
La
construction d'une
nouvelle piste d'atterrissage
dans l'île de
Saint-Pierre
n'a pas résolu le problème de l'enclavement de
l'archipel
. En effet, alors que la distance minimale pour accueillir de
gros porteurs (Boeing 747, Airbus A340) est de 2.300 mètres, la nouvelle
piste ne fait que
1.800 mètres
, ce qui interdit aux avions
assurant la ligne Paris-Montréal de faire escale à
l'aéroport de Saint-Pierre, et oblige les voyageurs à destination
de l'archipel à se rendre à Montréal ou à Halifax
au Canada, d'où ils prennent un ATR pour Saint-Pierre. Certes, la piste
est extensible à 2.000 mètres puis à 2.200 mètres,
mais une telle distance ne permet d'accueillir que des moyens courriers du type
B737, DC9 et A310-200. Il semblerait que la construction de la nouvelle piste
ait été entreprise davantage pour lutter contre le chômage
que pour des raisons économiques.
Or, tant qu'une liaison directe au départ de Paris ne sera pas
assurée pour Saint-Pierre, l'archipel restera isolé et le
tourisme en provenance de la métropole ou d'Europe ne se
développera pas.
Aussi l'idée consistant à accorder une aide à la
continuité territoriale, comme cela se pratique pour la Corse,
mérite-t-elle d'être envisagée avec sérieux.
La multiplication des relations et des échanges avec les provinces
maritimes du Canada est d'ores et déjà envisageable. Pour cela,
une liaison avec Saint-Jean de Terre-Neuve plusieurs fois par semaine est un
pré-requis. De même, pour que les relations touristiques avec
l'Acadie se développement, il faut que les vols Canada-France
prévoient une escale à Halifax ou à Saint-Pierre.
Mais le
désenclavement
ne doit pas seulement être physique.
Il doit être
virtuel
: il convient de faciliter
l'accès des Saint-pierrais et des Miquelonnais à Internet. A cet
égard, Saint-Pierre a comptabilisé 200 nouveaux
abonnés au réseau de novembre 1996 à mai 1997, ce qui est
notable pour une commune de 5.800 habitants.