11. Situation humanitaire des réfugiés et des personnes déplacées kurdes dans le sud-est de la Turquie et le nord de l'Irak - Intervention de Mme Laurence DUMONT, députée (Soc) (Jeudi 25 juin)
Ce
rapport s'efforce de comprendre les causes des importants déplacements
de populations, essentiellement d'origine ethnique kurde, tant à
l'intérieur qu'en provenance du nord de l'Irak et du sud-est de la
Turquie, et d'évaluer leur situation et leurs besoins humanitaires.
Le rapporteur, Mme Vermot-Mangold souligne sa grande préoccupation face
à la situation humanitaire précaire des populations d'origine
kurde vivant dans ces régions. Dès lors, l'implication du Conseil
de l'Europe et de toute autre Organisation internationale compétente est
pleinement justifiée. Le Rapporteur constate que ce sont
l'insécurité et les conditions économiques et sociales
difficiles caractérisant ces régions qui ont
entraîné les mouvements de population. Elle condamne les violences
commises par le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et exhorte cette
organisation à cesser toutes activités armées. Elle prie
le gouvernement turc de cesser l'utilisation des forces armées contre la
population civile kurde et de se conformer pleinement aux principes de
l'Organisation des " 40 ", en vue d'un dénouement pacifique du
conflit dans lequel il est engagé dans le sud-est du pays. A cet
égard, des mesures de confiance devraient être introduites dans le
cadre des programmes du Conseil de l'Europe.
Par ailleurs, le rapport appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe
à user de leur influence auprès de l'Union européenne afin
qu'elle favorise le développement économique dans les provinces
du sud-est de la Turquie et qu'elle intensifie l'aide humanitaire qu'elle
fournit à la région nord de l'Irak. Le rapport demande une
levée des sanctions contre l'Irak et une intensification des efforts de
promotion de paix entre les parties conflictuelles dans cette région.
Enfin, le rapport invite le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
à élaborer une série de mesures destinées à
combattre les conditions qui favorisent les migrations clandestines sous toutes
leurs formes.
Mme Laurence DUMONT, députée (Soc)
,
formule les
observations suivantes :
" Je me félicite de l'inscription, enfin, de ce débat
à l'ordre du jour de notre Assemblée. Si nous ne discutions pas
ici, au Conseil de l'Europe, d'un tel sujet, alors que ce sujet relève
de la vocation même de cette institution, où aurions-nous
l'opportunité d'en débattre ?
Ce problème nous concerne à plusieurs titres.
Premièrement, comme le note le rapport, parce que "
les
migrations récentes ont montré que la question kurde n'est plus
aujourd'hui un simple problème intérieur. Elle est devenue un
problème international de droits de l'homme, qui concerne donc la
communauté internationale
".
Deuxièmement, comme le dit Yasar Kemal, " parce que la
démocratie est un tout. La démocratie doit être pour toute
l'humanité. Et tous les véritables démocrates, peu importe
où qu'ils soient, doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour aider ceux
qui veulent aller vers la démocratie et ceux qui luttent pour
elle ".
D'entrée de jeu, je préciserai que mes propos ne sauraient se
limiter aux seuls " aspects humanitaires des déplacements de
réfugiés kurdes dans le nord de l'Irak et le sud-est de la
Turquie ". A ce propos d'ailleurs, j'ai trouvé le rapport quelque
peu déséquilibré entre le titre et le contenu, puisque
c'est bien plus de la Turquie qu'il s'agit dans ce rapport que de l'Irak.
Je me bornerai volontairement à la Turquie, puisque ce pays est membre
de notre organisation, ce qui nous donne, même si ce n'est pas facile, la
possibilité du dialogue. Et je ne me limiterai pas, disais-je, aux seuls
aspects humanitaires, car je ne suis pas une responsable d'ONG et nous ne
sommes pas non plus le conseil d'administration de Médecins sans
frontières.
Je suis une politique, et c'est à ce titre que j'assume la
responsabilité non pas de dire le droit, mais de dénoncer, en
Turquie, des dérives graves, telles que les trois mille villages
rasés ou incendiés, la persistance du système des gardes
villageois, les soixante-sept journalistes muselés, les militants des
droits de l'homme terrorisés et nos six collègues
députés emprisonnés, tous problèmes majeurs qui
sont à l'origine, d'une certaine façon, de conséquences
humanitaires que nous pouvons certes déplorer, mais qui ne sont que la
conséquence logique d'une situation politique donnée.
Je poserai un préalable important, parce que, comme je le disais, je ne
m'attribue pas le privilège de dire le droit, seulement celui de
raisonner dans le cadre d'un ordre international, qu'on pourrait certes
souhaiter plus efficace, mais qui existe, celui des Nations unies.
Je m'inscris donc résolument, c'est le cas de le dire, dans la droite
ligne de ce que la Résolution 688 de l'Onu préconisait pour
l'Irak, à savoir le respect de l'intégrité territoriale
d'une part, et des droits politiques de tous les citoyens, d'autre part, car
cela est valable ailleurs qu'en Irak.
En Turquie ou ailleurs, c'est pour l'application de l'idée de cette
résolution que je me bats. Rien que cette résolution, mais toute
cette résolution : respect des frontières et droits des
citoyens.
Nul ici n'envisage la remise en cause des frontières, en Turquie ou
ailleurs ; beaucoup déplorent que les droits civils et politiques
des Kurdes soient bafoués : le mot est impropre, car encore
faudrait-il que ces droits aient existé. Ces droits n'existent pas.
Si notre institution a un sens, puisqu'elle n'a somme toute guère de
puissance, elle se doit d'envoyer aujourd'hui, par ce débat, un message
fort : pour dire la vocation européenne de la Turquie,
déjà reconnue par sa présence au sein de cet
hémicycle ; pour affirmer que la place de la Turquie est dans
l'Union européenne, mais que cette intégration ne saurait
être possible qu'à certaines conditions dont l'une est la
reconnaissance de la question kurde, c'est à dire l'attribution aux
Kurdes des droits civils et politiques élémentaires dans une
grande démocratie.
Mes chers collègues, je souhaite vivement que notre débat
d'aujourd'hui au Conseil de l'Europe, permette de faire entendre deux voix
indissociables : la voix du coeur sur le respect des droits de l'homme,
des droits politiques et culturels des peuples, qui plaide pour une solution
politique et négociée de la question kurde ; et la voix de
la raison qui plaide pour le développement d'initiatives fortes en
faveur de la paix et de l'intégration, à terme, pleine et
entière de la Turquie au sein de l'Union européenne. "
A l'issue du débat,
la recommandation 1377 figurant dans le rapport
8131 est adoptée avec amendements, ainsi que la directive 545,
également amendée.