E. Examen des principaux rapports
1) Les thèmes majeurs de la sécurité européenne
a) La sécurité d'une Europe élargie
Sur la
base d'un travail de sa commission politique, l'Assemblée a d'abord
examiné au cours de ses séances du 18 mai 1998 le rapport de
M. Robert ANTRETTER (Allemagne, SPD) sur " La sécurité
d'une Europe élargie " portant réponse au Rapport annuel du
Conseil (doc. 1602 et corrigendum).
Après un débat, l'Assemblée de l'UEO a tenu à
recommander au Conseil de "
faire en sorte que la coopération
avec tous les pays de l'UEO qui ne peuvent ou ne veulent pas adhérer
dans un avenir prévisible au Traité de Bruxelles
modifié
" soit fondée sur un "
accord
d'association juridiquement clair et assujetti au contrôle
parlementaire ".
M. ANTRETTER a appelé de ses voeux une
simplification des statuts de l'Organisation qui abolirait notamment les
distinctions entre membres associés, observateurs et associés
partenaires ; une telle solution contribuant à faire de l'UEO un
instrument plus crédible.
Au cours de ce débat, sont intervenus MM. Armand de DECKER (Belgique,
PRL-FDF), Président de la commission de défense et Jacques
BAUMEL, député (RPR) Président de la commission politique.
Le Président de DECKER a déclaré ne pas partager l'opinion
du rapporteur quant à la nécessité de réviser les
principes relatifs à l'élargissement tels que définis par
les Etats membres dès décembre 1991, dans le but d'ouvrir l'UEO
à tout Etat avec lequel l'UE aurait simplement entamé des
discussions d'adhésion. De même, il a rejeté l'idée
d'accueillir de plein droit les pays actuellement membres associés,
c'est-à-dire des membres de l'Alliance Atlantique non signataires du
Traité de Bruxelles modifié. M. de DECKER a ajouté qu'il
s'agirait ainsi de méconnaître la destinée propre de l'UEO
qui, depuis les traités de Maastricht et d'Amsterdam, est appelée
à constituer " le bras politico-militaire " de l'UE.
En sa qualité de Président de la commission politique, M. BAUMEL
a rappelé que le rapport en discussion avait été
adopté à l'unanimité en commission et il lui a paru que M.
de DECKER avait mis l'accent sur de vraies questions et notamment celle du
risque d'affaiblir l'UEO " ...en la diluant dans un élargissement
excessif et non justifié par des participations concrètes,
réelles et positives. "
Après l'adoption de deux amendements déposés par
M. Constantinos VRETTOS (Grèce, Pasok), d'un amendement de
M. de DECKER et plusieurs de ses collègues et d'un amendement
commun de MM. Thomas COX (Royaume-Uni, Travailliste) et Edward O'HARA
(Royaume-Uni, Travailliste), l'Assemblée a adopté la
recommandation n° 626 ainsi amendée.
b) La question des relations avec la Russie
Conformément aux conclusions de son rapporteur, M.
Miguel
Angel MARTINEZ (Espagne, socialiste), l'Assemblée a adopté
à l'unanimité la recommandation n° 630 ainsi que la
directive n°103 sur les relations de l'UEO avec la Russie. Au cours de son
intervention sur son rapport (doc. 1063) M. MARTINEZ a estimé
nécessaire que l'UEO "
à l'instar de l'UE et de l'OTAN,
établisse des relations officielles avec la Russie, d'autant que ce pays
a manifesté à plusieurs reprises son intérêt en
cette direction alors qu'à ce jour les liens sont limités
à des contacts sporadiques qui ne répondent pas aux attentes de
l'Assemblée ".
Il a appelé de ses voeux un programme
d'information réciproque, de dialogue et de coopération
réguliers. Ainsi, l'Assemblée a décidé de faire un
premier pas en chargeant son Comité des Présidents de
ménager un statut véritable au Parlement russe qui offrirait
à un nombre déterminé de ses délégués
de participer aux sessions plénières et éventuellement
à des réunions de commissions.
Au terme du débat sur ce rapport, M. BAUMEL a salué la
qualité du travail du rapporteur sur un sujet qualifié
d'" essentiel " qui a suscité la " passion " de
l'Assemblée et dont il a su éloquemment présenter les
divers aspects.
c) L'examen des coopérations industrielles, notamment dans le domaine naval
M. Arnau NAVARRO (Espagne, socialiste) a
présenté
à l'Assemblée en qualité de corapporteur, le rapport de la
commission technique et aérospatiale relatif à " la
coopération européenne dans le domaine naval - les programmes de
frégates " (doc. 1606 et amendement).
Les principales orientations dégagées par ce travail ont
porté sur la création d'un groupe naval au sein de l'UEO afin,
entre autres activités, d'étudier les besoins navals des pays
membres, l'élargissement d'EUROMARFOR (les rapporteurs citant en
particulier la Grèce parmi les Etats souhaitant rejoindre la France,
l'Italie, l'Espagne et le Portugal) et la réalisation d'exercices navals
dans le cadre spécifique des missions dites de Petersberg.
Au cours du débat M. Jim MARSHALL (Royaume-Uni, travailliste)
Président de la commission technique et aérospatiale, a tenu
à préciser que, dans le cadre du projet Horizon, son pays avait
l'intention d'acquérir une douzaine de frégates de ce type et non
pas six à sept (chiffres cités par le rapport).
Sont également intervenus au cours du débat : MM. Michael
COLVIN (Royaume-Uni, conservateur), David WILSHIRE (Royaume-Uni, conservateur),
et Ali DINCER (Turquie, membre associé).
Enfin, l'Assemblée a adopté l'amendement déposé par
M. Jean VALLEIX, député (RPR), sur la
nécessité d'une coopération entre industriels
européens " ...
pour le développement et la fabrication
de systèmes d'armes embarqués susceptibles de garantir aux
nouveaux types de frégates une capacité de défense
antimissile
", sujet dont l'Assemblée avait déjà
souligné l'importance au cours de la précédente session
(recommandation n° 621 adoptée dans sa séance du 3
décembre 1997).
L'Assemblée a adopté à l'unanimité la
recommandation n° 629 ainsi amendée.
d) La double question de l'évolution de la situation dans les Balkans et des forces de police de l'UEO
Au cours
de ses deux séances du mardi 19 mai 1998, l'Assemblée a
examiné, dans le cadre d'une discussion commune, deux rapports de la
commission de défense (doc. 1608 et amendements et doc. 1609).
• Lord RUSSELL-JOHNSTON (Royaume-Uni, libéral-démocrate)
a présenté en qualité de suppléant de M. Jan Dirk
BLAAUW (Pays-Bas, libéral VVD), rapporteur, les orientations du rapport
consacré à la situation dans les Balkans, en soulignant la
nécessité d'un renforcement du rôle et des
responsabilités de l'Europe vis-à-vis de la SFOR et en
recommandant au Conseil d'envisager le déploiement d'un
détachement spécial de police armée, composé
uniquement d'Européens, afin de garantir l'ordre public en
Bosnie-Herzégovine. Par ailleurs, le rapport a rejeté
l'affirmation selon laquelle la situation au Kosovo serait une stricte affaire
intérieure yougoslave.
• Sur le second sujet, M. Pietro GIANNATTASIO (Italie, Forza Italia),
rapporteur, a demandé que l'UEO soit à même de
répondre rapidement et de manière adéquate aux demandes de
missions de police spécialisées. Il a souligné que
l'Elément multinational de conseil en matière de police (EMCP)
constituait un "
exemple unique
" : pour la
première fois, toutes les catégories de membres de l'UEO ont pu
participer à la mission.
Ont participé à la discussion commune : MM. Fabio
EVANGELISTI (Italie, Sin. Dem.), John TOWNSEND (Royaume-Uni, conservateur),
Terry DAVIS (Royaume-Uni, travailliste), POPOVSKI (ancienne République
yougoslave de Macédoine, observateur), MUTMAN (Turquie, membre
associé), SHAPURICH (ancienne République yougoslave de
Macédoine, observateur), JELINCIC (Slovénie, partenaire
associé), Lawrence CUNLIFFE (Royaume-Uni, travailliste), Michael COLVIN
(Royaume-Uni, conservateur), et Jordi SOLÉ TURA (Espagne, socialiste),
Mmes Maria Manuela AGUIAR (Portugal, PPD-PSD) et Ana GUIRADO (Espagne,
socialiste), ainsi que M. Armand de DECKER (Belgique, PRL-FDF) qui, en sa
qualité de Président de la commission de défense, a
salué la qualité des réflexions des rapporteurs.
Pour sa part, M. GIANNATTASIO a précisé dans ses réponses
aux intervenants qu'il n'avait pas assigné à l'EMCP une mission
de contrôle des frontières avec le Kosovo, car il ne s'agissait
que d'une structure de conseil et d'instruction qui n'a pas vocation
"
à aller sur le terrain
".
Après avoir repoussé un amendement de MM. Francisco SPERONI et
Luciano LORENZI (Italie, Ligue du Nord) sur l'autodétermination du
Kosovo, l'Assemblée a adopté un amendement de M. David ATKINSON
(Royaume-Uni, conservateur) et plusieurs de ses collègues visant
à renforcer le contrôle de l'embargo sur les armes imposé
à la République fédérale de Yougoslavie tout en
prévenant les livraisons d'armement à l'armée de
libération du Kosovo, dont M. ATKINSON a précisé que les
Etats-Unis pensaient qu'elles pourraient avoir des sources islamistes et
fondamentalistes.
L'Assemblée a adopté à l'unanimité la
recommandation n° 627 ainsi amendée relative à l'Europe
devant l'évolution de la situation dans les Balkans puis,
également à l'unanimité, la recommandation
n° 628 sur les forces de police de l'UEO - réponse au Rapport
annuel du Conseil.
2) Autres résolutions et directives adoptées au cours de la session
A partir
des travaux de sa commission pour les relations parlementaires et publiques,
l'Assemblée a également examiné deux rapports : le
premier présenté par Mme Vera SQUARCIALUPI (Italie, Sin. Dem) sur
l'Initiative Centre-Européenne (doc. 1065 et amendement) et le second
présenté par M. Eisso WOLTJER (Pays-Bas, socialiste) relatif
à l'Assemblée de l'UEO et la dimension parlementaire des
politiques de sécurité (doc. 1064).
• Sur le premier sujet, Mme SQUARCIALUPI a
préconisé d'encourager les voies de coopération
sous-régionale, notamment dans les zones de crises potentielles,
après avoir rappelé l'origine et les finalités de
l'Initiative Centre-Européenne ou INCE qui regroupe 16 pays et
"
contribue à la coopération en Europe, en lançant
des initiatives avec la BERD, l'OSCE, l'UE etc.
". Elle a
également souhaité que l'UEO complète l'action de la SFOR
pour la mise en oeuvre des Accords de Dayton. Dans ce contexte,
l'Assemblée a chargé le Comité des Présidents de se
prononcer sur l'opportunité d'institutionnaliser les relations avec les
assemblées sous-régionales.
Au cours du débat, Mme Josette DURRIEU, sénateur (S),
Présidente de la délégation française, a
rappelé, après avoir salué la qualité du travail du
rapporteur, que l'Assemblée s'était déjà
penchée sur le rôle de l'Assemblée balte ou encore celui de
l'Assemblée de coopération économique en Mer Noire. Mme
DURRIEU a également souligné l'importance des travaux conduits en
octobre 1997 lors de la Conférence de Monaco qui, dans le cadre de
l'OSCE, avaient fourni l'occasion d'une première rencontre entre
représentants d'organisations sous-régionales et avaient conclu
à la nécessité d'un renforcement des relations entre ces
instances (pour certaines déjà anciennes, comme le Conseil
Nordique et le Bénélux) et les Assemblées
européennes.
Après l'adoption d'un amendement déposé par Mme
SQUARCIALUPI afin de mentionner la création récente d'une force
multinationale d'infanterie légère entre l'Italie, la
Slovénie et la Hongrie et à laquelle se joindra la Roumanie,
l'Assemblée a adopté à l'unanimité le projet de
directive n° 104 ainsi amendé sur l'Initiative
Centre-Européenne.
• S'agissant du débat sur le rapport de M. WOLTJER, qui a
souligné le phénomène de multiplication depuis la fin de
la guerre froide des organisations de sécurité en Europe, dont
les démarcations de compétence peuvent parfois paraître
floues, les travaux de la commission pour les relations parlementaires et
publiques ont avant tout été conduits afin de contribuer à
clarifier les termes mêmes des interrogations sur l'éventuelle
dimension parlementaire de la coopération. Dans ce but, M. WOLTJER
a suggéré diverses voies de renforcement de l'influence
parlementaire et Mme SQUARCIALUPI s'est exprimée afin de soutenir plus
spécialement la proposition du rapporteur visant à établir
le principe d'une rencontre annuelle entre les parlementaire appartenant aux
différentes organisations européennes " ...
si proches
mais qui s'ignorent trop souvent
. " Enfin, elle a salué
l'apport personnel de M. WOLTJER dans ses fonctions de Président de la
commission pour les relations parlementaires et publiques au moment où
il va quitter l'Assemblée de l'UEO pour se consacrer exclusivement au
Parlement européen.
L'Assemblée a adopté à l'unanimité le projet de
résolution n° 100, puis le projet de directive n° 105 sur
la dimension parlementaire des politiques de sécurité.
* * *
Enfin, en concluant la session, M. de PUIG, Président de l'Assemblée de l'UEO, a averti l'Organisation qu'elle se devait d'être prête à agir si la situation au Kosovo continuait à se détériorer : l'Europe ne pouvant se permettre de laisser se préparer " une nouvelle Bosnie " sans intervenir mais il reste essentiel que les Européens manifestent une volonté politique commune en ce sens.