LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES
TRUCY (François)
RAPPORT D'INFORMATION 025 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
Fichier au format Acrobat ( 72 Ko )Table des matières
- INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE
LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES A DES CONSÉQUENCES PROFONDES ET IRRÉVERSIBLES SUR LE BUDGET DE LA DÉFENSE
ELLE MODIFIE RADICALEMENT LA COMPOSITION DES EFFECTIFS. DANS LES DEUX DOMAINES, D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS PEUVENT COMPROMETTRE LA RÉALISATION DES OBJECTIFS.-
I. LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES A DES
CONSÉQUENCES PROFONDES ET IRRÉVERSIBLES SUR LE BUDGET DE LA
DÉFENSE.
- A. LES CRÉDITS DU TITRE III SONT NETTEMENT SUPÉRIEURS À CEUX DES TITRES V ET VI.
- B. A L'INTÉRIEUR DU TITRE III, L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES OBLIGE À RÉDUIRE CEUX DES AUTRES CHAPITRES.
- C. LES ACTIVITÉS ET LE FONCTIONNEMENT DES ARMÉES SOUFFRENT DE CETTE SITUATION.
- II. LA COMPOSITION DES EFFECTIFS DES ARMÉES EST RADICALEMENT MODIFIÉE. ON CONSTATE, EN 1999, QUE LES ÉVOLUTIONS RETENUES PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE NE PEUVENT TOUTES ÊTRE MENÉES À BIEN.
-
I. LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES A DES
CONSÉQUENCES PROFONDES ET IRRÉVERSIBLES SUR LE BUDGET DE LA
DÉFENSE.
-
DEUXIÈME PARTIE
LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES ENTRAÎNE ACTUELLEMENT DES DIFFICULTÉS POUR LES UNITÉS MILITAIRES EN CE QUI CONCERNE LEUR PERSONNEL ET LEURS CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT ET D'ACTIVITÉ. LA CONDITION DES MILITAIRES SE DEGRADE SUR CERTAINS POINTS.-
I. LES EFFECTIFS DES UNITÉS MILITAIRES NE SONT PAS
CONSTITUÉS DANS LES CONDITIONS PRÉVUES. IL EN RÉSULTE
D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS.
- A. C'EST POUR LE PERSONNEL CIVIL, QUE LA SITUATION EST LA PLUS PRÉOCCUPANTE.
- B. LES PREMIERS VOLONTAIRES ARRIVENT EN PETIT NOMBRE DANS LES ARMÉES.
- C. LE RECRUTEMENT DES MILITAIRES DU RANG ENGAGÉS EST GLOBALEMENT SATISFAISANT. DANS UNE FORMATION DE LA MARINE, UNE PARTIE DES ENGAGÉS A PARU INADAPTÉE À SES FONCTIONS.
- D. LES APPELÉS CONTINUENT À FAIRE PREUVE DE BONNE VOLONTÉ.
- II. L'ACTIVITÉ ET LE FONCTIONNEMENT DES FORMATIONS MILITAIRES SOUFFRENT DES RESTRICTIONS DE CRÉDITS.
- III. CERTAINS ASPECTS DE LA CONDITION MILITAIRE SE DÉGRADENT
-
I. LES EFFECTIFS DES UNITÉS MILITAIRES NE SONT PAS
CONSTITUÉS DANS LES CONDITIONS PRÉVUES. IL EN RÉSULTE
D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS.
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 25
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre 1999
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la professionnalisation des armées à mi-parcours,
Par M.
François TRUCY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Défense. |
LA
PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES
EST-ELLE SUR LA BONNE VOIE ?
BILAN À MI-PARCOURS
François TRUCY
Sénateur
INTRODUCTION
Le chef
de l'Etat a annoncé au pays, le 22 février 1996, sa
décision de suspendre la conscription c'est-à-dire l'appel
obligatoire de jeunes hommes sous les drapeaux.
De nombreuses mesures ont été prises en application de cette
décision mais deux lois en expriment l'essence : la loi du 2 juillet
1996 relative à la programmation militaire pour les années 1997
à 2002 et la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service
national.
La chronologie bouscule la logique puisqu'en effet, la loi du 28 octobre 1997
est la manifestation " fondamentale " de la décision de
professionnaliser les armées en ce qu'elle prévoit la suspension
de l'appel sous les drapeaux pour les Français nés après
le 31 décembre 1978.
La loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002
décrit financièrement et physiquement la période de
transition au cours de laquelle doit s'exécuter le passage d'une
armée " mixte ", dont le " Livre blanc sur la
défense " de 1994 réaffirmait encore la
nécessité, à une armée composée
exclusivement de personnes ayant choisi de servir volontairement. L'inclusion
du titre III dans la programmation différencie cette loi des
précédentes, c'est la marque de l'influence profonde du passage,
sur la période, à des armées professionnelles.
La professionnalisation des armées ne consiste pas en un simple
remplacement, nombre pour nombre, des militaires appelés par des
engagés, ce qu'on aurait pu imaginer qu'elle fût. Elle
s'accompagne d'un ensemble de mesures complexes, intimement imbriquées
et qui sont, pour l'essentiel, décrites ou annoncées dans la loi
de programmation militaire. On citera notamment la réduction et la
redistribution des crédits accordés à la défense,
la réduction du format des armées (c'est-à-dire la
réduction du nombre d'unités combattantes, d'unités de
soutien et d'implantations), leur réorganisation et l'importance
donnée à la mission de projection à laquelle est
affecté l'essentiel de l'armement conventionnel.
Ainsi, professionnalisation et programmation 1997-2002 sont-elles totalement
liées et l'analyse de l'une ne peut être faite qu'à la
lumière de l'autre.
L'appréciation, à mi-parcours, de l'état de la
professionnalisation peut s'envisager de diverses manières selon la
méthode utilisée et le champ d'investigation retenu.
Votre rapporteur a choisi, d'une part de concentrer son examen sur les
transformations profondes touchant les crédits de la défense et
le personnel des armées et de la gendarmerie et, d'autre part, de
décrire leurs conséquences concrètes dans les
unités militaires à partir des constatations qu'il a pu faire,
sur place et sur pièces, dans les formations où il s'est rendu au
cours de l'année écoulée.
PREMIÈRE PARTIE
LA PROFESSIONNALISATION
DES ARMÉES A DES CONSÉQUENCES PROFONDES ET IRRÉVERSIBLES
SUR LE BUDGET DE LA DÉFENSE
ELLE MODIFIE RADICALEMENT LA COMPOSITION
DES EFFECTIFS. DANS LES DEUX DOMAINES, D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS PEUVENT
COMPROMETTRE LA RÉALISATION DES OBJECTIFS.
I. LA PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES A DES CONSÉQUENCES PROFONDES ET IRRÉVERSIBLES SUR LE BUDGET DE LA DÉFENSE.
Les
crédits du titre III deviennent nettement supérieurs à
ceux des titres V et VI.
A l'intérieur du titre III, l'augmentation des crédits de
rémunérations et de charges sociales oblige à
réduire ceux des autres chapitres.
Les activités des armées souffrent de cette dernière
situation.
La loi de programmation militaire donne deux indications importantes sur
l'évolution comparée des différents crédits
budgétaires :
-
l'enveloppe des moyens de la défense est fixée à
185 milliards de francs constants 1995 (soit un recul de 20 milliards de francs
par rapport aux 205 milliards de francs annuels résultant de la
programmation 1995-2000) répartis entre le fonctionnement (99 milliards
de francs) et l'investissement (86 milliards de francs) soit 53,5 % pour le
premier et 46,5 % pour le second ;
-
en fin de programmation, les crédits du titre III non
consacrés aux rémunérations et charges sociales (RCS),
devront être inférieurs de 20 % à leur niveau de 1996.
A. LES CRÉDITS DU TITRE III SONT NETTEMENT SUPÉRIEURS À CEUX DES TITRES V ET VI.
Le
tableau ci-contre démontre :
-
que le titre III, au cours des dix dernières années,
dans un budget en réduction sensible depuis 1995, a
définitivement pris le pas sur les titres V et VI, les proportions ayant
fait plus que s'inverser ;
-
que la part théorique attribuée par la programmation au
titre III est sensiblement dépassée.
Les ponctions qui peuvent intervenir en cours d'année sur le titre V
pour abonder les crédits de rémunérations et de charges
sociales, comme ce fut le cas, pour 3,8 milliards de francs, par le
décret d'avance du 22 août 1998, accentuent encore ce
phénomène.
Le pourcentage de 60 % des crédits de rémunérations et
charges sociales et de fonctionnement généralement attaché
au budget des armées professionnalisées depuis longtemps doit
correspondre à certaines réalités en dépit des
difficultés de comparaison.
B. A L'INTÉRIEUR DU TITRE III, L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATIONS ET DE CHARGES SOCIALES OBLIGE À RÉDUIRE CEUX DES AUTRES CHAPITRES.
On relève que dans le projet de loi de finance initial de 1998, les crédits du titre III non consacrés aux rémunérations et charges sociales ont diminué de 5,2 % et pour 1999, de 5,9 %. Cette pente de réduction est donc supérieure à celle qu'indique la loi de programmation militaire et elle est plus que proportionnelle à la réduction des effectifs.
TITRES III, V ET VI DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE DEPUIS 1988
(
En millions de francs courants)
|
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
crédits de paiement : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
• Titre III 1( * ) ...................... |
83 429 |
47,9 |
84 360 |
46,3 |
87 343 |
46,1 |
91 400 |
46,98 |
92 334,5 |
47,23 |
94 975,7 |
47,99 |
• Titres V et VI............... |
90 847 |
52,1 |
98 000 |
53,7 |
102 100 |
53,9 |
103 148 |
53,02 |
103 148 |
52,77 |
102 934 |
52,1 |
Total ................ |
174 276 |
100 |
182 360 |
100 |
189 443 |
100 |
194 548 |
100 |
195 482,5 |
100 |
197 909,7 |
100 |
|
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
Crédits
|
Pourcentage du total |
crédits de paiement : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
• Titre III 1 ...................... |
98 912 |
49,6 |
99 323 |
49,2 |
100 652 |
51,4 |
102 223 |
53,5 |
103 722 |
56,1 |
103 958,9 |
54,7 |
• Titres V et VI............... |
100 416 |
50,4 |
102 430 |
50,8 |
94 941 |
48,6 |
88 699 |
46,5 |
81 000 |
43,9 |
86 000 |
45,3 |
Total ................ |
199 328 |
100 |
201 753 |
100 |
195 593 |
100 |
190 922 |
100 |
184 722 |
100 |
189 958,9 |
100 |
Le tableau ci-dessous permet de se rendre compte de l'importance de la réduction de ces crédits sur une plus longue période.
|
1990 |
1998 |
1999 |
Crédits de rémunérations et de charges sociales......... |
70 % |
77,6 % |
79,7 % |
Crédits de fonctionnement |
30 % |
22,4 % |
20,3 % |
La
raison de ces évolutions est bien connue, elle tient à
l'augmentation importante des " basses " rémunérations
de la fonction publique. Le poids de ces revalorisations ne peut que
s'accroître au fur et à mesure du recrutement de nombreux
militaires du rang engagés et les critères d'actualisation
annuelle des crédits du titre III ne permettent pas de couvrir ces
évolutions.
En fin de programmation, il est à craindre que la réduction des
crédits du titre III non consacrés aux
rémunérations et charges sociales soit largement
supérieure aux 20 % prévus.
Les dépenses de rémunérations et de charges sociales
sont les seules qui, en fait, soient véritablement et
immédiatement inéluctables.
En effet, même le paiement des engagements contractuels passés
avec les fournisseurs des armées peut, moyennant le paiement
d'intérêts moratoires, être momentanément
différé. En amont, le retard pris par la plupart des grands
programmes, bien qu'il soit très coûteux à terme,
s'explique, en grande partie, par l'incapacité à financer
à la fois l'équipement des armées et le paiement de
dépenses de rémunérations et de charges sociales.
Ainsi, il n'est pas exagéré d'affirmer que les dépenses
de rémunérations et de charges sociales écrasent, dans une
mesure non prévue par la programmation, l'ensemble des autres
crédits du ministère de la défense et que la progression
de la professionnalisation ne pourra qu'accentuer ce phénomène.
C. LES ACTIVITÉS ET LE FONCTIONNEMENT DES ARMÉES SOUFFRENT DE CETTE SITUATION.
La loi
de programmation, dans le rapport qui lui était annexé
annonçait "
une réduction temporaire des activités
et de l'entraînement des forces
", conséquence de la
priorité donnée au financement des mesures de
réorganisation et de fonctionnement.
Sur ce point, malheureusement, les budgets ne démentent pas la
programmation.
Pour
l'armée de terre,
de 100 jours passés sur le
terrain, l'activité continuera à décliner selon les
prévisions de 1999, jusqu'à 70 jours dont seulement la
moitié avec le matériel organique. Les forces terrestres ont du
renoncer à participer à de nombreux exercices et leurs
activités sont sensiblement inférieures à celles de leurs
homologues de l'armée britannique.
Pour la marine, la situation des crédits nécessite de fixer des
allocations de potentiel de navigation modulées selon la nature et
l'emploi des bâtiments, mais la poursuite du ralliement au format
entraîne en 1999 une baisse du volume global d'activité qui
devrait s'établir à moins de 90 jours soit nettement moins que
celui de la marine britannique.
Pour l'armée de l'air, les prévisions d'activité en 1999
correspondent au maintien de la norme de 180 heures mais les
possibilités d'entraînement avec les plus importantes
armées de l'air étrangères ne sont plus suffisantes.
La réduction notable des possibilités d'entraînement et
d'activité des forces conduit à une situation paradoxale, celle
d'une armée au personnel de plus en plus professionnel au sens
statutaire du terme mais dont l'aptitude au combat est plus difficile à
affermir.
Par ailleurs, les conditions de vie dans les unités sont moins faciles
du fait des restrictions de crédits et de la disparition progressive des
appelés dans certains emplois qui atténuaient souvent
l'austérité de la vie militaire. Cet aspect des choses
n'étant guère globalement quantifiable, il ne sera
évoqué qu'à partir des constations relevées dans
les unités visitées.
II. LA COMPOSITION DES EFFECTIFS DES ARMÉES EST RADICALEMENT MODIFIÉE. ON CONSTATE, EN 1999, QUE LES ÉVOLUTIONS RETENUES PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE NE PEUVENT TOUTES ÊTRE MENÉES À BIEN.
A. LE TABLEAU CI-DESSOUS RETRACE L'ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE TELLE QUE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION.
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Officiers .................................. |
38 456 |
38 523 |
38 527 |
38 475 |
38 403 |
38 306 |
38 189 |
Sous-officiers .......................... |
214 828 |
213 369 |
211 532 |
208 842 |
205 234 |
202 353 |
199 296 |
Militaires du rang .................... |
44 552 |
52 216 |
60 054 |
68 643 |
76 606 |
84 239 |
92 527 |
Total des militaires de carrière ou sous contrat ... |
|
|
|
|
|
|
|
Civils ...................................... |
73 747 |
74 875 |
76 241 |
77 929 |
79 964 |
81 796 |
83 023 |
Appelés et volontaires ............. |
201 498 |
169 525 |
137 672 |
103 496 |
74 577 |
47 107 |
27 171 |
Total général .................... |
573 081 |
548 508 |
524 026 |
497 385 |
474 784 |
453 801 |
440 206 |
Globalement, il fait apparaître une réduction de
23 %
de l'ensemble des effectifs.
Par catégories, l'effectif des officiers reste stable, celui des
sous-officiers diminue de 7,2 %. Ce mouvement croisé résultant
à la fois de la réduction du format et de l'amélioration
des taux d'encadrement.
L'effectif du personnel civil augmente de 12,5 % mais, pour les armées
le changement est plus marqué que ne l'indique cette proportion. En
effet, elle est le solde d'un double mouvement : une réduction de
l'effectif des services industriels et une augmentation notable de celui des
unités militaires, essentiellement par transfert des uns vers les
autres. Globalement, d'un peu plus de 10 %, l'effectif du personnel civil va
représenter près de 20 % des effectifs de la défense.
L'évolution la plus importante concerne, bien entendu, celle de la
catégorie de militaires d'active la plus concernée par la
professionnalisation, celle des militaires du rang engagés dont
l'effectif fait plus que doubler.
Pour les volontaires, la loi de programmation ne précise pas
l'évolution de ce groupe par rapport à celui des appelés
jusqu'à la disparition de ces derniers en 2002. Cependant, la loi de
finances pour 1999 précise que sont créés 4 751
postes de volontaires dans les armées et la gendarmerie, celle-ci ayant
bénéficié en outre de la création anticipée
de 800 postes en 1998.
Le pourcentage des contractuels
Le
personnel militaire présente de nombreuses particularités qui le
différencient du reste de la fonction publique. Parmi les plus notables,
figure la proportion du personnel sous contrat à durée
déterminée, qui n'a pas vocation à poursuivre une
carrière complète dans les armées. Le recrutement d'un
grand nombre de militaires du rang engagés va notablement accentuer le
pourcentage des militaires en situation précaire, soumis aux
aléas de la reconduction de leur contrat et sans espoir de rester
beaucoup plus d'une dizaine d'années dans les armées.
De plus de 50 % au terme de la loi de programmation, ce taux atteindra
même les 2/3 en ne considérant que les trois armées.
Cette singularité est essentielle, elle doit imprégner toute
réflexion sur les statuts et la condition militaire.
Au-delà de ce qui résulte strictement de la décision de
professionnalisation, il existe une logique à ces évolutions,
elle figure explicitement dans le rapport annexé à la loi de
programmation militaire : les militaires doivent être
affectés prioritairement dans les emplois opérationnels et, en
conséquence, dans certains emplois à vocation
générale, une partie des militaires sera remplacée par du
personnel civil.
B. EN 1999, ON CONSTATE QUE LES ÉVOLUTIONS RETENUES POUR LE PERSONNEL, PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE, NE PEUVENT TOUTES ÊTRE MENÉES A BIEN.
Pour
le personnel civil
, plus de 7 000 postes ne sont pas pourvus dans les
armées. Cette situation résulte de plusieurs facteurs :
• du renoncement à utiliser des mesures contraignantes pour
transférer des personnes de la délégation
générale pour l'armement vers les armées ;
• de sureffectifs ponctuels, dans certains organismes, en raison des
restructurations ;
• de l'inadéquation entre la formation de ces personnes et la
nature des postes à pourvoir ;
• de la mise en réserve d'emplois imposée par le
ministère du budget ;
• et des délais nécessaires à l'organisation de
concours de recrutement.
Ces vacances de postes entraînent d'importantes difficultés de
fonctionnement, notamment dans les forces. Des appelés ont pu, dans une
certaine mesure, pallier ces absences mais cela est numériquement et
qualitativement - les appelés actuels, essentiellement issus des reports
d'incorporation, sont largement inadaptés aux postes à pourvoir -
de moins en moins possible. S'agissant bien souvent de fonctions
" vitales " au sens propre, l'obligation dans laquelle se trouvent
les forces de les pourvoir, a une conséquence doublement
néfaste : y sont affectés de jeunes militaires
engagés qui ont d'abord rejoint les armées pour tenir des emplois
militaires et, corrélativement, des postes restent vacants dans les
unités de combat. Cette situation est au rebours du principal objectif
de la professionnalisation, celui de la disposition de forces militaires
particulièrement aptes à la projection.
Pour les volontaires
, on a rappelé que 4 751 postes de
volontaires ont été ouverts au budget de 1999 dans les
armées et la gendarmerie et que celle-ci a
bénéficié de la création anticipée de 800
postes en 1998. Au terme de la loi de programmation, l'effectif des volontaires
devrait être de 27 171.
Cette nouvelle catégorie de personnel militaire suscite les
interrogations suivantes :
• Les créations de postes de 1999 (4 751) paraissent
très insuffisantes pour atteindre l'effectif de 27 171en 2002, en
suivant une pente régulière ;
• Les volontaires peuvent, chaque année, librement demander ou non
le renouvellement de leur contrat. Cette incertitude annuelle rendra complexe
la gestion des volontaires ;
• la Gendarmerie nationale, qui devra remplacer ses 12 000 gendarmes
auxiliaires par 16 000 volontaires, qualifiés de gendarmes
adjoints, est placée dans une situation particulière et
difficile. Pour attirer les volontaires de bonne qualité et en nombre
suffisant, elle doit faire apparaître que la souscription de ce contrat
est une des meilleures voies pour devenir ensuite sous-officier de gendarmerie.
Mais ensuite, elle ne peut trop tarder à réaliser cet espoir ce
qui entraînera la déception rapide de ceux qui auront
échoué aux tests de sélection. On peut donc craindre que
la durée moyenne de trois ans du volontariat jugée
nécessaire pour maintenir l'effectif élevé de 16 000,
soit difficile à réaliser ;
• la capacité des trois armées a susciter un nombre de
volontaires suffisant n'est pas certaine pour des raisons qui tiennent au
manque de " lisibilité " de ce statut. Ce qui sépare
l'engagé à contrat court du volontaire ayant renouvelé
plusieurs fois son contrat n'est ni facilement perceptible par les candidats
éventuels ni aisément explicable par les organismes de
recrutement. Par ailleurs, il semble que les armées hésitent sur
la définition d'une véritable politique d'emploi des
volontaires ;
• l'intérêt des armées n'est certes pas de recruter
des personnes surqualifiées. A l'inverse, il semble qu'on ne puisse plus
demander aujourd'hui aux armées de mener le même effort
d'intégration sociale qu'avec les conscrits. En effet, avec les moyens
mesurés que l'on sait, les unités militaires ont pour tâche
première de se préparer le plus parfaitement possible, à
la conduite des actions militaires difficiles et périlleuses dans
lesquelles on les voit engagées aujourd'hui. Dès lors, elles ne
peuvent pas consacrer une part trop importante de leur énergie à
tenter de transformer en soldats éprouvés des jeunes gens dont
les possibilités d'insertion au sein d'unités homogènes,
soudées et disciplinées sont problématiques.
Pour les appelés
, le report de l'incorporation, sous certaines
conditions, des jeunes gens titulaires d'un contrat de travail et, surtout mais
avec un effet qui ne durera pas au-delà de 1999, de celui de 24 à
26 ans des jeunes gens qui poursuivent des études, a pu créer des
insuffisances du nombre d'incorporés. Cependant, la difficulté
essentielle tient au décalage qui se creuse puisque les appelés
sont maintenant tous issus des reports d'incorporation, entre la formation
universitaire de la plupart d'entre eux et la nature des tâches que les
armées doivent leur confier.
La professionnalisation ne sera achevée qu'en 2002 mais, pour
l'instant, le maintien d'appelés dans les unités de combat et la
décision, comme pour les opérations du golfe persique de
1990-1991, de les écarter des actions menées sur le territoire de
l'Ex-République fédérale de Yougoslavie, est une source de
difficultés dans la constitution des unités aptes à ce
type de projections. En outre, grande a été la déception
des appelés qui étaient volontaires pour participer à ces
opérations et qui ont été contraints de quitter leurs
unités.
Le service de santé a fait état d'un déficit de nombreux
médecins du contingent qui se traduisait notamment par 73 postes
vacants dans les forces.
Des armées professionnelles, parce qu'elles sont plus
ramassées et qu'un effet de masse n'a plus sa place dans les
opérations, exigent un supplément de cohérence.
Leurs effectifs, dans toutes leur composantes, en quantité comme en
qualité, ne peuvent être inférieurs à ce qu'exigent
les missions fixées.
Les unités d'une armée professionnelle ne peuvent être
confinées trop longtemps dans les casernes. L'excellence de leur
entraînement est indispensable au bon accomplissement de leurs missions
souvent périlleuses.
L'équipement des armées professionnelles ne peut être
inadapté aux opérations à mener. Son renouvellement doit
être assuré dans des délais permettant une adaptation
à l'évolution des menaces.
Cette cohérence, pour les raisons qui viennent d'être
analysées, n'est pas assurée.
Une analyse de l'état de la professionnalisation à mi-parcours
ne peut se réduire à un constat portant sur des données
générales relatives aux effectifs ou aux finances. Cette
arithmétique a en effet, un impact direct dans les formations
militaires. Il est essentiel d'aller l'y mesurer.
DEUXIÈME PARTIE
LA PROFESSIONNALISATION
DES ARMÉES ENTRAÎNE ACTUELLEMENT DES DIFFICULTÉS POUR LES
UNITÉS MILITAIRES EN CE QUI CONCERNE LEUR PERSONNEL ET LEURS CONDITIONS
DE FONCTIONNEMENT ET D'ACTIVITÉ. LA CONDITION DES MILITAIRES SE DEGRADE
SUR CERTAINS POINTS.
En une année, votre rapporteur, après s'être entretenu
avec les chefs d'état-major, s'est rendu dans les unités et
organismes militaires suivants :
-
Pour l'armée de Terre
:
• le 17
ème
régiment de génie parachutiste
(17
ème
R.G.P.) de Montauban (avril 1998),
• le 11
ème
régiment de chars
(11
ème
R.C.) de Carpiagne (juin 1998) ;
• la direction centrale des télécommunications et de
l'informatique (juin 1998).
-
Pour la Marine
:
• le transport de chalands de débarquement (T.C.D.) Siroco
(octobre 1998) ;
• le centre automobile de la région maritime
Méditerranée (C.A.R.M.M.) (octobre 1998) ;
• le groupement de fusiliers-marins de Toulon (octobre 1998);
• la base d'aéronautique navale de Landivisiau (avril 1999) .
-
Pour l'armée de l'Air
:
• la base aérienne 132 (B.A. 132) de Colmar (mai 1998).
-
Pour la Gendarmerie
:
• la légion de gendarmerie départementale de la
région Provence-Alpes-Côte d'Azur (octobre 1998);
• la compagnie d'Aubagne (octobre 1998) ;
-
Pour le service de santé des armées
:
• la direction centrale (novembre 1998).
Votre rapporteur s'est fait présenter de façon
détaillée les missions, le personnel, l'organisation,
l'équipement et l'implantation de chaque unité ou organisme. Il a
eu des entretiens approfondis avec leurs chefs, avec leurs cadres et avec des
représentants de toutes les catégories de personnel :
officiers, sous-officiers, officiers-mariniers, militaires du rang et personnel
civil. Il s'est attaché, par cette méthode, à mesurer sur
le " terrain " les conséquences concrètes des
décisions prises en matière de professionnalisation et en
exécution de la loi de programmation militaire dans les deux domaines
déjà évoqués, celui du personnel et celui des
activités et du fonctionnement.
I. LES EFFECTIFS DES UNITÉS MILITAIRES NE SONT PAS CONSTITUÉS DANS LES CONDITIONS PRÉVUES. IL EN RÉSULTE D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS.
A. C'EST POUR LE PERSONNEL CIVIL, QUE LA SITUATION EST LA PLUS PRÉOCCUPANTE.
Le déficit général de plus de 7 000 personnes
déjà relevé a des répercussions directes dans les
unités. De nombreux postes n'y sont pas pourvus. Cela perturbe non
seulement le fonctionnement courant mais parfois encore, en raison des
transferts imposés par ces absences, une partie de la capacité
à remplir les missions. Il s'agit pour reprendre l'expression d'un chef
d'état-major " d'un point noir extrêmement
préoccupant ".
Pour illustrer ces difficultés, votre rapporteur a notamment
relevé,
au moment de son passage
dans certaines unités,
les exemples qui suivent.
A la
direction centrale des télécommunications et de l'informatique de
l'armée de terre, le recrutement des fonctionnaires de l'ordre technique
et des ouvriers était préoccupant. Les organes de cette direction
étant souvent dispersés et d'effectif peu important, se posent en
outre, de délicats problèmes de subordination hiérarchique
entre militaires et civils.
Au centre automobile de la région maritime Méditerranée
(C.A.R.M.M.) qui est chargé des transports de personnes et de
marchandises de la marine dans la région Méditerranée, des
chauffeurs civils venus d'établissements relevant de la
délégation générale pour l'armement
remplaçaient effectivement certains appelés mais tous les postes
n'étaient pas pourvus. Certains chauffeurs avaient d'ailleurs
déjà quitté le C.A.R.M.M. car les horaires de travail ne
leur convenaient pas. Les perspectives d'amélioration de la situation ne
semblaient pas très grandes. En effet, les personnes qui, elles, avaient
fait le pas, se classaient parmi les plus dynamiques et laissaient entendre que
ceux qui étaient encore dans leur établissement, plus routiniers,
ne les suivraient pas. Cela est d'autant plus vraisemblable que certains
ajoutaient que des directeurs d'établissements n'encourageaient pas les
départs.
A la base d'aéronautique navale de Landivisiau, 44 emplois de personnel
civil devant remplacer des appelés n'étaient pas pourvus dont 35
dans le seul service de restauration qui n'a reçu que 3 personnes pour
38 postes à pourvoir. Plus globalement, le déficit en personnel
civil de cette base concernait 86 postes sur un effectif autorisé de
304, soit 28 %.
L'inadéquation des qualifications est une des causes de ces vacances de
postes. Les métiers dits " de bouche " sont rares dans les
établissements de la délégation générale
pour l'armement or ils constituent une grande part des postes à pourvoir
dans les unités militaires. En outre, les conditions difficiles de leur
exercice n'incitent guère à entreprendre une reconversion pour
pouvoir les exercer. Dans ces conditions, seul le recours à des
embauches de personnes extérieures aux établissements du
ministère de la défense pourrait pallier ces vacances de
postes .
A la légion de gendarmerie départementale de la région
Provence - Alpes - Côte d'Azur, 5 postes d'ouvriers, sur un effectif
autorisé de 23, étaient vacants.
Pour le service de santé des armées, plus de 1 000 emplois
de personnel civil, sur 6 000, n'étaient pas pourvus.
D'autres métiers, pourtant plus proches des activités
industrielles, semblent rares dans les établissements de la
délégation générale pour l'armement. Ainsi, le
C.A.R.M.M. ne parvenait-il pas à pourvoir un poste de carrossier. A
l'inverse, on a relevé dans cet organisme la présence d'un
chauffeur qui était précédemment ouvrier
d'aéronautique.
Les conséquences les plus importantes pour les unités de ce taux
élevé de vacances de postes devant être occupés par
du personnel civil sont au nombre de trois :
• les fonctions indispensables à la vie même des organismes,
doivent être de toutes façons pourvues. Elles le sont, souvent
dans des conditions difficiles, par des militaires prélevés sur
les unités de combat. Dès lors, la capacité
opérationnelle des formations s'en ressent. En outre, les jeunes
engagés à qui l'information sur le recrutement a annoncé
qu'ils serviraient en priorité dans les unités de combat, peuvent
être rapidement déçus par des tâches qu'ils ne
s'attendaient guère à remplir ;
• des tentatives sont faites pour " externaliser " une partie
des fonctions non remplies par le personnel civil qui n'a pas rejoint les
unités. A la base d'aéronautique navale de Landivisiau,
l'entretien de la vaisselle est ainsi confié à une entreprise
privée. Cependant, il est apparu sur cette même base que
d'importantes difficultés empêchaient l'extension de cette
formule. Elles tiennent à l'encombrement du service chargé de
passer les contrats correspondants en respectant les contraintes du code des
marchés publics. Celui-ci, qui traitait 16 marchés en 1996, doit
en gérer 120 actuellement.
Globalement, un large recours à l'externalisation, qui aurait le
mérite de décharger les militaires des tâches les moins
proches de la préparation au combat, se heurterait vraisemblablement
à l'insuffisance générale des crédits de
fonctionnement qui a été quantifiée plus haut. A la base
d'aéronautique navale de Landivisiau le coût annuel du nettoyage
des locaux était de 700 000 francs et celui du ramassage des
ordures ménagères de 500 000 francs ;
• le dernier, mais non le moindre, des inconvénients de cette
situation tient au fait que de nombreux militaires des unités, à
qui l'arrivée de civils plus nombreux avait été
présentée comme une amélioration liée à la
professionnalisation, l'assimilent maintenant à un facteur de
désorganisation et d'accroissement de leurs charges.
B. LES PREMIERS VOLONTAIRES ARRIVENT EN PETIT NOMBRE DANS LES ARMÉES.
La gendarmerie a accueilli 800 volontaires à la fin de l'année
1998, la majeure partie d'entre eux étant constituée d'ex
gendarmes auxiliaires. Ils y sont appelés " gendarmes
adjoints ". Elle en recevra 3 000 en 1999. 1 721 seulement
doivent rejoindre les armées en 1999.
Dans la gendarmerie, avec des responsabilités plus grandes, ils ont
vocation à remplacer les gendarmes auxiliaires. Votre rapporteur a
constaté à la compagnie d'Aubagne, qu'il était difficile,
pour des raisons financières, d'offrir aux gendarmes adjoints des
conditions de logement meilleures que celles des gendarmes auxiliaires.
Pourtant, leur durée de service sera sensiblement plus longue.
C. LE RECRUTEMENT DES MILITAIRES DU RANG ENGAGÉS EST GLOBALEMENT SATISFAISANT. DANS UNE FORMATION DE LA MARINE, UNE PARTIE DES ENGAGÉS A PARU INADAPTÉE À SES FONCTIONS.
Les unités militaires dans lesquelles s'est rendu votre rapporteur se
disent généralement satisfaites de la qualité des jeunes
militaires du rang engagés qui remplacent une partie des appelés.
Le taux de sélection est satisfaisant de même que le processus de
recrutement. Il est vrai qu'une proportion élevée de ces
engagés est encore issue d'appelés dont l'encadrement a pu
apprécier la qualité des services avant la passation du contrat
d'engagement. Les appelés étant aujourd'hui pratiquement tous
issus des reports d'incorporation, cette voie d'engagement va se tarir
progressivement pour disparaître, de toutes façons, en 2002.
De cette satisfaction d'ensemble, il convient cependant d'écarter le
cas des engagés sur contrat de deux ans rencontrés au groupement
des fusiliers-marins de Toulon. Ces jeunes gens, qui participent à la
protection des installations militaires du port, sont issus de " missions
locales d'insertion ". Votre rapporteur a constaté l'inadaptation
d'une partie importante d'entre eux à remplir une tâche qui
implique la détention d'une arme à feu. Il lui a
été confirmé que leur taux de punition était
très élevé, que la consommation de stupéfiants
n'était pas rare et que la vigilance des officiers et des
officiers-mariniers de la formation était sollicitée dans une
mesure excessive par ces engagés d'un nouveau type. En raison de la
nature des fonctions, du danger présenté par les armes à
feu et de la proportion de ces engagés dans les unités de
protection, la marine doit s'efforcer de limiter les risques résultant
d'une inadaptation trop flagrante à l'emploi en modifiant ce type de
recrutement.
Sur le TCD Siroco, et pour des fonctions différentes, les
officiers-mariniers ont aussi souligné l'alourdissement de leur fonction
d'encadrement mais le petit nombre de ces engagés de courte durée
sur ce bâtiment devrait permettre une assimilation plus aisée
à l'équipage.
Dans plusieurs formations, lors des " tables rondes ", des
militaires ont fait part de leur perplexité sur le discours paradoxal
qui est actuellement tenu à l'engagement. Il leur semble en effet
difficile, surtout en direction de jeunes gens appelés à devenir
rapidement sous-officiers, d'essayer d'insuffler une certaine ardeur aux
nouveaux engagés tout en leur martelant des propos insistants sur la
nécessité d'envisager rapidement une reconversion dans le secteur
civil. Il y a nécessité pour les armées de trouver un
certain équilibre entre une information nécessaire sur les
perspectives d'avenir et l'obligation de ne pas refroidir l'enthousiasme des
jeunes engagés.
D. LES APPELÉS CONTINUENT À FAIRE PREUVE DE BONNE VOLONTÉ.
Pour la plupart en report d'incorporation, les appelés continuent
à tenir sans rechigner des emplois de moins en moins adaptés
à leurs qualifications. Cependant, lorsqu'ils sont amenés
à côtoyer de jeunes engagés de faible niveau, c'est avec un
peu d'amertume qu'ils comparent les montants des soldes respectives.
II. L'ACTIVITÉ ET LE FONCTIONNEMENT DES FORMATIONS MILITAIRES SOUFFRENT DES RESTRICTIONS DE CRÉDITS.
On a
relevé que les normes générales d'entraînement des
unités des forces avaient été sensiblement
réduites. C'est au 17
ème
régiment de
génie parachutiste de Montauban que votre rapporteur a mesuré de
plus près les conséquences concrètes de ces
réductions.
Pour deux raisons, les cadres de ce régiment estimaient qu'ils
n'avaient plus la possibilité de maintenir à un niveau suffisant
la compétence de leurs hommes notamment dans leur domaine d'expertise,
celui du déminage. La première raison tenait au partage entre un
plus grand nombre de régiments des " compagnies tournantes "
qui permettent par des séjours hors de la métropole
d'accroître la compétence et la cohésion des unités.
Il en résultait pour le 17
ème
RGP, une
réduction sensible des possibilités de déplacement de ses
compagnies puisqu'on estimait qu'un commandant d'unité n'avait plus la
possibilité de partir hors de métropole au moins une fois en deux
ans.
La seconde raison venait de l'insuffisance du budget " intervention -
entraînement - activités ". Elle avait pour
conséquence la limitation des séjours " au camp "
à des durées plus courtes et à des terrains plus proches
et la grande difficulté à participer à des
entraînements avec des unités étrangères, occasion
pourtant précieuse d'échanger des savoir-faire. Ce
régiment doit en permanence arbitrer entre différentes
activités et écarter les plus coûteuses même si leur
intérêt est grand.
Cette situation obligeait à maintenir au quartier des soldats
professionnels pour des durées trop longues ce qui était
néfaste pour l'entretien de leurs compétences et de leur moral.
Par ailleurs, ce régiment avait à pâtir d'une charge
nouvelle. Au moment de la dissolution d'autres régiments, il a
reçu un certain nombre de " véhicules de l'avant
blindés " en sus de ses dotations, sans utilité pour lui
mais avec la charge de les entretenir.
III. CERTAINS ASPECTS DE LA CONDITION MILITAIRE SE DÉGRADENT
Les
appelés, dans les unités ou dans les organismes
périphériques, aidaient les militaires d'active par les
tâches qu'ils remplissaient. Ils ne sont qu'en partie
remplacés ; sous divers aspects la condition militaire s'en trouve
dégradée.
Dans les unités
, une part importante des tâches
d'entretien était confiée à des appelés. Trois
raisons expliquent la nécessité d'en confier aujourd'hui une
partie à des militaires d'active :
• la nature même des unités, par exemple les bâtiments
de la marine ;
• les vacances de postes de personnel civil ;
• les difficultés " d'externalisation ".
Les militaires du rang engagés, les sous-officiers et les
officiers-mariniers sont, pour ces raisons, dans bien des cas obligés
d'exécuter eux-mêmes ces travaux qu'ils encadraient auparavant.
Ces changements sont assez souvent vécus comme une dégradation du
statut, de la condition des intéressés.
Dans l'environnement des militaires
, les appelés remplissaient de
nombreuses fonctions dans les cercles et les mess. Leur départ et
l'impossibilité pour ces organismes de financer le personnel qui
pourrait les remplacer, conduisent à une dégradation des services
et/ou à une augmentation de leur coût. Des fermetures totales ou
partielles sont rendues nécessaires, des horaires d'ouverture sont
restreints de même que les prestations offertes.
Les services de cette nature ne doivent pas être considérés
comme des avantages excessifs, injustifiés, dont la suppression peut
être envisagée sans inconvénient. Ils correspondent
à de véritables besoins. Ils participent, notamment, pour les
militaires et leur famille, à l'allégement des contraintes
liées à la mobilité et à l'absence des chefs de
famille en missions extérieures. La disparition ou la réduction
de telles prestations accroît le sentiment des militaires d'active, qui
ne manifestent pourtant aucun état d'âme sur le fond de la
décision, que la professionnalisation est pour eux une source de
nombreuses difficultés.
CONCLUSION
A
mi-chemin du processus, la professionnalisation ne se déroule ni dans
les conditions prévues ni de façon satisfaisante. Les
opérations qu'elle sous-tend sont complexes et toutes leurs
conséquences ne pouvaient sans doute être correctement
évaluées lors du vote de la loi de programmation militaire. A
l'évidence, le coût des soldes a été
sous-estimé.
L'objectif final reste cependant d'atteindre les capacités d'action
militaire décrites dans la loi. Sa réalisation nécessite
le retour à une véritable cohérence entre les quatre
éléments fondamentaux que sont les effectifs, les crédits
de rémunération et de charges sociales, les crédits de
fonctionnement et d'activités et les crédits d'équipement.
Toute dérive prolongée de l'un de ces éléments
interdira à nos armées de pouvoir accomplir normalement les
missions qui leur ont été fixées.
Le rétablissement de cette cohérence passe inéluctablement
par le comblement rapide des déficits en personnel dans les organismes
militaires et par l'attribution d'un montant de crédits de
rémunérations et de charges sociales qui affranchisse de toutes
ponctions ceux de fonctionnement, d'activités et d'équipement.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la Nation a examiné le présent rapport
d'information au cours de sa réunion du 20 octobre 1999.
A l'issue de l'exposé de M. François Trucy, M. Jean-Pierre
Demerliat a souligné qu'il n'était possible de pallier les
sous-effectifs en personnel des armées qu'au prix d'un important effort
de communication.
M. Jacques Oudin a relevé qu'à mi-parcours, la
professionnalisation des armées ne permettait guère d'augmenter
les capacités de projection des forces.
M. Maurice Blin a fait observer qu'au moment où le titre III du budget
de la défense prenait très nettement le pas sur le titre V,
s'accroissait le besoin de remplacer des équipements anciens ou
inadaptés aux concepts stratégiques actuels.
M. Maurice Blin et M. Michel Moreigne ont exprimé leurs
préoccupations pour les localités touchées par les
restructurations d'organismes militaires.
A la suite de ce débat, la commission a autorisé la publication
de la communication de M. François Trucy sous la forme d'un rapport
d'information.
LA
PROFESSIONNALISATION DES ARMÉES
EST-ELLE SUR LA BONNE VOIE ?
BILAN À MI-PARCOURS
La
décision de professionnaliser les armées a été
annoncée par le chef de l'Etat le 22 février 1996.
Cette mutation fondamentale de notre défense s'appuie sur la loi du 28
octobre 1997 qui suspend l'appel sous les drapeaux des Français
nés après le 31 décembre 1978 et la loi du 2 juillet 1996
relative à la programmation militaire pour les années 1997
à 2002.
Ce profond changement a pour objectif, à partir d'unités plus
ramassées, mieux entraînées et dotées d'un meilleur
équipement, d'améliorer la capacité de projection des
forces armées françaises sur tous les théâtres
d'opérations qui concernent la France.
Le processus de professionnalisation, qui sera conduit en six années
seulement, est constitué d'une multitude d'opérations complexes,
fortement interdépendantes. Leur bon déroulement, le maintien de
leur cohérence sont nécessaires à la réussite de
cette mutation radicale.
Le présent rapport d'information propose donc, à mi-parcours de
la période de transition, un bilan portant sur les finances, les
effectifs, l'entraînement et la capacité à s'équiper
des armées. Au-delà des données générales,
il se fonde sur des constatations effectuées dans des formations des
trois armées et de la gendarmerie nationale.
Ce rapport relève notamment les difficultés rencontrées
par les armées pour réaliser leurs effectifs,
particulièrement en ce qui concerne le personnel civil. Il souligne les
contraintes que les dépenses de rémunérations et de
charges sociales font peser sur l'entraînement des forces et sur leur
équipement. Il invite à rétablir la cohérence entre
les éléments fondamentaux du processus, condition
nécessaire pour atteindre les capacités d'action décrites
dans la loi.
1 . Hors pensions.