APPLICATION DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
DESCOURS (Charles) ; MACHET (Jacques) ; VASSELLE (Alain)
RAPPORT D'INFORMATION 356 (1999-2000) - Commission des Affaires sociales
Rapport au format Acrobat ( 735 Ko )Table des matières
- AVANT-PROPOS
-
PREMIÈRE PARTIE
-
L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCEMENT-
I. UN CONSTAT : L'ÉQUILIBRE DES COMPTES
SOCIAUX DANS UN CONTEXTE DE FORTE CROISSANCE
-
A. LE RÉGIME GÉNÉRAL EN 1999 :
UN ÉQUILIBRE ATTEINT MALGRÉ LE DÉRAPAGE DES
DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE
- 1. Le dynamisme de l'emploi salarié en 1999 explique la bonne tenue des recettes
- 2. L'effet de l'accroissement des prélèvements supplémentaires décidés par les lois de financement de la sécurité sociale 1997 et 1998
- 3. Un contenu différent suivant les branches
- 4. Une progression des recettes endiguant le dérapage des dépenses
- B. LE COMPTE 2000 DU RÉGIME GÉNÉRAL : UN EXCÉDENT FACTICE
- C. LE SOLDE DES ADMINISTRATIONS SOCIALES : UN EXCÉDENT SANS GRANDE SIGNIFICATION
-
A. LE RÉGIME GÉNÉRAL EN 1999 :
UN ÉQUILIBRE ATTEINT MALGRÉ LE DÉRAPAGE DES
DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE
- II. UNE ENTORSE AUX PRINCIPES : L'ABSENCE DE COLLECTIF SOCIAL
- III. UNE INQUIÉTUDE : LES TRANSFERTS DE CHARGES AU DÉTRIMENT DE LA BRANCHE FAMILLE
-
I. UN CONSTAT : L'ÉQUILIBRE DES COMPTES
SOCIAUX DANS UN CONTEXTE DE FORTE CROISSANCE
-
DEUXIÈME PARTIE
-
LES DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT
DES CAISSES D'ALLOCATIONS FAMILIALES -
Déplacements et auditions des rapporteurs
- I. UN CONSTAT PRÉOCCUPANT
- II. DES ORIGINES MULTIPLES
- III. LA CRÉATION DE 900 EMPLOIS : UNE SOLUTION DE FACILITÉ ?
- IV. DEUX PRIORITÉS : SIMPLIFIER LE DROIT, AGIR SUR L'ORGANISATION
-
TROISIÈME PARTIE
-
LA GESTION DES EXONÉRATIONS
DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE -
Déplacements et auditions des rapporteurs
-
I. LA MULTIPLICATION DU NOMBRE DE MÉCANISMES
D'EXONÉRATION DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE : UN
ENJEU CONSIDÉRABLE POUR LES FINANCES PUBLIQUES
- A. L'EXONÉRATION DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE EST UN OUTIL SÉDUISANT, PERMETTANT UNE BAISSE IMMÉDIATE DES CHARGES PESANT SUR LES ENTREPRISES
-
B. LE DÉVELOPPEMENT DES MÉCANISMES
D'EXONÉRATION S'EXPLIQUE PAR LA MULTIPLICATION DES OBJECTIFS
POURSUIVIS
- 1. Les différentes vagues des mécanismes d'exonération
-
2. Une palette très large
- a) L'exonération de charges sociales poursuivant un objectif d'allégement du coût du travail
- b) L'exonération de charges sociales conditionnée à la réduction du temps de travail
- c) L'exonération " sectorisée " visant à prendre en compte les difficultés particulières de tel ou tel secteur
- d) L'exonération de charges sociales ciblée sur des publics particuliers poursuivant un objectif d'insertion sociale
- e) L'exonération de charges sociales " localisée ", poursuivant un objectif d'aménagement du territoire
- C. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE REPRÉSENTENT UNE " RECETTE " NON NÉGLIGEABLE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE
-
II. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS : UNE
GESTION COMPLEXE POUR LES URSSAF ET POUR LES ENTREPRISES
- A. LES MÉCANISMES D'EXONÉRATION SONT PARTICULIÈREMENT COMPLEXES
- B. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS NÉCESSITENT UN SUIVI ET UN CONTRÔLE RIGOUREUX PAR LA BRANCHE DU RECOUVREMENT
- III. LE NOUVEAU MÉCANISME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES LIÉ AUX TRENTE-CINQ HEURES : LE NOMBRE D'EMPLOIS CRÉÉS NE SERA JAMAIS CONNU
- IV. UN IMPÉRATIF : SIMPLIFIER LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS POUR UNE MEILLEURE GESTION
-
I. LA MULTIPLICATION DU NOMBRE DE MÉCANISMES
D'EXONÉRATION DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE : UN
ENJEU CONSIDÉRABLE POUR LES FINANCES PUBLIQUES
-
QUATRIÈME PARTIE
-
LA MISE EN PLACE DE LA
COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE -
Déplacements et auditions des rapporteurs
-
I. LES DEMANDES DE COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
COMPLÉMENTAIRE : UNE MONTÉE EN CHARGE
RÉGULIÈRE MAIS LENTE DANS LES ORGANISMES DE BASE, UNE GRANDE
DÉCEPTION DANS LES ORGANISMES MUTUALISTES ET CHEZ LES ASSUREURS
- A. L'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE MALADIE COMPLÉMENTAIRE DES FRANÇAIS PROMISE PAR LA CMU NE CONCERNE PAS ENCORE, LOIN S'EN FAUT, LES 3 MILLIONS DE PERSONNES ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT
- B. POUR LES 3 MILLIONS D'ANCIENS BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE MÉDICALE, LA PROMESSE D'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE COMPLÉMENTAIRE EST PRÉCAIRE ET RÉVOCABLE
-
II. LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION DE
LA LOI ONT INUTILEMENT AGGRAVÉ LA COMPLEXITÉ DU DISPOSITIF,
OCCASIONNANT AINSI ERREURS, PERTE DE TEMPS ET INCOMPRÉHENSIONS
-
A. BEAUCOUP DE COMPLEXITÉ INUTILE
- 1. Les agents des caisses ont dû apprendre deux méthodes de contrôle des ressources, une pour la CMU de base, une autre pour la CMU complémentaire
- 2. L'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls salariés, empêche toute automatisation des procédures de contrôle des ressources
- 3. Et il faut aussi compter avec les procédures dérogatoires
- 4. Les formulaires sont impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et parfois erronés ou incomplets
- B. CETTE COMPLEXITÉ EST SOURCE D'ERREURS, D'INCERTITUDES ET INCOMPRÉHENSIONS
-
A. BEAUCOUP DE COMPLEXITÉ INUTILE
- III. LES CONDITIONS D'APPLICATION DE LA CMU ONT AUSSI AGGRAVÉ SON CARACTÈRE " NON PARTENARIAL "
-
I. LES DEMANDES DE COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE
COMPLÉMENTAIRE : UNE MONTÉE EN CHARGE
RÉGULIÈRE MAIS LENTE DANS LES ORGANISMES DE BASE, UNE GRANDE
DÉCEPTION DANS LES ORGANISMES MUTUALISTES ET CHEZ LES ASSUREURS
-
TRAVAUX DE LA COMMISSION
- I. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DE LA CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF)
-
II. COMMUNICATION DES RAPPORTEURS
(DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT DES CAF) - III. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT ET DE M. JEAN-LOUIS BUHL, DIRECTEUR DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)
- IV. AUDITION DE MME CATHERINE BARBAROUX, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE À L'EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE
-
V. COMMUNICATION DES RAPPORTEURS
(GESTION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES) - VI. EXAMEN DU RAPPORT
N°
356
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 mai 2000
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale ,
Par MM.
Charles DESCOURS, Jacques MACHET
et Alain VASSELLE,
Sénateurs.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Jean Delaneau,
président
; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine
Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet,
vice-présidents
; Mme Annick Bocandé, MM. Charles
Descours, Alain Gournac, Roland Huguet,
secrétaires
; Henri
d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Jean-Pierre
Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe
Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge
Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain,
Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton,
Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly,
Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian
Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de
Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul
Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Sécurité sociale
- Lois de financement de la
sécurité sociale.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'examen des lois de financement de la sécurité sociale n'est pas
un exercice rituel qui réunit le Parlement quelques jours à
l'automne ; c'est un travail tout au long de l'année qui mobilise
les rapporteurs compétents de votre commission et leur permet tant de
suivre l'application de la loi votée que de préparer la
discussion du prochain projet de loi.
L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1997 prévoit en effet que les rapporteurs des projets de loi de
financement de la sécurité sociale ont le pouvoir de suivre et de
contrôler, "
sur pièces et sur place, l'application de ces
lois auprès des administrations de l'Etat et des établissements
publics compétents. Réserve faite des informations couvertes par
le secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les
renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter
leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités
à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce
soit.
"
C'est dans le cadre de ces prérogatives particulières et
permanentes qui leur sont accordées par la loi que vos
rapporteurs
1(
*
)
ont décidé
d'engager, au début de l'année 2000, plusieurs missions de
contrôle "
sur pièces et sur place
" dans les
organismes de protection sociale.
Ils ont été amenés à privilégier trois
thèmes de contrôle : les difficultés de fonctionnement
des caisses d'allocations familiales (CAF), la gestion par les unions de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations
familiales (URSSAF) des exonérations de cotisations sociales, enfin la
mise en place de la couverture maladie universelle (CMU).
Soucieux d'assurer la plus grande cohérence à leurs analyses, les
rapporteurs ont souhaité travailler de concert et procéder
conjointement à de nombreuses auditions et à plusieurs
déplacements dans différentes CAF, CPAM et URSSAF.
De fait, au-delà des problématiques particulières à
chaque branche de la sécurité sociale, fonction des
différents enjeux qu'elles affrontent, un point commun ressort nettement
des investigations de votre commission : le foisonnement, l'extraordinaire
complexité et l'absence de stabilité des règles qu'il est
demandé aux caisses de gérer, mais également la relative
indifférence des concepteurs de ces règles à leur mise en
oeuvre sur le terrain.
De sorte que vos rapporteurs ont pu observer que la complexité
conduisait "
à une absence de lisibilité des choix
politiques, un ciblage social souvent inefficace, un ciblage financier rarement
atteint et un coût de gestion accru
"
2(
*
)
.
A cet égard, vos rapporteurs ont été très sensibles
à la mobilisation et à la conscience professionnelle des
personnels de l'ensemble des caisses face à la tâche
considérable que constituent, non seulement l'application et le
contrôle de textes trop complexes et trop fluctuants, mais encore
l'information des bénéficiaires quant à l'étendue
de leurs droits et l'explication du bien-fondé de règles à
l'élaboration desquelles ces personnels, et plus
généralement les organismes auxquels ils appartiennent, n'ont
guère été associés.
Les "
contrôles sur pièce et sur place
" de vos
rapporteurs ne répondent pas à une volonté de
" prendre en faute " les gestionnaires mais participent du souci de
bien mesurer avec eux les difficultés qu'ils rencontrent et les
contraintes auxquelles ils sont soumis.
Cette volonté de contrôler l'application des lois de financement
de la sécurité sociale et d'en mesurer les difficultés sur
le terrain, votre commission entend l'exercer systématiquement en
choisissant chaque année deux ou trois thèmes. Ainsi,
examinera-t-elle très probablement l'an prochain, les missions et les
conditions de gestion du fonds de réserve pour les retraites dont on
peut espérer qu'elles auront été alors, les unes et les
autres, clarifiées.
Mais, au-delà, votre commission, à l'occasion du présent
rapport, a souhaité présenter quelques observations sur
l'exécution de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000.
Elle s'étonne ainsi, pour le déplorer, que le Gouvernement ait
jugé possible de modifier de son propre chef, les objectifs de
dépenses inscrits dans la loi de financement, en annonçant, par
exemple, dès février 2000, soit moins de deux mois après
le vote du Parlement, une " nouvelle étape " de la politique
hospitalière.
Elle s'inquiète, en outre, de la cohérence entre les comptes
sociaux et le budget de l'Etat tel qu'il résulterait du projet de loi de
finances rectificative en cours d'examen par le Parlement, s'agissant notamment
des perspectives de la branche famille.
PREMIÈRE PARTIE
-
L'EXÉCUTION DES LOIS DE
FINANCEMENT
Trois
points ont retenu l'attention de vos rapporteurs s'agissant de
l'exécution de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000.
Tout d'abord, s'appuyant sur le rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier, ils se sont
interrogés sur les conditions dans lesquelles s'effectue le retour
à l'équilibre des comptes sociaux.
Ils ont considéré, en second lieu, que les conditions
générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale en 2000 avaient été
significativement modifiées tant par la censure du Conseil
constitutionnel (annulation de la taxation des heures supplémentaires)
que par l'engagement de dépenses nouvelles par le Gouvernement
(" nouvelle étape de la politique hospitalière "). A
l'évidence, le Gouvernement aurait dû présenter un
" collectif social ".
Enfin, vos rapporteurs, soucieux de la cohérence entre le budget de
l'Etat et la loi de financement, s'inquiètent de la non-inscription dans
le collectif budgétaire 2000 de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire. Ils y voient soit une insincérité
manifeste des comptes de l'Etat en 2000 qui relève de la
compétence de la commission des Finances, soit l'amorce d'une ponction
supplémentaire de grande ampleur sur la branche famille.
I. UN CONSTAT : L'ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX DANS UN CONTEXTE DE FORTE CROISSANCE
Trois
éléments permettent d'apprécier la réalité
d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux en 1999 et
2000 :
- le solde du régime général de la
sécurité sociale
, le plus médiatisé, mais qui
ne retrace jamais que les opérations du principal régime de
sécurité sociale en France, celui des salariés du secteur
privé ;
- le " solde de la loi de financement "
, qui n'est pas un
solde comptable, puisqu'il s'obtient par la comparaison entre les objectifs de
dépenses par branche des régimes de plus de 20.000 cotisants et
retraités titulaires de droit propre et les prévisions de
recettes par catégorie ;
-
le solde des administrations publiques de sécurité
sociale
(ASSO), qui est l'une des composantes du solde des administrations
publiques défini dans le cadre de nos engagements européens
(solde dit " de Maastricht "). Le périmètre est plus
large que celui des régimes de sécurité sociale au sens
strict, puisqu'il inclut le régime d'assurance chômage (UNEDIC) et
les régimes complémentaires obligatoires d'assurance vieillesse
(ARRCO-AGIRC).
Paradoxe malheureux, le Parlement se prononce explicitement sur le seul
" solde " qui n'en est pas un, celui de la loi de financement de la
sécurité sociale et pour lequel il ne dispose pas
d'évaluation en cours d'année. La réalisation des
objectifs de dépenses et des prévisions de recettes en 1999 ne
sera connue qu'en septembre 2000, à l'occasion de la remise du rapport
de la Cour des comptes. Il faudra également attendre septembre-octobre
2000 pour connaître -grâce à l'annexe
b)
du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2001- une nouvelle
estimation des objectifs de dépenses et des prévisions de
recettes votés en loi de financement 2000.
La Commission des comptes de la sécurité sociale de printemps
n'aborde que les comptes du régime général. Le solde des
administrations publiques de sécurité sociale est connu à
la mi-mars, grâce à la réalisation du compte provisoire des
administrations publiques publié par l'INSEE.
A. LE RÉGIME GÉNÉRAL EN 1999 : UN ÉQUILIBRE ATTEINT MALGRÉ LE DÉRAPAGE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE
Le régime général aurait retrouvé l'équilibre en 1999. En 2000, l'excédent atteindrait 5 milliards de francs.
1. Le dynamisme de l'emploi salarié en 1999 explique la bonne tenue des recettes
Le
retour de la croissance, et d'une croissance " riche en emplois ",
explique, pour la plus grande part, l'amélioration des comptes sociaux.
L'augmentation des effectifs salariés a pour conséquence directe
une forte progression des cotisations.
460.000 emplois ont été créés en 1999, dont 360.000
dans le secteur privé. L'effet sur les comptes sociaux permet au
Gouvernement de respecter la prévision optimiste de croissance de la
masse salariale déterminée en septembre 1998.
Prévisions successives de la croissance de la masse salariale en 1999
|
septembre 1998 |
mai 1999 |
septembre 1999 |
mai 2000 |
Salaire moyen par tête |
2,5 |
2,1 |
2,2 |
nd |
Effectifs salariés |
1,8 |
1,3 |
1,5 |
nd |
Masse salariale secteur privé |
4,3 |
3,4 |
3,7 |
nd |
Effet emplois-jeunes - RTT (*) |
nd |
0,4 |
0,4 |
nd |
Assiette encaissements du secteur privé du régime général |
4,3 |
3,8 |
4,1 |
4,1 |
(*)
cet effet s'applique aux effectifs, mais a été
" individualisé " par la Commission des comptes.
nd : non déterminé.
Encore convient-il de préciser que le Gouvernement n'attendait pas une
telle croissance des effectifs salariés, mais avait, en revanche,
surestimé l'augmentation du salaire moyen par tête (SMPT).
Le rapport présenté à la Commission des comptes de mai
2000 ne présente pas de nouvelle estimation concernant la masse
salariale, ce qui peut paraître étonnant, à partir du
moment où le nombre d'emplois créés en 1999 apparaît
désormais quasi définitif. Mais il précise qu'elle
pourrait être revue en hausse, pour atteindre les 4,3 % de
croissance prévus en septembre 1998 :
" selon les
dernières informations des Comptes nationaux provisoires de 1999
publiées par l'INSEE fin avril, la masse salariale évoluerait de
+ 4,1 % en 1999, y compris RTT et y compris une partie seulement des
emplois-jeunes (entreprises publiques) "
3(
*
)
.
2. L'effet de l'accroissement des prélèvements supplémentaires décidés par les lois de financement de la sécurité sociale 1997 et 1998
Le
retour à l'équilibre du régime général
s'explique également par l'application en année pleine des
mesures de redressement décidées par les lois de financement de
la sécurité sociale pour 1997 et 1998. Le basculement
CSG/cotisations d'assurance maladie permet au régime
général de bénéficier de davantage de recettes
provenant des " impôts et taxes ". Même si la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 ne comportait pas
d'accroissement supplémentaire de la fiscalité affectée
à la sécurité sociale, l'effet en année pleine des
mesures décidées par les deux lois de financement
précédentes explique une exceptionnelle rentrée des "
impôts et taxes " : + 12,1 %.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a
confirmé, lors de la réunion de la Commission des comptes de la
sécurité sociale du 22 mai 2000, qu'en l'absence de telles
mesures " structurelles " portant sur les recettes, le déficit
du régime général se serait établi à
20 milliards de francs en 1999
4(
*
)
. Le seul
effet de la croissance expliquerait, quant à lui, 18 milliards de
francs de recettes.
3. Un contenu différent suivant les branches
L'étude du rapport présenté à la
Commission des comptes de la sécurité sociale consacre force
développements et tableaux à l'explication des différences
constatées entre le compte 1999 observé en septembre 1999 et
celui évalué en mai 2000.
Mais cette comparaison n'a qu'un intérêt relatif :
évaluer la qualité des prévisions de septembre 1999.
L'essentiel devrait être de comparer le " compte " loi de
financement 1999 du régime général à la
prévision d'exécution.
L'étude des prévisions successives du solde 1999 du régime
général montre que le résultat global atteint est
très proche de celui " fixé "
5(
*
)
implicitement par le législateur.
Prévisions successives du solde 1999 du régime général
|
Tendanciel 1998
|
LFSS 1999 |
1999
|
1999
|
1999
|
CNAMTS - Maladie |
|
|
|
|
|
Recettes |
602.061 |
602.947 |
599.764 |
602.028 |
601.041 |
Dépenses |
601.736 |
603.053 |
612.045 |
614.137 |
610.389 |
Solde |
324 |
- 105 |
- 12.281 |
- 12.110 |
- 9.348 |
CNAMTS - AT |
|
|
|
|
|
Recettes |
46.962 |
46.964 |
46.487 |
46.599 |
46.335 |
Dépenses |
45.008 |
45.665 |
46.266 |
46.155 |
45.279 |
Solde |
1.953 |
1.299 |
1.221 |
444 |
1.056 |
CNAVTS |
|
|
|
|
|
Recettes |
393.062 |
397.042 |
403.663 |
404.700 |
403.529 |
Dépenses |
399.069 |
400.910 |
400.077 |
400.304 |
399.813 |
Solde |
- 5.977 |
- 3.868 |
3.586 |
4.396 |
3.716 |
CNAF |
|
|
|
|
|
Recettes |
257.570 |
261.790 |
261.770 |
269.385 |
267.725 |
Dépenses |
253.518 |
258.918 |
259.472 |
266.126 |
262.915 |
Solde |
4.052 |
2.871 |
2.298 |
3.259 |
4.810 |
ENSEMBLE |
|
|
|
|
|
Recettes |
1.299.684 |
1.308.743 |
1.311.684 |
1.322.711 |
1.318.631 |
Dépenses |
1.299.332 |
1.308.546 |
1.316.859 |
1.326.723 |
1.318.396 |
Solde d'exercice |
352 |
198 |
- 5.175 |
- 4.012 |
235 |
Le
principe de séparation comptable des branches impose d'aller
au-delà d'un solde global, et d'apprécier les soldes branche par
branche.
La branche accidents du travail est en excédent structurel.
La branche vieillesse a bénéficié en 1999 des bonnes
rentrées de cotisations, ainsi que du " correctif "
apporté par le logiciel comptable RACINE, qui ventile à la source
les recettes des branches. Ce changement comptable explique l'excédent
obtenu, alors qu'un déficit de plus de 3,5 milliards de francs
était attendu.
La branche famille affiche un excédent désormais structurel.
A l'inverse, la branche maladie connaît, malgré une affectation
conséquente d'impôts et de taxes, un déficit toujours
préoccupant et relativement inattendu puisque son
" équilibre " était prévu. Cette branche
concentre l'intégralité des dérapages en matière de
dépenses.
Le régime général en 1999 - écarts entre prévisions et réalisations
|
LFSS 1999 |
1999
|
Ecart |
CNAMTS - Maladie |
|
|
|
Recettes |
602.947 |
601.041 |
- 1.906 |
Dépenses |
603.053 |
610.389 |
+ 7.336 |
Solde |
- 105 |
- 9.348 |
- 9.243 |
CNAMTS - AT |
|
|
|
Recettes |
46.964 |
46.335 |
- 629 |
Dépenses |
45.665 |
45.279 |
- 386 |
Solde |
1.299 |
1.056 |
243 |
CNAVTS |
|
|
|
Recettes |
397.042 |
403.529 |
+ 6.487 |
Dépenses |
400.910 |
399.813 |
- 1.097 |
Solde |
- 3.868 |
3.716 |
- 7.584 |
CNAF |
|
|
|
Recettes |
261.790 |
267.725 |
+ 5.935 |
Dépenses |
258.918 |
262.915 |
+ 3.997 |
Solde |
2.871 |
4.810 |
+ 1.939 |
ENSEMBLE |
|
|
|
Recettes |
1.308.743 |
1.318.631 |
+ 9.888 |
Dépenses |
1.308.546 |
1.318.396 |
+ 9.850 |
Solde d'exercice |
198 |
235 |
+ 37 |
Au total, l'équilibre atteint en 1999 s'explique par l'excédent de trois branches du régime général (accidents du travail, vieillesse, famille) venant " masquer " le déficit de la branche maladie.
4. Une progression des recettes endiguant le dérapage des dépenses
Le
surplus de recettes obtenu en 1999, entre la prévision et la
réalisation quasi définitive, représente 9,9 milliards de
francs.
Une fois défalquée la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire qui gonfle de manière artificielle les recettes
et les dépenses, le surplus de recettes " réel " n'est
que de 3,5 milliards de francs.
Solde du régime général en 1999
|
LFSS 1999 |
1999 (mai 2000) |
Ecart |
ENSEMBLE |
|
|
|
Recettes |
1.308.743 |
1.312.250 |
+ 3.507 |
Dépenses |
1.308.546 |
1.312.015 |
+ 3.469 |
Solde d'exercice |
198 |
235 |
+ 37 |
hors
majoration de l'allocation de rentrée scolaire (6,38 milliards de
francs).
Ces recettes supplémentaires, qui s'expliquent principalement par la
bonne rentrée des impôts et taxes (des " moins values "
de cotisations auraient été enregistrées), ont permis de
contenir le dérapage des dépenses.
Comparaison 1999/1998
|
1998 |
1999 |
Ecart |
Recettes |
1.261.063 |
1.318.631 |
+ 57.568 |
Dépenses |
1.277.545 |
1.318.396 |
+ 40.851 |
Entre 1999 et 1998, le régime général a ainsi bénéficié de 57,6 milliards de recettes supplémentaires, pour 40,8 milliards de francs supplémentaires de dépenses.
B. LE COMPTE 2000 DU RÉGIME GÉNÉRAL : UN EXCÉDENT FACTICE
L'excédent du régime général pour 2000 annoncé lors de la réunion de la commission des comptes du 22 mai 2000 est d'une nature toute particulière.
Le solde du régime général en 2000
(en millions de francs)
|
2000 |
Maladie |
- 1.210 |
Accidents du travail |
984 |
Vieillesse |
699 |
Famille |
4.534 |
Ensemble RG |
5.007 |
Source : Commission des comptes de la
sécurité
sociale du 22 mai 2000
Cette évolution s'appuie principalement sur une
réévaluation des recettes.
La masse salariale du secteur privé connaîtrait une progression de
5,4 % (y compris emplois-jeunes), soit un point de plus qu'il
n'était attendu à la rentrée de 1999. Comme le
précise le rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale, cette réévaluation correspond
à
" un supplément de recettes d'environ 9 milliards
de francs pour le régime général "
6(
*
)
.
Pour 2000, la difficulté d'apprécier le solde du régime
général provient des " manipulations comptables "
auxquelles s'est livré le Gouvernement. Le solde
" tendanciel " de + 6 milliards de francs annoncé
à la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22
septembre 1999, masquait un véritable solde tendanciel de
+ 13,6 milliards de francs. En effet, le secrétaire
général de la Commission des comptes de la sécurité
sociale avait procédé à des anticipations hasardeuses
tenant compte des " annonces " du Gouvernement :
- anticipation d'un provisionnement de 5,5 milliards de francs au
titre des " transferts " des branches du régime
général au " fonds de financement de la réforme de
cotisations patronales de sécurité sociale " ;
- anticipation d'une prise en chage par la CNAF d'une partie de la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire (2,5 milliards de
francs) ;
- anticipation du remboursement de la contribution exceptionnelle de
2,5 milliards de francs acquittée par les laboratoires en 1996.
Dans un sens inverse, le rapport présenté à la Commission
des comptes sous-estimait l'évolution des dépenses d'assurance
maladie et d'accidents du travail.
Un désaccord sur l'évolution " tendancielle " du régime général en 2000
(en millions de francs)
|
2000
|
2000
|
Maladie |
- 3.723 |
- 1.369 |
Accidents du travail |
648 |
714 |
Vieillesse |
6.513 |
8.285 |
Famille |
2.543 |
6.053 |
Ensemble RG |
5.981 |
13.683 |
Lors de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a dû
modifier en catastrophe son " plan de financement " des trente-cinq
heures, en renonçant
in extremis
aux prélèvements
sur les branches du régime général, classés dans
les comptes
tendanciels
dans les dépenses des branches.
Le mécanisme d'une diminution de recettes a été alors
adopté à travers une diminution du montant du
prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et
les produits de placement affectés à la CNAVTS, à la
CNAMTS et à la CNAF. Désormais 49 % de ce
prélèvement social sont affectés au
Fonds de
réserve pour les retraites
.
Le
Fonds de solidarité vieillesse
(FSV) a été
privé d'une partie de ses droits sur les alcools, affectés au
" Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales
de sécurité sociale "
.
De sorte que, de manière indirecte, par un mécanisme de
tuyauterie d'une effrayante complexité,
les branches du régime
général
ont continué de financer les trente-cinq
heures.
Partant d'un " faux " excédent tendanciel de 2 milliards de
francs, "modifié " à la marge par la loi de financement de
la sécurité sociale, le régime général
serait désormais en excédent de 5 milliards de francs.
Le rapport présenté à la réunion de la Commission
des comptes de la sécurité sociale du 22 mai 2000 ne permet pas
de disposer du " compte loi de financement 2000 ", qui n'est
retracé que de manière très globale (total des recettes et
des dépenses), alors qu'il sert de référence aux
écarts constatés en recettes et en dépenses.
Votre rapporteur a tenté de recalculer le " compte " loi de
financement en tirant parti des " éléments " que
comporte le rapport de la Commission des comptes
7(
*
)
. En raison d'approximations inévitables, le
solde global du compte loi de financement 2000 (+ 933 millions de francs) est
nettement supérieur à celui présenté par
l'administration (+ 576 millions de francs).
Le solde du régime général en 2000
|
LFSS 2000 |
CCSS mai 2000 |
CNAMTS maladie |
|
|
Recettes |
629.519 |
635.119 |
Dépenses |
632.229 |
636.329 |
Variation fonds de roulement |
- 2.710 |
- 1.210 |
CNAMTS accidents du travail |
|
|
Recettes |
48.286 |
48.892 |
Dépenses |
47.384 |
47.908 |
Variation fonds de roulement |
902 |
984 |
CNAVTS |
|
|
Recettes |
413.178 |
413.408 |
Dépenses |
411.771 |
412.709 |
Variation fonds de roulement |
1.407 |
699 |
CNAF |
|
|
Recettes |
266.761 |
268.761 |
Dépenses |
265.427 |
264.227 |
Variation fonds de roulement |
1.334 |
4.534 |
ENSEMBLE RG |
|
|
Recettes |
1.357.744 |
1.366.179 |
Dépenses |
1.356.811 |
1.361.172 |
Solde |
933 |
5.007 |
Cet
excédent se concentre presque entièrement sur le résultat
prévisionnel de la branche famille (4,5 milliards de francs
d'excédents prévus, malgré le " ponctionnement "
déjà réalisé par l'intermédiaire de la
diminution du montant du prélèvement social de 2 %), de
sorte que l'excédent global annoncé est purement factice.
La nouvelle prévision entérine un " dérapage "
supplémentaire des dépenses d'assurance maladie d'environ
3,5 milliards de francs, en raison d'une consommation médicale qui
reste forte et du " plan hôpital " du Gouvernement.
La CNAMTS bénéficie pourtant d'un surcroît de recettes
important, à la différence des autres branches. Encore
convient-il de rappeler que la branche maladie du régime
général a perdu 2,3 milliards de francs en raison de la
" ponction sur recettes " opérée par le Gouvernement
sur le prélèvement social de 2 %.
Comparaison 2000/1999
(en milliards de francs)
|
1999 |
2000 |
Ecart |
Recettes |
1.312.250 |
1.366.179 |
+ 53.929 |
Dépenses |
1.312.015 |
1.361.172 |
+ 49.157 |
hors
MARS pour 1999
L'évolution 2000/1999 montre que les dépenses progressent presque
aussi rapidement que les recettes.
Le régime général reste ainsi à la merci du moindre
retournement de conjoncture ; la branche maladie ne parvient toujours pas
à l'équilibre, malgré quatre années successives de
croissance économique.
C. LE SOLDE DES ADMINISTRATIONS SOCIALES : UN EXCÉDENT SANS GRANDE SIGNIFICATION
Le solde
annoncé est de 14,6 milliards de francs de capacité de
financement des administrations de sécurité sociale.
Sa décomposition montre des résultats contrastés :
Solde des administrations publiques de sécurité sociale en 1999
(en milliards de francs)
Régime général |
- 5,2 |
Régimes complémentaires |
+ 13,4 |
Autres régimes |
+ 0,5 |
Régimes d'assurance chômage |
+ 9,1 |
Organismes dépendants (hôpitaux) |
- 3,2 |
Solde |
+ 14,6 |
Le solde
de l'UNEDIC est gonflé artificiellement par le remboursement par l'Etat
d'une tranche d'emprunt (10 milliards de francs).
Par ailleurs, la signification des excédents des régimes des
retraites complémentaires est toute relative, puisque l'ARRCO
bénéficie des effets des accords de 1996 et de la bonne
conjoncture économique. Malgré la hausse des cotisations
versées par l'UNEDIC, l'AGIRC reste déficitaire : à
la suite d'un arrêt de la Cour de cassation, elle doit régulariser
les majorations familiales pour un montant de 2,8 milliards de francs.
*
* *
Comme
les dépenses sociales ne sont toujours pas maîtrisées, tout
retournement de conjoncture mettrait à mal un redressement aussi
fragile. L'équilibre de la sécurité sociale n'est pas un
but en soi ; le président de la CNAMTS, M. Jean-Marie Spaeth,
titrait une tribune dans le journal " Libération " du vendredi
19 mai 2000
" Et si en plus la Sécu était
efficace ",
qui montre que les partenaires sociaux se soucient
-peut-être davantage que le Gouvernement- de la bonne utilisation des
dépenses. Par ailleurs, le choc financier des retraites approche
inexorablement d'année en année.
C'est pour ces raisons que votre commission considère que le
résultat des comptes sociaux obtenu en 1999 et 2000 n'est pas
satisfaisant.
II. UNE ENTORSE AUX PRINCIPES : L'ABSENCE DE COLLECTIF SOCIAL
Examinant, le 13 janvier 2000, la loi relative à la
réduction négociée du temps de travail, le Conseil
Constitutionnel
8(
*
)
déclarait contraire
à la Constitution la taxation des heures supplémentaires.
La recette correspondant, telle qu'évaluée par le Gouvernement,
soit 7 milliards de francs, était inscrite dans la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000, promulguée
une quinzaine de jours auparavant, le 29 décembre 1999.
Lors de la réception des conseils économiques et sociaux
régionaux le 19 janvier 2000, M. le Président de la
République déclarait :
" L'ancrage du dialogue social dans notre démocratie doit
être renforcé. Cela n'implique pas, bien sûr, que l'Etat
doive se tenir toujours à l'écart du champ social, comme si le
législateur n'avait pas pour vocation de poser des principes,
d'établir des garanties, de donner l'impulsion aux changements
nécessaires pour développer l'activité et pour
améliorer les systèmes de protection sociale.
" C'est d'ailleurs dans cet esprit que
j'ai voulu en 1996 que le
Parlement se prononce chaque année sur l'équilibre de la
sécurité sociale. C'est une réforme à mes yeux
essentielle et je suis très attentif à ce que les nouveaux droits
du Parlement dans ce domaine soient toujours respectés
.
" Je promulguerai aujourd'hui, c'est ainsi, en l'état comme la
Constitution le prévoit, la loi sur la réduction du temps de
travail, dans toutes celles de ses dispositions qui n'ont pas été
jugées contraires à la Constitution par la récente
décision du Conseil constitutionnel. Mais
cette décision
juridictionnelle affecte les conditions de l'équilibre financier de la
sécurité sociale que le Parlement vient, par ailleurs, de
déterminer. Pour que les droits du Parlement, soient pleinement
respectés, je souhaite qu'une loi de financement rectificative soit
soumise dans les meilleurs délais au Parlement
".
9(
*
)
La réaction du " ministère de la
solidarité "
10(
*
)
à ce
souhait du premier personnage de l'Etat, a pris la forme d'un argumentaire
distribué à la presse :
" Loi de financement rectificative
" Après la promulgation par le Président de la
République de la loi sur les 35 heures, l'opposition tente de
susciter une polémique autour de la suppression de la contribution de
10 %.
" Les 7 milliards de francs de cette contribution sont à mettre en
regard des 64 milliards de dépenses du fonds, dont 40 milliards
seront financés par une affectation de droits tabac, 7,5 milliards
par la contribution sur les bénéfices et la TGAP,
5,6 milliards de droits alcool et 4,3 milliards de contribution de
l'Etat, soit 57 milliards de ressources au total.
" Il est possible d'ores et déjà d'indiquer les grandes
lignes qui permettront d'équilibrer le fonds.
" Du fait des excellents résultats économiques et sociaux de
1999, les recettes de la contribution sur les bénéfices et de la
TGAP seront plus importantes que prévu ; il faut rappeler que la
LFSS et la LF ont été construites sur des prévisions qui
datent de septembre. Il en va de même pour les droits sur les tabacs,
dont 85,5 % sont affectés au fonds d'allégement.
" Au total, cela devrait compenser la majeure partie de la perte de
recettes pour le fonds d'allégements de charge.
" De plus, conformément aux dispositions de la loi de financement
pour 2000, le fonds doit être équilibré. Il le sera donc.
Au cas où des recettes supplémentaires seraient
nécessaires, des moyens supplémentaires seront apportés en
gestion au cours de l'année 2000 qui n'impacteront pas la
sécurité sociale.
" Les recettes 1999 et les nouvelles perspectives pour 2000 sont en cours
d'examen. Des éléments plus précis seront
communiqués au Parlement dès que cet examen sera achevé.
" Le Gouvernement s'engageant à équilibrer le fonds comme le
prévoit la loi, la sécurité sociale sera
intégralement remboursée des exonérations de cotisations
patronales. Il n'y aura donc aucune perte de recette. Au contraire, les
cotisations sur la rémunération des heures supplémentaires
viendront abonder les recettes de la sécurité sociale et auront
un impact positif sur ses comptes.
" En outre, l'opposition fait une mauvaise lecture de la loi organique.
Quand bien même il y aurait un impact sur les comptes, une loi de
financement rectificative ne s'imposerait pas pour autant.
" La loi de financement prévoit des recettes et fixe des objectifs
de dépenses. Elle ne comporte pas d'articles d'équilibre.
" Ce sont des lois qui tracent un cadre pour l'action des pouvoirs
publics. Les lois de financement rectificative n'ont été
prévues que pour éviter que des lois ordinaires puissent venir
modifier ce cadre.
" Il serait bien évidemment aberrant de débattre d'une loi
de financement rectificative dès lors qu'un des paramètres des
prévisions est modifié. Nous devrions réunir le Parlement,
chaque mois, dès la première grippe. "
" Il est étonnant que ceux qui sont à l'origine de la loi
organique de 1996 n'aient pas une connaissance précise du texte qu'ils
ont soutenu et voté.
" Nous avons d'ailleurs un précédent éclairant qui
démontre l'esprit de ce texte. La loi de financement pour 1997,
adoptée fin 1996, prévoyait un déficit de
29 milliards de francs du régime général. Lorsque de
nouvelles prévisions ont été établies au cours de
1997, le déficit prévisionnel s'élevait à 37
milliards (il s'est établi définitivement à 34 milliards).
Le Gouvernement d'alors n'a pas proposé, au cours du premier semestre
1997, une loi de financement rectificative. L'opposition actuelle ne s'est pas
manifestée pour l'exiger lors de l'arrivée du nouveau
Gouvernement.
" L'interprétation de la loi organique, c'est donc l'opposition
actuelle qui l'a fondée lorsqu'elle était aux affaires. Cela
démontre l'aspect dérisoire de la polémique qu'elle tente
de susciter.
" Ceux qui sont responsables d'un déficit cumulé du
régime général de 240 milliards de francs sur la
période 1993-1996 n'ont aucune leçon de gestion et de
clarté à nous donner.
" M. Juppé promettait fin 1995 au Parlement 11 milliards
d'excédent en 1997, le déficit s'est établi à
34 milliards de francs. Qui se moque du Parlement ? ".
11(
*
)
Ce sont ces considérations qui ont été reprises, notamment
par M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville, lors des questions au Gouvernement au Sénat
12(
*
)
.
A. TROIS OBSERVATIONS À LA MARGE
Cet
argumentaire du ministère appelle de la part de votre commission
quelques observations de détail.
Les 7 milliards de francs de la taxation des heures supplémentaires
censurée par le Conseil constitutionnel ne représentent certes en
2000 que 11 % des recettes affectées au fonds de financement des
trente-cinq heures (64 milliards de francs).
Mais cette recette nouvelle était censée couvrir, toujours en
2000, plus de la moitié des dépenses nouvelles
(13,5 milliards de francs) occasionnées par la loi dite
" Aubry II ".
Cette perte de recette serait, selon le ministère, compensée par
le produit, plus important que prévu, de la contribution sur les
bénéfices et de la taxation générale des
activités polluantes, voire des droits sur les tabacs.
Cette argumentation -qui relève au demeurant de l'affirmation- en dit
long sur la sincérité du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 : le Gouvernement se
félicite benoîtement, moins d'un mois après sa
promulgation, que ce texte repose sur des prévisions erronées et
y voit paradoxalement un argument décisif pour ne pas mettre en chantier
une loi rectificative.
Enfin il est réellement injuste de faire grief au Gouvernement de
n'avoir pas présenté un projet de loi de financement
rectificative pour 1997.
Le Gouvernement de... M. Lionel Jospin n'est entré en effet en fonctions
que le 5 juin 1997 à l'issue de la dissolution de l'Assemblée
nationale prononcée le 21 avril et des élections qui ont suivi.
Il aurait fallu en outre qu'il réunisse avant le 15 juin la
Commission des comptes de la sécurité sociale
13(
*
)
, ce qu'il n'a pas fait.
Ce grief est d'autant moins fondé que, comme le souligne le
communiqué du ministère, le déficit de 1997,
évalué à 29 milliards de francs par la loi de
financement initiale, s'est établi en définitive à
34 milliards de francs, soit un écart de 5 milliards de
francs, soit encore nettement moins que la recette de 7 milliards de
francs qui fait défaut dès le début de l'exercice 2000.
Mais, au-delà de son ton particulièrement polémique et
inutilement discourtois, cet argumentaire révèle en
réalité une conception inquiétante des prérogatives
du Parlement et une lecture
a minima
de la réforme
constitutionnelle de 1996 créant les lois de financement de la
sécurité sociale qui méritent, l'une et l'autre, un examen
attentif.
B. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL : UNE " MAUVAISE GRIPPE " ?
Il est
d'abord particulièrement fâcheux d'assimiler les
conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel qui, selon
la Constitution
14(
*
)
,
"
s'impose
aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et
juridictionnelles "
, à la modification
" d'un des
paramètres de prévision "
15(
*
)
ou encore aux effets d'une
" première grippe ".
Il est certes évident que tout écart apparaissant en cours
d'année entre les prévisions de recettes et le rythme des
encaissements observés au fil des mois, ou encore entre les objectifs de
dépenses arrêtés en loi de financement et
l'évolution effective des prestations ou des remboursements ne conduit
pas automatiquement au dépôt d'un projet de loi de financement
rectificative.
De ce point de vue, les lois de financement de la sécurité
sociale sont moins contraignantes pour le Gouvernement que les lois de finances.
Dans les premières, les objectifs de dépenses ne constituent pas
un plafond conduisant à interrompre le versement des prestations ou les
remboursements. Dans les secondes, les crédits budgétaires sont,
en principe (hors crédits évaluatifs, hors décret
d'avance...), limitatifs.
En conclure, comme le fait le Gouvernement, qu'au motif qu'elles ne comportent
pas d'article d'équilibre, les lois de financement de la
sécurité sociale, " vivent leur vie " une fois
votées, sans qu'il soit besoin en aucun cas de " réunir le
Parlement ", est manifestement abusif.
L'article 34 de la Constitution indique en effet que "
les lois de
financement de la sécurité sociale déterminent les
conditions générales de son équilibre financier ".
Si les mots ont un sens cela veut dire que si
" l'équilibre
financier de la sécurité sociale "
se dégrade
massivement voire substantiellement en cours d'année, il est du devoir
du Gouvernement -dont c'est une prérogative exclusive- de déposer
un " collectif ".
Cela veut dire probablement également que si la consistance de cet
équilibre se modifie fortement -par exemple sous la forme d'une grave
dérive des dépenses même compensée par des
surcroîts importants de recettes- une lecture de la constitution
respectueuse de l'esprit de la réforme conduirait là encore
à
" réunir le Parlement "
.
Il ne s'agit donc pas effectivement de réunir le Parlement
" chaque mois dès la première grippe "
.
Pour les lois de finances elles-mêmes, le Conseil
Constitutionnel
16(
*
)
a réservé
l'obligation dans laquelle se trouverait le Gouvernement de déposer un
collectif budgétaire au cas où
" il apparaît que
les grandes lignes de l'équilibre économique et financier
définies par la loi de finances de l'année se trouveraient, en
cours d'exercice, bouleversées ".
C. IL N'Y A QUE LE PREMIER PAS QUI COÛTE
Dès lors que le Gouvernement se montre soucieux de ne
pas
réunir inutilement le Parlement
17(
*
)
pour
une simple décision du Conseil constitutionnel, il n'est pas illogique
qu'il décide en cours d'année de corriger lui-même la loi
de financement de la sécurité sociale.
Fort de sa lecture
a minima
de la réforme de 1996, il n'est
guère étonnant que le Gouvernement ait annoncé des mesures
et pris des décisions qui, toutes, modifient les objectifs de
dépenses votés par le Parlement.
Si les lois de financement sont
" des lois qui tracent un cadre pour
l'action des pouvoirs publics "
18(
*
)
,
force est de constater que le Gouvernement ne se sent pas gêné aux
entournures.
En effet, dès le début de l'année, le Gouvernement a pris
une série de décisions consistant en autant de modifications des
objectifs de dépenses figurant aux articles 39 (objectifs de
dépenses par branche) et 40 (objectif national de dépenses
d'assurance maladie) de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 :
- l'accord donné le 11 février 2000 à la création,
à la CNAMTS, de 600 emplois pérennes, dont 500 emplois jeunes, et
2000 mois de contrats à durée déterminée en sus des
1.400 postes décidés fin 1999 ;
- l'accord donné en février 2000 à la création de
900 emplois à la CNAF ;
- le protocole d'accord conclu le 13 mars sur le statut professionnel des
praticiens hospitaliers ;
- le protocole d'accord du 14 mars sur la modernisation du service public
hospitalier ;
- l'accord signé le 3 mai 2000 avec les représentants des
internes des hôpitaux.
Votre rapporteur, chargé des équilibres financiers des lois de
financement de la sécurité sociale, a jugé utile, le 21
mars 2000, d'adresser à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, un questionnaire dont les réponses lui sont parvenues
le 19 mai dernier
19(
*
)
.
Ces questions et réponses figurent ci-après, accompagnées
des observations de vos rapporteurs.
Question n° 1
. Analyser les conséquences sur les
comptes de la sécurité sociale de la décision de la CJCE
du 15 février 2000 concernant l'assujettissement des travailleurs
frontaliers à la CSG et à la CRDS :
- champ d'application de cette décision (Suisse, Monaco, ...) ;
- montant des sommes perçues sur les frontaliers depuis la mise en
place de ces prélèvements ;
- date et fondement juridique d'une éventuelle suspension de
recouvrements ;
- montant des remboursements à effectuer ;
- imputation de ces versements dans les comptes des organismes de
sécurité sociale ;
- modalités de remboursement aux intéressés.
Réponse
:
La réponse fournie, s'agissant
des données chiffrées, ne traite que de la CSG, la CRDS
frontalier étant recouvrée par voie de rôle par
l'administration fiscale.
- Champ d'application de la décision de la CJCE
En première analyse le champ d'application des arrêts rendus le
15 février 2000 par la CJCE est circonscrit aux pays inclus dans le
champ d'application matériel du règlement (CE) 1408/71.
Toutefois, compte tenu, tant des accords bilatéraux signés entre
l'Union Européenne et la Fédération Helvétique sur
l'extension à ce pays du champ d'application du règlement (CE)
1408/71, que des termes de la convention bilatérale
franco-monégasque en matière de sécurité sociale,
on a considéré que les remboursements qui seront effectués
doivent également concerner les travailleurs frontaliers exerçant
leur activité dans des Etats non-membres de l'UE, notamment les
travailleurs frontaliers exerçant leur activité en Suisse et
à Monaco.
- Montant des sommes perçues sur les frontaliers, depuis la mise en
place de ces prélèvements
Dès 1994, les pouvoirs publics ont suspendu la mise en recouvrement de
la CSG due par les travailleurs frontaliers (lettre ministérielle du
20 novembre 1994). Aussi, les sommes perçues l'ont
été entre 1991 et la fin de l'année 1994.
Des données actuellement communiquées par l'ACOSS, il ressort
qu'environ 80 millions de francs ont été encaissés au
titre de la CSG frontalier.
- Date et fondement juridique d'une éventuelle suspension du
recouvrement
L'arrêt de la CJCE a pour effet de priver rétroactivement de toute
base légale les prélèvements opérés au titre
de la CSG, aussi les contributions indûment versées doivent
être remboursées.
- Imputation de ces versements dans les comptes des organismes de
sécurité sociale
Les sommes qui devront être versées seront inscrites comptablement
dans un compte de charges exceptionnelles de l'exercice au cours duquel elles
seront versées. Le montant de ces charges viendra diminuer d'autant le
résultat de l'exercice de l'organisme concerné.
- Modalités de remboursement aux intéressés
La procédure suivie est le remboursement spontané de la part des
URSSAF aux personnes qui auraient acquitté la CSG jusqu'en 1994, de la
totalité des sommes versées, la prescription biennale ne
s'appliquant, en l'espèce, qu'à compter du jour de la
décision juridictionnelle qui donne naissance à l'obligation de
remboursement, et non à compter du versement de la CSG par les
intéressés. Des instructions en ce sens sont, actuellement,
données aux URSSAF concernées.
Observations :
La procédure suivie étant " le
remboursement spontané de la part des URSSAF ", il est souhaitable
et probable que cette opération sera achevée en 2000. Pèse
donc sur cet exercice une charge exceptionnelle de 80 millions de francs
au titre du remboursement de CSG prélevée entre 1991 et 1994.
S'agissant de la CRDS, il est étonnant que le ministre chargé de
présenter la loi de financement au nom du Gouvernement ne dispose pas
d'éléments chiffrés au motif que cet impôt est
" recouvré par voie de rôle par l'administration
fiscale ".
En tout état de cause, le produit de la CRDS, affecté à la
CADES, ne figure pas dans les prévisions de recettes de la loi de
financement dès lors que la CADES elle-même n'a pas
été considérée comme un organisme concourant au
financement de la sécurité sociale.
Question n°2
. Chiffrer, pour les années 2000,
2001 et 2002, le coût pour la branche maladie du " protocole
d'accord sur la modernisation du service public hospitalier "
négocié par le Gouvernement (protocole ratifié le
14 mars) et du " protocole d'accord sur le statut professionnel des
praticiens hospitaliers " (notamment prime accordée aux praticiens
n'exerçant aucune activité privée).
Détailler pour 2000 leur impact sur :
- l'objectif de dépenses de la branche maladie maternité
invalidité décès (article 39 de la loi de financement de
la sécurité sociale pour 2000) ;
- l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM)
(article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2000) ;
- la répartition régionale de l'enveloppe
hospitalière.
Réponse
: Le tableau ci-joint présente l'impact
des protocoles des 13 et 14 mars 2000 sur les dépenses d'assurance
maladie pour les exercices 2000 à 2002.
Les montants sont en millions de francs
MESURES |
Mesures nouvelles 2000 |
Mesures nouvelles 2001 |
Mesures nouvelles 2002 |
Praticiens hospitaliers - protocole du 13/03/2000 |
627,3 |
1.013,2 |
135,0 |
Modernisation du service public hospitalier - protocole du 14/03/2000 |
1.289,1 |
437,2 |
305,1 |
Impact sur les dépenses hospitalières encadrées |
1.116,4 |
1.150,4 |
140,1 |
Impact sur l'ONDAM |
1.038,3 |
1.069,9 |
130,3 |
Impact total sur les dépenses de la branche maladie |
1.838,3 |
1.369,9 |
430,3 |
1) Effet sur l'ONDAM et hors ONDAM
a) Effet sur l'ONDAM (art. 40) : + 1.038,3 MF
Pour 2000, le montant total des dépenses supplémentaires induites
par les protocoles s'élève à 1.116,4 millions de francs en
dépenses des établissements hospitaliers et à 1.038,3
millions de francs en ONDAM des établissements sanitaires sous dotation
globale. Ce surcoût de 1.038,3 millions de francs n'a pas
été pris en compte dans la détermination de l'ONDAM 2000
fixé à 658,3 milliards de francs (article 40 de la LFSS
2000).
Les chiffrages présentés ne comprennent toutefois pas l'impact de
certaines des mesures inscrites dans les protocoles dont le contenu doit
être précisé à l'issue de travaux
complémentaires tels que les réflexions sur les filières
professionnelles ou la psychiatrie qui pourraient se traduire par la mise en
oeuvre de mesures supplémentaires en 2001 ou 2002.
b) Effet hors ONDAM : + 800 millions de francs
Conformément aux termes du protocole entre le Gouvernement et les
représentants des personnels et des médecins, un budget d'un
milliard de francs est affecté en 2000 au fonds de modernisation des
établissements de santé (FMES) pour financer les contrats locaux
d'amélioration des conditions de travail (400 millions de francs), les
actions de modernisation figurant dans le volet social des contrats d'objectifs
et de moyens (400 millions de francs) et les aides individuelles en faveur
de la formation, la mobilité et la reconversion, liées à
des opérations de recomposition (200 millions de francs).
Le FMES sera créé par la loi de modernisation sociale. Il
remplacera le FASMO, les dotations financières de ce dernier lui seront
transférées.
Compte tenu de l'engagement pris de doter les hôpitaux d'un milliard de
francs sur l'exercice 2000 et des montants actuellement disponibles au sein du
FASMO (200 millions de francs), une dotation complémentaire de
800 millions de francs est nécessaire pour atteindre 1 milliard de
francs.
2) Effet sur les dépenses de la branche maladie :
+ 1.838,3 millions de francs (1.038,3 + 800 millions de francs)
L'impact sur les dépenses de la branche maladie s'élève
donc au total à 1.838,3 millions de francs, soit 1.083,3 millions
de francs en ONDAM des établissements sanitaires sous dotation globale
et 800 millions de francs hors ONDAM, correspondant au surcoût
prévu en 2000 au titre des dépenses du Fonds de modernisation des
établissements de santé (FMES).
3) Détail répartition régionale
La répartition régionale des financements de l'assurance maladie
correspondant aux mesures inscrites dans les deux protocoles est actuellement
en cours. Elle s'effectuera mesure par mesure, selon des critères
appropriés aux objectifs poursuivis.
Observations :
Les réponses de la ministre de l'emploi et de
la solidarité font apparaître sans fard que le Gouvernement a bien
modifié, par voie réglementaire, l'objectif de dépense de
la branche maladie (article 39 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000) et l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie (article 40).
Au total, au titre des protocoles des 13 et 14 mars 2000, la modification de
l'objectif de dépenses de la branche maladie porte sur près de
2 milliards de francs (1.838,3 millions de francs) et celle affectant
l'ONDAM, sur plus d'un milliard de francs (1.038,3 millions de francs).
La Commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est tenue
le 22 mai dernier, indique dans son rapport
20(
*
)
:
" Du fait de la tendance des derniers
mois, l'objectif national d'assurance maladie (ONDAM) fixé pour 2000
paraît difficile à tenir. L'hypothèse retenue dans ce
compte est celle d'un dépassement de 3,5 milliards de francs sur le
champ du régime général ".
Elle précise que
" l'enveloppe " hôpitaux
publics " tous régimes pour l'année 2000 prend en compte
l'ensemble des mesures prévues au 31 décembre 1999 "
.
Il semble résulter du développement qui suit dans le rapport que
l'impact des
" protocoles signés en mars 2000 "
soit
seulement évoqué mais non pris en compte.
Ainsi, au moment où l'ONDAM 2000, déjà
" rebasé " par rapport à la dérive
observée en 1999, dérive à son tour, le Gouvernement
accentue cette évolution pour des montants plus que significatifs.
Le dépassement " volontaire " de l'ONDAM par voie
réglementaire représente près du tiers de sa dérive
" spontanée " mesurée pour le régime
général.
Sachant en outre que le Gouvernement entend désormais afficher, en loi
de financement, le taux de progression de l'ONDAM de l'année n, non par
rapport à l'ONDAM voté par le Parlement en n-1, mais par rapport
à l'ONDAM effectivement constaté, la progression de l'ONDAM
" législatif " 2001 sera calculée par rapport à
un ONDAM 2000 ainsi majoré par voie réglementaire.
Question n° 3
. Préciser pour 2000, 2001 et
2002 le montant des crédits budgétaires prévus dans le
cadre du protocole du 14 mars susmentionné et les chapitres
budgétaires concernés.
Réponse
: Le protocole signé le 14 mars avec les
organisations syndicales représentatives des personnels de la fonction
publique hospitalière prévoit des mesures financées sur
crédits d'Etat.
En premier lieu, le protocole prévoit au titre des années 2000,
2001 et 2002 des crédits à hauteur de 2 milliards de francs
pour financer dans les établissements de santé les remplacements
de personnels. Ce dispositif exceptionnel est intégré dans le
projet de loi de finances rectificative pour 2000 présenté au
Conseil des ministres le 28 avril 2000, à travers une dotation à
due concurrence inscrite sur le chapitre 47-20 " Aides exceptionnelles au
service public hospitalier ". Ce dispositif sera également
reconduit en 2001 et 2002 pour un même montant.
En second lieu, le protocole prévoit un effort accru en faveur de
l'investissement hospitalier, grâce à une dotation
complémentaire sur le FIMHO (chapitre 66-12, Fonds d'aide à
l'adaptation des établissements hospitaliers) de 600 millions de francs
d'AP. Ce montant complémentaire portera ainsi le total des autorisations
de programme pour 2000 à 800 millions de francs. En outre, une dotation
de 500 millions de francs d'AP est également prévue pour
2001.
Enfin, le protocole prévoit également, dans le cadre de
l'augmentation des quotas d'entrée dans les instituts supérieurs
de formation des infirmiers (IFSI) une augmentation des crédits d'Etat
prévus sur le chapitre 43-32 (" professions médicales et
paramédicales ; formation, recyclage, bourses ") à
hauteur de 96 millions de francs en 2001. L'augmentation de ces moyens
sera incluse dans le PLF 2001.
Question n° 4
. Décrire le traitement dans les
comptes sociaux pour 2000 de ces contributions budgétaires (notamment
les 2 milliards de francs destinés à " améliorer les
remplacements des agents absents ").
Réponse
:
La prise en charge par le budget de l'Etat
des crédits destinés à améliorer les remplacements
des agents absents, sous réserve du vote par le Parlement de la loi de
finances rectificative, consistera en une dotation de 2 milliards de
francs inscrite au chapitre 47-20 qui sera ensuite répartie aux
établissements de santé publics ou privés, financés
par dotation globale, par le biais d'arrêtés.
En pratique, pour les établissements de santé, ceux-ci vont
être conduits dans les prochains jours, en fonction des notifications de
moyens effectués par les agences régionales de l'hospitalisation,
à préparer des décisions modificatives de crédits
présentées à leur instance délibérante. Ces
décisions modificatives viseront à majorer les dépenses
autorisées du groupe 1 (dépenses de personnel) par une
augmentation à due concurrence des recettes du groupe 3 (recettes
subsidiaires). Par la suite, au cours de l'été, les
arrêtés d'attributions des crédits permettront aux
établissements de disposer de sommes correspondantes.
Au total, les 2 milliards supplémentaires pérennes
accordés aux établissements de santé ne viennent pas
majorer les dépenses hospitalières encadrées
(c'est-à-dire financées par la dotation globale ou les produits
et tarifs) et ne pèsent donc pas sur les charges de l'assurance
maladie.
Observations :
On saluera, à leur juste mesure, les
scrupules dont fait preuve la ministre de l'emploi et de la solidarité
dans sa réponse s'agissant de la prise en charge par l'Etat d'une partie
de la " nouvelle étape " hospitalière : cette
prise en charge s'entend
" sous réserve du vote par le Parlement
de la loi de finances rectificative "
.
En revanche, la part relevant de la loi de financement est acquise dès
lors que le Gouvernement l'a décidé.
De fait, le débat -ou plus exactement le débat tronqué,
voire le non-débat- sur la politique hospitalière aura lieu lors
de la discussion du collectif budgétaire.
Question n° 5
. Indiquer les autorisations de
création d'emploi accordées à la CNAMTS et à la
CNAF et chiffrer leur coût en année pleine. Préciser pour
2000 l'impact de ces créations sur les objectifs de dépenses par
branche (article 39 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000).
Réponse
: CNAMTS : la commission de gestion
administrative de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS) s'est prononcée le 18 octobre 1999 en
faveur de 1.400 embauches. L'Etat a donné son accord à ces
embauches. Par ailleurs, au vu des premières charges de travail
liées au démarrage effectif de la CMU, cette commission a
donné, le 1
er
février 2000, un avis favorable à
l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses pour la mise en
oeuvre de la CMU et permettre ainsi la résorption du solde de dossiers
en instance dans les caisses. Par lettre du 11 février 2000, l'Etat a
approuvé cette décision qui prévoit la création de
600 emplois pérennes, dont environ 500 emplois jeunes et 2.000 mois
de contrats à durée déterminée (CDD).
La CNAMTS prévoit que l'impact financier en 2000 sera de l'ordre de
360 millions de francs.
CNAF : La branche famille a demandé que ses moyens soient
renforcés. L'Etat a autorisé l'attribution de moyens
supplémentaires aux caisses à hauteur de 900 emplois
pérennes. Ces emplois répondent à un double
objectif : redresser l'équilibre charges/moyens des caisses,
notamment pour les plus fragiles d'entre elles, et anticiper dans de bonnes
conditions la mise en place de la réduction du temps de travail.
Le coût de ces emplois en année pleine s'élève
à 210 millions de francs. Le besoin de financement se trouve
ramené à 165 millions de francs en 2000 dans la mesure
où les recrutements n'interviendront au mieux qu'à compter du
mois d'avril.
Les moyens supplémentaires n'affectent pas les objectifs de
dépenses 2000 ; les prévisions de gestion administrative ne
seront pas modifiées, car elles avaient pris en compte diverses
anticipations.
Observations :
Les réponses apportées le 19 mai
dernier sont incomplètes et, compte tenu de leur caractère
très tardif, n'ont pu faire l'objet d'une demande complémentaire
de votre Commission.
En effet, l'impact financier en 2000 des créations d'emplois à la
CNAMTS est évalué à 320 millions de francs sans que
soient distinguées les créations d'octobre 1999 qui,
a
priori
, auraient dû être prises en compte dans le projet de loi
de financement, et celles de février 2000 qui, toujours
a priori,
ne pouvaient pas l'être.
En réalité, ce point apparaît d'un intérêt
relatif puisque l'ensemble des dépenses correspondantes en 2000, soit
525 millions de francs, n'affecterait pas les objectifs de dépenses
de cet exercice au motif que les prévisions de gestion administrative
" avaient pris en compte diverses anticipations "
. En quelque
sorte, comme M. Jourdain, le Parlement avait anticipé sans le
savoir.
Question n° 7
. A l'instar de ce qui a été
fait pour le budget de l'Etat, la direction de la sécurité
sociale a-t-elle procédé à une actualisation des
prévisions de recettes figurant en loi de financement pour la
sécurité sociale pour 2000 au regard des recettes effectivement
perçues en 1999 et de la révision des perspectives de croissance
pour 2000 ? Si oui, la communiquer.
21(
*
)
Réponse
: Une actualisation de recettes du seul
régime général sera présentée à la
Commission des comptes de la sécurité sociale de mai.
Observations :
Cette réponse traduit bien la
difficulté qui existe à prendre en compte tous les effets de
l'instauration des lois de financement de la sécurité sociale.
L'Administration, sous l'autorité du Gouvernement, n'entend divulguer
aucune information sur les nouvelles évaluations des comptes sociaux
avant la " grand-messe " de la Commission des comptes de la
sécurité sociale. De fait, les réunions de cette
commission, au printemps et à l'automne, étaient, avant la
réforme de 1996 instituant les lois de financement de la
sécurité sociale, les seuls rendez-vous des finances sociales.
Le Gouvernement entend, semble-t-il, que les choses restent en l'état.
Ainsi, le Parlement, ses commissions des Affaires sociales et ses rapporteurs
chargés de suivre les lois de financement et de contrôler leur
application, doivent patienter jusqu'au moment où le Gouvernement se
déclare prêt à réunir la Commission des comptes de
la sécurité sociale. De septembre 1999 à mai 2000, aucune
information nouvelle ne peut être fournie au Parlement tant sur
l'exécution 1999 que sur l'actualisation de l'exercice 2000.
Au demeurant, la Commission des comptes de la sécurité sociale
n'aborde au printemps que le régime général et non les
recettes inscrites en loi de financement sous forme de prévisions sur
lesquelles se prononce le Parlement.
*
* *
Les
décisions prises par le Gouvernement en février-mars 2000 posent
donc un problème de principe extrêmement préoccupant.
En effet, si l'on conçoit bien que les objectifs de dépenses
votés par le Parlement ne constituent pas des crédits limitatifs
(cf. B ci-dessus)
et peuvent donc donner lieu à
dépassement en cours d'année, ces dépassements, ne
sauraient résulter de décisions du Gouvernement mais
d'évolutions " spontanées ".
En quelque sorte, les objectifs fixés par le Parlement peuvent ne pas
être atteints pour des raisons tenant, par exemple, à
l'évolution de la conjoncture, aux comportements tant des assurés
que des prescripteurs ou encore à l'état des pathologies et
notamment aux épidémies de grippe, chères au ministre
délégué
22(
*
)
.
Encore faut-il que le Gouvernement s'efforce de faire respecter les objectifs
votés par le Parlement et que les dépassements constatés
ne soient pas d'une telle ampleur que les conditions générales de
l'équilibres soient gravement affectées ou, pour reprendre la
jurisprudence du Conseil constitutionnel précitée
(cf. plus
haut),
bouleversées.
Mais, dans le cas présent, les modifications des objectifs de
dépenses résultent de décisions explicites du
Gouvernement.
Ce dernier n'hésite pas à annoncer qu'elles traduisent une
" nouvelle étape pour l'hôpital "
23(
*
)
dont il n'est guère douteux qu'elle
aurait dû être débattue par le Parlement dans le cadre, soit
du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale,
soit, en cas d'urgence, d'un collectif social faisant le point à
mi-parcours sur les conditions générales de l'équilibre
financier de la sécurité sociale.
On rappellera que la loi organique dispose que "
seules des lois de
financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1°
à 5° du I
" et que le 3° du I, ainsi visé,
concerne précisément la fixation des objectifs de dépenses.
Art. L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale
- I. Chaque
année, la loi de financement de la sécurité sociale :
1° Approuve les orientations de la politique de santé et de
sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les
conditions générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale ;
2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble
des régimes obligatoires de base et des organismes créés
pour concourir à leur financement ;
3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble
des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants
actifs ou retraités titulaires de droits propres ;
4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base
visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir
à leur financement qui peuvent légalement recourir à des
ressources non permanentes , les limites dans lesquelles ses besoins de
trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources
5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base
visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir
à leur financement qui peuvent légalement recourir à des
ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de
trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.
II. La loi de financement de l'année et les lois de financement
rectificatives ont le caractère de lois de financement de la
sécurité sociale.
Seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en
vertu des 1° à 5° du I.
Ce point n'a, semble-t-il, pas effleuré l'esprit du Gouvernement qui
donc, à la fois considère que :
- les lois de financement ne comportant pas d'article d'équilibre,
les recettes peuvent disparaître, les dépenses dériver, les
déficits se creuser sans que le Parlement ait à en
connaître ;
- les objectifs de dépenses eux-mêmes peuvent être
modifiés par voie réglementaire et de façon volontariste.
Que reste-t-il alors, dans l'esprit du Gouvernement, de la loi de financement
de la sécurité sociale dès lors qu'une telle loi ne serait
contrainte ni par la notion d'équilibre, qui pourtant la sous-tend
constitutionnellement, ni par les objectifs qu'elle comporte et qu'il est
demandé au Parlement de voter solennellement ?
III. UNE INQUIÉTUDE : LES TRANSFERTS DE CHARGES AU DÉTRIMENT DE LA BRANCHE FAMILLE
Lors de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000, votre commission avait vivement dénoncé
les
ponctions opérées par le Gouvernement sur la branche famille,
ponctions qui devraient s'élever en 2000 à 3,5 milliards de
francs.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
prévoyait en effet
l'affectation au fonds de réserve pour les
retraites d'une partie du prélèvement de 2 % sur les revenus
du patrimoine initialement destinée à la branche famille, privant
celle-ci d'une recette évaluée à un milliard de francs par
an.
En outre, le Gouvernement décidait parallèlement de
pérenniser la majoration de l'allocation de rentrée scolaire
et d'imposer à la branche famille la prise en charge progressive de
cette majoration, auparavant financée par le budget de l'Etat. Cette
opération de débudgétisation devrait se solder par une
augmentation de 2,5 milliards de francs des dépenses de la branche
famille en 2000.
Vos rapporteurs ont souhaité par conséquent examiner dans quelles
conditions se ferait en 2000 la prise en charge par la branche famille d'une
partie de la majoration de rentrée scolaire.
L'allocation de rentrée scolaire est une prestation familiale
versée sous condition de ressources, destinée à aider les
familles au moment de la rentrée scolaire.
Le montant de l'ARS par enfant, pour la rentrée scolaire 1999,
était égal à 20 % de la base mensuelle de calcul des
allocations familiales, soit 429 francs.
Ce montant est cependant majoré systématiquement par une
décision gouvernementale prise chaque année depuis 1993 et
atteint finalement 1.600 francs depuis 1997.
Evolution du montant de l'allocation de rentrée scolaire
|
Majoration |
Montant total |
1993 |
1.097 F |
1.500 F |
1994 |
1.089 F |
1.500 F |
1995 |
830 F |
1.500 F |
1996 |
580 F |
1.000 F |
1997 |
1.180 F |
1.600 F |
1998 |
1.176 F |
1.600 F |
1999 |
1.173 F |
1.600 F |
Reconduite dans son principe d'année en année,
cette
majoration est prise en charge par le budget de l'Etat.
En 1999, le
coût total de l'allocation de rentrée scolaire s'est
élevé à 9,5 milliards de francs, dont 2,5 milliards
de francs à la charge de la branche famille et 7 milliards de
francs pris en charge par l'Etat au titre de la majoration.
Toutefois, le Gouvernement s'est toujours refusé à inscrire en
loi de finances initiale cette majoration : il n'était en effet pas
certain que l'Etat déciderait de majorer l'ARS. En outre, le montant de
la majoration pouvait varier d'une année sur l'autre.
Dès lors, l'Etat rembourse, généralement avec retard,
cette dépense à la branche famille. Il en résulte une
charge de trésorerie non négligeable pour la branche. Jusqu'en
1997, les pouvoirs publics ont procédé, pour assurer son
financement, par décret d'avances. En 1998 et 1999, le montant du
remboursement à la branche famille a été inscrit en loi de
finances rectificative.
Cette situation aurait dû changer radicalement en 2000.
En effet, lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999, le
Premier ministre a annoncé la pérennisation de la majoration de
l'ARS :
" Il est clair que cette allocation de rentrée
scolaire, ainsi majorée, répond à un réel besoin.
Je souhaite qu'elle soit pérennisée. La majoration de l'ARS a
donc vocation à devenir une prestation familiale.
De ce fait, son
financement sera pris en charge par la branche famille, selon un calendrier
à définir. Parallèlement, l'Etat reprendra à sa
charge le financement du Fonds d'Action Sociale pour les Travailleurs
Immigrés et leurs Familles,
répondant ainsi à une
demande exprimée depuis longtemps par le mouvement familial et le
Conseil d'administration de la CNAF. Une première étape
débutera avec le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000. "
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a ainsi
prévu que la branche famille prendrait à sa charge la majoration
de l'ARS à hauteur de 2,5 milliards de francs.
L'Etat s'engageait pour sa part à financer le solde restant, soit
4,5 milliards de francs.
Cette somme aurait dû, en toute logique, figurer dans le projet de loi de
finances pour 2000. Il n'en a rien été.
Il n'a pas davantage été fait mention de la somme -près de
1 milliard de francs- correspondant au remboursement par l'Etat à la
branche famille des dépenses relatives au FASTIF, conformément
à l'annonce du Premier ministre.
Ces deux lacunes avaient conduit la commission des Finances du Sénat
à conclure que la sincérité du projet de loi de finances
pour 2000 était gravement altérée : en effet, le
Gouvernement reconnaissait qu'une dépense de 5,5 milliards de francs
-4,5 milliards de francs pour la majoration de l'ARS et 1 milliard de
francs pour le FASTIF- interviendrait en 2000, mais ne l'inscrivait pas dans le
projet de loi de finances.
Un tel comportement apparaissait contraire aux dispositions du quatrième
alinéa de l'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui
prévoit :
" La loi de finances de l'année prévoit
et autorise, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des
charges de l'Etat ".
Toutefois, un souci de cohérence dans la présentation des
documents budgétaires, lié par exemple au dépôt du
projet de loi de financement de la sécurité sociale
postérieurement au dépôt du projet de loi de finances
pouvait, à la rigueur, expliquer ce choix.
Interrogée par votre commission sur ce point, Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, avait d'ailleurs
indiqué que
le financement de ces deux mesures figurerait dans le
collectif budgétaire de 2000.
Or, le projet de loi de finances rectificative, qui vient d'être
adopté par l'Assemblée nationale, reste totalement silencieux sur
ces deux points.
Pour vos rapporteurs, il n'y a dès lors que
deux
hypothèses
:
ou ce collectif budgétaire n'est pas
sincère, puisqu'il n'intègre pas deux dépenses pourtant
certaines, ou il trahit le renoncement aux engagements pris par le Premier
ministre et une atteinte d'une exceptionnelle gravité à
l'équilibre financier de la branche famille
A. INSINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE ET CHARGE INDUE DE TRÉSORERIE POUR LA BRANCHE FAMILLE...
Dans le
premier cas, le Gouvernement a fait le choix de l'insincérité
budgétaire
: il ne fait pas figurer dans le collectif une somme
de 5,5 milliards de francs qui constitue pourtant la simple traduction de
décisions annoncées par le Premier ministre le 7 juillet 1999.
Un tel choix fausse considérablement le débat
budgétaire : non seulement le déficit budgétaire
reste inchangé à 215 milliards de francs à l'issue du
collectif, alors même que 15 milliards de francs de recettes non fiscales
de 1999 ont été rattachés à l'année 2000,
mais de surcroît ce chiffre n'intègre pas des dépenses
pourtant certaines d'un montant de 5,5 milliards de francs. Dès lors, le
déficit budgétaire réel de l'année 2000 devrait
être de 236 milliards de francs, soit 30 milliards de plus que
l'exécution de 1999.
L'argument technique selon lequel ces dépenses ne pourraient pas
être évaluées avec précision est
irrecevable
: les dépenses de la branche famille au titre de
la majoration de l'ARS pour l'année 2000 peuvent être
estimées par la CNAF de manière précise, le montant du
budget du FASTIF a été fixé à 986 millions de
francs en 2000 par le décret n° 2000-177 du
29 février 2000.
En choisissant d'attendre le collectif de fin d'année, qui n'est
généralement promulgué que dans les tout derniers jours de
décembre,
le Gouvernement fait en outre supporter une charge de
trésorerie considérable à la branche famille
. La
branche famille verse en effet l'ARS aux familles au mois de septembre :
elle ne serait remboursée par l'Etat que le 30 décembre 2000.
De même, la branche famille serait contrainte de supporter, toute
l'année durant, la charge de trésorerie liée aux
dépenses du FASTIF, dans l'attente d'un remboursement le dernier jour de
l'année 2000, ou plus probablement dans les premiers jours de 2001
B. ... OU REMISE EN CAUSE DE L'ÉQUILIBRE DE LA BRANCHE FAMILLE
Cependant,
la seconde hypothèse serait plus grave
encore
:
la non-inscription des dépenses liées
à la majoration de l'ARS et au FASTIF dans le collectif de printemps
pourrait être le signe d'un refus, par le Gouvernement, de respecter les
engagements pris et les mesures annoncées par le Premier ministre.
Vos rapporteurs sont d'autant plus inquiets que les observations du
Gouvernement sur cette question, dans le cadre des recours devant le Conseil
constitutionnel dirigés contre la loi de finances pour 2000
24(
*
)
, sont particulièrement ambiguës :
" L'allocation de rentrée scolaire (ARS) a été
majorée depuis 1996. Cette allocation majorée a constitué
une dépense de la Caisse nationale des allocations familiales
partiellement remboursée par l'Etat. Elle a été
financée, selon les années, par décret d'avances ou par la
loi de finances rectificative. Le montant de cette majoration et son
financement ont évolué dans le temps, la charge revenant à
l'Etat ne constituant pas une dépense stable d'une année sur
l'autre. Le Premier ministre a annoncé que le niveau majoré de
l'ARS (1.600 francs) serait pérennisé.
Le montant ainsi
relevé de l'ARS, prestation familiale prévue par le code de la
sécurité sociale, sera donc désormais financé par
la Caisse nationale des allocations familiales, comme l'ensemble des
prestations de cette catégorie,
sans que l'Etat ait à en
rembourser une partie
. La majoration des dépenses de la
sécurité sociale en résultant a été prise en
compte dans les prévisions de dépenses de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2000 et n'a donc pas à figurer
dans la loi de finances.
" Par ailleurs, le transfert au budget de l'Etat du financement du fonds
d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles
(FASTIF) a été évoqué comme une des pistes
complétant la réforme. Cette mesure, qui nécessite des
dispositions législatives qui ne figurent ni dans la loi de finances ni
dans la loi de financement de la sécurité sociale et dont le
calendrier n'a pas été précisé, permettrait
à la Caisse nationale des allocations familiales de dégager des
moyens contribuant au financement de l'ARS majorée. Si elle était
confirmée, il conviendrait de prévoir les ouvertures de
crédits correspondantes dans la loi de finances pour 2001. "
On conviendra que cette déclaration apparaît en totale
contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement au moment de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000. Dès lors, qui faut-il croire ?
Si le Gouvernement revenait sur ses engagements, la branche famille verrait
dès 2000 ses dépenses au titre de l'ARS augmenter de 7 milliards
de francs par an. Elle ne bénéficierait même plus de la
très modeste compensation qu'aurait pu constituer la prise en charge du
FASTIF par le budget de l'Etat.
La débudgétisation deviendrait alors totale : l'Etat se serait
ainsi déchargé sur la branche famille d'une dépense
annuelle et récurrente de 7 milliards de francs qu'il assumait
jusqu'alors et qu'il avait lui-même créée.
Une telle décision ne ferait qu'accroître les charges de la
branche famille : elle n'apporterait rien de plus aux familles pour qui
l'ARS était déjà, de facto, pérennisée au
niveau de 1.600 francs depuis 1997.
DEUXIÈME PARTIE
-
LES DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT
DES
CAISSES D'ALLOCATIONS FAMILIALES
Les
caisses d'allocations familiales de la région parisienne ont
rencontré, au cours de l'année 1999, des difficultés de
fonctionnement considérables qui ont conduit à une
dégradation sensible du service offert aux allocataires.
La presse s'est faite largement l'écho de ces difficultés qui
prenaient la forme de files d'attente interminables aux guichets, de retards
considérables dans les réponses aux courriers et le traitement
des dossiers. Certains articles de presse ont même évoqué
des caisses
" au bord de la rupture de paiement ".
Interrogée lors de son audition par notre commission, le 13 octobre
1999, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000, Mme Nicole Prud'homme,
Présidente du conseil d'administration de la CNAF, déclarait que
ces difficultés étaient en voie de règlement.
Pourtant, moins de deux mois plus tard, le 6 décembre 1999, elle
demandait au Gouvernement, au nom du conseil d'administration de la CNAF, un
accroissement des moyens humains dont dispose la branche famille, sous la forme
de 1.100 emplois supplémentaires.
Cette demande intervenait ainsi quelques jours après l'adoption en
lecture définitive par l'Assemblée nationale du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000.
Parallèlement, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, chargeait l'Inspection générale des affaires
sociales (IGAS) d'étudier la nature des difficultés persistantes
rencontrées par les CAF, d'analyser les éventuels
problèmes d'adéquation entre les moyens et la charge de travail
et, enfin, de proposer des mesures correctrices aux dysfonctionnements
observés.
Dans ce contexte, MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle,
rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale, ont
jugé nécessaire d'utiliser leurs prérogatives de
contrôle sur pièces et sur place afin de mieux mesurer
l'étendue et les conséquences des difficultés de
fonctionnement que connaissaient certaines caisses d'allocations familiales.
Désireux de se rendre compte de la réalité de la situation
" sur le terrain ", les rapporteurs se sont déplacés
à la CNAF le 26 janvier dernier. Ils ont pu y rencontrer Mme Nicole
Prud'homme, présidente, qui représente la CFTC au conseil
d'administration, et M. Diépois, Vice-président,
représentant le MEDEF, puis notre collègue Claude Huriet,
président du conseil de surveillance, et, enfin, Mme Annick Morel,
directrice, entourée de son équipe de direction. Cette visite
à la CNAF avait été précédée de
l'envoi d'un questionnaire particulièrement exhaustif.
Les rapporteurs se sont ensuite rendus dans trois caisses d'allocations
familiales : à Evry, dans l'Essonne, à Chartres, dans
l'Eure-et-Loir et, enfin, à Melun, en Seine-et-Marne.
Le choix de ces trois caisses a été dicté par le souci de
concentrer l'investigation sur les caisses de la région parisienne, qui
connaissaient les plus grandes difficultés, tout en visitant
parallèlement une caisse voisine -celle de Chartres- qui semblait
épargnée par ces difficultés. Ce choix de ces trois
caisses a permis à vos rapporteurs une vision contrastée de la
situation des différentes caisses.
Dans ces trois caisses, les rapporteurs ont rencontré les
présidents des conseils d'administration, les équipes de
direction et les représentants des organisations syndicales
représentatives du personnel. Ils ont également visité les
locaux consacrés à l'accueil du public et ont pu dialoguer
à cette occasion avec les personnels des guichets, en contact permanent
avec les allocataires.
Enfin, dans un souci de compléter l'information dont ils disposaient,
les rapporteurs ont auditionné au Sénat la présidente et
le directeur de la CAF de Grenoble.
Les rapporteurs ont reçu partout le meilleur accueil et leurs
interlocuteurs se sont félicités de la démarche entreprise
par notre commission. Que toutes les personnes auditionnées trouvent ici
l'expression renouvelée de la gratitude des rapporteurs pour leur
collaboration à ce travail.
A l'issue de cette mission de contrôle, il apparaît que les caisses
d'allocations familiales ont rencontré de sérieuses
difficultés de fonctionnement au cours de l'année 1999. Ces
difficultés, qui ont touché particulièrement la
région parisienne, ont conduit à une nette dégradation du
service rendu au public et traduisent, plus généralement,
l'incapacité de la branche famille à respecter les engagements de
qualité prévus par la convention d'objectifs et de gestion qui la
lie à l'Etat.
Les plans d'action successifs engagés par la CNAF et les CAF ont
porté leurs fruits et la situation s'est nettement
améliorée au cours des derniers mois. Cette amélioration
reste toutefois fragile et il n'est pas exclu que l'été 2000 voit
la réapparition de certaines difficultés.
Les origines de ces dysfonctionnements sont multiples : les
difficultés tiennent à la conjonction d'un facteur conjoncturel
que l'on peut espérer transitoire -la mise en place d'un nouveau
système informatique en Ile-de-France-, et d'un élément
structurel plus préoccupant : l'application d'un droit
excessivement complexe à des publics de plus en plus fragilisés.
Dans ce contexte, la décision du Gouvernement d'autoriser la
création de 900 postes dans les CAF apparaît comme un choix
éminemment politique qui résulte plus d'un souci d'apaisement que
d'une réelle volonté de renforcer les moyens dont dispose la
branche : une part -non définie- de ces emplois constitue en effet
un acompte sur les créations d'emplois nécessaires pour compenser
la réduction du temps de travail.
Pour vos rapporteurs, la création de nouveaux emplois peut certes
apporter une bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en
difficultés. Il est douteux toutefois que cette solution de
facilité permette de faire l'économie d'une véritable
simplification du droit et de réels efforts de réorganisation
interne.
Déplacements et auditions des rapporteurs |
|
|
|
Déplacement sur place |
|
24 janvier 2000 |
Caisse
nationale des allocations familiales (CNAF) à Paris
|
2 février 2000 |
Caisse
d'allocations familiales d'Evry (Essonne)
|
3 février 2000 |
Caisse
d'allocations familiales de Chartres (Eure-et-Loir)
|
9 février 2000 |
Caisse
d'allocations familiales de Melun (Seine-et-Marne)
|
|
|
Auditions devant les rapporteurs |
|
27 avril 2000 |
Mme Eliane Bellot, présidente du conseil d'administration et M. Robert Richaud, directeur de la Caisse d'allocations familiales de Grenoble (Isère) |
|
|
Auditions dans le cadre de la commission
|
I. UN CONSTAT PRÉOCCUPANT
A. LA DÉGRADATION DU SERVICE RENDU AU PUBLIC
1. Un phénomène particulièrement marqué en région parisienne
Les
caisses d'allocations familiales de la région parisienne ont
rencontré, au cours de l'année 1999, des difficultés
importantes qui ont conduit à une
dégradation sensible du
service offert aux allocataires.
Si les difficultés semblent avoir commencé à se manifester
dès 1998, elles se sont cependant brutalement aggravées au cours
de l'été 1999, date à laquelle elles ont été
largement évoquées par les médias.
La médiatisation probablement excessive des dysfonctionnements
observés dans certaines caisses a d'ailleurs généré
une certaine inquiétude dans l'opinion publique et s'est traduite,
in
fine
, par une augmentation de la demande adressée au caisses et par
une aggravation des difficultés.
Les difficultés se sont traduites concrètement par
des retards
dans le traitement des dossiers et des réponses aux courriers, par une
forte augmentation des temps d'attente au guichet et par une dégradation
de l'accueil téléphonique.
Ces trois aspects sont en réalité partie prenante d'un même
cercle vicieux : par un phénomène de boule de neige, les
difficultés s'ajoutent aux difficultés. Les caisses qui ont pris
du retard sont ainsi davantage sollicitées par les allocataires qui
viennent plus nombreux à l'accueil et sont plus nombreux à
téléphoner.
Lorsque les délais de traitement des dossiers augmentent, les
allocataires, inquiets de l'absence de réponse de la caisse, se rendent
aux guichets. Pour répondre à cette affluence nouvelle, on
affecte à l'accueil des personnels habituellement chargés de
l'instruction et de la liquidation des dossiers ou de l'accueil
téléphonique, ce qui se traduit in fine par des retards accrus
dans la gestion des dossiers.
S'agissant des CAF d'Ile-de-France, il y avait, fin août 1999,
271.000 courriers en retard, correspondant à 150.000 allocataires.
A la mi-septembre, le stock moyen de courriers -qui est évalué en
nombre de jours de production
25(
*
)
- variait
selon les caisses de 5,3 jours à Paris à 18,5 jours à
Melun et 21 jours à Cergy. On rappellera que l'objectif que s'est
fixé la branche famille est de ne pas dépasser un stock moyen de
3 jours de production.
Stock
de courriers (en jours de production)
Caisse |
Au 17 septembre 99 |
Au 7 janvier 2000 |
Cergy (95) |
21 |
22,4 |
Créteil (94) |
12,5 |
14,3 |
Evry (91) |
14,8 |
10 |
Melun (77) |
18,5 |
17,2 |
Nanterre (92) |
6,2 |
10,4 |
Paris (75) |
5,3 |
6,1 |
Rosny (93) |
6,6 |
5 |
St-Quentin en Yvelines (78) |
12,4 |
7,8 |
Début janvier 2000, la situation s'était
améliorée à Evry, Rosny et Saint-Quentin en
Yvelines ; elle s'était en revanche dégradée à
Nanterre, Créteil et Cergy où l'on atteignait alors 22 jours de
stock.
Ces chiffres moyens recouvrent des réalités naturellement
diverses. L'objectif des caisses est habituellement de traiter les dossiers en
moins de trois semaines, de telle sorte que le changement de situation
signalé puisse être pris en charge dans la mensualité du
mois suivant. Lorsque les dossiers sont traités avec retard, cela
signifie concrètement que la modification de droit que les allocataires
ont signalée à la caisse ne peut alors être prise en compte
que dans la mensualité du deuxième mois qui suit ce signalement.
Il y a alors un rappel de droit ou la notification d'un indu.
Fin août, le stock de courriers datant de plus de trois semaines
était pour sa part de 130.000, soit quasiment la moitié
(48 %) des courriers en retard.
On observe là encore une grande
hétérogénéité dans les situations
respectives des différentes caisses. En septembre 1999, la part des
dossiers traités en moins de 21 jours était de seulement
36 % à Evry, 37 % à Cergy et 48 % à Melun.
En revanche, Rosny affichait un taux de 88 % et Nanterre obtenait un
brillant 100 % !
En décembre 1999, la situation ne s'était guère
améliorée : dégradation à Melun (34 %) et
à Créteil (66 %), timide progression à Cergy
(40 %) et Saint-Quentin en Yvelines (74 %). Si l'on inverse la
proposition, cela signifie concrètement qu'à Melun, 66 % des
dossiers étaient donc traités dans un délai
supérieur à trois semaines !
Evolution de la situation des caisses de
l'Ile-de-France
|
Délai de traitement inférieur à 21 jours (% des dossiers) |
Temps
d'attente au guichet inférieur à 30 mn
|
|||||||
|
Septembre 99 |
Décembre 99 |
Septembre 99 |
Décembre 99 |
|||||
Cergy (95) |
37 % |
40 % |
53 % |
57 % |
|||||
Créteil (94) |
72 % |
66 % |
50 % |
50 % |
|||||
Evry (91) |
36 % |
36 % |
6 % |
18 % |
|||||
Melun (77) |
48 % |
34 % |
33 % |
46 % |
|||||
Nanterre (92) |
100 % |
100 % |
68 % |
65 % |
|||||
Paris (75) |
80 % |
80 % |
22 % |
40 % |
|||||
Rosny (93) |
88 % |
89 % |
79 % |
81 % |
|||||
St-Quentin en Yvelines (78) |
70 % |
74 % |
61 % |
69 % |
Les
caisses ont dès lors été contraintes à des
arbitrages et ont choisi de privilégier le versement des minima sociaux
aux dépens des prestations familiales " classiques ".
Elles ont mis en place des procédures prioritaires pour les ouvertures
de dossiers, pour les allocataires les plus modestes, pour le traitement
immédiat des documents urgents et ayant un impact positif sur les droits
des allocataires.
Certains dossiers jugés non prioritaires ont donc été
traités avec des retards de plusieurs mois.
Parallèlement à ces retards dans le traitement des dossiers,
les temps d'attente au guichet augmentaient fortement
: certaines
caisses ont ainsi connu, à certaines périodes, des temps
d'attente moyens pouvant atteindre
3 heures : c'était par
exemple le cas début janvier 2000 à l'accueil de la CAF de Paris,
rue Laumière, dans le 19
ème
arrondissement.
A la mi-septembre 1999, toutes les caisses de la région parisienne
présentaient un temps d'attente moyen au guichet supérieur ou
égal à 1 heure : 1 heure 40 à Cergy, 1 heure 45
à Paris (rue Laumière), 2 heures à Melun...
A la même période, la part des personnes attendant moins de
30 minutes à l'accueil -objectif poursuivi par la branche-
était de seulement 6 % à Evry (
94 % des personnes
attendaient donc plus de 30 minutes
), 22 % à Paris et 33 %
à Melun.
Temps
d'attente moyen au guichet des CAF de l'Ile-de-France
Caisse |
Temps
d'attente moyen au guichet
|
Temps
d'attente moyen au guichet
|
Cergy (95) |
1 h 40 |
1 h 15 |
Créteil (94) |
1 h |
45 mn |
Evry (91) |
1 h 20 |
58 mn |
Melun (77) |
2 h |
Application non disponible |
Nanterre (92) |
1 h |
30 mn |
Paris (75) |
1 h (rue Viala) |
1 h 07 (rue Viala) |
|
1 h 45 (rue Laumière) |
3 h 02 (rue Laumière) |
Rosny (93) |
1 h |
45 mn |
St-Quentin en Yvelines (78) |
1 h 10 |
23 mn |
Début janvier 2000, la situation s'était
améliorée partout sauf à Paris où elle avait pris
rue Laumière un caractère particulièrement alarmant. Les
temps d'attente restaient cependant anormalement élevés dans six
caisses sur huit.
Il s'agit là encore de temps d'attente moyen : certaines personnes
ont donc pu parfois attendre des durées beaucoup plus longues.
A Evry, où l'on considère que la capacité maximale
d'accueil quotidien est de 400 personnes, 900 à 1.000 personnes se sont
parfois présentées certains jours. 250 personnes attendaient
ainsi simultanément dans une salle qui compte environ 80 places assises.
Ces conditions d'accueil ont généré de fortes tensions
entre les allocataires et les personnels des caisses concernées.
Elément assez symptomatique de cette dégradation, les caisses
d'Evry et de Melun ont chacune embauché un vigile qui, présent
à l'accueil, assure la sécurité des personnels, maintient
l'ordre et empêche la constitution d'un " marché noir "
des tickets d'attente.
L'accueil téléphonique a été partout
sacrifié.
Certaines caisses -à Evry par exemple- ont
carrément décidé de fermer cet accueil et ne
répondaient plus au téléphone. Cette situation de
l'accueil téléphonique a naturellement un retentissement direct
sur l'accueil au guichet : faute d'obtenir une réponse au
téléphone, les allocataires ont été contraints de
se rendre à leur caisse.
2. Le non-respect des engagements définis par la convention d'objectifs et de gestion
Les
dysfonctionnements observés dans les caisses parisiennes ont
été le révélateur des difficultés
rencontrées plus généralement par la branche famille pour
respecter les engagements de qualité de service prévus par la
convention d'objectifs de gestion.
Les difficultés qu'ont connues les caisses parisiennes ont
été partagées par certaines caisses de province, avec
toutefois moins d'acuité.
L'appréciation portée en septembre 1999 par les directions des
différentes caisses sur leur situation confirme que ces
difficultés en matière d'écoulement de la charge de
travail ont été également ressenties en province :
seuls 41 directeurs de caisses sur 125 considéraient à cette date
que la situation était bonne ou très bonne, les 84 restants la
jugeant assez difficile ou très difficile.
Appréciation portée par les directeurs de CAF
sur
la situation de leur caisse
(septembre 1999)
En fait,
la plupart des caisses semblent, à des degrés divers, être
à la limite de leur capacité de production. Cette
fragilité conduit à ce que tout incident de parcours -panne du
système informatique, absentéisme plus fort- ou toute
période de fortes charges -déclaration de ressources,
rentrée scolaire, changement réglementaire- provoque un stock de
dossiers en retard avec une remise à jour lente.
Même si une majorité d'allocataires bénéficie
aujourd'hui d'un service acceptable, ces difficultés ont conduit la
branche famille à ne pas être en mesure de respecter les
engagements qu'elle avait pris en 1997 et qui ont été
formalisés dans la convention d'objectifs et de gestion signée le
14 mai 1997.
Dans le cadre de cette convention d'objectifs et de gestion signée avec
l'Etat, couvrant la période 1997-2000, la branche famille a pris en
effet cinq engagements de qualité :
Premier engagement : la régularité de paiement
;
les prestations dues au titre du mois sont versées le 5 du mois suivant
ou le jour ouvré le plus proche. Cet engagement, qui porte sur le
versement d'une masse de prestations de 25 milliards de francs par mois
à 10 millions d'allocataires, a été jusqu'à
présent tenu.
Deuxième engagement
:
le traitement de tout dossier dans
un délai de 3 semaines
, à compter du 1
er
janvier
1998. L'objectif est qu'un changement dans la situation d'un allocataire soit
pris en compte pour le versement de la mensualité suivante.
Cet engagement est actuellement tenu pour seulement 83 % des
55 millions de courriers reçus tous les ans. 17 % des dossiers
traités le sont donc dans un délai supérieur à
l'objectif de 21 jours.
Ce chiffre a doublé en 1999, traduisant ainsi
les difficultés rencontrées par la branche.
Part des dossiers traités en moins de 21 jours
1998 |
1999 |
91 % |
83 % |
En
1999, 39 caisses sur 125, soit 31 %, ne respectaient pas l'objectif de
90 % des dossiers traités en moins de 21 jours.
Troisième engagement
:
chaque année, 25 % des
allocataires doivent faire l'objet d'un contrôle sur pièces et sur
place
. Cet engagement, prévu à compter du 1
er
janvier 2000, est loin d'être tenu puisque seuls 16,3 % des dossiers
ont été contrôlés en 1998.
Part des dossiers contrôlés
1996 |
1997 |
1998 |
21,7 % |
22 % |
16,3 % |
Quatrième engagement
: à compter du
1
er
janvier 2001,
le délai d'attente au guichet ne doit
pas excéder, en règle générale, 30 minutes
.
Aujourd'hui, sur 18 millions de visites par an, seules 78 % sont
traitées en moins de 30 minutes. L'objectif de 30 minutes d'attente
maximum n'est pas respecté pour plus de 22 % des allocataires
reçus.
La situation se dégrade nettement depuis 1997.
Part des visites où le délai d'attente est supérieur à 30 minutes
1997 |
1998 |
1999 |
17,5 % |
19,3 % |
22,6 % |
En
1999, 68 caisses sur 125, soit 54 %, ne respectaient pas l'objectif de
90 % des visites traitées en moins de 30 minutes.
Cinquième engagement
:
une amplitude de réponse
téléphonique d'au moins 25 heures par semaine et un taux
d'efficacité pendant les plages d'accès de 70 %,
à compter du 1
er
janvier 2001. Aujourd'hui, sur
47 millions de communications téléphoniques abouties par an,
seules 54 % sont traitées. L'accès au
téléphone est problématique dans nombre d'organismes. La
plupart des caisses ont une amplitude d'ouverture au public restreinte.
Celle-ci a été légèrement réduite sur la
dernière période. Par ailleurs, le taux d'accès reste
très insuffisant.
Plages d'accès aux CAF par téléphone
1997 |
1998 |
Moyenne journalière |
Moyenne journalière |
4 h 48 |
4 h 36 |
En
1999, 62 caisses sur 125, soit 50 %, ne respectaient pas l'objectif de
70 % de communications traitées par rapport aux communications
abouties.
Il apparaît donc que si seule une minorité de caisses a
été effectivement concernée par les difficultés de
l'été 1999,
une part importante des 125 caisses -qui varie,
selon les indicateurs, entre 31 % et 54 %- ne respecte pas les
objectifs définis par la convention d'objectifs et de gestion.
Ces éléments traduisent à l'évidence un
dysfonctionnement dans la gestion du système des prestations. Lorsqu'une
caisse n'écoule pas normalement sa charge de travail, elle
génère plus d'erreurs, plus d'indus et diminue le niveau de
contrôle. Tout ceci a bien évidemment au final un coût sur
la dépense de prestation.
B. UNE AMÉLIORATION FRAGILE
1. Des plans d'action pour venir en aide aux caisses en difficultés
Face
à ces difficultés, la CNAF a mis en place plusieurs plans
d'action successifs consistant essentiellement à affecter des personnels
supplémentaires dans les caisses concernées.
Dès février 1999, la CNAF accordait aux caisses de région
parisienne des
moyens complémentaires
à hauteur de 37,2
millions de francs, soit l'équivalent de 300 années-agents.
En septembre 1999, un
nouveau plan d'action
pour les caisses
d'Ile-de-France était mis en place, dans l'urgence, avec pour objectif
de revenir à un délai normal de traitement des dossiers, exigeant
de tenir le flux de courriers et de régler l'antériorité
du stock. Il était proposé deux échéances :
- une première inversion de la tendance fin octobre pour les huit
caisses (le mois de septembre est un mois très lourd pour la
branche) ;
- un retour à un délai normal en fin d'année.
Chaque caisse a été invitée à établir sur
les six mois suivants une projection de ses charges, de ses forces de
production, de son stock retard, du plan d'action acquis et des moyens
supplémentaires éventuellement nécessaires pour
accélérer le retour à la normale. Ces chiffres ont fait
l'objet d'un dialogue approfondi caisse par caisse avec la CNAF.
Ce plan d'action s'est articulé autour de trois axes : le renfort
en personnel, des dispositifs spécifiques pour les allocataires les plus
fragiles et le développement de nouvelles formes d'organisation en
matière d'accueil physique et téléphonique.
•
Le renfort en personnel
a pris la forme :
- d'un renforcement temporaire de personnel (contrats à
durée déterminée, 140 contrats de qualification permettant
le remplacement immédiat des personnels partant en retraite, 55
emplois-jeunes, stagiaires en formation professionnelle) ; ces personnels
effectuent des travaux simples qui déchargent les techniciens-conseil et
leur permettent de se consacrer aux dossiers les plus complexes et à
l'accueil ;
- d'un recours aux heures supplémentaires volontaires ;
- d'une mobilisation sur la ligne du public des personnels administratifs,
d'encadrement, de contrôle, d'action sociale, d'agence comptable ;
- d'une mobilisation de la réserve opérationnelle
régionale d'Ile-de-France (40 techniciens-conseils).
•
Les dispositifs spécifiques pour les allocataires les
plus fragiles
prévoyaient :
- une priorité de traitement pour les dossiers les plus sensibles
(minima sociaux, déclaration de ressources en retard, allocation de
rentrée scolaire, mutations, dossiers signalés par les
partenaires des CAF...) ;
- le versement d'acomptes et d'avances au guichet ;
- des contacts avec les bailleurs pour éviter les
conséquences d'éventuels retards dans le versement des aides
personnelles au logement.
En donnant instruction aux caisses de privilégier le versement des
minima sociaux aux dépens des prestations familiales, la branche famille
renonçait ainsi
de facto
à assurer sa mission
première.
Parallèlement, les CAF ont expérimenté de
nouvelles
formes d'organisation de l'accueil physique et téléphonique
,
tels que le développement des media interactifs pour délivrer
automatiquement des attestations de paiement.
Pour sa part, la CNAF a décidé de mobiliser sa réserve
institutionnelle pour accélérer le retour à
l'équilibre, qu'il s'agisse de renfort temporaire de personnel,
d'investissement informatique, d'implantation immobilière.
Elle a également organisé la solidarité avec les caisses
de province par le détachement de techniciens-conseils dans les CAF
d'Ile-de-France. Il s'agit là naturellement du moyen le plus efficace de
réduire rapidement le stock de dossiers en retard, ce que ne permet ni
le recrutement de personnel temporaire, ni le recrutement de personnel
définitif qu'il faut former pendant une longue période.
En contrepartie de l'octroi de ces moyens complémentaires, les caisses
d'Ile-de-France ont établi des plans d'action de sortie de crise,
laquelle était envisagée pour la fin du mois de mars 2000.
2. Une amélioration progressive de la situation
L'effet
de différents plans d'action s'est fait nettement sentir à partir
du premier trimestre 2000.
En avril 2000, les principaux indicateurs de
gestion des CAF font apparaître, à quelques exceptions
près, une nette amélioration de la situation. Les caisses de la
région parisienne ont notamment réussi à diminuer leur
stock de dossiers en retard et ont amélioré les délais
d'attente à l'accueil.
Au 21 avril 2000, le stock moyen en jours de production était
inférieur à 7 jours dans six caisses sur huit de la région
parisienne ; les temps d'attente avaient parallèlement
chuté : entre 28 et 35 minutes à Paris, 20 minutes dans
l'Essonne, 24 minutes dans le Val-de-Marne.
La caisse de Cergy (Val d'Oise) a ainsi fait diminuer son stock de dossiers en
retard de 25 à 9 jours en trois mois, grâce à la mise en
place d'un plan de redressement associant des mesures temporaires -et un peu
brutales- de restriction de l'accueil des allocataires et des recrutements de
personnels en contrat à durée indéterminée.
Situation des caisses d'allocations familiales
d'Ile-de-France
(au 21 avril 2000)
Caisse |
Stock
moyen en jours de production
|
Temps d'attente moyen au guichet |
Paris (75) |
0,4 |
28 mn (Viala) 35 mn (Laumière)) |
Melun (77) |
12,4 |
1 h 14 |
St-Quentin en Yvelines (78) |
3,6 |
28 mn |
Evry (91) |
5,1 |
20 mn |
Nanterre (92) |
6,8 |
28 mn |
Rosny (93) |
3,0 |
31 mn |
Créteil (94) |
5,2 |
24 mn |
Cergy (95) |
9,3 |
* |
* Pas
d'outil fiable de mesure.
A l'exception notable de la caisse de Melun (Seine-et-Marne), où le
stock reste considérable (12,4 jours) et le temps d'attente moyen
très élevé (1 h 14), toutes les caisses de la
région parisienne semblaient, à la date du 21 avril dernier,
dans une
configuration de sortie de crise.
Cette amélioration s'est ressentie dans l'ensemble du réseau
.
Au cours du 4
ème
trimestre, le nombre de directeurs de
caisses portant une appréciation " bonne " ou
" très bonne " sur la situation de leur caisse au regard de la
maîtrise de la charge de travail a sensiblement progressé, passant
de 41 sur 125 en septembre à 64 sur 125 en décembre 1999. On ne
retrouve cependant pas un niveau équivalent à celui
enregistré au début de l'année 1999.
Concernant la période à venir, les caisses sont, dans leur
majorité, confiantes sur la maîtrise de la charge de travail
puisque 33 (26 %) envisagent une amélioration et 86 (69 %) une
stabilité. Seules 6 caisses (5 %) anticipent une dégradation
de la situation.
Ces éléments sont corroborés par les impressions
recueillies par vos rapporteurs lors de leurs déplacements sur le
terrain en février 2000. Dans toutes les caisses visitées, les
principaux indicateurs s'étaient nettement améliorés
depuis l'automne.
Il n'en reste pas moins que
cette amélioration reste
fragile
: plusieurs caisses ayant intégré Cristal avant
l'été font remarquer qu'elles ne retrouvent pas un niveau de
productivité équivalent à celui enregistré avant le
changement de système informatique.
Pour sa part, l'IGAS estime dans son rapport
26(
*
)
que
" le redressement pourrait toutefois
être plus long pour quelques caisses cumulant les handicaps
(intégration régionale insuffisante, nombre d'allocataires en
forte progression, pyramide des âges du personnel ou structure CDD/CDI
défavorables, fautes de management...). "
Vos rapporteurs considèrent qu'il conviendra donc d'attendre
l'été prochain -et les tensions que génère
habituellement cette période de l'année- pour voir si les
difficultés sont définitivement résorbées.
L'IGAS considère ainsi que "
pour éviter un nouvel
engorgement saisonnier à l'été 2000, il serait
nécessaire que la CNAF procède à un audit approfondi de
ces caisses, notamment en région parisienne ".
II. DES ORIGINES MULTIPLES
Vos rapporteurs estiment que les difficultés rencontrées par les CAF proviennent, pour l'essentiel, de la conjugaison d'un élément conjoncturel -la mise en place d'un nouveau système informatique Cristal dans les caisses de la région parisienne- et d'éléments structurels plus préoccupants.
A. UN FACTEUR CONJONCTUREL : L'EFFET " CRISTAL "
Si la brutale aggravation des difficultés rencontrées par les CAF de la région parisienne lors de l'été 1999 tient aussi à des éléments saisonniers -à cette période se cumulent en effet les congés normaux des salariés, le renouvellement des droits au 1 er juillet et le versement de l'allocation de rentrée scolaire-, elle trouve surtout son origine dans la mise en place d'un nouveau système informatique, dénommé " Cristal ".
1. La mise en place difficile du système informatique Cristal
La mise
en place du système Cristal s'est faite d'abord en province à
partir de 1997 puis dans les caisses de la région parisienne.
Elle
s'est traduite partout par une diminution transitoire de la productivité
et par des tensions dans l'écoulement de la charge de travail.
Tout changement de système informatique prend du temps, induit des
dysfonctionnements, génère inévitablement des coûts
et une diminution ponctuelle de la productivité : outre des
difficultés techniques inévitables, le personnel doit tout
d'abord se former au nouveau logiciel -la formation à Cristal dure 15
jours- puis s'efforcer de se l'approprier.
Les caisses qui avaient abordé le passage à Cristal dans les
meilleures conditions, c'est-à-dire sans aucun retard dans la gestion du
stock de dossiers à traiter, ont ainsi vu, malgré tout, leur
situation se détériorer.
Lorsque les caisses avaient déjà des retards importants dans le
traitement des dossiers et des courriers, le passage à Cristal s'est
inévitablement soldé par des retards accrus.
Certaines caisses, telle celle de Grenoble, ont pu, grâce à des
efforts de formation préalable, de préparation de leurs fichiers
et de renforcement temporaire de leurs moyens, limiter l'accroissement de leur
stock de dossiers en attente. Ce résultat a cependant souvent
été obtenu au prix d'une réduction drastique de l'accueil
téléphonique et d'une limitation des contrôles des dossiers.
Le passage à Cristal a pris une tournure beaucoup plus alarmante dans
les caisses d'Ile-de-France.
La région parisienne a en effet connu des difficultés
particulières car le système informatique Cristal a
été conçu à partir du système qui
était auparavant en usage dans les caisses de province. La région
parisienne disposait quant à elle d'un système informatique
distinct dont la logique était très éloignée de
Cristal. Le temps nécessaire à l'appropriation par le personnel
du nouveau logiciel a dès lors été nettement
accentué en Ile-de-France.
En outre, en Ile-de-France, l'historique des dossiers des allocataires n'a pas
été converti dans le nouveau système informatique, ce qui
a imposé de liquider les demandes de prestation sur deux modèles
informatiques différents.
Pour tenir compte de ces spécificités, il avait été
décidé que le basculement vers Cristal se ferait très
lentement en région parisienne et que les effectifs seraient
temporairement renforcés grâce à l'enveloppe de
37 millions de francs dégagée par la CNAF.
Malgré ces précautions, la plupart des caisses d'Ile-de-France
ont été durement frappées par les conséquences de
la mise en place de Cristal.
Le rapport de l'IGAS souligne ainsi
27(
*
)
:
" Outre ces perturbations techniques apparemment en voie de
résorption, il reste qu'après une aussi longue période de
mise en place (...), on demeure confondu par l'impréparation dans
laquelle certaines CAF ont abordé l'obstacle.
" En région Ile-de-France, en sus des contraintes inhérentes
aux particularismes de l'ancien système " temps réel ",
qui ont conduit, dans des conditions peu claires, à privilégier
une conversion sans historique impliquant le maintien d'une double gestion, il
est manifeste que certaines caisses n'ont absolument pas anticipé les
problèmes (...).
" Ainsi, dans le Val d'Oise, la précédente direction, ayant
probablement cru bénéficier d'un calendrier tardif, en a
cumulé tous les handicaps : temps de préparation insuffisant
des agents, départs simultanés en formation,
désorganisation due aux congés, montée en charge chaotique
de Cristal ralentissant fortement et durablement les capacités de
consultation des comptes et de liquidation, etc. Il n'en fallait
évidemment guère plus pour que la situation se tende, voire se
bloque, dans le courant de l'été avec des prolongements d'autant
plus forts depuis la rentrée qu'un cercle vicieux s'était
engagé : explosion du stock, puis des visites à l'accueil,
puis des appels téléphoniques, chaque flux alimentant alors les
deux autres. "
La mise en place de Cristal n'est aujourd'hui pas totalement achevée.
Vos rapporteurs ont le sentiment que ce problème d'adaptation
à un nouvel outil informatique se résoudra progressivement.
Cristal devrait ainsi être pleinement opérationnel dans l'ensemble
des caisses de la région parisienne avant la fin de l'année
2000.
2. Le contexte particulier les caisses de région parisienne
La
mise en place difficile de Cristal illustre bien la résistance au
changement qui caractérise les caisses de la région parisienne.
Ces caisses semblent rencontrer des difficultés particulières
à évoluer.
On ne peut qu'être frappé en effet de la contradiction entre,
d'une part, des dysfonctionnements propres à l'Ile-de-France, qui
conduisent à diagnostiquer un manque de moyens, et, d'autre part, les
moyens dont disposent les caisses de cette région, moyens
supérieurs de 30 % -260 millions de francs par an- aux ressources
qui devraient être les leurs si leur était appliqué le
système général de répartition des ressources entre
CAF. Alors qu'il existe en province un technicien-conseil pour
834 allocataires, ce ratio est de un pour 744 en Ile-de-France.
Depuis la départementalisation de 1991, l'objectif de la branche famille
a donc été de diminuer les coûts de gestion des CAF
d'Ile-de-France et de redéployer les économies sur les CAF de
province. Ces efforts ont toutefois généré des tensions
sociales considérables, dans un contexte de forte pression syndicale
interne.
Lors de leurs déplacements sur le terrain, vos rapporteurs ont pu
constater, notamment à l'occasion des rencontres avec les
représentants syndicaux, la nette dégradation du climat social
qui règne dans les caisses de la région parisienne.
L'héritage de la grande -et unique- caisse parisienne, sa
centralisation, ses techniques de production, sa conception de l'institution
pèsent encore très lourds.
Ainsi, si la crise des caisses de la région parisienne s'explique par un
facteur conjoncturel -le passage d'un système informatique à un
autre-, ces difficultés et la lenteur de l'amélioration
constatée, en dépit des moyens considérables mis en
oeuvre, ont révélé des
problèmes structurels de
modernisation, de management, de vieillissement de la pyramide des âges
et d'empâtement de la structure hiérarchique. Ces
caractéristiques se traduisent par une réactivité faible
et une prise en charge parfois très tendue des publics en
difficulté.
B. DES ÉLÉMENTS STRUCTURELS PLUS PRÉOCCUPANTS
Restent
néanmoins des problèmes plus préoccupants car
fondamentalement structurels et concernant cette fois l'ensemble du
réseau national des caisses d'allocations familiales.
Cristal n'a été en quelque sorte que le
révélateur de difficultés plus profondes liées
à l'évolution des missions de la branche famille -et à la
précarisation des publics qu'elle prend en charge- et à la
complexité croissante de la législation et de la
réglementation.
1. La branche famille au coeur de la lutte contre l'exclusion
La
branche famille a vu ses missions profondément évoluer depuis
1946. Initialement chargée de l'aide aux familles, elle est aujourd'hui
confrontée à la pauvreté, à la
précarité et se trouve désormais en première ligne
dans la lutte contre l'exclusion.
Comme le souligne Philippe Steck
28(
*
)
, Directeur
des prestations familiales à la CNAF,
" en 1946, la branche
famille de la sécurité sociale abritait en son sein l'essentiel
de la politique familiale française. Cette dernière y puisait un
carénage, une force vive, qui a accompagné les Trente Glorieuses
de l'économie française. Aujourd'hui, elle gère le revenu
minimum d'insertion, l'allocation aux adultes handicapés et l'essentiel
de la politique publique du logement. Elle est interpellée par presque
tous les grands problèmes de société. Au centre de la
lutte contre l'exclusion, au coeur de la cohésion sociale, ses missions
ont subi une mutation considérable dont il convient de prendre la
mesure. "
Comme l'a rappelé Mme Prud'homme, Présidente de la CNAF, lors de
son audition par la commission, le 23 février 2000,
40 % des
allocataires des CAF ne sont pas chargés de famille, ce chiffre pouvant
atteindre 52 ou 53 % dans certaines caisses.
En moins de 30 ans, les prestations familiales traditionnelles, hors logement,
sont passées de 86 % à 57 % des sommes servies par les
CAF tandis que la proportion des prestations versées sous condition de
ressources quintuplait sur la même période, pour atteindre
60 %.
Les titulaires de minima sociaux (RMI, allocation de parent
isolé, allocation aux adultes handicapés) représentent
désormais 15 % de l'effectif total des allocataires, dont 10 %
pour le seul RMI.
Cette évolution des missions de la branche famille s'est traduite par
une augmentation de la charge de travail et, surtout, par un changement de
nature du travail effectué.
Historiquement, les caisses géraient des prestations qu'elles versaient
à des familles, sans rencontrer leurs allocataires. Aujourd'hui, comme
l'a dit un des interlocuteurs de la délégation,
" les
allocataires viennent avec tous leurs problèmes. Ils ont besoin
d'être écoutés, d'être rassurés... Le
métier de technicien-conseil est devenu un travail social. "
Les attentes des allocataires ont évolué : les prestations
versées représentent aujourd'hui une part considérable
-voire la totalité- des revenus d'un nombre important d'allocataires. La
demande adressée aux CAF va désormais très au-delà
du paiement des droits. Il s'agit d'un besoin d'une prise en charge globale de
la situation d'un allocataire, exigeant une relation de service
personnalisée, voire un accompagnement social dans la durée.
Paradoxalement, l'amélioration de la situation économique
renforce le sentiment de précarité chez les personnes les plus
fragiles, qui éprouvent le besoin d'être encore davantage
rassurées. Les CAF de l'Essonne et du Val-de-Marne ont ainsi vu
augmenter de 15 % le nombre des demandes qui leur étaient
adressées en un an. Ce chiffre atteint même 20 % en
Seine-et-Marne.
La branche famille a globalement su faire face à cette nouvelle
responsabilité que constituait la gestion des minima sociaux, au prix
cependant d'une dégradation du service rendu aux allocataires.
Ce phénomène semble avoir touché toutes les caisses. En
Eure-et-Loir, par exemple, la montée en charge du RMI a obligé la
caisse à réduire la fréquence de ses permanences dans les
chefs-lieux de canton et des visites à domicile.
Ces évolutions ont fortement pesé sur un personnel
généralement compétent, dévoué, très
attaché à la mission de l'institution mais mal
préparé à la confrontation avec une population
précarisée et fragilisée, parfois aussi plus agressive.
Lors de leurs entretiens avec les représentants du personnel, vos
rapporteurs ont ainsi pu constater une certaine démotivation et une
grande frustration de la part des personnels des caisses. Ces derniers ont
aujourd'hui le sentiment de ne pas pouvoir offrir aux allocataires le service
qui devrait leur être rendu, ce qui génère chez eux une
grande insatisfaction. Comme l'a indiqué un représentant du
personnel :
" on nous demande de gérer des règles de
plus en plus complexes avec des publics de plus en plus fragiles ".
Vos rapporteurs souhaitent que cette évolution des missions des CAF soit
pleinement reconnue.
Ils constatent que les missions que la branche famille
exerce -à titre gratuit- pour le compte de l'Etat (gestion du RMI, de
l'AAH) s'avèrent particulièrement lourdes et s'effectuent souvent
au détriment de la mission originelle de la branche, qui est d'aider et
de soutenir les familles.
La mission de lutte contre la pauvreté et l'exclusion est
importante : elle ne doit cependant pas avoir pour conséquence de
sacrifier la politique en faveur des familles.
Vos rapporteurs
réaffirment solennellement leur attachement à la politique
familiale, qui doit rester au coeur des missions de la branche famille.
Ils
considèrent en outre que la branche famille ne saurait constituer le
" guichet unique " de la lutte contre la pauvreté et que cette
charge doit être partagée par tous les services publics.
2. La complexité du droit
La
complexité du droit géré par les caisses d'allocations
familiales est indéniable. De fait, comme l'a souligné Mme
Prud'homme, Présidente de la CNAF, devant notre commission, lors de son
audition le 23 février dernier,
les CAF gèrent 25 prestations
légales qui représentent 15.000 règles de droit.
On ajoutera qu'elles prennent en compte
250 faits générateurs
de droit, qu'elles utilisent 270 modèles de pièces justificatives
et en traitent 70 millions par an.
La complexité de ce droit est fortement aggravée par son
instabilité.
Chacun se souvient comment le Gouvernement avait
décidé à l'automne 1997 de mettre sous condition de
ressources les allocations familiales pour décider, quelques mois plus
tard, de revenir finalement sur cette décision
De même, depuis la création de l'aide personnalisée au
logement (APL) en 1977, il y a eu environ 150 textes qui en ont modifié
le régime initial et sur les dernières années, ce sont
plus de 100 modifications de règles qui sont intervenues par an.
La complexité atteint d'ailleurs son paroxysme pour la gestion des aides
au logement : la circulaire explicitant les modalités d'attribution
de ces prestations ne compte pas moins de 83 pages !
La branche famille est de surcroît victime de la conjugaison de
règles très complexes et de changements permanents dans les
situations familiales et professionnelles des allocataires.
Ainsi, en
moyenne, un tiers du fichier des allocataires est modifié chaque mois.
A l'évidence, il y a un équilibre à trouver entre le souci
légitime de suivre au plus près la situation des allocataires et
la nécessité d'éviter aux CAF une gestion trop complexe.
La complexité des règles découle souvent du souci
d'être le plus équitable possible et du goût de nos
concitoyens pour des règles totalement objectives définies au
niveau national, prenant en compte le moindre cas particulier et
ménageant les droits acquis.
La complexité procède également d'une volonté
politique de ciblage social et financier, de la multiplicité des
objectifs poursuivis et d'un faible intérêt du " fabricant de
règles " pour sa gestion par les CAF et sa compréhension par
l'allocataire.
L'évolution récente de la branche famille a vu la
montée en charge de trois types de prestations très
complexes
: celles qui ont recours à des barèmes
extrêmement sensibles que sont les aides personnelles au logement, les
prestations différentielles que sont les minima sociaux, celles qui
supposent des relations avec de multiples partenaires -en moyenne, les CAF sont
en relation avec 60 partenaires susceptibles d'intervenir dans la gestion du
système des prestations.
On ajoutera enfin que les CAF gèrent des prestations qui ressortissent
d'ordres juridiques différents : les prestations familiales
inscrites dans le code de la sécurité sociale, l'APL inscrite
dans le code de la construction de l'habitat, le RMI, ce qui conduit à
des règles distinctes en matière de contentieux, de
récupération d'indus...
Les effets de cette complexité sont redoutables
. La
complexité génère tout d'abord l'incompréhension
des allocataires et constitue un obstacle au bon accès au droit des plus
modestes ; lorsque ces derniers font néanmoins valoir leurs droits,
ceux-ci leur apparaissent incompréhensibles, précaires,
réversibles, arbitraires, déterminés souverainement, au
cas par cas par l'agent qui est en face d'eux.
La complexité conduit à une absence de lisibilité des
choix politiques, un ciblage social souvent inefficace, un ciblage financier
rarement atteint et un coût de gestion accru.
Il y a de fait un coût très important de documentation, de
formalisation, de développement informatique, d'investissement dans des
puissances informatiques supérieures, de formation du personnel, autant
de dépenses supplémentaires qui seraient mieux employées
dans une meilleure qualité du service rendu et un meilleur
accompagnement social des allocataires les plus démunis.
Vos rapporteurs considèrent qu'une protection sociale trop complexe
s'écarte donc de sa finalité essentielle qui est d'apporter une
prévisibilité, une sécurité, notamment aux plus
modestes, et donne prise à une critique, certes plus globale, contre les
services publics.
III. LA CRÉATION DE 900 EMPLOIS : UNE SOLUTION DE FACILITÉ ?
Afin de remédier aux difficultés persistantes que rencontraient certaines caisses, la CNAF a demandé au Gouvernement, en décembre dernier, la création de 1.100 emplois supplémentaires. Cette demande doit être analysée dans un contexte de forte croissance de la productivité de la branche famille.
A. LES EFFORTS IMPORTANTS ACCOMPLIS PAR LA BRANCHE FAMILLE
1. Un coût de gestion en diminution
La
branche famille a réalisé depuis 1970 de très importants
gains de productivité.
Un liquidateur gérait en moyenne 593
allocataires en 1970. Il en gère 992 en 1997.
La branche famille a pris à sa charge la gestion du RMI et de la plupart
des minima sociaux sans que lui soient parallèlement accordés des
moyens supplémentaires. Les moyens humains dont elle disposait ont
même diminué de 1 % depuis 1990. Parallèlement, le
nombre des bénéficiaires du RMI passait de 300.000 personnes
à plus d'un million.
Quelques indicateurs témoignent des efforts remarquables accomplis par
la branche ; ainsi, sur la période 1988-1998 :
- le coût de gestion par allocataire, en francs constants 1996, est
passé de 838 francs à 693 francs soit une diminution de
17 % ;
- le prélèvement global de gestion, c'est-à-dire la
part du Fonds national de gestion administrative par rapport aux prestations,
est passé de 3,82 % à 3,03 % ;
- les écarts de coût entre les caisses ont été
sensiblement réduits : 1 à 2,07 en 1988 ; 1 à
1,53 en 1998.
Ces efforts ont été en outre accomplis dans un contexte de forte
progression de la demande sociale.
2. Une forte progression de la demande sociale
En
raison de la diversité et complexité des prestations
gérées par les CAF et de la prise en charge par la branche
famille d'interventions de plus en plus nombreuses dans le domaine de la
précarité, les CAF sont de plus en plus sollicitées par
leurs usagers et ont à gérer de multiples demandes d'information
et d'explication.
Si le nombre total des allocataires a augmenté de 2 millions entre 1991
et 1998, la demande adressée aux caisses a parallèlement
explosé :
- le nombre de courriers reçus par les CAF est passé de 44
à 60 millions, soit une progression de 36 % ;
- le nombre d'appels téléphoniques traités a
été multiplié par deux sur la période, progressant
de 23 millions en 1991 à 47 millions en 1998.
- les visites au guichet ont augmenté de 68 % passant de 11
millions à 18,4 millions.
A ces éléments quantitatifs vient naturellement s'ajouter un
facteur plus qualitatif, évoqué plus haut, lié à la
profonde transformation de la demande adressée aux caisses par les
allocataires.
B. DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES ?
1. La demande par la CNAF de 1.100 emplois supplémentaires
Arguant
des difficultés que rencontraient les CAF, la CNAF a demandé au
Gouvernement, en décembre dernier, 1.100 postes supplémentaires.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a alors
diligenté une mission de l'IGAS chargée d'évaluer le
bien-fondé de cette demande.
La demande de la CNAF a été justifiée par une note en date
du 13 décembre 1999 rédigée par Mme Annick Morel,
directrice de la CNAF, à l'attention de la ministre.
Dans cette note, la CNAF rappelle tout d'abord que la convention d'objectifs et
de gestion a prévu à la fois un effort particulier sur la
qualité du service rendu à l'allocataire et une stabilisation des
moyens.
La CNAF considère que cette approche n'était crédible
qu'associée au développement du système d'information,
à un effort significatif sur la simplification et la lisibilité
de la réglementation et à une relative stabilité de ses
charges.
Elle estime que les flux de contacts ont évolué plus fortement
que prévu et que la branche famille ne dispose plus, dans nombre de
caisses, des ressources humaines nécessaires pour apporter une
réponse adaptée à la demande sociale qui lui est
adressée.
La CNAF juge que cette situation de déséquilibre -dans un
contexte rendu plus difficile encore par l'absence de perspectives claires sur
le dossier des 35 heures- porte un risque fort de dégradation durable de
la qualité et de tension sociale.
En complément des plans d'action mis en place dans les organismes les
plus en difficulté et des mesures conjoncturelles qu'elle a pu
décider, la CNAF juge donc de sa responsabilité de prendre les
initiatives nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions
prévues par l'article 37.1 de la COG qui prévoit que
" dans la situation où l'équilibre objectifs/moyens est
modifié de façon importante, l'une ou l'autre des parties peut
demander la révision des clauses nécessaires aux fins
d'établir un nouvel équilibre ".
Il apparaît en fait que la CNAF a longtemps espéré qu'une
solution au dossier de la réduction du temps de travail permettrait de
résoudre pour l'essentiel les difficultés rencontrées.
Ainsi, selon la CNAF, une augmentation des effectifs de 6 % aurait permis
de rajeunir la pyramide des âges, de centrer les moyens
complémentaires sur la ligne du public et la production, en redonnant
les souplesses nécessaires, et de corriger, par une meilleure prise en
compte du contexte, les mécanismes de répartition
budgétaire entre caisses.
Pour justifier le chiffre des 1.100 emplois demandés, le CNAF se livre
à l'estimation suivante. Elle constate avoir enregistré
8,9 millions de contacts supplémentaires (courrier reçu,
personnes reçues, appel téléphonique ayant abouti) entre
1996 et 1998. En retenant l'hypothèse qu'un technicien prend en compte
dans une journée de travail une quarantaine en moyenne de contacts
(communication avec l'usager, plus suite à donner), le nombre de
jours-technicien supplémentaire nécessaires pour écouler
le surcroît de travail est de 222.500 jours. Sur la base d'une
activité moyenne annuelle de 220 jours, cela correspond à
1.000 emplois de techniciens et 100 emplois d'accompagnement (encadrement,
logistique) soit un crédit de personnel au Fonds national de gestion
administrative (FNGA) de la branche de 210 millions de francs.
La CNAF précise en outre la façon dont elle répartirait,
en trois parts, les moyens supplémentaires qui lui seraient
accordés :
- une part des moyens irait à l'ensemble du réseau ;
- une part serait affectée aux caisses qui connaissent des
difficultés particulières ;
- une part serait affectée à la mise en place ou au
renforcement de moyens mutualisés (audit, organisation, techniciens...)
utilisés en cas de nécessité. Ces moyens permettraient,
selon la CNAF, de mettre en place des actions de solidarité dès
l'apparition d'une difficulté durable, afin d'éviter l'effet
" boule de neige " sur la charge de travail d'un stock de dossiers en
retard trop important.
Une nouvelle note de la directrice de la CNAF, en date du 15 février
2000, adressée à la ministre, est venue apporter des
éléments complémentaires et réévalue le
nombre d'emplois nécessaires pour remplir les trois principaux
engagements de service prévus par la convention d'objectifs et de
gestion : 437 agents pour atteindre les 90 % de courriers
traités en moins de 3 semaines, 245 agents pour faire en sorte que
90 % des visites soient traitées en moins de 30 minutes et 800
agents pour que 70 % des communications abouties sont traitées,
soit un besoin total de 1.482 agents.
Cette note comporte un net infléchissement de la position de la CNAF sur
la question de l'utilisation des moyens supplémentaires si ceux-ci
venaient à être accordés. La CNAF prévoit en effet
de
" constituer deux enveloppes à part égale : l'une
attribuée sur une base paramétrée à l'ensemble des
organismes, à savoir 550 emplois, afin de permettre de mieux
préparer les 35 heures en terme de recrutement, de formation et
d'organisation. Lorsque nous disposerons de tous les éléments
pour apprécier le besoin de compensation suite aux 35 heures, il est
bien évident que la souplesse déjà apportée
à toutes les CAF sera prise en compte. L'autre dotation destinée
à compenser les besoins des caisses en situation fragile est
attribuée sous forme de dotation résorbable. Il va de soi que
cette avance doit être accordée sur une durée suffisamment
longue pour être significative au plan de gestion de l'organisme. D'ici
là, le rendez-vous de la prochaine COG devra permettre d'approfondir le
rapport charges-moyens de l'institution. "
2. 900 postes accordés dont une partie au titre de la réduction du temps de travail
Analysant la demande de la CNAF, l'IGAS a
considéré
pour sa part
29(
*
)
que le mode de calcul
des 1.100 emplois demandés était
" sujet à
caution : entre autres observations, si le souci d'une mesure fine de
l'alourdissement des tâches des CAF est tout à fait recevable, il
en résulte ici une addition de flux par trop
hétérogènes (pièces, allocataires reçus et
appels téléphoniques), de surcroît rapportée
à une évaluation assez fragile de la productivité moyenne
d'un technicien conseil.
" Au plan des principes, le recours à l'article 37.1 de la COG est
discutable : la dégradation du rapport charges/moyens est due
à des causes internes et largement prévisibles en 1997
(Cristal) ; quant à l'alourdissement du service aux allocataires,
il résulte a priori d'un engagement contractuel.
" A l'inverse, la mission conclut qu'il serait irréaliste de
repousser totalement cette demande. En effet, tous les organismes ont
pâti des effets de Cristal, lesquels ont neutralisé, voire
dépassé les gains de productivité de la branche sur la
période, de sorte que celle-ci peine à atteindre les objectifs
volontaristes de la COG.
" Dans ce contexte, il n'y a pas à attendre à très
court terme (d'ici 2001) des gains de productivité significatifs de
Cristal de nature à rétablir les capacités entamées
de certaines CAF. Quant à la sensibilité du contexte, elle est
réelle : un climat social fortement marqué par la ligne de
fuite des 35 heures ; un engagement vigoureux de la CNAF, surtout
depuis l'été 1999, qui a créé des attentes assez
générales ".
Le rapport de l'IGAS préconise par conséquent
" une
approche alternative de remise à niveau ciblée, afin de permettre
à la branche le saut qualitatif nécessaire pour retrouver un
chemin de progrès mis à mal par le contexte
informatique ".
Après de savants calculs et une répartition caisse par caisse, le
rapport propose d'accorder une
dotation de 451 postes à temps plein
pour les CAF de province et de 116 postes pour les CAF de région
parisienne, soit un total de 567 postes.
Sans attendre les résultats de la mission confiée à
l'IGAS, le Gouvernement a donné son accord, dès le 22
février 2000, à la création de 900 emplois à
durée indéterminée.
Dans un courrier en date du 25 février, adressé à Mme
Annick Morel, directrice de la CNAF, le directeur de cabinet de la ministre de
l'emploi et de la solidarité indiquait en effet :
" la
Branche famille a souhaité que ses moyens soient renforcés. J'ai
le plaisir de vous faire connaître que l'Etat est disposé à
répondre favorablement à cette demande ".
Le courrier précisait :
" l'Etat a décidé
d'accompagner les efforts de la branche et de consolider ces premiers acquis en
autorisant l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses, à
hauteur de 900 emplois pérennes. Ces emplois répondent à
un double objectif : redresser l'équilibre charges/moyens des
caisses, notamment pour les plus fragiles d'entre elles, et anticiper dans de
bonnes conditions la mise en place de la réduction du temps de travail.
" Mais ces emplois, pour une grande part d'entre eux, seront pris en
compte dans les évolutions d'effectifs qui résulteront de la
réduction du temps de travail. Les créations nettes ne pourront
être déterminées de manière définitive que
lorsque nous disposerons d'une analyse précise des besoins, notamment
à partir des conclusions de la mission de l'inspection
générale des affaires sociales.
" Le financement de ces emplois sera assuré sur l'exercice 2000 par
une augmentation de la dotation budgétaire de la branche famille et par
une affectation des excédents de gestion de la branche. La
négociation du budget de gestion administrative 2001 tiendra compte des
évolutions d'effectifs intervenues en 2000. "
Par lettre en date du 4 avril 2000, adressée à Mme Nicole
Prud'homme, le directeur de cabinet de la ministre de l'emploi et de la
solidarité confirmait la décision du Gouvernement et invitait la
CNAF à donner aux CAF les instructions de
" procéder aux
recrutements sans tarder ".
Il ajoutait :
" il me semble
souhaitable de se fixer un rendez-vous au moment de la mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail pour fixer avec précision les
nouvelles embauches qui seront nécessaires compte tenu de celles qui
auront eu lieu début 2000. Ce rendez-vous prendra en compte les
conclusions définitives du rapport de l'IGAS. "
Le Conseil d'administration de la CNAF a décidé le 4 avril 2000
que ces 900 postes seraient affectés de la façon suivante :
- 600 postes seront répartis entre l'ensemble des caisses
selon les critères d'attribution habituels ;
- 100 postes seront affectés à des moyens
mutualisés d'expertise et de solidarité régionale ;
- 200 postes seront attribués aux caisses les plus fragiles
pour lesquelles le financement paramétré se
révélera insuffisant. Parmi ces 200 postes, 120 seront
consacrés à 6 caisses d'Ile-de-France.
Le coût sur l'année 2000 de ces créations d'emplois est
évalué à 135 millions de francs.
Pour vos rapporteurs, la décision du Gouvernement d'autoriser la
création de 900 postes dans les CAF apparaît comme un choix
éminemment politique qui résulte plus d'un souci d'apaisement que
d'une réelle volonté de renforcer les moyens dont dispose la
branche : une part -non définie- de ces emplois constitue en effet
un acompte sur les créations d'emplois nécessaires pour compenser
la réduction du temps de travail.
En demandant la création de 1.100 emplois, la branche famille avait,
à l'évidence, choisi une solution de facilité qui lui
permettait de faire l'économie d'une réflexion sur ses modes de
fonctionnement et de rassembler ses personnels autour d'une idée simple
et toujours porteuse : nous ne sommes pas assez nombreux pour faire face
à l'accroissement de nos missions !
La réduction du temps de travail avait, il est vrai,
généré une forte attente auprès des personnels et
des dirigeants de la branche famille. Tous y voyaient la solution miracle
à leurs difficultés. Dans ce contexte, la négociation
difficile sur les modalités de cette réforme, qui est applicable
au personnel des caisses depuis le 1
er
février, avait
contribué à accroître fortement les tensions sociales.
La création de ces nouveaux emplois constitue également une
solution de facilité pour le Gouvernement qui peut ainsi donner
satisfaction à la branche tout en refusant de se prononcer sur le
bien-fondé de cette demande et en conservant en réalité
toute latitude sur les créations nettes d'emplois.
En outre, le Gouvernement pouvait difficilement refuser tout effort en faveur
de la branche famille puisqu'il avait déjà accordé 1.500
postes supplémentaires à plein temps à la branche maladie
au titre de la nouvelle mission que constitue la gestion de la CMU.
Pour vos rapporteurs, la création de ces nouveaux emplois peut certes
apporter une bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en
difficultés. Il n'était en outre pas anormal d'anticiper sur le
passage aux 35 heures, qui, à l'évidence, ne peut se faire
à moyens constants. Or, il faut du temps pour former un technicien -un
an environ- pour adapter l'organisation, pour négocier, au plan local,
un nouveau cadre de fonctionnement.
Il est douteux toutefois que cette solution de facilité permette de
faire l'économie d'une véritable simplification du droit et de
réels efforts de réorganisation interne.
IV. DEUX PRIORITÉS : SIMPLIFIER LE DROIT, AGIR SUR L'ORGANISATION
A. SIMPLIFIER LE DROIT : UN PROJET POLITIQUE
Pour
éviter que la branche famille ne soit, à l'avenir,
confrontée à de nouvelles difficultés, vos rapporteurs
jugent qu'il convient d'engager rapidement
une démarche de
simplification du droit
régissant les prestations versées par
les caisses d'allocations familiales.
Les allocataires doivent pouvoir
bénéficier d'un système de prestations sociales
cohérent, stable et accessible.
Cette simplification est d'ailleurs expressément prévue par
l'article 3 de la convention d'objectifs et de gestion :
" L'objectif de simplicité est au coeur de l'exercice par chaque
usager de service public de ses droits (notamment pour les plus modestes
d'entre eux), de clarté et donc d'efficacité des politiques
publiques, de moindre coût de gestion et d'exactitude de la liquidation
des droits, donc de juste dépense ".
L'article 3.1 prévoit en outre :
" Dans le respect des
équilibres financiers de la branche famille et de l'Etat, l'Etat et la
CNAF se fixent pour objectif la mise en oeuvre d'un programme de
simplification ; ils établissent en commun d'ici le 1
er
juillet 1998 un rapport sur ce sujet en assortissant les propositions d'une
étude d'impact social et financier faisant apparaître leurs
conséquences sur les droits des allocataires. "
Force est de constater que cet article n'a guère été suivi
d'effets.
Un gros travail a été accompli depuis une quinzaine
d'années par la branche famille sur la simplification des
prestations : cette démarche est pourtant restée lettre
morte faute d'un réel soutien du ministère de l'emploi et de la
solidarité. La direction de la sécurité sociale
considère ainsi que la complexité est un faux problème, en
partie réglé par l'informatisation. Elle fait observer en outre
que la simplification a un coût.
Vos rapporteurs contestent l'idée
a priori
selon laquelle
toute forme de simplification coûte
: la complexité
génère également des coûts non négligeables,
certaines simplifications ne coûtent pas -l'unification des règles
de contentieux par exemple-, d'autres permettent de faire des économies.
De même, toute simplification n'est pas nécessairement
inéquitable : la complexité est aussi inéquitable et
certaines simplifications -telles que l'unification des aides au logement- sont
des mesures de justice sociale.
Enfin, il faut admettre que la sécurité juridique est un
critère au moins aussi important que l'adaptation à la moindre
situation particulière.
Ces réflexions conduisent vos rapporteurs à considérer que
cette entreprise de simplification n'est pas un projet technique ou
gestionnaire, mais bien un projet politique
. Ils espèrent que la
prochaine conférence de la famille, qui doit se réunir le 15 juin
2000, sera l'occasion, pour le Gouvernement, d'annoncer des décisions
fortes et effectives en ce domaine.
B. AGIR SUR L'ORGANISATION : UN PROJET POUR LA BRANCHE FAMILLE
Les
difficultés rencontrées par certaines caisses d'allocations
familiales -particulièrement en région parisienne- ont
démontré que les choix faits en matière d'organisation du
travail avaient un impact considérable sur l'écoulement de la
charge de travail et la capacité à faire face à des
exigences accrues.
Vos rapporteurs considèrent que les moyens supplémentaires
accordés à la branche famille ne porteront leurs fruits que s'ils
sont effectivement accompagnés d'efforts réels en faveur d'une
meilleure organisation du travail.
La négociation sur l'application de la réduction du temps de
travail dans la branche fournit à cet égard une occasion unique
de repenser les modalités de l'organisation du travail dans les CAF,
d'introduire davantage de souplesse et de flexibilité, et
d'améliorer ainsi l'efficacité et la qualité du service
rendu à l'usager.
Des efforts importants doivent être engagés qui permettent une
simplification des procédures internes et une meilleure gestion des
ressources et des moyens disponibles. Certaines caisses, Evry et Melun par
exemple, viennent d'ailleurs d'engager une démarche en ce sens.
La branche famille semble avoir pris conscience de cette
nécessité. Elle a ainsi présenté en mars 2000 un
Plan d'action dont l'axe n°2
vise précisément
à
" agir sur l'organisation, les processus et la relation de
service ".
Ce plan d'action énumère un certain nombre de chantiers que vos
rapporteurs soutiennent fortement :
-
l'élaboration d'une représentation globale du processus
de production
qui permettrait de décrire la nature et le volume des
flux d'entrées usagers et partenaires, les fonctions, les qualifications
et les métiers impliqués, d'identifier les problématiques
et les liens à assurer pour une optimisation du processus d'ensemble, et
de préciser, en conséquence, les paramètres de pilotage et
de contrôle de gestion ;
- la simplification des procédures
. Le plan d'action
prévoit de simplifier les pratiques professionnelles et les circuits,
d'alléger le dispositif des pièces justificatives,
d'améliorer la communication écrite (imprimés,
notifications, supports d'information générale de l'allocataire),
de valoriser la prise d'information par téléphone et sous toute
autre forme dématérialisée ;
-
une meilleure organisation des modes de contact de la branche
(téléphone, accueil, communication électronique...)
-
l'accompagnement du métier de technicien-conseil
, par la
formation, le développement d'outils d'aide à la gestion et
à la communication avec l'usager. Le plan d'action précise que
l'approche globale des situations allocataires devra être
privilégiée.
-
une meilleure mesure des charges, de l'activité et des
résultats de la branche
. Le plan d'action prévoit
d'identifier et de décrire les données, ratios et indicateurs
dont la branche a besoin, de convenir de règles d'éthique,
d'automatiser, de fiabiliser et de mettre à disposition les
données, d'assurer la gestion et la maintenance du dispositif sur la
durée ;
-
la stabilisation et l'optimisation le système
d'information
. L'objectif est d'appuyer les chantiers prioritaires et de
privilégier les actions ayant un impact sur l'efficacité de la
production.
Vos rapporteurs espèrent que ce plan d'action ambitieux ne restera
pas à l'état de voeu pieux et que les chantiers qui ont
été ainsi ouverts seront menés à bien.
Ils partagent à cet égard la conclusion de l'IGAS
30(
*
)
qui souhaite
" que cette amélioration
globale de la liquidation des dossiers, consolidée par les mesures
prises par la tutelle, permette aux caisses, après les
difficultés de ces derniers mois, de se réinvestir sur l'enjeu
majeur de la première COG que constitue la mutation d'une " culture
de production " à une " culture de qualité "
centrée sur le service rendu aux usagers. "
Dans un environnement social en mutation, la branche famille doit s'adapter
pour offrir, demain, un service de qualité à ses allocataires. Ce
sera là tout l'enjeu de la prochaine convention d'objectifs et de
gestion qui couvrira les premières années du troisième
millénaire.
TROISIÈME PARTIE
-
LA GESTION DES EXONÉRATIONS
DE
COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE
Les
débats parlementaires sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 ont principalement porté sur le
financement des trente-cinq heures et la création du
" fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale "
. A cette occasion, votre commission
avait dénoncé
" la confusion entre politique de l'emploi
et financement de la sécurité sociale "
.
L'économie générale du dispositif, morcelée entre
trois textes différents (loi de financement de la sécurité
sociale, loi de finances, loi sur la réduction du temps de travail),
était difficilement lisible. De plus, le 13 janvier 2000, dans sa
décision sur la loi sur la réduction du temps de travail, le
Conseil constitutionnel a annulé la taxe sur les heures
supplémentaires, dont le produit -estimé à 7 milliards de
francs- représentait plus de 10 % des recettes du Fonds.
Jusqu'à présent, les exonérations de cotisations sociales
étaient soit ciblées (et donc incitatives), soit
générales dans le cadre de l'abaissement des charges sur les bas
salaires.
La réduction du temps de travail -en dehors même du coût
financier supplémentaire qu'elle représente
31(
*
)
- a introduit un mélange des genres en
instaurant un mécanisme pérenne d'allégement des charges
en contrepartie d'un accord 35 heures. Si la loi n° 98-461 du 13 juin 1998
d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de
travail (dite loi Aubry I) s'inscrit encore dans un système incitatif et
sous conditions, la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la
réduction négociée du temps de travail (dite loi Aubry II)
s'apparente à la juxtaposition d'une contrainte -la RTT- et d'une mesure
d'allégement des charges sur les bas salaires. La philosophie des
dispositifs d'exonération de cotisations est ainsi profondément
modifiée. Cette confusion caractérise désormais non
seulement la politique menée, sa mise en oeuvre sur le terrain par les
URSSAF et les services déconcentrés du ministère de
l'emploi et de la solidarité, mais également son
évaluation et son contrôle par le Parlement, à travers une
présentation budgétaire (en loi de financement de la
sécurité sociale et en loi de finances) particulièrement
complexe.
En outre, les aides aux trente-cinq heures et l'équilibre du Fonds de
financement ont été conçues dans un contexte financier
très particulier : celui du " retour pour les finances
publiques ", et singulièrement pour les organismes de protection
sociale (UNEDIC et régimes obligatoires de base)
32(
*
)
. Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, opposait volontiers la ristourne Juppé, dont les
effets sur l'emploi étaient incertains, et le mécanisme Aubry I,
permettant la comptabilisation administrative " un par un " des
emplois créés ou sauvegardés.
Avec le mécanisme Aubry II, cette comptabilisation est
définitivement impossible ; mais la théorie du
" retour " n'a pas été abandonnée.
Aussi a-t-il paru à votre Commission utile de faire le point sur la
façon dont concrètement cette politique était mise en
oeuvre et comment ses résultats pouvaient être
appréciés.
|
|
Déplacements sur place |
|
15 février 2000 |
ACOSS : entretiens avec M. Jean-Louis Buhl, directeur et l'équipe de direction |
8 mars 2000 |
URSSAF d'Arras : entretiens avec M. Michel Dollet, directeur et l'équipe de direction |
|
Table ronde avec M. René Miroux de la SA Miroux, M. Claude Dreulle de la société Oldham, M. Alain Huret de la SA Bennes Huret, M. Régis Dhennin, expert comptable Société Secofinord, M. Philippe Daubresse, expert comptable Cabinet Desplanque, M. Gherrbrant, président et M. Chere, directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie d'Arras, et Mme Duhomez, responsable des questions liées à la loi " Aubry II " au sein de cette CCI |
Auditions des rapporteurs |
|
Ministère de l'emploi et de la solidarité |
|
15 février 2000 |
M. Dominique Libault, 5 ème sous-direction de la Direction de la sécurité sociale (DSS) |
22 février 2000 |
Mme Annie Gauvin, M. Xavier Broseta, Mme Claude Scholzen, Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) |
23 février 2000 |
M. Claude Seibel, Direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques (DARES) |
22 février 2000 |
M. Didier Banquy, 6 ème sous-direction de la Direction du budget |
Auditions dans le cadre de la commission (cf. travaux de la commission) |
|
15 mars 2000 |
M. Bernard Caron, président et M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'ACOSS |
15 mars 2000 |
Mme Catherine Barbaroux, délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle |
I. LA MULTIPLICATION DU NOMBRE DE MÉCANISMES D'EXONÉRATION DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE : UN ENJEU CONSIDÉRABLE POUR LES FINANCES PUBLIQUES
Il convient de rappeler tout d'abord les raisons du " succès " des exonérations de cotisations de sécurité sociale, devenues le principal instrument de la politique de l'emploi.
A. L'EXONÉRATION DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE EST UN OUTIL SÉDUISANT, PERMETTANT UNE BAISSE IMMÉDIATE DES CHARGES PESANT SUR LES ENTREPRISES
Deux raisons expliquent le succès des exonérations de cotisations de sécurité sociale.
1. Un mécanisme rapide
Par
rapport à d'autres mécanismes visant à alléger les
charges fiscales et sociales sur les entreprises (primes, aides,
exonération fiscale),
une exonération de cotisations de
sécurité sociale est en elle-même " simple "
à mettre en oeuvre.
Pour certaines exonérations, l'entreprise s'applique elle-même le
mécanisme. Ainsi, elle n'a pas à supporter de délais
d'attente pour être remboursée, ni de demande à instruire
auprès des différentes administrations. L'exemple de
l'allégement de charges sur les bas salaires (ristourne Juppé)
montre le succès d'un mécanisme simple : l'entreprise se
borne à renseigner la ligne " réduction bas salaires "
sur le bordereau récapitulatif de cotisations (BRC). Elle doit, en
outre, mentionner le nombre de salariés concernés et le montant
de la réduction.
Certains mécanismes d'exonération nécessitent cependant
une déclaration préalable, ou même la signature d'une
convention avec un organisme faisant partie du " service public de
l'emploi " : soit l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), soit la
Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle (DDTEFP).
Exemples de formalités différentes
Déclaration préalable URSSAF |
Déclaration préalable DDTEFP |
Signature d'une convention DDTEFP |
Signature d'une convention ANPE |
Signature d'une convention DDTEPF - ANPE |
- exonération premier salarié |
-
exonérations Aubry II
|
-
exonérations Aubry I
|
- contrats initiative emploi |
- contrats d'orientation |
2. Un mécanisme universel
Une
exonération de cotisations de sécurité sociale est
également un mécanisme universel
: toute entreprise employant
des salariés s'acquitte de cotisations de sécurité
sociale, alors qu'il existe nombre d'entreprises payant peu ou pas du tout
d'impôts (l'impôt sur les sociétés n'est
recouvré qu'à partir d'un seuil, par exemple).
En revanche, l'exonération de charges sociales visant à prendre
en compte les difficultés de tel ou tel secteur n'échappe plus au
contrôle de la Commission européenne sur les aides publiques
à l'emploi. Dans le passé, les pouvoirs publics ont pu
considérer qu'une exonération de charges sociales pouvait
échapper à ce contrôle, à la différence d'une
aide directe.
Le
" plan textile " : une exonération de charges
sociales
réservée à un secteur d'activité est
une aide directe
L'article 99 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF) avait
institué une exonération spécifique au secteur du textile,
de l'habillement, du cuir et de la chaussure. Cette exonération, faisant
partie du " plan textile ", était applicable sous conditions
jusqu'au 31 décembre 1998. Elle portait sur les salaires
inférieurs à 1,5 fois le SMIC (au lieu de 1,2, puis 1,33 dans le
cadre de la ristourne générale).
Le décret d'application n° 96-572 du 27 juin 1996 fixait la
réduction à 734 francs par mois et par salarié pour
les salariés rétribués au SMIC, pour diminuer
progressivement jusqu'à disparaître pour les salariés
rémunérés à hauteur de 1,5 fois le SMIC. Le
coût total du dispositif s'élevait à un peu plus de 1,8
milliard de francs.
Conformément à la loi, des accords collectifs de branche ont
été signés, ainsi que des conventions cadres relatives
à l'emploi, avec chacune des branches professionnelles concernées.
La Commission européenne, dans sa décision 97/811/CE, a
considéré que l'aide était illégale, dans la mesure
où elle avait été mise en oeuvre avant que la Commission
ne se soit prononcée à son sujet.
Le Gouvernement français a considéré que la Commission
avait commis une erreur de droit, puisque les aides du plan textile
étaient " compensées " ou
" neutralisées " par des engagements des entreprises. De fait,
seuls les deux tiers des entreprises, représentant une proportion
égale de salariés, avaient adhéré au dispositif, le
tiers restant estimant que les contreparties exigées par l'Etat
étaient trop lourdes.
La Cour de justice des communautés européennes a rappelé,
le 5 octobre 1999, sa jurisprudence constante (affaire C-251/97) :
- un dégrèvement partiel des charges sociales incombant aux
entreprises d'un secteur industriel particulier constitue une aide au sens de
l'article 92, paragraphe I, du Traité (arrêt du 2 juillet
1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709) ;
- le caractère social des interventions étatiques ne suffit
pas à les faire échapper d'emblée à la
qualification d'aides au sens de l'article 92.
Les conditions de remboursement du plan textile ont été
précisées par une circulaire du ministère de l'emploi et
de la solidarité et du ministère de l'économie et des
finances en date du 31 mars 2000. Seules les entreprises de plus de 50
salariés sont concernées, pour la partie de l'aide perçue
au-delà de 656.000 francs (le principe d'interdiction des aides d'Etat
ne s'appliquant pas aux aides dont le montant n'excède pas 656.000
francs sur trois ans). L'aide est majorée d'un intérêt
moratoire de 6,01 %. Le remboursement, calculé par l'entreprise en
tenant compte des allégements dont elle aurait pu éventuellement
bénéficier, s'effectue en une seule fois et au plus tard le
1
er
juillet 2000, s'il est inférieur à 10.000
francs. Si le montant du remboursement est plus élevé, le
paiement peut être échelonné en versements trimestriels
prenant fin au plus tard le 1
er
avril 2003. Une déclaration
dûment remplie doit être adressée à l'URSSAF. A
défaut de déclaration, ou en cas d'insuffisance, l'URSSAF
évalue forfaitairement à titre de provision les sommes à
récupérer.
600 entreprises seraient concernées, pour un montant de 500 millions de
francs.
B. LE DÉVELOPPEMENT DES MÉCANISMES D'EXONÉRATION S'EXPLIQUE PAR LA MULTIPLICATION DES OBJECTIFS POURSUIVIS
Un " recensement " des différents mécanismes fait apparaître la diversité des objectifs poursuivis.
1. Les différentes vagues des mécanismes d'exonération
Si le
premier mécanisme d'exonération de charges sociales date de 1979,
le véritable développement de ces exonérations remonte
à une dizaine d'années.
Trois " générations " peuvent être
distinguées :
- la première génération (1989-1992)
est celle
de
mécanismes d'exonérations spécifiques, à
destination de publics particuliers
(chômeurs longue durée,
chômeurs âgés, jeunes chômeurs...).
- la deuxième génération (1993-1996)
est celle
du
développement massif et généralisé des
exonérations
, tout d'abord à travers la loi quinquennale de
1993 et la loi de 1995 instaurant la ristourne unique dégressive. Cette
" explosion " est financièrement rendue possible par la loi du
25 juillet 1994, qui instaure le principe de compensation de ces
exonérations par le budget de l'Etat : en effet, un
développement massif des exonérations sans compensation aurait
fortement menacé les finances sociales, déjà mises
à mal par la crise économique ;
- la
troisième génération (depuis 1996)
est
centrée autour de la
réduction du temps de travail
,
à travers des dispositifs incitatifs (loi n° 96-502 du 11 juin 1996
tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la
réduction conventionnels du temps de travail, dite " loi de
Robien ", loi Aubry I et loi Aubry II).
Historique des dispositifs d'exonération de charges
sociales
Date |
Nom du dispositif |
1979 |
1.
Contrat d'apprentissage
|
1984 |
3.
Contrat de qualification
|
1987 |
5.
Associations intermédiaires
|
1989 |
7.
Exonération premier salarié
|
1990 |
9. Contrat emploi-solidarité |
1991 |
10. Contrat d'orientation |
1992 |
11.
Contrat emploi consolidé
|
1994 |
13.
Exonération de cotisations d'allocations familiales pour les entreprises
nouvelles créées avant le 31.12.1999 et exonérées
d'impôt
|
1995 |
18.
Contrat initiative-emploi (CIE) (a remplacé le contrat de retour
à l'emploi)
|
1996 |
25. ARTT
de Robien
|
1997 |
28.
Réduction dégressive bas salaires majorée pour transports
routiers " longue distance "
|
1998 |
33. Aide forfaitaire à la RTT- Aubry I |
1999 |
34. Entreprises de travail temporaire d'insertion |
2000 |
35. Aides 35 heures |
2. Une palette très large
Il
existe aujourd'hui, selon les comptabilisations, trente-cinq ou trente-six
mécanismes différents d'exonération de cotisations de
sécurité sociale
Cinq grandes catégories peuvent être distinguées :
a) L'exonération de charges sociales poursuivant un objectif d'allégement du coût du travail
La
réduction dégressive sur les bas salaires, instituée en
septembre 1995, est le plus important dispositif d'exonération de
charges sociales. Fusionné avec l'exonération de cotisations
d'allocations familiales le 1
er
octobre 1996, ce
mécanisme a été pérennisé par l'article 115
de la loi de finances pour 1998, qui a baissé le seuil de 1,33 à
1,3 SMIC.
Cette catégorie comprend également
l'exonération
premier salarié
(dispositif de 1989). Il s'agit d'inciter un
travailleur indépendant ou un agriculteur, un gérant d'une
entreprise dépourvue de salarié, d'embaucher un salarié.
L'exonération est alors de 100 % des cotisations patronales de
sécurité sociale pendant 24 mois (la durée du contrat si
CDD). Elle est limitée, depuis la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, à la partie de la
rémunération égale au SMIC.
Enfin,
l'exonération sur l'emploi de salariés occasionnels
agricoles
est réservée aux salariés occasionnels (au
plus 110 jours par an et par employeur) et demandeurs d'emploi d'au moins
quatre mois des exploitants agricoles. La réduction est de 58 % des
cotisations patronales (hors cotisations d'allocations familiales).
b) L'exonération de charges sociales conditionnée à la réduction du temps de travail
Ces
exonérations nécessitent la réduction du temps de travail
dans l'entreprise. Elles tendent à " compenser " pour
l'employeur le surcoût salarial en résultant.
L'allégement en faveur de l'aménagement et de la
réduction conventionnels du temps de travail
(loi de Robien),
même s'il a été abrogé par la loi du 13 juin 1998,
reste en vigueur, pour une durée de sept ans, pour les entreprises
conventionnées avant l'entrée en vigueur de la loi Aubry I.
L'aide forfaitaire dégressive à la réduction du temps
de travail
(loi Aubry I) a une durée limitée à cinq
ans.
La réduction élargie sur les bas salaires
(loi Aubry II)
fusionne la " ristourne Juppé " étendue à 1,8
SMIC et une aide forfaitaire (à raison de 4.000 francs par an et
par salarié). Il s'agit d'un dispositif permanent.
L'abattement 30 % pour les emplois à temps partiel
est
entré en vigueur le 1
er
septembre 1992. Cet abattement de 30
% vise les emplois à temps réduit dans les entreprises ayant
réduit la durée du travail. Cet abattement est supprimé
à compter du 31 décembre 2000 (loi du 19 janvier 2000).
c) L'exonération " sectorisée " visant à prendre en compte les difficultés particulières de tel ou tel secteur
Ces
mesures d'exonération
sont destinées à prendre en
compte les difficultés particulières de tel ou tel secteur
d'activité :
-
réduction unique dégressive majorée pour les
salariés relevant de dispositions particulières en matière
de durée du travail
(hôtels, cafés, restaurants et
transports routiers " longue distance ") ;
-
avantages en nature " repas " dans les hôtels,
cafés et restaurants :
comme le titre restaurant n'est pas
utilisé dans ce secteur, les employeurs s'acquittent de cotisations sur
la valeur forfaitaire du repas fourni au salarié (2,58 francs par
repas et par salarié au 1
er
juillet 1999). La
réduction forfaitaire a d'abord été de 25 %, puis de
50 %, pour être relevée progressivement à 100 %.
Il convient de mentionner également les exonérations à
destination du secteur agricole :
-
exonérations de cotisations d'allocations familiales pour les
salariés des exploitants agricoles
;
-
réduction de cotisations pour les jeunes exploitants agricoles
(article 8 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000, pérennisant et étendant un mécanisme de
nature réglementaire institué en 1985)
.
Entre également dans cette catégorie l'
exonération de
cotisations d'allocations familiales pour certains régimes
spéciaux de sécurité sociale
.
On peut enfin mentionner les exonérations qui s'attachent à la
qualité de l'employeur : l'emploi d'une
aide à domicile
par une personne âgée
(plus de 70 ans)
ou invalide
(justifiant des conditions d'attribution de la prestation dépendance) ou
ayant des enfants handicapés.
Les associations et organismes employant une aide à domicile
auprès d'une personne âgée ou invalide
bénéficient d'une exonération de 100 % des
cotisations patronales de sécurité sociale sur la partie de la
rémunération versée au titre de l'activité
réellement effectuée auprès du public visé.
d) L'exonération de charges sociales ciblée sur des publics particuliers poursuivant un objectif d'insertion sociale
Ces
exonérations visent à " changer la file d'attente " du
marché du travail, en avantageant l'embauche en contrat à
durée indéterminée ou en contrat à durée
déterminée de " publics " dont
" l'employabilité " est limitée.
Plusieurs " publics " font l'objet de mesures
d'exonération :
- les moins de 26 ans ;
- les demandeurs d'emploi de longue durée ;
- les chômeurs âgés.
•
Les contrats visant à qualifier les jeunes
Les exonérations sont, en général, de 100 % des
cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite du
SMIC et du nombre d'heures effectuées
33(
*
)
.
Le
contrat d'apprentissage
est un contrat à durée
déterminée (CDD) de un à trois ans, qui s'adresse aux
jeunes de 16 à 25 ans, préparant un diplôme de niveau V ou
IV en alternance, employés par des entreprises artisanales,
industrielles, commerciales, libérales et agricoles, et à titre
expérimental, depuis 1992, par l'Etat, les collectivités
territoriales et les établissements publics administratifs.
Le
contrat de qualification
est un CDD de six à vingt-quatre
mois, destiné aux jeunes de 16 à 25 ans, sans qualification ou
n'ayant pas pu obtenir un emploi, qui suivent une formation en alternance
auprès d'un employeur privé. Le contrat de qualification a
été étendu aux adultes, à titre
expérimental, jusqu'en 2000. L'exonération est de 100 % des
cotisations patronales de sécurité sociale, dans la limite du
SMIC.
Le
contrat d'orientation
est destiné aux jeunes de 16 à 22
ans non diplômés de l'enseignement technique, ou ayant suivi un
second cycle de l'enseignement général sans diplôme (CDD
d'au plus six mois auprès d'un employeur du secteur privé), ainsi
qu'aux moins de 25 ans diplômés de l'enseignement secondaire
général, mais non diplômés de l'enseignement
technique et ayant abandonné leurs études supérieures sans
diplôme du premier cycle (CDD d'au plus neuf mois auprès d'un
employeur du secteur privé).
•
Les contrats visant à l'insertion dans le secteur
marchand
Le
contrat initiative-emploi
(CIE) s'adresse aux demandeurs d'emploi de
longue durée (douze mois au moins), titulaires du revenu minimum
d'insertion (RMI), travailleurs handicapés, bénéficiaires
de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), chômeurs
âgés de plus de 50 ans demandeurs d'emploi depuis trois mois ou en
congé de conversion, bénéficiaires de l'allocation
veuvage, jeunes de 18 à 25 ans sans qualification ou au sortir du
service national. L'embauche peut se faire sous la forme d'un CDI ou d'un CDD
(douze à vingt-quatre mois).
Le
contrat de retour à l'emploi
concernait les chômeurs
âgés de plus de 50 ans et demandeurs d'emploi depuis plus d'un an
ou percevant le RMI et sans emploi depuis un an. Cette mesure emploi demeure
applicable pour les contrats conclus avant le 1
er
juillet 1995.
Les
entreprises d'insertion
disposent d'une exonération, visant
à insérer dans le secteur marchand des personnes sans emploi
rencontrant des difficultés sociales et professionnelles
particulières (CDD renouvelables deux fois dans la limite de
vingt-quatre mois).
Les
entreprises de travail temporaire d'insertion
bénéficient de la même exonération depuis la loi du
29 juillet 1998.
L'aide à la création et à la reprise d'entreprises
(ACRE)
est réservée également à des publics
particuliers (chômeurs, bénéficiaires du RMI, etc.). Elle
est subordonnée à l'accord d'un comité
départemental, chargé d'apprécier la viabilité du
projet.
•
Les contrats visant à l'insertion dans le secteur
non marchand
Le
contrat emploi-solidarité (CES)
est un CDD à temps
partiel (20 heures par semaine), à destination des mêmes
publics que le contrat initiative-emploi, mais employés par les
collectivités territoriales, les personnes morales de droit public, les
associations, etc. L'exonération est de 100 % dans la limite des
20 heures et du SMIC.
Le
contrat emploi consolidé
a pris la suite logique du CES,
s'adressant au même public, quelque peu élargi, et augmentant la
durée minimum de travail à 30 heures.
Les
emplois de ville
constituaient le pendant des CES pour les jeunes de
18 à 25 ans sans qualification résidant dans les zones urbaines
sensibles.
Des exonérations sont également prévues afin de faciliter
l'embauche dans des structures très particulières,
agréées par nature ou conventionnées par la DDTEFP. Les
personnes bénéficiaires de l'aide sociale connaissant de graves
difficultés et travaillant dans des
structures agréées
au titre de l'aide sociale
ou assimilées par arrêté
(communautés d'Emmaüs) font bénéficier ainsi d'une
exonération de 100 %.
Les
associations intermédiaires
bénéficient
également d'une exonération de 100 % des cotisations patronales
dans la limite de 750 heures par salarié et par an. Le public
visé est identique à celui des entreprises d'insertion et de
travail temporaire d'insertion.
e) L'exonération de charges sociales " localisée ", poursuivant un objectif d'aménagement du territoire
L'exonération de cotisations d'allocations
familiales pour
les entreprises nouvelles créées avant le 31 décembre 1999
et exonérées d'impôts
a été
instituée par la loi du 20 décembre 1993. Elle est totale pour
les rémunérations inférieures à 1,5 SMIC, et de
moitié entre 1,5 et 1,6 SMIC.
L'exonération de cotisations d'allocations familiales dans les zones
de revitalisation rurale (ZRR)
est calculée selon les mêmes
règles.
L'exonération de cotisations patronales joue pour les
créations d'emplois
jusqu'à 50 salariés en ZRR ou en
zone de redynamisation urbaine (ZRU). Elle est limitée à une
durée de douze mois.
Pour les
zones franches urbaines (ZFU)
, l'exonération est de 100
% des cotisations patronales, du FNAL et du versement transport, dans la limite
du SMIC. L'aide durera cinq ans à compter du 1
er
janvier 1997
ou de l'implantation en ZFU ou à compter de l'embauche effectuée
entre le 1
er
janvier 1997 et le 31 décembre 2001.
L'exonération s'appliquant à la
zone franche de Corse
est
dégressive selon le montant de la rémunération mensuelle.
Cette mesure, entrée en vigueur au 1
er
janvier 1997, est
applicable pendant cinq ans.
Le
contrat d'accès à l'emploi
est applicable aux DOM et
à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est quasiment l'équivalent du
contrat initiative-emploi.
L'exonération des
entreprises des secteurs de production des DOM
,
entrée en vigueur le 1
er
octobre 1994 et applicable jusqu'au
31 décembre 1999, concerne les établissements situés dans
un DOM ou à Saint-Pierre-et-Miquelon dont l'activité (code APE)
relève de l'agriculture, de la pêche, de l'industrie, de
l'hôtellerie, de la presse ou de la production audiovisuelle.
Le
contrat d'insertion par l'activité dans les DOM
concerne les
allocataires du RMI, conjoint ou concubin, dépendant des agences
départementales d'insertion mises en place dans chaque DOM. L'agence
peut employer directement ces personnes, ou les mettre à disposition
d'utilisateurs (organismes pouvant conclure des CES) pour des tâches
d'utilité sociale.
C. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE REPRÉSENTENT UNE " RECETTE " NON NÉGLIGEABLE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE
L'enjeu financier des exonérations a pris une véritable ampleur depuis la création du mécanisme de la ristourne dégressive ; le " bloc " remboursé par le " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " représente désormais 65 % du montant global des exonérations de charges.
1. Les cotisations " effectives " : une appellation trompeuse
Les
exonérations de cotisations représentent pour la
sécurité sociale des pertes de recettes. Elles sont
traitées -même si l'appellation est trompeuse- dans la
catégorie " cotisations effectives " des prévisions de
recettes de la loi de financement.
Le Parlement adopte, depuis la création des lois de financement de la
sécurité sociale, des " prévisions de recettes par
catégorie des régimes obligatoires de base de
sécurité sociale et des organismes concourant à leur
financement ". Quatre catégories principales ont été
distinguées depuis 1996 :
- la catégorie " cotisations effectives " ;
- la catégorie " cotisations fictives " ;
- la catégorie " impôts et taxes " ;
- la catégorie " contributions publiques ".
Les exonérations compensées apparaissent non pas dans la
catégorie " contributions publiques " (où l'on retrouve
les subventions d'équilibre aux régimes spéciaux, mais
également le remboursement de l'allocation adulte handicapé (AAH)
et de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS)), mais
dans la catégorie " cotisations effectives ".
Votre commission avait soulevé ce problème dans le rapport
d'information " Les lois de financement de la sécurité
sociale : un acquis essentiel, un instrument perfectible "
34(
*
)
.
Extrait du rapport de M. Charles Descours
" Les
lois de
financement de la sécurité sociale ", 1999, p. 93-94.
La Cour
des comptes, dans son rapport 1997, proposait au Gouvernement
" d'étudier une présentation (...) faisant apparaître
séparément les cotisations (sociales) réellement
encaissées et les compensations d'exonérations "
. La
ministre de l'emploi et de la solidarité, répondant à une
question de notre collègue M. Emmanuel Hamel, indiquait :
" La
présentation actuelle comptabilise en effet en cotisations les
exonérations prises en charge par l'Etat et les régimes de
sécurité sociale, et cela serait, selon la Cour des comptes,
" source de confusion ". Cette proposition est actuellement à
l'étude, car il est vrai que cette présentation introduit souvent
une vision erronée de la structure du financement de la
sécurité sociale. La part importante des cotisations dans les
ressources de la sécurité sociale ne doit pas cacher qu'en
réalité depuis une décennie la part de cotisations
à la charge des employeurs a fortement baissé au profit d'un
financement par le budget de l'Etat sous forme de " prise en charge de
cotisations ". Toutefois la suggestion de la Cour appelle deux remarques.
D'une part, la présentation actuelle est conforme aux normes
internationales de comptabilité nationale, et, malgré ses
inconvénients, elle a le mérite de garantir les comparaisons
internationales sur la base de concepts standardisés. Il s'agit bien de
" cotisations " prises en charge, calculées pour chaque
cotisant, et non de transferts globaux comme le sont les flux de compensation
ou les subventions.
D'autre part, la présentation actuellement retenue, tant dans le rapport
de la Commission des comptes de la sécurité sociale que dans
l'annexe de la loi de financement de la sécurité sociale,
distingue clairement les cotisations payées effectivement par les
assurés et les employeurs, et les cotisations prises en charge par
l'Etat et les régimes de sécurité sociale. Seule l'annexe
[sic]
de la loi de financement de la sécurité sociale
agrège l'ensemble de ces cotisations en une ligne " cotisations
effectives " et pourrait faire l'objet d'une présentation
améliorée. "
Le détail de cette catégorie de recettes est
précisé à l'annexe
d)
du projet de loi de
financement :
Présentation des cotisations effectives 1998-2000 (ensemble des régimes) avant la discussion du PLFSS 2000
|
1998 |
1999 |
2000 |
Cotisations effectives : |
1.050.535 |
1.073.570 |
1.113.855 |
- des actifs |
972.506 |
995.464 |
1.016.699 |
Cotisations patronales des salariés |
708.114 |
736.495 |
749.077 |
Cotisations salariales des salariés |
202.648 |
195.851 |
203.144 |
Cotisations des actifs non salariés |
61.744 |
63.118 |
64.478 |
- des inactifs |
5.935 |
5.077 |
4.926 |
Cotisations sur revenus de remplacement |
5.047 |
3.670 |
3.721 |
Cotisations des autres inactifs |
888 |
1.408 |
1.205 |
- d'assurance personnelle |
1.349 |
1.391 |
1.070 |
- prises en charge par l'Etat et le FOREC |
62.748 |
64.898 |
83.908 |
- prises en charge par la sécurité sociale |
7.797 |
6.739 |
7.251 |
- autres cotisations effectives |
0 |
0 |
0 |
Source : annexe d) PLFSS 2000, p. 9.
L'expression
" cotisations prises en charge par la
sécurité sociale "
peut également induire en
erreur : il ne s'agit pas des exonérations de cotisations non
compensées par l'Etat, mais principalement des cotisations des
praticiens et auxiliaires médicaux (PAM), prises en charge par les
régimes d'assurance maladie.
La loi du 25 juillet 1994 a prévu la compensation intégrale par
l'Etat des exonérations de cotisations de sécurité sociale
décidées à compter de l'entrée en vigueur de la loi
(article L. 131-7 du code de la sécurité sociale). Cette mesure
souhaitée par votre commission constitue un acquis essentiel dans la
transparence des comptes Etat - sécurité sociale. Les
" cotisations effectives " trouvent en loi de finances leur pendant
exact, c'est-à-dire des dépenses budgétaires inscrites au
budget du ministère de l'emploi et de la solidarité
35(
*
)
.
Par ailleurs, des exonérations de cotisations de sécurité
sociale -correspondant à des mesures antérieures à 1994-
restent non compensées, pour un montant prévu de 18,9 milliards
de francs en 2000.
Ces exonérations n'apparaissent pas dans les
" recettes " de la loi de financement.
Exonérations non compensées - prévisions pour 2000
CES |
2.903 |
CES consolidés |
2.139 |
Contrats d'orientation |
28 |
CRE |
23 |
Embauche premier salarié |
2.864 |
Emplois familiaux (exonérations emplois familiaux, chèque emploi-service, aide à domicile) |
|
Abattement temps partiel |
3.100 |
Autres |
500 |
Total |
18.957 |
Selon le rapport de la Commission des comptes de mai 2000, ces exonérations seraient en progression depuis 1997, en raison principalement du développement des exonérations au titre des emplois familiaux et des associations intermédiaires.
Exonération de cotisations non
compensées
1997-2000
(en milliards de francs)
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
16,3 |
17,4 |
18,5 |
19,0 |
Source : CCSS mai 2000
2. La création du " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " : un bouleversement des règles comptables
Le
" fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale ", qui répond à
l'abréviation de " FOREC ", a pour but de rembourser aux
régimes de sécurité sociale les exonérations de
charges sociales liées :
- à la ristourne bas salaires, " étendue " en cas
d'accord 35 heures ;
- aux allégements incitatifs de la loi Aubry I ;
- à l'allégement structurel ou forfaitaire de la loi Aubry
II.
On notera que le périmètre du fonds ne repose pas sur une
philosophie très précise ; il ne retrace pas
l'exhaustivité des allégements de charges conditionnées
à la réduction du temps de travail, puisque l'allégement
de Robien reste en loi de finances.
Ce Fonds est financé par un conglomérat de différentes
impositions et une contribution de l'Etat.
" L'équilibre " en 2000 du fonds de
financement
de la réforme des cotisations patronales
Recettes |
|
Dépenses |
|
Droits sur les tabacs |
39.500 |
Ristourne bas salaires |
39.500 |
Taxe générale sur les activités polluantes |
3.250 |
Extension ristourne bas salaires |
7.500 |
Contribution sociale sur les bénéfices |
4.250 |
Allégements incitatifs Aubry I |
11.500 |
Droits sur les alcools |
5.600 |
Allégement forfaitaire Aubry II |
6.000 |
Contribution de l'Etat |
4.300 |
|
|
Taxe
sur les heures supplémentaires
|
7.000 |
|
|
TOTAL |
56.900 |
|
64.500 |
Conséquence de la création de ce fonds, les 40
milliards de francs correspondant à la compensation de la ristourne bas
salaires " disparaissent " du budget de l'Etat. Ainsi, ce qui
était auparavant traité comme une
dépense du budget de
l'Etat
devient une
recette de la sécurité sociale
.
La création du " Fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale " a eu pour
conséquence de modifier profondément le traitement comptable des
exonérations de charges sociales.
Cette modification n'est intervenue qu'en première lecture à
l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000. M. Jérôme Cahuzac,
rapporteur pour avis de la commission des finances, a fait remarquer
opportunément au Gouvernement que le fonds était un
" organisme concourant au financement des régimes obligatoires de
base " au sens du 3° de l'article L.O. 111-3 du code de la
sécurité sociale. La première mouture de l'article fixant
les prévisions de recettes était contraire à la loi
organique du 22 juillet 1996.
Prévisions de recettes par catégorie de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
(en milliards de francs)
Catégorie de recettes |
Montant
|
Modifications comptables |
Montant PLFSS 2000 corrigé |
Cotisations effectives |
1.106,6 |
désagrégation du bloc " cotisations prises en charge par l'Etat " : les recettes du FOREC apparaissent en " impôts et taxes " |
1.043,7 |
Cotisations fictives |
201,5 |
|
200,7 |
Contributions publiques |
62,8 |
intégration " contribution Etat " au FOREC |
68,8 |
Impôts et taxes affectés |
461,8 |
intégration fiscalité affectée au FOREC |
516,8 |
Transferts reçus |
4,7 |
|
4,7 |
Revenus des capitaux |
1,7 |
|
1,7 |
Autres ressources |
34,1 |
intégration versement Caisse des Dépôts |
37,1 |
Total des recettes |
1.873,2 |
|
1.873,5 |
Dès lors, les recettes du fonds ont été
comptabilisées dans les prévisions de recettes de la loi de
financement.
Les exonérations de cotisations sont désormais
éclatées en trois catégories :
- les impôts et taxes affectés au fonds apparaissent
désormais dans la catégorie " impôts et taxes
affectés " ;
- la " contribution " de l'Etat fait désormais partie de la
catégorie " contributions publiques " ;
- le reste des exonérations de cotisations demeure dans la
catégorie " cotisations effectives ".
Au regard des finances publiques, six cas de figures existent :
Exonérations des cotisations et finances publiques
|
Loi de financement |
Loi de finances |
Exonérations de cotisations non compensées |
non mentionné |
non mentionné |
Exonérations de cotisations compensées (cas général) |
Catégorie cotisations effectives (sous rubrique : prises en charge par l'Etat) |
Inscrites en dépenses
|
Exonérations de cotisations ristourne bas salaires + RTT |
Catégorie Impôts et taxes
|
non
mentionné
|
Le
contrôle du Parlement est également
" éclaté " :
- il vote l'autorisation de percevoir les impôts et taxes -même
celles affectées au FOREC- en loi de finances ;
- il vote les dépenses budgétaires correspondant aux
chapitres ;
- il vote les " lignes de recettes " de la loi de financement, les
exonérations figurant sur trois lignes différentes.
Le montant des exonérations compensées représenterait
80 milliards de francs en 2000
(pour le seul régime
général).
Exonérations compensées
(Source : CCSS septembre 1999)
|
2000
|
2000
|
Contrat d'apprentissage |
4.721 |
3.678 |
Contrat de qualification jeune |
2.660 |
2.554 |
CIE |
4.517 |
4.336 |
CRE |
65 |
61 |
Allégement bas salaires et RTT |
66.000 |
63.000 |
ARTT loi de Robien |
3.053 |
2.931 |
Contrat de qualification adulte |
397 |
381 |
Zones franches urbaines |
940 |
940 |
Zones urbaines et zones rurales |
390 |
195 |
Zones franches Corse |
300 |
288 |
Exonérations HCR |
350 |
350 |
Exonérations AF |
386 |
371 |
Travailleurs indépendants |
15 |
0 |
Correspondants locaux de presse |
1 |
0 |
Insertion par l'économique |
non précisé |
non précisé |
Secteurs de production dans les DOM |
1.000 |
1.000 |
Total |
84.795 |
80.084 |
Les dispositifs d'exonération en loi de finances se retrouvent dans trois chapitres budgétaires différents : les chapitres 43-70 (Financement de la formation professionnelle), 44-70 (Dispositifs d'insertion des publics en difficulté) et 44-77 (Compensation de l'exonération des cotisations sociales).
Mesures d'exonération compensées par l'Etat inscrites en loi de finances
|
Loi de
Finances 2000
|
Contrat d'apprentissage |
4.721 |
Contrat de qualification jeune |
2.660 |
CIE |
4.517 |
CRE |
65 |
Allégement RTT |
4.300 |
ARTT loi de Robien |
2.720 |
Contrat de qualification adulte |
397 |
Zones franches urbaines |
900 |
Zones urbaines et zones rurales |
356 |
Zones franches Corse |
300 |
Exonérations HCR |
350 |
Exonérations AF |
460 |
Travailleurs indépendants |
15 |
Correspondants locaux de presse |
1 |
Insertion par l'économique |
381 |
Secteurs de production dans les DOM |
1.000 |
Total |
23.143 |
Source : Budget voté de 2000 - Emploi et
solidarité - I - Emploi
Dénommé en loi de financement
" contribution de l'Etat au
fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales ",
le versement de l'Etat de 4,3 milliards de francs
prend une tout autre appellation en loi de finances :
" exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation
à la réduction du temps de travail ".
Bel exemple d'illisibilité des comptes publics.
L'évaluation de cette contribution (4,3 milliards de francs)
correspond aux " retours " pour les finances de l'Etat de la
création d'emplois liée aux trente-cinq heures. Une clef de
répartition avait, en effet, été définie par le
ministère de l'économie et des finances.
Clef de répartition des " retours " pour les finances publiques
UNEDIC |
50 % |
Sécurité sociale |
32 % |
Etat |
18 % |
La contribution de l'UNEDIC, ainsi que la contribution des régimes sociaux ayant été abandonnées, la contribution de l'Etat reste ainsi " orpheline ", perdant toute signification.
La répartition par chapitre budgétaire
Deux
logiques différentes président à l'établissement
des chapitres budgétaires :
- une logique " fonctionnelle ", regroupant par objectif les
crédits du ministère : les exonérations de
cotisations font alors partie d'un ensemble plus vaste où l'on retrouve
également les dépenses directes assurées par l'Etat ;
- une logique " institutionnelle ", isolant les
exonérations de cotisations de sécurité sociale.
Les chapitres 43-70 et 44-70 rendent compte de la logique
" fonctionnelle ", tandis que le chapitre 44-77 est consacré
exclusivement à des exonérations de cotisations de
sécurité sociale.
L'existence des lois de financement de la sécurité sociale plaide
pour que la logique " institutionnelle " soit retenue, par un
regroupement des exonérations de cotisations dans un seul chapitre
budgétaire, correspondant à la ligne prévue à cet
effet à l'annexe d) du projet de loi de financement.
Le chapitre 43-70
(Financement de la formation professionnelle)
finance
notamment les exonérations liées aux contrats d'apprentissage,
aux contrats de qualification jeunes et aux contrats de qualification adultes.
Le chapitre 44-70
(Dispositifs d'insertion des publics en
difficulté)
est constitué pour partie des exonérations
liées aux contrats initiative-emploi, à l'insertion par
l'économique (entreprises d'insertion, associations
intermédiaires et entreprises d'intérim insertion), et aux
contrats de retour à l'emploi.
Le chapitre 44-77
(Compensation de l'exonération des cotisations
sociales)
finance la " contribution " de l'Etat au fonds de
financement, les exonérations de Robien, les exonérations zones
rurales, zones urbaines et zones franches, les exonérations
spécifiques à la zone franche Corse, les exonérations
prévues pour les correspondants locaux de la presse régionale ou
départementale, les exonérations au titre de l'article L. 241-14
(hôtels, cafés, restaurants), les exonérations liées
aux secteurs de production dans les DOM, les exonérations de cotisations
d'allocations familiales, les exonérations prévues pour les
travailleurs indépendants créant ou reprenant une
activité...
Les mesures emploi sont " évaluées ", dans des
conditions qui apparaissent parfois plus " politiques " que
réellement " statistiques ". Il apparaît difficile
d'évaluer la montée en charge, le succès ou le
demi-échec de tel ou tel dispositif. L'exemple désormais
célèbre est celui de la ristourne bas salaires, dont le
succès en 1997 a surpris le ministère de l'emploi et de la
solidarité
36(
*
)
.
La prévision des dépenses du " fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales " a été
probablement très généreuse, ce qui explique l'absence de
disposition prise par le ministère de l'emploi et de la
solidarité à la suite de la disparition, pour cause
d'inconstitutionnalité, de la taxe sur les heures
supplémentaires.
Les informations transmises par l'ACOSS en février 2000, si elles
correspondent au montant global prévu par les lois de finances et de
financement (80 milliards de francs), sont parfois, dans le détail,
sensiblement différentes.
Exonérations compensées du régime général en 2000
|
|
|
Contrat d'apprentissage |
3.913 |
3.678 |
Contrat de qualification jeune |
2.562 |
2.554 |
CIE |
4.551 |
4.336 |
CRE |
85 |
61 |
Allégement bas salaires et RTT |
61.315 |
63.000 |
ARTT loi de Robien |
3.100 |
2.931 |
Contrat de qualification adulte |
non précisé |
non précisé |
Zones franches urbaines |
1.261 |
940 |
Créations d'emploi en ZRR |
245 |
195 |
Créations d'emploi en ZRU |
85 |
|
Zone franches Corse |
285 |
288 |
Exonérations HCR |
350 |
350 |
Exonérations AF |
451 |
371 |
Insertion par l'économique |
381 |
non précisé |
Exonérations DOM |
1.313 |
1.000 |
Total |
80.022 |
79.704 |
L'écart le plus significatif est relatif aux
allégements bas salaires et RTT (presqu'1,7 milliard de francs
d'écart).
On remarquera aussi l'incertitude liée à l'exonération de
Robien ; l'ACOSS l'estime à 3,1 milliards de francs pour le
seul régime général, alors que la loi de finances n'a
finalement prévu que 2,72 milliards de francs (cf. vert
budgétaire).
Enfin, le montant des exonérations " Insertion par
l'économique " (381 millions de francs selon l'ACOSS) n'a pas
été précisé par le rapport fourni à la
Commission des comptes de septembre 1999.
Le total des exonérations prises en charge et non prises en charge
avoisine pour la première fois le montant de 100 milliards de
francs.
Exonérations prévues en 2000 (régime général)
- Cotisations prises en charge par l'Etat |
17.200 + 4.300 = 21.500 |
- Cotisations prises en charge par le FOREC |
63.000 - 4.300 = 58.700 |
- Cotisations non prises en charge |
19.000 |
TOTAL |
99.200 |
N.B. : La " contribution de l'Etat au FOREC " a été individualisée.
II. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS : UNE GESTION COMPLEXE POUR LES URSSAF ET POUR LES ENTREPRISES
Le coût de gestion, à la fois pour les URSSAF et les entreprises, de trente-cinq mécanismes différents d'exonération de charges sociales, est loin d'être neutre. Mais, au-delà du nombre sans doute trop important de mécanismes, la complexité résulte également de la différence des techniques utilisées.
A. LES MÉCANISMES D'EXONÉRATION SONT PARTICULIÈREMENT COMPLEXES
Très peu de mécanismes d'exonération ont été supprimés depuis leur entrée en vigueur. La logique est -comme l'explique M. Bernard Caron, président de l'ACOSS- celle d'une " superposition de strates successives ".
1. Des règles de gestion complexes et modifiées de manière incessante
a) Une évaluation insuffisante des contraintes de gestion
Les
gestionnaires ne sont que très peu associés à la
conception des mécanismes d'exonération. Les études
d'impact accompagnant les projets de loi, qui doivent normalement insister sur
les modifications juridiques et organisationnelles des dispositions
présentées, apparaissent lacunaires.
En effet, elles ne se préoccupent pas des coûts de gestion des
mesures d'exonération.
La lecture des deux études d'impact annexées au projet de loi
d'orientation et d'incitation sur le temps de travail (loi future Aubry I) et
du projet de loi relatif à la réduction négociée du
temps de travail (loi future Aubry II) est tout à fait
édifiante.
Le première ne mentionne en aucune façon le rôle des
organismes de recouvrement. Tout se passe comme s'il s'agissait d'aides
directement versées par l'Etat.
La seconde décrit davantage le mécanisme d'allégement des
charges, en expliquant qu'il s'appuie
" sur la base d'une
déclaration adressée aux organismes de recouvrement des
cotisations de sécurité sociale "
(art. 12 du
projet de loi - point 4 - " Impact
en termes des formalités
administratives "). Les conséquences en termes de
" complexité de l'ordonnancement juridique " sont ainsi
évaluées :
" La réforme n'a pas de
conséquence particulière en termes de complexité de
l'ordonnancement juridique "
.
Les différents textes qui se sont succédé depuis la
parution de la loi au Journal Officiel, décrets d'application,
circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité du
3 mars 2000, circulaire de l'ACOSS du 29 mars 2000 montrent -a
minima- l'inverse.
Par ailleurs, il n'existe pas d'unité de " conception " des
mécanismes d'exonération, même si la
Délégation générale du travail, de l'emploi et de
la formation professionnelle joue un rôle important. Par exemple, une
exonération " DOM-TOM " sera conçue par
l'administration en charge des DOM-TOM ; une exonération
" travailleurs non salariés " sera conçue par
l'administration en charge du commerce et de l'artisanat, une
exonération " exploitants agricoles " par le ministère
de l'agriculture, etc.
L'administration qui " conçoit " la mesure n'est pas celle qui
assumera la gestion de la mesure. Dès lors, elle est peu incitée
à rechercher la simplicité.
b) Une modification incessante des dispositifs
La
gestion de ces différents mécanismes par les URSSAF
nécessite de connaître parfaitement le droit en vigueur
(législation, réglementation), particulièrement
évolutif. L'ACOSS actualise, tous les trois mois, un classeur juridique
permettant à chaque URSSAF de disposer d'une réglementation
identique et à jour.
Votre rapporteur, lors de son déplacement à l'ACOSS le
15 février 2000, a pu constater que ce classeur était d'une
taille tout à fait respectable.
La
" frénésie " législative et
réglementaire :
l'exemple de l'abattement temps partiel
Cette
mesure est régie successivement par les textes suivants :
- Loi du 31 décembre 1992
- Décret du 22 février 1993
- Loi du 20 décembre 1993
- Décret du 31 décembre 1993
- Décret du 5 avril 1994
- Décret du 30 août 1994
- Loi du 19 janvier 2000
L'abattement est d'abord de 30 % (du 1
er
septembre 1992 au 31
décembre 1992), puis de 50 % (du 1
er
janvier 1993 au 7 avril
1994), puis de nouveau de 30 % (à compter du 8 juin 1994).
c) Des règles de cumul particulièrement subtiles
Le
casse-tête de la gestion des mécanismes d'exonération, pour
les URSSAF et pour les entreprises, tient pour beaucoup aux règles de
cumul ou de non-cumul.
Certains mécanismes d'exonération sont cumulables avec un autre
dispositif. D'autres dispositifs sont exclusifs de toute autre mesure
d'exonération.
Exemples de mécanismes cumulables et non cumulables
Mécanismes cumulables |
Mécanismes non cumulables |
- ristourne dégressive bas salaires (avec
abattement
temps partiel et allégements RTT " de Robien ", " Aubry
I ", " Aubry II "
|
- CIE
(sauf aide forfaitaire RTT)
|
d) Une complexité dommageable, pouvant induire en erreur les entreprises et les administrations
Du
côté des entreprises, celles-ci peuvent parfaitement ignorer
qu'elles remplissent les conditions pour obtenir une exonération de
charges sociales. L'URSSAF peut jouer alors un rôle de
" conseil ", à rebours de sa mission traditionnelle de
recouvrement.
En sens inverse, les entreprises peuvent s'appliquer, en toute bonne foi, une
exonération à laquelle elles n'ont pas droit.
Pour certaines exonérations, soumises à un agrément
administratif, les services déconcentrés donnent un " feu
vert " qui s'avère parfois inapproprié. L'URSSAF -ne pouvant
pas infirmer cette décision- se contente alors de le signaler à
la direction départementale concernée.
2. Les rares dispositifs supprimés n'apportent pas de simplification à court et moyen termes
Lorsqu'une disposition législative introduisant une mesure d'exonération revient sur une ancienne mesure d'exonération, les dispositifs restent en vigueur pour les " contrats en cours ".
Les dispositifs supprimés en " flux " demeurent en vigueur
|
En vigueur de... à ... |
Date d'extinction |
ARTT de Robien |
octobre 1996- juin 1998 |
16 juin 2005 |
Aide forfaitaire RTT Aubry I |
juin
1998 - 1
er
janvier 2000
(pour les entreprises de plus de 20
salariés)
|
1
er
janvier 2005
|
Contrat de retour à l'emploi |
janvier
1990 - juillet 1995
|
théoriquement 2005
|
Emplois de ville |
mesure
expérimentale de janvier 1995 à juin 1996
|
1 er janvier 2003 |
Abattement temps partiel |
cesse
d'être applicable au 31 décembre 2000 (ou 31 décembre
2002) pour les embauches réalisées à compter du
1
er
janvier 2000 (+ 20 salariés) ou 1
er
janvier
2002 (- 20 salariés)
|
théoriquement 2044 |
Dès lors, la suppression d'un dispositif n'a que peu d'effets à court et moyen termes sur la simplification.
3. Des techniques d'exonération différentes
Les techniques d'exonération sont variables selon les dispositifs. L'exonération peut porter sur une assiette différente : soit les cotisations patronales seules, soit les cotisations, le versement transports (VT) et la contribution au Fonds national d'aide au logement (FNAL), c'est-à-dire l'ensemble des charges recouvrées par les URSSAF. L'exonération peut porter sur un seul risque (cotisations d'allocations familiales). L'exonération peut être calculée par une réduction du taux de cotisation, ou grâce à une formule mathématique.
Exemples de techniques différentes
Abattement forfaitaire |
- de
Robien
|
Abattement proportionnel |
-
Abattement temps partiel et abattement pour les emplois à temps
réduit dans les entreprises ayant réduit la durée du
travail (30 % des cotisations patronales de sécurité sociale)
|
Exonérations limitées aux cotisations d'allocations familiales |
-
Salariés des exploitants agricoles (selon montant mensuel de la
rémunération)
|
Exonérations limitées à une partie du salaire |
-
Exonération premier salarié (SMIC)
|
Exonérations au-delà des cotisations de sécurité sociale |
-
Contrat d'apprentissage (également chômage, retraite
complémentaire, CSG, CRDS, FNAL, VT, taxe sur les salaires pour
entreprises artisanales d'au plus 10 salariés)
|
Ces
techniques obéissent à des logiques d'expérimentation
permanente. Les concepteurs des mécanismes d'exonération de
charges sociales, soumis à l'impératif de réduire le
chômage, rivalisent d'ingéniosité.
Certains dispositifs ont été adoptés pour une durée
limitée, d'autres sont applicables de manière permanente.
Des dispositifs à durée variable
Dispositifs à durée limitée |
Dispositifs permanents |
-
exonération premier salarié (31 décembre 2001)
|
-
ristourne dégressive
|
Enfin,
des dispositifs d'exonération ne s'appliquent à des contrats que
pour une durée limitée.
Par exemple, l'exonération premier salarié ne joue que pour
vingt-quatre mois s'il s'agit d'un contrat à durée
indéterminée, dix-huit mois s'il s'agit d'un contrat à
durée déterminée. Ou encore, l'exonération relative
aux zones de redynamisation urbaine n'est effective que pour les douze premiers
mois du contrat.
B. LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS NÉCESSITENT UN SUIVI ET UN CONTRÔLE RIGOUREUX PAR LA BRANCHE DU RECOUVREMENT
1. Le traitement des exonérations de cotisations
L'utilisation d'outils informatiques permet une amélioration du contrôle des exonérations de cotisations par la branche du recouvrement.
a) Le traitement comptable : le système RACINE
Les
URSSAF enregistrent dans le système informatique et comptable RACINE les
" manques à gagner " liés aux exonérations.
RACINE comptabilise les exonérations par type de mesures et par branche
(maladie, accidents du travail, vieillesse, famille). Deux types
d'éléments sont traités en dehors du système
RACINE :
- le contrat d'apprentissage, géré par un logiciel
spécifique (CONTRAP), du fait de l'absence totale de cotisations dues
par l'employeur ;
- les mesures emploi concernant des organismes divers, comme la
pêche maritime ou la Caisse nationale de compensation de cotisations de
sécurité sociale des voyageurs représentants et placiers
à cartes multiples (CCVRP).
Tous les mois, les URSSAF transmettent leur balance comptable à l'ACOSS
qui les centralise et -selon sa propre terminologie-
" notifie aux
branches leurs encaissements du mois, y compris les mesures faisant l'objet
d'une exonération "
. Les exonérations sont ainsi
" transparentes " pour les branches du régime
général, puisque la notification concerne non seulement les
cotisations
réellement
encaissées, mais également
les recettes qui auraient dû être encaissées
.
L'ACOSS, par le mécanisme de la compensation budgétaire, est
remboursée de cette " avance " aux branches.
Gestion dans RACINE des exonérations des cotisations sociales
Le
coût de l'exonération est calculé d'après les
données figurant sur les bordereaux récapitulatifs de cotisations
renseignés par les employeurs.
Les divers dispositifs sont tous différenciés par des codes type
personnel particuliers désignant la nature de la mesure.
Pour certains dispositifs
(1)
les cotisations restant dues par les
entreprises sont mentionnées, tandis que pour d'autres
dispositifs
(2)
, l'entreprise renseigne la déduction à
apporter au calcul des cotisations.
(1)
Ne figurent sur le bordereau que les cotisations
effectivement dues. Il s'agit notamment de l'apprentissage, des contrats de
qualification, des contrats de retour à l'emploi. Une des tables RACINE
(table de répartition des produits) associe aux données relatives
aux cotisations dues par l'entreprise (contribution FNAL dans le cadre
d'apprentissage) un code associé permettant de calculer les cotisations
prises en charge (par exemple, dans le cadre de l'apprentissage =
l'intégralité des cotisations ouvrières et patronales de
sécurité sociale). En fin de mois, l'agrégation de ces
données est retracée dans les balances comptables dans des
comptes désignant par mesure les montants calculés pour chaque
branche du régime général.
(2)
Ces mesures donnent lieu à une ligne soustractive
sur le bordereau : il s'agit des dispositifs les plus
récents : ristourne dégressive sur les bas salaires (loi de
Robien, loi Aubry, etc.). Les cotisations figurent sur le bordereau avant
déduction, un pavé soustractif en fin de déclaration
représente le montant de l'exonération. Aucune répartition
par branche n'est faite au niveau de la déclaration.
Ultérieurement, et par programme, la déduction est
répartie entre les branches d'après la structure des cotisations
patronales figurant sur le bordereau. Les URSSAF ont la possibilité de
procéder à ces contrôles de ces dispositifs à un
rythme quotidien ou plus espacé.
b) Le traitement statistique : la base ORME
La base
de données ORME (Observatoire pour le recouvrement des mesures
d'exonération) contient l'ensemble des données statistiques
concernant les dispositifs d'exonération. Cette base est
gérée par l'ACOSS, à partir d'extractions dans les
fichiers des URSSAF. Elle contient les informations suivantes :
- numéro du compte cotisant ;
- période d'emploi ;
- forme juridique de l'employeur ;
- activité économique ;
- mesures d'exonération concernées ;
- effectif exonéré déclaré par le cotisant ;
- assiettes déplafonnées et plafonnées sur lesquelles
est calculée l'exonération.
Actualisée chaque mois, elle permet d'alimenter les prévisions de
l'ACOSS et d'informer régulièrement les ministères. Elle
est également utilisée comme outil de contrôle, les
données statistiques d'ORME étant rapprochées des
données comptables de RACINE.
2. Un contrôle par la branche du recouvrement défaillant jusqu'à une date récente
La
gestion des exonérations de cotisations de sécurité
sociale ne faisait pas partie des missions premières de la branche du
recouvrement. Certaines URSSAF ont eu des difficultés à admettre
ce nouveau rôle. Le rapport de M. Jean-Louis Girodolle (IGF) et de M.
Pierre-Yves Bocquet (IGAS) sur divers aspects du fonctionnement de la branche
recouvrement de la sécurité sociale, rendu en mai 1998,
expliquait ainsi :
" La gestion des exonérations n'est pas traitée comme une
priorité, malgré ses enjeux financiers et son poids dans la
politique de l'emploi. Ainsi, elle repose sur des systèmes et des
contrôles automatisés souvent lacunaires et parfois
contreproductifs. Dans les URSSAF, elle ne bénéficie pas d'une
attention suffisante, notamment en termes de contrôle, de la part tant
des directeurs que des agents comptables. A l'ACOSS, elle souffre du
caractère trop empirique des contrôles de l'ordonnateur et trop
superficiel de ceux du comptable. Ces faiblesses sont source d'incertitudes sur
le montant de la dette de l'Etat au titre des exonérations ".
Ce constat restait pertinent avant la mise en oeuvre de l'application RACINE
(à partir du 1
er
janvier 1998).
Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion Etat-ACOSS et les
contrats d'objectifs signés entre l'ACOSS et chaque URSSAF (1998-2001)
ont permis de mieux prendre en compte cette mission. Désormais, les
exonérations de cotisations de sécurité sociale font
partie des priorités de la branche. Des orientations nationales ont
été définies pour le contrôle.
De manière classique, les contrôles pratiqués par les
URSSAF s'effectuent à la fois " sur pièces " et
" sur place ".
•
Le contrôle sur pièces
Actuellement ce contrôle se pratique à deux étapes
différentes lors du traitement des informations reçues.
Lorsque l'URSSAF reçoit les pièces justifiant
l'exonération (contrat, volets d'exonération...), elle s'assure
que les mentions prévues sont complétées et que le
document est dûment signé par l'instance compétente avant
d'enregistrer ces informations dans le dossier administratif.
Le contrôle s'exerce ensuite sur les documents déclaratifs -les
BRC (Bordeaux récapitulatifs de cotisations) et les DADS
(Déclarations annuelles de données sociales)- produits par
l'employeur grâce à un rapprochement entre les codes types
utilisés relatifs aux différentes mesures et les informations
enregistrées dans le dossier administratif.
Le projet de développement du contrôle sur pièces
privilégie tout particulièrement le contrôle des mesures
d'exonération.
Les URSSAF ne pouvant contrôler que ce qui relève de leur champ de
compétences. Elles n'opèrent pas de régularisation si
d'autres autorités -au regard des règles juridiques- se sont
trompées en accordant le bénéfice d'une mesure emploi
à une entreprise.
La performance du contrôle devrait être renforcée par les
évolutions suivantes essentiellement informatiques :
- l'enregistrement et le suivi de chaque contrat individuel ainsi que
l'information systématique de l'employeur (ouverture et expiration des
droits) se feront par un traitement informatique déjà
opérationnel mais qui doit s'améliorer ;
- un développement informatique déjà
expérimenté dans quelques URSSAF permettra, en fin d'année
2000, de détecter les anomalies grâce à un rapprochement
direct entre les informations portées sur la DADS fournie par
l'entreprise et celles contenues dans le logiciel mentionné ci-dessus.
Par ailleurs, une étude en cours est consacrée au contrôle
des mesures d'exonération globales.
Dans tous les cas où le contrôle sur pièces
révèle une anomalie qui ne peut être
régularisée par les services internes, un contrôle sur
place est diligenté.
•
Le contrôle sur place
Les URSSAF s'efforcent tout d'abord de développer des actions de
prévention :
- lors de la mise en place d'une nouvelle mesure d'exonération afin
de s'assurer de la compréhension et de la bonne application de cette
mesure par les employeurs ;
- lorsqu'un dispositif vise spécialement une mesure globale qui ne
peut être contrôlée que sur place (ZFU par exemple).
Par ailleurs, le contrôle a posteriori consiste à effectuer des
contrôles comptables d'assiette portant sur les trois années
antérieures, l'inspecteur agissant dans le cadre d'un plan de
contrôle sélectif, qui intègre la notion de " gestion
du risque " (au niveau national et local). Il faut entendre par
" gestion du risque " l'isolement par traitement informatique -selon
des critères identifiés comme représentatifs-
d'entreprises concernées par les différentes mesures
d'exonération.
L'inspecteur est donc amené à vérifier de façon
approfondie l'application des mesures d'exonération dans chaque
entreprise contrôlée dans sa globalité.
Il ne peut opérer de régularisation que sur des
éléments de vérification entrant dans son champ de
compétence. Lorsqu'il constate des anomalies sur les conditions de fond
entraînant,
ipso facto
, une application erronée des
exonérations, il informe l'administration qui a validé le contrat.
L'efficience du contrôle sur place, compte tenu des moyens qui lui sont
alloués, est largement dépendante de la complexité des
assiettes à vérifier et donc de l'accroissement du nombre de
données à contrôler.
De grands progrès ont été ainsi réalisés.
Néanmoins, il convient de noter que le travail en réseau entre
URSSAF et directions déconcentrées du ministère de
l'emploi est aujourd'hui quasiment inexistant. En effet, les URSSAF, organismes
de sécurité sociale, ne font pas partie du " service public
de l'emploi ".
3. Un coût de gestion difficile à appréhender
Interrogés sur le " coût de gestion "
des
mesures emploi par les organismes de sécurité sociale, les
responsables de la branche du recouvrement n'ont pu que reconnaître
qu'ils l'estimaient de manière " intuitive "
37(
*
)
au " tiers du coût de traitement d'une
déclaration ".
Il n'est pas possible, par exemple, d'évaluer la part du contrôle
consacrée aux exonérations de cotisations sociales par rapport
à l'ensemble des contrôles effectués par les URSSAF. En
effet, le contrôle des cotisations, qui s'attache à l'ensemble de
l'assiette, est une opération globale.
Cependant, selon l'ACOSS :
- le nombre de redressements portant sur ces mesures représente en
1998 28 % du nombre total des redressements effectués ; leur
montant dans le total du montant des redressements passe de 9 % en 1996,
à 13 % en 1997 et 18 % en 1998. Cette progression semble
indiquer un alourdissement corrélatif de temps passé au
contrôle de ces mesures ;
- tous les corps de contrôles interrogés affirment passer de
plus en plus de temps à la vérification de ces mesures, qui
représentent par ailleurs plus de la moitié des
régularisations au profit du cotisant à la suite d'un
contrôle.
Mme Catherine Barbaroux, déléguée générale
à l'emploi et à la formation professionnelle, a
précisé devant votre commission
38(
*
)
qu'il n'y avait pas " d'échanges "
concernant le coût de la gestion des exonérations de charges
sociales entre les services du ministère et les URSSAF.
Pourtant, la Direction de l'animation, de la recherche, des études et
des statistiques (DARES), la Direction de la sécurité sociale
(DSS), la Direction de l'administration générale et de la
modernisation des services (DAGEMO), la Délégation
générale à l'emploi et à la formation
professionnelle (DGEFP), soit quatre directions du ministère de l'emploi
et de la solidarité, et l'ACOSS ont signé, le 12 février
1998, une convention de partenariat, destinée à organiser les
remontées statistiques utiles au suivi et à l'évaluation
des mécanismes d'exonération de charges sociales.
Cette convention permet à la DARES de disposer facilement des
données connues au niveau des URSSAF. En contrepartie, l'un des
objectifs était de mieux intégrer les éléments
inhérents au coût de gestion et l'organisation des études
d'évaluation communes à l'ACOSS et au ministère, sous
l'égide d'un comité de suivi.
Si la convention fonctionne de manière tout à fait correcte pour
alimenter en informations la DARES
39(
*
)
, le
comité de suivi ne semble pas avoir réellement fonctionné.
Aucun progrès n'a été constaté en ce qui concerne
l'évaluation du coût de gestion.
M. Claude Seibel, directeur de la DARES, a confirmé à vos
rapporteurs qu'il s'agissait là d'une grande lacune de sa direction et
que la France restait, de manière générale, très en
retard sur ce type d'évaluations.
Il convient également d'ajouter au coût direct de gestion toutes
les dépenses d'information et de communication engagées par les
URSSAF : sites Internet, cellules téléphoniques,
plaquettes... La complexité nécessite une communication
constante, de qualité. A titre d'illustration, l'explication du nouveau
mécanisme d'allégement de charges lié à la
réduction du temps de travail mobilise aujourd'hui d'importants moyens
au niveau des URSSAF.
Vos rapporteurs, lors de leur déplacement à Arras, ont pu se
procurer la masse impressionnante de tous les dépliants informatifs
remis aux entreprises, par type de mesure...
Le coût des traitements informatiques est également souvent
négligé. L'informatique a pour effet pervers de faire croire que
la complexité peut être gommée. Or, ce n'est qu'au prix de
développements coûteux qu'elle peut la masquer.
M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'ACOSS, a rappelé, lors de son
audition devant la commission des Affaires sociales, que la branche
était tenue -par la convention d'objectifs et de gestion- à
l'objectif d'une stabilité de ses effectifs, mais que le réseau
avait dû être renforcé par environ 200 personnes depuis
deux ans.
4. Une neutralité en trésorerie quasiment atteinte
L'Etat
compensant à la sécurité sociale la majeure partie des
exonérations de cotisations, ses versements représentent
désormais un véritable enjeu pour la branche du recouvrement. Le
principe de " neutralité de trésorerie " a
été posé par la convention de trésorerie du 2 mai
1994 liant l'Etat à l'ACOSS.
L'Etat a réalisé beaucoup de progrès en la matière.
La compensation des mesures d'exonération fait l'objet d'un
échéancier de versement d'acomptes mensuels de l'Etat permettant
d'assurer la neutralité en trésorerie des dispositifs (seules les
mesures dont le coût est inférieur à 1 milliard de
francs ne figurent pas à l'échéancier).
Chaque trimestre, un chiffrage des exonérations par mesure est
réalisé pour information. Une régularisation entre la
dépense réelle constatée et les acomptes versés est
effectuée à titre provisoire en fin d'exercice. Une
régularisation définitive intervient au début de
l'exercice suivant.
La Cour des comptes a comptabilisé, dans son rapport 1999 sur la
sécurité sociale, les restes à recouvrer sur l'Etat au
titre de la politique de l'emploi
40(
*
)
, au 31
décembre 1998, l'Etat " devait " encore 6,74 milliards de
francs, soit une somme en retrait de 8,4 % par rapport à
l'année précédente.
Il reste donc un dernier effort à réaliser.
III. LE NOUVEAU MÉCANISME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES LIÉ AUX TRENTE-CINQ HEURES : LE NOMBRE D'EMPLOIS CRÉÉS NE SERA JAMAIS CONNU
A
l'issue de ce " diagnostic " sur les mécanismes
d'exonération de charges sociales, vos rapporteurs ont souhaité
s'intéresser plus précisément au nouvel allégement
lié aux trente-cinq heures. Ce nouvel allégement
représente une charge supplémentaire pour les URSSAF, notamment
pour les tâches d'information et de communication des entreprises. En
effet, il met en première ligne la branche du recouvrement, puisque
reposant sur un système déclaratif, après
dépôt de l'accord trente-cinq heures auprès de la direction
départementale du travail et de l'emploi.
En se penchant plus précisément sur la gestion du dispositif, vos
rapporteurs ont pu se rendre compte que le nombre d'emplois créés
par les trente-cinq heures ne peut pas être connu avec certitude. En
revanche, le mécanisme du " fonds de financement de la
réforme de cotisations patronales " semble plutôt neutre pour
la sécurité sociale.
A. LE NOUVEAU MÉCANISME D'ALLÉGEMENT DE CHARGES N'EST PAS LIÉ À LA CRÉATION D'EMPLOIS
1. L'illusion de contrôler la création d'emplois
Contrairement à la première loi Aubry, qui
conditionnait le versement des aides à un objectif clairement
affiché de création d'emplois (au moins 6 % de l'effectif
pour le " volet offensif "), la loi sur la réduction
négociée du temps de travail prévoit seulement un
" engagement de création d'emplois ", sans davantage de
précision. Les travaux préparatoires de la loi du 19 janvier 2000
sont empreints d'une grande ambiguïté, en raison de la forte
opposition d'une partie de la majorité " plurielle " au
principe d'aides sans contrepartie d'emplois.
Pourtant, en aucun cas, les objectifs de création d'emplois ne peuvent
être contrôlés par les URSSAF.
La décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2000, à
supposer qu'il reste un doute sur cette question, est sans appel
:
" la détermination des emplois créés ou
préservés du fait de la réduction du temps de travail,
ainsi que le contenu des stipulations conventionnelles obligatoires,
relèvent ainsi exclusivement de l'accord conclu entre les partenaires
sociaux ; ni l'autorité administrative, ni l'organisme de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale n'exercera de
contrôle sur l'opportunité ou la portée de ce dispositif
conventionnel ".
L'URSSAF reçoit une déclaration de l'employeur, qu'elle pourra
contrôler formellement a priori, mais sans entrer sur le fond, qui
relève d'une application ou d'une interprétation du droit du
travail, ne relevant pas de sa compétence.
L'URSSAF ne peut suspendre ou supprimer un allégement de charges
sociales que sur la demande de l'autorité administrative
déconcentrée (la direction départementale et/ou
l'inspecteur du travail). Mais seule la décision de l'URSSAF fait grief.
L'URSSAF peut ainsi être attaquée juridiquement au titre d'une
décision pour laquelle, en quelque sorte, elle avait compétence
liée (non juridiquement, mais pratiquement
41(
*
)
).
Le second alinéa du XVI de l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000
précise que le bénéfice de l'allégement pourra
notamment être supprimé à défaut de
" conformité de l'accord ". Le Conseil constitutionnel a
indiqué que cette conformité devait être entendue
" comme visant explicitement l'hypothèse où les
règles de conclusion des accords collectifs mentionnées au II du
même article n'ont pas été respectées, qu'il
s'agisse des règles de droit commun relatives à la conclusion des
accords collectifs ou des règles spécifiques prévues aux
V, VI et VII de l'article 19 ".
Le contrôle est ainsi purement formel. L'objectif de création
d'emplois peut être égal à zéro, comme l'a
confirmé, lors de son audition, Mme Catherine Barbaroux
42(
*
)
.
La notice explicative du formulaire " 35 heures "
édité par le CERFA (Centre d'enregistrement et de révision
des formulaires administratifs) précise que
" si l'entreprise
n'est pas concernée par l'une des situations visées
"
[nombre d'emplois créés ou préservés du fait de la
réduction du temps de travail],
elle mentionne
:
" 0,00 dans la zone correspondante ".
Le non-respect des engagements portant sur l'emploi, à supposer ainsi
que de tels engagements existent, est sanctionné par la suspension de
l'allégement, sauf circonstances exceptionnelles. Cette suspension est
précédée par un " rapport " ou un
" avis " de la direction départementale du travail, de
l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).
La circulaire du 3 mars 2000 indique que les DDTEFP portent une
appréciation explicite dans le rapport ou l'avis donné à
l'organisme de recouvrement. La circulaire précise que "
la
suspension de l'allégement devra être prononcée lorsque ce
manquement ne trouve pas son origine dans une circonstance
exceptionnelle "
.
Par ailleurs, les organisations syndicales ou les représentants du
personnel ont la faculté de saisir l'autorité
déconcentrée lorsqu'ils estiment que l'employeur ne respecte pas
les engagements souscrits dans l'accord en termes d'embauches ou d'emplois.
Ce dispositif laisse une grande marge d'appréciation aux services
déconcentrés. En effet, aucun texte ne précise la conduite
à tenir en cas de réalisation
partielle
des engagements de
création d'emplois.
Enfin, il apparaît difficile qu'une autorité administrative prenne
le risque de mettre en danger la survie d'une entreprise, en raison d'un
objectif de création d'emplois non respecté. La suspension et la
suppression des allégements de charges resteront limitées aux cas
de fraude manifeste, c'est-à-dire les entreprises ne respectant pas, de
manière évidente, la nouvelle durée du travail.
2. L'impossibilité de compter les emplois
Toute la communication gouvernementale consiste à expliquer que les aides accordées en contrepartie de la réduction du temps de travail sont bien différentes de la ristourne dégressive, puisqu'à la différence du mécanisme mis en place par le Gouvernement de M. Alain Juppé, il est possible de " compter les emplois ".
" Nous sommes capables de quantifier, à
l'unité près... "
La création d'emplois : les certitudes de Mme Martine Aubry
(1/2)
" Nous sommes capables de quantifier, à l'unité près,
le nombre de créations d'emplois résultant de la loi de Robien.
De même, nous saurons demain, à l'unité près,
combien d'emplois la future loi aura permis de préserver ou de
créer.
" Nous pourrons donc dire à la sécurité sociale ce
que lui aura rapporté la loi, et ce qui ne lui sera pas
remboursé. "
(JO Débats AN - 1
ère
séance du 29 janvier
1998 - p. 754)
" Je me suis réjouie que Mme Veil fasse voter une loi qui pose le
principe général du remboursement par l'Etat à la
sécurité sociale des réductions de charges sociales, et je
continue de m'en réjouir.
" Dans le cas qui nous occupe, où nous pourrons, pour chaque
entreprise, savoir exactement quels salariés auront été
embauchés, quels seront les salaires et quelles seront les
rentrées dans les caisses de la sécurité sociale, je me
dis qu'on ne peut pas réclamer une solidarité à tout le
monde pour l'emploi sans demander au budget de l'Etat -il paiera le
complément- et à la sécurité sociale de tirer
toutes les conséquences du dispositif.
" Je n'aurais jamais accepté un dispositif général,
comme pour la ristourne dégressive, qui n'aurait pas permis de
connaître exactement le nombre des emplois créés et les
rentrées de la sécurité sociale. "
(JO Débats AN - 2
ème
séance du 5
février 1998 - p. 1184)
" J'aurais souhaité que M. Marini défende avec la
même force la cause des deniers publics lors de la mise en place de la
ristourne dégressive, qui coûte aujourd'hui 40 milliards de
francs, sans aucune contrepartie en matière d'emplois
(Très
bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen)
, alors
que les aides que nous proposons ont des contreparties et s'accompagnent d'un
suivi paritaire qui permettra de vérifier que tout argent de l'Etat est
effectivement consacré à la création d'emplois. "
(JO Débats Sénat - séance du 4 mars 1998)
Selon le Gouvernement, comme il est possible de " compter " les
emplois, il est également possible de " compter " les
" retours pour les finances publiques ". Annoncée par
l'exposé des motifs du premier projet de loi 35 heures, la contribution
des organismes sociaux trouvait toute sa justification " technique "
dans ces " retours ".
Et Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
réaffirmait, à l'ouverture du débat parlementaire sur le
deuxième projet de loi 35 heures, sa foi dans le caractère
" scientifique " de la comptabilisation des créations
d'emplois liées aux trente-cinq heures.
" Maintenant on le sait "
La création d'emplois : les certitudes de Mme Martine Aubry
(2/2)
" La réduction du temps de travail crée des emplois,
beaucoup d'emplois. Avant, on le disait. Enfin, nous, nous le disions...
Maintenant on le sait, mesdames et messieurs les
députés ! "
(JO Débats AN, 2
ème
séance du 5 octobre
1999, p. 6861)
Vos rapporteurs se sont donc attachés à déterminer s'il
était possible techniquement de " compter " les
créations d'emplois liées à la réduction du temps
de travail.
Les URSSAF ont les moyens de " compter "
les engagements de
création ou de maintien d'emplois
. Ces informations sont transmises
aux autorités déconcentrées de l'Etat, alimentant les
divers bilans communiqués régulièrement.
Mais la branche du recouvrement n'assure pas la gestion de la comptabilisation
de ces emplois.
Le
formulaire CERFA n° 11499*01
Déclaration en vue du bénéfice de l'allégement de
cotisations sociales
dans le cadre de la réduction
négociée du temps de travail
Le
formulaire CERFA " 35 heures " est une liasse statistique
autocopiante en quatre volets :
- les trois premiers volets sont à adresser à l'organisme de
recouvrement dont relève l'établissement (URSSAF/DGSS, MSA,
régime spécial). L'organisme de recouvrement conserve l'un de ces
volets et transmet les deux autres à la DDTEFP. Celle-ci assure la
transmission d'un volet à la DARES ;
- le quatrième volet est à conserver par l'entreprise.
En ce qui concerne
la création effective d'emplois
, son
contrôle apparaît strictement impossible... sauf par le biais de
" sondages " statistiques.
La DARES a donné une réponse très claire à la
question posée par votre rapporteur, " Comment seront
comptabilisées les créations d'emplois directement liées
à la réduction du temps de travail ? "
" Pour mesurer la mise en oeuvre effective de ces engagements, d'une
part, et tenir compte des emplois qui auraient été
créés ou sauvegardés en l'absence de réduction du
temps de travail, d'autre part (effet " d'aubaine "), la DARES
prévoit de poursuivre le type d'évaluation qu'elle a
déjà commencé de mener pour mesurer l'effet net sur
l'emploi des lois du 11 juin 1996 (loi " Robien ") et du 13 juin 1998
(première loi " Aubry ") : les données
tirées des déclarations seront rapprochées, entreprise par
entreprise, des résultats des enquêtes trimestrielles de la DARES
(ACEMO
43(
*
)
) qui permettent de suivre
l'évolution de l'emploi, des salaires et de la durée offerte du
travail. Elles seront également rapprochées des données
micro-économiques disponibles pour ces mêmes entreprises. Ainsi
pourront être comparées les évolutions de ces trois
variables dans les entreprises signataires d'un accord de réduction du
temps de travail et dans la population témoin formée par les
entreprises non signataires possédant des caractéristiques
identiques (taille, secteur, dynamique micro-économique,
performance...).
En conséquence, le nouveau mécanisme d'allégement de
charges lié aux trente-cinq heures ne permet pas d'être affirmatif
sur le nombre d'emplois créés ; ce mécanisme ne se
distingue en aucune façon des autres dispositifs d'exonération de
cotisations de sécurité sociale.
Les critiques adressées en 1998 par Mme Martine Aubry au
mécanisme de la ristourne dégressive ont désormais
davantage de saveur.
De plus, toute entreprise appliquant les bornes fixées par la loi
(
durée collective du travail fixée au plus soit à 35
heures hebdomadaires, soit 1.600 heures
) et approuvées par
accord collectif pourra bénéficier de l'allégement de
charges, même si cette entreprise applique les trente-cinq heures depuis
un nombre respectable d'années. Dans ce cas, les créations
d'emplois éventuelles ne seront naturellement pas imputables à la
réduction du temps de travail, mais découlent du mécanisme
d'allégement de charges. Ces engagements de créations d'emplois
sont pourtant aujourd'hui comptabilisées sans distinction avec les
engagements de création d'emploi pris par les entreprises passées
aux trente-cinq heures.
Le nombre d'emplois créé par les trente-cinq heures ne sera
ainsi jamais connu.
Or, il convient de noter les ambiguïtés de la communication
gouvernementale, qui rapproche souvent le nombre d'emplois créés
de manière générale des engagements de création
d'emplois :
Les
ambiguïtés de la communication gouvernementale
Le lien entre
recul du chômage
et engagements de création d'emplois dans le
cadre des 35 heures
Extrait du communiqué de presse du 17 février 2000
" Sur l'année 1999, 350.000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel (+ 2,5 %). Au total, (...) environ 430.000 emplois ont été créés sur les douze derniers mois, en raison notamment de la poursuite de la création d'emplois-jeunes et la très vive accélération des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (165.000 emplois prévus dans les accords) ".
Extrait du communiqué de presse du 10 mars 2000
" Sur l'année 1999, 375.000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel (+ 2,7 %) et 450.000 au total, grâce au dynamisme de la croissance, aux créations d'emplois-jeunes et à la vive accélération des créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail (plus de 170.000 emplois prévus dans les accords).
Extrait du discours de Mme Martine Aubry devant le Conseil économique et social (séance du 14 mars 2000)
" 570.000 chômeurs de moins en deux ans et demi et
surtout 190.000 chômeurs de longue durée de moins cette
année sont les résultats d'un environnement favorable et d'une
forte consommation mais aussi d'une bonne anticipation des besoins et de la
réduction du temps de travail, qui a déjà
créé ou maintenu 170.000 emplois ".
Par une démonstration mathématique tout particulière, le
Gouvernement rapproche deux chiffres,
en laissant croire que l'engagement de
création ou de maintien d'emplois est une partie du tout que constitue
le nombre d'emplois créés
.
La " mystification " est complète quand cette
" démonstration mathématique " s'accompagne d'un
glissement sémantique, les
emplois prévus
devenant, entre
le 10 et le 14 mars, des
emplois créés
.
B. LE MÉCANISME DU FONDS DE FINANCEMENT EST NEUTRE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE
Vos rapporteurs ont été également attentifs aux conséquences, pour la sécurité sociale, de la création du " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " (FOREC).
1. La fausse réforme des cotisations patronales
Quelles
sont les raisons qui ont poussé le Gouvernement à créer un
" fonds " ?
Il s'agissait de montrer que " la réforme de l'assiette des
cotisations patronales ", promise par le Parti socialiste dans son
programme des élections législatives de 1997, était
réalisée, après deux rapports contradictoires, le rapport
de M. Jean-François Chadelat, favorable à un passage
progressif à une assiette valeur ajoutée, et le rapport de M.
Edmond Malinvaud, qui s'y était montré défavorable.
En fait, la création du fonds ne modifie pas l'assiette des cotisations
patronales. Le calcul des cotisations patronales n'est pas affecté par
la prise en compte d'un élément " valeur
ajoutée ", d'un élément " pollution " ou
d'un élément " bénéfices ". Le
Gouvernement finance la compensation des exonérations de cotisations
sociales par quatre prélèvements nouveaux (tabacs, alcools,
contribution sociale sur les bénéfices, taxe
générale sur les activités polluantes).
2. Le principe respecté de la neutralité de trésorerie
Alors
que le texte original du Gouvernement laissait planer quelques
ambiguïtés, l'Assemblée nationale a posé quelques
garde-fous.
Tout d'abord, le fonds a une exigence d'équilibre :
" Les
recettes et les dépenses du fonds doivent être
équilibrées dans les conditions prévues par la loi de
financement de la sécurité sociale "
(nouvel article L.
131-10 du code de la sécurité sociale). En cas de dérapage
des dépenses, des mesures correctives, portant sur les recettes,
seraient nécessaires.
Par ailleurs, si les dépenses du fonds connaissent un dérapage,
l'Etat est alors tenu -au nom du respect de l'article L. 131-7- de compenser
à la sécurité sociale le manque à gagner :
" Les versements mentionnés aux a, b et c du 1° ci-dessus
se substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue
à l'article L. 131-7 sous réserve que cette compensation
soit intégrale. Dans le cas contraire, les dispositions prévues
à l'article L. 131-7 s'appliquent ".
Enfin, l'article 5 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 a également introduit un article L. 131-11 au code de
la sécurité sociale, prévoyant que
" les relations
financières entre le fonds et les organismes de protection sociale,
d'une part, le fonds et l'Etat, d'autre part, font l'objet de conventions
destinées notamment à garantir la neutralité en
trésorerie des flux financiers pour les organismes de
sécurité sociale. "
Pour l'ACOSS, le remplacement d'une dotation budgétaire par un
versement du Fonds de financement est neutre.
A l'occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificatif pour
2000, M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des
Finances de l'Assemblée nationale, s'est ému de ce fonds
laissé en déséquilibre. En effet, une
ambiguïté pouvait subsister sur la " participation " du
budget de l'Etat : est-ce une subvention d'équilibre ?
La réponse du ministère de l'économie et des finances au
questionnaire de M. Didier Migaud est sans appel :
Réponse du ministère de l'économie et
des
finances
au questionnaire de M. Didier Migaud
Il
n'y a pas d'obligation juridique pour l'Etat d'équilibrer ce fonds
1. La dotation de l'Etat est une recette parmi d'autres du fonds. Il faut
souligner que la LFSS ne précise pas qu'il s'agit d'une subvention
d'équilibre. Son montant est fixé par la loi de finances. Le fait
que le fonds soit un EPA est sans impact sur la nature de cette dotation.
2. Les conditions d'équilibre relèvent de la LFSS et non de la
loi de finances selon les termes du texte fondateur du FOREC. Le fait qu'une
loi de finances est le premier texte financier à intervenir depuis
l'annulation de la taxe sur les heures supplémentaires ne modifie pas
cette situation.
3. Le déséquilibre du FOREC est prévisionnel à ce
stade de l'année et il ne saurait être question de traduire dans
le droit (le collectif en l'occurrence) les conséquences d'une simple
prévision. Le point sera examiné différemment lors du
collectif de fin d'année.
4. Plusieurs solutions techniques sont possibles pour assurer
l'équilibre du fonds, que ce soit en relevant les taxes prévues
par la loi, en y affectant de nouvelles recettes ou en réduisant ses
charges. Il ne saurait être question de limiter les possibilités
de choix du Gouvernement en considérant que la loi de finances doit
automatiquement opter pour le relèvement de la dotation
budgétaire.
(source : rapport AN, n° 2387, p. 51)
On note un grand " flou " sur l'estimation des dépenses du
fonds en 2000, qui dépend du nombre d'entreprises
bénéficiant du nouvel allégement de charges. Le fonds
pourrait ainsi, malgré l'absence de la taxe sur les heures
supplémentaires, engranger des réserves, en raison du
décalage entre :
- la perception des recettes depuis le 1
er
janvier 2000 ;
- l'effectivité des " nouvelles " dépenses de ce
fonds
44(
*
)
(20 ou 25 milliards de francs)
à compter du 1
er
février 2000, le réel
démarrage ne se produisant réellement qu'en deuxième
partie d'année.
Enfin, il semblerait que la ristourne bas salaires ait été
surévaluée en 2000.
Les premiers chiffres communiqués montrent ce décalage entre
recettes et dépenses :
Recettes et dépenses des FOREC - Premiers résultats
(en millions de francs)
|
Janvier |
Février |
Mars |
Total |
Dépenses |
4.872 |
3.150 |
non connues |
8.022 |
Recettes |
5.650 |
3.546 |
3.651 |
12.847 |
Source : Rapport AN, n° 2387, p. 51.
De fait, le ministère de l'économie et des finances
précise :
" L'ACOSS assure, à titre provisoire, la
gestion des flux financiers qui, pour l'instant, ne soulève pas de
difficulté particulière : en effet, les exonérations
supplémentaires prévues par la loi du 19 janvier ne se sont pas
encore traduites dans les dépenses des premiers mois de l'année
connus à ce jour et les recettes rentrent
régulièrement. "
45(
*
)
A la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de la taxation des
heures supplémentaires, le Gouvernement indiquait que
" les
recettes 1999 et les nouvelles perspectives pour 2000 (étaient) en cours
d'examen "
et que
" des éléments plus
précis (seraient) communiqués au Parlement dès que cet
examen sera achevé "
46(
*
)
.
Il semble que, quatre mois plus tard, cet examen soit encore en cours puisque
le Parlement, en dépit de l'annonce du Gouvernement, ne dispose d'aucune
information nouvelle.
La Commission des comptes de la sécurité sociale qui s'est tenue
le 22 mai dernier n'a procédé à aucune actualisation
des recettes et dépenses du FOREC bien que cet organisme concoure au
financement de la sécurité sociale.
Certes, la réunion de printemps de la Commission est consacrée
prioritairement aux comptes du régime général. Mais le
rapport consacre une partie spécifique au Fonds de solidarité
vieillesse (FSV) dont la nature juridique est identique à celle du
FOREC.
3. Un fonds pour l'instant fictif en raison de la non-parution du décret d'application
Les
décrets nécessaires au " bon fonctionnement " des
trente-cinq heures sont parus rapidement. En revanche, le décret
créant le FOREC n'est pas encore paru. Dès lors, l'ACOSS joue
actuellement le rôle du FOREC, en étant bénéficiaire
des impositions affectées à ce fonds.
Cette absence de parution du décret, alors même que la
" visibilité " budgétaire défaillante du FOREC
devait être contrebalancée par la présence de
parlementaires au Conseil de surveillance, est pour le moins choquante.
En comparaison, les Assemblées ont été quasiment
" sommées " de nommer leurs représentants au Conseil
d'orientation des retraites, organe créé, sans base
législative, par le décret n° 2000-393 du 10 mai 2000
portant création du Conseil d'orientation, paru au Journal officiel du
11 mai dernier.
Vos rapporteurs ont bien noté que le ministère de
l'économie et des finances appelait l'attention du ministère de
l'emploi et de la solidarité :
" Le décret relatif au FOREC n'est toujours pas publié,
ni le directeur ni les membres du CA n'ont été nommés et
les conventions financières régissant les relations Etat/FOREC et
FOREC/sécurité sociale restent à rédiger. Il
paraît indispensable de lancer la procédure en Conseil d'Etat au
plus tard courant juillet et nommer un directeur en septembre dernier
délai pour lui laisser trois mois pour préparer le budget 2001 et
les conventions. "
47(
*
)
IV. UN IMPÉRATIF : SIMPLIFIER LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS POUR UNE MEILLEURE GESTION
Au terme
de leurs investigations, vos rapporteurs soulignent la complexité
qu'induit la gestion de multiples mécanismes d'exonération de
cotisations, à la fois pour les entreprises et pour la branche du
recouvrement.
Proposer " clefs en main " une refonte complète des
mécanismes existants n'entrait pas dans le propos de vos rapporteurs
dans le cadre de leur mission de contrôle sur pièces et sur place.
A la lumière de leurs constatations, il leur est apparu toutefois que
quelques pistes pouvaient a priori être inventoriées.
A. L'IMPÉRATIF DE RATIONALISER LES MESURES EMPLOI
1. Respecter les engagements de la convention d'objectifs et de gestion Etat - ACOSS
Les
conventions d'objectifs et de gestion, signées entre l'Etat et les
caisses nationales, constituent une nouvelle démarche de
" contractualisation ", permettant une tutelle davantage
" stratégique ". Le propre d'une convention est de comporter
des engagements réciproques. Il serait opportun que l'Etat attache du
prix à respecter sa part du contrat.
La convention d'objectifs et de gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS
le 3 avril 1998 comprenait un engagement de l'Etat, au paragraphe 241,
intitulé
" des textes clairs et adaptés aux
réalités vécues par les employeurs "
. La
première phrase précisait cette volonté :
" l'élaboration des textes législatifs et
réglementaires relatifs aux cotisations et contributions devra tendre
à une rationalisation des règles d'assiette au sein du
régime général et en liaison avec les autres
régimes de protection sociale, à une simplification des mesures
d'assiette ou de taux dérogatoires en faveur de l'emploi. "
Deux ans après la signature de cette convention, force est de constater
l'absence totale de réalisation de cet engagement. M. Charles
Descours, président du Conseil de surveillance de l'ACOSS, indiquait
dans le résumé de l'avis au Parlement du 28 septembre 1999 :
" l'Etat doit également respecter ses différents
engagements, notamment dans le domaine de la simplification et de la
clarification de la réglementation : rationalisation des mesures en
faveur de l'emploi ; meilleure écoute des gestionnaires dans le
processus d'élaboration des mesures. "
.
2. Etudier le regroupement de certaines mesures
La concentration financière des exonérations de cotisations laisse rêveur.
Concentration financière des mesures d'exonération (régime général)
Nature d'exonérations |
en millions de francs |
en % du total |
en % cumulé |
Exonérations RTT intégrant la ristourne bas salaires |
61 315 |
64,80 % |
64,80 % |
CIE |
4 551 |
4,81 % |
69,61 % |
Apprentissage |
3 913 |
4,14 % |
73,75 % |
ARTT de Robien |
3 100 |
3,28 % |
77,03 % |
Temps partiel |
2 975 |
3,14 % |
80,17 % |
CES |
2 903 |
3,07 % |
83,24 % |
Embauche 1er salarié |
2 864 |
3,03 % |
86,27 % |
Contrats de qualification |
2 562 |
2,71 % |
88,98 % |
CES consolidés |
2 139 |
2,26 % |
91,24 % |
Exonérations emplois familiaux |
1 894 |
2,00 % |
93,24 % |
Exonérations DOM |
1 313 |
1,39 % |
94,63 % |
Exonérations salariés en ZFU |
1 261 |
1,33 % |
95,96 % |
Aide à domicile |
999 |
1,06 % |
97,02 % |
Chèque emploi service |
772 |
0,82 % |
97,84 % |
Exonération des cotisations allocations familiales |
451 |
0,48 % |
98,32 % |
Insertion par l'économie |
381 |
0,40 % |
98,72 % |
HCR avantages en nature repas |
350 |
0,37 % |
99,09 % |
Zone franche Corse |
285 |
0,30 % |
99,39 % |
Créations d'emploi en ZRR |
245 |
0,26 % |
99,65 % |
CRE (part compensée) |
210 |
0,22 % |
99,87 % |
Créations d'emploi en ZRU |
85 |
0,09 % |
99,96 % |
Contrats d'orientation |
28 |
0,03 % |
99,99 % |
CRE (part non compensée) |
23 |
0,02 % |
100,00 % |
Total des exonérations |
94 619 |
100,00 % |
100,00 % |
La
moyenne nationale fait apparaître une concentration de 80 % des
crédits sur les cinq premières mesures. Mais, à l'occasion
du déplacement effectué à Arras, vos rapporteurs ont pu
constater que les cinq premières mesures pouvaient représenter
jusqu'à 97 % des exonérations accordées.
Les mesures les plus " chères " sont d'ailleurs les plus
simples, comme l'a montré le succès de la ristourne bas salaires.
Dès lors, ne serait-il pas possible d'envisager un regroupement, un
"toilettage " des différentes mesures d'exonération ?
Il convient de noter que la mission IGF-IGAS de mai 1998 insistait sur cette
règle de bon sens :
" la branche générera
d'autant mieux les mesures emploi que ces dernières seront peu
nombreuses, simples à appliquer et stables dans le temps. A cet
égard, la succession rapide des mesures et la multiplication de leurs
critères d'attribution sont autant d'obstacles à la mise en place
d'une gestion rigoureuse du dispositif "
48(
*
)
.
Deux années après ce constat, rien n'a été fait
pour simplifier les exonérations de cotisations de
sécurité sociale.
La difficulté de la simplification administrative ne doit pas être
mésestimée.
En dehors des mesures générales de baisse des charges, chaque
mesure s'adresse à un public particulier : jeunes, chômeurs,
exclus,... Chaque mesure a été
" étudiée " avec soin pour pouvoir " cibler "
avec précision l'objectif poursuivi. Cette volonté de cibler, et
de limiter les coûts de telle ou telle mesure, a abouti à la
situation actuelle : trente-six mesures d'exonération
différentes, cent cinquante textes d'application...
Se borner à reconnaître que la complexité est
inévitable n'est cependant pas souhaitable. Il est tout à fait
envisageable d'étudier le regroupement de certaines mesures.
Ainsi, les différences entre
le contrat de qualification
et
le
contrat d'orientation
ne semblent pas de nature à justifier un
mécanisme différent.
Il serait également envisageable de fondre en un seul dispositif les
deux mécanismes du
contrat emploi-solidarité
et du
contrat emploi consolidé
, les personnes arrivant en fin de CES
étant souvent amenées à bénéficier d'un CES.
Le
contrat d'accès à l'emploi
dans les DOM pourrait
être remplacé par le
contrat initiative-emploi
.
Il serait bon que toutes les administrations de l'Etat prennent une
réelle conscience des difficultés que pose l'existence de
mécanismes aussi divers. Il est indispensable qu'elles étudient,
en concertation étroite avec la branche du recouvrement, les dispositifs
qui pourraient être unifiés.
Une volonté politique claire paraît un préalable
essentiel. Elle serait à l'origine de la mise en place d'une mission
administrative
ad hoc
, disposant d'un temps limité, regroupant
des fonctionnaires des directions concernées et des responsables de la
branche du recouvrement, ainsi que des acteurs du terrain (directions
départementales, URSSAF, ANPE, entreprises).
Face au " silence " des administrations de l'Etat sur le sujet, il
n'est pas interdit à la branche du recouvrement de proposer des mesures
concrètes de simplification. Il est compréhensible que le
gestionnaire hésite à se prononcer sur la pertinence de faire
coexister tel ou tel mécanisme. Il n'en demeure pas moins qu'il est le
mieux à même d'isoler certains dysfonctionnements.
En effet, le système actuel ne permet pas une simplification
" catégorie ". Les administrations de l'Etat ne souffrent pas
de la complexité de la gestion des dispositifs d'exonération,
puisque c'est la branche du recouvrement qui en supporte les
conséquences. Par ailleurs, l'Etat n'a aucun intérêt
à simplifier -voire à supprimer- les dispositifs
antérieurs à 1994, dont il ne supporte pas le coût
financier. Au contraire, par une interprétation hasardeuse de la loi du
25 juillet 1994, il a tendance à reconduire ces mécanismes non
compensés, tout en étendant parfois leur champ
49(
*
)
.
Or, ces mécanismes sont nettement plus lourds en gestion que la
ristourne bas salaires.
L'absence de comptabilité analytique conduit à ignorer la
question du coût de gestion. Dans une logique de comptabilité
analytique, il serait envisageable que l'Etat participe aux frais de gestion
des mesures emploi. En comparaison, la sécurité sociale continue
d'acquitter des frais d'assiette et de recouvrement pour la CSG sur les revenus
du patrimoine.
Ce principe inciterait à étudier avec davantage de
précision le " coût " de gestion par la branche du
recouvrement et permettrait de privilégier les mécanismes
à gestion " simple ".
B. LA RECHERCHE D'UNE SIMPLICITÉ À TOUTES LES ÉTAPES
1. Harmoniser les techniques d'exonération
Au-delà du regroupement des mesures
d'exonération, il
serait souhaitable d'harmoniser les techniques d'exonération :
- assiette ;
- durée ;
- règles de cumul.
Cette harmonisation devrait faire partie plus explicitement des missions de la
Direction de la sécurité sociale, seule à même
d'inspirer une cohérence des techniques d'exonération. A tout le
moins, il serait possible d'imaginer un système de " visa "
administratif du mécanisme d'exonération de cotisations par cette
Direction. Cette fonction nécessite cependant un renforcement de ses
moyens, sur lesquels vos rapporteurs appellent l'attention depuis plusieurs
années.
La définition des mesures d'exonération devrait être
accompagnée d'une évaluation réaliste des moyens à
mettre en oeuvre pour en assurer la bonne gestion. Aujourd'hui, en effet, les
études d'impact dont doivent être assortis tant les projets de loi
que les décrets en conseil des ministres sont souvent lacunaires,
parfois indigents
50(
*
)
. En outre, la formulation
claire des objectifs poursuivis est un préalable à
l'évaluation nécessaire des politiques publiques.
Enfin, un délai raisonnable avant la mise en oeuvre d'un nouveau
mécanisme, ou d'une modification substantielle d'un dispositif
d'exonération de charges sociales, s'impose. La branche du recouvrement
doit aujourd'hui adapter sans relâche ses outils informatiques, ce qui
conduit à une " course de vitesse " incessante.
2. Recentrer les mesures d'exonération sur un nombre plus restreint d'objectifs
Les
gestionnaires des mesures d'exonération soulignent à juste titre
la complexité extrême des exonérations de charges sociales
liées à la politique d'aménagement du territoire.
Une réflexion pourrait être menée sur le remplacement
éventuel de ces mécanismes par des aides directes de l'Etat. En
effet, les règles communautaires n'interdisent pas des aides directes,
sous réserve qu'elles aient été "
négociées " avec la Commission. La date du
1
er
janvier 2002 (échéance des ZFU -ZRR - zones
franches) invite à conduire cette réflexion dès maintenant.
*
* *
Au terme
de cette mission, vos rapporteurs considèrent que la multiplication des
exonérations de cotisations sociales sont le révélateur du
poids trop élevé des charges sociales dans notre pays.
Le développement considérable qui a été
donné à ces mécanismes dans le cadre de la politique de
réduction de la durée du travail a certes pour objet de compenser
le coût pour les entreprises d'une mesure générale et
autoritaire, mais elle représente également l'amorce pour le
Gouvernement d'un " chemin de Damas ", qui le conduit à
reconnaître les vertus des allégements de charges. C'est à
ces dernières qu'il faudra imputer probablement, au-delà de la
croissance, l'évolution de l'emploi davantage qu'au " partage du
travail " résultant des trente-cinq heures.
Il reste que le financement de notre protection sociale devient de moins en
moins intelligible et qu'une frontière de plus en plus ambiguë
distingue l'assurance et la solidarité, en raison de la fiscalisation
des recettes de la sécurité sociale et de la fiscalisation de la
compensation des exonérations de cotisations.
Il n'y a que le titre abusif du " FOREC " pour laisser penser qu'une
réforme a eu lieu des cotisations de sécurité sociale.
QUATRIÈME PARTIE
-
LA MISE EN PLACE DE LA
COUVERTURE MALADIE
UNIVERSELLE
Votre
Commission avait estimé, à l'occasion de la discussion du projet
de loi instituant une couverture maladie universelle, qu'une réforme de
grande ampleur était nécessaire.
En effet, environ 150.000 personnes demeuraient dépourvues d'une
couverture maladie de base, essentiellement d'ailleurs parce qu'elles
étaient trop marginalisées pour faire valoir leurs droits, et un
nombre important de Français ne bénéficiaient pas d'une
couverture maladie complémentaire. Or, une couverture
complémentaire maladie est, de fait, devenue indispensable, la
sécurité sociale remboursant de moins en moins bien les
dépenses de santé.
Telle qu'instituée par la loi du 27 juillet 1999, la couverture maladie
universelle comporte deux volets, un volet
" couverture de
base "
et un volet
" couverture
complémentaire "
.
En ce qui concerne la couverture de base, la loi prévoit
désormais que toute personne résidant de façon stable et
régulière en France est obligatoirement affiliée au
régime général d'assurance maladie si elle n'a pas droit,
à un autre titre, à des prestations maladie. Cette affiliation
est immédiate, continue, et elle est gratuite en dessous d'un certain
seuil de revenus.
Le Sénat a approuvé cette réforme, soulignant toutefois
que la question essentielle, pour les 150.000 personnes dépourvues de
couverture de base, était moins celle du droit que celle de
l'accès au droit.
Le second volet de la loi, consacré à la couverture
complémentaire, concernerait, selon le Gouvernement, 6 millions de
personnes.
Il prévoit d'accorder gratuitement une couverture maladie
complémentaire à 100% avec tiers payant à toutes les
personnes dont les revenus sont inférieurs à un plafond de
ressources.
Si l'instruction des dossiers de demande appartient aux caisses primaires, les
bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) peuvent
ensuite en confier la gestion, soit à leur caisse primaire, soit aux
mutuelles, aux assurances ou institutions de prévoyance qui ont
accepté de participer au dispositif.
Le Sénat a estimé, lors des débats parlementaires, qu'il
aurait été possible de promouvoir un projet aussi
généreux que celui que proposait le Gouvernement, sans s'exposer
à tous les effets pervers qu'il comportait.
Ainsi, il a considéré que l'application de la réforme
gouvernementale se traduirait par un effet de seuil massif.
Depuis son entrée en vigueur, en effet, selon qu'un assuré social
gagne 100 francs de plus ou 100 francs de moins par mois, selon qu'il est
au-dessus ou en dessous du seuil :
- soit il doit payer l'intégralité de ses cotisations
à la sécurité sociale plus les cotisations ou les primes
correspondant à sa couverture complémentaire, et obtient ainsi
une couverture maladie qui n'est jamais totalement à 100% ;
- soit il bénéficie, sans aucune cotisation, à titre
totalement gratuit, d'une couverture de base et d'une couverture
complémentaire à 100% pour tous les soins, avec tiers payant.
Le Sénat avait estimé que les conséquences de cet effet de
seuil seraient très graves :
- non seulement parce qu'il ferait hésiter à accepter, dans une
famille ne comprenant qu'un actif, un travail à temps partiel ou
même un retour à l'activité pour un chômeur,
- mais parce que des personnes qui ne sont pas riches et qui ne peuvent
pas travailler seraient exclues de la CMU : il en est ainsi des personnes
âgées bénéficiaires du minimum vieillesse ou des
personnes handicapées bénéficiaires de l'allocation
handicapé adulte. Le montant de leur allocation se situe en effet juste
au-dessus du plafond de ressources.
Le Sénat avait en outre estimé que la CMU serait très
déresponsabilisante, car elle ne permettrait pas aux personnes
défavorisées d'entrer dans un dispositif de droit commun, les
plaçant au contraire dans une situation d'assistance, avec une
" sécurité sociale bis "
totalement gratuite.
En conséquence, le Sénat avait profondément amendé
le projet de loi gouvernemental en instituant une
" allocation
personnalisée à la santé "
, construite sur le
modèle de l'allocation logement, ayant vocation à aider les
personnes défavorisées à adhérer à une
mutuelle ou à souscrire un contrat assurance complémentaire dans
des conditions de droit commun. Cette allocation, solvabilisant
intégralement ses bénéficiaires au niveau du RMI, aurait
été dégressive avec les revenus jusqu'au niveau du SMIC.
Le Sénat avait enfin affirmé qu'il aurait fallu,
parallèlement à la réforme, améliorer le
fonctionnement de la sécurité sociale afin qu'elle rembourse
mieux les dépenses de santé. La réforme gouvernementale ne
s'est pas du tout attaquée à ce problème, qui demeure
pourtant essentiel.
Près de six mois après l'entrée en vigueur de la CMU,
votre commission a souhaité en examiner les conditions d'application.
Ses travaux ont montré que :
- la montée en charge de la CMU, régulière, est
cependant très lente, et laisse à l'écart les organismes
complémentaires qui ne gèrent aujourd'hui la couverture
complémentaire que d'une très faible minorité de
bénéficiaires ;
- les mesures réglementaires d'application de la loi ont
considérablement accru la complexité du dispositif
législatif, complexité à l'origine de beaucoup de perte de
temps pour les gestionnaires -d'où le grand
" encombrement "
constaté dans les caisses primaires-
et de beaucoup d'incompréhensions ;
- enfin, les mesures réglementaires comme les conditions
d'application de la loi s'éloignent encore plus que ne l'avait fait la
loi elle-même d'un scénario
" partenarial "
entre
les organismes de base et les organismes complémentaires, mais aussi
avec les professionnels de santé.
Déplacements et auditions des rapporteurs |
|
|
|
Déplacement sur place |
|
12 avril 2000 |
FMF
|
18 avril 2000 |
MSA du
Mans
|
|
Groupama
du Mans
|
19 avril 2000 |
CANAM
|
25 avril 2000 |
CPAM de
Paris
|
16 mai 2000 |
CPAM
d'Amiens
|
|
|
Auditions devant les rapporteurs |
|
11 avril 2000 |
M. Bernard Delas, directeur général et Mme Flicoteaux, directeur assurance agricole et particuliers de GROUPAMA |
|
M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAMTS |
18 avril 2000 |
Mme Jeannette Gros, présidente et M. Daniel Lenoir, directeur général de la MSA |
|
M. Gilles Marchandon, délégué général à la FNIM |
|
M. André Renaudin, délégué général adjoint de la FFSA |
|
|
|
|
|
|
25 avril 2000 |
Docteur Richard Bouton, président de MG France |
|
M. Reignault, président de la Confédération nationale des syndicats dentaires |
|
M. Alain Bach, directeur et M. Henry-Pierre, président-délégué de l'Union des opticiens - France (UDO) |
2 mai 2000 |
M. Raoul Briet, directeur, M. Philippe Georges, sous-directeur, M. Dominique Libault, sous-directeur de la Direction de la sécurité sociale au Ministère de l'emploi et de la solidarité et M. Philippe Georges, directeur du Fonds de financement de la CMU |
|
M. Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux |
9 mai 2000 |
M. Jean-Louis Bancel, directeur général de la FNMF |
|
M. Jean-Claude Auger, directeur général du centre d'aide sociale de la ville de Paris, accompagné de Mme Dominique Martin, sous-directeur du service des interventions sociales |
|
M. Jean Gras, président de la FMF et Professeur Bernard Mignot |
|
M. Eric Verdier, responsable de publication de l'UJCD - Union dentaire |
|
M. Hubert Wannepain, secrétaire général de la CSMF |
I. LES DEMANDES DE COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE COMPLÉMENTAIRE : UNE MONTÉE EN CHARGE RÉGULIÈRE MAIS LENTE DANS LES ORGANISMES DE BASE, UNE GRANDE DÉCEPTION DANS LES ORGANISMES MUTUALISTES ET CHEZ LES ASSUREURS
A
l'initiative du Gouvernement, le débat sur le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle s'était
organisé autour d'une équation improbable, dont aucun des termes
n'était véritablement démontré :
6 millions de personnes x 1.500 francs = 9 milliards de francs.
Ni l'estimation d'un coût annuel de 1.500 francs, très
contesté par les organismes de protection complémentaire, ni
celle du nombre potentiel de bénéficiaires, n'avaient en effet
été véritablement argumentées par le Gouvernement.
S'il est encore trop tôt pour évoquer sérieusement un bilan
financier de la couverture complémentaire CMU, les chiffres fournis par
les caisses comme par les organismes de protection complémentaire,
semblent bien en deçà des estimations gouvernementales en ce qui
concerne le nombre de bénéficiaires de la CMU.
L'entrée en vigueur de la loi instituant une couverture maladie
universelle s'est d'abord traduite, au 1
er
janvier 2000, par le
basculement dans le régime CMU des 3,1 millions de personnes
bénéficiaires de l'aide médicale des départements.
Ce basculement, prévu par les articles 28 et 29 de la loi, s'est
déroulé dans de bonnes conditions de coopération entre les
départements et les caisses. Dans un département dans lequel se
sont rendus les rapporteurs de votre Commission, le conseil
général a même constitué, aux fins du basculement,
un fichier informatisé des bénéficiaires de l'aide
médicale qui n'avait jamais été réalisé
jusque-là !
En ce qui concerne les nouvelles demandes de CMU complémentaire,
c'est-à-dire les demandes présentées par des personnes
estimant disposer de ressources d'un montant inférieur au plafond CMU
mais ne bénéficiant pas de l'aide médicale, les chiffres
fournis par les caisses et les organismes complémentaires montrent que
la montée en charge est très lente, et qu'elle n'a
concerné, presque exclusivement, que les organismes de base.
A la fin du mois d'avril, on était ainsi très loin des 3 millions
de personnes bénéficiaires du nouveau dispositif.
A. L'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE MALADIE COMPLÉMENTAIRE DES FRANÇAIS PROMISE PAR LA CMU NE CONCERNE PAS ENCORE, LOIN S'EN FAUT, LES 3 MILLIONS DE PERSONNES ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT
6
millions de bénéficiaires potentiels moins 3 millions
d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale = 3 millions de
nouveaux bénéficiaires : tel était l'objectif
annoncé par le Gouvernement lors des débats sur le projet de loi
instituant la CMU.
Les chiffres fournis par les caisses et les organismes complémentaires
montrent que l'on en est encore très loin.
1. Les dossiers de demande d'attribution de la CMU dans les organismes de base
Au 21
avril 2000, les CPAM avaient reçu 437.055 dossiers de demandes de CMU,
et accordé le bénéfice de cette couverture à
308.761 demandeurs, 75.508 dossiers étant en instance.
Le nombre de dossiers déposés croît d'environ 100.000 par
mois : il était ainsi de 227.624 au 25 février, 336.680 au
24 mars et de 437.055 le 21 avril dernier.
Le stock de demandes en instance reste à peu près constant :
de 72.156 au 25 février, il est passé à 75.508 au mois
d'avril, traduisant ainsi une accélération du traitement des
dossiers.
Le taux de refus est lui aussi constant, et s'établit autour de
15 %.
Nombre
de dossiers remplis,
en cumulé depuis début janvier 2000 (en
métropole),
dans les CPAM au 21 avril 2000
|
au 25.02 |
au 24.03 |
au 21.04 |
Total déposés |
227.624 |
336.680 |
437.055 |
Refus |
22.070 |
37.542 |
52.786 |
Instances |
72.156 |
75.083 |
75.508 |
Accords |
133.398 |
225.056 |
308.761 |
|
|
|
|
Ratio instances/total |
32 % |
22 % |
17 % |
Ratio refus/accords + refus |
14 % |
14 % |
15 % |
Deux
observations conviennent d'être formulées concernant ces
chiffres :
- ils ne traduisent que la situation en métropole, à l'exclusion
des DOM ;
- ils ne fournissent pas le nombre de bénéficiaires de la CMU,
mais seulement celui des dossiers. Si l'on suppose que, grossièrement,
chaque dossier CMU concerne un foyer de deux personnes, on aurait donc, au
21 avril,
environ 600.000 personnes couvertes par la CMU
.
A ces chiffres, il convient d'ajouter ceux qui concernent les demandes
instruites par l'assurance maladie des indépendants et par la
mutualité sociale agricole, même si leur apport ne bouleverse pas
cette estimation de 600.000 personnes couvertes.
L'assurance maladie des indépendants a d'abord reçu, au
1
er
janvier 2000, 73.508 anciens bénéficiaires de
l'aide médicale. Le nombre de nouveaux bénéficiaires (et
non de dossiers) de la CMU enregistré depuis le début de
l'année est assez faible : il s'établissait ainsi à
10.692
à la fin du mois de mars 2000.
Ce nombre de bénéficiaires est à peu près
équivalent dans le régime agricole qui avait accepté,
à la fin du mois de mars,
7.840
dossiers de demandes de CMU (hors
ex-bénéficiaires de l'aide médicale).
Récapitulatif : à peu près 600.000 personnes bénéficiaires
Nombre de dossiers acceptés |
|
. Régime général (chiffres fin avril) |
308.761 |
. MSA (chiffres fin mars) |
7.840 |
Total |
316.601 |
- Nombre de bénéficiaires |
|
AMPI (chiffres fin mars) |
10.692 |
Il n'y a
donc pas eu, dans les premiers mois d'entrée en vigueur de la CMU, de
"
ruée
" vers ce nouveau dispositif, malgré
l'ampleur des campagnes d'informations organisées par les pouvoirs
publics comme par les organismes de protection sociale, de base ou
complémentaire.
Plusieurs explications possibles peuvent être (prudemment)
avancées :
- les hypothèses de départ (soit 3 millions de personnes non
bénéficiaires de l'aide médicale et aux ressources
inférieures à 3.500 francs par mois) étaient
surestimées ;
- compte tenu de la variabilité de certains revenus -notamment chez
les indépendants, mais aussi pour certains salariés- dans la
tranche considérée, des personnes hésitent peut-être
à faire valoir des droits à la CMU qu'elles savent être
instables d'une année sur l'autre. Elles préfèrent donc
garder leur adhésion mutualiste ou leur contrat complémentaire
actuel ;
- certains personnes âgées, peu informées, craignent
peut-être que la CMU puisse faire l'objet d'une
récupération sur succession ;
- dans le régime agricole, certains retraités dont les
ressources sont aujourd'hui inférieures au plafond savent que, compte
tenu de la revalorisation de leur retraite, ils seront prochainement exclus de
la CMU. Ils craignent ainsi qu'en renonçant aujourd'hui à leur
couverture complémentaire, ils s'exposent à devoir, plus tard, se
soumettre à un examen médical pour retrouver une couverture
complémentaire, dont les tarifs pourraient être plus
élevés que ceux qui s'appliquent aujourd'hui à leur
contrat ;
- enfin, pour certains bénéficiaires potentiels de la CMU
déjà adhérents d'une mutuelle ou titulaires d'un contrat
d'assurance, le panier de soins couvert par leur contrat actuel est plus
avantageux que celui de la CMU en matière dentaire et d'optique. Ils
hésitent peut-être à renoncer à ce contrat, ce qui
les obligerait à adhérer, en plus de la CMU, à l'un des
contrats "
surcomplémentaires
CMU
" que certains
organismes mutualistes et assureurs proposent déjà...
2. Les demandes de gestion de la CMU par les organismes complémentaires
Si le
nombre de nouveaux bénéficiaires de la CMU enregistrés
dans les organismes de base peut-être considéré comme
faible, celui des bénéficiaires ainsi enregistrés ayant
fait le choix de la gestion par un organisme complémentaire l'est encore
plus...
A la fin du premier trimestre 2000, la surprise était ainsi très
grande dans les
523 organismes de protection complémentaire
participant à la CMU, et toutes les estimations effectuées avant
l'entrée en vigueur du dispositif avaient dû être
révisées à la baisse.
Ainsi, la Fédération française des sociétés
d'assurance, dont presque tous les membres -à l'exception de la Caisse
nationale de prévoyance (CNP), qui intervient, en maladie,
essentiellement en réassurance et de quelques sociétés
étrangères- ont décidé de participer au dispositif
indiquant qu'elle assurait la gestion de
7.000 bénéficiaires de la CMU...
A lui seul, GROUPAMA, qui est adhérent de la Fédération
française des sociétés d'assurance (FFSA), gérait
1.000 bénéficiaires.
Chez les organismes mutualistes, la Mutualité française
revendiquait
80 à 100.000 personnes
et la
Fédération nationale interprofessionnelle des mutuelles environ
un millier
.
En fait, toutes les prévisions réalisées avant
l'entrée en vigueur de la CMU par les organismes complémentaires
ont été revues à la baisse.
Ainsi, selon les représentants de la fédération nationale
interprofessionnelle et mutuelles (FNIM), la MAAF-Assurance santé, qui
assure 300.000 chefs de famille et s'était engagée dans la CMU
dans un esprit très dynamique, estimait à 6.000 le nombre de
bénéficiaires de la CMU qui la choisiraient comme gestionnaire de
leur complémentaire. Elle n'en compte en réalité que 600
ou 700.
Il en est de même au sein des régimes de base. Ainsi, la CANAM,
qui assure la couverture maladie de base de 3,1 millions de personnes,
estimait à 500 ou 600.000 le nombre de bénéficiaires
potentiels de la CMU parmi ses ressortissants : les chiffres réels
sont, là aussi, près de dix fois inférieurs, la CANAM
ayant accordé le bénéfice de la CMU complémentaire
à un peu plus de 80.000 personnes, dont 10.000 seulement ne
bénéficiaient pas de l'aide médicale avant le
1
er
janvier 2000.
3. Les profils de bénéficiaires : l'exemple du régime AMPI
Catégories de bénéficiaires
(sur un
total, au 29 février 2000, de 78.370 bénéficiaires)
Type d'admission
Taille du foyer CMU
Structure par âge
Pyramide des âges
âge moyen 36 ans (AMPI 47 ans)
B. POUR LES 3 MILLIONS D'ANCIENS BÉNÉFICIAIRES DE L'AIDE MÉDICALE, LA PROMESSE D'AMÉLIORATION DE LA COUVERTURE COMPLÉMENTAIRE EST PRÉCAIRE ET RÉVOCABLE
Le
"
basculement
" dans le régime CMU, pour les
3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide
médicale, n'a pas toujours été synonyme
d'amélioration de la couverture médicale.
Ainsi, dans les domaines des soins dentaires et de l'optique, qui sont les plus
"
sensibles
" en ce qui concerne l'accès aux soins des
personnes peu favorisées, certains départements offraient, au
titre de l'aide médicale, une couverture sensiblement meilleure à
celle que procure la CMU.
Ainsi, la CMU couvre des dépenses à hauteur de
2.600 francs tous les deux ans
par bénéficiaire pour
les prothèses dentaires, et de
1.600 francs tous les deux ans
pour les prothèses auditives.
Ces chiffres sont à rapprocher des
2.500 francs annuels
offerts
par la Carte Paris santé, et des
5.000 francs annuels
attribués pour la prise en charge des prothèses auditives.
En outre, "
l'amélioration
" de la couverture
complémentaire promise par le projet de loi instituant la CMU va
s'avérer, dans une vingtaine de départements, brutalement
révocable.
Aux termes de la loi, en effet, les bénéficiaires de l'aide
médicale ont été automatiquement basculés dans le
régime CMU, sans que le niveau de leurs ressources soit encore
contrôlé.
La loi prévoit ainsi, dans son article 28, que
" les personnes
titulaires de l'aide médicale à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi bénéficient de plein droit des
dispositions de l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale
(c'est-à-dire de la CMU) jusqu'à expiration de la période
d'admission à l'aide médicale et, en tout état de cause,
jusqu'au 31 mars 2000 ".
Le contrôle des ressources devait être réalisé par
les caisses au 30 juin 2000. Tous les responsables des caisses nationales
rencontrés par vos rapporteurs sont formels : ils ne parviendront
pas à effectuer cette tâche d'ici la fin du mois de juin, et
plusieurs demeurent circonspects quant à la possibilité d'y
parvenir d'ici la fin du mois d'octobre.
Si la montée en charge de la CMU se poursuit à son rythme
d'environ 100.000 dossiers par mois et dans un contexte où le retard de
traitement des feuilles de soins par les CPAM concerne déjà
11,7 millions de feuilles (contre 11,4 millions à la fin du
mois de mars), soit six jours de traitement, on voit en effet assez mal comment
le contrôle des ressources des 3,1 millions de
bénéficiaires de l'aide médicale pourrait être
réalisé dans un délai raisonnable.
Ce contrôle des ressources va occasionner de mauvaises surprises aux
personnes qui avaient été admises à l'aide médicale
dans la vingtaine de départements dont les barèmes étaient
plus favorables -voire beaucoup plus favorables- que celui de la CMU.
Elles perdront en effet le bénéfice de l'aide médicale, et
l'institution de la CMU se traduira, pour ces personnes, par un recul de leurs
droits. Ainsi, à Paris, le plafond de ressources pour la carte Paris
santé s'établissait à 4.004 francs par mois, voire
même à 4.205 francs pour les personnes âgées ou
handicapées qui bénéficiaient d'une allocation de garantie
de ressources servie par la ville.
Cette allocation complète en effet leurs ressources jusqu'à
4.205 francs par mois pour une personne seule et 7.360 francs pour un
couple, auxquels s'ajoute une prise en compte de leur loyer réel
jusqu'à un montant de 1.500 francs.
Au total, la carte Paris santé bénéficiait à
140.000 personnes, dont 20.000 personnes âgées ou
handicapées bénéficiaires de l'Allocation ville de Paris.
Il est aujourd'hui impossible de connaître le nombre de personnes qui
perdront leur droit à une couverture maladie complémentaire -et,
dans certains cas aussi, de base- gratuite, même si plusieurs
interlocuteurs de vos rapporteurs ont avancé le chiffre de
100.000
.
Nul doute cependant que ces situations seront mal vécues : il est
rare, dans notre pays, que des réformes de la protection sociale se
traduisent par une régression des droits... surtout lorsque ces
réformes ont une ambition affichée de plus grande
générosité.
Au guichet des caisses, il sera d'autant plus difficile à expliquer les
décisions de rejet que ces ex-bénéficiaires de l'aide
médicale auront, pendant près d'un an, bel et bien
bénéficié de la CMU dont ils seront, non pas
écartés, mais radiés...
L'ensemble des interlocuteurs de vos rapporteurs interrogés sur ce point
a confirmé que l'institution d'une allocation personnalisée
à la santé dégressive avec le revenu, prônée
par le Sénat lors de la discussion du projet de loi, eût
été grandement préférable au "
tout ou
rien
" que le Gouvernement et sa majorité parlementaire se sont
obstinés à retenir, sans d'ailleurs avancer d'autre importante
explication à ce choix que l'opposition présumée de
certaines associations impliquées dans l'aide aux personnes
défavorisées à un scénario véritablement
partenarial impliquant les organismes de protection sociale
complémentaire.
II. LES MESURES RÉGLEMENTAIRES D'APPLICATION DE LA LOI ONT INUTILEMENT AGGRAVÉ LA COMPLEXITÉ DU DISPOSITIF, OCCASIONNANT AINSI ERREURS, PERTE DE TEMPS ET INCOMPRÉHENSIONS
Alors
qu'assez peu de dossiers de demande de CMU ont été reçus
et que le contrôle des ressources des anciens bénéficiaires
de l'aide médicale n'a pas encore été effectué, la
mise en oeuvre de la couverture maladie universelle a considérablement
aggravé, car elle n'en est pas la seule cause,
l'
" engorgement "
de beaucoup de caisses primaires d'assurance
maladie.
La grande complexité du dispositif législatif, renforcée
par les mesures réglementaires d'application, en est la cause
directe : la tâche des agents des caisses qui ont dû apprendre
un nouveau métier de contrôleur de ressources, a en effet
été rude.
A. BEAUCOUP DE COMPLEXITÉ INUTILE
1. Les agents des caisses ont dû apprendre deux méthodes de contrôle des ressources, une pour la CMU de base, une autre pour la CMU complémentaire
Pour être exact, ce n'est pas un mais deux nouveaux métiers qu'ont dû apprendre les agents des caisses de sécurité sociale pour mettre en oeuvre la CMU : en effet, ni les personnes prises en charge, ni la notion de " foyer ", ni les ressources prises en compte ne sont identiques pour la CMU de base et la CMU complémentaire.
a) Les " foyers " de la CMU de base et de la CMU complémentaire ne sont pas identiques
Pour le
contrôle des ressources des demandeurs de la CMU de base, la notion de
foyer fiscal s'applique le plus souvent.
Comme l'indique la circulaire DSS/5A/5B n° 2000-21 du 12 janvier 2000
" les revenus pris en compte sont ceux de l'assuré et de ses
ayants droit. De manière générale, ces revenus
correspondent à ceux du foyer fiscal ".
Il n'y a d'exception à ce principe que lorsque le foyer fiscal ne
coïncide pas avec celui de la personne affiliée et de ses ayants
droit. Dans ce cas, il appartient aux agents des caisses, soit d'additionner
les revenus fiscaux de l'assuré et de ses ayants droit, soit de
déduire du revenu fiscal de référence du foyer les revenus
correspondant à la ou aux personne(s) non ayant(s) droit.
Pour la protection complémentaire, la réglementation est
différente. Le " foyer " se compose, aux termes de l'article
R. 861-2 du code de la sécurité sociale :
- de l'auteur de la demande ;
- et de son conjoint soumis à imposition commune ou de son concubin
ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité et des
personnes à leur charge
" réelle et continue "
,
à savoir :
- les enfants et autres personnes de moins de 25 ans rattachés au
foyer fiscal du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire ;
- les enfants du demandeur, de son conjoint, de son concubin ou de son
partenaire vivant sous le même toit que le demandeur, âgés
de moins de 25 ans et ayant établi une déclaration de
revenus autonome ;
- les enfants majeurs du demandeur, de son conjoint, concubin ou
partenaire âgés de moins de 25 ans qui reçoivent une
pension faisant l'objet d'une déduction fiscale et dont le versement ne
fait pas suite à une décision judiciaire.
b) Les ressources prises en compte ne sont pas les mêmes
Cette
difficulté concernant la double notion de
" foyer "
répond à celle concernant le périmètre des
ressources à contrôler.
Pour la CMU de base, en effet, les ressources prises en compte correspondent
à celles qui sont énumérées au 1° du V de
l'article 1417 du code général des impôts, à savoir
le revenu fiscal de référence figurant sur l'avis d'imposition.
Eléments à prendre à compte dans
l'assiette
de la cotisation prévue
à l'article L. 380-2 du code de la
sécurité sociale
(annexe à la circulaire DSS du 12 janvier 2000
précitée)
(1° du V de l'article 1417 du CGI : montant net des revenus et plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente, tel que pris en compte pour l'appréciation du critère d'exonération applicable en matière de taxe d'habitation).
Eléments à prendre en compte |
Source d'information |
Eléments à déduire du revenu déclaré (1) |
|
Revenu fiscal de référence (de l'assuré et ses ayants droit) : (I - II +III) |
Avis d'imposition |
Néant |
|
I. - Revenus pris en compte |
|
|
|
a) Traitements et salaires : |
|
|
|
Traitements et salaires avant tout abattement, dont
notamment :
congés payés, stages, CES, allocation de préretraite
progressive, allocation spécifique de conversion versée par
l'ASSEDIC, compléments pour les organisations internationales,
rémunérations des gérants et associés, avantages en
nature, indemnités de préavis en cas de licenciements, partie
imposable des apprentis sous contrat, indemnités journalières de
maladie maternité imposables (mais pas IF longue maladie ou accident du
travail), allocations journalières imposables (allocation chômage
partiel ou total versé par les ASSEDIC), indemnités de stage
imposables (durée supérieure à 3 mois) (mais pas les
bourses de l'enseignement supérieur).
|
Traitements et salaires avant tout abattement, tels que déclarés au cadre 1 de la déclaration n° 2042 (après déduction des cotisations de sécurité sociale). |
Déduction forfaitaire de 10 % pour frais
professionnels
(et) éventuellement déduction forfaitaire supplémentaire).
|
|
|
|
La
déduction forfaitaire supplémentaire ne peut être
supérieure à 20.000 F (30.000 F).
|
Abattement de 20 %.
|
b) Pensions, retraites et rentes : |
|
|
|
Pensions
de retraites, pensions d'invalidité, pensions alimentaires reçues
en espèce ou en nature en exécution d'obligations du code civil
(dans la limite d'un plafond de 20.480 F (20.370 F) dans le cas d'enfants
majeurs), rentes viagères à titre gratuit (à l'exception
de l'AVTS, des allocations du FSV et du FSI, des rentes viagères servies
aux victimes d'accidents du travail, des pensions militaires
d'invalidité, de l'AAH, du RMI, de l'allocation pour tierce personne).
|
Montant des pensions, retraites et rentes déclarées au cadre 1 de la déclaration n° 2042. |
Abattement forfaitaire de 10 % applicable aux retraites,
pensions et rentes viagères à titre gratuit.
|
Abattement de 20 % : calcul commun à celui mentionné plus haut. |
Rentes viagères à titre onéreux |
Montant des rentes viagères à titre onéreux déclarées au cadre 1 de la déclaration n° 2042. |
Elles ne
sont retenues que pour une fraction représentative du capital,
déterminée après l'âge du rentier lors de
l'entrée en jouissance de la rente (soit : 70 % si moins de 50
ans
|
|
c) Revenus d'activités non salariées : |
|
|
|
(Bénéfices agricoles, bénéfices des professions
industrielles, commerciales et artisanales, bénéfices des
professions non commerciales et revenus assimilés)
|
Revenus avant tout abattement, déclarés au cadre 5 de la déclaration n° 2042 au titre de l'année concernée. |
- lecture directe du revenu à retenir ;
|
|
d) Revenus fonciers : |
|
|
|
- revenus nets fonciers (loyers, fermages, parts de
SCI) ;
|
Revenus déclarés dans le cadre 4 de la déclaration n° 2042. |
- lecture directe à retenir ;
|
|
e) Revenus des valeurs et capitaux mobiliers : |
|
|
|
- y compris l'avoir fiscal ou le crédit d'impôt |
Revenus déclarés dans le cadre 2 de la déclaration n° 2042, y compris l'avoir fiscal ou le crédit d'impôt (éventuellement imprimés bancaires). |
Abattement annuel de 8.000 F pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés, et de 16.000 F pour les contribuables mariés soumis à l'imposition commune applicable exclusivement aux dividendes d'actions de sociétés françaises, aux produits de parts de SARL et EARL et aux intérêts des sommes inscrites en comptes bloqués d'associés. |
|
f) Montant des plus-values mobilières et immobilières imposables (Cessions à titre onéreux). |
|
|
|
|
Montant des plus-values mobilières et immobilières imposables déclarées au cadre 3 de la déclaration n° 2042, c'est-à-dire après application des abattements spéciaux et généraux et prise en compte du seuil de cession. |
Lecture directe du revenu à retenir. |
|
Eléments à prendre en compte |
Source d'information |
Eléments à déduire du revenu brut global
(1)
|
|
II. - Charges admises en déduction |
|
|
|
Déficits : |
|
|
|
Déficits de l'année en cours et déficits reportables des cinq années antérieures (à l'exception de certains déficits fonciers, des déficits agricoles dans certaines circonstances, des déficits d'activités non commerciales à caractère non professionnel, des déficits d'activité commerciale à caractère non professionnel. |
Déficits déclarés cadre 4 de la déclaration n° 2042 en ce qui concerne les déficits fonciers imputables, cadre 5 pour les revenus d'activité non salariaux et cadre 6 pour les déficits des années antérieures |
Montant porté sur la déclaration. |
|
Charges déductibles du revenu global : |
|
|
|
- CSG sur les revenus du patrimoine ;
|
Charges déclarées au cadre 6 de la déclaration n° 2042. |
- montant figurant sur la déclaration ;
|
|
Abattements spéciaux : |
|
|
|
- personnes âgées de plus de 65 ans ou
invalides
quel que soit leur âge ;
|
- pas d'information synthétique sur la
déclaration n° 2042 pour procéder au calcul de ces
abattements ;
|
- déduction d'une somme de 10.000 F (10.040 F) sir
le
revenu net global n'excède as 62.300 F (61.900 F) et de 5.050 F (5.020
F) si ce revenu est compris entre 62.300 F (61.900 F et 100.600 F (100.100 F).
|
|
Eléments à prendre en compte |
Source d'information |
Eléments à réintégrer |
|
III. - Réintégration de certaines charges déduites et prise en compte de certains revenus exonérés d'impôt. |
|||
a) Réintégration de certaines charges (2) : |
|
|
|
- souscriptions en numéraire au capital SA se
consacrant
au financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles
(SOFICA) ;
|
Charges déclarées au cadre 6 de la déclaration n° 2042 |
- montants figurant sur la déclaration ;
|
|
b) Prise en compte de certains revenus |
|
|
|
- produits de placement à revenus fixes soumis au
prélèvement libératoire ;
|
- revenus déclarés au cadre 2 de la
déclaration n° 2042 ;
|
-
montant porté sur la déclaration ;
|
(1)
Tous les seuils ou plafonds mentionnés se rapportent aux revenus de 1999
(et pour la phase transitoire, aux revenus 1998, chiffres en italique et entre
parenthèses).
(2) La réintégration de ces charges suppose qu'elles aient
été prises en compte au préalable comme charges
déductibles du revenu imposable pour le calcul de l'impôt sur le
revenu.
Pour la CMU complémentaire, le décret n° 99-1003 du 25
novembre 1999 modifiant l'article R. 762-8 du code de la sécurité
sociale a énuméré les ressources à reconstituer.
Non seulement ces ressources ne correspondent pas à celles qui sont
énumérées au 1° du V de l'article 1417 du code
général des impôts, mais des difficultés
supplémentaires résultent du fait que :
- certaines prestations sociales sont prises en compte, d'autres pas ;
- certains avantages en nature ou certaines prestations sociales font
l'objet d'une évaluation forfaitaire ;
- et plusieurs dispositions visant à prendre en
considération des changements récents dans la situation
économique ou familiale du bénéficiaire, prévoient
que certaines ressources, dans cette hypothèse, soit seront
déduites du total, soit feront l'objet d'abattements.
Pour la détermination des droits à la CMU complémentaire,
les ressources prises en compte, aux termes de l'article R. 861-4 du code
de la sécurité sociale, comprennent l'ensemble des ressources des
personnes composant le
" foyer "
, nettes de
prélèvements sociaux obligatoires, de CSG et de CRDS, y compris
les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers
et immobiliers et par des capitaux.
Toutefois :
- ne sont pas pris en compte : l'allocation d'éducation
spéciale, l'allocation de rentrée scolaire et les primes de
déménagement, les majorations pour tierce personne, l'allocation
compensatrice pour l'emploi d'une tierce personne et la prestation
spécifique dépendance, les prestations en nature des assurances
maternité, maladie, invalidité ou accident du travail, l'AFEAMA
et l'AGED, les aides et secours versés par des organismes sociaux,
l'AJE, l'allocation spécifique d'attente, les indemnités en
capital de l'assurance accidents du travail et indemnités
complémentaires de remplacement, la prime de rééducation
et le prêt d'honneur créé par l'article R. 432-10 du code
de la sécurité sociale, les bourses d'études (sauf celles
de l'enseignement supérieur), les frais funéraires et le capital
décès, l'allocation du fonds de solidarité en faveur des
anciens combattants d'Afrique du Nord et l'aide spécifique en faveur des
conjoints survivants des membres des formations supplétives.
Sont également déduites les charges consécutives au
versement des pensions et obligations alimentaires.
En outre, certaines prestations ou avantages en nature font l'objet d'une
évaluation forfaitaire : il s'agit des avantages en nature
procurés par un logement à son propriétaire ou ceux dont
bénéficie l'occupant à titre gratuit d'un logement, des
avantages procurés par des biens mobiliers, immobiliers ou des capitaux
non exploités ni placés, ainsi que des aides personnelles au
logement.
Enfin, des dispositions spécifiques prévoient des abattements ou
déductions spécifiques en cas :
- de diminution au cours de la période de référence,
du nombre des personnes composant le foyer (régime de
déduction) ;
- de chômage total ou d'une interruption de travail
supérieure à 6 mois (abattement de 30 %) ;
- de stage de formation professionnelle ou de perception de l'allocation
d'insertion ou de l'allocation de solidarité spécifique
(abattement de 30 %).
La très grande complexité de ces règles, avec lesquelles
doivent au quotidien
" jongler "
les agents des caisses et qui
n'a pas toujours de fondement logique, est source de beaucoup de perte de temps
et d'erreurs.
2. L'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls salariés, empêche toute automatisation des procédures de contrôle des ressources
La
complexité ne s'arrête pas aux différentes
définitions du
" foyer "
et des ressources prises en
compte dans le cadre de la CMU. Elle résulte aussi des dispositions de
l'article R. 861-8 du code de la sécurité sociale (issu du
décret n° 99-1003 du 25 novembre 1999 précité),
qui prévoit que, pour les salariés,
" les ressources
prises en compte sont celles qui ont été effectivement
perçues au cours de la période des douze mois civils
précédant la demande ",
et non pas au cours de
l'année civile précédant cette demande.
On comprend bien la logique de cette disposition, qui vise à prendre en
considération, aussi fidèlement que possible, la situation
économique du demandeur au moment de sa demande de CMU
complémentaire.
Cependant, elle n'est utile que pour les demandeurs dont la situation a
profondément changé au cours des derniers mois
précédant cette demande, et elle fait double emploi avec les
dispositions du même article qui prévoient des déductions
et abattements en cas de chômage, de séparation ou de
décès.
En tout état de cause, elle aurait pu être réservée
aux seules personnes dont la situation avait changé en cours
d'année.
Cette disposition prévoyant un contrôle des ressources sur
" douze mois glissants "
empêche toute automatisation du
contrôle des ressources, toute référence aux
déclarations d'impôt et avis d'imposition, toute collaboration
avec les services des administrations fiscales et sociales, toute
réutilisation, par les demandeurs, de déclarations de ressources
effectuées auprès d'autres organismes que les caisses d'assurance
maladie.
Elle oblige les agents des caisses à un long travail manuel de
reconstitution des ressources, qui sera malheureusement à recommencer
chaque année sur les mêmes bases et selon les mêmes
méthodes.
Ce travail est souvent harassant, notamment lorsqu'il s'agit de se
référer à des bulletins de salaire rédigés
souvent de manière très... sommaire. Ces bulletins de salaire,
pour les personnes employées de maison auprès de particuliers ou
qui font des " petits boulots ", sont souvent au nombre de 4 ou 5 par
mois...
Voici quelques exemples de calculs effectués " à la
main " par les agents d'une CPAM :
Dossier n° 2 : Nicole, Lionel, Laurent
Ressources : de mars 1999 à mars 2000
Dossier n° 3 : Claude
Ressources : de février 1999 à février 2000
La
règle des
" douze mois glissants "
, jugée utile
par le pouvoir réglementaire pour les salariés, ne l'a cependant
pas été, ni pour les indépendants, ni pour les professions
agricoles : les articles R. 861-11 à R. 861-15 du code de la
sécurité sociale prévoient en effet, pour ces personnes,
une évaluation des ressources sur la base de l'année civile
précédant celle de la demande.
On pourrait, à première vue, en conclure que, si la tâche
n'est pas aisée pour les agents des CPAM qui travaillent sur la base des
douze mois glissants, les personnels de l'assurance maladie des
indépendants et de la MSA ont la chance de travailler sur la base de
l'année civile.
Ce serait oublier que, pour les couples comprenant un salarié et un
indépendant ou un agriculteur, le calcul des ressources doit être
effectué sur ces deux bases différentes, dans chacun des
régimes concernés...
Il est difficile de comprendre l'obstination qu'a manifestée le
ministère sur cette question, l'inutile complexité de la
règle des
" douze mois glissants "
ayant
été soulignée à plusieurs reprises par la CNAMTS
pendant toute la période de rédaction des textes
réglementaires.
Ainsi, dès le 20 août 1999, le Directeur général de
la CNAMTS, M. Gilles Johanet, avait adressé une première
lettre concernant cette question à Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité. Cette lettre mettait notamment l'accent sur les avantages
d'une référence aux ressources de l'année civile
précédente, et notamment de la collaboration avec la CNAF qu'elle
rendait possible.
Puis, le 12 octobre 1999, la commission de l'assurance maladie de la CNAMTS
émettait un avis défavorable au projet de décret
prévoyant la référence aux
" douze mois
glissants ".
Caisse
nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
Commission
de l'assurance maladie
Réunion du 12 octobre 1999
Objet : décret relatif à la composition du
foyer
et à la détermination des ressources et des charges prises en
compte pour l'attribution de la protection complémentaire en
matière de santé et modifiant le Code de la
sécurité sociale (deuxième partie : décrets en
Conseil d'Etat).
--------------------------------------------------------------------------------
------------
--------------------------------------------------------------------------------
------------
La Commission de l'assurance maladie est appelée à se
prononcer sur ce présent projet de décret.
Caisse
nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés
Commission
de l'assurance maladie
Réunion du 12 octobre 1999
Relevé de décisions
Mais rien n'y a fait : sur arbitrage personnel du ministre, semble-t-il, le décret finalement publié a écarté la solution simple que constituait la référence aux ressources de l'année civile précédente pour l'examen des droits à la CMU complémentaire, et a retenu, pour les salariés, la référence aux " douze mois glissants " .
3. Et il faut aussi compter avec les procédures dérogatoires
Par
souci de
" simplification "
-mais cette simplification a
malheureusement plus profité aux rédacteurs des décrets
d'application qu'aux gestionnaires du dispositif CMU-,
" la
volonté des pouvoirs publics a été d'établir une
stricte identité entre les conditions d'accès au revenu minimum
d'insertion et à la couverture maladie universelle
complémentaire. "
(circulaire DEPSE/SDPS/C2000-7010 du 28
février 2000 du ministère de l'agriculture et de la pêche).
Or, il résulte des textes d'application de l'article 16 du
décret n° 88-1111 du 12 décembre 1988 relatif à
la détermination du RMI et notamment de la circulaire n° 193 de la
CCMSA du 15 décembre 1988 que, "
lorsque les conditions
d'accès au RMI pour les non-salariés ne sont pas satisfaites, le
préfet peut, à titre dérogatoire et pour tenir compte de
circonstances exceptionnelles, ouvrir un droit au RMI
".
Aussi, les textes réglementaires concernant la CMU ont imposé aux
agriculteurs assujettis au régime fiscal du réel une
procédure dérogatoire d'instruction de leurs demandes, qui sera
réalisée, non par la caisse de MSA, mais... par le préfet.
Les articles R. 861-11 et R. 861-12 issus du décret n° 99-1003
du 25 novembre 1999 précité réservent ainsi
l'admission d'office à l'examen des droits à l'attribution de la
CMU complémentaire par les caisses les demandes présentées
par :
- les personnes soumises au régime d'imposition des
bénéfices agricoles forfaitaires mettant en valeur une
exploitation dont le dernier bénéfice agricole forfaitaire connu
est inférieur à 1.030 fois le SMIC (41.942 francs) ;
- et les personnes relevant de l'impôt sur le revenu dans la
catégorie des BIC et/ou des BNC dont le dernier chiffre d'affaires hors
taxe annuel est inférieur aux limites fiscales du régime
micro-entreprises.
En conséquence de l'idée encore trop répandue selon
laquelle les exploitants agricoles soumis au régime d'imposition des
bénéfices agricoles au réel ou transitoire ainsi que les
membres des sociétés soumises à l'impôt sur les
sociétés sont nécessairement
" plus riches "
que ceux qui sont au forfait, elles ne sont pas visées par l'examen
direct des conditions d'accès à la CMU complémentaire.
Il appartient ainsi au préfet (et non à la caisse), à
titre dérogatoire d'accorder, après évaluation des
ressources, le bénéfice de la CMU complémentaire aux
intéressés (article R. 861-13 du code de la
sécurité sociale).
Selon les départements, l'application de ces textes complexes est plus
ou moins difficile. Selon les gestionnaires du régime agricole
rencontrés par votre rapporteur, le préfet donne parfois une
grande liberté d'instruction à la caisse. Mais, dans d'autres
préfectures ou sous-préfectures, il est procédé
à un examen très attentif des dossiers, ce qui implique de
nombreuses demandes d'information adressées aux caisses de MSA, beaucoup
de perte de temps, et parfois aussi beaucoup d'incompréhension de la
part des bénéficiaires potentiels de la CMU imposés au
réel. Il a même fallu, pour que tous les préfets acceptent
d'accorder des dérogations que le ministère publie une
circulaire...
Circulaire DEPSE/SDPS/C2000-7010 du 28 février
2000
du
ministère de l'agriculture et de la pêche
Objet : conditions d'accès à la CMU
complémentaire - Interprétation de l'article R. 861-13 du
code de la sécurité sociale
" L'article R. 861-13 prévoit un système dérogatoire,
placé sous la responsabilité des préfets de
département, ouvert aux personnes qui lors d'une première
instruction de leur dossier se sont vu refuser l'accès à cette
couverture complémentaire.
" La question peut se poser de savoir si ce dispositif dérogatoire
est ouvert aux exploitants agricoles assujettis au régime fiscal du
réel.
" La volonté des pouvoirs publics a été
d'établir une stricte identité entre les conditions
d'accès au revenu minimum d'insertion et à la couverture maladie
universelle complémentaire.
" (...) Les exploitants agricoles soumis au régime d'imposition au
réel, dans la mesure où ils ne remplissent pas toutes les
conditions définies à l'article R. 861-11 mais que leurs
ressources sont inférieures au seuil,
peuvent faire valoir qu'ils se
trouvent dans une situation particulière et prétendre à
faire examiner leur demande par vos soins.
" J'attire votre attention sur le fait que cette admission à
l'examen de leur dossier repose sur le même principe que celui qui a
été fixé dans le cadre de la réglementation
afférente au RMI.
" Or, conformément à l'esprit de la loi du 1
er
décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et en l'état
actuel des textes réglementaires, ces mêmes exploitants peuvent
voir leur dossier examiné par les commissions de dérogation qui
ont été mises en place.
Le Directeur des Exploitations
de la Politique sociale et de l'Emploi
Christian Dubreuil
Ces inégalités de traitement en ce qui concerne la
procédure d'instruction des demandes de CMU complémentaire
s'ajoutent à celles que l'on peut constater en ce qui concerne la CMU de
base pour les indépendants.
Ces inégalités, prévisibles compte tenu de la
rédaction du projet de loi, avaient été
dénoncées par votre rapporteur au cours de sa discussion en
séance publique, sans que celui-ci ait bénéficié
d'une écoute particulière de la part du Gouvernement.
Ainsi, pour le régime agricole, les règles d'affiliation au
régime de la CMU ou au régime agricole se basent sur des
critères différents qui feront qu'à revenu égal,
deux personnes seront redevables de cotisations d'un montant différent.
La loi prévoit en effet que les bénéficiaires de la CMU
seront redevables d'une cotisation lorsque leurs ressources dépasseront
un certain plafond fixé par décret.
Or, l'assujettissement auprès de la MSA ne se fait pas sur un
critère de revenu mais sur un critère de surface d'exploitation.
En effet, selon les dispositions du code rural, relèvent du
régime agricole toutes les personnes qui dirigent une exploitation d'une
dimension au moins égale à une demi-SMI (surface minimum
d'installation), et ce, même si leur revenu est faible.
Il apparaît donc que les personnes dirigeant une exploitation dont la
surface est supérieure à une demi-SMI relèveront du
régime agricole pour ce qui est de leur couverture maladie et devront
verser une cotisation auprès de la MSA selon les règles en
vigueur actuellement, et ce, qu'elles disposent de plus ou moins de 3.500
francs par mois.
Les personnes dirigeant une exploitation inférieure à une
demi-SMI et sans autre activité relèvent, quant à elles,
du régime de la CMU sans devoir acquitter de cotisation si elles
disposent d'un revenu inférieur à 3.500 francs par mois.
Un problème d'équité se pose donc. Pour
bénéficier d'une couverture maladie, une personne dont le revenu
est inférieur à 3.500 francs par mois se verra dans l'obligation
d'acquitter ou non une cotisation, selon la taille de l'exploitation qu'elle
dirige, et donc selon qu'elle est affiliée ou non au régime
agricole.
4. Les formulaires sont impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et parfois erronés ou incomplets
70 % des dossiers transmis dans une caisse d'assurance
maladie
visitée par votre rapporteur s'avèrent incomplets :
plusieurs rendez-vous avec la grande majorité des demandeurs sont ainsi
nécessaires au cours desquels les agents des caisses doivent fournir des
explications supplémentaires.
Cette perte de temps s'explique par l'insuffisante clarté, et parfois le
caractère erroné, ou incomplet, des formulaires administratifs de
demande.
Quelques exemples :
• Quelle est la différence entre
" revenus
perçus en France, hors de France ou versés par une organisation
internationale "
(formulaire Cerfa n° 11420*01,
déclaration de ressources CMU complémentaire) et
" ressources perçues en France, (hors de France) ou
versées par une organisation internationale "
(formulaire Cerfa
n° 11419*01, déclaration de ressources CMU de base) ?
• Que signifie, pour un demandeur non assisté, les
mentions :
" Période(s) de référence :
du.... au... ou année civile.... "
figurant en tête du
formulaire Cerfa n° 11420*01 ?
• Pourquoi la fiche explicative du document Cerfa n° 11420*01
indique-t-elle que la rubrique n° 6 de la déclaration de
ressources, consacrée aux prestations familiales et sociales, ne doit
pas être remplie par le demandeur, alors qu'elle doit l'être
(
" Cette rubrique sera complétée par la caisse
d'assurance maladie "
) ?
• Pourquoi cette même fiche explicative indique-t-elle que
l'aide personnalisée au logement, l'allocation logement sociale et
l'allocation logement familiale
" ne sont pas prises en
compte "
dans le calcul des ressources, alors que l'article R. 861-7
du code de la sécurité sociale dispose qu'elles sont bien
incluses dans ce calcul à titre forfaitaire (12 % du montant du RMI
lorsque le foyer est composé d'une personne, et 14 % du montant du
RMI fixé pour 2 ou 3 personnes lorsque le foyer est composé de 2
ou 3 personnes) ?
• Comment les agents des caisses peuvent-ils apprécier
" les avantages en nature procurés par un logement "
occupé, soit par son propriétaire ne bénéficiant
pas d'aide personnelle au logement soit, à titre gratuit, par les
membres du foyer du demandeur, l'imprimé de déclaration des
ressources ne comportant aucune question sur ce thème ?
Or l'article R. 861-5 du code de la sécurité sociale
prévoit que ces avantages sont évalués, de manière
forfaitaire, selon des valeurs identiques à celles qui sont
prévues pour les aides au logement.
B. CETTE COMPLEXITÉ EST SOURCE D'ERREURS, D'INCERTITUDES ET INCOMPRÉHENSIONS
La
complexité du dispositif CMU a contribué à
l'
" engorgement "
des CPAM, constaté depuis le
début de l'année 2000.
Certes, il n'est pas anormal que la mise en oeuvre d'une réforme telle
que la CMU s'accompagne de quelques dysfonctionnements, au moins en
début de période.
Il est cependant frappant que tous les organismes, institutions ou syndicats
rencontrés par votre rapporteur aient, chacun pour ce qui les concerne,
donné des exemples d'erreurs ou de dysfonctionnements qui apparaissent
comme très fréquents.
Et il est certain que, malgré le faible nombre de
" nouveaux "
dossiers CMU déposés dans les CPAM,
cette complexité a contribué à aggraver leur
" engorgement "
, occasionnant ainsi un grand retard dans le
remboursement des dépenses de soins engagées par l'ensemble des
assurés sociaux.
1. Quelques exemples d'erreurs, incertitudes et incompréhensions
Envoi
de la CPAM du Val-de-Marne
Envoi de la CPAM de l'Essonne
Difficultés rencontrées par la mutuelle X avec la couverture
maladie universelle
" A ce jour, dans la gestion quotidienne des
bénéficiaires de la CMU, nous avons rencontré quelques
difficultés et notamment avec les Caisses primaires d'assurance maladie,
soit :
" Certaines CPAM refusent de délivrer à des
assurés sociaux une attestation CMU : l'assuré social est
informé qu'il relève bien du dispositif CMU mais la CPAM ayant
connaissance d'un organisme complémentaire pour ce dernier, elle demande
à l'assuré de résilier son contrat mutualiste et alors,
seulement, elle délivrera l'attestation CMU.
" Deux cas de figures se présentent :
" - la CPAM essaye de persuader l'assuré de confier à
son centre de sécurité sociale la gestion de la part
complémentaire ;
" - il y a confusion dans les termes employés car par
radiation du contrat mutualiste, la CPAM veut en fait une radiation du
système Noémie qui est un système de
télétransmission des prestations entre la CPAM et la mutuelle.
" Dans les deux cas, nous sommes confrontés à un mutualiste
angoissé et nous devons alors prendre contact avec la CPAM afin de
solutionner le dossier de cet adhérent dans les meilleurs délais.
" Les assurés sociaux demandeurs de la CMU nous
témoignent d'un accueil difficile dans les CPAM car ils sont
confrontés à un manque d'information évident de la part
des agents qui les reçoivent. Ces mutualistes sollicitent alors la
mutuelle et nous font part de leurs angoisses et nous demandent de
l'aide : nous devons alors prendre contact avec la CPAM en
présence du mutualiste afin de le rassurer.
" Les CPAM ne tiennent pas compte des situations d'urgences
évidentes qui nécessitent une prise en charge immédiate
à la CMU comme le prévoient les textes de la loi et attendent
jusqu'à 3 mois pour délivrer l'attestation CMU définitive
(alors qu'elles doivent au moins délivrer une attestation provisoire et
immédiate au guichet) : là encore, nous sommes face à
un adhérent angoissé qui demande notre aide. Nous intervenons
alors auprès de la CPAM.
" Dans le département 93, environ 5.000 assurés
sociaux ont reçu une attestation CMU qui a été
délivrée par erreur (erreur dans le calcul des ressources par les
CPAM). Ces assurés ont bénéficié du dispositif
depuis au
moins 2 mois : qui prend en charge la part
complémentaire pendant cette période ?
" Dans certains cas, on reçoit des attestations CMU sur
lesquelles n'apparaît pas la famille qui est également
bénéficiaire de la CMU : on doit alors prendre contact avec
la CPAM pour obtenir des compléments d'informations.
" Néanmoins, la CPAM ne délivrant pas une nouvelle
attestation rectifiée à l'assuré, nous devons lui
conseiller de faire la démarche auprès de son centre de
sécurité sociale afin que la famille ne soit pas
pénalisée au moment des soins.
" Pour les concubins qui ont un contrat mutualiste en commun, les deux
demandes sont faites en même temps à la CPAM et les
attestations
arrivent séparées et à deux dates
différentes chez ces assurés : nous sommes alors
obligés de séparer les concubins et leur constituer pour chacun
un contrat mutualiste dans le cadre de la CMU.
" En attendant la mise en place d'une procédure de tiers
payant entre les CPAM, les organismes complémentaires et les
professionnels de santé, les CPAM gèrent à la fois le
paiement de la part obligatoire et celui de la part
complémentaire : certains adhérents nous adressent des
décomptes de sécurité sociale sur lesquels nous constatons
que la CPAM n'a réglé que la part obligatoire ou qu'elle n'a pas
réglé le forfait (dentaire et optique).
" Pendant cette période transitoire pendant laquelle les CPAM
règlent la part complémentaire, nous avions déjà
adressé une carte de mutualiste à un certain nombre
d'adhérents qui sont devenus bénéficiaires de la CMU.
N'ayant pas d'explication sur l'utilisation de l'attestation CMU auprès
des professionnels de santé, ils ont continué à utiliser
leur carte mutualiste pour bénéficier du tiers payant. La
mutuelle a donc réglé ces prestations à la place des CPAM.
" Dans notre fichier d'adhérents, nous avons des personnes
qui sont enregistrées comme bénéficiaires d'une aide
médicale départementale antérieurement au
1
er
janvier 2000. Ces derniers auraient dû recevoir une
attestation CMU provisoire. Certains continuent de payer une cotisation et
perçoivent des prestations et d'autres ont leur contrat suspendu pendant
cette période d'AMG, alors qu'ils pourraient bénéficier du
dispositif CMU comme le prévoit la loi.
" Certains pharmaciens et professionnels de santé
conventionnés avec la sécurité sociale (centres de
santé, dentistes, généralistes, etc.) refusent
systématiquement les patients munis d'attestation CMU ou leur demandent
d'acquitter leurs soins, ce qui génèrent que certains
assurés refusent
aujourd'hui la CMU et choisissent de rendre
à la CPAM leur attestation CMU malgré leur situation de
précarité.
" Certains dentistes ou orthodontistes établissent des devis
de travaux dentaires sur la base de tarifs supérieurs à ceux
définis par l'arrêté préfectoral et ce, bien que le
patient ait présenté son attestation CMU.
" Pour conclure, nous ajouterons qu'il existe un véritable manque
d'information pour les assurés sociaux mais également pour les
associations qui sont sur le terrain et qui sont confrontées aux
populations précaires.
" C'est une telle évidence que ces dernières ont
sollicité la mutuelle à différentes reprises afin
d'organiser des sessions d'information sur la CMU sur la base d'un support que
nous avons nous-mêmes constitué.
" On constate bien que pour les assurés sociaux mais
également pour le tissu associatif, la mutuelle a une place importante
dans le dispositif CMU et devient un " référent " en
matière d'accompagnement dans les démarches. "
Lettre du directeur général de l'assurance maladie de Seine-Saint-Denis
La
complexité est source d'incompréhensions. Il en est ainsi, par
exemple, en matière de prestations familiales, lorsque l'agent de la
caisse fait part au demandeur de la CMU complémentaire de la
nécessité de déclarer ces prestations, alors que le
contraire est écrit sur le formulaire de demande.
Il en est également ainsi pour les personnes âgées qui, de
toute bonne foi, ne déclarent pas qu'elles perçoivent le minimum
vieillesse, la fiche explicative du formulaire de demande faisant
référence à la déclaration d'impôts comme
élément utile à fournir à l'appui de la
déclaration de ressources, et ces personnes n'allant pas jusqu'à
lire la rubrique 9 qui précise qu'il faut déclarer toutes les
pensions et rentes, imposables ou non.
Il en est évidemment le plus souvent ainsi pour toutes les personnes
percevant le minimum vieillesse ou l'allocation aux adultes handicapés
qui ont cru comprendre que le plafond de ressources était de
3.500 francs et qui le dépassent de ... 40 francs, perdant ainsi le
droit à la CMU.
Il en est ainsi, enfin, pour les personnes dont les ressources sont
inférieures au plafond, mais qui ne bénéficieront pas pour
autant de la CMU du fait de la prise en compte forfaitaire de
l'
" avantage logement "
que constitue la
propriété ou l'occupation à titre gratuit. Dans ces cas,
le formulaire de demande de la CMU ne comportant aucune rubrique
consacrée au logement, c'est à l'agent de la caisse qu'il revient
de téléphoner au demandeur, lui demander ces renseignements et
lui annoncer ensuite la mauvaise nouvelle...
2. La mise en oeuvre de la CMU a contribué à d'importants retards dans le traitement des feuilles de soins
Là aussi, l'alerte avait été donnée
dès l'automne : au mois de novembre, l'association des
élèves et anciens élèves du CNESS (AECNESS) avait
voté une motion mettant l'accent sur les difficultés à
attendre, au sein des caisses, compte tenu de la complexité du
dispositif CMU.
Cette motion relayait les propos tenus en séance publique par le
rapporteur de votre commission lors des débats sur le projet de loi
instituant la CMU : il avait en effet, à maintes reprises,
insisté sur les difficultés du
" nouveau
métier "
que devraient apprendre les agents des caisses dans
des délais très brefs.
Opérant une déconnexion entre le paiement de cotisations et le
bénéfice des prestations, mettant en place un contrôle des
ressources jamais vu jusque là en assurance maladie, la CMU a
exigé de ces agents une véritable
" révolution
culturelle ".
Devant affronter, malgré le faible nombre de
" nouveaux "
CMU-istes, une augmentation de la
fréquentation des guichets de 30 à 50 %, devant assister les
demandeurs dans leurs démarches administratives... et aussi supporter
les récriminations de tous ceux qui estimaient avoir droit à la
CMU mais dont les ressources avaient finalement été jugées
supérieures au plafond, les agents des caisses ont accompli un travail
remarquable et fait preuve de beaucoup de patience, d'autant plus remarquable
que leur niveau de vie n'est pas toujours très supérieur à
celui des bénéficiaires de la CMU...
Fin janvier, compte tenu des conséquences des changements de
système informatique, de l'augmentation de la charge de travail
résultat des épidémies de fin d'année et de la mise
en place de la CMU, 10 millions de feuilles de soins étaient en
souffrance dans les CPAM, qui avaient accueilli 500.000 personnes dans le
courant du seul mois de janvier.
A la CPAM de Paris, la fréquentation des guichets a été,
du 3 janvier au 14 avril, de 584.580 personnes, dont 17,6 % de visites au
titre de la CMU ayant pour objet soit des demandes d'informations
(26,6 %), soit des demandes de mise à jour de la carte Vitale (pour
passer des droits liés à l'aide médicale à la CMU
(31,6 %), soit de nouvelles demandes d'attestation CMU (le plus souvent
à la suite d'une perte) (21,2 %), soit encore des demandes de
dossiers d'attribution de la CMU (22,6 %).
CMU -
Accueil centres
au 14.04.200
|
Accueil total |
Dont CMU % |
Demandes Infos (1) |
MAJ Vitale (1) |
Attestation CMU (1) |
Primo-demandeurs (1) |
|||||
Semaine 1 03-07/01 |
38.958 |
8.416 |
21 % |
2.453 |
29 % |
2.118 |
25 % |
1.515 |
18 % |
1.898 |
22 % |
Semaine 2 10-14/01 |
45.685 |
10.176 |
22 % |
2.879 |
28 % |
4.003 |
39 % |
2.451 |
24 % |
2.144 |
21 % |
Semaine 3 17-21/01 |
44.666 |
9.388 |
21 % |
2.416 |
25 % |
3.277 |
35 % |
2.413 |
25 % |
1.924 |
20 % |
Semaine 4 24-28/01 |
43.659 |
9.081 |
20,7 % |
2.354 |
25,9 % |
2.902 |
31,9 % |
1.905 |
20,9 % |
1.931 |
21,2 % |
Semaine 5 31/01-04/02 |
36.684 |
6.695 |
18,3 % |
1.667 |
24,9 % |
2.276 |
34 % |
1.476 |
22 % |
1.383 |
20,7 % |
Semaine 6 07-11/02 |
42.219 |
8.309 |
19,6 % |
1.851 |
22,2 % |
2.986 |
35,9 % |
1.780 |
21,4 % |
1.775 |
21,3 % |
Semaine 7 14-18/02 |
39.533 |
7.303 |
18,5 % |
1.780 |
24,3 % |
2.425 |
33,3 % |
1.586 |
21,7 % |
1.580 |
21,7 % |
Semaine 8 21-25/02 |
38.134 |
7.030 |
18,4 % |
1.637 |
23,3 % |
2.299 |
32,7 % |
1.531 |
21,8 % |
1.643 |
23,3 % |
Semaine 9 28/02-03/03 |
39.281 |
6.465 |
16,4 % |
1.689 |
26,1 % |
1.884 |
29,1 % |
1.402 |
21,7 % |
1.550 |
24 % |
Semaine 10 06-10/03 |
38.527 |
6.117 |
15,9 % |
1.660 |
27,1 % |
1.775 |
29 % |
1.284 |
21 % |
1.460 |
23,9 % |
Semaine 11 13-17/03 |
36.359 |
5.314 |
14,6 % |
1.539 |
29 % |
1.541 |
29 % |
1.020 |
19,2 % |
1.228 |
23,1 % |
Semaine 12 20-24/03 |
35.842 |
4.958 |
13,8 % |
1.344 |
27,1 % |
1.308 |
26,4 % |
931 |
18,8 % |
1.380 |
27,8 % |
Semaine 13 27-31/03 |
36.226 |
4.753 |
13,1 % |
1.389 |
29,2 % |
1.318 |
27,7 % |
952 |
20 % |
1.126 |
23,7 % |
Semaine 14 03-07/04 |
36.042 |
4.715 |
13,1 % |
1.391 |
29,5 % |
1.326 |
28,1 % |
819 |
17,4 % |
1.191 |
25,2 % |
Semaine 15 10-14/04 |
32.765 |
4.219 |
12,9 % |
1.322 |
31,3 % |
1.064 |
25,2 % |
809 |
19,2 % |
1.059 |
25,1 % |
CUMUL |
584.580 |
102.939 |
17,6 % |
27.371 |
26,6 % |
32.502 |
31,6 % |
21.874 |
21,2 % |
23.272 |
22,6 % |
(1)
Une même personne peut solliciter
plusieurs démarches (attestation + MAJ)
dossiers constitués et transmis à la fonction CMU au cours
de la 15
ème
semaine : 633
Cumul année : 14.831
Dont 195 Base seule
Dont 2.432 Base + complémentaire
Dont 11.098 Complémentaire seule
Accords notifiés : 8.032
Refus : 804
AIDE MÉDICALE ETAT
Cumul Activités Permanences d'Accueil
Personnes reçues : 12.889
Accords AME : 5.883
Refus AME : 324
Les données fournies par la CNAMTS sont cohérentes avec celles de
la CPAM de Paris.
Ainsi, au 24 mars 2000, l'ensemble des CPAM avait accueilli, chaque semaine
(moyenne sur les 4 dernières semaines), 105.737 personnes venant
demander les renseignements ou déposer des dossiers.
Demandes de renseignements |
Par semaine (*) |
|
et dépôts de dossiers |
Nombre |
Structure |
Total |
105.737 |
100 % |
Par nature de contrat |
|
|
Physique |
57.809 |
55 % |
Téléphone |
28.541 |
27 % |
Courrier |
13.462 |
13 % |
Par motif de contact |
|
|
Simple renseignements |
75.054 |
71 % |
Rens. aux basculés |
20.876 |
20 % |
Rens. autres assurés |
54.178 |
51 % |
Remplissage de dossiers |
30.683 |
29 % |
(*)
moyenne sur les quatre dernières semaines
Pendant la même période, le nombre d'équivalents temps
plein, dans les caisses primaires, affectés à la CMU (à
l'accueil ou pour d'autres fonctions) s'établissait entre 2.316 et 2.626.
CMU
Equivalents temps plein affectés directement
à la CMU
CPAM Métropole
|
Effectifs ETP |
|
Structure |
||||
|
Semaine du 20 au 24/03/00 |
Semaine du 13 au 17/03/00 |
Semaine du 31/01 au 04/02 |
|
Semaine du 20 au 24/03/00 |
Semaine du 13 au 17/03/00 |
Semaine du 31/01 au 04/02 |
Total |
2.316 |
2.359 |
2.626 |
|
100 % |
100 % |
100 % |
A l'accueil |
1.049 |
1.091 |
1.331 |
|
45 % |
46 % |
51 % |
Aux autres fonctions |
1.267 |
1.269 |
1.295 |
|
55 % |
54 % |
49 % |
Les
retards importants dans le traitement des dossiers qui ont
résulté de cet accroissement significatif d'activité ont
nécessité des mesures urgentes.
Ainsi, la CPAM de Paris a décidé de fermer ses guichets et de ne
plus recevoir d'appels téléphoniques les 20 et 27 avril, 4, 11et
18 mai.
Surtout, de nouveaux personnels ont dû être recrutés.
A cet égard, le ministère de l'emploi et de la solidarité
a adressé la réponse suivante aux nombreux parlementaires qui
avaient fait part de leur inquiétude quant aux conséquences de
l'engorgement des CPAM sur la qualité du service rendu aux
assurés sociaux et aux nombreux professionnels de santé en
attente de paiement des tiers payants :
" Le ministère de l'emploi et de la solidarité est
très attentif à ce que les caisses disposent des moyens
nécessaires pour assurer leurs missions, dans le respect des principes
de bonne gestion des ressources publiques et d'une gestion performante du
service public. Dans ce contexte, et pour tenir compte de
l'événement particulier que constitue la mise en oeuvre de la
couverture maladie universelle (CMU), l'Etat a donné son accord
dès cet été pour anticiper des embauches qui normalement
auraient dû être discutées dans le cadre de la nouvelle
convention d'objectifs et de gestion pour la période 2000-2002. La
commission de gestion administrative de la Caisse nationale de l'assurance
maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) s'est prononcée le 18
octobre 1999 en faveur de 1.400 embauches. L'Etat a donné son accord
à ces embauches. Par ailleurs, au vu des premières charges de
travail liées au démarrage effectif de la CMU, cette commission a
donné, le 1
er
février 2000, un avis favorable à
l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses pour la mise en
oeuvre de la CMU et permettre ainsi la résorption du solde de dossiers
en instance dans les caisses. Par lettre du 11 février 2000, l'Etat a
approuvé cette décision qui prévoit la création de
600 emplois pérennes, dont environ 500 emplois-jeunes et 2.000 mois de
contrats à durée déterminée
(CDD). "
Votre commission souhaiterait connaître les conditions financières
de régularisation de ces créations d'emploi.
Elle estime également difficilement compatibles la nature des
tâches auxquelles seront affectés les 500 emplois-jeunes
recrutés (guichet, liquidation..) avec la philosophie qui a
inspiré l'institution des emplois-jeunes, à savoir la promotion
de nouveaux emplois.
Il lui semblerait spécieux de considérer qu'au motif que la CMU
constitue une rupture dans notre système d'assurance maladie, les
personnels recrutés pour sa mise en oeuvre relèveraient de droit
du programme " nouveaux services, nouveaux emplois "...
III. LES CONDITIONS D'APPLICATION DE LA CMU ONT AUSSI AGGRAVÉ SON CARACTÈRE " NON PARTENARIAL "
Le
rapporteur de votre commission avait dénoncé, dans son rapport
comme lors de la discussion au Parlement du projet de loi instituant une
couverture maladie universelle, le caractère très insuffisamment
partenarial du projet gouvernemental, tant en ce qui concerne la
définition du panier de soins qu'au regard des modalités
pratiques d'exercice du droit à la CMU.
Cette critique se révèle plus que confirmée dans la mise
en oeuvre de la loi : non seulement le contenu du panier de soins a
été insuffisamment négocié, mais, dans sa mise en
oeuvre, la CMU s'est éloignée encore un peu plus d'un
scénario partenarial.
A. LE CONTENU DU PANIER DE SOINS A ÉTÉ INSUFFISAMMENT NÉGOCIÉ
Le
rapporteur de votre commission avait regretté, lors des débats
parlementaires, que le projet de loi exclue toute négociation concernant
le droit à dépassement pour les actes dispensés aux
bénéficiaires du droit à la protection
complémentaire CMU. La loi définitivement adoptée a
malheureusement confirmé les dispositions du projet de loi. En ce qui
concerne les actes dispensés par les professionnels de santé, la
loi n'a en effet laissé aucune place, ni à des mesures
réglementaires d'application susceptibles de faire l'objet d'une
concertation, ni à la négociation.
La situation était
a priori
un peu différente en ce qui
concerne les biens médicaux.
En effet, la définition du panier de soins pris en charge au titre de la
CMU, prévue par l'article L. 861-3 du code de la
sécurité sociale, a fait une plus large place aux mesures
réglementaires d'application. C'est le cas notamment des soins dentaires
prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale et des dispositifs
médicaux à usage individuel admis à remboursement.
L'article L. 861-3 dispose en effet que la liste des dispositifs et
la limite du montant des frais pris en charge seront précisées
par arrêté ministériel.
En outre, l'article L. 165-1 a prévu que les organismes
d'assurance maladie, les mutuelles, les institutions de prévoyance et
les sociétés d'assurance pouvaient conclure des accords locaux ou
nationaux avec les distributeurs de dispositifs, notamment en ce qui concerne
la qualité, les prix maximum et les modalités de dispense
d'avance de frais.
Ce même article prévoyait qu'en l'absence d'accord, ou si les
accords conclus ne répondent pas aux exigences légales, un
arrêté fixerait les obligations s'imposant aux distributeurs.
1. Un simulacre de négociation
Selon
les représentants des professionnels de santé rencontrés
par vos rapporteurs, les conditions de préparation des textes
réglementaires n'ont permis aucun accord véritable, compromettant
ainsi l'applicabilité des textes et l'adhésion des professionnels
à la réforme.
Selon ces responsables, alors que la loi était promulguée depuis
la fin du mois de juillet dernier, les négociations n'ont pu commencer
qu'à la
fin du mois d'octobre
.
La ministre, Mme Martine Aubry, n'a ainsi reçu les
représentants des syndicats des chirurgiens-dentistes que le
16 décembre 1999
.
En conclusion de leur entretien, elle leur a demandé de lui soumettre
des propositions concernant la liste des actes pouvant constituer le
"
panier CMU
" et leur valorisation, ce qui fut fait.
Le Président de l'Union des jeunes chirurgiens-dentistes a ensuite
reçu une réponse, datée du ...
30 décembre
1999
(la CMU devant entrer en vigueur le 1
er
janvier 2000)
ainsi rédigée :
Le 30 décembre 1999
" Monsieur le Président,
" J'ai bien reçu les propositions de votre organisation concernant
les modalités d'application de la couverture maladie universelle en
matière de soins dentaires et, plus généralement, vos
souhaits quant à une réforme de la nomenclature.
" Conformément aux dispositions de la loi sur la couverture maladie
universelle, et afin d'assurer sa mise en oeuvre dès le
1
er
janvier prochain, je suis amenée à prendre
par arrêté les mesures relatives aux soins dentaires.
" (...) "
" Martine AUBRY "
2. Les dispositifs réglementaires sont difficilement applicables
Ainsi,
l'arrêté du 31 décembre 1999 pris pour l'application
des articles L. 162-9 et L. 861-3 du code de la
sécurité sociale prévoit que le montant total des frais
pris en charge en matière de soins dentaires prothétiques ou
d'orthopédie dento-faciale :
" ne peut excéder un plafond fixé à
2.600 francs par bénéficiaire, par période de deux
ans s'ouvrant à la date d'ouverture du droit à la protection
complémentaire en matière de santé. Ce plafond n'est pas
applicable :
- aux frais afférents à des prothèses amovibles, d'au
moins 10 dents et aux traitements d'orthopédie dento-faciale ;
- en cas d'impérieuse nécessité médicale
constatée par le service du contrôle médical de la caisse
d'assurance maladie du bénéficiaire des soins "
.
De même, l'arrêté du 31 décembre 1999 pris pour
l'application des articles L. 165-1 et L. 861-3 du code de la
sécurité sociale prévoit que les frais exposés, en
sus des tarifs de responsabilité, au titre de la protection
complémentaire en matière de santé, pour les
prothèses auditives pour adultes :
" sont pris en charge
dans la limite de 1.600 francs par période de deux ans s'ouvrant
à la date d'ouverture du droit à la protection
complémentaire en matière de santé "
.
Tous les responsables des caisses rencontrés par vos rapporteurs ont
confirmé que leurs systèmes informatiques savent gérer des
données au regard des périodes d'ouverture des droits, mais ne
savent pas contrôler des plafonds de dépenses sur deux ans...
Dans l'attente d'une éventuelle solution apportée à ces
difficultés, ce type de dépenses est ainsi géré...
manuellement par les personnels des caisses.
Les professionnels, eux aussi, s'inquiètent : si le patient ne leur
dit rien, comment connaîtront-ils le montant des dépenses
engagées par celui-ci auprès d'autres professionnels, au cours
des deux années précédentes ? Seront-ils
remboursés en cas de non-prise en charge, notamment lorsqu'il s'agit de
répondre à une demande de réparation de prothèse,
qui ne fait pas l'objet d'une entente préalable ?
La complexité de la procédure prévue par les
arrêtés s'accroît bien entendu lorsque l'assuré a
choisi un organisme de protection sociale complémentaire, et non sa
caisse primaire, pour gérer sa couverture complémentaire.
Le caractère non négocié des dispositions
réglementaires concernant le panier de soins se lit également
dans la définition des actes pris en charge au titre de la CMU.
Ainsi, selon un chirurgien-dentiste rencontré par vos rapporteurs, la
liste des actes remboursables comporte des actes qui ne sont plus
pratiqués depuis des dizaines d'années, comme les
"
couronnes ajustées
" ou
"
façonnées
", ou les "
dents à
tube
"...
3. De lourdes conséquences financières pour certains professionnels
Si la
majorité des professionnels concernés par les tarifs
ministériels a une clientèle variée et ne subira pas de
préjudice économique grave du fait de l'institution de la CMU, il
n'en est pas de même de tous ceux qui exercent dans des quartiers, villes
ou villages défavorisés et dont une proportion importante de la
clientèle bénéficiera des "
tarifs CMU
",
des "
prothèses CMU
" et des "
lunettes
CMU
", vendues bien évidemment avec des taux de marge
très faible. Il en sera évidemment de même pour beaucoup de
centres de santé.
Votre commission a souhaité reproduire ici, en l'anonymisant, une note
interne faisant des prévisions de pertes financières probables
d'un centre de santé dentaire en conséquence de la mise en oeuvre
de la CMU.
B. COMME IL ÉTAIT À CRAINDRE, LA MISE EN oeUVRE DE LA CMU S'ÉLOIGNE BEAUCOUP D'UN SCÉNARIO PARTENARIAL ENTRE ORGANISMES DE BASE ET ORGANISMES COMPLÉMENTAIRES
Les
textes d'application de la loi instituant une couverture maladie universelle
comme sa mise en oeuvre pratique, dans bien des départements et dans
bien des circonstances, ont été à l'encontre d'un
véritable partenariat entre organismes de base et organismes
complémentaires.
Est révélatrice, à cet égard, la très faible
proportion de bénéficiaires de la CMU ayant choisi de confier
à des mutuelles ou des assureurs la gestion de leur couverture
complémentaire. Celle-ci ne traduit pas, en l'état, une
volonté des bénéficiaires de la CMU d'écarter ces
organismes, ou un faible degré de confiance à leur
égard : elle résulte essentiellement de beaucoup de
"
mauvaises manières
" faites aux organismes
complémentaires, comme de l'impréparation des textes
réglementaires concernant le tiers payant.
Cette disproportion entre le nombre de bénéficiaires ayant choisi
les organismes de base et ceux qui se sont adressés à des
organismes complémentaires alimente, sur le terrain, quelques
rivalités : alors que ces derniers (organismes
complémentaires) se plaignent du sort qui leur est
réservé, les premiers soulignent l'attachement "
de
façade
" de certains organismes complémentaires à
la réussite de la CMU : tout cela n'augure pas bien de la
suite...
1. Une très faible proportion des bénéficiaires de la CMU a choisi de confier la gestion de sa couverture complémentaire à des assureurs ou des mutuelles
Certes,
la situation est variable en fonction des départements. Ainsi, dans le
Morbihan, en Ardèche, dans le Tarn ou l'Aveyron, la moitié des
nouveaux bénéficiaires ont choisi un organisme
complémentaire.
De même, dans la Somme, la caisse primaire d'assurance maladie d'Amiens
dont vos rapporteurs ont rencontré les responsables, distribue aux
bénéficiaires de la CMU une fiche d'information leur indiquant
qu'ils ont intérêt à choisir une complémentaire.
Fiche distribuée aux bénéficiaires de la CMU par la CPAM d'Amiens
Informations sur le choix de l'organisme complémentaire |
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Vous avez
le droit
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Vous
devez choisir un
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Choix de la CPAM comme organisme complémentaire |
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Choix
d'un organisme complémentaire
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Si il y a
un changement dans votre situation
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Alors,
l'organisme complémentaire doit
|
Source : Sécurité sociale - Caisse
primaire de
la Somme
En effet, si un bénéficiaire de la CMU perd ses droits à
la suite d'une amélioration de sa situation, il n'aura droit à
une prolongation de sa couverture pendant un an, avec un tarif
préférentiel, qu'auprès d'un organisme
complémentaire.
Certes aussi, tous les responsables nationaux des régimes de base
-régime général, assurance maladie des
indépendants, régime agricole- rencontrés par vos
rapporteurs n'apparaissent pas du tout enclins, comme il leur a pourtant
été reproché, à favoriser une quelconque
"
captation de clientèle
" : ils savent bien, en
effet, que si les régimes de base prétendent gérer aussi
la couverture complémentaire des Français, rien ne s'opposera
à ce que les organismes complémentaires aient une revendication
réciproque concernant la couverture de base.
Mais les chiffres sont là :
• au niveau national,
17,7 %
seulement des nouveaux
bénéficiaires de la CMU enregistrés au sein du
régime général ont choisi de confier la gestion de leur
couverture complémentaire à des mutuelles ou des compagnies
d'assurance ;
• sur
106.000
bénéficiaires de la CMU
enregistrés au sein du régime agricole (ce chiffre inclut aussi
les personnes " basculées " de l'aide médicale),
2.000
seulement ont choisi un régime complémentaire ;
• sur les
84.280
bénéficiaires de la CMU
enregistrés dans le régime des professions indépendantes
(ce chiffre inclut également les anciens bénéficiaires de
l'aide médicale),
1.752
seulement ont choisi de confier la
gestion de leur complémentaire à une mutuelle ou une compagnie
d'assurances autres que les organismes conventionnés du régime.
Le tableau suivant reflète bien la disparité des situations entre
les différentes CPAM :
Répartition des CPAM par taux d'accords CMU
avec
choix
d'un organisme complémentaire
Taux d'organisme complémentaire |
Nombre de CPAM |
Importance des CPAM |
Taux moyen |
40 % et plus |
20 |
9,4 % |
52,1 % |
20 à 40 % |
44 |
23,4 % |
28,4 % |
10 à 20 % |
31 |
28,3 % |
15,8 % |
Moins de 10 % |
23 |
26,8 % |
6,2 % |
0 % |
7 |
12,0 % |
0,0 % |
Ensemble |
125 |
100,0 % |
17,7 % |
Pour
20 CPAM, les accords allant à des complémentaires
représentant plus de 40 % des accords qu'elles ont traités.
Ces CPAM ont traité 9,4 % de l'ensemble des accords traités par
l'ensemble des CPAM connues.
Pour cette catégorie, le taux moyen d'organisme complémentaire
est de 52,1 %.
2. Beaucoup de " mauvaises manières " faites aux organismes complémentaires.
* Il convient d'abord de rappeler que les
3,1 millions
d'ex-bénéficiaires de l'aide médicale qui ont
été "
basculés
" automatiquement, au
1
er
janvier 2000, dans le régime CMU n'ont, à
aucun moment, eu le choix de l'organisme gestionnaire de leur protection
complémentaire.
Ce choix leur sera offert après qu'aura été
effectué, à une date qui, on l'a vu, demeure
indéterminée, le contrôle de leurs ressources leur ouvrant
de nouveaux droits à la CMU.
Il y a fort à parier, cependant, que la proportion de ces
3,1 millions de personnes qui choisiront un organisme
complémentaire sera très faible.
En effet :
- pendant près d'un an, leur caisse d'assurance maladie de base
aura géré leur couverture complémentaire : sauf
incident, ils n'auront pas de raison particulière de la quitter ;
- la possibilité du choix de l'organisme gestionnaire leur sera
mentionnée par lettre, dont on n'imagine pas qu'elle puisse
s'accompagner, pour chacune des 3,1 millions des personnes, de la liste
des organismes complémentaires participant à la CMU : cette
liste constitue en effet un document comprenant, selon les départements,
50 à 100 pages...
- il serait "
humain
" de la part des personnels des
caisses confrontés à des retards importants dans leur travail
qu'ils ne fassent pas preuve d'une diligence extraordinaire pour inciter les
3,1 millions de personnes en question à se présenter aux
guichets des caisses pour remplir de nouveaux formulaires confiant la gestion
de leur couverture aux organismes complémentaires...
Tout porte ainsi à croire que les statistiques concernant les organismes
gestionnaires de la CMU complémentaire ne se
rééquilibreront pas en faveur des organismes
complémentaires. En fait, c'est même plutôt une
dégradation de cet équilibre qui est attendue au cours des
prochains mois.
* D'autres "
mauvaises manières
", volontaires
ou non, ont caractérisé l'établissement des listes
préfectorales des organismes participant à la CMU.
La lettre suivante adressée par le directeur de MAAF-Santé au
Délégué général de la FNIM illustre ainsi
les difficultés qu'ont rencontrées certaines mutuelles...
Il convient de rappeler que l'absence d'inscription d'organismes
complémentaires sur les listes préfectorales, non seulement les a
empêchés de participer au lancement de la CMU, mais a aussi
entraîné, conformément à la loi, la radiation de
leurs adhérents qui venaient d'obtenir le bénéfice de la
CMU...
Selon la Mutualité française,
" le choix de l'organisme
complémentaire impliquait de disposer de la liste des organismes
participants. Or, cette liste n'a été constituée
définitivement que fin mars et, dans certains départements, les
derniers arrêtés préfectoraux n'ont toujours pas
été pris.
" C'est sans doute sur cet aspect que les disparités les plus
importantes existent, puisque le choix, pour les nouveaux
bénéficiaires, d'un organisme complémentaire, et
très largement de la Mutualité, a très bien
fonctionné dans certains départements, très mal dans
d'autres.
" Face à cette situation, le ministère a
décidé, dans l'urgence, un répertoire national des
mutuelles participant à la CMU ".
* Autres "
mauvaises manières
",
également : elles concernent la faculté offerte aux
organismes complémentaires qui le souhaitent d'aider les demandeurs dans
leurs démarches.
Lors de la discussion du projet de loi, le Sénat avait souhaité
inscrire les organismes de protection complémentaire dans
l'article L. 861-5, aux côtés des services sociaux et
associations ou organismes à but non lucratif agréés par
le représentant de l'Etat ainsi que des établissements de
santé, dans la liste des organismes habilités, avec l'accord du
demandeur, à transmettre à la caisse primaire la demande de CMU
et les documents correspondants.
Le Gouvernement, pour des raisons que le rapporteur de votre commission n'avait
pu comprendre, s'était opposé à cette participation des
mutuelles et des compagnies d'assurance à la mise en oeuvre de la CMU...
Les mutuelles avaient cependant compris que leur statut d'"
organisme
à but non lucratif
" leur aurait permis d'exercer cette
fonction d'accompagnement social... Mal leur en a pris : ce rôle
leur a été refusé, comme leur a été
refusé de disposer des imprimés administratifs de demande
qu'elles auraient pu distribuer à leurs adhérents ou aux
personnes qui s'adressaient à elles...
Devant l'ampleur des réactions -légitimes- des organismes
complémentaires, la ministre a changé d'avis : le
29 mars dernier, elle a enfin adressé aux préfets et aux
fédérations d'organismes complémentaires une lettre
reconnaissant le "
rôle éminent
" confié
par la loi à ces organismes...
Ces lettres précisent bien que les organismes complémentaires
peuvent disposer des dépliants, guides et formulaires officiels
concernant la CMU...
Ces lettres, comme il était à craindre, ont été
interprétées de façon restrictive par la CNAMTS, qui ne
semble pas disposée à devenir le fournisseur des organismes
complémentaires en dépliants, guides et formulaires...
La note ci-jointe, adressée aux directeurs de CPAM, précise bien
qu'il appartient aux fédérations d'organismes
complémentaires de commander auprès de la société
Graphilabel les films nécessaires à la fabrication des
formulaires CMU... et que les caisses ne doivent donc pas honorer les demandes
qui leur seraient adressées par des mutuelles ou des compagnies
d'assurance... Vive le partenariat !
* Enfin, -et il ne s'agit pas, ici, de "
mauvaises
manières
"-, l'absence de procédure nationale de tiers
payant coordonné dégrade considérablement les conditions
d'un véritable partenariat entre organismes de base et organismes
complémentaires.
L'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale a en
effet institué une méthode de tiers payant qui, si elle ne change
rien par rapport aux techniques actuelles de tiers payant pour les
assurés, est bien meilleure pour les professionnels de
santé : ceux-ci recevront en effet, pour les
bénéficiaires de la CMU, un paiement unique comprenant à
la fois la part de base et la part complémentaire.
Cette exigence de paiement unique impose, bien entendu, aux organismes de base
et aux organismes complémentaires de se "
coordonner
".
Le décret n° 99-1079 du 21 décembre 1999 relatif
aux modalités d'application de la dispense d'avance de frais de soins de
santé et modifiant le code de la sécurité sociale a
prévu deux procédures alternatives, au choix de l'organisme
complémentaire, pour la mise en oeuvre du tiers payant
coordonné :
-
Procédure A
: la caisse d'assurance maladie liquide
la part obligatoire (pour son compte) et complémentaire (pour le compte
de l'organisme complémentaire) et paie le professionnel de
santé ;
-
Procédure B
: la caisse d'assurance maladie liquide
la part obligatoire (pour son compte), transmet " l'image
décompte " à l'organisme complémentaire qui liquide
sa part ; le paiement du professionnel de santé est effectué
pour le compte de ces deux organismes par un organisme financier régi
par la loi bancaire, sur ordre de paiement émanant de l'organisme de
base.
A ce jour -soit près de six mois après l'entrée en vigueur
de la CMU-, les deux arrêtés devant définir les
modalités pratiques de ces deux procédures ne sont toujours pas
publiés : le tiers payant coordonné, qui constituait un
avantage important, tant pour les bénéficiaires de la CMU que
pour les professionnels de santé, ne fonctionne pas selon des
règles nationales.
Certains responsables de caisses d'assurance maladie rencontrés par vos
rapporteurs en tirent de bonne foi argument pour indiquer aux
bénéficiaires de la CMU qu'ils n'ont, pour l'instant, pas
intérêt à confier la gestion de leur couverture
complémentaire à une mutuelle ou une assurance...
*
* *
Ainsi,
aux principaux effets pervers de la loi instituant une couverture maladie
universelle, les mesures réglementaires et les conditions d'application
de cette loi ont ajouté des défauts supplémentaires :
inutile complexité des procédures, négociations
bâclées avec les professionnels de santé et
" mauvaises manières "
faites aux organismes de
protection sociale complémentaire.
Il en résulte, d'ores et déjà, pour les
bénéficiaires -en moindre nombre que ce qui était
prévu-, pour les agents des caisses, mais aussi pour les professionnels
de santé libéraux, pour les établissements de santé
et pour les centres de santé, beaucoup d'incertitudes et beaucoup de
tracasseries inutiles.
Il en résulte aussi, pour les organismes complémentaires, une
déception à la mesure de leur degré d'implication dans la
réussite de cette réforme.
Votre commission souhaite que le travail de contrôle qu'elle a entrepris
soit pris en compte par le Gouvernement, dans l'intérêt de tous.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE MME NICOLE PRUD'HOMME, PRÉSIDENTE DE LA CAISSE NATIONALE D'ALLOCATIONS FAMILIALES (CNAF)
Réunie le 23 février 2000, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau,
président,
la
commission a procédé à
l'audition de Mme Nicole
Prud'homme, présidente
de la
Caisse nationale d'allocations
familiales
, sur
les difficultés de fonctionnement
rencontrées par les caisses d'allocations familiales
.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que l'audition de
Mme Nicole Prud'homme concluait les travaux de contrôle sur
pièces et sur place consacré à la branche famille par les
rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale, MM.
Jacques Machet, Charles Descours et Alain Vasselle. Il a souligné que ce
contrôle visait à mieux mesurer les difficultés de
fonctionnement que connaissaient certaines caisses d'allocations familiales.
M. Jean Delaneau
a indiqué que les rapporteurs s'étaient
rendus sur le terrain, à la Caisse nationale d'allocations familiales
(CNAF) d'abord, où ils avaient pu rencontrer Mme Nicole Prud'homme,
M. Claude Huriet, président du conseil de surveillance et
Mme Annick Morel, directrice, entourée de son équipe de
direction, puis dans les caisses d'allocations familles d'Evry, de Chartres et
de Melun. Il a précisé que les rapporteurs présenteraient
à la commission un compte rendu de leurs travaux le mercredi
1
er
mars, et que les conclusions de ces travaux feraient l'objet
d'un rapport d'information de la commission.
Après s'être félicitée de l'intérêt que
portait la commission pour la branche famille,
Mme Nicole Prud'homme
a
jugé que la famille devrait être véritablement au centre
des préoccupations de notre société. Elle a
considéré que les phénomènes inquiétants de
violence des jeunes étaient ainsi révélateurs des carences
de certaines familles. Elle a souligné qu'une politique familiale plus
dynamique permettrait sans doute de limiter les menaces qui pesaient sur
l'avenir des retraites.
Mme Nicole Prud'homme
a regretté que la branche ne défraye
l'actualité des médias que lorsqu'elle rencontrait des
difficultés. Elle a jugé que la médiatisation un peu
excessive de ces difficultés, lors de l'été 1999,
provenait sans doute du caractère habituellement atone de l'information
à cette période de l'année.
Elle a souligné que la branche famille constituait un service public de
qualité, avec des personnels motivés qui s'étaient
efforcés de répondre avec efficacité aux
difficultés rencontrées, dans le cadre des plans d'action mis en
place dans l'urgence par la CNAF. Elle a expliqué que le réseau
des caisses d'allocations familiales de la région parisienne
était encore très jeune, puisqu'il trouvait son origine dans le
démantèlement de la caisse parisienne unique, et qu'il n'avait
sans doute pas encore atteint sa vitesse de croisière.
Mme Nicole Prud'homme
a fait valoir que les difficultés
rencontrées par les caisses d'allocations familiales pouvaient se
mesurer par trois indicateurs : le temps d'attente aux guichets, la
qualité de la réponse téléphonique et le retard
dans le traitement des dossiers. Elle a observé que les temps d'attente
dans les caisses d'allocations familiales étaient en voie
d'amélioration, mais que la situation restait préoccupante
s'agissant de la réponse téléphonique.
Mme Nicole Prud'homme
a mis l'accent sur la solidarité qui
unissait le réseau des caisses d'allocations familiales,
solidarité qui avait trouvé sa traduction concrète dans
les aides ponctuelles apportées par certaines caisses aux caisses en
difficulté de la région parisienne. Elle a
considéré que ces aides avaient apporté une contribution
bénéfique aux caisses concernées sans être toutefois
suffisantes pour régler durablement les problèmes
rencontrés. Elle a souhaité, par conséquent, que des
moyens pérennes soient débloqués sous la forme de la
création de 1.100 emplois supplémentaires. Elle a ajouté
qu'il serait également nécessaire de revoir, dans les caisses de
la région parisienne, les modalités d'organisation du travail.
Mme Nicole Prud'homme
a expliqué que les difficultés de
certaines caisses d'allocations familiales provenaient à la fois d'un
élément conjoncturel -la mise en place, en région
parisienne, du nouveau système informatique Cristal, qui s'était
traduite par une diminution provisoire de la productivité- et de raisons
structurelles. Détaillant ces raisons structurelles, elle a
souligné le malaise social suscité par les fortes attentes des
personnels des caisses quant à l'application de la loi relative aux
35 heures. Elle a fait valoir que le blocage des négociations au
sein de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale
(UCANSS) avait suscité une certaine démotivation des personnels
et engendré des mouvements sociaux dans certaines caisses. Ces
mouvements sociaux s'étaient naturellement traduits par une baisse de la
qualité du service rendu au public. Elle a constaté que la
réduction de la durée légale du travail avait, pour le
moment, pour seule conséquence une diminution de 24 minutes par semaine
du temps de travail
des personnels des caisses, correspondant au repos
compensateur des heures supplémentaires.
Evoquant les autres facteurs structurels susceptibles d'expliquer les
difficultés rencontrées par les caisses d'allocations familiales,
Mme Nicole Prud'homme
a mis l'accent sur la mutation des missions
assignées à la branche famille depuis que cette dernière
était chargée de la gestion et du versement du revenu minimum
d'insertion (RMI) et des principaux minima sociaux. Cette mutation aboutissait
à une fragilisation des allocataires et à une forte montée
de la demande sociale adressée aux caisses d'allocations familiales.
Elle a souligné que la reprise économique se traduisait,
paradoxalement, par un renforcement des clivages sociaux et une
inquiétude accrue des populations les plus fragiles. Elle a fait
observer que les personnels des caisses d'allocations familiales
n'étaient pas nécessairement préparés pour
répondre à ces nouvelles attentes.
Mme Nicole Prud'homme
a souligné que les difficultés
provenaient enfin de la redoutable complexité des règles
régissant les nombreuses prestations versées par la branche
famille. Constatant que cette complexité relevait d'une
responsabilité collective, qui incombait à la fois au
législateur, au pouvoir réglementaire et à la branche
famille elle-même, elle a expliqué qu'une législation trop
complexe devenait incompréhensible pour les allocataires et parfois
même pour les personnels des caisses d'allocations familiales, ce qui se
traduisait, in fine, par une fréquentation accrue aux guichets des
caisses. Elle a indiqué qu'une bonne part de cette complexité
provenait de la réglementation des aides au logement à laquelle
était imputable la moitié des démarches effectuées
par les allocataires aux guichets des caisses.
Mme Nicole Prud'homme
a considéré que les plans d'action
engagés par la branche famille avaient apporté des
améliorations ponctuelles, mais que cette " convalescence "
devait être consolidée par la création de postes
supplémentaires, qui seuls permettraient d'éviter un retour des
difficultés. Elle a indiqué que le Gouvernement semblait
disposé à donner son accord à la création de 900
postes, sous la forme de contrats à durée
indéterminée, sur les 1.100 réclamés par la
branche. Elle a vivement souhaité que ces postes constituent des
créations nettes d'emplois, et non un acompte sur les postes qui
devraient être mécaniquement créés du fait des
35 heures. Elle a fait valoir qu'un certain nombre de caisses, où
la situation semblait stabilisée, pouvaient très rapidement
basculer dans les difficultés.
M. Jacques Machet, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour la branche famille,
s'est
étonné que Mme Nicole
Prud'homme ait
déclaré, lors de son audition, par la commission, le
13 octobre 1999, à l'occasion de l'examen du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, que les difficultés
rencontrées étaient en voie de règlement, puis ait
demandé au Gouvernement, le 6 décembre 1999, un renforcement des
moyens humains dont disposait la branche famille, sous la forme de 1.100
emplois supplémentaires. Il s'est interrogé sur les raisons
susceptibles d'expliquer l'évolution de la position de Mme Nicole
Prud'homme et a souhaité savoir pour quels motifs ces moyens
supplémentaires n'avaient-ils pas été demandés au
moment même où le Parlement examinait le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000.
Relevant que ses collègues et lui-même avaient eu le sentiment,
lors de leur mission de contrôle, que les difficultés
apparaissaient localisées en région parisienne et, pour une bonne
part, en voie de résorption,
M. Jacques Machet
a demandé
à Mme Nicole Prud'homme si elle partageait cette analyse.
Après avoir expliqué que l'Inspection générale des
affaires sociales (IGAS) avait été chargée par le
Gouvernement d'une mission d'évaluation des difficultés
rencontrées par les caisses d'allocations familiales, il a
souhaité savoir si cette mission était aujourd'hui achevée
et quelles étaient, dans ce cas, les principales orientations du rapport
qui devait être rédigé à l'issue de cette mission.
Mme Nicole Prud'homme
a expliqué que le Gouvernement avait
effectivement diligenté une mission de l'IGAS après la demande,
par le conseil d'administration de la CNAF, de 1.100 postes
supplémentaires. Elle a précisé que cette mission avait
débuté dans les premiers jours de janvier et se poursuivait
actuellement. Elle a souligné, toutefois, que l'essentiel, pour la
branche famille, résidait en l'accord donné par le Gouvernement
à la création de 900 emplois supplémentaires.
Mme Nicole Prud'homme
a souligné que le réseau des caisses
d'allocations familiales s'était toujours efforcé, jusqu'à
présent, de faire face à ses missions, malgré les charges
nouvelles qui lui avaient été imposées sans moyens
supplémentaires, telle la gestion du RMI. Reprenant l'image d'une corde
trop tendue, elle a fait observer que lorsque la charge de travail augmentait
de manière trop importante et que les réserves de
productivité s'épuisaient, venait alors le point de rupture
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué que la commission
serait attentive à ce que le rapport de l'IGAS lui soit
communiqué dès l'achèvement de sa rédaction.
M. Charles Descours
,
rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour les équilibres
généraux et l'assurance maladie,
a remarqué que la
gestion des minima sociaux représentait une charge très
lourde pour la branche famille. Il s'est interrogé sur le flou
juridique qui caractérisait l'application des 35 heures dans les
organismes de protection sociale.
Mme Nicole Prud'homme
a rappelé que l'on avait, en 1988, fait le
choix politique de confier aux caisses d'allocations familiales la gestion du
RMI. Cette décision avait conduit à une modification très
importante du profil des allocataires de la branche famille, puisqu'aujourd'hui
40 % de ces allocataires n'étaient pas chargés de famille,
ce pourcentage pouvant dépasser les 50 % dans certaines caisses.
Elle a fait observer qu'il n'apparaissait pas illogique de confier la mission
de gérer les minima sociaux aux caisses d'allocations familiales, qui
étaient habituées au contact direct avec le public et qui
disposaient à la fois d'une bonne connaissance du terrain et de
partenariats forts avec les collectivités locales.
Mme Nicole Prud'homme
a souligné que l'application des 35 heures
dans la branche famille soulevait un réel problème juridique.
Elle a fait observer que si l'application de la loi à la CNAF,
établissement public, pouvait donner lieu à débat, il
apparaissait en revanche clair que les caisses d'allocations familiales,
organismes de droit privé, étaient éligibles aux
35 heures. Elle a indiqué que les personnels des caisses relevaient
d'une convention collective gérée au niveau de l'UCANSS,
organisme actuellement présidé par M. Bernard Boisson,
représentant du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Elle a
indiqué que les négociations sur les 35 heures au sein de
l'UCANSS, qui avaient été initialement interrompues à
l'initiative du MEDEF, venaient de reprendre et que si un accord national
venait à être conclu, il serait ensuite décliné
caisse par caisse.
M. Jean Delaneau, président,
s'est félicité du
développement important, depuis quelques années, de l'action
sociale menée par les caisses d'allocations familiales, en collaboration
avec les collectivités locales.
M. Claude Huriet
a considéré que la complexité des
règles applicables aux prestations versées par les caisses
d'allocations familiales constituaient le véritable noeud du
problème. Il a fait observer que la simplification était
cependant une démarche difficile, puisque la complexité
résultait généralement du souci d'être toujours plus
équitable. Il a souhaité savoir à quel niveau normatif et
dans quels domaines se concentrait l'essentiel de cette complexité.
Après avoir fait observer que la branche famille gérait, en 1947,
5 prestations et aujourd'hui 25 prestations, sources de 15.000
règles de droit,
Mme Nicole Prud'homme
a indiqué que la
CNAF travaillait sur la problématique de la complexité depuis une
quinzaine d'années. Elle a souligné que les travaux ainsi
menés avaient montré que cette complexité ne se situait
pas tant au niveau des textes législatifs qu'au niveau des textes
réglementaires. Elle a souligné que la démarche de
simplification ne progressait guère car elle avait nécessairement
un coût. Elle a opposé ce coût immédiat au coût
réel et permanent né de la complexité. Elle a
souhaité, en outre, que les services de la CNAF soient davantage
associés à la rédaction des textes réglementaires
d'application.
Mme Nicole Prud'homme
a observé que la complexité
découlait souvent du souci d'être le plus juste possible : on
avait ainsi distingué entre étudiants boursiers et non boursiers
pour l'attribution de l'allocation logement, ce qui se traduisait, en pratique,
par 50 francs de différence par mois dans les allocations
versées, et par une complexité considérable dans la
gestion de la prestation. Après avoir considéré que
l'idée de la simplification semblait progresser, elle a
suggéré que l'on profite du prochain débat sur le projet
de loi de modernisation sociale pour engager effectivement cette
démarche de simplification. Elle a néanmoins estimé qu'une
éventuelle simplification ne permettrait pas de faire l'économie
des créations d'emplois nécessaires.
M. Jean Delaneau, président,
a fait observer que le projet de loi
de modernisation sociale n'était toujours pas déposé par
le Gouvernement et qu'il n'était pas certain que le Sénat puisse
l'examiner en première lecture avant la fin de la présente
session.
Après avoir rendu hommage à la qualité des personnels des
caisses d'allocations familiales,
M. Alain Gournac
a constaté que
les personnels de la caisse d'allocations familiales des Yvelines ne semblait
pas avoir été suffisamment formés au nouveau
système informatique Cristal. Il a jugé indispensable une
simplification des procédures internes des caisses et a notamment
dénoncé la procédure longue et complexe de
récupération des indus. Il a regretté que les caisses
d'allocations familiales semblent se désinvestir des activités
des conseillères en économie familiale et sociale.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a considéré que les
caisses d'allocations familiales constituaient aujourd'hui de véritables
observatoires de la précarité sociale. Elle a souligné que
la complexité du droit était d'abord préjudiciable aux
allocataires et s'est dit convaincue de la nécessité d'instituer
des guichets uniques, afin d'éviter que les allocataires ne soient
renvoyés d'un agent à l'autre. S'agissant des contrats enfance,
elle a regretté les conflits qui pouvaient parfois survenir entre les
orientations politiques des collectivités locales et les
décisions des caisses. Elle a souligné que le partenariat entre
les collectivités locales et les caisses ne se faisait pas sans
difficultés.
M. Marcel Lesbros
a rappelé que la complexité était
avant tout le résultat du souhait légitime du législateur
d'aller toujours vers plus de justice et d'équité. Il a
souligné que cette complexité ne concernait pas que la branche
famille et se rencontrait également, par exemple, dans le droit
fiscal
et qu'elle correspondait, en somme, à une évolution
normale de nos sociétés. Il a jugé nécessaire de
rendre les fonctionnaires plus responsables et de décentraliser encore
davantage les décisions.
Après avoir fait observer que la CAF de Paris enregistrait des
retards de deux mois pour le paiement des allocations logement,
Mme Nicole
Borvo
a souligné que les prestations versées par la branche
famille étaient absolument indispensables pour bon nombre de personnes.
Elle a indiqué qu'elle était naturellement favorable à une
simplification du droit et à l'institution d'un guichet unique, mais
elle a jugé que la question essentielle restait celle de l'emploi. Elle
a relevé que les caisses de la région parisienne rencontraient
des difficultés particulières, résultant de la
concentration des problèmes sociaux que connaissait cette région.
Alors que le nombre des allocataires avait augmenté de 30 % en dix
ans, le nombre des agents des caisses de la région parisienne avait
parallèlement diminué de 1.000 personnes. Elle a jugé
que la mise en place du nouvel outil informatique Cristal ne pouvait
s'accompagner d'une diminution des effectifs du personnel des caisses.
Après avoir constaté les problèmes que
générait la gestion des fonds de solidarité pour le
logement (FSL),
M. Martial Taugourdeau
a souligné que la
procédure de remboursement des trop-perçus créait des
difficultés de toutes pièces et obligeait les conseils
généraux à intervenir pour aider les familles
concernées. Il s'est dit convaincu de la nécessité de
simplifier le droit des prestations, notamment les règles
régissant l'attribution des allocations logement.
En réponse aux différents intervenants,
Mme Nicole
Prud'homme
a déclaré que l'allocataire devait être au
centre des préoccupations et du mode de fonctionnement de la branche
famille. Elle a souligné que certaines caisses avaient opté pour
la gestion par portefeuille d'allocataires, ce qui permettait une relation
personnalisée avec les intéressés et une
responsabilisation accrue des agents. Elle a rappelé que les caisses
étaient cependant des établissements autonomes, libres donc de
choisir leurs propres modalités d'organisation.
Mme Nicole Prud'homme
a reconnu que la gestion des trop-perçus
constituait un problème délicat, dans la mesure où les
règles de la comptabilité publique ne permettaient pas de retenir
les trop-perçus sur les sommes dues. S'agissant de la gestion des FSL,
elle a souligné que le logement restait le dernier rempart contre
l'exclusion. Elle a indiqué que le système informatique Cristal
permettrait des procédures beaucoup plus rapides et elle a
observé que la CAF des Yvelines avait été l'une des
dernières à adopter cet outil. Elle a jugé que la
formation des agents à ce système informatique avait
été adaptée, mais que le résultat final
dépendait naturellement de la motivation de chacun.
Evoquant l'action sociale menée par la branche,
Mme Nicole
Prud'homme
a rappelé qu'il s'agissait d'une prérogative
autonome des caisses locales, lesquelles devaient cependant respecter des
directives établies par la CNAF. Elle a conseillé aux élus
d'intervenir directement auprès des conseils d'administration des
caisses, afin que les orientations retenues soient conformes à leurs
voeux. S'agissant de la situation particulière de la CAF de Paris, elle
a souligné la nécessité de décentraliser et de
multiplier les points d'accueil, ce qui posait un problème financier
réel, compte tenu du coût de l'immobilier dans la capitale. Elle a
indiqué qu'il y aurait prochainement un nouveau point d'accueil à
Paris.
II. COMMUNICATION DES RAPPORTEURS
(DIFFICULTÉS DE FONCTIONNEMENT DES
CAF)
Réunie le 1
er
mars 2000, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau,
président,
la
commission a tout d'abord entendu une
communication des rapporteurs des lois
de financement de la sécurité sociale
(
mission de
contrôle sur les difficultés de fonctionnement rencontrées
par les caisses d'allocations familiales
).
M. Jacques Machet, rapporteur,
a rappelé que MM. Charles
Descours, Alain Vasselle et lui-même avaient engagé, au
début de l'année, plusieurs missions de contrôle,
" sur pièces et sur place ", dans les organismes de protection
sociale, en se fondant sur les prérogatives particulières et
permanentes accordées par la loi aux rapporteurs des lois de financement
de la sécurité sociale.
Il a précisé que l'article 2 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1997 disposait, en effet, que les
rapporteurs des projets de loi de financement de la sécurité
sociale avaient le pouvoir de suivre et de contrôler, " sur
pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des
administrations de l'Etat et des établissements publics
compétents. Réserve faite des informations couvertes par le
secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les
renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter
leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités
à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce
soit. "
M. Jacques Machet, rapporteur,
a souligné que les rapporteurs
avaient été amenés à privilégier, cette
année, trois thèmes de contrôle : les
difficultés de fonctionnement des caisses d'allocations familiales
(CAF), la gestion des exonérations de cotisations sociales et, enfin,
l'application de la couverture maladie universelle (CMU).
Il a indiqué qu'il n'évoquerait ce jour que la mission
consacrée aux caisses d'allocations familiales, M. Charles Descours
devant présenter, le 21 mars prochain, l'état d'avancement
du contrôle sur les exonérations de cotisations sociales.
Après avoir précisé que cette mission sur les caisses
d'allocations familiales n'était pas encore achevée, il a
expliqué que les rapporteurs avaient cependant jugé utile de
tenir informée la commission de l'avancement de leurs travaux, en lui
présentant un compte rendu de leurs déplacements sur
pièces et sur place.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a indiqué que, dans le souci de
préserver la nécessaire vision d'ensemble qui devait
prévaloir dans cette procédure de contrôle de l'application
des lois de financement de la sécurité sociale, les conclusions
définitives de leurs travaux sur les caisses d'allocations familiales
pourraient être présentées à la commission courant
mai, parallèlement à la présentation des conclusions des
rapporteurs sur les missions consacrées aux exonérations de
cotisations sociales et à l'application de la CMU.
Il a expliqué que Charles Descours, Alain Vasselle et lui-même
avaient été frappés par les nombreux articles de presse
consacrés, l'été dernier, aux difficultés
rencontrées par certaines caisses d'allocations familiales,
particulièrement en région parisienne. Ces difficultés
prenaient la forme de files d'attente interminables aux guichets, de retards
considérables dans les réponses aux courriers et le traitement
des dossiers. Certains articles évoquaient même des caisses
" au bord de la rupture de paiement ".
M. Jacques Machet, rapporteur,
a souligné que Mme Nicole
Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la Caisse
nationale d'allocations familiales (CNAF), interrogée lors de son
audition par la commission, le 13 octobre 1999, à l'occasion de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000, avait alors déclaré que ces difficultés
étaient en voie de règlement. Pourtant, moins de deux mois plus
tard, le 6 décembre, elle demandait au Gouvernement, au nom du
conseil d'administration de la CNAF, un accroissement des moyens humains, dont
dispose la branche famille, sous la forme de 1.100 emplois
supplémentaires. Cette demande intervenait ainsi quelques jours
après l'adoption en lecture définitive, par l'Assemblée
nationale, du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a expliqué que, dans ces
conditions, ses collègues rapporteurs et lui-même avaient
jugé nécessaire de mieux mesurer l'étendue et les
conséquences des difficultés de fonctionnement que connaissaient
certaines caisses d'allocations familiales.
L'objet de cette mission de
contrôle était de dresser un diagnostic et de formuler des
propositions.
Il a indiqué que, désireux de se rendre compte de la
réalité de la situation " sur le terrain ", les
rapporteurs étaient allés tout d'abord à la CNAF le
26 janvier dernier. Ils avaient pu y rencontrer Mme Nicole Prud'homme,
présidente, qui représente la confédération
française des travailleurs chrétiens (CFTC) au conseil
d'administration, et M. Diépois, vice-président,
représentant le mouvement des entreprises de France (MEDEF), puis M.
Claude Huriet, président du conseil de surveillance, et, enfin, Mme
Annick Morel, directrice, entourée de son équipe de direction.
Cette visite à la CNAF avait été
précédée de l'envoi d'un questionnaire
particulièrement exhaustif : les réponses écrites qui
avaient été transmises avaient permis de compléter
utilement l'information des rapporteurs.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a précisé que les
rapporteurs s'étaient ensuite rendus dans
trois caisses
d'allocations familiales : à Evry, dans l'Essonne, à
Chartres, dans l'Eure-et-Loir et, enfin, à Melun, en Seine-et-Marne. Le
choix de ces trois caisses avait été dicté par le souci de
concentrer l'investigation sur les caisses de la région parisienne, qui
connaissaient les plus grandes difficultés, tout en visitant
parallèlement une caisse voisine -celle de Chartres- qui semblait
épargnée par ces difficultés. Le choix de ces trois
caisses avait permis aux rapporteurs une vision contrastée de la
situation des différentes caisses.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a expliqué qu'Evry et Melun
figuraient ainsi parmi les caisses les plus importantes du territoire, avec
chacune 170.000 allocataires, et incarnaient de manière assez exemplaire
la situation des caisses dites " en difficulté ". Chartres
abritait, pour sa part, une caisse " moyenne " gérant 58.000
allocataires sans véritables difficultés. Dans ces trois caisses,
les rapporteurs avaient rencontré les présidents et
vice-présidents des conseils d'administration, les équipes de
direction et les représentants des organisations syndicales
représentatives du personnel. Ils avaient également visité
les locaux consacrés à l'accueil du public, ce qui avait souvent
permis aux rapporteurs de dialoguer quelques instants avec les personnels des
guichets, qui étaient en contact permanent avec les allocataires.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a indiqué que la
délégation avait reçu partout le meilleur accueil et que
tous ses interlocuteurs s'étaient félicités de la
démarche entreprise par la commission. Il a ajouté que certains
présidents ou directeurs de caisses, informés de ces travaux,
avaient spontanément pris contact avec les rapporteurs afin d'être
auditionnés et qu'ils seraient par conséquent prochainement
reçus au Sénat.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a examiné tout d'abord les
symptômes et les raisons de ces difficultés avant d'esquisser
quelques propositions. Il a souligné que, si les difficultés
semblaient avoir commencé à se manifester dès 1998, elles
s'étaient cependant brutalement aggravées au cours de
l'été 1999, date à laquelle elles avaient
été largement évoquées par les médias.
Il a tenu à préciser que, seule, une minorité de caisses
était effectivement concernée par ce
phénomène : sur un réseau national de
125 caisses, 25 connaissaient aujourd'hui des difficultés et ne
respectaient pas les objectifs définis par la convention d'objectifs et
de gestion. Il a fait cependant observer que ces caisses étaient aussi
celles qui géraient le plus grand nombre d'allocataires, les 8 caisses
de la région parisienne étant par exemple chargées de la
gestion de 25 % des allocataires.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a expliqué que les
difficultés s'étaient traduites concrètement par des
retards dans le traitement des dossiers et des réponses aux courriers,
par une forte augmentation des temps d'attente au guichet et par une
dégradation de l'accueil téléphonique. Il a
souligné que ces trois aspects étaient en fait partie prenante
d'une même réalité de cercle vicieux : lorsque les
délais de traitement des dossiers augmentaient, les allocataires,
inquiets de l'absence de réponse de la caisse, se rendaient aux
guichets. Pour répondre à cette affluence nouvelle, on affectait
à l'accueil des personnels habituellement chargés de
l'instruction et de la liquidation des dossiers ou de l'accueil
téléphonique, ce qui se traduisait in fine par des retards accrus
dans la gestion des dossiers.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a relevé que certaines caisses
avaient ainsi connu des retards moyens dans le traitement des dossiers
atteignant parfois quatre mois, ce qui signifiait en pratique que certains
dossiers avaient été traités avec parfois six mois de
retard, si ce n'était davantage. Les caisses avaient en effet
été contraintes à des arbitrages et avaient choisi de
privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des
prestations familiales " classiques ".
M. Jacques Machet, rapporteur,
a constaté que la situation
semblait s'améliorer lentement ; à Evry, par exemple, le
retard moyen dans le traitement des dossiers restait encore de deux mois. Il a
relevé que, parallèlement à ces retards dans le traitement
des dossiers, les temps d'attente au guichet avaient augmenté
fortement : certaines caisses avaient ainsi connu, à certaines
périodes, des temps d'attente moyens de près de trois
heures ! Aujourd'hui, le temps d'attente moyen semblait être
retombé à une heure environ dans la plupart des caisses de la
région parisienne, ce qui restait néanmoins considérable.
A Evry, où l'on considérait que la capacité maximale
d'accueil quotidien était de 400 personnes, 900 à 1.000 personnes
s'étaient parfois présentées certains jours, 250 personnes
attendaient ainsi simultanément dans une salle qui comptait environ une
soixantaine de places assises.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a indiqué que de telles conditions
d'accueil avaient créé de fortes tensions avec les allocataires
et au sein même du personnel des caisses concernées.
Elément assez symptomatique de cette dégradation, les caisses
d'Evry et de Melun avaient chacune embauché un vigile qui,
présent à l'accueil, assurait la sécurité des
personnels et maintenait l'ordre.
Il a constaté que l'accueil téléphonique avait
été partout sacrifié. Certaines caisses -à Evry par
exemple- n'avaient pas hésité à fermer cet accueil et ne
répondaient plus au téléphone. Cette situation à
l'accueil téléphonique avait naturellement un retentissement sur
l'accueil au guichet : faute d'obtenir une réponse au
téléphone, les allocataires étaient contraints de se
rendre à leur caisse.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a souligné que face à ces
difficultés, la CNAF avait mis en place plusieurs plans d'action
successifs consistant essentiellement à affecter des personnels
supplémentaires dans les caisses concernées. Elle avait
donné parallèlement pour instruction aux caisses de
privilégier le versement des minima sociaux aux dépens des
prestations familiales, renonçant ainsi à assurer la mission
première de la branche famille.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a estimé que les
difficultés rencontrées provenaient, pour l'essentiel, de la
conjugaison d'un élément conjoncturel -la mise en place d'un
nouveau système informatique Cristal dans les caisses de la
région parisienne- et d'éléments structurels.
Il a expliqué que la région parisienne avait été la
plus touchée par les difficultés, car le système
informatique Cristal avait été conçu à partir du
système qui était auparavant en usage dans les caisses de
province. La région parisienne disposait, quant à elle, d'un
système informatique distinct, dont la logique était très
éloignée de Cristal. Outre des difficultés techniques
inévitables, il avait fallu que les personnels se forment et
s'approprient ce nouvel outil : cela s'était soldé par une
diminution, que l'on pouvait espérer temporaire, de la
productivité. Lorsque les caisses avaient déjà des retards
importants dans le traitement des dossiers et des courriers, le passage
à Cristal s'était inévitablement traduit par des retards
accrus. La mise en place de Cristal n'était d'ailleurs pas
achevée puisque les caisses étaient encore contraintes de
continuer à travailler simultanément sur l'ancien système.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a estimé que ce problème
d'adaptation à un nouvel outil informatique se résoudrait
progressivement et a jugé que Cristal devrait ainsi être
pleinement opérationnel dans l'ensemble des caisses de la région
parisienne avant la fin de la présente année.
Il a constaté que restaient néanmoins des problèmes plus
préoccupants car fondamentalement structurels ; il a observé
que Cristal n'avait été en quelque sorte que le
révélateur de difficultés plus profondes liées
à l'évolution des missions de la branche famille, à la
précarisation des publics qu'elle prend en charge, au malaise des
personnels et à la complexité croissante de la législation
et de la réglementation.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a souligné que la branche famille,
en prenant à sa charge la gestion du RMI, en 1989, avait vu ses missions
profondément évoluer. Initialement chargée de l'aide aux
familles, elle s'était rapidement trouvée au coeur de la lutte
contre l'exclusion. Cette nouvelle mission s'était traduite par une
augmentation de la charge de travail et, surtout, par un changement de nature
du travail effectué.
Les caisses étaient donc
confrontées à une population de plus en plus
précarisée et fragilisée, parfois aussi plus agressive.
Comme l'avait souligné la semaine précédente Mme Nicole
Prud'homme devant la commission, aujourd'hui, 40 % des allocataires des
CAF n'étaient pas chargés de famille, ce chiffre pouvant
atteindre 52 ou 53 % dans certaines caisses.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a relevé que
l'amélioration de la situation économique renforçait le
sentiment de précarité chez les personnes les plus fragiles, qui
éprouvaient paradoxalement le besoin d'être encore davantage
rassurées.
Il a rappelé que la branche famille avait pris à sa charge la
gestion du RMI et de la plupart des minima sociaux sans que lui soient
parallèlement accordés des moyens supplémentaires. Les
moyens humains dont elle disposait avaient même progressivement
diminué. Les efforts accomplis par la branche famille en termes de
productivité depuis 10 ans étaient ainsi
considérables : le coût de gestion était revenu de
3,4 % des prestations versées à 2,7 % aujourd'hui.
Parallèlement, le nombre des bénéficiaires du RMI passait
de 300.000 personnes à plus d'un million.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a estimé que la branche famille
avait globalement su faire face à cette nouvelle responsabilité
que constituait la gestion des minima sociaux, au prix cependant d'une
dégradation du service et de l'absorption de l'ensemble de ses gains de
productivité. En Eure-et-Loir, par exemple, la montée en charge
du RMI avait obligé la caisse à réduire la
fréquence de ses permanences dans les chefs-lieux de canton et des
visites à domicile.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a indiqué que, lors de leurs
entretiens avec les représentants du personnel, les rapporteurs avaient
pu constater une certaine démotivation et une grande frustration de la
part des personnels des caisses. Ces personnels étaient
généralement compétents, dévoués et
très attachés à la mission de leur institution. Ils
avaient aujourd'hui le sentiment de ne pas pouvoir offrir aux allocataires le
service qui devrait leur être rendu, ce qui suscitait, chez eux, une
grande insatisfaction. Comme l'avait indiqué un représentant du
personnel : " on nous demande de gérer des règles de
plus en plus complexes avec des publics de plus en plus fragiles ".
M. Jacques Machet, rapporteur,
a jugé que, dans ce contexte, la
négociation difficile sur les modalités de la réduction du
temps de travail, qui était applicable au personnel des caisses depuis
le 1
er
février, contribuait à accroître
fortement les tensions sociales.
Il a souligné que la complexité du droit géré par
les caisses d'allocations familiales était indéniable. De fait,
comme l'avait souligné la semaine précédente
Mme Nicole Prud'homme devant la commission, les CAF géraient 25
prestations légales qui représentaient 15.000 règles de
droit. Il a ajouté que les CAF prenaient en compte 250 faits
générateurs de droit, qu'elles utilisaient 270 modèles de
pièces justificatives et en traitaient 70 millions par an. Les
comparaisons qu'il était possible de faire dans le temps concernant ces
indicateurs montraient que la complexité s'était fortement accrue.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a estimé que la complexité
de ce droit était fortement aggravée par son
instabilité.
Il a rappelé, par exemple, comment le
Gouvernement
avait décidé à l'automne 1997 de
mettre sous condition de ressources les allocations familiales pour revenir
finalement, quelques mois plus tard, sur cette décision.
Il a expliqué en outre que, depuis la création de l'aide
personnalisée au logement (APL) en 1977, il y avait eu environ 150
textes qui en avaient modifié le régime initial et sur les
dernières années, plus de 100 modifications de règles
étaient intervenues par an. Cette complexité avait atteint son
paroxysme pour la gestion des allocations logement : la circulaire
explicitant les modalités d'attribution de ces prestations ne comptait
pas moins de 83 pages !
M. Jacques Machet, rapporteur,
a jugé que la branche famille
était de surcroît victime de la conjugaison de règles
très complexes et de changements permanents dans les situations
familiales et professionnelles des allocataires. Ainsi, en moyenne, un tiers du
fichier des allocataires était modifié chaque mois.
Il a constaté que la complexité des règles
gérées par les caisses d'allocations familiales découlait
souvent du souci d'être le plus équitable possible et du
goût de nos concitoyens pour des règles totalement objectives
définies au niveau national, prenant en compte le moindre cas
particulier et ménageant les droits acquis. La complexité
procédait également d'une volonté politique de ciblage
social et financier, de la multiplicité des objectifs poursuivis et d'un
faible intérêt du " fabricant de règles " pour
leur gestion par les CAF et leur compréhension par l'allocataire.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a observé que l'évolution
récente de la branche famille avait vu la montée en charge de
trois types de prestations très complexes : celles qui ont recours
à des barèmes extrêmement sensibles que sont les aides
personnelles au logement, les prestations différentielles que sont les
minima sociaux, celles qui supposent des relations avec de multiples
partenaires : en moyenne, les CAF étaient ainsi en relation avec
60 partenaires susceptibles d'intervenir dans la gestion du système
des prestations.
Il a ajouté que les CAF géraient des prestations qui
dépendaient d'ordres juridiques différents (les prestations
familiales inscrites dans le code de la sécurité sociale, l'APL
inscrite dans le code de la construction et de l'habitat, le RMI) ce qui
conduisait à des règles distinctes en matière de
contentieux, de récupération d'indus.
Il a jugé que les effets de cette complexité étaient
redoutables : incompréhension des allocataires et des personnels,
absence de lisibilité des choix politiques, ciblage social souvent
inefficace, ciblage financier rarement atteint, coût de gestion accru.
Pour éviter que la branche famille ne soit confrontée à
l'avenir à de nouvelles difficultés,
M. Jacques Machet,
rapporteur,
a estimé qu'il convenait d'engager rapidement une
démarche de simplification du droit régissant les prestations
versées par les caisses d'allocations familiales. Il a indiqué
qu'un gros travail avait été accompli depuis une quinzaine
d'années par la branche famille sur la simplification des
prestations : cette démarche était pourtant restée
lettre morte faute d'un réel soutien du ministère de l'emploi et
de la solidarité. La direction de la sécurité sociale
considérait ainsi que la complexité était un faux
problème, en partie réglé par l'informatisation et faisait
observer, en outre, que la simplification avait un coût.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a considéré par
conséquent que cette entreprise de simplification n'était pas un
projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet politique.
Evoquant la question des moyens dont disposait la branche famille,
M. Jacques Machet, rapporteur,
a rappelé que la CNAF,
arguant des difficultés que rencontraient les CAF, avait demandé
au Gouvernement, en décembre dernier, 1.100 postes
supplémentaires. Mme Martine Aubry avait alors diligenté une
mission de l'IGAS, chargée d'évaluer le bien-fondé de
cette demande.
Il a relevé que, sans attendre les résultats de cette mission, le
Gouvernement venait pourtant de donner son accord à la création
de 900 postes, dont une partie était présentée comme
un acompte sur les créations d'emplois qui résulteraient de la
réduction du temps de travail.
Avant d'être pleinement
opérationnels, ces personnels devraient être formés pendant
une période de 10 mois.
Dans la mesure où les conclusions de la mission de l'IGAS
n'étaient pas encore disponibles,
M. Jacques Machet,
rapporteur,
s'est refusé à se prononcer sur le
bien-fondé de la demande de la CNAF. Il s'est demandé
néanmoins si l'octroi de postes supplémentaires ne constituait
pas une solution de facilité, qui permettait notamment de faire
l'économie d'éventuels efforts de réorganisation interne
et d'une simplification du droit.
Il a estimé que le passage aux 35 heures ne pouvait se faire à
moyens constants. Il a expliqué que la CNAF proposait donc qu'on lui
donne des moyens supplémentaires immédiatement, moyens qui
seraient récupérés dans quatre ou cinq ans au moment des
départs massifs à la retraite des personnels des caisses.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a considéré qu'il convenait
de profiter de la négociation sur les 35 heures pour revoir les
modalités de l'organisation du travail dans les caisses d'allocations
familiales et améliorer ainsi l'efficacité et la qualité
du service rendu à l'usager. Des efforts importants devraient ainsi
être engagés qui permettraient une simplification des
procédures internes et une meilleure gestion des ressources et des
moyens disponibles. Certaines caisses, Evry et Melun par exemple, venaient
d'ailleurs d'engager une démarche en ce sens.
M. Jean Delaneau, président,
a souligné que la
qualité des analyses formulées et le caractère concret des
observations recueillies justifiaient pleinement la démarche de
contrôle sur pièces et sur place entreprise par la commission. Il
a estimé que la présentation, par les trois rapporteurs, des
conclusions définitives de leurs travaux, au mois de mai prochain,
ferait certainement apparaître des difficultés communes dans les
différentes branches de la sécurité sociale.
M. Charles Descours, rapporteur,
a précisé que ces
missions de contrôle sur pièces et sur place étaient avant
tout des missions destinées à informer la commission, sans
arrière-pensée politique. Evoquant la nécessaire
démarche de simplification du droit, il a regretté que certaines
directions du ministère de l'emploi et de la solidarité ne
partagent pas cette conviction. Considérant que le droit des prestations
versées par les CAF était désormais devenu " le
royaume du père Ubu ", il a cité l'exemple du régime
d'attribution des allocations logement qui distinguait entre les
étudiants boursiers et non boursiers, ce qui se traduisait in fine par
une différence de 50 francs par mois pour les intéressés
et par une complexité considérable dans la gestion de ces
prestations par les CAF.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné qu'en l'absence de
simplification du droit, les difficultés ne seraient pas
réglées par des créations d'emplois. Il a
considéré que la convention d'objectifs et de gestion qui
régissait aujourd'hui la branche famille devrait être
révisée car elle n'était, à l'évidence, pas
respectée. Il a fait observer que si seules 25 caisses sur 125
rencontraient effectivement des difficultés, ces caisses étaient
aussi les plus importantes du réseau et assuraient la gestion d'au moins
50 % des allocataires.
Evoquant les problèmes d'accueil téléphonique, il a
cité l'exemple de la caisse des allocations familiales de l'Isère
qui fonctionnait correctement et où, pourtant, l'accueil
téléphonique s'avérait très déficient. Il a
considéré enfin que l'on n'avait pas encore véritablement
tiré toutes les conséquences du changement opéré
dans les missions de la branche famille.
Après avoir précisé que l'introduction de vigiles dans
certaines caisses visait à lutter contre l'instauration d'un
début de marché noir pour l'attribution des tickets de file
d'attente,
M. Alain Vasselle, rapporteur,
a mis l'accent sur
l'importance d'une simplification du droit et a estimé que les
allocataires étaient aujourd'hui les premières victimes des
difficultés rencontrées par les caisses. Il a relevé que
ces difficultés avaient conduit certaines caisses à diminuer leur
présence territoriale, leur offre de services et l'information
apportée aux allocataires, ce qui provoquait inévitablement une
augmentation de la fréquentation aux guichets. Il a constaté que
les caisses avaient également réduit leurs missions de
contrôle et se trouvaient, par conséquent, confrontées
à un nombre croissant de contentieux.
Evoquant les gains de productivité importants effectués par les
caisses d'allocations familiales depuis une dizaine d'années, il a
exprimé son scepticisme face aux possibilités de
récupérer, dans quatre ou cinq ans, les postes qui seraient
aujourd'hui créés en application de la réduction du temps
de travail.
M. Jean Delaneau, président,
a souhaité que la commission
puisse présenter, à l'occasion de l'examen du projet de loi de
modernisation sociale, un amendement limitant, tant en termes de délai
que de montant, les possibilités de récupération des indus
par les caisses d'allocations familiales.
M. Claude Huriet
s'est félicité de la démarche
entreprise par la commission et a souhaité que le rapport qui serait
rédigé à l'issue de cette mission puisse être
communiqué aux membres du conseil de surveillance de la CNAF.
Après s'être affirmé convaincu de la
nécessité de privilégier la simplification du droit, il a
relevé que l'analyse formulée par les rapporteurs mettait
l'accent sur les gains de productivité accomplis par les caisses et
s'est interrogé, dans ces conditions, sur la possibilité
réelle de résorber les difficultés actuelles sans
embauches supplémentaires.
M. Jean Chérioux
a constaté que les dysfonctionnements
informatiques avaient des conséquences souvent dramatiques pour les
allocataires et s'est étonné du fort taux d'erreur qui
caractérisait les décisions prises par les caisses.
Après avoir salué la qualité de l'analyse des trois
rapporteurs,
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a
considéré que si toutes les CAF connaissaient actuellement des
difficultés, les problèmes aigus évoqués par M.
Jacques Machet dans son intervention n'étaient pas représentatifs
de la situation dans l'ensemble des CAF. Elle a souscrit à l'idée
de la simplification du droit tout en considérant que la
complexité des règles se voyait en partie résolue par
l'utilisation de l'informatique et une formation adaptée du personnel.
Elle a constaté que la complexité des lois et des
règlements était un phénomène maintenant ancien.
Elle a suggéré, à ce propos, que la commission auditionne
M. Jean-Michel Belorgey sur les réflexions du groupe de travail qu'il a
animé dans le cadre des travaux du Commissariat général du
plan, sur l'articulation entre les minima sociaux, les revenus
d'activité et la précarité.
M. Charles Descours, rapporteur,
a cité l'exemple de l'outil
informatique Racine, utilisé par l'Agence centrale des organismes de
sécurité sociale (ACOSS), et qui semblait mieux fonctionner
aujourd'hui, après des débuts pourtant difficiles.
M. Philippe Nogrix
a jugé que, face à une situation
exceptionnelle, il convenait de donner à la branche famille des moyens
humains supplémentaires immédiats pour surmonter les
difficultés et rattraper le retard accumulé.
Mme Nelly Olin
a estimé que la première urgence consistait
effectivement à résorber les retards. Elle a souligné les
fortes tensions que suscitait, sur le terrain, la situation actuelle. Elle a
souhaité que les rapporteurs puissent entendre les responsables de la
CAF du Val-d'Oise.
M. Michel Esneu
a fait observer que les difficultés
rencontrées par les caisses d'allocations familiales conduisaient ces
dernières à se désengager de certaines missions, notamment
dans les centres communaux d'action sociale (CCAS), et à
transférer ainsi certaines charges vers les collectivités
locales. Il a considéré que les créations d'emplois
étaient indissociables des efforts de simplification qui devaient
être menés parallèlement.
M. François Autain
a estimé que la complexité
croissante du droit était une évolution profonde de nos
sociétés et que l'outil informatique permettait d'assurer une
gestion satisfaisante de cette complexité. Il a considéré
que la loi relative à la réduction du temps de travail
constituait un atout pour les organismes de sécurité sociale et
permettrait vraisemblablement, par une réorganisation du travail, de
résoudre les difficultés aujourd'hui rencontrées.
Après avoir souligné la compétence et le professionnalisme
des personnels des caisses,
M. Alain Gournac
a considéré
que la simplification était une priorité. Il a estimé que
les personnels des caisses n'avaient pas été suffisamment
formés au nouvel outil informatique Cristal, dont les effets positifs
sur la productivité ne se feraient sentir que dans trois ou quatre ans.
S'étonnant du nombre élevé de dossiers ou de pièces
égarés par les caisses, il a regretté que l'accueil
téléphonique soit souvent déficient et que les caisses
semblent se désinvestir de plus en plus de l'action menée sur le
terrain.
M. Charles Descours, rapporteur,
a rappelé qu'il fallait dix mois
pour former les personnels avant que ceux-ci ne soient opérationnels et
que les créations de postes accordées par le Gouvernement
n'auraient pas un effet immédiat sur la résorption des retards.
M. Alain Vasselle, rapporteur,
a relevé que certaines caisses,
telle celle de Chartres, avaient anticipé sur les difficultés
nées du passage au système Cristal. Il a jugé qu'il
convenait, dans l'immédiat, de renforcer provisoirement les effectifs
dans les caisses où cela était véritablement
nécessaire.
M. Martial Taugourdeau
a relevé que la caisse de Chartres,
malgré son caractère apparemment exemplaire, rencontrait
certaines difficultés. Il a également constaté les
nombreux problèmes que suscitait la gestion des fonds de
solidarité pour le logement (FSL).
M. Philippe Nogrix
a constaté que les caisses s'étaient
organisées pour faire face à Cristal, en abandonnant leurs
missions sur le terrain. Il a considéré que la réduction
du temps de travail n'allait certainement pas améliorer la situation.
III. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT ET DE M. JEAN-LOUIS BUHL, DIRECTEUR DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)
Réunie le mercredi 15 mars 2000 sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président
, la commission a
procédé à
l'audition de M. Bernard Caron,
président de l'Agence centrale des organismes de sécurité
sociale
(ACOSS), et de
M. Jean-Louis Buhl, directeur.
M. Jean Delaneau, président,
a indiqué que cette audition
s'inscrivait dans le cadre de la mission de contrôle sur la gestion des
exonérations de cotisations de sécurité sociale, conduite
par MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain Vasselle, rapporteurs des
lois de financement de la sécurité sociale.
Il a rappelé que les rapporteurs avaient procédé à
un certain nombre d'auditions préparatoires, s'étaient
déplacés à l'ACOSS pour y rencontrer ses responsables, et
avaient consacré une journée à un contrôle sur place
à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité
sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Arras, où ils avaient pu
s'entretenir également avec des responsables d'entreprise.
M. Bernard Caron
s'est, en préambule, félicité du
principe de compensation posé par la loi du 25 juillet 1994, imposant
à l'Etat de rembourser intégralement à la
sécurité sociale le manque à gagner résultant des
exonérations de cotisations. Il a estimé que cette loi avait
permis de disposer d'une grille de lecture financière des mesures
d'exonération. Il a toutefois regretté que ne soient pas
compensées les mesures, prises depuis 1994, d'extension du champ
d'application ou de majoration du taux d'exonération de dispositifs
existants avant 1994.
Puis
M. Bernard Caron
a rappelé que les organisations patronales
estimaient, depuis fort longtemps, que les charges sur les salaires
étaient trop élevées. Il a précisé que la
convergence des économies européennes imposait de prêter
attention, dans ce domaine, à la compétitivité des
entreprises françaises.
M. Bernard Caron
a estimé que l'ACOSS appliquait une
législation complexe avec professionnalisme. Il a regretté que
les concepteurs des mesures d'exonération fassent preuve d'une
inventivité sans cesse croissante. Il a souligné que le
dispositif d'exonération de cotisations sociales résultait d'une
superposition de strates successives et était au total difficile
à comprendre, difficile à appliquer et difficile à
sécuriser juridiquement. Il a estimé, à cet égard,
que les dispositifs liés à la réduction du temps de
travail étaient particulièrement complexes, rappelant que la
circulaire du 3 mars 2000 sur la réduction du temps de travail ne
comportait pas moins de 15 pages. Il a constaté, en outre, que
l'efficacité d'un certain nombre de mesures se diluait au fil des ans,
et qu'il était à tout le moins très difficile de mesurer
leur impact. Il a indiqué que l'informatique des URSSAF était
fortement mise à contribution pour gérer les différents
dispositifs d'exonération, et il a considéré que la
complexité juridique faisait peser, au total, une lourde charge, et un
risque non négligeable sur les entreprises.
M. Bernard Caron
a estimé qu'au-delà d'un discours
incantatoire sur la simplification, il apparaissait désormais
nécessaire de regrouper certaines mesures d'exonération et
d'assurer la sécurité juridique des assujettis. Il a
estimé que le développement d'un contentieux social
considérable était significatif des défauts du
système actuel, malgré les efforts de l'ACOSS, qui avait
diffusé une " Charte du cotisant ".
M. Jean-Louis Buhl
a souhaité rappeler la logique, le contenu et
les conditions d'application des différents dispositifs
d'exonération de cotisations.
Il a souligné que ces dispositifs, qui s'étaient
multipliés et diversifiés au cours des dix ou quinze
dernières années et avaient fait l'objet de nombreux ajustements
et compléments, reposaient sur l'analyse selon laquelle les
allégements de charges constituaient un levier pour inciter à
l'embauche et assurer une meilleure compétitivité des entreprises.
Il a précisé ainsi que les trente-six mesures, qui étaient
aujourd'hui en vigueur, relevaient de logiques multiples, visant
différentes catégories de salariés (exonération
pour favoriser l'embauche de certaines catégories de travailleurs),
d'entreprises (exonération premier salarié), d'activités
(exonérations spécifiques au textile et au secteur des
hôtels-cafés-restaurants), de zones géographiques (zones de
redynamisation urbaine, zones de revitalisation rurale), de niveaux de salaires
(exonération bas salaires) ou encore de durées du travail (temps
partiel, 35 heures). Il a constaté que ces mesures relevaient
principalement de la politique de l'emploi, mais pouvaient poursuivre
également un objectif d'aménagement du territoire.
M. Jean-Louis Buhl
a précisé qu'environ 150 textes
différents, modifiés de manière fréquente,
régissaient les différents dispositifs, dont les règles de
cumul étaient elles-mêmes particulièrement complexes. Il a
estimé qu'en dépit des efforts d'informations
réalisés, les risques d'insécurité juridique
conduisaient certains employeurs à renoncer au bénéfice
d'une mesure.
M. Jean-Louis Buhl
a souligné la lourdeur des systèmes de
contrôle nécessaire à une application exacte des
dispositifs : contrôle sur pièce des déclarations,
contrôle interne des processus, contrôle sur place par les
inspecteurs des URSSAF. Il a ajouté que les exonérations de
charges sociales constituaient désormais un des chefs de redressement
les plus importants (28
% en 1999, représentant 20 % en
valeur) et, de surcroît, en croissance rapide. Il a observé, au
demeurant, que les contrôles aboutissaient également à des
régularisations au bénéfice du cotisant.
M. Jean-Louis Buhl
a constaté que le suivi et le contrôle
des mesures d'exonération liées à la réduction du
temps de travail faisaient l'objet d'un " partage incertain " entre
les URSSAF et les services déconcentrés de l'Etat, et a
précisé que les URSSAF n'avaient pas compétence pour
l'application du droit du travail, s'agissant notamment du calcul de sa
durée. Il a indiqué que, dans ces conditions, les contrôles
des URSSAF nécessiteraient un avis préalable ou un rapport des
directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle (DDTEFP) pour confirmer le bien-fondé des
exonérations. Il a considéré qu'un partenariat plus
approfondi entre les administrations déconcentrées de l'Etat et
la branche du recouvrement devenait ainsi nécessaire.
Estimant à 95 milliards de francs le montant des exonérations de
cotisations, dont 15 milliards de francs représentant les
exonérations non compensées, il a relevé qu'il s'agissait
ainsi d'un mode de diversification des ressources de la sécurité
sociale. Il a rappelé que 85 % des recettes du régime
général (cotisations et contribution sociale
généralisée) restaient assises sur des
rémunérations.
M. Jean-Louis Buhl
a indiqué que la gestion des
exonérations demandait un suivi rigoureux, dès lors que les
URSSAF étaient, en quelque sorte, ordonnateurs des dépenses de
l'Etat par le biais de la compensation, et qu'il leur revenait d'adresser,
à l'Etat, une facturation précise. Il a ajouté que la
neutralité des relations de trésorerie entre l'Etat et la
sécurité sociale était, dans ce domaine, quasiment
atteinte.
M. Jean-Louis Buhl
a rappelé que les dispositions du paragraphe
241 de la convention d'objectifs et de gestion Etat-ACOSS pour la
période 1998-2001 comportaient des engagements en faveur " de
textes clairs et adaptés aux réalités vécues par
les employeurs " et d'une " rationalisation des règles
d'assiette au sein du régime général et en liaison avec
les autres régimes de protection sociale, à une simplification
des mesures d'assiette ou de taux dérogatoires en faveur de
l'Etat ". Il a constaté que ces engagements n'avaient guère
été suivis d'effet.
M. Jean-Louis Buhl
a expliqué qu'une véritable
simplification des dispositifs d'exonération, notamment par leur
regroupement, lui paraissait une démarche probablement trop ambitieuse
au regard des difficultés à revenir sur des situations acquises.
Il a considéré, en revanche, qu'une démarche " plus
modeste " devait être entreprise autour de cinq points :
- une nécessaire stabilisation des règles (cibles et
critères) qui, actuellement, sont parfois modifiées tous les
ans ;
- la limitation des objectifs poursuivis à l'emploi, d'autres
techniques que les exonérations de cotisations pouvant être
utilement mises en oeuvre pour d'autres objectifs, comme l'aménagement
du territoire ;
- le choix de modalités d'exonération moins nombreuses,
privilégiant, par rapport à l'abattement forfaitaire, la
modulation des taux ;
- une clarification des règles de cumul actuellement très
difficile à maîtriser ;
- des délais raisonnables quant à la date d'application des
mesures nouvelles permettant de préparer leur mise en oeuvre, afin
d'éviter de devoir procéder à des applications
rétroactives.
M. Jean Delaneau
a demandé si l'augmentation de la charge de
gestion et de contrôle avait nécessité des recrutements
supplémentaires.
M. Jean-Louis Buhl
a indiqué que la convention d'objectifs et de
gestion entre l'Etat et l'ACOSS était placée sous le signe d'une
stabilité des effectifs de la branche du recouvrement. Il a toutefois
précisé que le réseau de recouvrement avait dû
être renforcé par environ 200 personnes depuis deux ans.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré que les
petites et moyennes entreprises (PME) étaient particulièrement
touchées par la complexité. Il a demandé si le Mouvement
des entreprises de France (MEDEF) allait faire des propositions de
simplification, dans le cadre du projet de " refondation sociale ".
Il s'est interrogé sur le suivi de la création d'emplois par les
URSSAF, et sur les relations entre les URSSAF et les DDTEFP, dans le cadre de
la loi sur la réduction négociée du temps de travail. Il a
demandé si toutes les directions du ministère de l'emploi
partageaient le désir de simplification exprimé par l'ACOSS.
Observant qu'il avait constaté lors du contrôle de l'URSSAF
d'Arras que cinq dispositifs représentaient à eux seuls
près de 90 % des exonérations accordées,
M. Alain
Vasselle, rapporteur,
a demandé si les coûts de gestion des
différents dispositifs par les URSSAF avaient été
évalués.
M. Bernard Caron
a confirmé que le problème n'était
pas identique dans les PME et dans les grandes entreprises. Il a toutefois
estimé qu'il n'était pas sain que les grandes entreprises doivent
se résoudre, pour faire face à la complexité
administrative, à employer des personnes à des tâches
parfaitement improductives. Il a indiqué que le MEDEF avait
suscité la création d'un groupement d'intérêt public
(GIP) " Modernisation des déclarations sociales " ayant pour
but de " masquer la complexité administrative ", par un
portail Internet (Net entreprises) permettant aux entreprises de payer leurs
cotisations et d'accomplir leurs différentes formalités
(déclaration unique d'embauche (DUE), déclaration unifiée
de cotisations sociales (DUCS), déclarations annuelles de données
sociales (DADS)). Il a ajouté que ce GIP réunissait trente-cinq
organismes de protection sociale, en accord avec le ministère de
l'emploi et de la solidarité et le secrétariat d'Etat aux PME. Il
a rappelé que le MEDEF s'était opposé aux trente-cinq
heures, qui ajoutent à la complexité. Il a estimé que les
exonérations en vigueur dans les zones franches, relevant de la
politique d'aménagement du territoire, étaient
particulièrement complexes. Il a regretté l'empilement des
dispositifs, sans aucune cohérence d'ensemble selon lui.
M. Jean-Louis Buhl
a indiqué que les URSSAF n'étaient pas
en mesure de comptabiliser les emplois créés par les
différentes mesures. Il a indiqué qu'elles avaient connaissance
des effectifs de bénéficiaires des allégements et des
effectifs globaux des entreprises, mais qu'il était impossible d'isoler
les emplois créés. Il a précisé qu'une convention
avait été signée entre l'ACOSS et la direction de
l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et
que cette direction était chargée du suivi statistique des
mesures emploi.
S'agissant des relations URSSAF-DDTEFP dans le cadre des allégements de
charges liées à la réduction du temps de travail, il a
indiqué qu'un comité de liaison national commun à l'ACOSS,
la direction de la sécurité sociale et à la
délégation générale à l'emploi et à
la formation professionnelle, s'efforçait d'apporter des réponses
juridiques aux questions posées par l'application, sur le terrain, des
dispositions législatives et réglementaires. Il a indiqué
que de nombreuses réunions avaient lieu au niveau départemental.
Il a estimé que la coopération n'était certes pas
identique dans tous les départements, mais qu'il était clair que
l'objectif était d'éviter les divergences d'interprétation
entre les services publics.
Répondant à M. Alain Vasselle, il a indiqué qu'il
était impossible d'isoler le coût de gestion propre à
chaque dispositif d'exonérations de cotisations, ni même à
l'ensemble des dispositifs. Il a estimé intuitivement cette
dernière charge à un tiers du coût de traitement d'une
déclaration. Il a précisé que la gestion d'un cotisant
représentait 1.000 francs par an et que le coût de gestion des
URSSAF s'élevait à 0,5 % des masses financières
recouvrées.
Il a considéré que toutes les directions du ministère de
l'emploi et de la solidarité étaient sensibles à la
nécessité de la simplification, mais que la
délégation générale à l'emploi devait
conjuguer cet impératif avec la priorité qui était la
sienne, qui est de favoriser l'emploi.
M. Louis Souvet
a estimé que la branche du recouvrement
était la mieux à même d'effectuer un bilan des
différentes mesures emploi, et de proposer des regroupements, autour de
" familles " de mesures, ou des rationalisations. Il s'est
interrogé sur la possibilité de réaliser des applications
informatiques permettant de guider le cotisant pas à pas.
M. Alain Gournac
a souhaité une évaluation complète
de l'efficacité des différentes mesures. Il a relevé que
les PME étaient confrontées à de grandes
difficultés pour calculer leurs cotisations. Il a évoqué
l'expérience du chèque emploi-service, qui pourrait être
étendue aux très petites entreprises.
M. Jean Chérioux
a estimé qu'il était
nécessaire de disposer d'une répartition, par branches, des
différentes recettes de la sécurité sociale.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a considéré que la
construction de l'Europe sociale pourrait permettre des simplifications.
M. Martial Taugourdeau
a rappelé que les erreurs des cotisants,
de bonne foi, pouvaient se solder par des majorations de cotisations
très préjudiciables.
M. Marcel Lesbros
a estimé que la complexité des mesures
d'exonération mettait également en cause la responsabilité
du législateur.
Répondant aux différents intervenants,
M. Bernard Caron
a
évoqué le nombre de pages paraissant annuellement au Journal
officiel " Lois et décrets ". Il a estimé que l'adage
" nul n'est censé ignorer la loi " était vain. Il a
ajouté qu'il était désormais nécessaire de
procéder à un " dépoussiérage ", en
supprimant toutes les mesures peu utilisées ou en voie d'extinction. Il
a douté de la pertinence des études d'impact accompagnant les
projets de loi qui doivent pourtant, en principe, évaluer les mesures
proposées en termes de formalité et de coût de gestion.
M. Jean-Louis Buhl
a confirmé que l'objectif de
sécurité et de stabilité juridique était essentiel.
Il a considéré que de gros efforts informatiques, à
travers le projet " Net entreprises ", étaient engagés.
Il a toutefois signalé que le principe du système
déclaratif imposait des contrôles a posteriori. Il a
précisé que les URSSAF menaient, de plus en plus, des actions de
prévention.
S'agissant des chèques emploi-service, il a relevé que cette
simplification majeure était liée à une profession
particulière, mettant en jeu une seule caisse de retraite
complémentaire. Il a indiqué que le projet de loi d'orientation
sur les départements d'outre-mer (DOM) comportait une mesure de
" titre emploi-service " et que cette expérience serait
intéressante à suivre.
IV. AUDITION DE MME CATHERINE BARBAROUX, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE À L'EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Puis
la commission a procédé à
l'audition de
Mme
Catherine Barbaroux, déléguée générale
à l'emploi et à la formation professionnelle
.
Mme Catherine Barbaroux, déléguée
générale à l'emploi et à la formation
professionnelle,
a considéré que la conduite d'une politique
privilégiant les exonérations de cotisations sociales posait
trois types de questions respectivement relatives à la pertinence de cet
outil par rapport aux objectifs recherchés, à son
efficacité comparée à celle des autres outils de la
politique de l'emploi, et aux moyens de son suivi et de son amélioration.
Elle a estimé que le Gouvernement avait choisi de conférer la
priorité au recours à une gamme d'outils la plus large possible
en matière de politique de l'emploi. Elle a déclaré que la
politique menée en matière d'exonérations de charges
sociales poursuivait plusieurs finalités : modifier l'ordre de la
file d'attente au bénéfice des demandeurs d'emploi les plus
fragiles (jeunes, chômeurs de longue durée), favoriser le
développement dans certaines zones géographiques ou certains
quartiers dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire, et
abaisser le coût du travail au travers des exonérations
généralisées.
Mme Catherine Barbaroux
a observé que ces différentes
mesures d'exonérations de charges étaient largement
utilisées par les petites et moyennes entreprises (PME) et en a conclu
qu'elles devaient par conséquent répondre à une attente.
Elle a reconnu que ces exonérations de charges sociales pouvaient
paraître complexes. Elle a rappelé toutefois que le Gouvernement
avait commencé à simplifier ces dispositifs en supprimant
l'abattement de charges sociales dont pouvaient bénéficier les
emplois à temps partiel.
Mme Catherine Barbaroux
a indiqué que le suivi des
résultats obtenus par ces différentes mesures
d'exonérations s'effectuait au moyen de trois catégories
d'instruments : des tableaux de bord budgétaires, des études
approfondies élaborées par la Direction de l'animation, de la
recherche, des études et des statistiques (DARES), ainsi que par des
sondages effectués sur des échantillons d'entreprises.
Evoquant les modalités de gestion de ces exonérations de charges
sociales,
Mme Catherine Barbaroux
a rappelé que certaines
d'entre elles étaient mises en oeuvre par l'Union nationale pour
l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et d'autres par le Centre
national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles
(CNASEA). Elle a précisé que des réunions techniques
associant ces organismes et les services du ministère de l'emploi et de
la solidarité permettaient d'assurer le suivi des dépenses. Elle
a observé, toutefois, qu'il n'y avait pas d'échanges concernant
le coût de la gestion des exonérations de charges sociales entre
les services du ministère et l'URSSAF.
Mme Catherine Barbaroux
a considéré que les entreprises
préféraient les mesures d'exonérations de charges sociales
à d'autres dispositifs d'aides encore plus complexes, comme les primes
et les conventionnements. Elle a précisé que le ministère
de l'emploi et de la solidarité continuait à mener des actions
d'information à destination des entreprises pour leur expliquer les
règles d'attribution de ces différentes aides, ainsi que leur
régime respectif. Elle a souligné que les entreprises
souhaitaient avant tout une stabilité dans le régime des aides,
ce qui expliquait la lente montée en charge des nouvelles mesures mises
en place.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souhaité que la
délégation générale à l'emploi et à
la formation professionnelle puisse communiquer, chaque année, à
la commission, le nombre d'emplois créés par chacune des mesures
d'exonérations de charges sociales existantes. Il a remarqué que
5 exonérations sur 36 représentaient à elles seules
97 % des crédits consacrés aux allégements de charges
sociales ; il s'est interrogé en conséquence sur les
possibilités de simplifier l'ensemble du dispositif. Il a observé
que la plupart des PME étaient dépourvues de service juridique et
se trouvaient dans l'incapacité d'appréhender la
complexité des différentes mesures d'exonérations de
charges sociales mises en place. Il a souhaité connaître
l'état de la coopération entre les directions
départementales du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle et les URSSAF.
M. Alain Vasselle, rapporteur,
a souhaité connaître quelle
pouvait être la mesure de l'effet de levier de la politique
d'allégement des charges sociales sur l'emploi et les recettes fiscales.
Mme Catherine Barbaroux
a estimé que les résultats en
termes d'emplois créés par chacune des mesures étaient
plus ou moins disponibles selon la nature du dispositif. Elle a remarqué
que les chiffres précis pouvaient être obtenus en matière
d'alternance et d'emplois aidés, mais que cela était plus
difficile lorsque le dispositif, comme dans le cas de la réduction du
temps de travail ou de l'aménagement du territoire, avait une forte
dimension macro-économique, sans effet direct sur l'emploi, qui puisse
être distinguée clairement des effets d'aubaine ou de ceux de la
conjoncture. Elle a néanmoins estimé que la DARES, qui
travaillait dans une parfaite transparence et avec un souci reconnu
d'objectivité, était en mesure d'obtenir des résultats
intéressants.
Evoquant les formalités administratives, elle a souligné qu'il
n'y avait pas de réponse simple à des situations complexes, et a
précisé que la circulaire d'application des 35 heures, qui
comportait plus d'une centaine de pages, s'adressait non pas aux entreprises,
mais aux services. Elle a observé, à cet égard, que
l'URSSAF avait réalisé, à l'intention de ces
dernières, un dépliant de 4 pages remarquablement
pédagogique. Elle a rappelé, en outre, que, dans le cadre de la
mise en oeuvre de la loi relative à la réduction
négociée du temps de travail, les employeurs avaient pu faire
leur déclaration sur papier libre, afin de pouvoir
bénéficier des allégements de charges dans les meilleurs
délais.
Mme Catherine Barbaroux
a considéré par ailleurs que la
collaboration entre les directions départementales du travail, de
l'emploi et de la formation professionnelle et les URSSAF était
satisfaisante. Elle a rappelé qu'un comité national de pilotage
avait été mis en place, ainsi qu'un comité technique
chargé d'établir des réponses pratiques aux
différents problèmes rencontrés par les entreprises.
Mme Catherine Barbaroux
a insisté sur le nouveau rôle des
agents du ministère de l'emploi dans le cadre de la mise en oeuvre de la
seconde loi sur les 35 heures qui se trouvaient désormais dans une
" posture " d'accompagnement et non d'agrément ou de
contrainte.
Elle a rappelé, en effet, qu'à la différence du
régime résultant de la loi du 13 juin 1998, les agents du
ministère de l'emploi n'avaient plus à agréer ou à
apprécier le contenu des accords signés : la décision
du Conseil constitutionnel sur la loi du 19 janvier 2000 avait
confirmé ce point sans ambiguïté. Il appartenait à
l'administration de surveiller simplement que les partenaires sociaux avaient
appliqué correctement les quelques contraintes de la loi en
matière de validité des accords.
Répondant à M. Charles Descours, rapporteur, qui souhaitait
obtenir davantage de précisions sur la nature des contrôles
exercés dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000,
Mme Catherine Barbaroux
a indiqué qu'ils s'exerçaient
à plusieurs niveaux.
Elle a confirmé, tout d'abord, que, dès lors que le dispositif
était déclaratif, aucun contrôle n'était
opéré à son entrée, sauf un contrôle de
" bon sens " quant à la forme de l'accord notamment, qui
conduisait d'ailleurs à une mise en garde et non à un blocage.
Elle a indiqué que, par la suite, chaque administration disposait de ses
pouvoirs propres, l'URSSAF pouvant constater de fausses déclarations ou
omissions, la direction départementale du travail, saisie par
l'inspection du travail, s'assurant du respect des aspects fondamentaux de
l'accord : respect de la durée collective du travail, respect des
engagements pris en matière de création d'emplois -sachant qu'un
accord pouvait, le cas échéant, ne comporter aucun engagement de
création d'emplois-, qualité des personnes mandatées pour
négocier l'accord.
Mais elle a considéré que le contrôle le plus efficace
restait bien celui qui engageait les partenaires sociaux signataires de
l'accord.
Elle a précisé, enfin, qu'il appartenait à la direction
départementale du travail de transmettre son rapport à l'URSSAF,
seul décideur, et naturellement au chef d'entreprise.
Répondant à M. Alain Vasselle,
Mme Catherine Barbaroux
a
déclaré qu'il subsistait des incertitudes concernant la mesure de
l'effet de levier en matière fiscale. Elle a observé que la
baisse du chômage, à laquelle on pouvait assister, constituait
néanmoins un puissant facteur d'augmentation des recettes fiscales.
En réponse à M. Charles Descours,
Mme Catherine Barbaroux
a, par ailleurs, déclaré que le nombre d'accords signés
suivait une pente ascendante depuis l'entrée en vigueur de la loi. Elle
a estimé que 3 millions de salariés étaient
aujourd'hui couverts par un accord, et que ce nombre devrait s'élever
à 4 millions d'ici la fin de l'année 2000.
Elle a rappelé que 4,3 milliards de francs étaient inscrits sur
les crédits du ministère au titre de la participation de l'Etat
au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale, et a estimé que le manque à
gagner, entraîné par la censure, par le Conseil constitutionnel,
de la taxation des heures supplémentaires, -soit 7 milliards de
francs sur un total de 63 milliards de francs- devait s'apprécier
au regard de l'évolution a priori positive des autres lignes de recettes
du fonds.
V. COMMUNICATION DES RAPPORTEURS
(GESTION DES EXONÉRATIONS DE
COTISATIONS SOCIALES)
Réunie le
mardi 21 mars 2000
sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président,
la commission a
entendu une
communication des rapporteurs des lois de financement de la
sécurité sociale
(mission de contrôle sur la gestion
des exonérations de cotisations sociales).
M. Charles Descours, rapporteur,
a rappelé que MM. Jacques
Machet, Alain Vasselle et lui-même avaient engagé, au début
de l'année, plusieurs missions de contrôle, " sur
pièces et sur place ", dans les organismes de protection sociale,
en se fondant sur les prérogatives particulières et permanentes
accordées, par la loi, aux rapporteurs des lois de financement de la
sécurité sociale.
M. Charles Descours
a précisé que les rapporteurs avaient
été amenés à privilégier, cette
année, trois thèmes de contrôle : les difficultés de
fonctionnement dans les caisses d'allocations familiales (CAF), la gestion des
exonérations de cotisations sociales et, enfin, l'application de la
couverture maladie universelle (CMU).
Il a indiqué qu'il n'évoquerait, ce jour, que la mission
consacrée à la gestion des exonérations de cotisations
sociales, M. Jacques Machet ayant déjà présenté, le
1
er
mars, l'état d'avancement du contrôle sur les
difficultés de fonctionnement dans les CAF. Après avoir
précisé que la mission sur la gestion des exonérations
n'était pas encore achevée, il a expliqué que les
rapporteurs avaient cependant jugé utile de tenir informée la
commission de l'état d'avancement de leurs travaux, en lui
présentant un compte rendu de leurs déplacements sur
pièces et sur place.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué que, dans le souci de
préserver la nécessaire vision d'ensemble qui devait
prévaloir dans cette procédure de contrôle de l'application
des lois de financement de la sécurité sociale, les conclusions
définitives des travaux des rapporteurs sur la gestion des
exonérations de cotisations sociales pourraient être
présentées à la commission le 24 mai prochain,
parallèlement à la présentation des conclusions sur les
missions consacrées aux difficultés de fonctionnement des caisses
d'allocations familiales et à l'application de la CMU.
M. Charles Descours
a indiqué qu'une mission sur les
exonérations de cotisations était apparue nécessaire,
à la suite de l'adoption de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 et de la loi du 19 janvier 2000
relative à la réduction négociée du temps de
travail. Il a rappelé que ces deux textes avaient d'abord mis en place
un nouveau dispositif d'allégement de charges, conditionné
à l'existence d'un accord de réduction du temps de travail au
sein de l'entreprise, puis un nouveau mécanisme de financement de la
compensation des exonérations de cotisations sociales.
M. Charles Descours, rapporteur,
a précisé que,
contrairement à la mission sur les CAF, les rapporteurs n'avaient pas
été alertés par des articles de presse. Il a
indiqué que l'objectif était de procéder à un
recensement des différentes exonérations de cotisations de
sécurité sociale, d'appréhender les conditions exactes de
leur gestion, tant par les organismes du recouvrement que par les entreprises,
et d'analyser les conséquences du nouveau dispositif d'allégement
de charges. Se bornant à constater que les études des
économistes convergent pour reconnaître que le coût du
travail en France, principalement non qualifié, est
considéré comme un frein au développement de l'emploi, il
a rappelé qu'il ne s'agissait pas de se prononcer sur la pertinence de
tel ou tel dispositif.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué qu'il s'était
rendu, le 15 février dernier, au siège de l'Agence centrale
des organismes de sécurité sociale (ACOSS), où il avait pu
rencontrer M. Jean-Louis Buhl, entouré de son équipe de
direction. Ce déplacement à l'ACOSS avait été
précédé par l'envoi d'un questionnaire : les
réponses écrites transmises avaient permis de compléter
l'information des rapporteurs.
M. Charles Descours
a ajouté qu'il avait auditionné des
représentants de la direction de la sécurité sociale,
tutelle de l'ACOSS et des Unions de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), de la
direction du budget, qui rembourse à la sécurité sociale
les exonérations de cotisations compensées, de la
délégation générale à l'emploi et à
la formation professionnelle, qui est à l'origine d'une grande partie
des mécanismes d'exonération, et de la direction de l'animation,
de la recherche et des études statistiques (DARES), qui élabore
des études et des recherches statistiques sur le marché du
travail, à partir de données notamment fournies par les URSSAF.
Il a précisé que les rapporteurs s'étaient rendus, le 8
mars dernier, à l'URSSAF d'Arras. Recouvrant 13 milliards de francs,
cette URSSAF est de taille moyenne. Elle est toutefois en pointe dans deux
domaines : l'informatisation de ses activités et le développement
du partenariat avec le monde de l'entreprise. La direction de cette URSSAF
considère, en effet, que l'accompagnement des entreprises est une
tâche très importante, et que le développement des actions
de prévention permet à la fois d'assurer un meilleur recouvrement
et d'éviter des redressements pouvant avoir des conséquences
dramatiques sur les entreprises.
M. Charles Descours, rapporteur,
a
ajouté que les rapporteurs avaient pu également, à
l'occasion de ce déplacement, rencontrer des chefs d'entreprise, des
experts comptables et des responsables de la chambre de commerce et d'industrie
d'Arras, afin de recueillir le point de vue des " usagers ".
M. Charles Descours
a constaté que la délégation
avait été partout bien reçue.
Il a précisé que les auditions le 15 mars dernier devant la
commission de M. Bernard Caron, président de l'ACOSS, et M.
Jean-Louis Buhl, directeur, ainsi que de Mme Catherine Barbaroux,
déléguée générale à l'emploi et
à la formation professionnelle, avaient conclu la première
étape de cette mission.
M. Charles Descours
a examiné tout d'abord les raisons du
succès des exonérations de cotisations sociales depuis le
début des années quatre-vingt-dix. Il en a relevé trois
principales.
Première raison, une exonération de cotisations de
sécurité sociale est en elle-même " simple "
à mettre en oeuvre, par rapport à d'autres mécanismes
visant à alléger les charges fiscales et sociales sur les
entreprises (primes, aides, exonération fiscale). Elle repose le plus
souvent sur un mécanisme déclaratif : l'entreprise s'applique le
mécanisme. Ainsi cette dernière évite-t-elle les
délais d'attente pour être remboursée et n'a-t-elle pas
à constituer de dossier auprès des différentes
administrations.
Certains mécanismes d'exonération nécessitent cependant un
agrément de la direction départementale du travail, de l'emploi
et de la formation professionnelle. Les exonérations de la loi du
13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la
réduction du temps de travail, dite " loi Aubry I ", sont
soumises, par exemple, à la signature d'une convention signée
entre l'Etat et l'entreprise. En revanche, l'allégement de charges
accordé dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000
précitée, dite " loi Aubry II ", est accepté
après le dépôt de l'accord sur la réduction du temps
de travail auprès de la direction départementale, et l'envoi
à l'URSSAF d'un formulaire spécifique.
Deuxième raison, une exonération de cotisations de
sécurité sociale est un mécanisme universel : toute
entreprise employant des salariés s'acquitte de cotisations de
sécurité sociale, alors qu'il existe nombre d'entreprises payant
peu ou pas du tout d'impôts.
Troisième raison, l'exonération de charges sociales a
probablement été considérée comme un
mécanisme échappant au contrôle de la Commission
européenne sur les aides publiques à l'emploi. Cette
argumentation n'est aujourd'hui plus valable : depuis l'annulation par la
Commission du plan " textile ", une exonération de cotisations
de sécurité sociale s'analyse selon les mêmes
critères qu'une aide directe.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué que trente-six
mécanismes d'exonération de cotisations étaient
aujourd'hui dénombrés. Il a souligné que la poursuite
d'objectifs différents expliquait la multiplication du nombre de
dispositifs, que l'on peut regrouper en trois grandes catégories : les
exonérations de charges sociales sur les bas salaires, poursuivant un
objectif d'allégement du coût du travail, les exonérations
de charges sociales ciblées sur des publics particuliers
(handicapés, exclus, jeunes, ...), poursuivant un objectif d'insertion
sociale, et les exonérations de charges sociales
" localisées ", poursuivant un objectif d'aménagement
du territoire (zones franches, zones rurales, zones urbaines, Corse,
départements d'outre-mer, ...).
Il a constaté que très peu de mécanismes
d'exonération avaient été supprimés depuis leur
entrée en vigueur, la tendance étant à la superposition de
strates successives.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ajouté que les techniques
étaient elles-mêmes différentes. Une exonération
peut ainsi s'appliquer à 100 % des cotisations patronales, comprenant ou
non le versement transports et le versement au Fonds national d'aide au
logement (FNAL), comme elle ne peut concerner que des cotisations
spécifiques (exemple de l'exonération sur les seules cotisations
d'allocations familiales). L'exonération peut être limitée
par une réduction du taux ou un abattement forfaitaire. Enfin,
l'exonération peut être permanente ou limitée dans le temps.
M. Charles Descours
a considéré que chaque dispositif
avait sa logique et sa technique propre. Il a estimé que l'on restait
dans le domaine de " l'expérimentation permanente ", ce qui
expliquait les modifications à répétition des textes
d'application. Il a constaté qu'il n'existait pas d'unité de la
conception des mécanismes d'exonération, même si la
Délégation générale du travail, de l'emploi et de
la formation professionnelle jouait un rôle important.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que les
exonérations de cotisations représentaient un enjeu financier
important pour la sécurité sociale : 95 milliards de francs,
dont 80 milliards de francs faisant l'objet d'une compensation par le budget de
l'Etat. Il a expliqué que les exonérations de cotisations
restaient " invisibles " au regard de la loi de financement,
celles-ci étant classées jusqu'en 2000 dans la catégorie
" cotisations effectives " des prévisions de recettes
votées par le Parlement.
Il a ajouté que la plus grande partie des dispositifs
d'exonération recouvrait des enjeux financiers faibles, les cinq
principaux dispositifs d'exonération représentant 80 % des
masses financières. Il a précisé que, pour l'URSSAF
d'Arras, cinq mesures concentraient, à elles seules, 97 % du montant des
exonérations.
M. Charles Descours
a considéré que la gestion des
différents dispositifs d'exonération par la branche du
recouvrement était une tâche lourde et difficile. Il a
regretté que les gestionnaires ne soient que très peu
associés à la conception des mécanismes
d'exonération et que les études d'impact accompagnant les projets
de loi -qui doivent normalement insister sur les modifications juridiques et
organisationnelles entraînées par les dispositions
proposées- restent très lacunaires.
Il a indiqué que la gestion de ces différents mécanismes
par les URSSAF nécessitait de connaître parfaitement le droit en
vigueur (législation, réglementation), particulièrement
évolutif. Il a précisé que l'ACOSS actualisait, tous les
trois mois, un classeur juridique permettant à chaque URSSAF de disposer
d'une réglementation identique et à jour.
M. Charles Descours, rapporteur,
a rappelé que M. Jean-Louis
Buhl, en réponse à une question de M. Alain Vasselle, avait
estimé " intuitivement " à un tiers le temps
consacré aux exonérations dans le traitement des
déclarations. Il a précisé qu'il était en effet
impossible d'isoler précisément cette gestion à la fois
dans le traitement et dans le contrôle.
Il a relevé que les régimes d'exonérations de cotisations
constituaient l'un des principaux chefs de redressements opérés
par les URSSAF et qu'ils représentaient ainsi 28 % des
redressements effectués en 1998. Il a souligné que le
contrôle tournait parfois au bénéfice du cotisant,
l'entreprise n'ayant pas voulu -ou n'ayant pas su- profiter d'une mesure
d'exonération à laquelle elle avait pourtant droit.
M. Charles Descours
a insisté sur la charge pour les URSSAF que
représentent la communication et l'information des entreprises :
réalisation et envoi de dépliants, permanence
téléphonique, etc. Il a expliqué que certaines URSSAF
pouvaient hésiter à effectuer ce travail, au rebours de leur
mission traditionnelle de recouvrement.
M. Charles Descours
a évoqué le rapport conjoint de
l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection
des finances de mai 1998, pointant les insuffisances de la branche du
recouvrement dans le domaine de la gestion des exonérations. Il a
cité l'une des conclusions de ce rapport : " La gestion des
exonérations n'est pas traitée comme une priorité,
malgré ses enjeux financiers et son poids dans la politique de l'emploi.
Ainsi, elle repose sur des systèmes et des contrôles
automatisés souvent lacunaires et parfois contreproductifs. Dans les
URSSAF, elle ne bénéficie pas d'une attention suffisante,
notamment en termes de contrôle, de la part tant des directeurs que des
agents comptables. A l'ACOSS, elle souffre du caractère trop empirique
des contrôles de l'ordonnateur et trop superficiel de ceux du comptable.
Ces faiblesses sont source d'incertitudes sur le montant de la dette de l'Etat
au titre des exonérations ".
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré que ce
constat ne correspondait plus à la réalité. Il a
précisé que la branche du recouvrement avait fait de la gestion
des exonérations l'une de ses priorités, dans le cadre de la
convention d'objectifs et de gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS et
des contrats d'objectifs signés entre l'ACOSS et chaque URSSAF. Il a
indiqué que l'application informatique RACINE, opérationnelle
depuis le 1
er
janvier 1998, permettait désormais de
comptabiliser -au niveau des URSSAF- les manques à gagner liés
aux exonérations, mesure par mesure. Il a ajouté que l'ACOSS
opérait une centralisation mensuelle, ce qui permettait de disposer d'un
état régulier des dispositifs, et que l'Etat procédait
à des versements d'acomptes mensuels pour les mesures supérieures
à 1 milliard de francs.
Il a relevé que la gestion des exonérations n'était pas
seulement une lourde charge pour les organismes chargés du recouvrement
: les entreprises y sont bien sûr confrontées, de même que
les administrations déconcentrées de l'Etat, lorsqu'une
exonération est soumise à un agrément administratif.
Puis,
M. Charles Descours, rapporteur,
a présenté le
nouveau dispositif d'allégement de charges lié aux trente-cinq
heures.
La loi " Aubry I " comportait un dispositif d'allégement de
charges incitatif, forfaitaire, et décroissant par année. Il
s'agissait d'une aide incitative, assortie d'un engagement de créations
d'emplois d'au moins 6 % pour l'aide offensive, ou d'un maintien d'emplois,
dans le cadre d'une aide défensive.
La loi " Aubry II " a prévu un nouveau dispositif
d'allégement de charges, permanent, comportant une aide forfaitaire de
4.000 francs par salarié et une aide variable, de 21.500 francs pour un
salarié à 1 SMIC et s'annulant à 1,8 SMIC. Ce
dispositif d'exonération est accordé aux entreprises
passées, par accord collectif, à trente-cinq heures ou à
1.600 heures annuelles. Contrairement à ce qui a pu être dit lors
des débats parlementaires, les objectifs de créations d'emplois
ne sont pas contrôlés par les URSSAF.
L'URSSAF reçoit une déclaration de l'employeur, qu'elle peut
contrôler formellement " a priori ". Elle se borne à
vérifier que l'accord a été déposé à
la direction départementale. L'URSSAF, qui n'a pas de compétence
en matière de droit du travail, ne vérifie pas si l'entreprise
est réellement passée aux trente-cinq heures.
M. Charles Descours, rapporteur,
a expliqué que les URSSAF,
grâce au formulaire rempli par l'entreprise, avaient les moyens de
comptabiliser les engagements de création ou de maintien d'emplois et
que ces informations étaient transmises aux autorités
déconcentrées de l'Etat, ainsi qu'à la DARES. En revanche,
il a rappelé que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du
13 janvier 2000, avait indiqué que " la détermination des
emplois créés ou préservés du fait de la
réduction de la durée du travail, ainsi que le contenu des
dispositions conventionnelles obligatoires, relèvent ainsi exclusivement
de l'accord conclu entre les partenaires sociaux ; ni l'autorité
administrative, ni l'organisme de recouvrement des cotisations de
sécurité sociale n'exerceront de contrôle sur
l'opportunité ou la portée des dispositifs conventionnels ".
Il a ajouté que l'engagement de créations d'emplois pouvait
être ainsi égal à zéro.
M. Charles Descours, rapporteur,
a évoqué le
contrôle du respect de l'engagement de créations d'emplois. Il a
indiqué que la loi avait confié aux directions
départementales, saisies par l'inspection du travail, le soin de
s'assurer du " respect des engagements pris en matière de
créations d'emplois ". La direction départementale peut, le
cas échéant, décider de rédiger un rapport ou un
avis adressé à l'URSSAF. C'est l'URSSAF qui suspendra
l'allégement de charges sociales. Seule sa décision faisant
grief, l'URSSAF peut être mise en cause juridiquement -il s'agit du
contentieux classique de la sécurité sociale (commission de
recours amiable, tribunal des affaires de sécurité sociale)- au
titre d'une décision pour laquelle, en quelque sorte, elle avait
compétence liée.
M. Charles Descours
a précisé que l'ACOSS avait
donné consigne aux URSSAF de suivre, dans tous les cas, les
recommandations des administrations de l'Etat.
Il a confirmé que les URSSAF n'avaient pas les moyens de comptabiliser
les créations d'emplois effectives. Il s'est demandé sur quels
critères les directions départementales allaient se fonder pour
demander la suspension de l'exonération de cotisations de
sécurité sociale, leur avis pouvant mettre en jeu la survie des
entreprises concernées. Il a considéré qu'il s'agissait
d'une des questions en suspens de l'application des trente-cinq heures.
M. Charles Descours, rapporteur,
a constaté que la connaissance
exacte de la création effective d'emplois apparaissait strictement
impossible et qu'une évaluation serait donnée par le biais de
" sondages " statistiques. Il a expliqué que la DARES comptait
procéder à de telles évaluations, dans les mêmes
conditions que pour la loi de Robien.
M. Charles Descours, rapporteur,
a rappelé que Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, avait souligné que les
emplois créés par les trente-cinq heures pouvaient être
comptés " un par un ", ce qui justifiait la contribution
demandée à l'origine aux organismes de sécurité
sociale. Il a cité le communiqué de presse du cabinet de Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 10 mars 2000,
mettant en parallèle l'indiscutable processus de créations
d'emplois lié à la croissance et les effets de la
réduction du temps de travail : " Sur l'année 1999,
375.000 emplois ont été créés dans le secteur
concurrentiel, et 450.000 au total, grâce au dynamisme de la croissance,
aux créations d'emplois-jeunes et à la vive
accélération des créations d'emplois liées à
la réduction du temps de travail (plus de 170.000 emplois prévus
dans les accords) ". Il a estimé qu'une telle présentation
des faits était fallacieuse.
Enfin,
M. Charles Descours
a présenté les grandes lignes
du fonctionnement du fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales de sécurité sociale (FOREC). Créé par
l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2000, ce fonds a pour mission de rembourser à l'ACOSS les
exonérations de cotisations liées à la ristourne
Juppé et à la nouvelle ristourne Aubry, soit 65 milliards de
francs prévus en 2000 et 105 milliards de francs " à
terme ". Financé par les droits sur les tabacs, les droits sur les
alcools, la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe
générale sur les activités polluantes et une contribution
de l'Etat, ce fonds a vu l'une de ses recettes annulée par le Conseil
constitutionnel : la taxe sur les heures supplémentaires.
M. Charles Descours, rapporteur,
a précisé qu'aucune
mesure nouvelle de financement n'avait pourtant été
annoncée et que les services du ministère n'avaient pas
procédé à une réévaluation des recettes et
des dépenses du FOREC. Il a ajouté que Mme Martine Aubry
s'était bornée à expliquer que les recettes seraient plus
importantes que prévu. Il a estimé, pour sa part, que la
montée en charge du dispositif avait été quelque peu
surestimée, les entreprises attendant pour s'engager et
préférant, pour le moment, payer des heures
supplémentaires.
M. Charles Descours
a rappelé que les recettes de ce fonds
étaient réparties, dans les prévisions de recettes de la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, entre
plusieurs catégories :
- les recettes provenant des impôts et taxes apparaissent dans la
catégorie " impôts et taxes " ;
- la contribution de l'Etat apparaît dans la catégorie
" contributions publiques ".
Par ailleurs, les autres exonérations de cotisations demeurent dans la
catégorie " cotisations effectives ".
En conclusion,
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que la
complexité des mesures d'exonération représentait une
lourde contrainte pour les entreprises et les organismes chargés du
recouvrement et que cette complexité était probablement, dans
certains cas, contreproductive.
M. Charles Descours
a considéré que la simplification
était ainsi nécessaire. Il a concédé qu'une telle
simplification était certes difficile, mais il a considéré
qu'il ne fallait pas se résoudre à l'accepter comme un
phénomène inévitable.
Il a évoqué les orientations modestes présentées
par les responsables de l'ACOSS : unification des techniques
d'exonération, regroupement des mesures, examen préalable par les
gestionnaires. Il a considéré qu'il appartenait au Parlement
d'inciter les administrations de l'Etat à prendre conscience de cette
complexité. Il a rappelé l'engagement pris par l'Etat, le
3 avril 1998, dans la convention d'objectifs et de gestion signée
avec l'ACOSS sous la rubrique " des textes clairs et adaptés aux
réalités vécues par les employeurs " :
" l'élaboration des textes législatifs et
réglementaires relatifs aux cotisations et contributions devra tendre
à une rationalisation des règles d'assiette au sein du
régime général et en liaison avec les autres
régimes de protection sociale, à une simplification des mesures
d'assiette ou de taux dérogatoires en faveur de l'emploi ". Il a
estimé que l'Etat devait respecter ses engagements.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a insisté sur
l'intérêt du déplacement des rapporteurs à l'URSSAF
d'Arras. Il a souligné la convergence des premières conclusions
de cette mission avec celle consacrée aux difficultés de
fonctionnement des CAF : la simplification est nécessaire. Il a
estimé qu'il ne s'agissait pas d'un projet technique, mais d'un projet
politique. Il a indiqué qu'au-delà du constat, il appartenait au
Parlement de corriger la complexité législative.
M. Alain Vasselle, rapporteur,
a estimé que l'un des principaux
enseignements de ces missions de contrôle était qu'il fallait
procéder à davantage de déplacements sur le terrain, afin
d'apprécier les effets de l'application des lois. Il a souligné
le décalage entre les discours tenus par les personnes
auditionnées à Paris et la réalité concrète.
M. André Jourdain
a considéré qu'il était
également important de se rendre sur le terrain avant le vote de la loi.
Il a regretté le peu de temps disponible entre la présentation du
projet de loi en Conseil des ministres et la discussion au Sénat.
M. Jean Delaneau, président,
a considéré que s'il
était loisible d'interroger les acteurs de terrain sur
l'opportunité de telle ou telle mesure, il était difficile de
leur demander d'anticiper les difficultés d'application de textes non
encore définitifs.
M. Alain Gournac
a approuvé les propos tenus par M. Alain
Vasselle. Il a relevé qu'il était important de disposer
d'approches différentes des propos tenus devant la commission à
Paris. Donnant l'exemple de la caisse d'allocations familiales de son
département, il a expliqué qu'il avait pu facilement se rendre
compte que le principal dysfonctionnement des CAF était lié
à un manque de formation des personnels au nouvel outil informatique
Cristal. Il a concédé que le Parlement avait cédé
à la tentation de l'inflation législative, mais que les
administrations, par la rédaction de textes réglementaires et de
circulaires édictant des " règles-parapluie ",
étaient également en cause.
M. Jean Chérioux
a évoqué les propos de M. Bernard
Caron, président de l'ACOSS, visant à obliger le
législateur à annuler une règle de droit avant d'en
édicter une autre. Il a estimé qu'une telle démarche
était tout à fait intéressante.
M. Jean Delaneau, président,
a souligné l'importance d'un
suivi attentif de l'application des lois ; il a estimé, à
cet égard, qu'il serait utile de faire le point à mi-parcours sur
les emplois-jeunes, sur les postes occupés, sur les formations
reçues et sur les perspectives ouvertes aux intéressés au
terme de leur contrat.
M. Philippe Nogrix
a estimé que le problème des
emplois-jeunes dans l'éducation nationale lui paraissait
particulièrement crucial. Il a rappelé que les
collectivités locales avaient également fait appel, à des
degrés divers, aux emplois-jeunes.
Mme Nelly Olin
a déclaré avoir fait appel, dans sa mairie
de Garges-les-Gonesse, aux emplois-jeunes " de manière
mesurée ", en n'en recrutant que 75, contre 500 à Sarcelles.
Elle a indiqué que sa mairie avait été l'une des seules de
France à rédiger une charte pour les emplois-jeunes. Elle a
estimé que le problème de la formation était le plus
important.
VI. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le
mercredi 24 mai 2000
sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président,
la commission a
entendu la
communication des rapporteurs
des
lois de financement de
la sécurité sociale
sur les conclusions de leurs missions de
contrôle.
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que la commission
avait déjà entendu deux rapports d'étape consacrés
respectivement aux difficultés de fonctionnement des caisses
d'allocations familiales (CAF), et à la gestion des exonérations
de cotisations sociales. Il a indiqué que les rapporteurs
présenteraient, au cours de la présente réunion, les
résultats de la mission sur la mise en place de la couverture maladie
universelle (CMU) avant de compléter, en tant que de besoin, leurs
conclusions sur les deux missions précédentes et de formuler
leurs observations sur l'exécution de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000.
M. Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour les équilibres financiers
généraux et l'assurance maladie,
a tout d'abord
évoqué la mission de contrôle consacrée à la
mise en place de la couverture maladie universelle (CMU). Il a indiqué
que la
montée en charge de la CMU
était régulière, mais lente, dans les organismes de base,
et qu'une grande déception se faisait jour dans les organismes
mutualistes et chez les assureurs.
Il a rappelé que le débat sur le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle s'était
organisé autour d'une équation improbable, dont aucun des termes
n'était véritablement démontré :
6 millions de personnes x 1.500 francs = 9 milliards de francs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que, s'il
était encore trop tôt pour évoquer sérieusement un
bilan financier de la CMU, les chiffres fournis par les caisses comme par les
organismes de protection complémentaire semblaient bien en
deçà des estimations gouvernementales s'agissant du nombre de
bénéficiaires de la CMU. L'entrée en vigueur de la loi
instituant une couverture maladie universelle s'était d'abord traduite,
au 1
er
janvier 2000, par le basculement dans le régime
CMU des 3,1 millions de personnes bénéficiaires de l'aide
médicale des départements. Ce basculement s'était
déroulé dans de bonnes conditions de coopération entre les
départements et les caisses.
S'agissant des nouvelles demandes de CMU complémentaire,
M. Charles Descours, rapporteur,
a relevé que les chiffres
fournis par les caisses et les organismes de protection complémentaire
montraient que la montée en charge était très lente, et
qu'elle n'avait concerné, presque exclusivement, que les organismes de
base.
Il a fait observer qu'à la fin du mois d'avril, on était ainsi
très loin des 3 millions de personnes qui devaient
bénéficier du nouveau dispositif : au 21 avril 2000, les
caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) avaient accordé le
bénéfice de cette couverture à 308.761 demandeurs et
75.508 dossiers étant en instance. Ces chiffres, que ne venaient pas
modifier sensiblement ceux qui provenaient de l'assurance maladie des
indépendants et du régime agricole, montraient -si l'on
considère qu'un dossier concerne en moyenne 2 personnes- que l'on
comptait aujourd'hui environ 600.000 bénéficiaires de la CMU.
M. Charles Descours, rapporteur,
a jugé qu'il n'y avait donc pas
eu, dans les premiers mois de l'entrée en vigueur de la CMU, de
" ruée " vers ce nouveau dispositif, malgré l'ampleur
des campagnes d'informations organisées par les pouvoirs publics comme
par les organismes de protection sociale, de base ou complémentaire.
Il a souligné que, si le nombre de nouveaux bénéficiaires
de la CMU enregistrés dans les organismes de base pouvait être
considéré comme faible, celui des bénéficiaires
ayant fait le choix de la gestion par un organisme complémentaire
l'était encore plus... Ainsi, la Fédération
française des sociétés d'assurance indiquait qu'elle
assurait la gestion de 7.000 bénéficiaires de la CMU... Chez
les organismes mutualistes, la Mutualité française revendiquait
80 à 100.000 personnes et la Fédération nationale
interprofessionnelle des mutuelles environ un millier.
M. Charles Descours, rapporteur,
a constaté que toutes les
prévisions réalisées avant l'entrée en vigueur de
la CMU par les organismes complémentaires avaient dû être
revues à la baisse.
Il a également souligné que le " basculement " dans le
régime CMU pour les 3,1 millions de personnes
bénéficiaires de l'aide médicale n'avait pas toujours
été synonyme d'amélioration de leur couverture
médicale. Ainsi, dans les domaines des soins dentaires et de l'optique,
les plus " sensibles " en ce qui concerne l'accès aux soins
des personnes peu favorisées, certains départements offraient, au
titre de l'aide médicale, une couverture sensiblement meilleure à
celle que procurait la CMU.
Il a fait observer que " l'amélioration " de la couverture
complémentaire promise par le projet de loi instituant la CMU allait
s'avérer, dans une vingtaine de départements, brutalement
révocable. Aux termes de la loi, en effet, les
bénéficiaires de l'aide médicale avaient été
automatiquement basculés dans le régime CMU, sans que le niveau
de leurs ressources soit encore contrôlé.
Rappelant que le contrôle des ressources devait être
réalisé par les caisses avant le 30 juin 2000,
M. Charles
Descours, rapporteur,
a expliqué que tous les responsables des
caisses nationales rencontrés par les rapporteurs avaient
considéré qu'ils ne parviendraient pas à effectuer cette
tâche d'ici la fin du mois de juin, et plusieurs demeuraient circonspects
quant à la possibilité d'y parvenir d'ici la fin du mois
d'octobre.
Il a fait valoir que ce contrôle des ressources allait occasionner de
mauvaises surprises aux personnes qui avaient été admises
à l'aide médicale dans la vingtaine de départements dont
les barèmes étaient plus favorables -voire beaucoup plus
favorables- que celui de la CMU. Ces personnes perdraient, en effet, le
bénéfice de l'aide médicale, et l'institution de la CMU se
traduirait, pour elles, par un recul de leurs droits.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré que les
mesures réglementaires d'application de la loi avaient inutilement
aggravé la complexité du dispositif, occasionnant ainsi erreurs,
perte de temps et incompréhensions.
Il a expliqué que ce n'était pas un, mais deux nouveaux
métiers, dont les agents des caisses de sécurité sociale
avaient dû faire l'apprentissage pour mettre en oeuvre la CMU : en
effet, ni les personnes prises en charge, ni la notion de " foyer ",
ni les ressources prises en compte n'étaient identiques pour la CMU de
base et la CMU complémentaire. La très grande complexité
des règles avec lesquelles devaient, au quotidien, " jongler "
les agents des caisses et qui n'avaient pas toujours de fondement logique
était source de beaucoup
de perte de temps
et d'erreurs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que
l'évaluation des ressources sur douze mois glissants, pour les seuls
salariés, empêchait toute automatisation des procédures de
contrôle des ressources, toute référence aux
déclarations d'impôt et avis d'imposition, toute collaboration
avec les services des administrations fiscales et sociales, toute
réutilisation, par les demandeurs, de déclarations de ressources
effectuées auprès d'autres organismes que les caisses d'assurance
maladie. Elle obligeait les agents des caisses à un long travail manuel
de reconstitution des ressources, qui serait malheureusement à
recommencer chaque année sur les mêmes bases et selon les
mêmes méthodes.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ajouté que les formulaires
étaient impossibles à remplir sans assistance, car peu clairs et
parfois erronés ou incomplets et qu'il avait l'intention de publier,
dans son rapport écrit, un certain nombre de lettres et documents
récoltés à l'occasion de la mission de contrôle qui
en témoignaient.
Outre ces dysfonctionnements, il a également tenu à rappeler que
la mise en oeuvre de la CMU avait contribué à d'importants
retards dans le traitement des feuilles de soins. Devant affronter,
malgré le faible nombre de " nouveaux "
bénéficiaires de la CMU, une augmentation de la
fréquentation des guichets de 30 à 50 %, devant assister les
demandeurs dans leurs démarches administratives... et aussi supporter
les récriminations de tous ceux qui estimaient avoir droit à la
CMU mais dont les ressources avaient finalement été jugées
supérieures au plafond, les agents des caisses avaient accompli un
travail remarquable et fait preuve de beaucoup de patience.
M. Charles Descours, rapporteur,
a indiqué que 10 millions de
feuilles de soins étaient toutefois en souffrance fin janvier dans les
CPAM, qui avaient accueilli 500.000 personnes dans le courant du seul mois de
janvier. Ainsi, au 24 mars 2000, l'ensemble des CPAM avait accueilli en
moyenne, chaque semaine, 105.737 personnes venant demander des renseignements
ou déposer des dossiers. Les retards importants dans le traitement des
dossiers qui avaient résulté de cet accroissement significatif
d'activité avaient nécessité des mesures urgentes. Ainsi,
la CPAM de Paris avait décidé de fermer ses guichets et de ne
plus recevoir d'appels téléphoniques les 20 et 27 avril, 4,
11 et 18 mai. De même, de nouveaux personnels avaient dû être
recrutés : 1.400 embauches en octobre, puis 600 emplois
supplémentaires en février -dont 500 emplois-jeunes- et 2.000
mois de CDD.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que les conditions
d'application de la CMU avaient également aggravé son
caractère " non partenarial ". Il a rappelé que le
Sénat avait dénoncé, lors de la discussion du projet de
loi, le caractère très insuffisamment partenarial du projet
gouvernemental, tant en ce qui concernait la définition du panier de
soins qu'au regard des modalités pratiques d'exercice du droit à
la CMU.
Il a jugé que cette critique se révélait plus que
confirmée dans la mise en oeuvre de la loi : non seulement le
contenu du panier de soins avait été insuffisamment
négocié, mais, dans sa mise en oeuvre, la CMU s'était
éloignée encore un peu plus d'un scénario partenarial.
Evoquant le contenu du " panier de soins ",
M. Charles Descours,
rapporteur,
a estimé que les conditions de préparation des
textes réglementaires n'avaient permis aucun accord véritable,
compromettant ainsi l'applicabilité des textes et l'adhésion des
professionnels à la réforme : alors que la loi était
promulguée depuis la fin du mois de juillet, les négociations
n'avaient pu débuter qu'à la fin du mois d'octobre.
Il a jugé que le caractère non négocié des
dispositions réglementaires concernant le panier de soins se lisait
également dans la définition des actes pris en charge au titre de
la CMU. Ainsi, selon un chirurgien-dentiste rencontré par les
rapporteurs, la liste des actes remboursables comportait des actes qui ne sont
plus pratiqués depuis des dizaines d'années, comme les
" couronnes ajustées " ou
" façonnées ", ou les " dents à
tube "...
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que, si la
majorité des professionnels concernés par les tarifs
ministériels avait une clientèle variée et ne subirait pas
de préjudice économique grave du fait de l'institution de la CMU,
il n'en était pas de même de tous ceux qui exerçaient dans
des quartiers, villes ou villages défavorisés et dont une
proportion importante de la clientèle bénéficierait des
" tarifs CMU ", des " prothèses CMU " et des
" lunettes CMU ", vendues bien évidemment avec des taux de
marge très faible. Il en serait évidemment de même pour
beaucoup de centres de santé.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souligné que le
caractère " non partenarial " de la mise en oeuvre de la CMU
résultait aussi des nombreuses " mauvaises manières "
faites aux organismes de protection complémentaire.
Il a rappelé que les 3,1 millions d'ex-bénéficiaires
de l'aide médicale, qui avaient été
" basculés " automatiquement, au 1
er
janvier
2000, dans le régime CMU, n'avaient, à aucun moment, eu le choix
de l'organisme gestionnaire de leur protection complémentaire. Il a
ajouté que des mutuelles, qui l'auraient pourtant souhaité,
avaient beaucoup tardé à être inscrites sur les listes
préfectorales, et que le ministère leur avait longtemps
refusé de disposer des imprimés administratifs de demande de CMU.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ajouté que
l'absence de
procédure nationale de tiers payant coordonné dégradait
considérablement les conditions d'un véritable partenariat entre
organismes de base et organismes complémentaires. A ce jour en effet
-soit près de six mois après l'entrée en vigueur de la
CMU-, les deux arrêtés devant définir les modalités
pratiques des deux procédures de tiers payant n'étaient toujours
pas publiés. Certains responsables de caisses d'assurance maladie
rencontrés par les rapporteurs en tiraient de bonne foi argument pour
indiquer aux bénéficiaires de la CMU qu'ils n'avaient, pour
l'instant, pas intérêt à confier la gestion de leur
couverture complémentaire à une mutuelle ou une assurance...
M. Charles Descours, rapporteur,
a conclu qu'il résultait de
l'ensemble de ces éléments beaucoup d'incertitudes et de
tracasseries inutiles pour les bénéficiaires -en moindre nombre
que ce qui était prévu-, pour les agents des caisses, mais aussi
pour les professionnels de santé libéraux, pour les
établissements de santé et pour les centres de santé. Il
en résultait aussi, pour les organismes de protection
complémentaire, une déception à la mesure de leur
degré d'implication dans la réussite de cette réforme.
M. Charles Descours, rapporteur,
a formulé le souhait que les
observations résultant de ce travail de contrôle soient prises en
compte par le Gouvernement, dans l'intérêt de tous.
M. Jean Delaneau, président
, a observé que les critiques
adressées par le rapporteur aux conditions de mise en oeuvre de la CMU
étaient dans le prolongement logique de celles qui avaient
été formulées par le Sénat lors de la discussion du
projet de loi instituant une couverture maladie universelle
.
M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour l'assurance vieillesse,
a
évoqué la situation des bénéficiaires de
l'allocation aux adultes handicapés ou du minimum vieillesse qui,
à ce titre, étaient éligibles à l'aide
médicale dans de nombreux départements, comme celui de l'Oise. Il
a rappelé que ces personnes bénéficiaient automatiquement
de la CMU au cours des premiers mois de cette année, mais qu'elles en
seraient exclues dès que serait effectué le contrôle des
ressources prévu par la loi. Il a critiqué l'invitation faite aux
départements par la ministre de l'emploi et de la solidarité
à prendre le relais, sans compensation financière, rappelant que
les départements qui avaient été les plus
" généreux " en matière d'aide médicale
avaient déjà été pénalisés une
première fois en devant contribuer plus que les autres au financement de
la CMU
.
M. François Autain
, constatant que le rapporteur avait
principalement évoqué les réactions des professionnels de
santé, des agents des caisses de sécurité sociale et des
organismes de protection complémentaire, a rappelé que la CMU
avait été mise en place pour améliorer la couverture
médicale de ses bénéficiaires, et a indiqué qu'il
souhaiterait connaître leur appréciation sur le dispositif mis en
place.
M. Jean Chérioux
a rappelé que le panier de soins
remboursables au titre de la CMU était beaucoup moins favorable que
celui qui avait été garanti aux titulaires de la carte Paris
Santé. Il a considéré que, si les décrets
d'application étaient complexes, la loi l'était parfois aussi. Il
a interrogé le rapporteur sur les possibilités d'échanges
d'informations entre les caisses d'allocations familiales et les caisses
primaires d'assurance maladie dans le cadre de l'instruction des dossiers de
demande de CMU.
M. Claude Huriet
a demandé au rapporteur s'il avait eu des
contacts avec les associations impliquées dans la lutte contre
l'exclusion, où en était la procédure engagée au
niveau européen par la Fédération nationale
interprofessionnelle des mutuelles à l'encontre de la CMU, et si les
retards constatés dans le traitement des feuilles de soins par les
caisses primaires étaient susceptibles d'avoir eu une influence sur les
comptes de l'assurance maladie.
M. Alain Gournac
a considéré que, telle qu'elle avait
été instituée par la loi du 27 juillet 1999, la CMU
constituait une véritable " usine à gaz ". Il s'est
insurgé contre la complexité des formulaires de demande de CMU
que devaient remplir des personnes en difficulté. Il a estimé
qu'il était de la responsabilité des parlementaires d'alerter le
Gouvernement sur les dysfonctionnements constatés dans la mise en oeuvre
des lois.
M. Michel Esneu
a fait siens les propos de M. Jean Chérioux et a
indiqué que les conseils généraux étaient
actuellement très préoccupés de la situation des
ex-bénéficiaires de l'aide médicale qui seraient
prochainement radiés de la CMU parce que leurs ressources
dépassaient le plafond qui avait été fixé par
décret. Il a estimé que l'immigration clandestine était de
moins en moins bien maîtrisée et que ce phénomène
aurait sans nul doute des conséquences sur le nombre de demandeurs de la
CMU.
M. Louis Souvet
s'est interrogé sur l'amélioration de
la couverture médicale en France du fait de l'institution de la CMU et
sur le degré de satisfaction de ses bénéficiaires. Il a
demandé au rapporteur pourquoi les 3,1 millions
d'ex-bénéficaires de l'aide médicale n'avaient pas
été consultés sur le choix d'un organisme de protection
complémentaire, et si la situation des locataires était
différente de celle des propriétaires au regard du droit à
la CMU
.
M. Jean-Louis Lorrain
a indiqué qu'il aurait été bon
d'auditionner l'Association des départements de France. Il a
évoqué l'immigration clandestine et la situation en Guyane, et a
estimé qu'il serait judicieux que le Parlement se dote d'un Observatoire
permanent de la protection sociale.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé qu'il était un
peu tôt, compte tenu de la lente montée en charge de la CMU, pour
enquêter sérieusement sur le degré de satisfaction des
bénéficiaires, et qu'il conviendrait, dans les prochains mois, de
rencontrer tant les associations que l'Association des départements de
France pour évoquer cette question. Il a toutefois estimé que les
prochaines radiations d'ex-bénéficiaires de l'aide
médicale susciteraient beaucoup d'incompréhensions. Il a
rappelé que l'automatisation des échanges d'informations avec les
caisses d'allocations familiales était difficile compte tenu de la
règle des " douze mois glissants ". Il a indiqué que le
retard de traitement des feuilles de soins correspondait à six jours de
stock, et que le recours de la Fédération interprofessionnelle
des mutuelles n'avait pas encore été jugé. Il a
affirmé que la question de l'immigration avait été
évoquée à l'initiative des responsables de la Caisse
primaire d'assurance maladie de Paris à l'occasion de la visite d'un
centre dans le 20
e
arrondissement. Il a indiqué que les
avantages liés au logement étaient pris en compte pour les
occupants à titre gratuit ou pour les propriétaires de leur
appartement. Il a rappelé que ce n'est qu'après
l'opération de contrôle de leurs ressources que les
ex-bénéficiaires de l'aide médicale se verraient proposer
de confier la gestion de leur couverture complémentaire à une
mutuelle ou une société d'assurances.
M. Jacques Machet, rapporteur des lois de financement de la
sécurité sociale pour la famille,
a rappelé qu'il
avait déjà présenté, le 1
er
mars
2000, un bilan d'étape de la mission de contrôle consacrée
aux difficultés des caisses d'allocations familiales. Il a
indiqué que les rapporteurs avaient, depuis cette date,
auditionné la présidente et le directeur de la CAF de Grenoble et
obtenu communication du rapport définitif de l'Inspection
générale des affaires sociales. Il a souligné que les
conclusions auxquelles étaient parvenus les rapporteurs au terme de
cette mission de contrôle s'inscrivaient dans la droite ligne des
analyses formulées le 1
er
mars dernier.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a fait valoir que les caisses
d'allocations familiales avaient rencontré de sérieuses
difficultés de fonctionnement au cours de l'année 1999. Ces
difficultés, qui avaient touché particulièrement la
région parisienne, avaient conduit à une nette dégradation
du service rendu au public et traduisaient, plus généralement,
une incapacité de la branche famille à respecter les engagements
de qualité prévus par la convention d'objectifs et de gestion.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a indiqué que les plans d'action
successifs engagés par la Caisse nationale des allocations familiales
(CNAF) et les CAF avaient porté leurs fruits et que la situation
s'était nettement améliorée au cours des derniers mois.
Les caisses de la région parisienne avaient notamment réussi
à diminuer leur stock de dossiers en retard et avaient
amélioré les délais d'attente à l'accueil.
Soulignant que cette amélioration restait toutefois fragile,
M. Jacques Machet, rapporteur,
a jugé qu'il conviendrait
donc d'attendre l'été prochain -et les tensions que
générait habituellement cette période de l'année-
pour mesurer si les difficultés étaient définitivement
résorbées.
Il a considéré que les origines de ces dysfonctionnements
étaient multiples : les difficultés tenaient à la
conjonction d'un facteur conjoncturel que l'on pouvait espérer
transitoire -la mise en place d'un nouveau système informatique en
Ile-de-France-, et d'un élément structurel plus
préoccupant : l'application d'un droit excessivement complexe
à des publics de plus en plus fragilisés.
Il a constaté que la branche famille était aujourd'hui au coeur
de la lutte contre l'exclusion et que les missions qu'elle exerçait,
à titre gratuit, pour le compte de l'Etat (gestion du revenu minimum
d'insertion, de l'allocation aux adultes handicapés (AAH))
s'avéraient particulièrement lourdes et s'effectuaient souvent au
détriment de la mission première de la branche, qui était
d'aider et de soutenir les familles.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a jugé que la décision du
Gouvernement d'autoriser la création de 900 postes dans les CAF
apparaissait comme un choix éminemment politique, qui résultait
plus d'un souci d'apaisement que d'une réelle volonté de
renforcer les moyens dont disposait la branche : une part -non
définie- de ces emplois constituait en effet un acompte sur les
créations d'emplois nécessaires pour compenser la
réduction du temps de travail.
Il a fait observer qu'en demandant la création de 1.100 emplois, la
branche famille avait, à l'évidence, choisi une solution de
facilité qui lui permettait de faire l'économie d'une
réflexion sur ses modes de fonctionnement et de rassembler ses
personnels autour d'une idée simple et toujours porteuse. La
création de ces nouveaux emplois constituait également une
solution de facilité pour le Gouvernement qui pouvait ainsi donner
satisfaction à la branche tout en refusant de se prononcer sur le
bien-fondé de cette demande et en conservant en réalité
toute latitude sur les créations nettes d'emplois.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a considéré que la
création de ces nouveaux emplois pouvait certes apporter une
bouffée d'oxygène bienvenue aux caisses en difficultés. Il
a estimé qu'il était cependant douteux que cette solution de
facilité permette de faire l'économie d'une simplification du
droit et de réels efforts de réorganisation interne.
Il a estimé que cette entreprise de simplification du droit
n'était pas un projet technique ou gestionnaire, mais bien un projet
politique et il a formulé le souhait que la prochaine conférence
de la famille, qui devait se réunir le 15 juin 2000, soit l'occasion,
pour le Gouvernement, d'annoncer des décisions fortes et effectives en
ce domaine.
M. Jacques Machet, rapporteur,
a souligné que la
négociation sur l'application de la réduction du temps de travail
dans la branche famille fournissait une occasion unique de repenser les
modalités de l'organisation du travail dans les CAF, d'introduire
davantage de souplesse et de flexibilité, et d'améliorer ainsi
l'efficacité et la qualité du service rendu à l'usager.
Il a fait valoir que la branche famille semblait avoir pris conscience de cette
nécessité, puisqu'elle avait présenté, en mars
2000, un plan d'action dont l'un des axes visait précisément
à " agir sur l'organisation, les processus et la relation de
service ". Il a souhaité que ce plan d'action ambitieux ne reste
pas à l'état de voeu pieux et que les chantiers qui avaient
été ainsi ouverts soient menés à bien.
M. Louis Souvet
a souligné la charge que représentait pour
les CAF la gestion, pour le compte de l'Etat, d'un certain nombre de
prestations, dont le revenu minimum d'insertion.
M. Philippe Nogrix
a fait observer que les difficultés que
rencontraient certaines caisses d'allocations familiales avaient conduit ces
organismes à affecter au traitement des dossiers des personnels
habituellement en charge de l'action sociale.
En réponse aux intervenants,
M. Jacques Machet, rapporteur,
a
jugé que l'Etat devrait rembourser à la branche famille le
coût de gestion des prestations que celle-ci versait pour son compte. Il
a indiqué que les rapporteurs avaient pu effectivement constater, lors
de leurs déplacements sur le terrain, le phénomène
évoqué par M. Philippe Nogrix.
Evoquant la mission sur les exonérations de cotisations de
sécurité sociale,
M. Charles Descours, rapporteur,
a
rappelé les principales observations qu'il avait formulées le 21
mars dernier. Il a souligné la complexité des dispositifs
d'exonération (36 mécanismes différents, 150 textes
d'application) et la lourdeur de leur gestion tant pour les Unions de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations
familiales (URSSAF) que pour les entreprises ; il a conclu à une
nécessaire simplification.
Soulignant que les trois missions de contrôle, dont les résultats
avaient été présentés à la commission,
s'inscrivaient dans un contexte, celui de l'application des lois de financement
de la sécurité sociale,
M. Charles Descours, rapporteur,
a
indiqué le souhait des rapporteurs de formuler, dans ce cadre, trois
observations.
M. Charles Descours, rapporteur,
s'est fait tout d'abord l'écho
de la réunion de la commission des comptes de la sécurité
sociale qui s'est tenue le 22 mai dernier et au cours de laquelle le
Gouvernement a présenté les comptes du régime
général pour 1999 et les nouvelles prévisions pour 2000.
Se réjouissant que les comptes sociaux soient revenus à
l'équilibre, il a toutefois souligné que ce résultat
était atteint au prix d'un alourdissement massif, au cours des
dernières années, des prélèvements sociaux,
amplifié aujourd'hui par une conjoncture exceptionnellement favorable.
Il a observé, en revanche, que le Gouvernement entérinait d'ores
et déjà un nouveau dépassement de l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie (ONDAM) venant après les graves
dérives observées en 1998-1999, de sorte que le Parlement assiste
à l'affectation de recettes supplémentaires à des
dépenses supplémentaires.
Il a constaté que la branche famille du régime
général était largement à l'origine de
l'excédent prévisionnel global affiché par le
régime général tandis que la branche maladie restait
déficitaire.
Au total, il a considéré qu'en dépit des apparences, les
résultats obtenus en 1999-2000 n'étaient pas satisfaisants, car
tout retournement, voire tout ralentissement de conjoncture, ferait basculer
les comptes sociaux à nouveau dans le déficit en l'absence d'une
véritable réflexion sur l'efficacité des dépenses.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ensuite déploré
l'absence de collectif social.
Il a rappelé que le Président de la République, en
promulguant la loi relative aux trente-cinq heures le 13 janvier 2000,
amputée de la taxation des heures supplémentaires annulée
par le Conseil constitutionnel, avait souligné que le respect des
prérogatives du Parlement devait conduire le Gouvernement à
présenter un projet de loi de financement rectificative modifiant la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de tenir
compte de la disparition de 7 milliards de francs de recettes.
Il a souligné que le ministère de l'emploi et de la
solidarité avait réagi par un communiqué passablement
polémique et inutilement discourtois, considérant que les lois de
financement ne comportant pas d'article d'équilibre, le Gouvernement
n'allait pas réunir le Parlement " à la première
grippe ".
M. Charles Descours, rapporteur,
a jugé que cette conception des
lois de financement de la sécurité sociale apparaissait
très réductrice : en premier lieu, il était incongru
d'assimiler une décision du Conseil constitutionnel à une
" première grippe " ; en second lieu, il était
inexact d'évacuer toute notion d'équilibre des lois de
financement puisque la Constitution les définissait ainsi :
" les lois de financement déterminent les conditions
générales de l'équilibre financier de la
sécurité sociale ".
M. Charles Descours, rapporteur,
a constaté que, fort de cette
interprétation a minima de la réforme constitutionnelle de 1996,
le Gouvernement avait entrepris -il n'y a que le premier pas qui coûte-
de modifier de son propre chef les objectifs de dépenses votés
par le Parlement. Certes, ces objectifs de dépenses pouvaient ne pas
être atteints en raison de la conjoncture, du comportement des
assurés ou des prescripteurs, voire des épidémies de
grippe. Quand bien même l'objectif de dépenses serait
dépassé, les remboursements par l'assurance maladie par exemple
n'en cesseraient pas pour autant. Mais, dans le cas présent, il
s'agissait de décisions du Gouvernement annonçant en mars dernier
" une nouvelle étape hospitalière " et modifiant, ce
faisant, l'objectif de dépenses de la branche maladie de près de
2 milliards de francs et l'ONDAM de plus de 1 milliard de francs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré, par
conséquent, que seule une loi de financement rectificative était
à même de modifier, de façon volontariste, les objectifs
figurant dans une loi de financement initiale : seul le Parlement pouvait
revenir sur ce qu'il avait voté.
Il a jugé grave la démarche du Gouvernement car il ne subsistait
plus rien de la loi de financement si, à la fois, son équilibre
pouvait être bouleversé et si les objectifs de dépenses
pouvaient être modifiés par voie réglementaire.
M. Charles Descours, rapporteur,
a ensuite évoqué les
inquiétudes des rapporteurs quant à l'avenir de la branche
famille.
Il a rappelé que, lors de la Conférence de la famille du 7
juillet 1999, le Premier ministre avait annoncé la pérennisation
de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et le
transfert progressif de sa prise en charge du budget de l'Etat vers la branche
famille. Parallèlement, l'Etat devait reprendre à sa charge le
financement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et
leur famille (FASTIF). La loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 avait ainsi inscrit dans les dépenses de la branche
famille une partie de la majoration de l'ARS à hauteur de
2,5 milliards de francs. L'Etat s'engageait pour sa part à financer
le solde, soit 4,5 milliards de francs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a estimé que cette somme aurait
dû, en toute logique, figurer dans le projet de loi de finances pour
2000. Il a constaté qu'il n'en avait rien été et qu'il
n'avait pas davantage été fait mention de la somme -près
de 1 milliard de francs- correspondant au remboursement par l'Etat à la
branche famille des dépenses relatives au FASTIF, conformément
à l'annonce du Premier ministre.
Il a souligné que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, interrogée par la commission sur ce point, avait
indiqué que le financement de ces deux mesures figurerait dans le
collectif budgétaire de 2000.
M. Charles Descours, rapporteur,
a fait observer que le projet de loi de
finances rectificative, qui venait d'être adopté par
l'Assemblée nationale, restait cependant totalement silencieux sur ces
deux points.
Il en a conclu qu'il n'y avait dès lors que deux
hypothèses : ou ce collectif budgétaire n'était pas
sincère, puisqu'il n'intégrait pas deux dépenses pourtant
certaines, ou il traduisait le renoncement aux engagements pris par le Premier
ministre et une atteinte d'une exceptionnelle gravité à
l'équilibre financier de la branche famille.
Dans le premier cas, outre l'insincérité budgétaire, le
Gouvernement faisait supporter une charge de trésorerie
considérable à la branche famille, puisque celle-ci versait l'ARS
aux familles au mois de septembre 2000 et qu'elle ne serait remboursée
par l'Etat que début 2001, après la promulgation du collectif de
fin d'année.
M. Charles Descours, rapporteur,
a expliqué que, dans le second
cas, la non-inscription des dépenses liées à la majoration
de l'ARS et au FASTIF dans le collectif de printemps pouvait être le
signe d'un refus, par le Gouvernement, de respecter les engagements pris et les
mesures annoncées par le Premier ministre. Si le Gouvernement revenait
sur ses engagements, la branche famille verrait, dès 2000, ses
dépenses au titre de l'ARS augmenter de 7 milliards de francs par an.
Elle ne bénéficierait même plus de la très modeste
compensation qu'aurait pu constituer la prise en charge du FASTIF par le budget
de l'Etat.
M. Charles Descours, rapporteur,
a jugé que la
débudgétisation deviendrait alors totale : l'Etat se serait ainsi
déchargé sur la branche famille d'une dépense annuelle et
récurrente de 7 milliards de francs qu'il assumait jusqu'alors et
qu'il avait lui-même créée. Une telle décision ne
ferait qu'accroître les charges de la branche famille : elle
n'apporterait rien de plus aux familles pour qui l'ARS était
déjà, de facto, pérennisée au niveau de
1.600 francs depuis 1997.
M. François Autain
a souhaité connaître l'impact sur
les comptes de la branche maladie de la " nouvelle étape
hospitalière " annoncée par le Gouvernement.
M. Charles Descours, rapporteur,
a précisé que cette
" nouvelle étape " était financée environ pour
moitié par le budget de l'Etat et pour l'autre moitié par
l'assurance maladie. Si le Gouvernement avait bien inscrit les crédits
nécessaires dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000,
actuellement en instance d'examen au Sénat, il avait modifié, de
son propre chef, les objectifs de dépenses de la loi de financement pour
ce qui concerne les dépenses à la charge de l'assurance maladie.
M. Jean Delaneau
,
président
, a constaté que ces
dernières dépenses manquaient, en quelque sorte, de base
légale.
La commission a
approuvé les conclusions des rapporteurs
et
a
décidé de les présenter sous la forme d'un rapport
d'information.
1
MM. Charles Descours, rapporteur des
lois de
financement de la sécurité sociale pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie, Jacques Machet,
rapporteur pour la famille et Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance
vieillesse.
2
Cf. deuxième partie.
3
Rapport CCSS, mai 2000, p. 55.
4
Cf. dossier de presse de la CCSS de mai 2000, " Comment
le régime général est-il revenu à
l'équilibre ? ".
5
Il convient de préciser, une fois de plus, que le Parlement
n'adopte pas les comptes du régime général, mais fixe des
prévisions de recettes et des objectifs de dépenses pouvant faire
évoluer les comptes du régime général
présentés en annexe du projet de loi. Pour ces raisons, la
Direction de la sécurité sociale recalcule, en début
d'année, le " compte loi de financement " du régime
général.
6
Rapport de la Commission des comptes de la sécurité
sociale, mai 2000, p. 9.
7
Rapport de la Commission des comptes de la sécurité
sociale, mai 2000, p. 162 et suivantes.
8
Décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000.
9
Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la
République - réception des conseils économiques et sociaux
régionaux - Palais de l'Elysée - mercredi 19 janvier 2000 - ce
sont vos rapporteurs qui soulignent.
10
Pour reprendre les termes de la dépêche AFP du 20
janvier 2000.
11
Communiqué à la presse du
" Ministère " de l'emploi et de la solidarité - Jeudi
20 janvier 2000.
12
Réponse à M. Charles Descours, Sénat,
Séance du 20 janvier 2000 (JO débats Sénat page 193).
13
La commission doit se réunir à l'initiative de son
président - Le ministre chargé de la sécurité
sociale - entre le 15 avril et le 15 juin (art. D. 114-3 du code de la
sécurité sociale).
14
Article 62 de la Constitution.
15
Cf. communiqué de presse du " ministère "
ci-dessus.
16
Décision 91-298 DC du 24 juillet 1991
17
On rappellera que la session unique a précisément
pour but d'épargner au Gouvernement le souci de " réunir le
Parlement ".
18
Cf. Communiqué de presse ci-dessus.
19
Questionnaire adressé le 21 mars 2000 par M. Charles
Descours, rapporteur des lois de financement de la sécurité
sociale (équilibres généraux et assurance maladie) en
application de l'article 2 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1997.
20
Page 89.
21
NB - ne sont pas publiés dans le présent rapport la
question n° 6 et sa réponse concernant des précisions
techniques sur la part des administrations de sécurité sociale
dans le compte provisoire des administrations publiques établi par la
direction de la prévision du ministère de l'économie et
des finances.
22
Cf. M. Claude Bartolone (Sénat, 20 janvier 2000 - JO
Débats p. 194) " Actuellement, il y a une épidémie de
grippe qui perturbera les finances de la sécurité sociale ".
23
Communiqué de presse du 14 mars 2000.
24
J.O. Lois et Décrets, n° 303 du 31
Décembre 1999, pages 20005-20006.
25
Qui correspond au nombre de jours nécessaires pour
résorber l'ensemble du stock de courrier.
26
Inspection générale des Affaires sociales, Rapport
sur l'adéquation entre les charges et les moyens des CAF - Rapport
définitif - présenté par Mmes Amson, Mousseau et M.
Yahiel, n° 2000045, avril 2000, p. 40.
27
Ibid. p. 5.
28
L'évolution des missions de la branche famille, dans
Droit social,
,n° 12, décembre 1999, p. 1072.
29
Ibid., p. 6.
30
Ibid. p. 40.
31
25 milliards de francs en 2000, 65 milliards de francs à
terme.
32
Le Gouvernement renonçant aux
" prélèvements de droit divin " à la veille de
l'ouverture à l'Assemblée nationale du débat en
première lecture du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000.
33
L'exonération s'attachant au contrat d'apprentissage est
très large, cf. plus loin.
34
Rapport d'information n° 133, 1998-1999.
35
Jusqu'en 1999, les exonérations de cotisations
étaient partagées entre budget des charges communes et budget de
l'emploi.
36
Mme Martine Aubry expliquant que lorsqu'elle est arrivée
au ministère, elle a dû " trouver " sept milliards de
francs...cf. J.O. Débats Sénat du 3 novembre 1999 :
" dès la première année d'application de la ristourne
dégressive, en 1997, il manquait sept milliards de francs ".
37
Cf. compte rendu de l'audition de MM. Bernard Caron et Jean-Louis
Buhl.
38
Cf. compte-rendu de l'audition de Mme Catherine Barbaroux.
39
La DARES reçoit chaque mois de l'ACOSS une série de
tableaux fournissant, pour chaque dispositif donnant lieu à
exonération, le nombre d'établissements concernés, les
effectifs exonérés, et le montant total des exonérations
correspondantes.
40
Cf. rapport 1999 de la Cour des comptes sur la
sécurité sociale, p. 48.
41
L'ACOSS a donné consigne aux URSSAF de suivre les
recommandations des administrations de l'Etat.
42
Cf. travaux de la commission.
43
Enquête sur l'activité et les conditions d'emploi de
la main d'oeuvre.
44
En dehors des 40 milliards de francs de la ristourne Juppé.
45
Source : Rapport AN, op. cit.
46
Communiqué de presse du 20 janvier (voir première
partie).
47
Rapport AN, n° 2387, p. 51.
48
Rapport IGF-IGAS, op. cit.
49
Comme le montrent l'exemple de l'exonération premier
salarié et de l'exonération dont bénéficient les
associations d'aide à domicile, mesures modifiées par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, mais qui restent
non compensées.
50
Cf. les études d'impact sur les projets de loi 35 heures
citées supra.