NOUVELLE PROPOSITION DU PRESIDIUM POUR LES ARTICLES SUR LES DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX ET SUR LES CLAUSES HORIZONTALES
Article 31
. Droits et principes en matière
sociale
Les institutions et organes de l'Union, les Etats membres, exclusivement dans
le champ d'application du droit communautaire, et les partenaires sociaux au
niveau communautaire et dans le cadre de leurs compétences respectives,
respectent les droits et mettent en oeuvre les principes sociaux
énoncés dans la présente Charte.
Exposé des motifs
Cette disposition permet de tenir compte de la spécificité des
droits sociaux et de mettre en relief les conséquences du champ
d'application de la Charte en la matière. Les droits sociaux lient le
législateur communautaire, la législation des Etats membres
lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, ainsi que les partenaires
sociaux au niveau communautaire qui, en vertu de l'article 139 TCE, peuvent
conclure des accords au niveau communautaire. Toutes ces instances doivent
respecter ces droits sociaux et ne peuvent dans le cadre de leur
activité normative agir contrairement à ces droits, à
l'exception de limitations conformes à ce qui est prévu dans la
clause générale relative aux limitations. Compte tenu du
caractère dynamique de ses droits et du fait qu'ils ne se
concrétisent fréquemment qu'à travers leur mise en oeuvre,
lorsqu'ils contiennent un droit à une prestation positive, il est
nécessaire de préciser que, dans un certain nombre de cas, il
s'agit de principes dont l'application est subordonnée à
l'adoption de mesures de mise en oeuvre. Dans ce cas, il est clair que
l'adoption de ces mesures est fonction de la répartition des
compétences, telle qu'elle est opérée par les
traités et, dans le respect du principe de subsidiarité. En
d'autres termes, il n'est pas possible, par exemple, d'adopter une
réglementation qui porterait atteinte au droit à une aide sociale
ou empêcherait sa mise en oeuvre. Mais l'invocation de ce droit ne peut
intervenir que dans le cadre des mesures communautaires ou nationales
existantes.
Article 32
. Liberté professionnelle
Toute personne a le droit de choisir et d'exercer sa profession.
Exposé des motifs
Ce droit est reconnu sans aucune ambiguïté par la jurisprudence de
la Cour comme un droit fondamental (voir l'arrêt de principe Nolde, aff.
4/73, Rec. 1974, p 491). Conformément à l'article 48, ce droit
s'exerce dans les conditions et limites prévues par les traités,
ce qui inclut également les réglementations relatives à
l'exercice des professions.
Article 33
. Droit à l'information et à la consultation
des travailleurs au sein de l'entreprise
Les travailleurs et leurs représentants ont le droit à une
information et consultation en temps utile au sein de l'entreprise qui les
emploie.
Exposé des motifs
Texte inspiré de la Charte sociale européenne
révisée (article 21) et de la Charte communautaire (article 17).
L'acquis communautaire dans ce domaine est important : directives
98/59/CE (licenciements collectifs), 77/187/CE (transferts d'entreprises) et
94/45/CE (comités d'entreprise européens).
Article 34
. Droit de négociation et d'action collective
Les employeurs et les travailleurs ont le droit de négocier et de
conclure des conventions collectives et de recourir, en cas de conflits
d'intérêts, à des actions collectives pour la
défense de leurs intérêts économiques et sociaux, y
compris au niveau de l'Union, dans les conditions prévues par les
législations et pratiques nationales.
Exposé des motifs
Le droit syndical est reconnu à l'article 11 de la Convention
européenne des droits de l'homme. Le droit de négociation
collective et d'action collective est reconnu par la charte sociale
révisée (article 6) et par la charte sociale. Il est
mentionné au point 12 de la charte communautaire. Il est reconnu par la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme comme
découlant de l'article 11 de la Convention (syndicat suédois des
conducteurs de locomotives 1976). Enfin, les articles 138 et 139 du
traité CE organisent le dialogue social à l'échelle
communautaire et prévoient la conclusion de conventions collectives.
Dans la notion d'actions collectives, le droit de grève, notamment, est
inclus.
Article 35
. Droit au repos et au congé annuel
Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du
travail et à des périodes de repos journaliers et hebdomadaires,
ainsi qu'à une période annuelle de congés payés.
Exposé des motifs
Cet article est notamment inspiré par la directive 93/104/CE ainsi que
par l'article 2 de la Charte sociale.
Article 36
. Santé et sécurité dans le travail
Tout travailleur a droit à la santé et à la
sécurité dans le travail.
Exposé des motifs
Cet article est inspiré de la directive 89/391/CE ainsi que de l'article
3 de la Charte sociale. Voir également le paragraphe 19 de la Charte
communautaire.
Article 37
. Protection des jeunes
L'âge minimal d'admission au travail ne doit pas être
inférieur à l'âge auquel cesse la période de
scolarité obligatoire sans préjudice de règles plus
favorables aux jeunes, notamment celles assurant par la formation leur
insertion professionnelle et sauf dérogations limitées à
certains travaux légers.
Les jeunes admis au travail doivent bénéficier de conditions de
travail adaptées à leur âge.
Exposé des motifs
Ce texte s'inspire de l'article 7 de la Charte sociale européenne et de
la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs
(points 20 à 23). Il reprend, tout d'abord, l'essentiel du point 20 qui
prévoit la fixation d'un âge minimal lié à la fin de
la scolarité obligatoire qui ne peut, en aucun cas, être
inférieur à 15 ans. La charte commence toutefois par le texte
suivant :
" Sans préjudice de règles plus favorables aux jeunes,
notamment celles assurant par la formation leur insertion professionnelle et
sauf dérogations limitées à certains travaux
légers... ".
Le deuxième alinéa s'inspire du contenu du point 22 de cette
Charte qui stipule que les règles de droit du travail applicables aux
jeunes doivent être aménagées de façon à
prendre en compte leur développement et les besoins de la formation
professionnelle. Le libellé de cet alinéa est repris
essentiellement de l'article premier, paragraphe 3 de la directive 94/33/CE
relative à la protection des jeunes au travail.
Article 38
. Droit à la protection en cas de licenciement
Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement
injustifié ou abusif.
Exposé des motifs
Cet article établit simplement une protection contre l'arbitraire en
matière de licenciement.
Article 39
. Droit de concilier vie familiale et vie
professionnelle
Tout travailleur a le droit de concilier sa vie professionnelle et sa vie
familiale. Ce droit comprend notamment le droit à un congé de
maternité, avant et/ou après l'accouchement et le droit à
un congé parental à la suite de la naissance ou de l'adoption
d'un enfant.
Exposé des motifs
Articles 8 et 27 de la charte sociale révisée.
Directive 92/85/CE du 19 octobre 1992 concernant le droit à un
congé de maternité d'au moins quatorze semaines et directive
96/34 concernant le droit à un congé parental d'au moins 3 mois.
Article 40
. Droit des travailleurs migrants à
l'égalité de traitement
Les ressortissants de pays tiers qui travaillent légalement sur le
territoire des États membres ont droit à un traitement non moins
favorable que celui dont bénéficient les travailleurs de l'Union
européenne en matière de conditions de travail.
Exposé des motifs
La compétence communautaire en la matière est établie dans
l'article 137 §3 quatrième tiret. La règle posée ici
est simplement celle de la non-discrimination dans les conditions d'emploi.
Article 41
. Sécurité sociale et aide sociale
1. Des prestations de sécurité sociale sont prévues selon
les modalités propres à chaque Etat membre, assurant une
protection en cas de maternité, de maladie, de dépendance ou de
vieillesse ainsi qu'en cas de perte d'emploi.
2. Une aide sociale et une aide au logement est prévue afin d'assurer
une existence digne à toute personne ne disposant pas de ressources
suffisantes.
Exposé des motifs
Il s'agit d'un principe qui est mis en oeuvre selon les législations
nationales et en conformité avec le droit communautaire.
Article 42
. Protection de la santé
L'accès aux soins médicaux et à la prévention
sanitaire est assuré à toute personne selon des modalités
propres à chaque Etat membre.
Exposé des motifs
Il s'agit d'un principe qui est mis en oeuvre essentiellement par les
législations nationales.
Article 43
. Personnes handicapées
Des mesures d'insertion sociale et professionnelle sont prévues au
bénéfice des personnes handicapées.
Exposé des motifs
L'article 13 du traité instituant la Communauté européenne
autorise l'adoption de mesures positives pour éviter la discrimination
en fonction d'un handicap. L'article 137 § 1, quatrième tiret
crée une compétence communautaire en vue de l'intégration
des personnes exclues du marché du travail.
Article 44
. Protection de l'environnement
La protection de l'environnement qui implique la préservation, la
protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement, la
protection de la santé des personnes ainsi que l'utilisation prudente et
rationnelle des ressources naturelles est assurée dans les politiques de
l'Union.
Exposé des motifs
Le titre XIX du traité établit la compétence communautaire
en matière d'environnement. Ici encore, il s'agit d'un principe qui se
concrétise à travers des mesures de mise en oeuvre qui
délimitent la portée de ce droit. La formule est proche de
l'article 174 du traité CE.
Article 45
. Protection des consommateurs
Un niveau élevé de protection de la santé, de la
sécurité et des intérêts des consommateurs est
assuré dans les politiques de l'Union.
Exposé des motifs
La compétence communautaire est établie par le titre XIV du
traité. La charte consacre un principe qui se concrétise à
travers les législations communautaires ou nationales. La formule est
proche de l'article 153 du traité CE.
Article 46
. Champ d'application
1 Les dispositions de la présente charte s'adressent aux institutions et
organes de l'Union dans le cadre des attributions qui leur sont
conférées par les Traités ainsi qu'aux Etats membres
exclusivement dans le champ d'application du droit de l'Union.
2. La présente charte ne crée aucune compétence ni aucune
tâche nouvelle pour la Communauté et pour l'Union ni ne modifie
les compétences et tâches définies par les traités.
Exposé des motifs
L'objet de cette disposition est de déterminer le champ d'application de
la Charte. Elle vise à établir clairement que la Charte
s'applique d'abord aux institutions et organes de l'Union et dans le cadre des
compétences et tâches de celle-ci. En d'autres termes, la Charte
s'applique uniquement dans des matières qui relèvent de la
compétence communautaire et des tâches de l'Union. Cette
disposition est fidèle à l'article 6 § 2 du traité
sur l'Union européenne qui impose à l'Union de respecter les
droits fondamentaux ainsi qu'au mandat donné par le Conseil
européen de Cologne.
Le terme "institutions" est consacré par le traité qui
énumère les institutions dans son article 7.
Le terme d' " organe " est couramment employé pour viser
toutes les instances établies par les traités ou par des actes de
droit dérivé. Il résulte sans ambiguïté de la
jurisprudence de la Cour que l'obligation de respecter les droits fondamentaux
s'impose également aux Etats membres lorsqu'ils agissent dans le cadre
du droit communautaire (Arrêt du 13 juillet 1989, Wachauf, affaire 5/88,
rec. p.2609). Tout récemment, la Cour de justice a confirmé cette
jurisprudence dans les termes suivants : "De plus, il y a lieu de rappeler que
les exigences découlant de la protection des droits fondamentaux dans
l'ordre juridique communautaire lient également les Etats membres
lorsqu'ils mettent en oeuvre des réglementations communautaires..."
(Arrêt du 13 avril 2000, aff. C-292/97, attendu 37, non encore
publié). Le second paragraphe confirme que la charte ne peut avoir
d'incidences sur les compétences et tâches conférées
par les traités à la Communauté et à l'Union.
Article 47
. Limitation des droits garantis
Toute limitation à l'exercice des droits et libertés reconnus par
la présente Charte doit être prévue par l'autorité
législative compétente. La substance même desdits droits et
libertés doit être respectée. Dans le respect du principe
de proportionnalité, toute limitation doit rester, dans les limites
nécessaires à la protection d'intérêts
légitimes dans une société démocratique.
Elle ne peut excéder celles permises par la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Exposé des motifs
L'objet de cette disposition est de fixer le régime
général des limitations. L'article établit qu'en aucun cas
il n'est possible d'aller au-delà du régime de limitation
prévu par la Convention européenne des droits de l'homme laquelle
constitue un standard minimum. Il en résulte que lorsque la Convention
ne permet pas de limiter certains droits, ceux-ci ne pourront pas l'être
non plus sur la base du droit communautaire. S'agissant du régime de
limitation propre à l'Union, la formule s'inspire de la jurisprudence de
la Cour de justice :"...selon une jurisprudence bien établie, des
restrictions peuvent être apportées à l'exercice des droits
fondamentaux, notamment dans le cadre d'une organisation commune de
marché, à condition que ces restrictions répondent
effectivement à des objectifs d'intérêt
général poursuivis par la Communauté et ne constituent
pas, par rapport au but poursuivi, une intervention démesurée et
intolérable, qui porterait atteinte à la substance même de
ces droits" (arrêt du 13 avril 2000, aff. C-292/97, considérant
45).
Article 48
. Conditions et limites définies dans le
traité.
Les droits reconnus par le traité instituant la Communauté
européenne s'exercent dans les conditions et limites définies par
celui-ci.
Exposé des motifs
Cet article a pour effet de renvoyer au traité lorsque les droits en
cause sont définis par le traité lui-même. Il en va ainsi
pour certains droits comme la liberté de mouvement, le droit de
participer aux élections européennes et municipales, le droit de
saisir le médiateur, le droit de pétition etc...
Article 49
. Niveau de protection
Aucune disposition de la présente Charte ne sera
interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de
l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ
d'application respectif, par les constitutions des Etats membres, le droit
international et les conventions internationales auxquelles sont parties
l'Union, la Communauté ou tous les Etats membres, et notamment la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales.
Exposé des motifs
L'objet de la disposition est clair. Il vise à préserver le
niveau de protection offert actuellement par le droit de l'Union, le droit des
Etats membres et le droit international. En raison de son importance, mention
est faite de la Convention européenne des droits de l'homme qui
constitue dans tous les cas un standard minimum. La référence
à la Convention européenne des droits de l'homme s'entend
évidement de la Convention telle qu'elle est ou sera
interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme
en vertu du principe selon lequel toute interprétation s'incorpore au
texte interprété. Il en va de même de la jurisprudence de
la Cour de justice des Communautés européenne en ce qui concerne
le droit communautaire.
Article 50
. Interdiction de l'abus de droit
Aucune des dispositions de la présente Charte ne peut être
interprétée comme impliquant un droit quelconque de se livrer
à une activité ou d'accomplir un acte visant à la
destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente
Charte ou à des limitations plus amples des droits et libertés
que celles prévues par la présente Charte.
Exposé des motifs
Cet article reproduit l'article 17 de la Convention européenne des
droits de l'homme :
" Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut
être interprétée comme impliquant pour un Etat, un
groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une
activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des
droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou
à des limitations plus amples de ces droits et libertés que
celles prévues à ladite Convention ".