3. Des effets redistributifs incertains ?
Les
contrats de plan exercent-ils pour autant des effets redistributifs entre les
régions ?
Certains ministères estiment que oui, pour leur domaine d'action tout du
moins.
Ainsi, selon le secrétariat d'Etat au
Commerce extérieur
,
"
la répartition des crédits commerce extérieur
des contrats de plan Etat-Régions permet de procéder à
certaines compensations budgétaires entre régions, selon leur
plus ou moins grande aptitude à favoriser les stratégies
d'internationalisation de leurs entreprises, et donc d'atténuer certains
déséquilibres interrégionaux
". De même, le
secrétariat d'Etat à
l'Industrie
estime que "
plus
de moyens ont été accordés aux régions
touchées par les conversions industrielles
". Enfin, le
ministère de la
Culture
indique qu'il "
s'efforce de
redéployer les crédits en faveur des régions peu
favorisées en matière culturelle. Les contrats de plan
constituent ainsi l'un des outils privilégiés en matière
d'aménagement du territoire
".
Ces secteurs ne représentent toutefois qu'une très faible part
des engagements contractualisés.
Dans l'ensemble, selon la DATAR, "
l'effet redistributeur des contrats
de plan ne peut véritablement être mesuré
".
C'est d'ailleurs ce que suggère le tableau récapitulatif
ci-dessous, qui récapitule les enveloppes allouées à
chaque région par l'Etat dans le cadre des troisièmes contrats de
plan, ainsi que quelques données socio-économiques extraites de
l'édition 1993 de la publication de l'INSEE "
La France et ses
régions
", qui correspondait aux dernières
données connues au moment de l'élaboration des contrats de plan
1994-1999.
Les
engagements contractualisés de l'Etat
rapportés à
quelques indicateurs socio-économiques tels que connus en
1993
Régions |
Enveloppe en francs par habitant (1) |
PIB par
habitant en 1989
|
Taux de
chômage BIT en 1991
|
Groupe 1 |
|
|
|
Limousin |
2 134 |
83,4 |
8,4 |
Nord-Pas-de-Calais |
2 086 |
87,3 |
12,6 |
Lorraine |
1 903 |
92,2 |
8,7 |
Bretagne |
1 860 |
87,2 |
9,9 |
Auvergne |
1 858 |
87,5 |
9,9 |
Poitou-Charentes |
1 585 |
86,9 |
10,6 |
Groupe 2 |
|
|
|
Languedoc-Roussillon |
1 745 |
84,4 |
14,0 |
Basse-Normandie |
1 598 |
90,1 |
9,4 |
Picardie |
1 377 |
91,2 |
10,0 |
Champagne-Ardenne |
1 335 |
103,1 |
9,8 |
Haute-Normandie |
1 305 |
107,4 |
11,4 |
Bourgogne |
1 286 |
96,0 |
8,6 |
Aquitaine |
1 091 |
96,3 |
10,6 |
Pays de Loire |
973 |
94,0 |
10,2 |
Groupe 3 |
|
|
|
Corse |
2 780 |
75,5 |
10,6 |
Midi-Pyrénées |
1 736 |
87,3 |
9,4 |
Franche-Comté |
1 649 |
98,5 |
7,8 |
Alsace |
1 387 |
111,7 |
5,2 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
1 024 |
99,8 |
11,8 |
Centre |
1 012 |
99,6 |
8,5 |
Rhône-Alpes |
962 |
107,8 |
8,2 |
Groupe 4 |
|
|
|
Ile-de-France |
1 047 |
166,0 |
7,9 |
Moyenne Métropole |
1 366 |
|
9,5 |
1.
Recensement de 1990.
Source : La France et ses Régions, éditions 1993,
INSEE.
Quoi qu'il en soit, les effets (re)distributifs exercés par les
dépenses inscrites dans les contrats de plan sont probablement
très
faibles
:
- les contrats de plan représentent en effet moins de
1 % des
dépenses
de
l'Etat
. Par exemple, la redistribution
opérée entre les régions par les actions
contractualisées est sans doute moitié moindre que celle qui
résulte des dépenses de l'Etat au titre du revenu minimum
d'insertion (RMI) ;
- en outre, comme le souligne la DATAR, "
il est difficile de parler
d'effet redistributeur dès lors que cet effet peut être
diminué ou relativisé par des interventions
hors contrat de
plan
". A titre d'exemple, une étude réalisée
par le ministère de l'Agriculture et de la Pêche montre que les
dotations des contrats de plan exercent dans l'ensemble des effets
redistributifs de sens inverse, mais d'amplitude bien moindre, que les
crédits versés par le ministère dans le cadre de sa
politique générale et dans le cadre du FEOGA (cf. encadré
ci-dessous).
LES EFFETS REDISTRIBUTIFS INTERRÉGIONAUX DES CRÉDITS CONTRACTUALISÉS : L'EXEMPLE DE L'AGRICULTURE.
Selon le
ministère de l'Agriculture et de la Pêche, le ratio enveloppe
Agriculture des troisièmes contrats de plan / unités de travail
agricole (UTA) connut de très grand écarts entre
régions : de 33 051 francs pour la Corse à 2 408 francs
pour Champagne-Ardennes, autour d'une moyenne nationale de 6 777 francs
par UTA.
Outre la Corse, cinq régions dépassaient ainsi 10 000 francs par
UTA, soit, par ordre décroissant, Languedoc-Roussillon,
Midi-Pyrénées, Limousin, Lorraine et Nord-Pas-de-Calais.
A l'inverse, outre Champagne-Ardenne, cinq régions ont
bénéficié de moins de 3 500 francs par UTA :
Centre, Ile-de-France, Pays de la Loire, Picardie et Poitou-Charentes.
Dans l'ensemble, ces écarts compensaient partiellement les écarts
observés en matière de subventions dans le cadre du FEOGA et des
politiques générales du ministère.
Néanmoins, les concours publics à l'agriculture dans le cadre des
contrats de plan ne représentent que quelques pour cents de l'ensemble
des subventions agricoles.
La capacité des contrats de plan à constituer un outil de
redistribution, au profit notamment des exploitations ou des régions
d'agriculture moins intensive, est donc très limitée.
Au total, il semble difficile de croire que la
procédure
des
troisièmes contrats de plan ait pu favoriser une meilleure
péréquation régionale des interventions de l'Etat.
La procédure des troisièmes contrats de plan n'a donc pas atteint
l'objectif
qui lui avait été fixé par les CIAT de
1992 et 1993.
Cet objectif était toutefois particulièrement délicat
à atteindre, puisque les écarts de développement entre les
régions ne font pas l'objet d'une analyse partagée.