M. le président. Par amendement n° 116, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36 du code des postes et télécommunications.
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement tend à refuser la création d'une autorité de régulation des télécommunications qui assurerait une partie importante des pouvoirs régaliens de l'Etat.
La création de l'autorité de régulation des télécommunications revêt, nous l'avons déjà souligné, un caractère particulier au regard de la tradition du service public à la française.
Elle présente surtout la particularité de rompre avec une tradition inscrite dans notre pays par la pratique, celle de la maîtrise publique sur un certain nombre de grandes fonctions collectives, dont il apparaît, à l'usage, qu'elle participe à la maîtrise du développement social et économique équilibré de l'ensemble de la collectivité nationale.
La nouveauté, en apparence, c'est que, pour la première fois, le secteur des télécommunications est placé sous la responsabilité d'un organisme dont l'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique se limite au fait que ses membres sont nommés et irrévocables et que cette autorité va se substituer à l'Etat pour un grand nombre de missions.
Cette indépendance vis-à-vis du politique est toutefois contrebattue par une dépendance de fait bien plus forte de ladite autorité vis-à-vis des seules règles du marché.
Il existe d'ailleurs, et c'est significatif de la démarche gouvernementale, d'autres structures dont le rôle aurait pu être valorisé à l'occasion de ce projet de loi, sans recourir à la constitution de cette autorité.
En effet, rien ne permettait d'exclure que le Conseil supérieur des postes et télécommunications, au sein duquel est assurée la représentation parlementaire, ne dispose de pouvoirs nouveaux, en sortant quelque peu de la mission consultative où il est aujourd'hui cantonné.
Et, même si les parlementaires, membres de ce Conseil, ont pesé, parce qu'ils proviennent d'abord des rangs de la majorité parlementaire actuelle, pour rendre un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi, il n'en demeure pas moins que nous pouvions fort bien concevoir de nouvelles attributions du Conseil supérieur.
Alors, pourquoi ce choix d'une autorité indépendante ? Tout simplement pour faire comme les autres pays de la Communauté européenne ou les pays d'Amérique du Nord, qui ont confié le soin de réguler les marchés de la télécommunication à de telles structures.
Les missions de l'autorité de régulation sont d'ailleurs singulièrement étendues et posent de réelles questions sur le degré de la conception démocratique qui anime ce Gouvernement.
Il y a, en effet, dans le schéma qui nous est proposé, une substitution importante de la puissance publique au profit de cette autorité qui nous fait nous interroger sur le devenir même de l'activité ministérielle en matière de télécommunications.
Elle nous fait aussi nous interroger sur les procédures qui vont être suivies à l'avenir pour assurer le développement des services de télécommunication, sur les modalités de recours quant aux règles et aux principes, sur le droit des salariés du secteur à intervenir dans l'amélioration de la gestion quotidienne du service.
Cela nous appelle, en fait, à nous pencher sur le devenir même de la notion de service public et sur celui de France Télécom.
Dans quelques jours, en effet, nous allons mener un débat de fond sur le statut de l'exploitant public, le projet de loi prévoyant la possibilité de céder 49 p. 100 du capital de France Télécom au secteur privé.
Dans ce contexte, il y a d'ailleurs fort à parier que le Gouvernement choisira rapidement de dépasser ce seuil et de parvenir à une privatisation de fait de notre opérateur public, ce qui n'ira pas sans poser quelques problèmes, notamment en matière de service universel de base.
Alors, l'autorité de régulation des télécommunications jouera le rôle auquel la prédestine le projet de loi : celui d'unique dépositaire, et bien imparfait, de la puissance publique en matière de télécommunications.
Dans ce domaine crucial des télécommunications, il est à notre avis impératif d'accorder tout pouvoir à la puissance publique et à la représentation des citoyens, eux-mêmes usagers.
Cette orientation n'est pas celle du pouvoir dans ce projet de loi, et c'est pour cela que nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l'article L. 36 du code des postes et télécommunications.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je le confirme, la commission est défavorable à cet amendement. Nous sommes beaucoup moins préoccupés par le devenir du ministre lui-même que les auteurs de l'amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 116, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 36 du code des postes et télécommunications.
(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 36-1 DU CODE DES POSTES
ET TÉLÉCOMMUNICATIONS