M. le président. Sur le texte proposé pour l'article L. 36-1 du code des postes et télécommunications, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 117, MM. Billard, Leyzour, Minetti et Ralite, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-1 du code des postes et télécommunications.
Par amendement n° 166, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Pastor et Saunier, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-1 du code des postes et télécommunications :
« Art. L. 36-1. - L'Autorité de régulation des télécommunications comprend cinq membres nommés par décret pour un mandat de six ans.
« Elle est composée :
« - d'un membre nommé par le président de l'Assemblée nationale ;
« - d'un membre nommé par le président du Sénat ;
« - d'une personnalité qualifiée désignée par la commission supérieure du service public des postes et télécommunications ;
« - d'un magistrat ;
« - d'un représentant des usagers.
« Les membres de l'Autorité ne sont pas révocables ni renouvelables.
« Ils sont renouvelables par tiers tous les deux ans.
« Son président est élu en son sein pour six ans.
« Si l'un des membres de l'Autorité ne peut exercer son mandat jusqu'à son terme, le membre nommé pour le remplacer exerce ses fonctions pour la durée du mandat restant à courir.
« Un décret pris en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
Par amendement n° 72, Mme Bardou, MM. Emin, Revol, Rigaudière et Moinard proposent d'insérer, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-1 du code des postes et télécommunications, après les mots : « en raison de leur qualification », les mots : « , notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire et de la connaissance des besoins des utilisateurs, ».
Par amendement n° 37, M. Gérard Larcher, au nom de la commission, propose d'insérer, après le troisième alinéa du texte présenté par l'article 6 pour l'article L. 36-1 du code des postes et télécommunications, un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorité de régulation des télécommunications ne peut délibérer que si trois au moins de ses membres sont présents. Elle délibère à la majorité des membres présents.»
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 117.
M. Claude Billard. Cet amendement n° 117 revient sur la question des conditions de nomination des membres de l'autorité de régulation des télécommunications, notamment sur l'irrévocabilité.
Plusieurs réflexions de principe nous amènent à nous interroger, en effet, sur le caractère irrévocable de cette nomination.
Tout d'abord, nous nous interrogeons sur la durée même du mandat des membres de l'autorité de régulation des télécommunications. Elle serait, dans la pratique, de six ans, donc plus longue qu'un mandat de député !
Il y a pour le moins distanciation entre les durées de fonction des membres de l'autorité de régulation et les représentants de la nation eux mêmes.
Cette irrévocabilité appelle donc une indépendance forte dans les principes de l'ART vis-à-vis des pouvoirs politiques, même si cette indépendance se limite au fait que les membres de l'autorité pourront continuer à juger des conditions de fonctionnement du marché des télécommunications en dehors de toute volonté politique exprimée par la représentation nationale.
Ne serait-ce que pour cette raison, il conviendrait presque d'éviter la prise en compte du caractère irrévocable de la nomination des membres de l'autorité, de notre point de vue source de conflits entre une politique publique qui aurait le courage et les moyens de ses ambitions et une autorité qui n'aurait pour seule fonction que d'assurer les conditions de la concurrence sur ce qui est encore aujourd'hui d'abord un service public, avant d'être une source de profits.
C'est là, en effet, la deuxième raison qui nous fait nous opposer à l'irrévocabilité. L'autorité risque de se poser en gardien du temple, en défenseur de la liberté de la concurrence, alors même que ce qui a toujours bien fonctionné dans notre pays, c'est l'intervention publique en matière de télécommunications.
Ainsi, une autorité non élue, n'ayant de comptes à rendre à personne, fonctionnant sur le mode de la suspicion à l'égard du secteur public des télécommunications, s'opposerait à toute volonté publique découlant de la volonté populaire exprimée par le suffrage universel.
On nous explique que l'irrévocabilité est la condition de la liberté de décision des membres de l'autorité. Mais la liberté de décision assurée juridiquement par cette voie suffira-t-elle pour échapper aux sollicitations des opérateurs privés intervenant sur les marchés des télécommunications et qui sont, pour certains, passés maîtres, sinon experts, en trafic d'influence et en pressions diverses sur leurs interlocuteurs ?
La meilleure preuve ne nous en a-t-elle pas été donnée par les conditions de la reconduite de la concession d'exploitation de TF 1 à Bouygues ? L'autorité de tutelle indépendante - le CSA - n'a pas véritablement examiné les conditions d'exploitation du canal audiovisuel par ce qui est devenu une simple filiale d'un groupe du bâtiment, qui a d'ailleurs aujourd'hui beaucoup d'appétit en ce qui concerne les télécommunications.
Il ne suffira jamais, enfin, qu'on le veuille ou non, de décider de quelques incompatibilités entre les fonctions de membres de l'autorité et d'autres fonctions pour rompre effectivement tout lien entre l'exercice de ces responsabilités et les opérateurs appelés à intervenir sur le marché des télécommunications.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud, pour défendre l'amendement n° 166.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, nous sommes hostiles au principe même de la création de cette autorité de régulation. Néanmoins, comme il est probable qu'elle verra le jour, il serait, de notre point de vue, nécessaire que, outre les deux membres heureusement ajoutés par l'Assemblée nationale, qui sont nommés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat, un membre désigné par la Commission supérieure du service public, des postes et télécommunications siège au sein de l'autorité.
Etant donné ses pouvoirs de sanction et ses compétences en matière d'arbitrage entre les différentes catégories d'opérateurs, il est important qu'elle comporte également un magistrat et il n'est pas concevable qu'elle n'ait pas en son sein un représentant des usagers.
Nous avons donc proposé, sans modifier le nombre total des membres de l'autorité, que l'une des trois personnalités nommées par décret soit désignée par la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications et que siègent également un magistrat et un représentant des usagers.
M. le président. La parole est à Mme Bardou, pour défendre l'amendement n° 72.
Mme Janine Bardou. L'autorité de régulation des télécommunications aura dans sa mission à veiller à l'adéquation entre les moyens mis en oeuvre et les objectifs à atteindre des opérateurs licenciés.
Dans cet esprit, l'autorité de régulation doit comporter un membre qui sera porteur des préoccupations d'aménagement du territoire, un représentant des utilisateurs professionnels et un représentant des utilisateurs particuliers. Ainsi, ses avis et ses positions pourront faire autorité.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 37 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 117, 166 et 72.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il nous paraît important de prévoir l'instauration d'un quorum des trois cinquièmes pour les délibérations de l'autorité de régulation, dont on connaît maintenant les pouvoirs et l'importance. C'est l'objet de l'amendement n° 37.
La commission est défavorable à l'amendement n° 117.
Elle a été intéressée par la réflexion sur le magistrat mais, à l'examen, sachant que cette autorité de régulation sera entourée par le Conseil de la concurrence, éventuellement la cour d'appel et le Conseil d'Etat, elle a estimé que cela faisait déjà beaucoup de magistrats et a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 166.
La commission a examiné avec beaucoup d'attention l'amendement n° 72. Cependant, en présentant son objet, madame Bardou, vous avez souhaité que cette autorité de régulation, dont je rappelle qu'elle est limitée à cinq membres, se dote d'un « porteur des préoccupations d'aménagement du territoire et d'un représentant des utilisateurs ». Cette formulation diffère de l'objet de l'amendement, qui est ainsi rédigé : « notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire et de la connaissance des besoins des utilisateurs »
Nous retrouverons les utilisateurs ailleurs. Quant à l'aménagement du territoire, il recouvre des préoccupations qui sont avant tout « régaliennes », c'est-à-dire qu'elles relèvent de l'Etat, de ses représentants et du Parlement. Voilà pourquoi, après un débat long mais sympathique, nous avions émis un avis de « sagesse prudente et partagée » que je confirme devant la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 117, 166, 72 et 37 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 117, qui revient à transformer profondément l'autorité de régulation, l'une des pierres angulaires de ce projet de loi.
Il est également défavorable à l'amendement n° 166, pour les raisons qu'a indiquées à l'instant M. le rapporteur.
Il est encore défavorable, je le regrette, madame Bardou, à l'amendement n° 72, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, parce que l'autorité de régulation n'a pas vocation à se préoccuper de questions d'aménagement du territoire. C'est une responsabilité qui revient au Gouvernement, à l'Etat, et sûrement pas à un organisme dont la mission est la régulation du marché, les problèmes contentieux et l'arbitrage. Pourriez-vous imaginer que, pour nommer les magistrats des tribunaux administratifs, on exige d'eux qu'ils aient des compétences en matière d'aménagement du territoire ?
Il y a là, à mon avis, un contresens sur le rôle même de l'autorité de régulation.
J'ajoute qu'il ne serait pas inutile que l'un des cinq membres de cette autorité ait quelques connaissances en matière de télécommunications, ce qui n'est même pas précisé dans le texte.
Je crois, madame le sénateur, qu'il vous faut faire confiance à la fois au Gouvernement et au Parlement pour être les garants d'une politique d'aménagement du territoire. Cette dernière ne peut pas, en effet, être prise en charge par une autorité de régulation qui exerce des responsabilités économiques dans la régulation du marché des télécommunications et qui joue un rôle d'arbitrage.
Je souhaiterais donc, madame Bardou, que vous acceptiez de retirer cet amendement ; s'il n'en allait pas ainsi, le Gouvernement émettrait alors un avis défavorable sur l'amendement n° 72.
Enfin, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 37.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 166.
Mme Danièle Pourtaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Je tiens simplement à indiquer à M. le ministre que je suis étonnée de l'avoir entendu dire à l'instant à Mme Bardou que, plutôt qu'un membre qualifié dans le domaine de l'aménagement du territoire, il aurait été préférable de prévoir, au sein de l'autorité de régulation des télécommunications, un membre compétent en matière de télécommunications, ce qui, comme il l'a effectivement remarqué voilà un instant, n'est pas le cas. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons proposé qu'un des membres de cette autorité soit désigné par la commission supérieure du service public des postes et télécommunications : cela nous semblait être un gage de compétence et de connaissance du secteur.
Je voudrais rappeler à M. le rapporteur que nous avons longuement évoqué dans la discussion générale les risques de conflits de compétences ou de frontières de compétences entre le conseil de la concurrence, l'autorité de régulation, voire le CSA. C'est pourquoi nous avions pensé que la présence d'un magistrat au sein de l'autorité permettrait d'éliminer une partie des conflits.
Par ailleurs, je suis étonnée de n'entendre ni M. le ministre ni M. le rapporteur se préoccuper de la position des usagers dans ce domaine, alors que, à en croire l'exposé des motifs du projet de loi, l'un des soucis des auteurs de ce dernier était précisément de répondre aux inquiétudes des usagers, lesquels ont parfois le sentiment que France Télécom ne les écoute pas assez.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. En portant à cinq le nombre des membres de l'autorité de régulation des télécommunications, l'Assemblée nationale a exaucé les souhaits de la commission des affaires économiques et du Plan, exposés dans le rapport d'information : L'avenir de France Télécom : un défi national. Je suis donc certain que le président du Sénat aura à coeur de choisir un membre de l'autorité de régulation qui prendra en compte l'ensemble des préoccupations que nous avions exprimées dans ce rapport d'information, à savoir l'aménagement du territoire, la prise en compte de la défense des utilisateurs, l'adaptabilité et la réactivité de l'entreprise.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 166, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Bardou, l'amendement n° 72 est-il maintenu ?
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, je dirai, avant de répondre à votre question, qu'il est possible d'avoir des qualifications à la fois dans le domaine de l'aménagement du territoire et dans celui des télécommunications.
Je maintiens cet amendement, car l'autorité de régulation a des pouvoirs. L'aménagement du territoire est du ressort de l'Etat, certes, mais dans ses termes les plus généraux. Par conséquent, la présence d'une personne qualifiée dans le domaine de l'aménagement du territoire apporterait, à mon avis, une contribution positive à cette autorité de régulation.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. Emmanuel Hamel. Très bien, madame !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 36-1 du code des postes et télécommunications.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 36-2 DU CODE DES POSTES
ET TELECOMMUNICATIONS