M. le président. M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la très forte dégradation de la situation des professions du bâtiment et des travaux publics : atonie du marché des particuliers, désengagement budgétaire de l'Etat, fiscalité excessive, désintérêt des banques, travail au noir, etc.
Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour apaiser les inquiétudes et relancer le marché. (N° 398.)
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur la crise sans précédent que traverse le secteur du bâtiment et des travaux publics. Le marché des particuliers, déjà peu actif, s'est à nouveau dégradé depuis le mois de janvier, en dépit de la publicité faite autour du prêt dit à taux zéro, qui s'est soldé par un échec cuisant.
Le désengagement de l'Etat en matière de logement social accentue ce marasme, alors que les transferts et les prélèvements sur le budget des collectivités locales stérilisent la capacité d'investissement de nos mairies, de nos départements et de nos régions.
La fiscalité excessive, aggravée par le relèvement de la TVA voilà un an, décourage ceux qui aspirent à la rénovation d'un logement ancien ou à la construction d'un pavillon. Le désintérêt des banques, qui préfèrent en général la spéculation immobilière, ainsi que les déboires du Crédit foncier de France participent à cet environnement peu propice.
Je n'aurai garde d'oublier le travail au noir, à l'encontre duquel la loi Aubry de 1992 a prévu des procédures dissuasives, mais encore faudrait-il que les inspecteurs du travail ne soient pas entravés dans l'exercice de leur mission et surtout qu'ils soient en nombre suffisant.
Or voilà que, dans ce climat très sombre, on annonce que le Gouvernement pourrait ne pas honorer son engagement concernant les contrats de plan Etat-région. Conclus pour cinq ans, ceux-ci seraient étalés sur six ans, pour des raisons d'économie. On imagine sans peine les conséquences néfastes d'une telle décision sur le logement social, les routes et les équipements importants. Au-delà même des sommes en jeu, ce serait un signal négatif donné à tout un secteur d'activité ; on assisterait à un véritable séisme.
Or, les professions du bâtiment et des travaux publics représentent un potentiel d'emplois considérable dans notre pays, tout particulièrement dans ma région et dans mon département. Les grands groupes peuvent, à la rigueur, équilibrer leur exercice à l'étranger, mais il ne faut pas oublier les petites entreprises artisanales qui sont tributaires du marché local.
A cet égard, 13 200 personnes sont directement concernées par le bâtiment et les travaux publics dans l'Hérault, au sein du secteur artisanal, soit 40 p. 100 de l'ensemble des chefs d'entreprise recensés par la chambre de métiers. Ces mêmes entreprises ont réalisé un chiffre d'affaires de 3 milliards de francs.
En 1994 et en 1995, 662 emplois avaient été créés, en dépit de la morosité générale. Nous craignons une hécatombe si le Gouvernement n'intervient pas.
Simultanément, le report du contrat de plan conclu entre l'Etat et la région Languedoc-Roussillon aurait notamment pour effet de retarder l'important programme autoroutier de l'autoroute A 75 et de l'autoroute A 750, qui irrigue les deux tiers du département.
Quant à la profession d'architecte, qui fait l'honneur de notre pays, elle sera en voie de disparition pour peu que la crise continue. Ce serait irréparable.
Monsieur le ministre, ces données vous sont connues. Elles ont été rappelées avec force lors d'une récente mobilisation nationale des organisations représentatives de l'artisanat et du bâtiment et des travaux publics.
Pour l'instant, vous n'avez apporté aucune réponse à cette inquiétude alors qu'un vent de révolte commence à se lever. C'est pourquoi j'attends de vous, monsieur le ministre, non pas une déclaration d'intention mais des réponses concrètes quant à votre volonté de relancer très rapidement le marché de l'immobilier et d'alléger les charges de ces professions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé une véritable question. L'activité des entreprises du bâtiment et des travaux publics était en effet préoccupante au début de l'année 1996. Puis, vous vous êtes laissé emporter. Vous avez cherché à polémiquer et vous avez énoncé - excusez-moi de vous le dire - une contre-vérité notoire. Il n'y a que vous, monsieur le sénateur, pour parler d'un échec cuisant du prêt à taux zéro.
Sachez qu'on a accordé deux fois plus de prêts de cette nature en six mois que de prêts d'accession à la propriété en un an.
Tout le monde sait bien aujourd'hui que le prêt à taux zéro est un grand succès et qu'une reprise des ventes est enregistrée. Mais tout le monde sait aussi, hélas ! qu'un certain nombre de mois s'écouleront avant que cette reprise ne se traduise dans les carnets de commandes des entreprises du bâtiment, a fortiori lorsqu'il s'agit d'artisans du second oeuvre.
Dès lors, il faut analyser sereinement et sans esprit de polémique une situation qui, pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics, est effectivement préoccupante, surtout si l'on se réfère au premier semestre de cette année.
Plusieurs facteurs devraient concourir, à partir du second semestre, à une reprise de la demande de logements neufs.
Le prêt à taux zéro mis en place en octobre 1995 commence à jouer un rôle déterminant dans le financement de l'accession sociale à la propriété.
La déduction fiscale de l'amortissement d'un logement neuf destiné à la location, votée à la fin du mois de mars par le Parlement, devrait contribuer à relancer vivement l'investissement locatif. Mais, là aussi, un certain temps s'écoulera avant que cette reprise des ventes se traduise en termes de carnets de commande pour les entreprises. Ces délais sont incompressibles.
Par ailleurs, l'assouplissement des conditions de financement des logements intermédiaires devrait relancer la demande relative à ce type de logement.
De plus, pour la première fois depuis plusieurs décennies, le rendement de l'investissement immobilier devient analogue à celui des différentes formes de placement.
Enfin, la baisse très significative des taux d'intérêt, résultat de la politique économique menée par le Gouvernement depuis un an, crée les conditions d'une réelle amélioration de la situation avant la fin de 1996. A cet égard, les premiers résultats obtenus dans le secteur de la maison individuelle depuis quelques mois sont encourageants.
Dans le secteur des travaux publics, la situation reste préoccupante après une année 1995 marquée par un recul de 4,3 p. 100 en volume. Le secteur est en récession depuis la fin de 1991.
Les travaux routiers commandés par l'Etat pourraient, en 1996, enregistrer une décroissance en volume, selon le niveau des régulations budgétaires qui seront mises en oeuvre.
La commande des collectivités locales sera sans doute aussi en retrait, compte tenu du resserrement de leur marge de manoeuvre. Toutefois, la récente mesure relative aux prêts CODEVI aux collectivités locales devrait limiter cette tendance à la baisse des dépenses d'infrastructures, en relançant un certain nombre de travaux retardés par le renouvellement des conseils municipaux.
Mais l'effort financier en faveur du réseau autoroutier sera une nouvelle fois en forte progression et devrait permettre aux entreprises de travaux publics de réaliser, sur ce segment d'activité, un chiffre d'affaires de plus de 16 milliards de francs, soit une progression de 16 p. 100 en volume par rapport à 1995.
Le secteur des travaux ferroviaires sera aussi très dynamique cette année, compte tenu de la montée en charge des travaux du TGV Méditerranée puisqu'il connaîtra une croissance de 10 p. 100 en volume.
Ces facteurs positifs ne suffiront peut-être pas, nous le reconnaissons, à enrayer la baisse d'activité des entreprises de travaux publics qui enregistreront sans doute, en 1996, un nouveau repli d'activité.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Une baisse des taux d'intérêt, je vous l'accorde, monsieur le ministre, s'est en effet produite depuis quelques mois. Permettez-moi toutefois de souligner au passage que les décisions prises par l'Allemagne y sont au moins pour autant que la politique du Gouvernement français.
Quant au prétendu succès du prêt à taux zéro, j'ai le regret de vous dire que les professionnels ne partagent pas votre sentiment. Il suffit de se référer à l'évaluation globale des mises en chantier et des rénovations. Il s'est effectivement produit un transfert d'une forme de financement à l'autre. Les professionnels ne se seraient pas mobilisés comme ils viennent de le faire dans toute la France, s'ils n'estimaient pas que le nombre des réhabilitations de logements anciens et des constructions neuves n'allaient pas diminuer. Les chiffres de 1995 - je les ai sous les yeux mais je n'ai pas le temps de vous en donner lecture - sont affligeants et il en et de même des prévisions pour 1996. Vous l'avez souligné d'ailleurs au cours de votre réponse, monsieur le ministre.
Nous sommes également d'accord sur le constat mais pas sur le fond. Vous reconnaissez la baisse des investissements des collectivités locales que vous attribuez au renouvellement des conseils municipaux. Mais, monsieur le ministre, vous le savez mieux que personne, c'est la charge énorme que fait peser l'Etat sur les budgets qui explique, hélas ! ce désinvestissement, lequel nourrit la spirale infernale.
Quant aux travaux publics, nous serons un peu plus d'accord, puisque vous reconnaissez qu'il y a eu l'an dernier une baisse significative et qu'il y aura malheureusement encore une diminution cette année. Je souhaiterais d'ailleurs être rassuré sur les investissements concernant les autoroutes A 75 et A 750.
J'aimerais aussi, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez comment vous voyez l'avenir de la profession d'architecte, après l'hécatombe - le mot n'est pas trop fort - et les nombreux dépôts de bilan.
M. le président. En réalité, monsieur Delfau, la réplique est faite pour répondre et non pour poser d'autres questions !
M. Gérard Delfau. C'est un dialogue démocratique ! (Sourires.)
M. le président. Oui, mais c'est une autre procédure !
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