M. le président. Mme Danielle Bidard-Reydet attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conditions de la rentrée scolaire dans le département de la Seine-Saint-Denis.
La réalité économique et sociale de ce département rend les conditions d'enseignement particulièrement difficiles. Dans ce contexte, l'échec scolaire est important et les résultats départementaux aux examens sont inférieurs à ceux de la région parisienne et à ceux de notre pays. Cette situation appelle donc un effort exceptionnel de rattrapage.
Elle souhaite qu'il lui expose ses propositions pour la rentrée prochaine afin de permettre la réduction de l'échec scolaire et la promotion de la réussite scolaire en Seine-Saint-Denis. (N° 394.)
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le ministre, actuellement se prépare la prochaine rentrée scolaire en Seine-Saint-Denis. Avec tous ceux qui s'engagent pour obtenir des moyens à la hauteur des besoins scolaires du département, dont vous connaissez les difficultés, j'ai régulièrement signalé à M. le ministre de l'éducation nationale les problèmes rencontrés. Ces multiples interventions ont permis de corriger certaines situations.
Cependant, subsistent quelques graves préoccupations, je pense notamment aux résultats départementaux pour le baccalauréat. Nous accusons un différentiel de 10 à 12 points par rapport à la moyenne nationale. Vous comprendrez que nous souhaitions combler ce retard en obtenant des mesures permettant de réduire cet écart négatif en intervenant sur des points précis.
Pour l'école maternelle, si nous gardons nos postes, le très grand retard dans la scolarisation des enfants de deux à trois ans, 17 p. 100 contre 35 p. 100 au niveau national, n'est pas en voie de résorption. En outre, les postes d'enseignants en aide infantile scolaire restent très souvent pourvus exclusivement par de jeunes instituteurs débutants et non par des personnels ayant bénéficié d'une formation spécialisée. Un plus grand nombre d'instituteurs permettrait des départs en formation.
Pour l'école primaire, vos services annoncent cinquante-six fermetures de classes, motivées administrativement par une réduction du nombre des élèves. Il eût été plus juste d'utiliser cette donnée pour améliorer les conditions d'enseignement.
Pour les collèges, pour une diminution de 168 élèves, vos services réduisent la dotation départementale de 324 heures. L'aide au quarante-six collèges reconnus difficiles, qu'ils soient en zone d'éducation prioritaire, sous contrat de ville ou en zone sensible, baisse également.
Enfin, cinquante-huit sur cent neuf collèges du département verront baisser, parfois fortement, leur dotation au titre de l'aide aux élèves en difficulté. Ce sont des mesures qui nous inquiétent.
Pour les surveillants, le taux moyen d'encadrement dans la Seine-Saint-Denis est, là aussi, inférieur au taux national. Afin de revenir au taux de 1962, il faudrait recruter 329 étudiants surveillants. Il faut également signaler que cinq collèges n'ont pas de poste de conseiller d'éducation et que sept n'ont qu'un demi-poste de documentaliste.
Pour les lycées d'enseignement général et technologique, alors que l'on attend une augmentation de 580 élèves, le rectorat nous impose une diminution de 29 postes qui s'accompagne de l'accroissement du taux d'heures supplémentaires-année. Cette décision va à l'encontre de la création de postes de titulaires.
J'évoquerai rapidement la sous-dotation départementale pour les ATOS et le fait que les demandes de mutation des chefs d'établissement pour notre département, compte tenu des difficultés d'exercice, sont très inférieures aux postes à pourvoir. Là encore, nous avons un réel déficit.
M. Bayrou déclare régulièrement qu'il faut plus d'enseignants dans les zones difficiles, plus de surveillants dans les zones sensibles. Nous partageons cette conception, de même que nous sommes très attentifs aux souhaits des enseignants du département de travailler dans de meilleures conditions, pour faire face à des difficultés de plus en plus lourdes.
Ma question est la suivante : quelles mesures exceptionnelles comptez-vous prendre pour la Seine-Saint-Denis ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Mme Bidard-Reydet a posé une question finale mais elle a évoqué neuf problèmes auxquels je dois répondre.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Cela veut dire qu'il y a beaucoup de problèmes en Seine-Saint-Denis !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Madame le sénateur, je vais vous répondre et vous allez être satisfaite.
Vous avez raison de souligner l'existence de données sociales et économiques difficiles dans votre département, ainsi que leurs répercussions sur les résultats des élèves du département.
C'est pour répondre, et vous le savez, madame le sénateur, à cette situation que les services académiques, conformément aux directives nationales qui fixent comme objectif l'amélioration des résultats scolaires, ont défini trois axes prioritaires qui sont la maîtrise de la langue, l'éducation à la citoyenneté, et l'aide à l'émergence d'un projet personnel de l'élève.
Dans ce cadre, les établissements accueillant des publics en difficultés scolaires ou socio-économiques graves sont plus particulièrement aidés.
Madame le sénateur, l'amélioration porte essentiellement sur une baisse des effectifs par classe. Cela implique, vous le savez, la création de postes supplémentaires d'enseignants, de médecins, d'assistantes sociales scolaires, de surveillants, d'appelés du contingent et d'autres personnels. Les crédits pédagogiques sont également augmentés.
Je tiens à vous rappeler l'effort particulier que le Gouvernement a engagé pour votre département.
Ainsi, pour le premier degré, à la rentrée de 1995, ce sont 115 postes d'enseignant qui ont été mis en place. Les crédits pédagogiques ont doublé pour les écoles en zones d'éducation prioritaire et ont été multipliés par 1,5 pour les écoles en contrat de ville hors ZEP. Ces efforts représentent un surcoût total de 30 millions de francs.
Le département de la Seine-Saint-Denis bénéficie désormais de conditions de scolarisation plus favorables. La pause démographique conjuguée avec les créations d'emplois de ces dernières années a permis une nette progression du taux d'encadrement global qui est passé de 4,80 postes d'enseignant pour 100 élèves en 1989 à 4,97 en 1995.
Cet effort place votre département, madame le sénateur, à un niveau très supérieur au taux d'encadrement de référence des départements comparables par la structure du réseau des écoles. Je ne doute pas que M. Rouquet me demandera tout à l'heure la même chose.
M. René Rouquet. A peu près !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Dans le cadre de la préparation de la prochaine rentrée, la situation du département de la Seine-Saint-Denis a été examinée avec la plus grande attention pour que les améliorations déjà constatées soient poursuivies. C'est pourquoi il a été décidé de maintenir la dotation départementale en dépit d'une baisse attendue de près de 1 000 élèves et de créer un poste supplémentaire d'inspecteur de l'éducation nationale.
Je vous rappelle l'effort national accompli en faveur des zones d'éducation prioritaires. Les conditions de scolarisation dans ces zones ont fait l'objet d'une attention toute particulière puisque 600 postes d'enseignants du premier degré on été implantés sur l'ensemble du territoire, dans les quartiers difficiles, afin d'abaisser de façon significative, le nombre moyen des élèves en classe maternelle de trente élèves à vingt-sept.
Cet effort sera poursuivi en 1996 pour parvenir à une moyenne de vingt-six élèves par classe. En 1997, la moyenne sera de vingt-cinq. Dans le même temps, tous les enfants de deux ans dont les parents souhaitent l'admission en écoles maternelles seront accueillis dans les zones d'éducation prioritaires.
Pour le second degré, à la rentrée de 1995, ce sont 214 équivalents emplois d'enseignants qui ont été mis en place, auxquels il faut ajouter quatorze postes supplémentaires de principaux d'éducation, dix-neuf postes de surveillants, seize postes d'infirmières, quatorze postes d'assistantes sociales et soixante-treize postes d'appelés du contingent. Les crédits pédagogiques ont été doublés pour les collèges en ZEP et multipliés par 1,5 pour les collèges en contrat de ville hors ZEP. Ces efforts pour le second degré représentent un surcoût total de 76 millions de francs.
Au total, si l'on inclut les personnels médicaux et sociaux, les surveillants, les primes aux personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service, ATOS, on peut estimer à plus de 100 millions de francs annuels le surcoût que l'éducation nationale a consacré en 1995 à la politique de la ville.
Madame le sénateur, le ministre de l'éducation nationale demeure en tout état de cause attentif à la situation de votre département. Par ailleurs, je suis persuadé, connaissant votre objectivité, votre bonne connaissance des dossiers et votre expérience, que vous allez rendre dans votre réponse un hommage particulier et manifester une vivre reconnaissance à l'égard du Gouvernement.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. J'ai écouté très attentivement votre réponse, monsieur le ministre. Je la trouve certes très intéressante sur beaucoup de points, mais assez incomplète.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Oh !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je ne nie pas du tout les efforts qui ont été accomplis, je les reconnais. Mais il reste encore beaucoup à faire pour combler nos retards dans un certain nombre de domaines que j'ai évoqués.
Tout d'abord, monsieur le ministre, il faut absolument cesser de fermer des classes dans les quartiers qui présentent de grandes difficultés et qui accusent des signes d'échec scolaire ; comme c'est le cas en Seine-Saint-Denis, vous le savez bien. C'est le sens du plan d'urgence qui est réclamé par les enseignants, par les parents et par les élus, et dont je vous ai plusieurs fois proposé l'application.
Les éléments que vous avez donnés montrent que nous allons, progressivement, vers l'application de ce plan d'urgence. Il faut continuer l'effort.
Il est indispensable de tenir compte des spécificités des établissements en zones sensibles et d'admettre les différences d'encadrement significatives qui s'imposent.
La norme de fermeture au-dessous de 24,5 élèves est purement administrative et comptable. Elle ne tient pas compte des besoins des enfants.
Enfin, une autre priorité est l'exigence fondamentale de la bonne formation des personnels. La formation en nombre et en qualité des enseignants ainsi que l'indispensable revalorisation de leur métier sont des enjeux importants.
Nous savons qu'il existe dans notre département des enseignants insuffisamment formés, voire des personnels sans formation initiale. Il nous semble indispensable d'en établir une statistique départementale fiable.
Nous assistons également à un grand mouvement des personnels du fait de la dureté de leurs tâches, et l'accumulation des rotations ne permet pas l'installation d'équipes stables et motivées. Il est donc impératif de motiver les enseignants qui exercent leur métier dans des zones difficiles en leur accordant des allégements de leur temps de travail qu'ils consacreraient à la formation continue, et il faut réfléchir à des systèmes de valorisation de leur carrière.
La lutte contre l'échec scolaire dans les zones en difficulté ne saurait se passer de mesures exceptionnelles, monsieur le ministre.
Carte scolaire 1996-1997
pour le Val-de-Marne