ENTREPRISE NATIONALE FRANCE TÉLÉCOM

Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 391, 1995-1996) relatif à l'entreprise nationale France Télécom. [Rapport n° 406 (1995-1996).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
M. François Fillon, ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier le Sénat de la qualité du débat que nous avons eu hier, à l'ouverture de la discussion du projet de loi portant réforme du statut de l'entreprise France Télécom.
Si le Gouvernement a choisi d'ouvrir au Sénat ce débat sur l'avenir de France Télécom, c'est en raison de l'excellent travail accompli par M. Gérard Larcher et par la commission des affaires économiques. Comme j'ai eu plusieurs fois l'occasion de la dire, le projet de loi qui vous est soumis s'inspire très largement des recommandations que vous aviez alors faites.
Il n'y a donc, madame Luc, nulle précipitation de la part du Gouvernement. J'avais, en août 1995, clairement indiqué les objectifs et le calendrier. Comme vous le savez, nous avons engagé une négociation avec les personnels de France Télécom depuis le 15 mars 1996. C'est évidemment cette négociation qui a permis de rassurer la majorité des personnels et qui explique que l'on soit passé d'une opposition quasi totale en 1993, mais encore en 1995, à une opposition de moins d'un tiers des salariés en juin 1996, car l'histoire, monsieur Charzat, ne s'arrête pas le 11 avril !
Quel était l'objectif du Gouvernement dans cette affaire ? Il était double : offrir aux usagers du service public des télécommunications des services diversifiés et des tarifs adaptés à leurs besoins, mais aussi favoriser le développement des activités liées aux télécommunications qui représenteront, dans moins de dix ans, plus d'emplois que l'industrie automobile tout entière. Tel est le défi que nous devons relever et auquel seule la gauche française veut répondre au moyen du monopole de l'Etat. Je dis bien « seule » la gauche française, et je devrais ajouter seulement depuis qu'elle est dans l'opposition,...
M. Gérard Delfau. C'est faux !
M. François Fillon, ministre délégué. ... puisque, comme je vais le démontrer une nouvelle fois, l'ouverture à la concurrence de ce secteur a été largement engagée par les gouvernements de Michel Rocard et de Pierre Bérégovoy. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées socialistes.)
Je n'y fais pas référence, monsieur Mélenchon, pour justifier mon action,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faudrait savoir !
M. François Fillon, ministre délégué. ... mais, au contraire, une fois n'est pas coutume, j'y fais référence pour louer la continuité des positions françaises sur ce sujet, continuité qui a permis de faire inscrire pour la première fois dans le droit communautaire la notion de service public à la française.
Qu'on en juge : au début de 1986, le Gouvernement français soutient l'adoption de l'Acte unique et du Livre vert de la Commission sur le rôle des télécommunications dans la construction européenne. En 1989, sous la présidence française, le Conseil des ministres de l'Union européenne adopte une décision de libéralisation progressive de tous les services des télécommunications, à l'exception de la téléphonie vocale.
En 1991, M. Paul Quilès attribue à la Compagnie générale des eaux l'autorisation d'exploiter le premier réseau de téléphone mobile privé dans notre pays. Et je ne parle pas de la loi de 1990, dont M. Billard a parfaitement démontré qu'elle constituait la première étape vers la transformation en société commerciale que nous vous proposons aujourd'hui.
J'ai d'ailleurs noté que tous les arguments évoqués par M. Mélenchon contre cette réforme s'adressaient également à la loi de 1990, que lui, ou au moins ses amis - je n'ai pas pu vérifier ce point - ont pourtant votée.
En réalité, vous devriez vous féliciter d'avoir pressenti la révolution qui est en train de bouleverser le monde des télécommunications et qui se traduit par une explosion des besoins des utilisateurs à laquelle seule la diversité de l'offre peut répondre.
Si l'on considère l'exemple du radiotéléphone dans notre pays, il est aisé de constater que, tant que cette activité est restée dans le cadre du monopole, elle ne s'est pas développée, et que c'est à partir de l'année 1991, date à laquelle le deuxième réseau a été créé, que le marché a commencé à se développer. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît, y compris à France Télécom, que seule la présence de plusieurs opérateurs peut permettre de satisfaire, dans un délai raisonnable, les besoins des utilisateurs qui se manifestent sur ce point.
C'est pour organiser cette diversité de l'offre que l'Assemblée nationale et le Sénat viennent d'adopter la réforme de la réglementation des télécommunications.
Cette réforme renforce et garantit le service public, qui sera assuré, contrairement à ce qu'a dit M. Charzat, exclusivement par l'opérateur public France Télécom. Ce service public, qui préserve le principe de la péréquation géographique, correspond en tout point à celui auquel les Français sont attachés et que vous parez de toutes les vertus, monsieur Mélenchon. Sa définition en trois points constitue un réel progrès, puisque la loi de 1990 en comptait dix. Cette définition est surtout évolutive, puisque le Parlement pourra, au moins une fois tous les quatre ans, la réviser pour l'enrichir des nouveaux services dont on ne connaît pas encore aujourd'hui, pour la plupart d'entre eux, l'existence.
Si vous aviez participé, messieurs Charzat et Mélenchon, au débat essentiel qui s'est déroulé la semaine dernière sur l'ouverture à la concurrence du domaine des télécommunications, vous auriez su que la définition du service public que nous avons adoptée est la plus large et la plus généreuse qui soit en Europe. (Protestations sur les travées socialistes.)
Vous auriez également su que les services obligatoires seront rendus dans le respect des principes du service public et vous auriez sans doute évité de critiquer une liberté tarifaire qui correspond, dans les faits, à la situation qui prévaut depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1990, puisque ces services obligatoires, qui concernent essentiellement les entreprises, sont aujourd'hui équilibrés. (M. Jean-Luc Mélenchon proteste.)
M. Jean Chérioux. Soyez bon joueur, monsieur Mélenchon.
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur Mélenchon, nous prendrons le temps qu'il faudra, mais vous m'écouterez jusqu'au bout.
Au cours de la discussion générale, quatre grandes questions ont été posées.
La première tient aux raisons qui nous conduisent à souhaiter l'évolution du statut de France Télécom.
La deuxième a trait aux solutions proposées par le Gouvernement au problème des retraites. Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés de savoir si cette solution était de nature à permettre à France Télécom d'affronter la concurrence à armes égales.
La troisième concerne la libéralisation et ses conséquences sur l'emploi.
Enfin, la quatrième portait sur le point de savoir si les droits des salariés seront respectés dans cette réforme.
Pourquoi France Télécom doit-il évoluer ?
La décision de l'Union européenne d'ouvrir le marché des télécommunications à la concurrence est un événement considérable. Les directives européennes n'obligent pas les gouvernements à doter leur opérateur historique d'un statut de société commerciale. En réalité, vous, les socialistes, vous avez tellement l'habitude de vous dissimuler derrière Bruxelles que vous ne pouvez pas imaginer que le Gouvernement ait aujourd'hui un autre comportement. Jamais, nous n'avons prétendu que Bruxelles nous imposait cette réforme. D'ailleurs, Bruxelles n'a aucune raison de nous l'imposer : elle va de soi.
Tous les opérateurs en Europe, à l'exception de France Télécom, ont un statut de société commerciale ou sont en train de s'en doter.
M. Jean-Luc Mélenchon. France caméléon !
M. François Fillon, ministre délégué. Du moment que le marché est ouvert, Bruxelles ne se préoccupe pas du devenir de notre opérateur historique. C'est bien nous, parce que nous sommes attachés au service public, qui voulons le doter des armes qui lui permettront de survivre et de se développer malgré le choc frontal que va représenter l'ouverture de la concurrence en Europe.
Pour le Gouvernement, il y a au fond deux conditions essentielles au développement de France Télécom dans un marché ouvert.
La première, c'est la concrétisation d'alliances internationales durables. On voit bien quel sera le paysage des télécommunications dans quelques années. Il se dessine déjà très largement. Il y aura trois ou quatre grandes alliances mondiales qui permettront d'offrir des réseaux mondiaux sans coupure : l'une de ces alliances est organisée autour de British Telecom et de MCI ; une autre autour de AT&T et d'Unisource ; la troisième l'est autour de France Télécom, de Deutsche Telekom et de Sprint.
Pour que ces alliances soient durables, il faut qu'elles soient concrétisées par des liens capitalistiques et par des échanges de sièges d'administrateurs.
Croyez-vous vraiment que les autres actionnaires de Sprint accepteront pendant longtemps de voir un monopole d'Etat détenir 10 p. 100 de leur entreprise sans qu'eux-mêmes puissent accéder au capital de France Télécom ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faudra qu'ils s'y fassent !
M. François Fillon, ministre délégué. D'après vous, pourquoi France Télécom n'a-t-il été retenu par aucun des pays de l'Europe de l'Est comme opérateur de téléphone mobile ? Parce que ces pays, qui s'ouvrent à l'économie de marchés, n'ont pas voulu confier leurs intérêts à un monopole d'Etat...
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est lamentable !
M. François Fillon, ministre délégué... si performant soit-il, alors qu'ils démantèlent leurs propres monopoles. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Lamentable !
M. François Fillon, ministre délégué. Vous m'expliquerez, monsieur Charzat, pourquoi ce sont les Allemands qui ont remporté tous les marchés en Europe de l'Est !
MM. Jean Chérioux et René Trégouët. C'est tout à fait vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est lamentable !
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. C'est la réalité.
M. François Fillon, ministre délégué. La seconde condition est encore plus évidente. France Télécom doit disposer des mêmes règles de gestion que ses concurrents.
Le statut administratif qui est le sien ne lui autorise pas la souplesse et la réactivité de ses concurrents. C'est si vrai que vous-même avez ressenti le besoin d'alléger les contraintes administratives qui pesaient sur France Télécom avec la loi de 1990.
Si le dispositif que vous aviez alors imaginé pouvait fonctionner en situation de monopole, il est inadapté à l'ouverture à la concurrence. Tout le monde le comprend, même dans l'entreprise, et j'ai envie de dire même au parti socialiste où il s'est trouvé des voix, et non des moindres, comme celle de Mme Edith Cresson, pour défendre cette réforme.
J'en viens à la réforme des retraites. Plusieurs questions ont été posées à ce sujet, plusieurs contre-vérités ont été prononcées ; je vais donc tenter de clarifier le sujet.
Premier point, cette réforme ne concerne que le paiement des pensions aux retraités de France Télécom qui continueront à être versées par le budget de l'Etat comme à tous les fonctionnaires. Il n'est donc pas question, monsieur Billard, de créer un quelconque fonds de pension ou une quelconque caisse autonome de retraite, comme vous avez semblé vouloir le suggérer. C'est bien le budget de l'Etat qui versera directement les pensions.
Deuxième point, cette réforme est favorable à l'entreprise. Il s'agit de donner à France Télécom les mêmes armes que celles de ses concurrents. Cette réforme répond à l'objectif industriel que s'est fixé le Gouvernement de permettre à France Télécom d'être un opérateur de premier rang au niveau mondial. Le remboursement intégral des charges de retraite par l'entreprise, qui est le régime actuel, aurait constitué un handicap insurmontable pour l'entreprise dans quelques années ; les charges de retraite doivent doubler en francs constants d'ici à 2020.
L'Etat accepte donc de transférer, sur le budget général, des charges importantes et l'entreprise sera soumise au même niveau global de cotisations sociales que ses concurrents.
L'objectif est que le coût, pour France Télécom, d'un salaire net versé à un salarié soit égal au coût que supportent ses concurrents. Cela signifie, monsieur Trucy - et je réponds très directement à votre question - un taux de cotisation libératoire de 36,4 p. 100.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
Les charges de pension des fonctionnaires représentent, en valeur actualisée, 250 milliards de francs. L'entreprise contribuera pour 100 milliards de francs au fil des années, grâce à la cotisation libératoire que je viens d'évoquer. Pour placer France Télécom dans une situation équitable en la soumettant au même niveau global de cotisations sociales que ses concurrents, le projet de loi prévoit donc un transfert des charges de retraite des agents fonctionnaires de France Télécom au budget général de l'Etat.
Il s'agit naturellement d'une charge nouvelle et lourde pour l'Etat, et c'est pour en diminuer l'importance qu'il est prévu que France Télécom versera une contribution exceptionnelle à l'Etat, cette contribution ne compensant d'ailleurs que partiellement la charge qui incombera désormais au budget général.
Je vous l'ai dit, le souci premier et la volonté du Gouvernement, c'est de réussir l'ouverture du capital de France Télécom. Le montant de cette contribution doit être compatible avec les standards internationaux en matière de bilan des entreprises du secteur des télécommunications. Les travaux sont en cours, mais j'ai indiqué hier que, selon les premières conclusions, cette contribution ne dépasserait pas, en tout état de cause, 40 milliards de francs,...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous nous en réjouissons !
M. François Fillon, ministre délégué. ... c'est-à-dire la fourchette basse des estimations qui ont circulé. Ce sont donc bien les intérêts de l'entreprise qui seront d'abord pris en compte dans cette affaire. Cela correspondra, monsieur Tregouët, à un ratio dette nette sur fonds propres d'un maximum de 150 p. 100, correspondant aux standards internationaux en matière d'ouverture du capital des opérateurs de télécommunications.
Troisième question : la libéralisation aura-t-elle des conséquences sur l'emploi ? Cette question a souvent été évoquée et parfois brandie tel un épouvantail, comme si ce sujet était strictement lié à celui du statut et n'avait aucun rapport avec le marché et les performances de l'entreprise.
Nous avons déjà eu un débat lors de l'examen du projet de loi de réglementation des télécommunications sur ce point. J'ai démontré, d'abord, que le secteur des télécommunications était plus créateur d'emplois dans les pays libéralisés que dans les autres - ce secteur représente 2,4 p. 100 du produit intérieur brut aux Etats-Unis contre 1,6 p. 100 seulement dans notre pays - ensuite, que l'ouverture à la concurrence va stimuler un marché des télécommunications français qui est l'un des moins développés d'Europe - nous sommes en effet l'un des pays d'Europe, sinon le pays d'Europe, qui utilise le moins les moyens de télécommunications et notamment la ligne téléphonique - enfin, que la compétitivité de France Télécom, accompagnée des mesures relatives aux préretraites que nous proposons permettront d'atteindre un rythme de 3 000 recrutements par an.
Le président de France Télécom va signer un accord avec les partenaires sociaux sur ce point. Il ne s'agit donc pas d'un engagement pris uniquement par le ministre de tutelle ; c'est l'entreprise qui va s'engager, dans le cadre d'un accord dont l'organisation est prévue dans le projet de loi, sur ce niveau de recrutement.
Permettez-moi de vous rappeler que ce niveau de recrutement sera le plus élevé que France Télécom aura connu depuis dix ans. Savez-vous qu'en 1991 France Télécom a recruté 2 700 personnes, en 1992 1 900 personnes, en 1993 1 300 personnes, en 1994 1 500 personnes et en 1995 2 100 personnes ?
Savez-vous également qu'entre 1984 et 1992 les effectifs de France Télécom sont passés de plus de 170 000 à moins de 156 000 personnes ?
Telle est la réalité : Voilà qui démontre que le monopole ne protège pas l'emploi.
Il est vrai, monsieur Mélenchon, puisque vous avez évoqué à plusieurs reprises ce sujet dans votre touchant discours aux accents de conventionnel que vous avez fait licencier à AT&T plus de salariés que cette entreprise n'en n'a jamais compté.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Il comptait en nouveaux dollars ! (Sourires.) .
M. François Fillon, ministre délégué. Quatrième question : les droits des salariés seront-ils respectés dans cette réforme ?
Monsieur Mélenchon, dans votre monde en noir et blanc, ...
M. Jean-Luc Mélenchon. Rose !
M. François Fillon, ministre délégué. ... un gouvernement de droite ne peut que s'en prendre aux droits des salariés. Il ne vous est pas venu à l'esprit que les dispositions du projet de loi sur ce point étaient justement le résultat des négociations avec les partenaires sociaux qui jugent insuffisants les outils sociaux prévus par la loi de 1990. C'est d'ailleurs sans doute l'absence d'outils sociaux performants dans la loi de 1990 qui n'a pas permis, monsieur Marini, à la direction précédente de France Télécom d'établir un dialogue social sans lequel toute réforme de France Télécom était impossible.
Le projet de loi que vous examinez prend pleinement en compte les droits des salariés en particulier, il assure l'expression collective des intérêts du personnel en tenant compte du statut singulier de la majorité du personnel, celui de fonctionnaire. Il crée un comité paritaire qui associe employeur, fonctionnaires et contractuels de droit privé, ainsi que des instances de concertation et de négociation dont le rôle est de préparer des accords collectifs sur l'emploi, la formation et les conditions de travail.
Je voudrais vous faire remarquer qu'il est assez peu courant qu'une négociation de ce type soit prévue et organisée par la loi. Si nous l'avons introduite dans le projet, c'est à la demande des partenaires sociaux. Ce sont donc des avancées pour le personnel que le Gouvernement propose, et je crois que, sur ce point, nous n'avons nulle leçon à recevoir.
Au-delà de ces quatre grandes questions fondamentales, plusieurs sujets ont été évoqués auxquels je voudrais rapidement répondre.
M. Trégouët m'a interrogé sur les conditions d'accès des personnels de France Télécom à l'actionnariat. Notre texte est très ambitieux puisqu'il propose d'ouvrir 10 p. 100 du capital au personnel. Il permet à l'entreprise d'utiliser à cette fin tous les outils de la loi de 1966 sur les sociétés anonymes ou ceux de la loi de 1986 sur l'ouverture du capital des entreprises publiques. Ces lois offrent des possibilités très larges pour favoriser, sous diverses formes, l'actionnariat salarié. France Télécom pourra donc faire aussi bien si ce n'est mieux que Deutsche Telekom, souvent cité en exemple sur ce sujet.
Le Gouvernement, c'est vrai, a souhaité favoriser en priorité le personnel en activité, mais je vous rappelle, monsieur Trégouët, que le coût pour l'Etat de l'aide de l'actionnariat salarié par tranche d'ouverture du capital sera de l'ordre de 1,5 milliard de francs.
M. Trucy s'est interrogé sur la désignation du deuxième collège du conseil d'administration. Tant que l'Etat conservera 90 p. 100 du capital, c'est lui qui désignera par décret les sept personnalités qualifiées du deuxième collège ainsi que ses représentants. Quand l'Etat aura moins de 90 p. 100 du capital, la catégorie des personnalités qualifiées disparaîtra, deux tiers du conseil représenteront les actionnaires, les représentants de l'Etat continueront d'être nommés par décret et l'assemblée générale des actionnaires, contrôlée par l'Etat, pourra désigner un nombre d'administrateurs qui dépendra de la participation des actionnaires au capital.
Enfin, pour assurer l'adaptation du conseil, certains des administrateurs nommés par décret pourront être révoqués.
M. Machet s'est inquiété de l'avenir du contrat de plan. Je tiens à le rassurer : le contrat de plan sera conservé. Il s'agit d'un outil utile, car il permettra de tracer les orientations stratégiques assignées à l'entreprise par l'Etat et de fixer les engagements de celui-ci à l'égard de celle-là.
Le contrat de plan permettra donc de clarifier vis-à-vis des autres actionnaires, les intentions de l'actionnaire majoritaire, c'est-à-dire l'Etat.
M. Charzat a conclu son intervention en indiquant que le parti socialiste ne considérait pas cette réforme comme irréversible. Outre que cette déclaration est un mauvais coup porté à France Télécom, qui a besoin de stabilité et de la confiance de ses partenaires. (Sourires et exclamations sur les travées socialistes),...
M. Gérard Delfau. Vous êtes gonflé !
M. François Fillon, ministre délégué. ... on peut se demander comment il convient de l'interpréter. Est-ce une position officielle du parti socialiste ? Est-ce une position personnelle de M. Charzat ? Est-ce une position du courant A ou du courant B ? (Protestations sur les mêmes travées.)
Comment interpréter les communiqués et les rectificatifs aux communiqués du parti socialiste sur ce sujet ?
Le moins qu'on puisse dire est que la situation est confuse !
Le 29 mai, à dix-huit heures quarante-quatre, le parti socialiste communique : « Il faudra réintégrer le secteur des télécommunications dans le secteur public dès que l'alternance le permettra. »
A vingt heures une, après une heure dix-sept minutes de réflexion, un rectificatif tombe : « Supprimer dans le communiqué précédent la phrase "dès que l'alternance le permettra". »
M. Claude Estier. C'était une erreur de l'AFP !
M. François Fillon, ministre délégué. Comprenne qui pourra !
La perspective de l'alternance est-elle décidément trop éloignée ?
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est lamentable ! C'est misérable ! C'est minable !
M. François Fillon, ministre délégué. Ou bien l'absurdité de cette réaction est-elle finalement apparue à ses rédacteurs ?
M. Claude Estier. Vous êtes ridicule !
M. Jean Chérioux. C'est votre communiqué qui est attristant !
M. François Fillon, ministre délégué. Cette réforme, en réalité, est définitive et, dans cinq ans, on sourira, pour ne pas dire plus, des propos que vous avez tenus dans ce débat. La majorité ne m'en voudra pas de réserver ma conclusion à M. Mélenchon.
Votre discours, monsieur Mélenchon, est un discours d'exclusion.
M. Robert Castaing. C'est surtout un discours qui vous embête !
M. François Fillon, ministre délégué. Non, monsieur Mélenchon, il n'y a pas que le service de l'Etat qui soit source de fierté.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je n'ai pas dit cela !
M. François Fillon, ministre délégué. Un agriculteur qui nourrit son pays, un ouvrier qui fabrique des téléphones ont autant de raisons d'être fiers des services qu'ils rendent à la nation qu'un agent du secteur public.
M. Claude Estier. Qui dit le contraire ?
M. François Fillon, ministre délégué. M. Mélenchon, qui nous a expliqué hier que le service public ne pouvait pas être assumé autrement que par des agents de l'Etat !
M. Claude Estier. Vous dites n'importe quoi !
M. François Fillon, ministre délégué. Monsieur Mélenchon, la vérité, c'est que vous n'aimez pas le débat contradictoire. Vous aimez bien asséner, comme vous l'avez fait hier, des contrevérités pendant des heures...
M. Claude Estier. Cela vous va bien ! C'est vous qui n'aimez pas le débat !
M. François Fillon, ministre délégué. ... mais vous n'aimez pas qu'on vous réponde !
La République, monsieur Mélenchon, est une idée, un état d'esprit. Ce sont des principes traduits dans la loi. La République, ce n'est pas le monopole de l'Etat sur les télécommunications.
La République n'est la propriété d'aucune catégorie de Français. Je me considère comme plus républicain que vous...
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est nouveau !
M. François Fillon, ministre délégué. ... parce que ma République à moi, monsieur Mélenchon, elle est vivante, elle est efficace et elle fait confiance à tous ses enfants.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous venez de nous expliquer le contraire !
M. Gérard Delfau. Et à Wall Street ! (Sourires.)
M. François Fillon, ministre délégué. Cependant, monsieur Mélenchon, vous avez raison sur un point : c'est le choix que les Français ont fait en 1993 et en 1995 qui conduit aujourd'hui à réformer l'organisation des télécommunications.
Mais peut-être êtes-vous, là aussi, favorable au monopole. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau. Ce dossier mérite mieux...
M. Jean Chérioux. Oui, mieux que vos élucubrations !
M. Gérard Delfau. ... et quelqu'un d'autre !

Exception d'irrecevabilité