ENTREPRISE NATIONALE FRANCE TÉLÉCOM
Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration
d'urgence, du projet de loi (n° 391, 1995-1996) relatif à l'entreprise
nationale France Télécom. [Rapport n° 406 (1995-1996).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
M. François Fillon,
ministre délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je voudrais remercier le Sénat de la qualité du débat que nous avons
eu hier, à l'ouverture de la discussion du projet de loi portant réforme du
statut de l'entreprise France Télécom.
Si le Gouvernement a choisi d'ouvrir au Sénat ce débat sur l'avenir de France
Télécom, c'est en raison de l'excellent travail accompli par M. Gérard Larcher
et par la commission des affaires économiques. Comme j'ai eu plusieurs fois
l'occasion de la dire, le projet de loi qui vous est soumis s'inspire très
largement des recommandations que vous aviez alors faites.
Il n'y a donc, madame Luc, nulle précipitation de la part du Gouvernement.
J'avais, en août 1995, clairement indiqué les objectifs et le calendrier. Comme
vous le savez, nous avons engagé une négociation avec les personnels de France
Télécom depuis le 15 mars 1996. C'est évidemment cette négociation qui a permis
de rassurer la majorité des personnels et qui explique que l'on soit passé
d'une opposition quasi totale en 1993, mais encore en 1995, à une opposition de
moins d'un tiers des salariés en juin 1996, car l'histoire, monsieur Charzat,
ne s'arrête pas le 11 avril !
Quel était l'objectif du Gouvernement dans cette affaire ? Il était double :
offrir aux usagers du service public des télécommunications des services
diversifiés et des tarifs adaptés à leurs besoins, mais aussi favoriser le
développement des activités liées aux télécommunications qui représenteront,
dans moins de dix ans, plus d'emplois que l'industrie automobile tout entière.
Tel est le défi que nous devons relever et auquel seule la gauche française
veut répondre au moyen du monopole de l'Etat. Je dis bien « seule » la gauche
française, et je devrais ajouter seulement depuis qu'elle est dans
l'opposition,...
M. Gérard Delfau.
C'est faux !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... puisque, comme je vais le démontrer une nouvelle
fois, l'ouverture à la concurrence de ce secteur a été largement engagée par
les gouvernements de Michel Rocard et de Pierre Bérégovoy.
(Applaudissements
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur
les travées socialistes.)
Je n'y fais pas référence, monsieur Mélenchon, pour justifier mon
action,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il faudrait savoir !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... mais, au contraire, une fois n'est pas coutume, j'y
fais référence pour louer la continuité des positions françaises sur ce sujet,
continuité qui a permis de faire inscrire pour la première fois dans le droit
communautaire la notion de service public à la française.
Qu'on en juge : au début de 1986, le Gouvernement français soutient l'adoption
de l'Acte unique et du Livre vert de la Commission sur le rôle des
télécommunications dans la construction européenne. En 1989, sous la présidence
française, le Conseil des ministres de l'Union européenne adopte une décision
de libéralisation progressive de tous les services des télécommunications, à
l'exception de la téléphonie vocale.
En 1991, M. Paul Quilès attribue à la Compagnie générale des eaux
l'autorisation d'exploiter le premier réseau de téléphone mobile privé dans
notre pays. Et je ne parle pas de la loi de 1990, dont M. Billard a
parfaitement démontré qu'elle constituait la première étape vers la
transformation en société commerciale que nous vous proposons aujourd'hui.
J'ai d'ailleurs noté que tous les arguments évoqués par M. Mélenchon contre
cette réforme s'adressaient également à la loi de 1990, que lui, ou au moins
ses amis - je n'ai pas pu vérifier ce point - ont pourtant votée.
En réalité, vous devriez vous féliciter d'avoir pressenti la révolution qui
est en train de bouleverser le monde des télécommunications et qui se traduit
par une explosion des besoins des utilisateurs à laquelle seule la diversité de
l'offre peut répondre.
Si l'on considère l'exemple du radiotéléphone dans notre pays, il est aisé de
constater que, tant que cette activité est restée dans le cadre du monopole,
elle ne s'est pas développée, et que c'est à partir de l'année 1991, date à
laquelle le deuxième réseau a été créé, que le marché a commencé à se
développer. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît, y compris à France Télécom,
que seule la présence de plusieurs opérateurs peut permettre de satisfaire,
dans un délai raisonnable, les besoins des utilisateurs qui se manifestent sur
ce point.
C'est pour organiser cette diversité de l'offre que l'Assemblée nationale et
le Sénat viennent d'adopter la réforme de la réglementation des
télécommunications.
Cette réforme renforce et garantit le service public, qui sera assuré,
contrairement à ce qu'a dit M. Charzat, exclusivement par l'opérateur public
France Télécom. Ce service public, qui préserve le principe de la péréquation
géographique, correspond en tout point à celui auquel les Français sont
attachés et que vous parez de toutes les vertus, monsieur Mélenchon. Sa
définition en trois points constitue un réel progrès, puisque la loi de 1990 en
comptait dix. Cette définition est surtout évolutive, puisque le Parlement
pourra, au moins une fois tous les quatre ans, la réviser pour l'enrichir des
nouveaux services dont on ne connaît pas encore aujourd'hui, pour la plupart
d'entre eux, l'existence.
Si vous aviez participé, messieurs Charzat et Mélenchon, au débat essentiel
qui s'est déroulé la semaine dernière sur l'ouverture à la concurrence du
domaine des télécommunications, vous auriez su que la définition du service
public que nous avons adoptée est la plus large et la plus généreuse qui soit
en Europe.
(Protestations sur les travées socialistes.)
Vous auriez également su que les services obligatoires seront rendus dans
le respect des principes du service public et vous auriez sans doute évité de
critiquer une liberté tarifaire qui correspond, dans les faits, à la situation
qui prévaut depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1990, puisque ces services
obligatoires, qui concernent essentiellement les entreprises, sont aujourd'hui
équilibrés.
(M. Jean-Luc Mélenchon proteste.)
M. Jean Chérioux.
Soyez bon joueur, monsieur Mélenchon.
M. François Fillon,
ministre délégué.
Monsieur Mélenchon, nous prendrons le temps qu'il
faudra, mais vous m'écouterez jusqu'au bout.
Au cours de la discussion générale, quatre grandes questions ont été
posées.
La première tient aux raisons qui nous conduisent à souhaiter l'évolution du
statut de France Télécom.
La deuxième a trait aux solutions proposées par le Gouvernement au problème
des retraites. Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés de savoir si cette
solution était de nature à permettre à France Télécom d'affronter la
concurrence à armes égales.
La troisième concerne la libéralisation et ses conséquences sur l'emploi.
Enfin, la quatrième portait sur le point de savoir si les droits des salariés
seront respectés dans cette réforme.
Pourquoi France Télécom doit-il évoluer ?
La décision de l'Union européenne d'ouvrir le marché des télécommunications à
la concurrence est un événement considérable. Les directives européennes
n'obligent pas les gouvernements à doter leur opérateur historique d'un statut
de société commerciale. En réalité, vous, les socialistes, vous avez tellement
l'habitude de vous dissimuler derrière Bruxelles que vous ne pouvez pas
imaginer que le Gouvernement ait aujourd'hui un autre comportement. Jamais,
nous n'avons prétendu que Bruxelles nous imposait cette réforme. D'ailleurs,
Bruxelles n'a aucune raison de nous l'imposer : elle va de soi.
Tous les opérateurs en Europe, à l'exception de France Télécom, ont un statut
de société commerciale ou sont en train de s'en doter.
M. Jean-Luc Mélenchon.
France caméléon !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Du moment que le marché est ouvert, Bruxelles ne se
préoccupe pas du devenir de notre opérateur historique. C'est bien nous, parce
que nous sommes attachés au service public, qui voulons le doter des armes qui
lui permettront de survivre et de se développer malgré le choc frontal que va
représenter l'ouverture de la concurrence en Europe.
Pour le Gouvernement, il y a au fond deux conditions essentielles au
développement de France Télécom dans un marché ouvert.
La première, c'est la concrétisation d'alliances internationales durables. On
voit bien quel sera le paysage des télécommunications dans quelques années. Il
se dessine déjà très largement. Il y aura trois ou quatre grandes alliances
mondiales qui permettront d'offrir des réseaux mondiaux sans coupure : l'une de
ces alliances est organisée autour de British Telecom et de MCI ; une autre
autour de AT&T et d'Unisource ; la troisième l'est autour de France
Télécom, de Deutsche Telekom et de Sprint.
Pour que ces alliances soient durables, il faut qu'elles soient concrétisées
par des liens capitalistiques et par des échanges de sièges
d'administrateurs.
Croyez-vous vraiment que les autres actionnaires de Sprint accepteront pendant
longtemps de voir un monopole d'Etat détenir 10 p. 100 de leur entreprise sans
qu'eux-mêmes puissent accéder au capital de France Télécom ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il faudra qu'ils s'y fassent !
M. François Fillon,
ministre délégué.
D'après vous, pourquoi France Télécom n'a-t-il été
retenu par aucun des pays de l'Europe de l'Est comme opérateur de téléphone
mobile ? Parce que ces pays, qui s'ouvrent à l'économie de marchés, n'ont pas
voulu confier leurs intérêts à un monopole d'Etat...
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est lamentable !
M. François Fillon,
ministre délégué...
si performant soit-il, alors qu'ils démantèlent leurs
propres monopoles.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Lamentable !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Vous m'expliquerez, monsieur Charzat, pourquoi ce sont
les Allemands qui ont remporté tous les marchés en Europe de l'Est !
MM. Jean Chérioux et René Trégouët.
C'est tout à fait vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est lamentable !
M. Gérard Larcher,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
C'est la
réalité.
M. François Fillon,
ministre délégué.
La seconde condition est encore plus évidente. France
Télécom doit disposer des mêmes règles de gestion que ses concurrents.
Le statut administratif qui est le sien ne lui autorise pas la souplesse et la
réactivité de ses concurrents. C'est si vrai que vous-même avez ressenti le
besoin d'alléger les contraintes administratives qui pesaient sur France
Télécom avec la loi de 1990.
Si le dispositif que vous aviez alors imaginé pouvait fonctionner en situation
de monopole, il est inadapté à l'ouverture à la concurrence. Tout le monde le
comprend, même dans l'entreprise, et j'ai envie de dire même au parti
socialiste où il s'est trouvé des voix, et non des moindres, comme celle de Mme
Edith Cresson, pour défendre cette réforme.
J'en viens à la réforme des retraites. Plusieurs questions ont été posées à ce
sujet, plusieurs contre-vérités ont été prononcées ; je vais donc tenter de
clarifier le sujet.
Premier point, cette réforme ne concerne que le paiement des pensions aux
retraités de France Télécom qui continueront à être versées par le budget de
l'Etat comme à tous les fonctionnaires. Il n'est donc pas question, monsieur
Billard, de créer un quelconque fonds de pension ou une quelconque caisse
autonome de retraite, comme vous avez semblé vouloir le suggérer. C'est bien le
budget de l'Etat qui versera directement les pensions.
Deuxième point, cette réforme est favorable à l'entreprise. Il s'agit de
donner à France Télécom les mêmes armes que celles de ses concurrents. Cette
réforme répond à l'objectif industriel que s'est fixé le Gouvernement de
permettre à France Télécom d'être un opérateur de premier rang au niveau
mondial. Le remboursement intégral des charges de retraite par l'entreprise,
qui est le régime actuel, aurait constitué un handicap insurmontable pour
l'entreprise dans quelques années ; les charges de retraite doivent doubler en
francs constants d'ici à 2020.
L'Etat accepte donc de transférer, sur le budget général, des charges
importantes et l'entreprise sera soumise au même niveau global de cotisations
sociales que ses concurrents.
L'objectif est que le coût, pour France Télécom, d'un salaire net versé à un
salarié soit égal au coût que supportent ses concurrents. Cela signifie,
monsieur Trucy - et je réponds très directement à votre question - un taux de
cotisation libératoire de 36,4 p. 100.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
Les charges de pension des fonctionnaires représentent, en valeur actualisée,
250 milliards de francs. L'entreprise contribuera pour 100 milliards de francs
au fil des années, grâce à la cotisation libératoire que je viens d'évoquer.
Pour placer France Télécom dans une situation équitable en la soumettant au
même niveau global de cotisations sociales que ses concurrents, le projet de
loi prévoit donc un transfert des charges de retraite des agents fonctionnaires
de France Télécom au budget général de l'Etat.
Il s'agit naturellement d'une charge nouvelle et lourde pour l'Etat, et c'est
pour en diminuer l'importance qu'il est prévu que France Télécom versera une
contribution exceptionnelle à l'Etat, cette contribution ne compensant
d'ailleurs que partiellement la charge qui incombera désormais au budget
général.
Je vous l'ai dit, le souci premier et la volonté du Gouvernement, c'est de
réussir l'ouverture du capital de France Télécom. Le montant de cette
contribution doit être compatible avec les standards internationaux en matière
de bilan des entreprises du secteur des télécommunications. Les travaux sont en
cours, mais j'ai indiqué hier que, selon les premières conclusions, cette
contribution ne dépasserait pas, en tout état de cause, 40 milliards de
francs,...
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Nous nous en réjouissons !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... c'est-à-dire la fourchette basse des estimations
qui ont circulé. Ce sont donc bien les intérêts de l'entreprise qui seront
d'abord pris en compte dans cette affaire. Cela correspondra, monsieur
Tregouët, à un ratio dette nette sur fonds propres d'un maximum de 150 p. 100,
correspondant aux standards internationaux en matière d'ouverture du capital
des opérateurs de télécommunications.
Troisième question : la libéralisation aura-t-elle des conséquences sur
l'emploi ? Cette question a souvent été évoquée et parfois brandie tel un
épouvantail, comme si ce sujet était strictement lié à celui du statut et
n'avait aucun rapport avec le marché et les performances de l'entreprise.
Nous avons déjà eu un débat lors de l'examen du projet de loi de
réglementation des télécommunications sur ce point. J'ai démontré, d'abord, que
le secteur des télécommunications était plus créateur d'emplois dans les pays
libéralisés que dans les autres - ce secteur représente 2,4 p. 100 du produit
intérieur brut aux Etats-Unis contre 1,6 p. 100 seulement dans notre pays -
ensuite, que l'ouverture à la concurrence va stimuler un marché des
télécommunications français qui est l'un des moins développés d'Europe - nous
sommes en effet l'un des pays d'Europe, sinon le pays d'Europe, qui utilise le
moins les moyens de télécommunications et notamment la ligne téléphonique -
enfin, que la compétitivité de France Télécom, accompagnée des mesures
relatives aux préretraites que nous proposons permettront d'atteindre un rythme
de 3 000 recrutements par an.
Le président de France Télécom va signer un accord avec les partenaires
sociaux sur ce point. Il ne s'agit donc pas d'un engagement pris uniquement par
le ministre de tutelle ; c'est l'entreprise qui va s'engager, dans le cadre
d'un accord dont l'organisation est prévue dans le projet de loi, sur ce niveau
de recrutement.
Permettez-moi de vous rappeler que ce niveau de recrutement sera le plus élevé
que France Télécom aura connu depuis dix ans. Savez-vous qu'en 1991 France
Télécom a recruté 2 700 personnes, en 1992 1 900 personnes, en 1993 1 300
personnes, en 1994 1 500 personnes et en 1995 2 100 personnes ?
Savez-vous également qu'entre 1984 et 1992 les effectifs de France Télécom
sont passés de plus de 170 000 à moins de 156 000 personnes ?
Telle est la réalité : Voilà qui démontre que le monopole ne protège pas
l'emploi.
Il est vrai, monsieur Mélenchon, puisque vous avez évoqué à plusieurs reprises
ce sujet dans votre touchant discours aux accents de conventionnel que vous
avez fait licencier à AT&T plus de salariés que cette entreprise n'en n'a
jamais compté.
M. Gérard Larcher,
rapporteur.
Il comptait en nouveaux dollars !
(Sourires.)
.
M. François Fillon,
ministre délégué.
Quatrième question : les droits des salariés seront-ils
respectés dans cette réforme ?
Monsieur Mélenchon, dans votre monde en noir et blanc, ...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Rose !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... un gouvernement de droite ne peut que s'en prendre
aux droits des salariés. Il ne vous est pas venu à l'esprit que les
dispositions du projet de loi sur ce point étaient justement le résultat des
négociations avec les partenaires sociaux qui jugent insuffisants les outils
sociaux prévus par la loi de 1990. C'est d'ailleurs sans doute l'absence
d'outils sociaux performants dans la loi de 1990 qui n'a pas permis, monsieur
Marini, à la direction précédente de France Télécom d'établir un dialogue
social sans lequel toute réforme de France Télécom était impossible.
Le projet de loi que vous examinez prend pleinement en compte les droits des
salariés en particulier, il assure l'expression collective des intérêts du
personnel en tenant compte du statut singulier de la majorité du personnel,
celui de fonctionnaire. Il crée un comité paritaire qui associe employeur,
fonctionnaires et contractuels de droit privé, ainsi que des instances de
concertation et de négociation dont le rôle est de préparer des accords
collectifs sur l'emploi, la formation et les conditions de travail.
Je voudrais vous faire remarquer qu'il est assez peu courant qu'une
négociation de ce type soit prévue et organisée par la loi. Si nous l'avons
introduite dans le projet, c'est à la demande des partenaires sociaux. Ce sont
donc des avancées pour le personnel que le Gouvernement propose, et je crois
que, sur ce point, nous n'avons nulle leçon à recevoir.
Au-delà de ces quatre grandes questions fondamentales, plusieurs sujets ont
été évoqués auxquels je voudrais rapidement répondre.
M. Trégouët m'a interrogé sur les conditions d'accès des personnels de France
Télécom à l'actionnariat. Notre texte est très ambitieux puisqu'il propose
d'ouvrir 10 p. 100 du capital au personnel. Il permet à l'entreprise d'utiliser
à cette fin tous les outils de la loi de 1966 sur les sociétés anonymes ou ceux
de la loi de 1986 sur l'ouverture du capital des entreprises publiques. Ces
lois offrent des possibilités très larges pour favoriser, sous diverses formes,
l'actionnariat salarié. France Télécom pourra donc faire aussi bien si ce n'est
mieux que Deutsche Telekom, souvent cité en exemple sur ce sujet.
Le Gouvernement, c'est vrai, a souhaité favoriser en priorité le personnel en
activité, mais je vous rappelle, monsieur Trégouët, que le coût pour l'Etat de
l'aide de l'actionnariat salarié par tranche d'ouverture du capital sera de
l'ordre de 1,5 milliard de francs.
M. Trucy s'est interrogé sur la désignation du deuxième collège du conseil
d'administration. Tant que l'Etat conservera 90 p. 100 du capital, c'est lui
qui désignera par décret les sept personnalités qualifiées du deuxième collège
ainsi que ses représentants. Quand l'Etat aura moins de 90 p. 100 du capital,
la catégorie des personnalités qualifiées disparaîtra, deux tiers du conseil
représenteront les actionnaires, les représentants de l'Etat continueront
d'être nommés par décret et l'assemblée générale des actionnaires, contrôlée
par l'Etat, pourra désigner un nombre d'administrateurs qui dépendra de la
participation des actionnaires au capital.
Enfin, pour assurer l'adaptation du conseil, certains des administrateurs
nommés par décret pourront être révoqués.
M. Machet s'est inquiété de l'avenir du contrat de plan. Je tiens à le
rassurer : le contrat de plan sera conservé. Il s'agit d'un outil utile, car il
permettra de tracer les orientations stratégiques assignées à l'entreprise par
l'Etat et de fixer les engagements de celui-ci à l'égard de celle-là.
Le contrat de plan permettra donc de clarifier vis-à-vis des autres
actionnaires, les intentions de l'actionnaire majoritaire, c'est-à-dire
l'Etat.
M. Charzat a conclu son intervention en indiquant que le parti socialiste ne
considérait pas cette réforme comme irréversible. Outre que cette déclaration
est un mauvais coup porté à France Télécom, qui a besoin de stabilité et de la
confiance de ses partenaires.
(Sourires et exclamations sur les travées socialistes),...
M. Gérard Delfau.
Vous êtes gonflé !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... on peut se demander comment il convient de
l'interpréter. Est-ce une position officielle du parti socialiste ? Est-ce une
position personnelle de M. Charzat ? Est-ce une position du courant A ou du
courant B ?
(Protestations sur les mêmes travées.)
Comment interpréter les communiqués et les rectificatifs aux communiqués
du parti socialiste sur ce sujet ?
Le moins qu'on puisse dire est que la situation est confuse !
Le 29 mai, à dix-huit heures quarante-quatre, le parti socialiste communique :
« Il faudra réintégrer le secteur des télécommunications dans le secteur public
dès que l'alternance le permettra. »
A vingt heures une, après une heure dix-sept minutes de réflexion, un
rectificatif tombe : « Supprimer dans le communiqué précédent la phrase
"dès que l'alternance le permettra". »
M. Claude Estier.
C'était une erreur de l'AFP !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Comprenne qui pourra !
La perspective de l'alternance est-elle décidément trop éloignée ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est lamentable ! C'est misérable ! C'est minable !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Ou bien l'absurdité de cette réaction est-elle
finalement apparue à ses rédacteurs ?
M. Claude Estier.
Vous êtes ridicule !
M. Jean Chérioux.
C'est votre communiqué qui est attristant !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Cette réforme, en réalité, est définitive et, dans cinq
ans, on sourira, pour ne pas dire plus, des propos que vous avez tenus dans ce
débat. La majorité ne m'en voudra pas de réserver ma conclusion à M.
Mélenchon.
Votre discours, monsieur Mélenchon, est un discours d'exclusion.
M. Robert Castaing.
C'est surtout un discours qui vous embête !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Non, monsieur Mélenchon, il n'y a pas que le service de
l'Etat qui soit source de fierté.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je n'ai pas dit cela !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Un agriculteur qui nourrit son pays, un ouvrier qui
fabrique des téléphones ont autant de raisons d'être fiers des services qu'ils
rendent à la nation qu'un agent du secteur public.
M. Claude Estier.
Qui dit le contraire ?
M. François Fillon,
ministre délégué.
M. Mélenchon, qui nous a expliqué hier que le service
public ne pouvait pas être assumé autrement que par des agents de l'Etat !
M. Claude Estier.
Vous dites n'importe quoi !
M. François Fillon,
ministre délégué.
Monsieur Mélenchon, la vérité, c'est que vous n'aimez
pas le débat contradictoire. Vous aimez bien asséner, comme vous l'avez fait
hier, des contrevérités pendant des heures...
M. Claude Estier.
Cela vous va bien ! C'est vous qui n'aimez pas le débat !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... mais vous n'aimez pas qu'on vous réponde !
La République, monsieur Mélenchon, est une idée, un état d'esprit. Ce sont des
principes traduits dans la loi. La République, ce n'est pas le monopole de
l'Etat sur les télécommunications.
La République n'est la propriété d'aucune catégorie de Français. Je me
considère comme plus républicain que vous...
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est nouveau !
M. François Fillon,
ministre délégué.
... parce que ma République à moi, monsieur Mélenchon,
elle est vivante, elle est efficace et elle fait confiance à tous ses
enfants.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous venez de nous expliquer le contraire !
M. Gérard Delfau.
Et à Wall Street !
(Sourires.)
M. François Fillon,
ministre délégué.
Cependant, monsieur Mélenchon, vous avez raison sur un
point : c'est le choix que les Français ont fait en 1993 et en 1995 qui conduit
aujourd'hui à réformer l'organisation des télécommunications.
Mais peut-être êtes-vous, là aussi, favorable au monopole.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau.
Ce dossier mérite mieux...
M. Jean Chérioux.
Oui, mieux que vos élucubrations !
M. Gérard Delfau.
... et quelqu'un d'autre !
Exception d'irrecevabilité