M. le président. « Art. 4. - Il est inséré dans la même loi un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. - Lorsqu'un élément d'infrastructure des réseaux de télécommunications est nécessaire à la bonne exécution par France Télécom des obligations de son cahier des charges, et notamment à la continuité du service public, l'Etat s'oppose à sa cession ou à son apport ou subordonne leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas à la bonne exécution desdites obligations, compte tenu notamment des droits reconnus à France Télécom dans la convention passée avec le cessionnaire ou le destinataire de l'apport.
« Le cahier des charges de France Télécom fixe les modalités de la procédure d'opposition mentionnée ci-dessus qui est prescrite à peine de nullité de la cession ou de l'apport. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 4 tire les conséquences directes de la cession au secteur privé de 49 p. 100 du capital de France Télecom. Il prévoit de doter l'Etat d'un droit d'opposition à la cession ou à l'apport d'actifs.
Ce droit d'opposition s'appliquerait dans les cas où la continuité du service public serait en jeu. On peut légitimement se poser la question de savoir ce que signifie la notion de « service public » après le vote de la loi de « déréglementation ». En effet, la notion de « service universel » qui a été acceptée met à mal les missions et les valeurs du service public. M. le ministre refuse l'évidence dont nous voyons une illustration dans les expériences étrangères de déréglementation, qui ont abouti à un amoindrissement notable du service public.
Pour notre part, nous pensons que les cas ouvrant droit à l'Etat de s'opposer ne sont pas asez étendus. Ainsi, monsieur le ministre, vous ne parlez ni de la neutralité, ni de l'adaptabilité, ni du respect de l'égalité, autant de notions essentielles au maintien et à la continuité du service public.
Aussi, nous avons déposé différents amendements, afin de donner des droits nouveaux à l'Etat pour qu'il puisse opposer son veto à la cession ou à l'apport d'un élément d'infrastructure des réseaux de télécommunications.
Par ailleurs, la volonté de fixer les modalités de la procédure d'opposition dans le cahier des charges de France Télécom est assez contestable. En effet, c'est au représentant de l'Etat, c'est-à-dire au ministre compétent, de décider à ce moment-là. Si des opérateurs privés ne sont pas d'accord, il existe toujours des procédures de recours, notamment devant le Conseil d'Etat. Vraiment, placer les décisions du ministre sous la tutelle du cahier des charges de France Télécom est une démission du pouvoir politique.
Evidemment, l'avenir nous dira si nous nous trompons ou si nous avons raison. Mes chers collègues, nous souhaitons réellement que les pouvoirs de l'autorité politique soient maintenus, voire restaurés. Notre position sur l'article 4 dépendra du sort qui sera réservé à nos amendements.
M. le président. Sur l'article 4, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements pouvant faire l'objet d'une discussion commune. Mais, pour la clarté du débat, je les appellerai un par un.
Par amendement n° 10, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Delfau, Garcia, Mélenchon, Pastor, Peyrafitte et Saunier, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer l'article 4.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Nous proposons en effet un amendement tendant à la suppression de cet article et nous souhaitons, d'entrée de jeu, être bien compris dans notre démarche.
Cet amendement s'inscrit dans la continuité de la position de principe qui est la nôtre depuis le début, à savoir le maintien de la loi de 1990. Nous pensons que la continuité du service public des télécommunications serait garantie mieux par le maintien de la personnalité de droit public de l'opérateur national que par l'introduction, au profit de l'Etat, d'un droit d'opposition à la cession d'actifs affectés à des missions de service public. C'est ce que nous n'avons cessé de dire depuis le début de ce débat.
Le projet de loi, par ses articles 1er et 4, organise la spoliation des biens relevant du domaine public. En effet, il est proposé tout simplement de remettre en pleine propriété à une société anonyme qui, à terme, sera privatisée - une loi peut défaire ce qu'une autre loi a fait - l'ensemble des infrastructures servant au bon fonctionnement du service public et appartenant au domaine public.
On nous dit qu'il n'y a aucune difficulté constitutionnelle. Il suffirait de prévoir le déclassement de ces infrastructures et de mettre en place une procédure d'opposition en faveur de l'Etat en cas de cession ou d'apport d'actifs.
Rien ne dit que, malgré ces garde-fous, il ne sera pas porté atteinte à l'intégrité du réseau de l'exploitant public et à la continuité du service public.
Plusieurs dispositions prouvent d'ailleurs le contraire dans ce texte de loi, surtout si l'on met ce texte en perspective avec les mesures prévues dans la loi de réglementation des télécommunications. Rappelons en effet que France Télécom est tenu de mettre ses infrastructures à disposition de ses concurrents au titre de l'interconnexion, quand bien même ces derniers n'auraient pas d'obligation de service public.
Or il n'est nullement prévu par la loi de réglementation des télécommunications, comme l'ont pourtant demandé les membres du groupe socialiste lors de l'examen de ce dernier texte, de permettre à France Télécom de ne pas faire droit à une demande d'interconnexion qui pourrait porter préjudice au bon fonctionnement du service public. Dès lors, l'Etat n'étant plus maître des infrastructures de service universel, il ne pourra s'opposer à une utilisation qui mettrait en cause la bonne marche de celui-ci ; il pourra simplement s'opposer à la cession d'actifs : la nuance est de taille, et les garanties prévues par l'article 4 sont donc des garanties en trompe-l'oeil. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l'article.
M. le président. Par amendement n° 43, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer les mots : « des obligations de son cahier des charges, et notamment de la continuité du service public » par les mots : « de ses missions de service public ».
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Il convient de s'entendre sur les termes et de savoir quelle différence nous faisons entre continuité du service public et missions de service public.
Qu'en est-il pour France Télécom, dans le nouveau contexte résultant de l'adoption par notre assemblée des dispositions du projet de loi relatif à la réglementation des télécommunications, que nous avons examiné la semaine dernière ?
La notion de service public a été profondément modifiée...
M. Gérard Delfau. Dénaturée !
M. Louis Minetti. ... par ce texte qui a consisté, pour l'essentiel, à tronçonner ce qui est aujourd'hui constitutif du service public en trois parties apparemment inégales, mais appelées à des évolutions pour le moins divergentes.
Ainsi, par un abus de langage que nous avons relevé, l'opérateur public France Télécom s'est trouvé investi d'un service universel, mais porteur de la plus grande partie des coûts historiques.
C'est en effet France Télécom qui va supporter de manière exclusive le développement des capacités de connexion et de numérotation liées à la mise en oeuvre de la nouvelle numérotation téléphonique à dix chiffres, offrant ainsi les possibilités indispensables au développement des services concédés aux opérateurs privés.
Dès lors, la tentation pourrait devenir forte, dans la logique de gestion privée qui animera, et ce malgré les 51 p. 100 de parts détenues par l'Etat dans un premier temps, le futur conseil d'administration, de recourir à quelques expédients, du type cession d'actifs en vue de réaliser des plus-values susceptibles d'annuler les pertes de marge commerciale liées à la concession de réseaux aux opérateurs privés. Nous savons que ceux qui administrent de grandes sociétés sont très imaginatifs pour trouver de telles solutions.
On peut aussi craindre - tel est le sens de cet amendement - que l'on ne se contente d'une sorte de garantie minimale de continuité du service public, « accrochée » en fait à la vision réductrice du service public que nous propose la notion de « service universel » dont je parlais tout à l'heure.
Il s'agit d'un amendement non pas de détail, mais de fond. Au-delà de la rectification apparemment rédactionnelle qu'il prévoit, il tend à faire avancer l'idée de service public.
M. le président. Par amendement n° 45, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à l'égalité ».
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Il s'agit de permettre à France Télécom de s'opposer à la cession ou à l'apport d'éléments d'infrastructures des réseaux de télécommunications lorsque ceux-ci remettraient en cause le respect du principe d'égalité des usagers devant le service public.
L'article 4 du projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom vise théoriquement à garantir la continuité du service public des télécommunications indépendamment du changement de statut de l'entreprise. Il prévoit, à cet effet, la mise en place d'une procédure spécifique.
Le souci du Gouvernement est, de ce point de vue, légitime. Il est en effet indispensable qu'aucune atteinte au principe de continuité du service public ne soit possible. Le déclassement des biens de France Télécom relevant du domaine public ne doit en aucune manière remettre en cause l'exécution de la mission de service public confiée à l'entreprise.
Mais pourquoi ce souci de la continuité du service public ne s'accompagne-t-il pas du souci d'assurer l'égalité des usagers devant le service public ? Ce sont là deux principes fondamentaux de même valeur. Comment expliquez-vous, monsieur le ministre, le sort différent qui leur est réservé dans le présent projet de loi ?
En refusant d'inscrire le respect de ce principe dans l'article 4 du projet de loi, vous ouvrez la voie à toutes les inégalités : d'une part, aux inégalités d'accès aux réseaux, car aucune garantie n'est apportée aux usagers qui sont installés en dehors des principaux axes de télécommunications ; d'autre part, aux inégalités de traitement des usagers, car la nouvelle société anonyme France Télécom sera amenée à établir une politique tarifaire fondée sur des critères financiers sans se soucier de la péréquation géographique ou de la péréquation sociale.
L'article 4, s'il n'est pas complété par l'amendement que nous proposons, permettra la création, d'un côté, d'un service de télécommunications du pauvre et, de l'autre, d'un service de télécommunications du riche. Il est notamment évident que l'accès aux nouvelles technologies de télécommunications ne profitera pas à tout le monde, et certainement pas dans les mêmes conditions.
J'observe, en terminant, que l'on continue à nous dire que le service public de demain sera le même que celui que nous connaissons aujourd'hui. Or, c'est parce que le service public de demain s'exercera dans un contexte défavorable et parce qu'il ne donnera pas accès à toutes les possibilités nouvelles qu'offriront les télécommunications que sa fonction sera différente et qu'il s'agira d'un service public réduit.
M. le président. Par amendement n° 46, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à l'adaptabilité ».
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement vise à empêcher la cession ou l'apport en société d'éléments d'infrastructures qui porteraient préjudice à l'adaptabilité des réseaux de France Télécom aux réalités modernes.
En effet, il est indispensable, si l'on veut préserver les missions spécifiques du service public, de s'assurer du respect des grands principes qui s'imposent théoriquement à tout gestionnaire d'un service public, et par conséquent à France Télécom.
Comme nous l'avons déjà exposé au sujet de l'amendement précédent, l'article 4 vise à garantir, au moins en théorie, le principe de continuité.
Il est impératif de compléter cet article en y incluant le respect de l'adaptabilité du service public aux réalités et aux nécessités du moment, autrement dit de créer une obligation de développement des moyens du service public et une obligation d'essor technologique afin de répondre de manière satisfaisante aux besoins des usagers.
Un tel ajout rendrait ainsi impossible toute cession ou tout apport qui remettrait en cause cette obligation essentielle d'adaptabilité.
On peut d'ailleurs s'étonner que le Gouvernement n'ait pas jugé utile de faire figurer une telle obligation dans cet article alors même que le Conseil d'Etat a reconnu celle-ci depuis fort longtemps et qu'il a précisé, dans son avis du 18 novembre 1993, que la loi portant création de la société anonyme France Télécom devait, sous peine d'inconstitutionnalité, veiller à ce que soient respectées les missions de service public confiées à cette société.
Or, ce principe d'adaptabilité, au même titre que celui qui est relatif à la continuité du service public, fait partie des conditions indispensables à la bonne exécution des missions de service public.
Notre étonnement est d'autant plus grand que le Gouvernement ne cesse de rappeler l'urgence de cette transformation du statut de France Télécom au nom de l'évolution des technologies modernes. Comment, dès lors, comprendre le silence du projet de loi sur ce principe d'adaptabilité ?
Il nous semble donc indispensable de prévenir toute cession ou tout apport en société qui porterait atteinte à l'adaptabilité des réseaux de télécommunications aux besoins des usagers et priverait ainsi ces derniers des fruits du progrès technologique.
M. le président. Par amendement n° 47, MM. Billard, Leyzour, Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, après le mot : « continuité », d'insérer les mots : « et à la neutralité ».
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Le principe de neutralité auquel les entreprises assurant des missions de service public sont tenues de se conformer est un des principes fondamentaux de notre droit.
D'ailleurs, comment ne pas citer l'avis du Conseil d'Etat en date du 18 novembre 1993 ? A l'époque, le Conseil d'Etat était saisi, par le ministre de l'industrie, des postes et des télécommunications et par le ministre de la fonction publique, dans la perspective d'une transformation en société anonyme de l'exploitant public France Télécom.
Cet avis rappelait : « A cet égard, on doit prendre en considération non seulement les dispositions de la Constitution relatives à l'administration et aux fonctionnaires, mais aussi les diverses lois qui, traditionnellement dans notre droit, ont posé les règles spéciales relatives au statut de la fonction publique et énoncé les garanties fondamentales reconnues aux fonctionnaires, et qui ont eu pour objet essentiel d'assurer la neutralité et la continuité des services publics, reconnues comme des conditions indispensables de la bonne exécution de ceux-ci. »
Vous comprendrez, mes chers collègues, notre volonté de voir inscrit en toutes lettres le non-favoritisme.
C'est pourquoi notre amendement tend à ce que la cession ou l'apport en société d'éléments d'infrastructures du réseau de France Télécom ne puissent être tolérés par l'Etat lorsque l'opération pourrait porter atteinte à la neutralité de l'exercice des missions de service public.
M. le président. Par amendement n° 44, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le mot : « apport », de supprimer la fin du premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Cet amendement pose une question de principe relativement précise et qui appelle des développements circonstanciés pour la résoudre effectivement.
Le texte proposé par l'article 4 pour le premier alinéa de l'article 23-1 de la loi du 2 juillet 1990 dispose : « Lorsqu'un élément d'infrastructure des réseaux de télécommunications est nécessaire à la bonne exécution par France Télécom des obligations de son cahier des charges, et notamment à la continuité du service public, l'Etat s'oppose à sa cession ou à son apport » - nous proposons que le texte du premier alinéa de cet article s'arrête ici - « ou subordonne leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas à la bonne exécution desdites obligations, compte tenu notamment des droits reconnus à France Télécom dans la convention passée avec le cessionnaire ou le destinataire de l'apport. »
Si l'on suit les termes de l'article 4, tel qu'il est rédigé, nous nous trouvons placés dans les conditions de mise en place d'une sorte de Monopoly des fréquences et des droits sur les réseaux de télécommunications qui deviendrait un outil, parmi d'autres, de régulation des contraintes de la concurrence entre opérateurs.
Dans les faits, nous l'avons déjà souligné, la totalité du réseau téléphonique du pays a été réalisée, à la demande de l'Etat, par l'exploitant public France Télécom.
Les nouvelles capacités de numérotation sont ainsi au coeur du débat ouvert sur le développement futur du réseau, dans la mesure où une part importante des capacités concernées va être prochainement mise en distribution auprès des opérateurs privés.
Ces capacités sont largement liées, pour ce qui est de la propriété, aux investissements déjà réalisés par France Télécom et constituent en fait un « produit » que l'exploitant public va en quelque sorte mettre en location pour que les opérateurs privés puissent disposer de capacités de développement qui leur soient propres.
Reconnaissons que, pour une entreprise, il est toujours plus pratique de se développer avec l'argent des autres...
Dans les faits, la question qui nous est posée est très simple : il s'agit de savoir jusqu'où on peut aller dans la cession éventuelle d'éléments d'infrastructure, attendu que certaines des opérations de cession pourraient tout simplement consister à donner aux opérateurs privés, sur certains segments de clientèle, la maîtrise de l'outil technique indispensable à la constitution et à l'existence du réseau.
Cela nous ramène, en fait, au débat ouvert sur la notion de service public, celui-ci étant assimilé de manière réductrice au nouveau service universel, et sur le devenir des éléments du réseau qui seraient susceptibles de ne pas être nécessaires dans l'accomplissement des charges induites par ledit service universel.
La rédaction pour le moins floue de l'article 4 est, en fait, un véritable appel au démembrement de nos infrastructures de télécommunications, au profit exclusif des opérateurs privés qui n'en ont jamais supporté le coût de réalisation.
En fait, dès lors que les obligations du cahier des charges de France Télécom s'avéreront bien moins importantes que les missions de service public aujourd'hui remplies, nous aboutirons naturellement au processus d'élagage de l'actif de France Télécom, confronté par ailleurs au problème de la baisse de sa valeur ajoutée.
On créera en fait globalement les conditions d'une dilapidation du capital de l'entreprise publique, étant donné que, de surcroît, aucune disposition ne précise les modalités éventuelles de telles opérations de cession d'actifs.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons d'adopter cet amendement, qui tend à limiter strictement les possibilités de cession d'actifs dans la gestion quotidienne de France Télécom.
M. le président. Par amendement n° 1 rectifié bis, M. Gérard Larcher au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de remplacer les mots : « leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas », par les mots : « la réalisation de la cession ou de l'apport à la condition qu'ils ne portent pas préjudice ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cet amendement a pour objet de corriger une erreur matérielle.
M. le président. Par amendement n° 48, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, d'insérer un alinéa rédigé comme suit :
« La cession, l'apport en société et la location des cabines téléphoniques de France Télécom situées sur le domaine public sont interdits. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement vise à apporter une précision et des garanties.
En effet, trop d'éléments dans la loi de réglementation des télécommunications adoptée par notre assemblée la semaine dernière et dans ce projet de loi relatif au changement de statut de France Télécom sont de nature à favoriser les opérateurs privés au détriment de l'entreprise nationale.
A l'évidence, les cabines téléphoniques de France Télécom, situées sur le domaine public, sont un des éléments d'infrastructure des réseaux nécessaires à la bonne exécution des obligations de son cahier des charges, notamment à la continuité du service public.
En particulier, les cabines situées dans les gares et les aéroports - ce sont, par définition, des lieux de passage - et qui, de ce fait, sont utilisées de façon quasi ininterrompue, sont des équipements hautement rentables. On comprend que Bouygues, la Lyonnaise des eaux et la Générale des eaux, ou tout autre opérateur privé, soient particulièrement intéressés par leur achat ou leur location. Sans avoir eu à supporter les investissements, elles pourraient les exploiter comme un véritable jackpot .
Ce trafic intense, s'il était ravi à France Télécom, mettrait incontestablement en péril la péréquation tarifaire.
Il nous paraît donc impératif de préciser et de faire figurer les mots « cabines téléphoniques » parmi les éléments d'infrastructure de réseaux et d'ajouter qu'elles ne pourraient, sous quelque forme que ce soit, être soustraites à l'entreprise nationale.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 49, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le premier aliéna du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau filaire. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Cet amendement tend à préserver le réseau filaire de France Télécom pour lui pemettre d'assurer et de maintenir une péréquation tarifaire nationale.
En effet, le projet de loi de réglementation des télécommunications adopté par notre assemblée la semaine dernière obligerait l'opérateur historique à favoriser lui-même l'introduction de ses propres concurrents sur le marché.
A cet égard, les compagnies téléphoniques privées pourraient ainsi se connecter au réseau de l'opérateur public pour un prix dérisoire qui ne tiendrait compte ni de l'entretien du réseau ni du coût de son amortissement. Or, il faut le rappeler, ce réseau a été construit par les contribuables et les usagers. Il appartient à la collectivité nationale.
Il s'agirait donc tout simplement d'offrir une partie du réseau téléphonique à des intérêts privés pour faire de l'argent, tout en mettant en difficulté, à terme, l'opérateur public.
Une telle disposition serait lourde de conséquences pour les usagers, pour l'emploi et pour le développement des télécommunications. Il faut donc éviter cette dérive. C'est pourquoi nous avons proposé cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 50, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, d' insérer un alinéa rédigé comme suit :
« Le réseau filaire de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société. »
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Cet amendement n° 50, qui est tout à fait essentiel pour l'essor du service public, a le mérite de la clarté.
Il prévoit, en effet, d'inscrire dans la loi que le réseau filaire de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société.
Il vise donc à préserver l'outil nécessaire à l'exercice des missions de service public, car France Télécom a besoin de son réseau filaire, qu'il soit en cuivre ou en fibre optique, pour l'exercice de ses missions de service public.
Pour l'avoir longuement dit la semaine dernière, lors de la discussion du projet de loi de déréglementation, nous savons que, dans le système mis en place, l'entreprise publique aura beaucoup plus de contingences à assumer que ses concurrents.
Par conséquent, elle pourrait être tentée de sous-traiter certaines de ses missions à d'autres opérateurs.
Nous savons également que le texte que nous avons examiné la semaine dernière l'oblige à faire droit à de très nombreuses demandes que pourront formuler ses concurrents. Un grand nombre d'opérateurs pourraient alors être tentés de prendre en charge les activités les plus susceptibles de produire les plus gros profits à court terme pour des investissements dérisoires.
Ce type d'activité hautement lucrative est plus connu sous le nom d'« écrémage ».
Notre amendement prend donc tout son sens et tend à interdire la location du réseau par l'entreprise France Télécom, qui n'a pas encore à se comporter comme un simple prestataire de services se contentant de percevoir un droit de « passage » sur son réseau.
En tout cas, ce n'est pas l'image que nous nous faisons de l'avenir de l'entreprise publique et cela ne correspond en rien à sa vocation, car elle a su nous montrer bien d'autres aspects de ses compétences.
Par conséquent, cet amendement tend à mettre des garde-fous à toute éventuelle dérive qui pourrait se traduire par la manière dont le service public de l'eau est géré par les compagnies fermières que nous connaissons bien et qui, chacun le sait, souhaitent s'implanter sur le marché des télécommunications.
M. Gérard Delfau. Hélas !
M. Félix Leyzour. Pour toutes ces raisons, j'invite le Sénat à prendre la précaution de voter notre amendement n° 50.
M. le président. Par amendement 51, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ains rédigé :
« Est réputé incessible le réseau RNIS. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement vise à préserver les atouts dont dispose France Télécom dans l'ouverture à la concurrence et qui lui permettront d'affronter l'avenir dans les meilleures conditions.
Il faut rappeler que, depuis 1987, date de la mise en service du réseau RNIS, France Télécom a lourdement investi dans ce réseau, et cela avec ses seuls moyens. Il serait temps aujourd'hui que l'entreprise puisse, en l'amortissant, recueillir les fruits de ses investissements.
Par ailleurs, ce type de réseau contribue fortement à l'aménagement du territoire, qui est l'une des vocations du service public.
Tel qu'il existe, le réseau Numéris fournit des services dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'acceptabilité, et permet aux usagers qui s'y raccordent de bénéficier d'une équité tarifaire, évitant, par exemple, une discrimination fondée sur la localisation géographique.
Ce type de réseau est naturellement très rentable et suscite de grandes convoitises. Permettre à des groupes privés d'exploiter des infrastructures aussi lourdes aux investissements desquels ils n'ont aucunement contribué nous semblerait mette en difficulté l'opérateur public qui, concurrencé sur son propre terrain, n'aurait plus les moyens de répondre à ses obligations de service public et d'assurer, en particulier, une péréquation tarifaire.
C'est la raison pour laquelle nous proposons avec cet amendement d'empêcher toute possibilité de dessaisir France Télécom d'une partie des infrastructures qu'elle a réalisées.
M. le président. Par amendement n° 52, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, un alinéa rédigé comme suit :
« Le réseau numérique à intégration de services de France Télécom ne peut être ni loué, ni concédé, ni apporté en société. »
La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. L'entreprise publique France Télécom a su développer, depuis une dizaine d'années, son réseau numérique à intégration de services, plus communément appelé RNIS, et qui fournit toute une gamme de services de télécommunications modernes, en particulier à de nombreuses entreprises, collectivités locales, établissements d'enseignement et de recherche et associations.
Au passage, j'observe que l'entreprise publique, financée par ses usagers et par les contribuables, n'a eu besoin, pour réaliser le début de son programme, ni de participations croisées, dont on nous parle tant, ni de l'ouverture de secteurs à la concurrence censée être le moteur universel de tout progrès économique et social. L'entreprise a simplement besoin que l'Etat diminue ou cesse ses ponctions financières incessantes et trop lourdes.
L'essor du réseau RNIS de France Télécom est tout à fait décisif, aussi bien pour l'activité économique que pour l'avenir de l'entreprise publique.
Bien évidemment, ces quelques explications ne peuvent nous suffire, car aucune réelle garantie ne nous a vraiment été apportée au sujet de l'avenir de cette technique.
Nous savons très bien que les opérateurs privés ne disposent ni de la surface financière nécessaire pour la réalisation d'investissements aussi lourds, ni d'une maîtrise suffisante de la technologie applicable. Ils se contentent donc d'attendre France Télécom au coin du bois, si vous me permettez cette expression, d'attendre la révision du contenu du service universel, de ses activités obligatoires ; ensuite, ils se serviront.
Enfin, en ce qui concerne le réseau RNIS, France Télécom et ses concurrents vont jouer au chat et à la souris, l'entreprise publique ne voulant pas s'engager dans des investissements lourds pour qu'ils profitent à l'autre une fois que leur rentabilité sera assurée.
Dans ces conditions, notre amendement n° 52 revêt une grande importance, puisqu'il tend à préserver l'intégrité de ce réseau de France Télécom et à le sortir de l'incertitude où il se trouve actuellement.
M. le président. Par amendement n° 53, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée, un alinéa ainsi rédigé :
« Est réputé incessible le réseau hertzien de France Télécom. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le réseau hertzien est une ressource rare appartenant à l'Etat. Le projet de loi de réglementation des télécommunications prévoit un système d'autorisation précaire pour les utilisations de ce réseau.
Les informations ministérielles qui accompagnent le projet de loi de réglementation des télécommunications mettent en avant l'attrait d'une plus grande compétitivité et son influence sur les prix et le développement des services.
Ce discours, qui sert de fondement à la privatisation et à l'ouverture à la concurrence du secteur public, participe à abuser très largement nos compatriotes.
L'ouverture à Bouygues de la téléphonie mobile n'aura pas les effets attendus, et l'annonce de ses prix d'abonnement par cette société ne nous éloigne pas des prix d'abonnement pratiqués par la concurrence.
Aussi notre amendement tend-il à permettre à France Télécom de reprendre la maîtrise de la téléphonie mobile via le réseau hertzien en indiquant que ce dernier est réputé incessible.
M. le président. Par amendement n° 54 MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, d'insérer un alinéa rédigé comme suit :
« Les réseaux hertziens de France Télécom ne peuvent être ni loués, ni concédés, ni apportés en société. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez sans doute remarqué comme moi les affiches qui couvraient, ces jours derniers, les murs de l'ensemble du réseau RATP - pour ne citer que cet exemple - pour vanter le nouvel univers de Bouygues Télécommunications.
La proximité de notre débat et de cette campagne publicitaire marque sans conteste la nouvelle organisation des services publics qui se dessine dans notre pays : Bouygues Communication, Leclerc Pompes funèbres ou encore Hachette télévision.
Le réseau hertzien de France Télécom mis en place par le secteur public est aujourd'hui utilisé par Bouygues pour la mise en place de services concurrentiels du secteur public en matière de téléphonie mobile.
Notre amendement vise donc à préciser que, s'agissant des réseaux hertziens, ils ne pourront être ni loués ni concédés ni apportés en société.
Tel est le sens de notre amendement que je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter.
M. le président. Par amendement n° 55, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le dernier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 précitée.
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 4 du projet de loi établit donc un droit d'opposition de l'Etat à la cession ou à l'apport d'actifs.
Comme l'explique M. Gérard Larcher dans son rapport, « dans le souci de garantir la continuité du service public, une procédure spécifique est instituée, afin d'éviter toute cession ou apport d'actifs à une autre personne morale qui ferait obstacle à la bonne exécution du service public confié à l'entreprise nationale. L'Etat est ainsi doté du pouvoir de s'opposer à ce type d'opération qui mettrait en cause la mission de service public de France Télécom ».
L'intention est louable, bien que nous pensions qu'il s'agit tout de même de la moindre des choses.
Mais - car il y a un mais - la procédure prévue pour assurer ce contrôle nous semble de nature à ébranler les certitudes affichées par M. le rapporteur.
En effet, le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 23-1, que nous vous proposons de supprimer par notre amendement, dispose que « le cahier des charges de France Télécom fixe les modalités de la procédure d'opposition mentionnée ci-dessus qui est prescrite à peine de nullité de la cession ou de l'apport ».
Nous estimons que cette procédure est trop lourde. Le principe du pouvoir de contrôle de l'Etat étant fixé par la loi, nous estimons qu'inscrire dans le cahier des charges de France Télécom les modalités de la procédure d'opposition de l'Etat à la cession ou à l'apport en société des éléments d'infrastructure des réseaux de télécommunications reviendrait à formaliser à l'excès des modalités qui, je l'ai dit, pourraient l'être par la loi.
Nous estimons que, de ce fait, l'Etat pourrait faire connaître sa décision par simple arrêté ministériel.
Nous vous proposons donc d'adopter notre amendement, pour que la volonté de fond affichée au travers de cet article puisse être réellement applicable.
M. le président. Par amendement n° 56, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, dans le dernier alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 23-1 de la loi n° 90-568 précitée, après le mot : « fixe » les mots : « en tant que de besoin ».
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Notre amendement n° 56 constitue une attitude de repli par rapport à notre amendement n° 55.
Nous proposons que le cahier des charges de France Télécom fixe les modalités de la procédure d'opposition, en tant que de besoin.
Nous estimons - nous l'avons déjà dit - comme superflue la procédure fixée par ce dernier alinéa car, selon nous, l'Etat doit pouvoir, sans lourdeur administrative, jouer son rôle de contrôle en la matière.
De plus, et c'est le second sens quelque peu unique de notre amendement, que restera-t-il à céder, étant donné le contenu du projet de loi que nous examinons qui démunit par avance France Télécom de nombre de ses prérogatives ?
Nous vous proposons donc d'adopter cet amendement à la lumière de cette brève réflexion.
M. le président. Mes chers collègues, la suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

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