M. le président. « Art. 7. - Il est inséré, dans la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, deux articles 15-2 et 15-3 ainsi rédigés :
« Art. 15-2. - Non modifié.
« Art. 15-3. - La présente loi, à l'exception du dernier alinéa de l'article 12, est applicable dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française sous réserve des dispositions suivantes :
« I. - Il y a lieu de lire au premier alinéa de l'article 14 : "agréée dans les conditions fixées par arrêté du haut-commissaire de la République" au lieu de : "agréée dans des conditions fixées par décret".
« II. - Elle s'applique aux contrats de sous-traitance conclus à partir du 1er janvier 1997.
« III. - Supprimé. »
Par amendement n° 1, M. Millaud propose de rétablir le paragraphe III du texte présenté par l'article 7 pour l'article 15-3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 dans la rédaction suivante :
« III. - A l'exception de son article 7, le titre II de cette loi n'est pas applicable aux marchés publics passés au nom de la Polynésie française et de ses établissements publics. »
La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Lors de l'examen du texte en deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur une disposition qui avait été approuvée par le Sénat sur mon initiative.
L'unique raison invoquée par nos collègues députés est que la sous-traitance des marchés est une matière qui relève du droit civil et qui, à ce titre, ne peut être réglementée que par les autorités de l'Etat.
Je ne vois d'ailleurs pas la raison pour laquelle cet argument ne s'appliquerait qu'à la seule sous-traitance. Sans entrer trop dans le détail de la réglementation des marchés publics, qu'il me suffise de rappeler que les marchés publics constituent des contrats écrits et quele droit des constats relève incontestablement du droit civil. C'est donc l'ensemble du droit des marchés publics qui devrait revenir à l'Etat, alors que cette compétence est reconnue expressément à mon territoire depuis l'application du décret-loi du 22 juillet 1957.
D'ailleurs, l'assemblée de la Polynésie française n'a pas attendu l'intervention de la loi du 31 décembre 1975 pour assurer la protection des sous-traitants, puisque c'est par une délibération en date du 3 octobre 1966 qu'elle a institué une réglementation des marchés administratifs passés au nom du territoire.
Pour en revenir au problème de la répartition des compétences entre l'Etat et le territoire, il me paraît nécessaire de citer M. le ministre délégué à l'outre-mer. En effet, répondant au député M. Gaston Flosse, il affirmait - cela figure dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale de la séance du 31 janvier 1996, à la page 477 - qu'il n'y avait aucun doute sur la compétence du territoire en matière de réglementation des marchés publics. Il confirmait aussi que cette matière était bien de la compétence du territoire et non de celle de l'Etat au titre du droit civil.
Je précise, enfin, que les deux assemblées ont accepté de ne pas étendre à la Polynésie française les dispositions de l'article 8 relatives à la sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises.
Dans l'hypothèse où le Parlement n'adopterait pas cette thèse, il va de soi que, pour éviter tout conflit de compétence, l'assemblée de la Polynésie française se verrait contrainte d'abroger toute la partie du code territorial des marchés publics relative à la sous-traitance, ce qui serait dommageable pour les sous-traitants, car notre réglementation est plus précise et plus protectrice pour eux que la loi du 31 décembre 1975.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. A l'occasion de la première lecture de ce texte devant le Sénat, cet amendement avait déjà été déposé par notre collègue Daniel Millaud, et il avait été adopté par le Sénat.
L'Assemblée nationale a exprimé un point de vue différent.
Après un nouvel examen de l'amendement de M. Millaud par l'Assemblée, la commission des lois a décidé d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, aux termes de la loi organique du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, il apparaît que, si le régime juridique applicable aux marchés publics du territoire est inclus dans la sphère de compétence de ce dernier, le droit civil demeure une compétence de l'Etat. Or, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance relève du droit civil. Cependant, son titre II, qui traite du paiement direct du sous-traitant dans le cadre des marchés publics, se situe aux confins des domaines de compétence de l'Etat et du territoire de la Polynésie française.
En outre, exclure ces dispositions du champ de l'extension proposée reviendrait à soumettre les marchés passés par le territoire, d'une part, et par les communes, d'autre part, à deux régimes distincts, ces dernières étant assujetties à la loi précitée.
Enfin, si le seuil déterminant l'obligation de paiement direct du sous-traitant a été aligné sur celui en vigueur en métropole, comme nous le souhaitions, cette harmonisation peut néanmoins être remise en question à tout moment.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis défavorable sur l'amendement n° 1.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Le Gouvernement est partisan d'une position de sagesse.
Monsieur Millaud, j'avais émis un avis favorable sur cet amendement lors de la première lecture de ce texte au Sénat. Toutefois, les observations tant des députés que des spécialistes de ces questions nous incitent à la prudence.
En fait, la question est la suivante : ces dispositions relèvent-elles du droit civil, matière de la compétence de l'Etat, ou du droit des marchés publics, matière de la compétence territoriale ? La réponse n'est pas évidente.
La procédure du paiement direct du sous-traitant instaurée par la loi du 31 décembre 1975 peut en effet s'analyser comme une dérogation au droit des obligations telle qu'elle est définie par le code civil. La circonstance au terme de laquelle cette dérogation trouverait à s'appliquer dans les relations entre un donneur d'ordre public, et non un donneur d'ordre privé, et une entreprise peut-elle dénaturer la loi de 1975 et la faire tomber dans le champ du droit des marchés publics ?
Je rappelle que la loi de 1975 est une protection offerte aux sous-traitants, quel que soit le donneur d'ordre initial. A ce titre, elle ne peut sans doute pas être considérée comme relevant du droit des marchés publics, qui est essentiellement un droit de la concurrence.
Aujourd'hui, le Gouvernement et la commission demandent un vote conforme sur cet article. Cette position me paraît plus sage. Elle évitera surtout des contentieux sur la compétence de l'assemblée territoriale pour prendre une telle délibération, alors que ce texte est très attendu par les acteurs économiques du territoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 1.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Daniel Millaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Je voudrais tout d'abord vous faire part de mon étonnement. Pendant quarante ans, mon territoire a pu être compétent dans ce domaine très ponctuel !
Par ailleurs, je ferai appel à votre sagesse, monsieur le ministre, mes chers collègues. Il ne faut pas oublier que notre assemblée territoriale prend des délibérations qui, sur le plan constitutionnel, ont valeur réglementaire. Par conséquent, si nos délibérations s'écartaient du code civil, le tribunal administratif local ne demanderait alors pas mieux que de les annuler ! Il faut en effet lui mettre un peu de pain sur la planche ! (Sourires.)
Enfin, s'agissant des communes, pourquoi ne pas leur étendre l'application des délibérations de l'assemblée territoriale dans ce domaine très particulier ?
La sagesse est donc d'adopter l'amendement n° 1 et de ne pas mener une politique inconséquente qui, dans quelques années, sera encore remise en cause, car on se sera alors aperçu de l'erreur qui a été commise.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Monsieur le sénateur, l'objectif tant du législateur que du Gouvernement est non pas de donner du grain à moudre au tribunal administratif, mais de faire en sorte que les conflits ne naissent pas des positions ambiguës que nous pourrions prendre.
M. Daniel Millaud. Ça marche depuis quarante ans !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 10 quater