M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce texte tend à répondre à des situations souvent dramatiques en améliorant les conditions dans lesquelles l'adoption s'accomplit.
Les explications de nos rapporteurs ont été parfaitement éclairantes et m'ont convaicu que, avec tous mes collègues du groupe du RPR, je devais voter sans hésiter cette proposition de loi.
Nous le ferons d'autant plus volontiers que, tout au long de la discussion, M. le secrétaire d'Etat a souvent répondu de manière très positive aux propositions de nos rapporteurs.
Ce texte représente un progrès que nous souhaitons tous.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Nous ne voterons pas cette proposition de loi, et cela pour trois raisons majeures.
La première tient au hiatus que nous constatons entre les propos et le texte. D'un côté, on affirme le souci de l'intérêt de l'enfant, la volonté de faire en sorte qu'il se développe aussi harmonieusement que possible et, d'un autre côté, le texte protège les parents adoptants de tout risque qui pourrait naître de la satisfaction donnée à l'enfant désirant connaître ses origines.
La deuxième raison, c'est l'absurdité - je ne crains pas d'employer ce mot - qu'il y a selon moi à refuser à des concubins la possibilité d'adopter un enfant, quand une personne seule peut le faire.
Une personne vivant en concubinage mais se déclarant comme vivant seule ne pourra pas adopter, car une enquête sera menée avant que ne soit accordé l'agrément.
En revanche, une personne vivant seule pourra adopter un enfant et se mettre en concubinage ultérieurement.
Non seulement cette disposition est absurde, mais elle est au rebours de l'évolution de notre société, où la vie d'un couple de concubins ne se distingue guère de celle d'un couple dit « légitime ». Veut-on faire en sorte que chacun, désormais, suive la voie qui a été tracée lorsque la société était toute différente ? Veut-on revenir à un état figé de la société ?
Enfin, l'essentiel, pour nous, était tout de même de créer les conditions permettant à un enfant ayant atteint l'âge de discernement, au moment où il ressent fortement le besoin de lever quelques ambiguïtés dans sa situation familiale, de connaître ses origines sans avoir le moins du monde, car les entretiens que nous avons eus avec des enfants adoptés le montrent à l'évidence, le désir de rompre avec la famille au sein de laquelle il a trouvé effectivement un accueil toujours chaleureux et familial.
Ces enfants ressentent un trouble ; ils ont le désir et ils exigent même parfois de connaître leurs origines, surtout lorsque des caractères physiques mettent en évidence des différences.
Ces trois arguments sont suffisamment forts pour que, tout en reconnaissant que des tentatives ont été faites, au moins dans les discours et parfois dans la proposition de loi elle-même, le groupe socialiste vote contre cette dernière.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Comme en première lecture, le groupe communiste républicain et citoyen votera cette proposition de loi, même si elle ne permet pas, selon nous, de résoudre tous les problèmes liés à l'adoption, mais, il faut avoir l'humilité de le reconnaître, certains d'entre eux sont délicats.
Tout le monde s'accorde ici à reconnaître que l'adoption est avant tout l'affaire de l'enfant et qu'elle doit respecter ses droits et sa personnalité. Je voudrais, pour ma part, répéter que, pour l'enfant, si l'adoption permet de construire une famille autour de ses parents adoptifs, il n'en reste pas moins qu'elle n'occulte pas la souffrance indélébile de l'abandon et de la quête de son identité, et ce quels que soient les éléments connus ou non. La loi ne peut privilégier l'un de ces aspects par rapport à l'autre.
Par ailleurs, je regrette aussi que la loi ne permette pas aux couples non mariés d'adopter un enfant. Il s'agit là d'un manque de logique par rapport à l'évolution de la loi elle-même dans d'autres domaines et à la réalité des couples d'aujourd'hui.
Néanmoins, nous ne pouvons nous dérober à nos responsabilités et je crois pouvoir dire sincèrement, au terme de notre débat, que le Sénat aura su préserver les intérêts de l'enfant.
Nous voulons répondre à l'attente des familles désirant mettre en oeuvre un projet d'adoption ou ayant déjà adopté un enfant en votant cette proposition de loi. Nous n'en souhaitons pas moins que d'autres textes permettent d'améliorer encore les conditions d'adoption en tenant compte, notamment, des évolutions de la société.
M. le président. La parole est à Mme ben Guiga.
Mme Monique ben Guiga. Nous allons, avec regret, voter contre ce texte parce qu'il est réellement très en retrait par rapport aux objectifs qu'il affiche.
Ce blocage résulte essentiellement, selon moi, de la conception traditionnaliste de la famille qui affleure à chaque instant et qui amène à refuser aux couples de concubins le droit d'adopter un enfant, alors qu'ils ont parfaitement le droit de donner la vie. Aujourd'hui, en effet, un tiers des enfants naissent dans un foyer de concubins.
Ce blocage tient également au refus de revaloriser l'adoption simple, ce qui est lié à l'idée selon laquelle l'enfant est tout de même un peu la propriété de ses parents. Or, avec l'adoption simple, il ne l'est pas. Comme je l'avais souligné lors de mon intervention liminaire, l'adoption internationale, dans ces conditions, est plus difficile à mettre en oeuvre.
Je crois que ce texte, contrairement aux intentions affichées, n'a pas modifié substantiellement les conditions requises pour l'adoption. Il n'a pas mieux affirmé les droits de l'enfant, en tout cas pas son droit à connaître son histoire au moment où il sera apte à l'entendre et où il le souhaitera.
Je ne vois pas non plus en quoi ce texte, contrairement à ce qui avait été annoncé, permettra de mieux lutter contre les échecs en matière d'adoption. Aucune disposition ne permet en effet d'atteindre cet objectif. Nous regrettons donc de devoir voter contre cette proposition de loi, mais elle n'améliore pas suffisamment notre législation en la matière.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. La majorité du groupe du RDSE, comme à son habitude, votera le texte qui lui est présenté, mais la minorité que je représente ici et qui regroupe les sénateurs membres de Radical s'abstiendra en deuxième lecture comme elle l'avait fait en première lecture.
Je ne reviens pas sur les points de désaccord que j'ai développés en première lecture et que j'ai repris aujourd'hui, à savoir le problème des concubins, le droit d'avoir accès à ses origines et celui, pour la mère, de donner sous le sceau du secret des renseignements identifiants. Ces éléments, qui sont, pour moi, essentiels, justifieraient que je ne vote pas ce texte.
Toutefois, nous avons enregistré quelques avancées par rapport à la première lecture. Je suis satisfaite, pour ma part, que la commission ait repris à son compte le délai de rétractation de trois mois, et je compte qu'elle fasse preuve de fermeté à ce sujet.
Par ailleurs, bien qu'il comporte des ambiguïtés, l'amendement tendant à permettre à la mère de revenir sur sa décision de garder l'anonymat constitue un premier progrès.
J'espère, comme Mme Borvo, que nous pourrons à l'avenir améliorer encore ce texte sur certains points. En conclusion, je m'abstiendrai sur cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Reux.
M. Victor Reux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette deuxième lecture, permettez-moi de rappeler que cette proposition de loi reprend les principales orientations définies par le rapport remis au Premier ministre par notre collègue député, M. Jean-François Mattei.
Sans bouleverser les règles de fond relatives à la filiation adoptive, il tend à faciliter l'adoption en modifiant certaines de ses conditions légales.
Il vise également à modifier les codes sociaux afin d'améliorer la situation des adoptants, des enfants pupilles de l'Etat et des adoptés.
Notre collègue M. Luc Dejoie, rapporteur de la commission des lois, avait souligné, lors de la première lecture, que trois grands principes avaient guidé sa réflexion, à savoir l'intérêt supérieur de l'enfant, l'humilité et, enfin, l'idée qu'il fallait non pas changer pour changer mais tendre à la meilleure efficacité possible.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, avait, quant à lui, souligné les grandes lignes qui avaient guidé ses travaux. Il s'agissait de simplifier les procédures et de réduire les délais, de garantir l'équité et le droit de chacun, et, enfin, d'allier prudence et humanité.
Nos deux rapporteurs, par ces propos, ont parfaitement résumé la philosophie des travaux de la Haute Assemblée.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Lucien Neuwirth, rapporteur pour avis. Je tiens à répondre plus particulièrement à nos collègues Mme Borvo et M. Sérusclat.
J'ai, comme M. Sérusclat, et peut-être un peu plus que lui, un long parcours législatif. Or, je n'ai pas d'exemple d'une loi de société qui n'ait été améliorée au fil des mois, voire des années - il en va ainsi de ce type de loi - même si c'est à l'occasion de ce que l'on appelle des cavaliers budgétaires ou de lois portant diverses dispositions d'ordre social.
Nous devons nous demander si ce texte représente une avancée. Oui, c'en est une et je suis convaincu que le premier rapport qui nous sera présenté par le ministère nous permettra d'avoir une photographie fidèle de l'évolution de la situation. Nous nous sommes tous amplement et très ouvertement exprimés à ce sujet.
Je suis donc convaincu que ce texte constitue une avancée mais l'ouverture qu'il permet, et c'est là l'essentiel, entraînera d'autres avancées. J'y crois profondément et c'est la raison pour laquelle nous nous sommes tellement investis pour tenter de franchir un certain nombre d'obstacles qui empêchaient les deux tiers des enfants pupilles de l'Etat d'être adoptés.
M. Emmanuel Hamel. Nous partageons vos convictions et vos espoirs !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Mme Joëlle Dusseau. Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen s'abstient.

(La proposition de loi est adoptée.)

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