M. le président. M. Ivan Renar attire l'attention de M. le ministre de la culture sur le non-versement de l'intégralité de la subvention d'Etat aux quotidiens à faibles ressources publicitaires.
En effet, cette subvention a été instituée voilà plus de quinze ans pour compenser partiellement les difficultés spécifiques des quotidiens ne bénéficiant que de faibles ressources publicitaires.
Lors de l'examen de la loi de finances de 1996, une hausse de 50 p. 100 de cette aide a été votée par le Parlement. Or il s'avère que seule une partie de cette enveloppe a été versée, le manque à gagner pour les quotidiens concernés s'élevant à 3,6 millions de francs.
Derrière ces chiffres, ce sont le respect du pluralisme des titres et la survie de certains journaux qui sont menacés.
En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour que soit versée l'ingralité du fonds d'aide. (N° 451.)
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le fonds d'aide aux quotidiens nationaux d'information générale et politique à faibles ressources publicitaires a été créé voilà plus de quinze ans pour compenser les difficultés des quotidiens qui ne bénéficient que de faibles recettes publicitaires et qui vivent pour l'essentiel des produits de leurs ventes.
Ce fonds est financé par une taxe prélevée sur les recettes publicitaires à la télévision.
Le Parlement avait voté, lors de l'examen de la loi de finances de 1996, une somme atteignant 19,3 millions de francs. Aujourd'hui, la totalité de ce fonds n'a pas été versée aux journaux concernés.
Ainsi, La Croix subit un manque à gagner de près de deux millions de francs et L'Humanité de 1,3 million de francs. Au total, 3,6 millions de francs n'auraient pas été versés.
Cette situation soulève deux problèmes.
Le premier relève une nouvelle fois des rapports entre le pouvoir exécutif et le Parlement, ce qui n'est, hélas ! pas nouveau.
Le second a trait bien évidemment à la situation financière des quotidiens concernés. Si l'ensemble de la presse écrite quotidienne est confrontée à de très grandes difficultés, les titres que je viens de citer le sont plus encore, car ils sont privés d'importantes recettes publicitaires.
Exiger le versement intégral des sommes dues n'est qu'un minimum. En effet, chacun sait que la taxe prélevée sur les recettes publicitaires de la télévision rapporte déjà à peu près trois fois plus que le fonds d'aide.
En 1995, la promesse avait été faite de doubler ce fonds eu égard à l'aggravation des difficultés. En définitive, l'augmentation n'aura été que de 50 % en 1996. Or voilà que l'Etat n'en verse pas l'intégralité, et ce au moment où le CSA accorde à TF1 une nouvelle coupure pubicitaire, ce qui représentera entre 400 millions de francs et 800 millions de francs de recettes publicitaires, pénalisant une nouvelle fois la presse écrite.
Mme Chaussebourg, directrice déléguée du Monde, déclarait dans une interview que « la presse souffre de la disparition de ses titres, donc d'une réduction du pluralisme ».
En effet, l'aide à la presse est non pas une aide aux journaux en tant que telle, mais une aide à ce pluralisme. J'ai insisté ici même à plusieurs reprises sur cette notion d'aide à la presse qui, en fait, est un concours de l'Etat à l'exercice de la démocratie.
J'ai lu, monsieur le ministre, que vous proposiez la réunion d'une table ronde sur les aides à la presse. L'urgence de la situation l'exige certainement, mais nous avons déjà eu de nombreuses tables rondes. Il faut également que l'Etat tienne ses engagements. On ne peut à la fois manquer à la parole donnée, baisser les crédits, comme cela est proposé pour 1997, et s'inquiéter du sort et de l'avenir très sombre de la presse.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture. Monsieur le sénateur, les quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires ont perçu au total, en 1995, 12,516 millions de francs au titre du fonds d'aide que vous venez d'évoquer.
Pour 1996, une augmentation substantielle des crédits de ce fonds a été adoptée par le Parlement, puisque la dotation a progressé de 50 % par rapport à 1995. Le Gouvernement avait proposé cette mesure notamment en raison de l'augmentation, prévisible à l'automne de 1995, du nombre de journaux bénéficiaires de ce type de crédits. Les faits n'ont toutefois pas confirmé cette prévision uniquement parce que Infomatin a cessé de paraître au début de l'année.
Le montant de cette subvention avait été fixé en tenant compte d' Infomatin. Bien que ce titre ait disparu au début de l'année, les crédits ont tout de même progressé de 50 %.
En conséquence, les trois quotidiens bénéficiant en 1996 de cette aide, à savoir L'Humanité, Présent et La Croix , ont, en fait, reçu cette année une somme nettement plus élevée qu'en 1995. En effet, en dépit des mesures de régulation budgétaire que vous avez évoquées, l'aide à l'exemplaire a progressé de 25,3 %.
C'est ainsi que les journaux La Croix, L'Humanité et Présent ont respectivement perçu 8,8 millions de francs, 6 millions de francs et 700 000 francs, contre 6,9 millions de francs, 4,9 millions de francs et 600 000 francs l'année dernière.
Cette somme, qui n'est que le surcroît d'aide, est supérieure, par exemple, au prix total payé par ces journaux pour leur transport postal sur une année. En effet, le fait pour un journal de bénéficier du fonds d'aide aux journaux à faibles ressources publicitaires lui permet aussi de profiter d'un tarif postal extrêmement faible puisqu'il est de 9 centimes l'exemplaire.
Je suis, comme vous, attaché, au respect du pluralisme des titres et je veillerai, je puis vous l'assurer, à ce que la subvention d'Etat aux quotidiens à faibles ressources publicitaires soit maintenue à un niveau satisfaisant.
M. Ivan Renar. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous, il s'agit d'une question de justice, mais, pour être juste, l'aide doit être inégalitaire. On n'insistera jamais assez sur le fait que le fonds en question est destiné à faire face aux difficultés spécifiques des quotidiens qui ont de faibles recettes publicitaires parce qu'ils affichent clairement leur couleur ou leur opinion.
Mais, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur l'habitude qui se crée de ne pas verser l'intégralité de l'aide. En 1995 déjà, sur les 13 millions de francs prévus, 12,6 millions de francs seulement ont été versés. La différence, apparemment peu sensible, est toutefois importante compte tenu de la situation actuelle.
Le non-versement cette année de l'intégralité de l'aide reviendrait à hypothéquer l'avenir d'autant que les perspectives sont très sombres si l'on se réfère au projet de loi de finances pour 1997 dont nous allons bientôt débattre. En effet, l'aide à la presse diminue en dépit de la création du fonds d'aide au développement du portage.
Cette baisse ajoutée à la suppression de l'abattement de 30 %, à la baisse du lectorat, à la diminution des recettes publicitaires, au surcoût occasionné par les renégociations avec La Poste sur le coût du transport et aux conséquences encore visibles de la hausse du coût du papier rend la situation de la presse critique.
Je ne puis donc que souscrire aux propos de Bernard Porte, président du directoire de Bayard-Presse, qui écrivait, dans La Croix du 24 octobre 1996, à propos de la proposition d'une nouvelle table ronde : « Le temps cependant nous est compté... Dans l'état actuel de faiblesse économique de notre profession, et compte tenu de la tendance de fond de l'effritement de son lectorat, le droit à l'erreur n'existe pas. »
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